Observatoire de la vigne sauvage

© CNRS Photothèque / IVORRA Sarah
© CNRS Photothèque / IVORRA Sarah

Contexte

La diversité biologique de la vigne en Languedoc et Roussillon, connue surtout sous les traits de cépages supposés autochtones (Aspiran, Clairette, Piquepoul…) ou de cépages réputés naturalisés pour leurs qualités et leur adaptabilité (Cabernet, Chardonnay, Syrah…) ne se limite pas à la vigne cultivée (Vitis vinifera L. susbp. vinifera). Elle est également représentée par Vitis vinifera L. subsp. sylvestris (C.C.Gmel.) Hegi, ancêtre sauvage de l’ensemble des cépages cultivés dans le monde (This et al., 2006 pour revue), dont trois populations situées dans l’Hérault (Pic Saint-Loup), l’Aude (Puivert, Pays de Sault) et les Pyrénées Orientales (massif des Albères) sont parmi les plus spectaculaires de France.

La vigne sauvage (ou lambrusque) est une liane héliophile dioïque (la vigne cultivée est en très grande majorité hermaphrodite) dont les individus femelles produisent généralement des baies noires. Ses habitats de prédilection sont les lisières de forêts mésophiles décidues et semi-décidues, les zones alluviales (situation ripicole) et colluviales (zones caillouteuses et éboulis). Elle se distribue depuis l’Europe occidentale jusqu’à l’Iran. Elle couvre l’ensemble du Bassin méditerranéen, excepté les zones infra-méditerranéennes et non-méditerranéennes les plus méridionales. Son aire de répartition très fragmentée se limite à des populations disjointes dont l’effectif semble très faible, du moins en Méditerranée nord occidentale.

Deux facteurs majeurs expliquent le morcellement de l’aire de distribution. Le maintien de la vigne sauvage dans son milieu est largement tributaire de la dynamique forestière et de la permanence de ses habitats naturels qui ont été, et sont plus que jamais, largement perturbés par les activités humaines. L’introduction au 19ème siècle du phylloxéra et d’autres ravageurs a eu un impact considérable sur les cépages cultivés et sur les populations sauvages. De plus, les populations sont menacées génétiquement par introgression de gènes via la production pollinique des vignobles environnants (This et al., 2001 ; Di Vecchi-Staraz et al., 2009). Ainsi, les populations actuelles sont fragiles et leur pérennité compromise. Leur sauvegarde représente donc un enjeu majeur de conservation de biodiversité et de ressources biologiques.

Objectifs

La Tâche d’Observation proposée intègre un axe de recherche développé à l’ISEM en collaboration avec d’autres unités montpelliéraines (UMR AGAP / conservatoire de vigne de Vassal, Marseillan) et étrangères (Institute for Prehistory and Archaeological Sciences, Basel, Suisse notamment) qui vise à approfondir et à amplifier les travaux menés ces dix dernières années sur la diversité biologique de la vigne et la dynamique historique du patrimoine viticole du Languedoc Roussillon.

Les enjeux de cette TO sont à la fois scientifiques, environnementaux, territoriaux, économiques et culturels. Le monitoring à long terme des populations sauvages et la préservation des habitats sont motivés par des exigences de sauvegarde de biodiversité. Ces populations constituent également des réservoirs de gènes à explorer, à préserver et à valoriser en vue de programmes d’amélioration variétale à venir. Enfin, appréhender l’histoire de la constitution d’un patrimoine exceptionnel doit représenter une plus-value économique qui devrait se matérialiser par une meilleure attractivité de la production vinicole régionale en France et à l’étranger.

S’articulant autour de diverses approches issues des sciences de la vie, des sciences de l’environnement et des sciences de l’Homme de la société, les objectifs scientifiques de cette tâche d’observation se déclinent en quatre composantes interconnectées :

  1. Inventorier, référencer, cartographier, échantillonner et analyser les ressources biologiques de la vigne sauvage en Languedoc Roussillon. Il s’agira ainsi de dresser un inventaire le plus exhaustif possible de sa situation démographique, écologique et sanitaire. La TO s’appuiera sur des campagnes régulières de terrain, sur la collecte et la mesure de descripteurs ampélographiques (transférables à du matériel bio-archéologique), la synthèse de nombreuses données issues de divers champs exploratoires : géographie, écologie et biologie.
  2. Mettre en place et pérenniser le « monitoring » à long terme de populations en relation avec les stratégies de conservation (cf. point 3),
  3. Élaborer des stratégies de préservation des habitats et de conservation des ressources biologiques en intégrant des données descriptives et exploratoires (écologiques et traits quantitatifs),
  4. Exploiter les données acquises en termes de conservation de ressources biologiques et de valorisation patrimoniale (archéologie et histoire).
  5. Partager et diffuser les données et les ressources cartographiques.

Observations

Réalisation d’un inventaire exhaustif et géo-localisation des individus de la population du Pic St Loup (Hérault)

La population sera suivie durant une phase test de 5 ans. Selon les résultats obtenus et les moyens mobilisables, la tâche d’observation s’élargira à une ou deux autres populations remarquables (Puivert, Aude et Massif des Albères, Pyrénées Orientales).

La mise en place d’un SIG permettra de cartographier les individus en intégrant différentes données et diverses sources : coordonnées géographiques, cartographie, photographie aérienne, données écosystémiques. L’objectif majeur de ce projet réside dans la possibilité offerte aux chercheurs de réaliser des analyses sur leurs données biologiques, environnementales et historiques spatialisées et organisées sous forme de base de données.

La mise en place du SIG (ArcGIS) s’organise depuis la collecte, la mise en forme (formats, attributs), l’intégration des données sources (géo-référencement, jointure spatiale et attributaire…) jusqu’aux données complémentaires (ressources cartographiques anciennes (Cadastres par exemple), données physiques/géomorphologiques (altimétrie/relief, climat, géologie), photographies aériennes, données d’occupation du sol, données archéologiques) et d’autres issues d’analyses connexes (détaillées ci-après).

Description des individus de ces populations

La description des individus de ces populations, leur suivi à long terme (« monitoring »), phénologique, sanitaire, de croissance, de stress (notamment lié aux ressources hydriques), démographique, s’intègreront dans un cadre éco-systémique plus général qui prendra en compte divers paramètres écologiques abiotiques ou biotiques de la zone d’étude.

La description et l’exploration des individus seront réalisées à travers l’examen et la mesure de traits (caractères ampélographiques) définis par l’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin.

A ces caractères, s’ajoutent des descripteurs mis au point à l’ISEM (Terral et al., 2010 ; Picq, 2012). Ils concernent :

  •  la description de la structure morphologique de l’inflorescence (taille, architecture, nombre de fleurs…),
  •  le sexage des individus (mâles ou femelles) dont certains peuvent présenter un sexe labile et une caractérisation morphométrique (taille et forme du gynécée pour les individus femelles et hermaphrodites),
  •  la description du pollen (taille et forme) et l’évaluation de vitalité, de viabilité et de fertilité (expériences de « germination » en laboratoire après coloration / calcul de taux de « germination »),
  •  une caractérisation morphométrique de la graine dont la structure morphologique est décrite à l’aide de traits quantitatifs : descripteurs de taille (mensurations) ou géométriques (voir Terral et al., 2010 ; Picq, 2012 – Figure 2).

Suivi à long terme des individus (à partir d’un sous échantillonnage)

  • phénologie des individus : débourrement, floraison, maturité des fruits,
  • état sanitaire,
  • croissance et caractérisation des stress environnementaux à l’aide de la mesure de caractères anatomiques du bois formé dans l’année (largeur du cerne, largeur du bois initial et largeur du bois final, conductivité hydraulique, fréquence et densité des rayons ligneux) (Terral, 2002 ; Travaux en cours de Bertrand Limier, Technicien / Diplôme EPHE),
  • sexage et fertilité du pollen pour les individus mâles et hermaphrodites.
  • suivi démographique. La mise en place d’une base de données associée qui compilera les différentes ressources accumulées, assurera leur sauvegarde et permettra leur exploitation et leur valorisation

 

Variables Essentielles de Biodiversité : Allelic diversity, Phenology, Physiological traits

Données

Les données de suivis sont en diffusion libre sur simple demande.  L’espèce suivie – V. vinifera sylvestris – étant une espèce protégée par décret, la localisation des stations de suivis n’est pas publique. Les données sont partagées avec les collaborateurs directs (INRA, ONF).

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Contact

Jean-Frédéric Terral

Directeur Adjoint

Tel
+33 (0)4 67 14 41 04

Equipe

  • Jean-Frédéric Terral
  • Sarah Ivorra (IE CNRS),
  • Bertrand Limier (Tech. INRA détaché à l’ISEM),
  • Laure Paradis (IE CNRS),
  • Thierry Pastor (ADT UM)