CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES
PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR
Troisième section
Jugement n° 2018-0011
Commune de Cabasse
Département du Var
Exercice 2014
Rapport n° 2017-0312
Audience publique du 7 février 2018
Délibéré du 7 février 2018
Prononcé du 19 mars 2018
J U G E M E N T
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
La Chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur,
VU le code des juridictions financières ;
VU le code général des collectivités territoriales ;
VU l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
VU le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
VU le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l'article 90 de la loi
n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
VU l’arrêté du 23 mars 2012 désignant les autorités compétentes de l’Etat en charge de l’apurement administratif des comptes publics locaux ;
VU l’arrêté de charge provisoire (ACP) n° PIAA031-2014-083104-026-04 du 1er août 2017 du Pôle Interrégional d’Apurement Administratif (PIAA) de TOULOUSE ;
VU la notification de l’ACP au comptable, M. X, le 7 août 2017 ;
VU le bordereau du chef du PIAA enregistré au ministère public le 27 septembre 2017, transmettant copie de l’ACP susvisé ;
VU le courrier électronique du PIAA enregistré au ministère public le 6 octobre 2017 sous le numéro 2017-0179, complétant le dossier ;
VU les comptes de la commune de Cabasse produits au PIAA, au titre de l’exercice 2014, par
M. X, comptable du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 ;
VU le réquisitoire n° 2017-0042 du 9 octobre 2017 par lequel le procureur financier a saisi la chambre d’une charge unique se rapportant à la gestion de M. X, comptable depuis le
5 avril 2014 ;
VU la notification du réquisitoire en date du 20 octobre 2017 à M. Yannick Simon, ordonnateur et à M. Michel X, comptable ;
VU la décision en date du 18 octobre 2017 par laquelle le président de la chambre a confié l’instruction du réquisitoire susvisé à M. Corsi, conseiller ;
VU les premiers questionnaires du 30 octobre 2017 adressés respectivement à l’ordonnateur et au comptable, ainsi que la réponse de l’ordonnateur envoyée par courrier daté du 7 novembre 2017, enregistrée au greffe de la chambre le 13 novembre 2017 ; celle du comptable, par une lettre en date du 14 novembre 2017, enregistrée au greffe de la chambre le 16 novembre 2017 ;
VU les questionnaires complémentaires adressés successivement le 27 novembre 2017 puis le
18 décembre 2017 à M. X, et les réponses du comptable enregistrées au greffe de la chambre, respectivement le 5 décembre puis le 19 décembre 2017 ;
VU l'arrêté n° 2016-16 du 23 décembre 2016 du président de la chambre fixant l'organisation des formations de délibéré et leurs compétences pour 2017 ;
VU le rapport n° 2017-0312 du 20 décembre 2017 à fin de jugement des comptes de M. Corsi, conseiller ;
VU les conclusions n° 2017-0312 du 25 janvier 2018 du ministère public ;
VU l’absence d’invocation de circonstances de force majeure par le comptable et l’ordonnateur ;
VU les lettres du 15 janvier 2018 informant l’ordonnateur et le comptable de la date fixée pour l’audience publique et les accusés de réception correspondants ;
En l’absence du comptable et de l’ordonnateur, dûment informés de la tenue de l’audience ;
ENTENDUS, en audience publique, M. Corsi, conseiller, en son rapport et M. Larue, procureur financier, en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier ;
Charge unique : mandats n°635 du 4 juillet 2014 de 26 390,02 € et n°844 du 10 septembre 2014 de 5 000 € – subvention à une association
L’arrêté de charges provisoires et le réquisitoire
ATTENDU que par arrêté de charge provisoire n° PIAA031-2014-083104-026-04 du 1er août 2017 susvisé, le Pôle Interrégional d’Apurement Administratif (PIAA) de TOULOUSE a soulevé une présomption de charge, à l’encontre de M. X (mandats n° 635 et n° 844), concernant l’octroi de deux subventions successives à l’association xxx pour un montant total de 31 390,02 € ;
ATTENDU que par réquisitoire n° 2017-0042 du 9 octobre 2017 susvisé, le procureur financier a soulevé une présomption de charge, à l’encontre de M. X (mandats n° 635 et n° 844), concernant le paiement des mandats n° 635 du 4 juillet 2014, pour un montant de 26 390,02 €, et le mandat
n° 844 du 10 septembre 2014, pour un montant de 5 000 €, imputés au compte « subventions de fonctionnement aux associations et autres personnes de droit privé » ;
ATTENDU que le réquisitoire relevait notamment qu’aucune pièce n’était jointe aux mandats ; que par bordereau d’injonctions du 27 avril 2017, le PIAA avait demandé au comptable de « produire la convention prévue par la nomenclature des pièces justificatives dans le cas de versement de subventions supérieures à 23 000 € » ; que dans sa réponse du 15 juin 2017, le comptable a produit une attestation du 12 juin 2017 de l’ordonnateur, une demande de subvention de l’association xxx de 5 000€ pour 2014, une facture adressée à l’association de 4 950 €, le rapport financier 2014 de l’association, le récépissé de création délivré par le sous-préfet de Brignoles et le grand livre du budget communal, compte 6574 ; que ces pièces ont été jugées insuffisantes pour justifier la dépense ;
Sur la réponse de l’ordonnateur et du comptable concernant le manquement
ATTENDU que l’ordonnateur a confirmé l’absence de convention entre la commune et l’association ;
ATTENDU que le comptable a fait valoir que les mandats avaient été pris en charge et payés dans l’environnement planifié du contrôle de la dépense, qu’à ce stade cet argument est inopérant ;
Sur les conclusions du procureur financier
ATTENDU que le procureur financier a conclu que l’ordonnateur a confirmé l’absence de convention entre la commune et l’association, et que le comptable avait donc bien commis un manquement et que sa responsabilité personnelle et pécuniaire se trouvait engagée en vertu des dispositions de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 ;
Sur le manquement :
ATTENDU que le comptable a payé les mandats n° 635 du 4 juillet 2014 de 26 390,02 € et n° 844 du 10 septembre 2014 de 5 000 €, concernant le versement de subvention à l’association xxx et que ce paiement a été effectué sans convention dûment signée jointe aux mandats ;
ATTENDU qu’aux termes du paragraphe I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisé, « les comptables sont personnellement et pécuniairement responsables (…) du paiement des dépenses (…) » et que leur « responsabilité personnelle et pécuniaire (…) se trouve engagée dès lors (…) qu’une dépense a été irrégulièrement payée (…) » ;
ATTENDU qu’aux termes de l’article 19 du décret susvisé du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, « le comptable est tenu d’exercer le contrôle : (…) 2° S’agissant des ordres de payer : (…) d) De la validité de la dette dans les conditions prévues à l’article 20 (…) » ; que selon l’article 20, « le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte [notamment] sur l’exactitude de la liquidation (…) [et] la production des pièces justificatives (…) » ; que l’article 38 dispose que « lorsqu’à l’occasion de l’exercice des contrôles prévus au 2° de l’article 19 le comptable public a constaté des irrégularités (…), il suspend le paiement et en informe l’ordonnateur » ;
ATTENDU qu’en s’abstenant de le faire la responsabilité du comptable M. X se trouve engagée pour les paiements effectués ;
Sur le préjudice financier :
ATTENDU qu’aux termes des deuxième et troisième alinéas du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisé, « lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce (…). Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné (…), le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante (…) » ;
ATTENDU que M. M. Yannick Simon, ordonnateur, et M. X, comptable, font valoir une absence de préjudice financier pour la commune ;
ATTENDU que le constat de l’existence d’un préjudice financier relève de l’appréciation du juge des comptes, qui ne saurait être lié par le point de vue exprimé tant par le comptable que l’ordonnateur ;
ATTENDU que le mandat de paiement n° 635, effectué sur le bordereau n° 36 en date du 4 juillet 2014, pour le compte de l’association xxx pour un montant de 26 390,02 €, a fait l’objet d’une validation
en conseil municipal lors de l’adoption le 14 mars 2014 du budget primitif de l’année 2014 de la commune ; que, comme le souligne le procureur financier dans ses conclusions, ce vote formel permet d'attester de la volonté expresse de l’organe délibérant d’attribuer cette subvention à cette association, qu’il n’y a donc pas de préjudice pour la collectivité pour le paiement de ce mandat ;
ATTENDU que le mandat de paiement n° 844 effectué sur le bordereau n° 47 en date du
10 septembre 2014, pour le compte de l’association xxx pour un montant de 5 000 €, n’a pas été autorisé par une délibération, que de ce fait il est de nature à causer un préjudice financier à la commune de Cabasse ;
ATTENDU que selon la jurisprudence de la Cour des comptes, le règlement d’une dépense dépourvue de fondement juridique et en particulier d’un engagement régulier par l’autorité compétente antérieur au paiement, doit être considéré comme indû et constitutif d’un préjudice pour la personne publique (Cour des comptes arrêt n° 2016-1497-1 du 26 janvier 2017 commune de Lyon) ;
ATTENDU que dans ces conditions le manquement du comptable a causé un préjudice financier au syndicat mixte
QU’il y a lieu par suite, de constituer M. X débiteur de la somme de 5 000 €, correspondant au total des dépenses réglées par les mandats en cause ;
ATTENDU qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisé, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; que le premier acte de la mise en jeu de la responsabilité des comptables correspond à la notification du réquisitoire, intervenue en l’espèce à compter du 10 août 2017 ;
Sur le respect du CHD
ATTENDU que le comptable pour faire valoir l’existence d’un contrôle hiérarchisé de la dépense (CHD) a transmis un « plan de contrôle cible – CHD méthodologie aménagée » validé le
7 octobre 2014 prévoyant un plan de contrôle a priori par sondage pour les dépenses de subvention ;
ATTENDU que ce « plan de contrôle cible – CHD méthodologie aménagée » a été validé postérieurement au paiement des mandats susvisés ;
ATTENDU qu’aucun plan de contrôle hiérarchisé de la dépense valide à la date du paiement des deux mandats n’a été communiqué à la chambre ; qu’il résulte de ce qui précède que les règles des plans de contrôle hiérarchisé de la dépense n’ont pas été respectées ;
Par ces motifs :
ORDONNE
Article 1er : M. X est constitué débiteur de la commune de Cabasse, au titre de la charge unique, de la somme de 5 000 € (cinq mille euros) sur l’exercice 2014 augmentée des intérêts de droit à compter du 20 octobre 2017 ;
Article 2 : Compte tenu des charges prononcées à son encontre par le présent jugement, il est sursis à la décharge de M. X pour l’exercice 2014, du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014.
Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur, le 7 février 2018.
Présents : M. Daniel Gruntz, président la séance et président de section, Mme Audrey Courbon, première conseillère et M. Renan Mégy, premier conseiller.
La greffière de séance,
Patricia GUZZETTA | Le président de section,
Daniel GRUNTZ |
La République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de leur notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.