Chambre Jugement n° 2018-0008 Audience publique du 8 février 2018 Prononcé du 22 février 2018 | CENTRE HOSPITALIER DE L’ARRONDISSEMENT DE MONTREUIL (Pas-de-Calais) Poste comptable : CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES DE MONTREUIL-SUR-MER Exercice 2014 |
République française
Au nom du peuple français
La chambre,
Vu le réquisitoire en date du 16 mai 2017 par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme Odile X, comptable du centre hospitalier de l’arrondissement de Montreuil (CHAM) au titre d’opérations relatives à l’exercice 2014, notifié le 16 juin 2017 au comptable concerné ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable du centre hospitalier de l’arrondissement de Montreuil par Mme Odile X, du 1er janvier au 31 décembre 2014 ;
Vu les justifications produites au soutien du compte en jugement ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le décret n° 88-1083 du 30 novembre 1988 relatif à l’attribution d’une prime spécifique à certains agents ;
JU 2018-0008 – CH de l’arrondissement de Montreuil (CHAM) 1/11
Vu l’arrêté du 23 avril 1975 relatif à l’attribution d’une prime spéciale de sujétion et d’une prime forfaitaire aux aides-soignants ;
Vu l’arrêté du 25 juillet 2013 portant application du premier alinéa de l’article 42 du
décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique et encadrant le contrôle sélectif de la dépense ;
Vu l’arrêté de délégation du 15 novembre 2013 du Premier président de la Cour des comptes relatif à l'examen des comptes et de la gestion des établissements publics de santé ;
Vu le rapport de M. Denis Roquier, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions du procureur financier ;
Vu les pièces du dossier et notamment les pièces produites par Mme Odile X ;
Entendus lors de l’audience publique du 8 février 2018, M. Denis Roquier, premier conseiller, en son rapport et M. Fabrice Navez, procureur financier, en les conclusions du ministère public ; Mme Odile X, comptable mis en cause, et Mme Jeanne-Marie Y, ordonnateur en fonctions, informées de l’audience, n’étant ni présentes ni représentées ;
Entendu en délibéré M. Dominique Walle, premier conseiller, réviseur, en ses observations ;
Sur la présomption de charge n° 1, soulevée à l’encontre de Mme Odile X, au titre de l’exercice 2014 :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes Hauts-de-France de la responsabilité encourue par Mme Odile X pour avoir procédé au paiement, par divers mandats de paiement émis en 2014, repris en
annexe 1, d’une prime de sujétion au bénéfice de cinq agents aides-soignants contractuels, sans disposer des décisions individuelles d’attribution prises par le directeur, et sans que le versement de cette prime ait été expressément prévu aux contrats des agents bénéficiaires, ce pour un montant de 7 530,41 € au titre de l’exercice 2014 ;
Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations
Sur le droit applicable
Attendu qu’aux termes des dispositions du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 « […] les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables […] du paiement des dépenses […]. Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière […] de dépenses […] dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors […] qu’une dépense a été irrégulièrement payée […] » ;
Attendu que l’article 19 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, prévoit qu’il incombe aux comptables, notamment s’agissant des ordres de payer, d’exercer le contrôle « […] de la validité de la dette dans les conditions prévues à l’article 20 » ; que l’article 20 du même décret précise que « Le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : 1° La justification du service fait ; 2° L’exactitude de la liquidation ; 3° L’intervention des contrôles préalables prescrits par la réglementation ; […] ;
5° La production des pièces justificatives ; 6° L’application des règles de prescription et de déchéance » ;
Attendu que pour apprécier la validité des dettes, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications ; qu’à ce titre, il leur revient d’apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée ; qu’il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l’ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en deuxième lieu, si ces pièces sont, d’une part, complètes et précises, d’autre part, cohérentes au regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable et de la nature et de l’objet de la dépense telle qu’elle a été ordonnancée ;
Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales (CGCT) que « Avant de procéder au paiement d’une dépense […] les comptables des communes […] ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l’annexe I du présent code et établie conformément à
celle-ci […] » ; que l’article D. 1617-19 du CGCT comporte, en son annexe constitutive de la nomenclature des pièces justificatives des paiements, une sous-rubrique n° 22 « Dépenses de personnel des établissements publics de santé (EPS) et des établissements publics sociaux et médico-sociaux (ESMS) » qui prévoit la production, lors du premier paiement des dépenses de rémunération du personnel, notamment, des « pièces requises pour les paiements ultérieurs » (rubrique 22011, point 4) ; que pour les paiements ultérieurs de ces dépenses, la nomenclature prévoit la production de pièces particulières parmi lesquelles figurent, pour le paiement des « Primes et indemnités des personnels non médicaux – Autres primes et indemnités » (sous-rubrique 220223), la « décision individuelle d’attribution prise par le directeur ; et, pour les agents contractuels, mention au contrat » ;
Sur les faits
Attendu qu’il résulte de l’instruction que le comptable mis en cause ne disposait pas au moment des paiements des pièces justificatives, en l’espèce la décision individuelle d’attribution prise par le directeur ainsi que la mention expresse au contrat de la prime de sujétion ;
Sur les éléments apportés à décharge par le comptable et l’ordonnateur en fonctions
Attendu que, dans sa réponse, le comptable fait valoir qu’aux termes de l’arrêté du 23 avril 1975 relatif à l’attribution d’une prime spéciale de sujétion aux aides-soignants et en application de l’instruction DGOS/ RH4 n° 2015-108 du 2 avril 2015, le versement de cette prime aux aides-soignants contractuels est possible ; que ces primes étant statutaires, elles ne nécessitent pas d’arrêté individuel d’attribution du directeur ; qu’il ne dispose pas de décisions d’attribution de cette prime ; qu’il ne conteste pas l’absence de pièces justificatives des paiements effectués ;
Attendu que, dans sa réponse, l’ordonnateur fait valoir qu’en application de
l’instruction DGOS/RH4 du 2 avril 2015 précitée, le versement de la prime de sujétion aux agents contractuels est possible ; que la mention aux contrats des agents nouvellement employés par le centre hospitalier de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer est expresse depuis 2015 ;
Attendu qu’en application de l’arrêté ministériel du 23 avril 1975 relatif à l'attribution d'une prime spéciale de sujétion et d'une prime forfaitaire aux aides-soignants et notamment son article 1, les aides-soignants des établissements publics de santé peuvent bénéficier d’une prime de sujétion spéciale égale à 10 % de leur traitement brut ; que le versement de la prime de sujétion aux agents hospitaliers susceptibles d’en bénéficier n’est qu’une possibilité offerte par l’arrêté précité et ne constitue pas un accessoire indissociable du salaire des aides-soignants ; qu’ainsi, son versement est laissé à la libre appréciation du directeur d’hôpital, intention requérant l’insertion d’une clause explicite dans le contrat des bénéficiaires ;
Sur l’application au cas d’espèce
Attendu que le manquement du comptable s’apprécie le jour du paiement (Cour des comptes, chambres réunies, n° S2016-1602 du 26 mai 2016, direction régionale des finances publiques de Rhône-Alpes et du département du Rhône) ; que, conformément à une jurisprudence bien établie (Conseil d’Etat, n° 340698 du 08/02/2012, Deroy, comptable du centre communal d’action sociale de Polaincourt), le comptable mis en cause n’a pas vérifié l’existence des pièces justificatives lui permettant de s’assurer que la prime de sujétion à verser auxdits agents avait fait l’objet d’une décision individuelle par le directeur de l’établissement et d’une mention au contrat de recrutement ; qu’en l’absence des pièces exigibles, le comptable ne pouvait contrôler la validité de la dette ; qu’il aurait dû suspendre les paiements et en informer l’ordonnateur, conformément aux dispositions de l’article 38 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ; qu’il a donc manqué à ses obligations de contrôle de validité de la dette et a ainsi engagé sa responsabilité au titre de l’article 60 de la loi n° 63-156 du
23 février 1963 ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
Attendu que, selon l’article 60 susvisé de la loi du 23 février 1963 modifiée, « la responsabilité personnelle et pécuniaire prévue au I est mise en jeu par le ministre dont relève le comptable, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes dans les conditions qui suivent » ; que
« lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné […] le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
Attendu qu’un préjudice financier résulte, notamment, du paiement d’une dépense indue donnant lieu à une constatation dans la comptabilité de l’organisme et se traduisant par un appauvrissement patrimonial de la personne publique ; que, conformément à une jurisprudence constante (Cour des comptes, n° 69575 du 10 avril 2014, communauté de communes du
Saint-Affricain), le constat de l’existence, ou non, d’un préjudice financier relève de la seule appréciation du juge des comptes ;
Attendu que le comptable mis en cause fait valoir que le paiement de cette prime a été effectué après service fait constaté par l’ordonnateur au vu des bordereaux de mandats établis et signés par lui qui manifestent sa volonté de payer ladite prime ; qu’il estime que cette prime étant statutaire et payable de droit, le centre hospitalier de l’arrondissement de Montreuil n’a pas subi de préjudice financier ;
Attendu que, dans sa réponse, l’ordonnateur ne s’est pas prononcé sur le préjudice subi par l’établissement ;
Attendu, cependant, que ces moyens doivent être écartés dans la mesure où, d’une part, l’existence du service fait et, d’autre part, la volonté de l’ordonnateur de verser cette prime, ne peuvent utilement suppléer à l’absence initiale de fondement juridique au versement de ladite prime ;
Attendu que le défaut de contrôle de la validité de la dette a conduit le comptable mis en cause à payer une dépense qui n’aurait pas dû l’être compte tenu de l’absence de pièces fondant juridiquement la dépense et traduisant la volonté de l’ordonnateur de verser ces primes ; qu’ainsi, le manquement du comptable a causé un préjudice financier au centre hospitalier de l’arrondissement de Montreuil ;
Attendu qu’il y a donc lieu de constituer Mme Odile X débitrice du centre hospitalier pour la somme de 7 530,41 € au titre de sa gestion au cours de l’exercice 2014 ; qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 16 juin 2017, date à laquelle Mme Odile X a eu connaissance, de façon certaine, de l’existence du réquisitoire ;
Sur le respect des règles de contrôle sélectif de la dépense et les conséquences du débet
Attendu que le IX de l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée dispose que « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l’appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l’obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ;
Attendu qu’il résulte de l’instruction qu’un plan de contrôle sélectif des dépenses, applicable à l’exercice 2014, a été établi par le comptable public, validé par la direction départementale des finances publiques du Pas-de-Calais ; que ledit plan prévoit le contrôle a posteriori du versement des primes de sujétion sur la base d’un échantillon de 25 % des agents dont le patronyme commence par les lettres H à P, en mars, juin, août et novembre, soit au total 100 % des agents concernés sur l’année 2014 ;
Attendu qu’en application de ce plan, la dépense aurait dû être contrôlée pour trois agents sur cinq concernés par le versement de la prime de sujétion ; que le contrôle n’ayant été effectué que pour 75 % de l’effectif prévu, seul le versement à un agent sur trois a fait l’objet d’un contrôle ; que ce contrôle n’a pas conduit à relever l’absence de pièces justificatives requises par la réglementation pour le versement des primes de sujétion ; qu’il s’ensuit que le comptable n’a pas mis en œuvre le contrôle sélectif de la dépense prévu pour 2014 ; qu’en conséquence, la somme que le ministre chargé du budget devra laisser à la charge du comptable ne pourra donc être inférieure à trois pour mille du montant du cautionnement de 177 000,00 €, prévu pour le poste comptable, soit 531,00 € pour Mme Odile X ;
Sur la présomption de charge n° 2, soulevée à l’encontre de Mme Odile X, au titre de l’exercice 2014 :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes Hauts-de-France de la responsabilité encourue par Mme Odile X pour avoir procédé au paiement, pour un montant de 2 160,00 € au titre de l’exercice 2014, par divers mandats de paiement émis en 2014, repris en annexe 2, d’une prime spécifique à deux infirmières contractuelles, sans disposer de décisions individuelles d’attribution prises par le directeur et sans que le versement de cette prime ait été expressément prévu aux contrats des agents bénéficiaires ;
Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations
Sur le droit applicable
Attendu qu’aux termes des dispositions du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 « […] les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables […] du paiement des dépenses […]. Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière […] de dépenses […] dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors […] qu’une dépense a été irrégulièrement payée […] » ;
Attendu que l’article 19 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, prévoit qu’il incombe aux comptables, notamment s’agissant des ordres de payer, d’exercer le contrôle « […] de la validité de la dette dans les conditions prévues à l’article 20 » ; que l’article 20 du même décret précise que « Le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : 1° La justification du service fait ; 2° L’exactitude de la liquidation ; 3° L’intervention des contrôles préalables prescrits par la réglementation ; […] ; 5° La production des pièces justificatives ; 6° L’application des règles de prescription et de déchéance. » ;
Attendu que pour apprécier la validité des dettes, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications ; qu’à ce titre, il leur revient d’apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée ; qu’il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l’ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en deuxième lieu, si ces pièces sont, d’une part, complètes et précises, d’autre part, cohérentes au regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable et de la nature et de l’objet de la dépense telle qu’elle a été ordonnancée ;
Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales (CGCT) que « Avant de procéder au paiement d’une dépense […] les comptables des communes […] ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l’annexe I du présent code et établie conformément à
celle-ci […] » ; que l’article D. 1617-19 du CGCT comporte, en son annexe constitutive de la nomenclature des pièces justificatives des paiements, une sous-rubrique n° 22 « Dépenses de personnel des établissements publics de santé (EPS) et des établissements publics sociaux et médico-sociaux (ESMS) » qui prévoit la production, lors du premier paiement des dépenses de rémunération du personnel, notamment, des « pièces requises pour les paiements ultérieurs » (rubrique 22011, point 4) ; que pour les paiements ultérieurs de ces dépenses, la nomenclature prévoit la production de pièces particulières parmi lesquelles figurent, pour le paiement des « Primes et indemnités des personnels non médicaux – Autres primes et indemnités » (sous-rubrique 220223), la « décision individuelle d’attribution prise par le directeur ; et, pour les agents contractuels, mention au contrat » ;
Sur les faits
Attendu qu’il résulte de l’instruction que le comptable mis en cause ne disposait pas au moment des paiements des pièces justificatives, en l’espèce la décision individuelle d’attribution prise par le directeur ainsi que la mention expresse au contrat de la prime spécifique ;
Sur les éléments apportés à décharge par le comptable et l’ordonnateur en fonctions
Attendu que le comptable fait valoir qu’aux termes du décret n° 88-1083 du 30 novembre 1988, relatif à l’attribution d’une prime spécifique à certains agents, le versement de cette prime aux agents fonctionnaires et stagiaires ne nécessite pas de décision individuelle d’attribution ; que le directeur ne dispose pas, en vertu du décret du 30 novembre 1988, de la faculté d’attribuer la prime puisqu’elle est expressément accordée aux agents visés à l’article 1 du décret précité ;
Attendu que, dans sa réponse, l’ordonnateur fait valoir qu’aux termes du décret n° 88-1083 du
30 novembre 1988 précité et qu’en application de la circulaire du 14 novembre 1975 et de l’instruction DGOS/RH4 n° 2015-108 du 2 avril 2015, le versement de la prime spécifique aux agents contractuels est subordonné à l’adoption d’une décision de l’organe exécutif ; qu’il précise que l’absence d’application d’une des clauses essentielles de leur contrat serait susceptible d’entraîner des recours contentieux ;
Sur l’application au cas d’espèce
Attendu que le manquement du comptable s’apprécie le jour du paiement, conformément à une jurisprudence constante (Cour des comptes, chambres réunies, n° S2016-1602 du 26 mai 2016, direction régionale des finances publiques de Rhône-Alpes et du département du Rhône) ; que conformément à une jurisprudence bien établie (Conseil d’Etat, n° 340698 du 08/02/2012, Deroy, comptable du centre communal d’action sociale de Polaincourt), le comptable mis en cause n’a pas vérifié l’existence des pièces justificatives lui permettant de s’assurer que la prime spécifique à verser auxdits agents avait fait l’objet d’une décision individuelle par le directeur de l’établissement et d’une mention au contrat de recrutement ; qu’en l’absence des pièces exigibles, le comptable ne pouvait contrôler la validité de la dette ; qu’il aurait dû suspendre les paiements et en informer l’ordonnateur, conformément aux dispositions de l’article 38 du
décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ; qu’il a donc manqué à ses obligations de contrôle de validité de la dette et a ainsi engagé sa responsabilité au titre de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
Attendu que, selon l’article 60 susvisé de la loi du 23 février 1963 modifiée, « la responsabilité personnelle et pécuniaire prévue au I est mise en jeu par le ministre dont relève le comptable, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes dans les conditions qui suivent » ; que
« lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné […] le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
Attendu qu’un préjudice financier résulte, notamment, du paiement d’une dépense indue donnant lieu à une constatation dans la comptabilité de l’organisme et se traduisant par un appauvrissement patrimonial de la personne publique ; que, conformément à une jurisprudence constante (Cour des comptes, n° 69575 du 10 avril 2014, communauté de communes du
Saint-Affricain), le constat de l’existence, ou non, d’un préjudice financier relève de la seule appréciation du juge des comptes ;
Attendu que le comptable fait valoir que le paiement de la prime spécifique a été effectué consécutivement à la volonté de l’ordonnateur de verser ladite prime ; que les contrats de travail établis à partir de 2015 font mention, pour les contractuels, de l’attribution de ces primes ;
Attendu que l’ordonnateur fait valoir, en s’appuyant sur l’instruction DGOS/RH n° 2015-108 du
2 avril 2015, que le versement de primes non expressément prévues aux contrats des agents ne peut être remis en cause et, en conséquence, qu’il est sans impact financier pour l’établissement ;
Attendu que, cependant, ces moyens doivent être écartés dans la mesure où la volonté de l’ordonnateur de verser cette prime ne peut utilement suppléer à l’absence initiale de fondement juridique au versement de ladite prime ; que les contrats de travail établis à partir de 2015, faisant mention, pour les contractuels, de l’attribution de ces primes, sont inopérants car postérieurs à la date des paiements irréguliers ;
Attendu que le défaut de contrôle de la validité de la dette a conduit le comptable mis en cause à payer une dépense qui n’aurait pas dû l’être compte tenu de l’absence de pièces fondant juridiquement la dépense et traduisant la volonté de l’ordonnateur de verser ces primes ; qu’ainsi, le manquement du comptable a causé un préjudice financier au centre hospitalier de l’arrondissement de Montreuil ;
Attendu qu’il y a donc lieu de constituer Mme Odile X débitrice du centre hospitalier de l’arrondissement de Montreuil pour la somme de 2 160,00 € au titre de sa gestion au cours de l’exercice 2014 ; qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 16 juin 2017, date à laquelle Mme Odile X a eu connaissance, de façon certaine, de l’existence du réquisitoire ;
Sur le respect des règles de contrôle sélectif de la dépense et les conséquences du débet
Attendu que le IX de l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée dispose que « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l’appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l’obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ;
Attendu qu’il résulte de l’instruction qu’un plan de contrôle sélectif des dépenses, applicable à l’exercice 2014, a été établi par le comptable public, validé par la direction départementale des finances publiques du Pas-de-Calais ; que ledit plan le contrôle a posteriori du versement des primes spécifiques doit être effectué sur la base d’un échantillon de 25 % des agents dont le patronyme commence par les lettres H à P, en mars, juin, août et novembre, soit au total
100 % des agents concernés sur l’année 2014 ;
Attendu qu’en application de ce plan, la dépense aurait dû être contrôlée pour les deux agents concernés par le versement de la prime spécifique ; que le contrôle n’ayant été effectué que pour 75 % de l’effectif prévu, seul le versement à un agent sur deux a fait l’objet d’un contrôle ; que ce contrôle n’a pas conduit à relever l’absence de pièces justificatives requises par la réglementation pour le versement des primes spécifique ; qu’il s’ensuit que la comptable n’a pas mis en œuvre le contrôle sélectif de la dépense prévu pour 2014 ; qu’en conséquence, la somme que le ministre chargé du budget devra laisser à la charge du comptable ne pourra donc être inférieure à trois pour mille du montant du cautionnement de 177 000,00 €, prévu pour le poste comptable, soit 531,00 € pour Mme Odile X ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1 : Au titre de l’exercice 2014, sur la présomption de charge n° 1 :
Mme Odile X est constituée débitrice du centre hospitalier de l’arrondissement de Montreuil de la somme de 7 530,41 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 16 juin 2017. La remise gracieuse susceptible d’être accordée par le ministre chargé du budget ne pourra avoir pour effet de laisser à la charge du comptable une somme inférieure à trois pour mille du cautionnement lié au poste comptable, soit 531,00 €.
Article 2 : Au titre de l’exercice 2014, sur la présomption de charge n° 2 :
Mme Odile X est constituée débitrice du centre hospitalier de l’arrondissement de Montreuil pour la somme de 2 160,00 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 16 juin 2017. La remise gracieuse susceptible d’être accordée par le ministre chargé du budget ne pourra avoir pour effet de laisser à la charge du comptable une somme inférieure à trois pour mille du cautionnement lié au poste comptable, soit 531,00 €.
Article 3 : La décharge de Mme Odile X du 1er janvier au 31 décembre 2014, ne pourra être donnée qu’après apurement des débets fixés aux articles 1 et 2 ci-dessus.
Fait et jugé par M. Sylvain Huet, président de séance, MM. Dominique Walle,
Michel Demarquette, Laurent Catinaud et Matthieu Ly Van Luong, premiers conseillers.
En présence de M. Bernard Chabé, greffier de séance.
Bernard Chabé Sylvain Huet
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à
l’article R. 242-29 du même code.
ANNEXE 1
Charge n° 1 – Versement d’une prime de sujétion à des agents non-titulaires
Période | N° bord. | N° mandat | Date paiement | Emeline Z (CDD) | Isabelle A (CDD) | Virginie B (CDD) | Juliette C (CDD) | Gwendoline D (CDD) | Total |
Imputation | 64158 | 64158 | 64158 | 64158 | 64158 | ||||
janv-14 | 10 | 49 | 23/01/2014 |
| 143,54 € |
| 143,54 € | 143,54 € | 430,62 € |
févr-14 | 65 | 553 | 24/02/2014 |
| 143,54 € |
| 143,54 € | 143,54 € | 430,62 € |
mars-14 | 259 | 1846 | 24/03/2014 |
| 150,94 € | 375,82 € | 150,94 € | 150,94 € | 828,64 € |
avr-14 | 475 | 3104 | 24/04/2014 |
| 147,24 € | 147,24 € | 147,24 € | 147,24 € | 588,96 € |
mai-14 | 740 | 4649 | 26/05/2014 | 24,54 € | 147,24 € | 137,43 € | 147,24 € | 147,24 € | 603,69 € |
juin-14 | 918 | 5799 | 23/06/2014 |
| 147,24 € | 147,24 € | 147,24 € | 147,24 € | 588,96 € |
juil-14 | 1128 | 6974 | 14/07/2014 |
| 147,24 € | 147,24 € | 147,24 € | 147,24 € | 588,96 € |
août-14 | 1348 | 8383 | 25/08/2014 | 147,24 € | 147,24 € | 147,24 € | 147,24 € | 147,24 € | 736,20 € |
sept-14 | 1550 | 9646 | 23/09/2014 | 39,26 € | 147,24 € | 147,24 € | 147,24 € | 147,24 € | 628,22 € |
oct-14 | 1719 | 10830 | 23/10/2014 | 191,42 € | 147,24 € | 147,24 € | 147,24 € | 147,24 € | 780,38 € |
nov-14 | 1953 | 12353 | 25/11/2014 | 147,24 € | 147,24 € | 147,24 € | 147,24 € | 147,24 € | 736,20 € |
déc-14 | 2157 | 13528 | 19/12/2014 |
| 147,24 € | 147,24 € | 147,24 € | 147,24 € | 588,96 € |
Totaux | 549,70 € | 1 763,18 € | 1 691,17 € | 1 763,18 € | 1 763,18 € | 7 530,41 € |
ANNEXE 2
Charge n° 2 – Versement d’une prime spécifique à des agents non-titulaires
Période | Virginie E (CDI) | Julie F (CDD) | Total | ||||||
Montants | N° bord. | N° mandat | Date paiement | Montants | N° bord. | N° mandat | Date paiement | ||
Imputation | 64138 | 64158 | |||||||
févr-14 | 180,00 € | 65 | 549 | 24/02/2014 | 180,00 € | 65 | 553 | 24/02/2014 | 360,00 € |
mars-14 | 90,00 € | 259 | 1841 | 24/03/2014 | 90,00 € | 259 | 1846 | 24/03/2014 | 180,00 € |
avr-14 | 90,00 € | 475 | 3099 | 24/04/2014 | 90,00 € | 475 | 3104 | 24/04/2014 | 180,00 € |
mai-14 | 90,00 € | 740 | 4644 | 26/05/2014 | 90,00 € | 740 | 4649 | 26/05/2014 | 180,00 € |
juin-14 | 90,00 € | 918 | 5793 | 23/06/2014 | 90,00 € | 918 | 5799 | 23/06/2014 | 180,00 € |
juil-14 | 90,00 € | 1128 | 6968 | 24/07/2014 | 90,00 € | 1128 | 6974 | 24/07/2014 | 180,00 € |
août-14 | 90,00 € | 1348 | 8377 | 25/08/2014 | 90,00 € | 1348 | 8383 | 25/08/2014 | 180,00 € |
sept-14 | 90,00 € | 1550 | 9640 | 23/09/2014 | 90,00 € | 1550 | 9646 | 23/09/2014 | 180,00 € |
oct-14 | 90,00 € | 1719 | 10824 | 23/10/2014 | 90,00 € | 1719 | 10830 | 23/10/2014 | 180,00 € |
nov-14 | 90,00 € | 1953 | 12347 | 25/11/2014 | 90,00 € | 1953 | 12353 | 25/11/2014 | 180,00 € |
déc-14 | 90,00 € | 2157 | 13521 | 19/12/2014 | 90,00 € | 2157 | 13528 | 19/12/2014 | 180,00 € |
Total | 1 080,00 € | 1 080,00 € | 2 160,00 € |
JU 2018-0008 – CH de l’arrondissement de Montreuil (CHAM) 1/11