rapport n°2018-0105 | commune de châtel-guyon (puy-de-dôme) |
jugement n° 2018-0014 |
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| trésorerie de riom municipale et banlieue |
audience publique du 29 mai 2018 | code n°063045103 |
délibéré du 29 mai 2018 | exercice 2015 |
prononce le 5 juin 2018 |
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République Française
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES AUVERGNE-RHÔNE-ALPES
STATUANT EN SECTION
1/6 – jugement n° 2018-0014
Vu le réquisitoire en date du 4 janvier 2018, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. Eric X..., comptable de la commune de Châtel-Guyon, au titre d’opérations relatives à l’exercice 2015 ;
Vu les comptes produits en qualité de comptable de la commune de Châtel-Guyon par M. Eric X... du 1er janvier au 31 décembre 2015, ensemble les comptes annexes ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu les lois et règlements relatifs à la comptabilité des collectivités territoriales et des établissements publics locaux ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le décret n°92-364 du 1er avril 1992 portant statut particulier du cadre d'emplois des conseillers territoriaux des activités physiques et sportives ;
Vu le décret n°87-1099 du 30 décembre 1987 portant statut particulier du cadre d'emplois des attachés territoriaux ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
VU les observations écrites présentées par M. Frédéric Y... enregistrées au greffe de la chambre le 28 mars 2018 ;
VU les observations écrites déposées par M. Eric X... sur la plateforme d’échanges dématérialisés « Correspondance JF » le 30 mars 2018 ;
Vu le rapport de Mme Sophie CORVELLEC, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions du procureur financier ;
Vu les pièces du dossier ;
Après avoir entendu Mme Sophie CORVELLEC, en son rapport et le procureur financier en ses conclusions, les parties n’étant pas présentes à l’audience ;
Après en avoir délibéré hors la présence du public, du rapporteur et du procureur financier ;
Entendu en délibéré Mme EL-BAZ, conseillère, réviseur, en ses observations ;
En ce qui concerne l’unique charge, soulevée à l’encontre de M. Eric X..., au titre de l’exercice 2015 :
Sur les réquisitions du ministère public,
Attendu qu’en son réquisitoire, le procureur financier relève qu’aux mois de janvier, février, juillet, novembre et décembre 2015, le comptable mis en cause a versé des indemnités horaires pour travaux supplémentaires, pour un montant total de 2 179,20 €, à un agent de catégorie A, au vu d’une délibération du conseil municipal du 17 décembre 2014 n’autorisant le versement de telles indemnités qu’aux agents de catégories B et C ; que ces paiements ont ainsi été effectués sans que la liquidation de la créance n’ait été préalablement contrôlée et sans que l’ensemble des justifications requises par la rubrique 210224 de l’annexe I du code général des collectivités territoriales n’aient été jointes aux mandats en cause ;
Attendu que le procureur financier en conclut que le comptable mis en cause a commis un manquement à ses obligations de contrôle, telles que définies par les articles 17, 18 et 20 du décret du 7 novembre 2012 et que ce manquement est susceptible d’engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire en application de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 ;
Sur les observations des parties,
Attendu que M. Eric X... confirme avoir versé les indemnités horaires pour travaux supplémentaires visées par le réquisitoire au vu de la délibération du 17 décembre 2014 ; que le bénéficiaire de ces indemnités n’avait que récemment intégré un emploi de cadre A, sans avoir perçu de telles indemnités en 2014 ; que, si un manquement devait être retenu par la chambre, celui-ci n’a pas causé de préjudice financier à la commune, le bénéficiaire, qui occupait un poste exigeant une forte disponibilité, ayant effectivement réalisé ces heures supplémentaires et la commune ayant manifesté sa volonté de verser ces indemnités en rémunération d’un service fait ; que le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense validé le 6 mai 2015 a été appliqué dès le 1er janvier 2015 et prévoyait que ces dépenses devaient être contrôlées ; qu’aucune anomalie n’avait alors été relevée ; qu’aucune modification n’ayant été apportée au plan de contrôle 2013, aucune validation n’a été sollicitée en 2014 ; que le montant du cautionnement de son poste comptable pour l’exercice 2015 était de 177 000 € ; qu’enfin, nommé comptable à compter du 1er juillet 2014, il était encore en phase d’apprentissage de ce métier et a dû faire face à l’absorption de la trésorerie d’Ennezat à compter du 1er janvier 2015 ;
Attendu que M. Frédéric Y..., maire de la commune de Châtel-Guyon, indique que M. Z..., bénéficiaire des indemnités visées par le réquisitoire, a accepté d’effectuer des heures supplémentaires pour faire face à un surcroît d’activité ; qu’aucun préjudice financier n’en a résulté, dans la mesure où ces heures supplémentaires ont été réalisées à la demande de la commune, en toute connaissance du paiement qui en découlera ; que le comptable n’a donc pas commis de manquement ;
Sur les manquements du comptable,
Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, dans sa rédaction applicable : « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables (…) du paiement des dépenses, de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils dirigent », ainsi que « des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ; que leur responsabilité personnelle et pécuniaire « se trouve engagée dès lors qu'un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu'une recette n'a pas été recouvrée, qu'une dépense a été irrégulièrement payée (…) » ;
Attendu qu’aux termes des articles 19 et 20 du décret susvisé du 7 novembre 2012, applicable à compter de l’exercice 2013, « le comptable public est tenu d'exercer le contrôle : (…) 2° S'agissant des ordres de payer : (…) d) De la validité de la dette (…) », lequel comprend le contrôle de « (…) 2° L'exactitude de la liquidation » et de « (…) 5° La production des pièces justificatives (…) » ;
Attendu que l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales prévoit que : « Avant de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des associations syndicales de propriétaires ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I du présent code. » ;
Attendu que, s’agissant plus précisément des indemnités horaires pour travaux supplémentaires, le paragraphe 210224 de cette annexe prévoit notamment, en son 1., que doit être produite à l’appui du mandat la « délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d'heures supplémentaires » ;
Attendu qu’il résulte des dispositions précitées que, pour apprécier la validité des créances, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications ; qu’à ce titre, il leur revient d'apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée ; que, pour établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l'ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en deuxième lieu, si ces pièces sont, d'une part, complètes et précises, d'autre part, cohérentes au regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable et de la nature et de l'objet de la dépense telle qu'elle a été ordonnancée ;
Attendu qu’il résulte, en l’espèce, des fiches de paie produites à l’appui du réquisitoire qu’au cours de l’exercice 2015, M. Eric X... a versé aux mois de janvier, février, juillet, novembre et décembre 2015, des indemnités horaires pour travaux supplémentaires, pour un montant total de 2 179,20 € ; que ces mêmes fiches de paie indiquent que le bénéficiaire occupait, au jour de ces différents paiements, des emplois de conseiller territorial des activités physiques et sportives (APS), puis d’attaché territorial, lesquels relèvent de cadres d’emploi de catégorie A, d’après les décrets susvisés du 1er avril 1992 et du 30 décembre 1987 ;
Attendu qu’ainsi que l’a confirmé le comptable mis en cause, ces indemnités ont été versées sur le fondement de la délibération du conseil municipal de Châtel-Guyon du 17 décembre 2014, laquelle approuve « le versement des indemnités d’heures complémentaires et supplémentaires aux agents pouvant en bénéficier au titre de leur statut et au vu de leur réalisation effective, à savoir l’ensemble des agents titulaires, stagiaires et non titulaires de catégorie C et B, toutes filières confondues, selon le service effectué » ;
Attendu que cette délibération, qui ne contient pas de liste précise des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires, exclut, en tout état de cause, les agents de catégorie A, tels que M. Z..., du bénéfice des indemnités horaires pour travaux supplémentaires, en les réservant expressément aux seuls agents de catégories B et C ;
Attendu, dès lors, que M. Eric X... ne disposait pas de la délibération requise par la nomenclature pour procéder aux paiements en litige ;
Attendu, par ailleurs, que si M. Eric X... fait valoir qu’il n’a débuté ses fonctions qu’au mois de juillet 2014 et qu’en 2015, le poste comptable a connu un surcroît d’activité en raison de l’absorption d’un autre poste, ces circonstances, qui ne sauraient suffire à constituer un cas de force majeure propre à l’exonérer de sa responsabilité, sont dépourvues d’incidence sur l’appréciation des obligations lui incombant, et donc sur la réalité des manquements qui lui sont reprochés ; qu’il ne peut davantage utilement invoquer les circonstances que le bénéficiaire de ces indemnités n’avait que récemment intégré un emploi de cadre A et que celui-ci n’avait pas reçu de telles indemnités au cours de la précédente année, en dépit d’une grande disponibilité ;
Attendu qu’en s’abstenant de suspendre les paiements en litige, M. Eric X... a ainsi manqué à ses obligations de contrôle des justifications produites et de l’exacte liquidation de ces dettes, telles que définies par les articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012 portant règlement général sur la comptabilité publique ;
Sur le préjudice financier causé à la commune de Châtel-Guyon,
Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné (…), le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
Attendu que lorsque l’instance est ouverte devant le juge des comptes, le constat de l’existence ou non d’un préjudice financier relève de l’appréciation de ce juge ; que, si au regard du caractère contradictoire de la procédure, ledit juge doit tenir compte pour cette appréciation des dires et actes éventuels de l’organisme public qui figurent au dossier, il n’est pas lié par une déclaration de l’ordonnateur indiquant que ledit organisme n’aurait subi aucun préjudice financier ;
Attendu que, pour déterminer si le paiement irrégulier d'une dépense par un comptable public a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné, il appartient au juge des comptes d'apprécier si la dépense était effectivement due et, à ce titre, de vérifier notamment qu'elle n'était pas dépourvue de fondement juridique ;
Attendu que, comme indiqué précédemment, la délibération du conseil municipal de Châtel-Guyon du 17 décembre 2014 n’ouvrant aucun droit aux agents de catégorie A, les indemnités en litige étaient privées de tout fondement juridique ;
Attendu que sont dès lors dépourvues d’incidence les circonstances que le bénéficiaire de ces indemnités n’avait que récemment intégré un emploi de cadre A, qu’il n’avait pas reçu de telles indemnités au cours de la précédente année, en dépit d’une grande disponibilité, et qu’il a effectivement accompli ces heures supplémentaires ;
Attendu, en conséquence, que les versements en litige étaient indus et sont dès lors à l’origine de préjudices financiers pour la commune ;
Attendu qu’il y a, par suite, lieu de constituer M. Eric X... débiteur de la commune de Châtel-Guyon à hauteur des dépenses irrégulièrement payées, soit 2 179,20 €, pour sa gestion de l’exercice 2015 ;
Attendu qu'en application des dispositions du VIII de l'article 60 de la loi précitée du 23 février 1963, ce débet porte intérêts de droit à compter du 9 février 2018, date de notification du réquisitoire introductif de l'instance juridictionnelle à l’intéressé ;
Sur le respect du plan de contrôle hiérarchisé de la dépense,
Attendu qu’aux termes du deuxième alinéa du IX de de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l'appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l'obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ;
Attendu que deux plans de contrôle hiérarchisé de la dépense ont été produits dans la présente instance ; que le second plan de contrôle hiérarchisé de la dépense produit, qui vise l’exercice 2015, inclut expressément le contrôle « mensuel, a priori et exhaustif » des indemnités horaires pour travaux supplémentaires ; que celui-ci ayant été validé par la direction départementale des finances publiques le 6 mai 2015, il était, à tout le moins, applicable aux paiements litigieux intervenus aux mois de juillet, novembre et décembre 2015 ; que cette circonstance fait, à elle seule obstacle à ce que soit accordée une remise gracieuse totale du débet mis à la charge de M. Eric X... ;
PAR CES MOTIFS,
DECIDE
Article 1 : M. Eric X... est constitué débiteur de la commune de Châtel-Guyon au titre de l’exercice 2015, pour la somme de 2 179,20 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 9 février 2018 ;
Article 2 : M. Eric X... ne pourra être déchargé de sa gestion de la commune de Châtel-Guyon au titre de l’exercice 2015, qu’après avoir justifié de l’apurement en principal et en intérêts du débet prononcé ci-dessus.
Fait et jugé par M. Alain LAÏOLO, président de section, président de séance ; M. Joris MARTIN, conseiller ; Mme Jennifer EL-BAZ, conseillère.
En présence de Mme Catherine PORTRON, greffière de séance.
La greffière | Le président de séance |
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Catherine PORTRON | Alain LAIOLO |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.
1/6 – jugement n° 2018-0014