rapport n° 2018-0065 | commune de feyzin |
jugement n° 2018-0010 | trésorerie de saint-symphorien-d’ozon |
audience publique du 05 avril 2018 | code n° 069040276 |
délibéré du 05 avril 2018 | exercice 2014 |
prononcÉ le : 25 AVRIL 2018 |
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République française
Au nom du peuple français
La chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-ALPES
(Statuant en 5èmesection)
Vu le réquisitoire n° 38-GP/2017 à fin d’instruction de charges pris le 8 août 2017 par le procureur financier près la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône‑Alpes ;
Vu les courriers de notification du réquisitoire en date du 24 août 2017 adressés à Mme Valérie X..., comptable concernée, et à Mme Murielle Y..., maire de la commune de Feyzin, dont elles ont accusé réception le 25 août 2017 ;
VU le compte produit en qualité de comptable de la commune de Feyzin par Mme Valérie X... du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 ;
VU le code général des collectivités territoriales ;
VU le code des juridictions financières ;
VU l’article 60 de la loi de finances pour 1963 n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée, notamment par l’article 90 de la loi de finances rectificative n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;
VU le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
VU les lois et règlements relatifs à la comptabilité des communes et des établissements publics locaux ;
VU la décision du président de la cinquième section de la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes en date du 23 août 2017, désignant M. Joris MARTIN, conseiller, comme rapporteur pour instruire la charge identifiée dans le réquisitoire susvisé ;
VU la demande d’informations adressée le 4 janvier 2018 à Mme Valérie X..., comptable mise en cause, et à Mme Murielle Y..., maire de la commune de Feyzin ;
VU les observations écrites de Mme Valérie X..., enregistrées au greffe le 29 janvier 2018 ;
VU les observations écrites du maire de Feyzin, enregistrées au greffe le 19 janvier 2018 ;
VU le rapport n° 2018-0065 de M. Joris MARTIN, conseiller, magistrat instructeur, déposé au greffe de la chambre le 23 février 2018 ;
VU les lettres du 1er mars 2018 informant la comptable concernée et l’ordonnateur de la clôture de l’instruction ;
VU les lettres du 19 mars 2018 informant la comptable et l’ordonnateur de la date fixée pour l’audience publique et les accusés de réception délivrés le même jour par Mme Valérie X... et Mme Murielle Y... ;
Vu les conclusions n° 18-065 du procureur financier en date du 16 mars 2018 ;
Entendu en audience publique M. Joris MARTIN, conseiller, en son rapport ;
Entendu en audience publique M. Denis LARRIBAU, procureur financier, en ses conclusions ;
ENTENDU en délibéré, Mme Jennifer EL-BAZ, conseillère, réviseur, en ses observations ;
En l’absence du comptable concerné et de l’ordonnateur dûment informés de la tenue de l’audience ;
Après avoir délibéré hors la présence du public, du rapporteur et du procureur financier ;
En ce qui concerne la charge unique relative au paiement d’indemnités d’astreintes en l’absence des pièces justificatives prévues par la nomenclature pour un montant total de 22 538,59 €
Sur les réquisitions du ministère public,
Attendu que par le réquisitoire n° 38-GP/2017 du 8 août 2017, le procureur financier près la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes a saisi la juridiction sur le fondement de l’article L. 242-4 du code des juridictions financières, à fin d’ouverture d’une instance à l’encontre de Mme Valérie X... au titre de sa gestion comptable sur l’exercice 2014 de la commune de Feyzin ;
Attendu qu’en son réquisitoire, le procureur financier relève que la comptable mise en cause a payé, au cours de l’exercice 2014, sur les différents mandats collectifs de paye, des indemnités d’astreintes à quinze agents de la commune de Feyzin pour un montant total de 22 538,59 € sans disposer des pièces justificatives mentionnées par la rubrique 210225 « astreintes et permanences » de l’annexe I à l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales ;
Attendu que le procureur conclut de ce qui précède qu’en l’absence des pièces justificatives devant être jointes à l’appui des mandats de paiement en application de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, Mme Valérie X... paraît avoir engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ; qu’elle se trouverait ainsi dans le cas déterminé par les dispositions de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 et qu’il y a lieu, en conséquence, d’ouvrir l’instance prévue par l’article L. 242-4 du code des juridictions financières aux fins de déterminer la responsabilité encourue ;
Sur les observations de Mme Valérie X..., comptable mise en cause,
Attendu que, dans ses observations reçues à la chambre le 29 janvier 2018, Mme X... fait valoir que les astreintes litigieuses ont été payées sur le fondement d’une délibération du 6 juillet 2006 portant modification du régime de l’astreinte technique ; que ces paiements sont justifiés par des tableaux liquidatifs produits à la chambre ; que sur la question du préjudice financier, elle expose que les paiements effectués en 2014 correspondaient à un réel service fait et que les agents ont ainsi été rémunérés conformément aux dispositions du décret du 19 mai 2005 relatif aux modalités de la rémunération ou de la compensation des astreintes et des permanences dans la fonction publique territoriale ; qu’enfin, elle précise que selon le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense, les indemnités d’astreintes ne faisaient pas partie des thèmes devant faire l’objet d’un contrôle ;
Sur les observations de Mme Murielle Y..., maire de Feyzin,
Attendu que dans ses observations écrites, le maire de Feyzin a indiqué que les charges en cause n’avaient pas causé de préjudice financier à la commune ; qu’en effet, s’il n’existait pas d’état liquidatif pour les astreintes effectuées par les agents de la police municipale, ces dernières avaient cependant bien été effectuées dans le cadre d’un planning élaboré pour l’ensemble du service ;
Sur la responsabilité du comptable,
Attendu qu'aux termes de l'article 60-1 modifié de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables (…) du paiement des dépenses, (…) de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité » ; que « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière (…) de dépenses …» ; que leur « responsabilité personnelle et pécuniaire prévue (ci-dessus) se trouve engagée dès lors (…) qu’une dépense a été irrégulièrement payée » ;
Attendu que l’article 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique dispose que « le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : (…) 5°/ la production des pièces justificatives » ;
Attendu qu’il résulte de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, qu’avant de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I du présent code ; que, pour ce qui concerne les indemnités d’astreintes, la rubrique 210225 de la liste des pièces justificatives des dépenses publiques locales annexée à l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales prévoit, en son premier point, la production d’une « délibération déterminant les cas dans lesquels il est possible de recourir à des astreintes, la liste des emplois concernés, les modalités de leur organisation et, le cas échéant, le montant des crédits budgétaires » ;
Attendu qu’au cas d’espèce, Mme Valérie X... a payé sur l’exercice 2014, via les différents mandats collectifs de paye, des indemnités d’astreintes pour un montant total de 22 538,59 € au profit de quinze agents de la commune de Feyzin ;
Attendu que la comptable a produit une délibération du 6 juillet 2006 relative à la modification du régime de l’astreinte pour les agents de la filière technique ;
Attendu toutefois qu’il résulte de l’instruction que parmi les quinze agents listés par le réquisitoire du procureur financier, seulement cinq appartiennent à un cadre d’emploi de la filière technique ; qu’en effet, les autres relèvent d’un cadre d’emploi de la filière police municipale pour laquelle aucune délibération fixant le régime des astreintes n’a été produite ;
Attendu par ailleurs que la délibération du 6 juillet 2006 ne détermine pas précisément les cas dans lesquels il est possible de recourir à des astreintes et ne fixe pas la liste des emplois concernés ; que dès lors, elle ne satisfait pas aux exigences de la nomenclature des pièces justificatives ;
Attendu qu’il résulte de ce qui précède que les paiements litigieux d’indemnités d’astreintes ont été effectués en l’absence de délibération ou en présence d’une délibération imprécise ; que dès lors, Mme X... a manqué à ses obligations de contrôle de la validité de la créance telle que définies par l’article 20 du décret relatif à la gestion budgétaire et comptable publique précité ; que sa responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve ainsi engagée à hauteur de 22 538,59 € ;
Sur le préjudice financier pour la commune,
Attendu que l’article 60-VI de la loi du 23 février 1963, modifié par la loi n° 2011‑1978 du
28 décembre 2011, dispose que, « lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné (…) le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
Attendu que les paiements d’indemnités d’astreintes, en l’absence d’une délibération répondant aux exigences de la nomenclature des pièces justificatives, revêtent un caractère, non seulement irrégulier, mais également indu ; qu’en effet, une telle délibération est une pièce justificative nécessaire pour considérer que les droits au paiement étaient ouverts par l’autorité compétente ;
Attendu que dans ses observations écrites, Mme Valérie X... fait valoir que si la juridiction devait reconnaitre l’existence d’un préjudice financier, ce dernier ne devrait résulter que du seul différentiel entre les taux prévus, de manière erronée dans la délibération, et les taux appliqués lors de la liquidation ; que s’il résulte de l’instruction que les montants de certaines indemnités d’astreintes portées sur les états liquidatifs produits par la comptable apparaissent légèrement supérieur à ceux résultant de l’application de la délibération du 6 juillet 2006, il ne s’agit pas d’une simple erreur de liquidation des sommes dues ; que cette situation est sans incidence sur l’existence d’un manquement causant un préjudice financier en l’absence de délibération ou en présence d’une délibération imprécise ;
Attendu par ailleurs que l’affirmation de l’ordonnateur selon laquelle sa collectivité n’a pas subi de préjudice financier ne saurait lier le juge des comptes quant au point de savoir si le manquement du comptable a ou non entrainé un préjudice financier pour l’organisme concerné ;
Attendu qu’il en résulte que les dépenses ainsi payées, du fait du manquement de la comptable à ses obligations de contrôle de la validité de la dette, ont causé un préjudice financier à la commune de Feyzin ; qu’il y a lieu, en conséquence, de prononcer un débet à l’encontre de Mme Valérie X..., et de mettre à sa charge une somme de 22 538,59 € de même montant que les dépenses irrégulièrement payées ; qu’en application des dispositions de l’article 60-IX de la loi précitée du 23 février 1963, ledit débet de 22 538,59 € porte intérêts de droit à compter de la date de réception du réquisitoire intervenue le 25 août 2017 ;
En ce qui concerne le respect du plan de contrôle sélectif de la dépense
Attendu que l’article 60-VI de la loi du 23 février 1963, modifié par la loi n° 2011‑1978 du 28 décembre 2011, dispose en son point IX « qu’hormis le cas de décès du comptable ou du respect par celui-ci, sous l’appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes… » ;
Attendu que la comptable mise en cause a produit le plan de contrôle hiérarchisé relatif à la paye applicable pour les différentes entités relevant de la trésorerie de Saint-Symphorien- d’Ozon et soutient que le contrôle des astreintes n’était pas prévu selon ce plan ;
Attendu toutefois qu’il résulte de ce plan, au demeurant non-signé, que le régime indemnitaire des policiers municipaux devait faire l’objet d’un contrôle au titre des mois de mai et de juin ; qu’au cas d’espèce, les différents agents de la police municipale de Feyzin visés par le réquisitoire du procureur financier ont bénéficié du paiement d’indemnités d’astreintes sur ces mois ; que cette circonstance fait ainsi obstacle à la remise gracieuse totale du débet par le ministre chargé du budget ;
PAR CES MOTIFS
DECIDE
Article 1 : | Mme Valérie X... est constituée débitrice envers la commune de Feyzin, au titre de l’exercice 2014, d’une somme de 22 538,59 €, augmentée des intérêts de droit calculés au taux légal à compter de la date du 25 août 2017 de réception du réquisitoire du procureur financier près la chambre régionale des comptes ;
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Article 2 : | Mme Valérie X... ne pourra être déchargée de sa gestion du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 qu’après avoir justifié, de l’apurement, en principal et intérêts, du débet prononcé à son encontre ;
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Article 3 : | Mme Valérie X... ne pourra pas obtenir remise gracieuse totale du débet ainsi mis à sa charge par le ministre chargé du budget ;
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Fait et délibéré en la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes, 5èmesection, le cinq avril deux mille dix-huit.
Présents : M. Martin LAUNAY, président de section, président de séance ;
M. Pierrick BILLAN, premier conseiller ;
Mme Sophie CORVELLEC, première conseillère ;
Mme Jennifer EL-BAZ, conseillère, réviseur ;
M. Charles THEROND, conseiller.
La greffière | Le président de séance |
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Brigitte DESVIGNES | Martin LAUNAY |
En conséquence, la République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Voies et délais de recours :
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.
1/6 – jugement n° 2018-0010