Chambre Jugement n° 2018-0011 Audience publique du 22 février 2018 Prononcé du 8 mars 2018 | COMMUNE DE WAMBRECHIES (Nord) Poste comptable : CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES DE SAINT ANDRE Exercice : 2015 |
République française
Au nom du peuple français
La chambre,
Vu le réquisitoire en date du 8 novembre 2017par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. Pierre X, comptable de la commune de Wambrechies au titre d’opérations effectuées sur l’exercice 2015, notifié le 20 novembre 2017 ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable de la commune de Wambrechies par
M. Pierre X du 1er janvier au 31 décembre 2015 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu l’arrêté du 25 juillet 2013 portant application du premier alinéa de l’article 42 du
décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique et encadrant le contrôle sélectif de la dépense ;
Vu le rapport de Mme Gasser-Sabouret, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
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Vu les conclusions du procureur financier ;
Vu les pièces du dossier et, notamment, les pièces produites par M. Pierre X le
29 novembre 2017 ainsi que les observations de M. Daniel Y, maire de Wambrechies, enregistrées le 5 décembre 2017 ;
Entendus lors de l’audience publique du 22 février 2018, Mme Gasser-Sabouret, premier conseiller, en son rapport, et M. Fabrice Navez, procureur financier, en les conclusions du ministère public ; M. Pierre X, comptable mis en cause, et M. Daniel Y, ordonnateur en fonctions, informés de l’audience, n’étant ni présents ni représentés ;
Entendu en délibéré, M. Stéphane Magnino, premier conseiller, réviseur, en ses observations ;
Sur la présomption de charge unique soulevée à l’encontre de M. Pierre X, au titre de l’exercice 2015 :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes Hauts-de-France de la responsabilité encourue par M. Pierre X pour avoir procédé au paiement, par divers mandats de paie émis en 2015, repris en annexe de « l’indemnité d’administration et de technicité – IAT » à M. Matthieu Z, animateur territorial rémunéré sur la base d’un indice brut supérieur à 380, pour un montant total de 4 709,40 € au titre de l’exercice 2015 ;
Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations
Sur le droit applicable
Attendu qu’aux termes des dispositions du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 « […] les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables […] du paiement des dépenses […]. Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière […] de dépenses […] dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors […] qu’une dépense a été irrégulièrement payée […] » ;
Attendu que l’article 19 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, prévoit qu’il incombe aux comptables, notamment s’agissant des ordres de payer, d’exercer le contrôle « […] de la validité de la dette dans les conditions prévues à l’article 20 » ; que l’article 20 du même décret précise que « Le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : 1° La justification du service fait ; 2° L’exactitude de la liquidation ; 3° L’intervention des contrôles préalables prescrits par la réglementation ; […] ;
5° La production des pièces justificatives ; 6° L’application des règles de prescription et de déchéance. » ;
Attendu que pour apprécier la validité des dettes, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications ; qu’à ce titre, il leur revient d’apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée ; que pour établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l’ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en deuxième lieu, si ces pièces sont, d’une part, complètes et précises, d’autre part, cohérentes au regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable et de la nature et de l’objet de la dépense telle qu’elle a été ordonnancée ;
Attendu qu’aux termes de la rubrique 210223 « Primes et indemnités » de l’annexe I du code général des collectivités territoriales, le comptable doit être en possession, au moment du paiement, des pièces justificatives suivantes : « 1. Décision de l’assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen des indemnités ; 2. Décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination fixant le taux applicable à chaque agent » ;
Sur les faits
Attendu qu’il résulte de l’instruction que le comptable mis en cause disposait, au moment des paiements, d’une décision nominative et d’une délibération du conseil municipal en date du 12 juin 2008 relative aux modalités de versement de l’IAT ; que ladite délibération ne prévoit pas de régime dérogatoire et limite le versement de cette indemnité aux animateurs dotés d’un indice majoré jusqu’à 380 ;
Sur les éléments apportés à décharge par le comptable et l’ordonnateur en fonctions
Attendu que, dans sa réponse, le comptable mis en cause ne conteste pas les faits ; qu’il reconnaît que l’agent a été recruté comme animateur à l’indice brut 347 avec un maintien de rémunération se référant à sa situation antérieure où il bénéficiait d’un indice majoré de 389, correspondant à l’indice brut 442 ; que la commune a reporté cet indice majoré dans les bulletins de paie de l’intéressé ;
Attendu que, dans sa réponse, l’ordonnateur en fonctions fait état du maintien de rémunération à l’indice brut 389 ; qu’il évoque également la notion d’un indice brut réel de carrière de 360 ; que cet argument ne saurait être pris en compte étant donné que deux indices différents ne peuvent s’appliquer à un même agent ;
Sur l’application au cas d’espèce
Attendu que la délibération précitée du 12 juin 2008 ne pouvait constituer la pièce justificative attendue pour le paiement des indemnités d’administration et de technicité à M. Z, celui-ci ne remplissant pas, au moment des paiements, les conditions exposées dans ladite délibération ;
Attendu que le comptable mis en cause ne disposait pas de l’ensemble des pièces justificatives requises pour contrôler la validité de la dette ; que dès lors, le comptable ne s’est pas assuré de disposer de l’ensemble des pièces justificatives requises pour contrôler la validité de la dette ; qu’ainsi, en l’absence de justifications suffisantes, M. Pierre X aurait dû suspendre le paiement considéré et demander toutes précisions à l’ordonnateur, conformément à l’article 38 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 susvisé ; qu’il a donc manqué à ses obligations de contrôle de validité de la dette et a ainsi engagé sa responsabilité au titre de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
Attendu que, selon l’article 60 susvisé de la loi du 23 février 1963 modifiée, « la responsabilité personnelle et pécuniaire prévue au I est mise en jeu par le ministre dont relève le comptable, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes dans les conditions qui suivent » ; que « lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […] le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
Attendu qu’un préjudice financier résulte, notamment, du paiement d’une dépense indue donnant lieu à une constatation dans la comptabilité de l’organisme et se traduisant par un appauvrissement patrimonial de la personne publique ;
Attendu que le comptable mis en cause ne conteste pas le fait que le versement de l’IAT à
M. Z était constitutif d’un préjudice financier ;
Attendu que l’ordonnateur en fonctions indique que la commune n’a subi aucun préjudice financier ; que les sommes versées au titre de l’IAT l’auraient été au titre de l’indemnité d’exercice des missions de préfecture (IEMP) et de l’indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS) ; que ce moyen doit être récusé en l’absence de compensation entre indemnités ;
Attendu que le défaut de contrôle de la validité de la dette a conduit le comptable mis en cause à payer une dépense qui n’aurait pas dû l’être compte tenu de l’absence de pièces fondant juridiquement la dépense et que la compensation entre indemnités évoquée par l’ordonnateur ne saurait établir l’absence de préjudice financier dont l’appréciation relève du seul juge des comptes ; qu’ainsi, le manquement du comptable a causé un préjudice financier à la commune de Wambrechies ;
Attendu qu’il y a donc lieu de constituer M. Pierre X débiteur de la commune de Wambrechies pour la somme de 4 709,40 € au titre de sa gestion au cours de l’exercice 2015 ; qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le
20 novembre 2017, date à laquelle M. Pierre X a eu connaissance, de façon certaine, de l’existence du réquisitoire ;
Sur le respect des règles de contrôle sélectif de la dépense
Attendu que le IX de l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée dispose que « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l’appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l’obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ;
Attendu qu’il résulte de l’instruction qu’un plan de contrôle sélectif des dépenses relatif à la paye pour l’exercice 2015 a été établi par le comptable public ; que ledit plan ne prévoit pas de contrôle spécifique à l’IAT ; que la mise en œuvre du plan de contrôle sélectif des dépenses n’est pas démontrée ; que, dès lors, les mandats concernés auraient dû faire l’objet d’un contrôle exhaustif ; qu’ainsi, la remise gracieuse susceptible d’être accordée par le ministre chargé du budget ne pourra avoir pour effet de laisser à la charge du comptable une somme inférieure à trois pour mille du cautionnement lié au poste comptable, soit, en l’espèce, 531 € ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1 : Au titre de l’exercice 2015, sur la présomption de charge unique:
M. Pierre X est constitué débiteur de la commune de Wambrechies de la somme de 4 709,40 €, augmentée des intérêts de droit à compter du
20 novembre 2017. La remise gracieuse susceptible d’être accordée par le ministre chargé du budget ne pourra avoir pour effet de laisser à la charge du comptable une somme inférieure à trois pour mille du cautionnement lié au poste comptable.
Article 2 : La décharge de M. Pierre X du 1er janvier au 31 décembre 2015, ne pourra être donnée qu’après apurement du débet fixé à l’article 1.
Fait et jugé par M. Patrick Barbaste, président de séance, MM. Stéphane Magnino,
Fréderic Leglastin, Laurent Catinaud et Arnaud Dezitter, premiers conseillers.
En présence de M. Bernard Chabé, greffier de séance.
Bernard Chabé Patrick Barbaste
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à
l’article R. 242-29 du même code.
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ANNEXE
Versement de l’indemnité d’administration et de technicité
Exercice 2015
Période | Bordereau | N° de mandat | Date de paiement | Mathieu Z |
janv-15 | 1 | 1 | 26/01/2015 | 392,45 € |
févr-15 | 15 | 181 | 23/02/2015 | 392,45 € |
mars-15 | 31 | 469 | 25/03/2015 | 392,45 € |
avr-15 | 55 | 766 | 24/04/2015 | 392,45 € |
mai-15 | 74 | 1080 | 22/05/2015 | 392,45 € |
juin-15 | 94 | 1375 | 24/06/2015 | 392,45 € |
juil-15 | 119 | 1725 | 27/07/2015 | 392,45 € |
août-15 | 135 | 1956 | 25/08/2015 | 392,45 € |
sept-15 | 159 | 2262 | 24/09/2015 | 392,45 € |
oct-15 | 185 | 2576 | 26/10/2015 | 392,45 € |
nov-15 | 201 | 2842 | 24/11/2015 | 392,45 € |
déc-15 | 218 | 3185 | 21/12/2015 | 392,45 € |
| Montant total |
| 4 709,40 € |
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