Jugement n° 2018-0002
Audience publique du 28 février 2018 Jugement prononcé le 29 mars 2018
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COMMUNE DE SAINT-MARCEL (Département de Saône-et-Loire)
CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES DE CHALON PERIPHERIE
Exercices 2014 et 2015
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RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA CHAMBRE RÉGIONALE DES COMPTES BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ,
VU le code des juridictions financières ;
VU le code général des collectivités territoriales ;
VU l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
VU le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
VU le réquisitoire n° 2017-18 du 17 août 2017 du procureur financier près la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté ;
VU le rapport n° 17-037 du 29 janvier 2018 de M. Christophe CANTON, premier conseiller, rapporteur ;
VU les conclusions n° 2017-037 du 30 janvier 2018 de M. Jérôme DOSSI, procureur financier ;
ENSEMBLE les pièces à l’appui ;
ENTENDUS, lors de l’audience publique du 28 février 2018, M. Christophe CANTON, premier conseiller en son rapport ; M. Jérôme DOSSI, procureur financier, en ses conclusions ; Mmes X... et Y..., comptables publics et M. Z..., ordonnateur, dûment avertis de la tenue de l’audience n’étant ni présents ni représentés ;
APRES AVOIR ENTENDU en délibéré Mme Julie MAILLARD, première conseillère réviseure, en ses observations, et après avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier ;
Sur la présomption de charge unique soulevée à l’encontre de Mme X... au titre de l’exercice 2015 :
Sur la responsabilité du comptable
ATTENDU qu’aux termes du 1er alinéa du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « (…) les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux différentes personnes morales de droit public dotées d'un comptable public (…) » ; que ces mêmes dispositions prévoient que cette responsabilité personnelle et pécuniaire « se trouve engagée dès lors qu'un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu'une recette n'a pas été recouvrée, qu'une dépense a été irrégulièrement payée (…) » ;
ATTENDU que les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique ; qu’en vertu des dispositions des articles 19 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 susvisé, le comptable public est tenu d’exercer, en matière de dépenses, le contrôle de la validité de la dette ; que ce contrôle porte notamment sur la production des pièces justificatives ;
ATTENDU que par réquisitoire susvisé du 17 août 2017, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté de la responsabilité encourue par Mme X... à raison du paiement irrégulier, au titre de l’année 2015, pour les mois de septembre à décembre, d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS), au profit de plusieurs agents pour un montant total de 9 421,34 € ;
ATTENDU que le procureur financier a estimé, aux termes de son réquisitoire, que les IHTS versées aux agents de la commune de Saint-Marcel l’ont été indûment, dans la mesure où le comptable public ne disposait d’aucune délibération du conseil municipal fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires ;
Sur le manquement du comptable
ATTENDU que, pour apprécier la validité des dettes, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications ; qu'à ce titre, il leur appartient de vérifier si l'ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur a été fourni et que lorsque les pièces justificatives fournies sont insuffisantes pour établir la validité de la dette, il appartient aux comptables de suspendre le paiement jusqu'à ce que l'ordonnateur leur ait produit les justifications nécessaires ;
ATTENDU qu’au moment du paiement des IHTS, le comptable public ne disposait d’aucune délibération du conseil municipal fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires ; qu’en conséquence, conformément au principe précédemment rappelé, il ne pouvait prendre en charge le paiement des IHTS sans la production de pièces justificatives suffisantes ;
ATTENDU que Mme X... aurait donc dû suspendre les paiements en cause et demander à l’ordonnateur de produire les justifications nécessaires ; que, par suite, en payant irrégulièrement ces indemnités, elle a manqué à ses obligations de contrôle et engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire au titre de l’exercice 2015 ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
ATTENDU qu’en application de l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963 susvisé, lorsque la responsabilité du comptable public est mise en jeu, il a obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante, sauf si le manquement dont il s’est rendu responsable n’a pas causé de préjudice financier à la collectivité, auquel cas le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce ; qu’il y a lieu, ainsi, de rechercher si le manquement ci-dessus défini a causé un tel préjudice à la commune de Saint-Marcel ; que le préjudice financier résulte d'une perte provoquée par une opération de décaissement donnant lieu à une constatation dans la comptabilité de l'organisme et se traduisant par un appauvrissement patrimonial définitif de la personne publique, non recherché par cette dernière ;
ATTENDU que si l’ordonnateur de la commune estime pour sa part que la collectivité n’a pas subi de préjudice financier car le service a été fait, cette appréciation ne lie pas le juge des comptes ; que la volonté de l’assemblée délibérante, seule compétente pour décider du versement aux agents concernés d’un complément de rémunération, ne saurait être présumée faute d’une délibération complète et précise ; qu’en l’absence d’une telle délibération, les IHTS versées aux agents de la commune de Saint-Marcel n’étaient pas dues ; que leur paiement a, du seul fait de ce caractère indu, entraîné un préjudice financier pour la collectivité ;
ATTENDU qu’il résulte de l’ensemble des éléments ainsi rappelés que les paiements effectués, dépourvus de fondement juridique, doivent être considérés comme indus et constitutifs d’un préjudice financier pour la commune de Saint-Marcel ;
Sur le lien de causalité entre le manquement du comptable et le préjudice financier
ATTENDU que si la comptable n’avait pas manqué à son obligation de contrôle, le paiement des indemnités indues aurait été suspendu ; qu’il existe donc un lien de causalité entre son manquement et le préjudice financier subi par la commune de Saint-Marcel ; qu’il y a donc lieu de constituer Mme X... débitrice de la commune de Saint-Marcel ;
Sur le débet à prononcer
ATTENDU que le préjudice financier subi par la commune correspond, pour l’exercice 2015, au paiement irrégulier des IHTS de septembre à décembre pour un montant de 9 421,34 € ;
ATTENDU qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est celle à laquelle le réquisitoire a été communiqué aux deux comptables, soit le 1er septembre 2017 ;
Sur le respect des règles de contrôle sélectif de la dépense
ATTENDU qu’aux termes du paragraphe IX de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, « hormis le cas du décès du comptable ou du respect par celui-ci, sous l'appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes » ;
ATTENDU qu’en ce qui concerne l’exercice 2015, le plan de contrôle sélectif de la dépense, validé le 13 avril 2015, prévoyait un contrôle des IHTS « a priori et en septembre 2015 » ; que malgré l’absence de délibération, le versement des IHTS n’a pas été suspendu; que par suite, Mme X... ne peut donc être regardée comme ayant respecté les règles d’un dispositif de contrôle sélectif de la dépense, situation ouvrant droit à une remise gracieuse totale dépense
Sur la présomption de charge unique soulevée à l’encontre de Mme Y... au titre de l’exercice 2014 :
Sur la responsabilité du comptable
ATTENDU qu’aux termes du 1er alinéa du I de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée : « (…) les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux différentes personnes morales de droit public dotées d'un comptable public (…) » ; que ces mêmes dispositions prévoient que cette responsabilité personnelle et pécuniaire « se trouve engagée dès lors qu'un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu'une recette n'a pas été recouvrée, qu'une dépense a été irrégulièrement payée (…) » ;
ATTENDU qu’en application des dispositions des articles 19 et 20 du décret n° 2012‑1246 du 7 novembre 2012 susvisé, le comptable public est tenu d’exercer, en matière de dépenses, le contrôle de la validité de la dette ; que ce contrôle porte notamment sur la production des pièces justificatives ;
ATTENDU que par le réquisitoire susvisé du 17 août 2017, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté de la responsabilité encourue par Mme Y... à raison du paiement irrégulier, au titre de l’année 2014, pour les mois de mai à décembre, d’IHTS, au profit de plusieurs agents pour un montant total de 13 672,26 € ;
ATTENDU que le procureur financier a estimé, aux termes de son réquisitoire, que les IHTS versées aux agents de la commune de Saint-Marcel l’ont été indûment, dans la mesure où les comptables publics ne disposaient d’aucune délibération du conseil municipal fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires ;
Sur le manquement du comptable
ATTENDU que, pour apprécier la validité des dettes, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications ; qu'à ce titre, il leur appartient de vérifier si l'ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur a été fourni et que lorsque les pièces justificatives fournies sont insuffisantes pour établir la validité de la dette, il appartient aux comptables de suspendre le paiement jusqu'à ce que l'ordonnateur leur ait produit les justifications nécessaires ;
ATTENDU qu’au moment du paiement des IHTS, les comptables de la commune de Saint-Marcel ne disposaient d’aucune délibération du conseil municipal fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires ; qu’en conséquence, conformément au principe précédemment rappelé, ils ne pouvaient prendre en charge le paiement des IHTS sans la production de pièces justificatives suffisantes ;
ATTENDU que Mme Y... aurait donc dû suspendre les paiements en cause et demander à l’ordonnateur de produire les justifications nécessaires ; que, par suite, en payant irrégulièrement ces indemnités, elle a manqué à ses obligations de contrôle et engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire au titre de l’exercice 2014 ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
ATTENDU qu’en application de l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963 susvisé, lorsque la responsabilité du comptable public est mise en jeu, il a obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante, sauf si le manquement dont il s’est rendu responsable n’a pas causé de préjudice financier à la collectivité, auquel cas le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce ; qu’il y a lieu, ainsi, de rechercher si le manquement ci-dessus défini a causé un tel préjudice à la commune de Saint-Marcel ; que le préjudice financier résulte d'une perte provoquée par une opération de décaissement, donnant lieu à une constatation dans la comptabilité de l'organisme et se traduisant par un appauvrissement patrimonial définitif de la personne publique non recherché par cette dernière ;
ATTENDU que si l’ordonnateur de la commune estime pour sa part que la collectivité n’a pas subi de préjudice financier car le service a été fait, cette appréciation ne lie pas le juge des comptes ; que la volonté de l’assemblée délibérante, seule compétente pour décider du versement aux agents concernés d’un complément de rémunération, ne saurait être présumée faute d’une délibération complète et précise ; qu’en l’absence d’une telle délibération, les IHTS versées aux agents de la commune de Saint-Marcel n’étaient pas dues ; que leur paiement a, du seul fait de ce caractère indu, entraîné un préjudice financier pour la collectivité ;
ATTENDU qu’il résulte de l’ensemble des éléments ainsi rappelés que les paiements effectués, dépourvus de fondement juridique, doivent être considérés comme indus et constitutifs d’un préjudice financier pour la commune ;
Sur le lien de causalité entre le manquement du comptable et le préjudice financier
ATTENDU que si la comptable n’avait pas manqué à son obligation de contrôle, le paiement des indemnités indues aurait été suspendu ; qu’il existe donc un lien de causalité entre son manquement et le préjudice financier subi par la commune de Saint-Marcel ; qu’il y a donc lieu de constituer Mme Y... débitrice de la commune de Saint-Marcel ;
Sur le débet à prononcer
ATTENDU que le préjudice financier subi par la commune correspond, pour l’exercice 2014, au paiement irrégulier des IHTS de mai à décembre pour un montant de 13 672,26 € ;
ATTENDU qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est celle à laquelle le réquisitoire a été communiqué aux deux comptables, soit le 1er septembre 2017 ;
Sur le respect des règles de contrôle sélectif de la dépense
ATTENDU qu’aux termes du paragraphe IX de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, « hormis le cas du décès du comptable ou du respect par celui-ci, sous l'appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes » ;
ATTENDU que, en ce qui concerne l’exercice 2014, le dernier plan de contrôle sélectif de la dépense validé datant du 5 juillet 2010 et ne comportant aucune mention de pluriannualité, aucun plan de contrôle sélectif de la dépense n’était opposable ; que, par suite, Mme Y... ne peut donc être regardée comme ayant respecté les règles d’un dispositif de contrôle sélectif de la dépense, situation ouvrant droit à une remise gracieuse totale ;
PAR CES MOTIFS :
DECIDE,
Article 1er : Mme X... est constituée débitrice de la commune de Saint-Marcel pour la somme de neuf mille quatre cent vingt-et-un euros et trente-quatre centimes (9 421,34 €) au titre de l’année 2015, somme qui portera intérêt au taux légal à compter du 1er septembre 2017 ;
Article 2 : Mme Y... est constituée débitrice de la commune de Saint-Marcel pour la somme de treize mille six cent soixante-douze euros et vingt-six centimes (13 672,26 €) au titre de l’année 2014, somme qui portera intérêt au taux légal à compter du 1er septembre 2017 ;
Article 3 : Pour l’application des dispositions du second alinéa du paragraphe IX de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, le montant de la remise gracieuse qui pourra être accordée à Mme X... au titre du débet prononcé à l’article 1 ci-dessus, devra comporter un laissé à charge qui ne pourra être inférieur à quatre cent cinquante-trois euros (453 €) ;
Article 4 : Pour l’application des dispositions du second alinéa du paragraphe IX de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, le montant de la remise gracieuse qui pourra être accordée à Mme Y... au titre du débet prononcé à l’article 2 ci-dessus, devra comporter un laissé à charge qui ne pourra être inférieur à quatre cent cinquante-trois euros (453 €) ;
Article 5 : Mme X... ne pourra être déchargée de sa gestion au titre de l’exercice 2015 qu’après apurement du débet prononcé à l’article 1 ci-dessus ;
Article 6 : Mme Y... ne pourra être déchargée de sa gestion de l’exercice 2014 qu’après apurement du débet prononcé à l’article 2 ci-dessus.
Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté, réunie en formation sections réunies.
M. Frédéric GUTHMAN, président de séance, président de section,
M. Nicolas ONIMUS, président de section,
Mme Valérie BIGOT, première conseillère,
Mme Julie MAILLARD, première conseillère, réviseure,
Mme Mélody DESSEIX, première conseillère.
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Signé : Jean-Michel PERRIN, greffier et Frédéric GUTHMANN, président de séance, président de section de la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté.
Collationné, certifié conforme à la minute déposée au greffe de la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté.
Le secrétaire général suppléant,
Stéphane PELTIER
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Voies et délais de recours
La présente décision juridictionnelle peut être déférée en appel devant la Cour des comptes dans un délai de deux mois à compter de la date de sa notification (articles L. 242-6 et R. 242‑19 à 28 du code des juridictions financières).
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