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Jugement n° 2017-0061

 

Audience publique du 8 février 2018

 

Prononcé du 8 mars 2018

OFFICE DES TRANSPORTS DE LA CORSE

 

 

Poste comptable : PAIERIE DE CORSE

 

Exercices : 2014 et 2015

 

 

 

 

République Française

Au nom du peuple français

 

La Chambre,

 

 

Vu le réquisitoire en date du 3 juillet 2017, notifié le 12 juillet 2017, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X..., comptable de l’office des transports de la Corse au titre d’opérations relatives aux exercices 2014 et 2015 ;

 

Vu les comptes rendus en qualité de comptable de l’office des transports de la Corse, par M. X…, du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 ;

 

Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;

 

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifié ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu les lois et règlements relatifs à l’organisation, la gestion et la comptabilité des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, et notamment le code général des collectivités territoriales (CGCT) ;

Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

Vu le rapport de Mme Carole Saj, conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;

Vu les conclusions du Procureur financier ;

Vu les pièces du dossier ; 

 

Entendu lors de l’audience publique du 8 février 2018 Mme Saj, conseiller, en son rapport, M. Jacques Barrière, procureur financier, en ses conclusions, et M. X…, comptable de l’office des transports de la Corse, présent ayant eu la parole en dernier ; l’ordonnateur n’étant ni présent, ni représenté ;

Entendu en délibéré M. François Gajan, président de section, réviseur, en ses observations ;

 

 

 

Sur la présomption de charge n° 1, soulevée à l’encontre de M. X..., au titre des exercices 2014 et 2015 :

 

Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la Chambre régionale des comptes de Corse de la responsabilité encourue par M. X…, comptable de l’office des transports de la Corse, à raison du paiement, entre décembre 2014 et avril 2015, de cinq mandats, représentant un montant total de 1 800 000 €, au profit de la société dénommée Compagnie Méridionale de Navigation sans disposer des pièces justificatives requises, en particulier le contrat et la fiche de recensement des marchés, ni d’aucun acte autorisant la dépense ;

 

Attendu que le comptable n’établit pas l’existence de circonstances constitutives de la force majeure, au sens du premier alinéa du V de l’article 60 de la loi n° 63-156 susvisée ;

 

Attendu que le comptable, dans ses réponses écrites, fait valoir que les dépenses incriminées s’inscrivent dans le cadre du contrat de délégation de service public conclu le 24 septembre 2013, relatif à l’exploitation du transport maritime de passagers et de marchandises entre les ports de Corse et celui de Marseille, en particulier des dispositions de l’article n° 10 spécifique au traitement des modifications susceptibles d’intervenir sans remettre en cause les conditions initiales de la mise en concurrence ;

 

Attendu que le comptable soutient que le montant facturé est bien en deçà du seuil au-delà duquel la consultation de la commission prévue à l’article L.1411-5 du CGCT est rendue obligatoire et que la modification de la convention ne peut être considérée comme substantielle au sens de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes du 19 juin 2008, Pressetext Nachrichtenagentur GmbH ;

 

Attendu que le comptable soutient que le courrier du 17 novembre 2014 du directeur de l’office des transports de la Corse, adressé à la Compagnie Méridionale de Navigation concernant une demande d’offre alternative vaut commande et que les différents courriers et courriels valent avenant dès lors qu’aucun formalisme n’est imposé en matière de délégation de service public ;

 

Attendu enfin que le comptable mentionne également les difficultés d’exploitation liées au contexte social ou aux impératifs techniques ;

 

Attendu que l’ordonnateur n’a pas produit de réponse précise mais a toutefois écarté l’idée d’un préjudice immédiat pour l’office ;

 

Attendu que dans ses conclusions le procureur financier réfute les arguments du comptable ; qu’il soutient qu’un contrat ou un avenant était nécessaire et qu’en l’absence de pièce justificative et de décision de l’assemblée délibérant autorisant les paiements, la dépense doit être regardée comme constitutive d’un préjudice financier pour l’office des transports de la Corse ;

 

 

 

 

Attendu qu’à l’audience publique, le comptable a rappelé son argumentaire et précisé qu’eu égard à l’urgence, une négociation des tarifs était irréalisable ; que dès lors, le choix du délégataire en activité s’imposait ;

 

Attendu que d’après le comptable, la délibération n° 10/2015 du 2 avril 2015 prise par le conseil d’administration de l’office des transports de la Corse, retrace et explique la prise de décision de cet office ;

 

Attendu que M. X…, a procédé au paiement, sur l’exercice 2014, du mandat n° 1242 d’un montant de 465 000 € et du mandat n° 1244 de 120 000 €, bordereau n° 89 du 31 décembre 2014, et sur l’exercice 2015, du mandat n° 86 d’un montant de 465 000 €, bordereau n° 9 du 24 février 2015, du mandat n° 161 d’un montant de 420 000 €, bordereau n° 17 du 23 mars 2015, et du mandat n° 250 d’un montant de 330 000 €, bordereau n° 29 du 29 avril 2015, représentant un montant total de 1 800 000 € ;

 

Attendu qu’étaient jointes aux bordereaux de mandats cinq factures établies par la Compagnie Méridionale de Navigation, concernant l’affrètement du navire Pélican, et dont le montant est établi par la multiplication d’un nombre de jours et d’un prix unitaire de 15 000  ;

 

Attendu que, par convention de délégation de service public relative à l’exploitation du transport maritime de passagers et de marchandises au titre de la continuité territoriale entre les ports de Corse et celui de Marseille, signée le 24 septembre 2013 et revêtue du tampon d’accusé de réception à cette même date par la préfecture de Corse, la collectivité territoriale de Corse, autorité organisatrice du transport public maritime et l’office des transports de la Corse ont confié l’exploitation opérationnelle des services, à compter du 1er janvier 2014 jusqu’au 31 décembre 2023 au groupement momentané d’entreprises composé de la Compagnie Méridionale de Navigation et d’une autre société ;

 

Attendu que, si l’article 10 du contrat de délégation de service public mentionne les différentes clauses de rencontre, parmi ces dernières figurent les difficultés répétées et avérées, soit dans l’accès aux ports, soit dans l’utilisation des installations portuaires, en revanche, aucune disposition du contrat ne prévoit l’affrètement d’un navire pour quelque raison que ce soit ;  que si l’article 43 prévoit, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire d’un des deux délégataires, l’obligation de reprise des obligations du titulaire défaillant par le co-délégataire, l’article 17 précise que le délégataire « assure seul l'exploitation de l'ensemble de sa flotte dans ses composantes nautique, technique et de personnels […] est chargé de l'armement, du maintien de la classification et de la certification, de l'entretien, de la maintenance, de l'exploitation (nautique et technique) et de l'assurance des navires sur toute la durée du contrat » ;

 

Attendu que la convention de délégation de service public est paraphée de la signature du président du conseil exécutif de Corse, et de celles du président de l’office des transports de la Corse, du président directeur général de la Compagnie Méridionale de Navigation ; qu’en s’abstenant de demander un acte revêtant a minima le même formalisme que le contrat initial et mentionnant l’objet de la prestation, son coût unitaire et sa durée, le comptable a manqué à ses obligations de contrôle de la dépense ; qu’en conséquence il y a lieu de mettre en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire de M X… ;

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Attendu qu’en matière de commande publique, pour déterminer si le paiement irrégulier d'une dépense par un comptable public a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné, il appartient au juge des comptes d'apprécier si la dépense était effectivement due et, à ce titre, de vérifier notamment qu'elle n'était pas dépourvue de fondement juridique ; que le règlement de prestations non prévues à un contrat de délégation de service public constitue, en principe, un paiement irrégulier causant un préjudice financier à l'organisme public concerné ; qu’en application de la jurisprudence du Conseil d’État, il peut, toutefois, en aller différemment si les parties à un contrat ont manifesté la volonté de poursuivre des relations contractuelles ; que cette commune intention peut résulter notamment de la conclusion ultérieure d’un acte de régularisation ;

 

Attendu que la dépense payée doit donc être regardée comme indue et selon la jurisprudence bien établie des juridictions financières comme constitutive d’un préjudice pour l’organisme public ;

 

Attendu toutefois que, tant les termes du courrier du 17 novembre 2017 en amont de la réalisation et du paiement de la première prestation, par lequel le directeur de l’office des transports de la Corse demande au président directeur général de la Compagnie Méridionale de Navigation de proposer une offre alternative fondée sur l’affrètement d’un navire supplémentaire en vue de faire face aux événements sociaux qui bouleversaient l’économie de la Corse, que ceux de la délibération n° 10/2015 du 2 avril 2015 qui a approuvé de façon antérieure au paiement du dernier mandat incriminé, le principe de l’affrètement du navire le Pélican pour un montant de 15 000 euros par jour du 23 novembre 2014 au 22 mars 2015, attestent la volonté expresse de l’office d’ajuster la prestation contractuelle aux événements et d’engager la dépense pour que le comptable procède au paiement après réalisation de la prestation par le délégataire ;

 

Attendu que, dès lors, le même dommage serait advenu même si le comptable avait satisfait à ses obligations ; qu’ainsi, le lien de causalité entre le dommage et le manquement n’est pas établi ; qu’il y a lieu de considérer que le manquement du comptable n’a pas causé de préjudice financier à l’office des transports de la Corse ;

 

Attendu, qu’aux termes des dispositions du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « lorsque le manquement du comptable […] n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce »; que le décret du 10 décembre 2012 susvisé, fixe le montant maximal de cette somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable ;

 

Attendu que le montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré pour les exercices 2014 et 2015 est fixé à 177 000 € ; qu’ainsi, le montant maximum de la somme susceptible d’être mise à la charge de M. X..., s’élève à 265,50 par exercice;

 

Attendu queu égard aux montants en jeu, il y a lieu d’arrêter cette somme à 265,50 pour l’année 2014 et à 265,50 pour l’année 2015

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sur la présomption de charge n° 2, soulevée à l’encontre de M. X, au titre de l’exercice 2015 :

 

 

Attendu que par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes de Corse de la responsabilité encourue par M. X…, à raison du versement, de février à décembre 2015, à un agent mis à disposition de l’office des transports de la Corse par la collectivité territoriale de Corse, d’un complément de rémunération, sans disposer des pièces justificatives exigées par la réglementation, en particulier la décision du conseil d’administration de l’office fixant la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen des indemnités, ainsi que la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination fixant le taux applicable à cet agent, pour un montant total de 14 312,21, comme détaillé à l’annexe 1 au présent jugement ;

 

Attendu qu’en réponse, le comptable ne conteste pas le manquement et produit la délibération n° CA 28/2017 du conseil d’administration de l’office des transports de la Corse du 27 juin 2017 de nature, selon lui, à attester que l’office n’a subi aucun préjudice financier ;

 

Attendu que l’ordonnateur n’a pas produit de réponse précise à la proposition de charge énoncée par le réquisitoire et a écarté l’idée d’un préjudice immédiat pour la collectivité ;

 

Attendu que, dans ses conclusions, le procureur financier fait valoir qu’en méconnaissance des dispositions de l’article D. 1617-19 du CGCT, au moment du paiement, le comptable ne disposait pas de délibération ou de décision de l’office des transports de la Corse autorisant le versement d’indemnités au profit de l’agent ; que les pièces produites par le comptable ne sont pas jointes aux mandats litigieux et ne sont pas les pièces attendues ; qu’ainsi, le fait d’avoir payé les indemnités sans les justificatifs idoines constitue un préjudice pour l’établissement et que le manquement du comptable est à l’origine de ce préjudice ;

 

Attendu qu’à l’audience, M. X…, a indiqué d’une part qu’il lui aurait été difficile de rejeter les payes dun point de vue technique mais aussi par rapport à l’ordonnateur et aux agents, et d’autre part, s’agissant du contrôle sélectif de la dépense, que le plan de contrôle prévoyait un contrôle exhaustif alors que c’est un contrôle par sondage qui aurait dû être retenu ;

 

Attendu qu’il a été payé, à un agent fonctionnaire territorial, mis à disposition de l’office des transports de la Corse dont la rémunération restait liquidée et versée par son administration d’origine, de février à décembre 2015, par mandats individuels, au titre de « complément de rémunération » une somme de 14 312,21 € ;

 

Attendu qu’il résulte des articles 18, 19 et 20 du décret n° 2012 -1246 du 7 novembre 2012 modifié relatif à la gestion budgétaire et comptable publique « que le comptable est tenu d’exercer [], s'agissant des ordres de payer, le contrôle de la validité de la dette et notamment l’exactitude de la liquidation et la production des pièces justificatives » ;

 

Attendu qu’aux termes de l'article D. 1617-19 du CGCT : « Avant de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des associations syndicales de propriétaires ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I du présent code » ;

 

Attendu que les pièces justificatives prévues à la rubrique 210223 de l’annexe I de l’article D. 1617-19 du CGCT applicable aux dépenses de personnel sont de deux natures, à savoir une décision de l'assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités et une décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination fixant le taux applicable à chaque agent ;

 

 

 

Attendu que, ni l’arrêté pris le 15 mai 2017 par le directeur de l’office des transports de la Corse en vue de fixer le principe et les modalités de liquidation du complément de rémunération, ni la délibération n° CA/28/2017 du 20 juin 2017 du conseil d’administration de l’office portant sur la « mise en conformité de la situation de 2 agents » et approuvant l’arrêté du 15 mai 2017 avec effet rétroactif au 10 janvier 2011 ne saurait exonérer le comptable de sa responsabilité qui s’apprécie au moment du paiement ;

 

Attendu qu’en application de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963, la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable se trouve engagée dès lors qu’une dépense a été irrégulièrement payée ;

 

Attendu qu’il suit de là, qu’en ne disposant pas de l’ensemble des pièces justificatives lui permettant de vérifier les bases de liquidation de chaque versement de ce complément de rémunération, M. X…, a commis un manquement aux obligations de contrôle de la validité de la créance prévues aux articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012 de nature à mettre en cause sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;

 

Attendu que, lorsque l’instance est ouverte devant le juge des comptes, le constat de l’absence ou non du préjudice financier relève de l’appréciation de ce juge ; que l’absence d’ouverture par l’autorité habilitée du droit à versement d’une indemnité confère un caractère indu aux paiements afférents ; qu’il suit de là que les manquements du comptable ont causé un préjudice à l’office des transports de la Corse ;

 

Attendu qu’il y a lieu, en application des dispositions précitées du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, de constituer M. X…, débiteur de l’office des transports de la Corse pour la somme de 14 312,21 au titre de l’exercice 2015 et au titre de la présomption de charge n° 2 ;

 

 

 

Sur la présomption de charge n° 3, soulevée à l’encontre de M. X, au titre de l’exercice 2015 :

 

 

Attendu que par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes de Corse de la responsabilité encourue par M. X…, à raison du versement, de février à décembre 2015, de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) et d’astreintes à un agent, pour un montant total de 7 418,95, comme détaillé à l’annexe 2 au présent jugement sans exiger de l’ordonnateur les pièces requises par la réglementation, en l’occurrence la décision fixant le nombre de points de NBI attribués à cet agent, la délibération relative à l’organisation des astreintes ainsi que la liste des emplois concernés et le montant des crédits budgétaires alloués à cet effet ;

 

Attendu qu’en réponse, le comptable ne conteste pas le manquement et considère que l’office des transports de la Corse n’a subi aucun préjudice financier ;

 

Attendu que l’ordonnateur n’a pas produit de réponse précise à la proposition de charge énoncée par le réquisitoire et a écarté l’idée d’un préjudice immédiat pour la collectivité ;

 

Attendu que, dans ses conclusions, le procureur financier fait valoir qu’en application de l’article D. 1617-19 du CGCT, au moment du paiement, le comptable ne disposait pas des pièces attendues ; que le fait d’avoir payé les indemnités sans les justificatifs idoines constitue un préjudice pour l’établissement et que le manquement du comptable est à l’origine de ce préjudice ;

 

 

 

 

Attendu qu’à l’audience, M. X…, a indiqué d’une part qu’il lui aurait été difficile de rejeter les payes d’un point de vue technique mais aussi par rapport à l’ordonnateur et aux agents, et d’autre part, s’agissant du contrôle sélectif de la dépense, que le plan de contrôle prévoyait un contrôle exhaustif alors que c’est un contrôle par sondage qui aurait dû être retenu ;

 

Attendu qu’il a été payé, à un agent de l’office des transports de la Corse, de février 2015 à décembre 2015, par mandats individuels, une somme de 6 655 € au titre des astreintes et une somme de 763,95 € au titre de la NBI ;

 

Attendu qu’il résulte des articles 18, 19 et 20 du décret n° 2012 -1246 du 7 novembre 2012 modifié relatif à la gestion budgétaire et comptable publique « que le comptable est tenu d’exercer […], s'agissant des ordres de payer, le contrôle de la validité de la dette et notamment l’exactitude de la liquidation et la production des pièces justificatives » ;

 

Attendu qu’aux termes de l'article D. 1617-19 du CGCT : « Avant de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des associations syndicales de propriétaires ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I du présent code » ;

 

Attendu qu’en application des dispositions de cette annexe I, les comptables publics doivent, en matière de primes et indemnités, disposer à l’appui des paiements des pièces énumérées à la rubrique 210 - Rémunération du personnel - à savoir : « 210222. Nouvelle bonification indiciaire. Décision de l’autorité du pouvoir de nomination fixant le nombre de points attribués à l’agent. » ; « 210225. Astreintes et permanences : 1. Délibération déterminant les cas dans lesquels il est possible de recourir à des astreintes ou à des permanences, la liste des emplois concernés 11, les modalités de leur organisation et, le cas échéant, le montant des crédits budgétaires alloués à cet effet12 ; 2. Le cas échéant, état des crédits alloués aux astreintes ou permanences consommés12 ; 3. État liquidatif, précisant l’emploi de l’agent, la période d’astreinte ou de permanence, le taux applicable et, le cas échéant, le nombre d’heures d’intervention réalisées pendant la période d’astreinte.

11 Y compris les emplois d’encadrement de la filière technique relevant des astreintes de décision.

12 Lorsque l’assemblée délibérante confie le choix du mode de dédommagement des astreintes ou des permanences à l’exécutif » ;

 

Attendu que le comptable n’a produit ni décision fixant le nombre de points de NBI attribués à cet agent ni délibération relative à l’organisation des astreintes ni la liste des emplois concernés ni le montant des crédits budgétaires alloués à cet effet ; qu’il a produit divers documents dont l’arrêté n° 2013-03 du 4 mars 2013  du directeur de l’office des transports de la Corse portant recrutement de l’agent en cause pour une durée de cinq ans qui précise seulement en son article 2 que « l’intéressé percevra une rémunération correspondant à l’indice nouveau majoré 312 catégorie C, 3ème échelon » ;

 

Attendu au surplus que, selon les fiches de paie, le montant de l’indemnité mensuelle de 605 € est le produit du montant hebdomadaire d’une astreinte de décision de 121 € pour cinq semaines dans le mois considéré ; qu’en conséquence le comptable a payé entre février et décembre 2015, soit 11 mois, 55 semaines d’astreinte ;

 

Attendu qu’en application de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963, la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable se trouve engagée dès lors qu’une dépense a été irrégulièrement payée ;

 

 

 

 

Attendu qu’il suit de là, qu’en ne disposant pas de l’ensemble des pièces justificatives lui permettant de vérifier les bases de liquidation de chaque versement de ce complément de rémunération, M. X…, a commis un manquement aux obligations de contrôle de la validité de la créance prévues aux articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012 de nature à mettre en cause sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;

 

Attendu que, lorsque l’instance est ouverte devant le juge des comptes, le constat de l’absence ou non du préjudice financier relève de l’appréciation de ce juge ; que l’absence d’ouverture par l’autorité habilitée du droit à versement d’une indemnité confère un caractère indu aux paiements afférents ; qu’il suit de là que les manquements du comptable ont causé un préjudice à l’office des transports de la Corse ;

 

Attendu qu’il y a lieu, en application des dispositions précitées du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, de constituer M. X…, débiteur de l’office des transports de la Corse pour la somme de 7 418,95 au titre de l’exercice 2015 et au titre de la présomption de charge n° 3 ;

 

 

 

Sur la présomption de charge n° 4, soulevée à l’encontre de M. X..., au titre de l’exercice 2015 :

 

 

Attendu que par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes de Corse de la responsabilité encourue par M. X…, à raison du versement, de janvier à décembre 2015, à plusieurs agents de de l’indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS) et de l’indemnité d’exercice de missions des préfectures (IEMP), pour un montant total de 98 028,24 sans disposer des pièces justificatives exigées, à savoir les éléments de calcul de la liquidation de ces indemnités ;

 

Attendu qu’en réponse, le comptable a communiqué un état daté du 9 février 2010 signé par le directeur de l’office des transports de la Corse fixant pour chaque agent les montant nets et bruts versés au titre de l’IEMP et de l’IFTS ;

 

Attendu que l’ordonnateur n’a pas produit de réponse précise à la proposition de charge énoncée par le réquisitoire et a écarté l’idée d’un préjudice immédiat pour la collectivité ;

 

Attendu qu’il a été payé au cours de l’exercice 2015 par mandats individuels, une somme de 98 028,54 € dont 60 804,88 € au titre de l’IFTS et 37 223,36 € au titre de l’IEMP aux agents de l’office des transports de la Corse ;

 

Attendu qu’il résulte des articles 18, 19 et 20 du décret n° 2012 -1246 du 7 novembre 2012 modifié relatif à la gestion budgétaire et comptable publique que le comptable est tenu d’exercer le contrôle, s'agissant des ordres de payer, de la validité de la dette et notamment l’exactitude de la liquidation et la production des pièces justificatives ;

 

Attendu qu’aux termes de l'article D. 1617-19 du CGCT : « Avant de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des associations syndicales de propriétaires ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I du présent code » ;

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Attendu que ladite annexe I prévoit, en sa rubrique 210226 relative aux primes et accessoires au salaire des personnels des établissements publics et commerciaux, la liste des pièces justificatives particulières exigibles suivantes : « a) Pour les EPIC autres que les OPH. Mention de la prime dans les conventions, accords collectifs de travail, conventions de branche ou accords professionnels visés au contrat de travail, Mention de la prime au contrat de travail ou Décision du conseil d’administration. » et en sa rubrique 21022 - Pièces particulières – que : « Ces pièces doivent être produites, en tant que de besoin, et à chaque changement des droits de l'agent » ;

 

Attendu qu’il ressort de l’examen de l’état signé par le directeur de l’office des transports de la Corse le 9 février 2010 fixant pour chaque agent les montant nets et bruts versés au titre de l’IEMP et de l’IFTS, que, s’agissant de l’IEMP, les montants référencés dans le tableau indiqué pour chaque agent correspondent aux montants effectivement versés ;

 

Attendu que les pièces particulières prévues à la rubrique 21022 ne sont à produire qu’à l’occasion de changement de la situation des agents ; qu’au cas particulier, les montants attribués à chaque agent n’ayant pas évolué depuis 2009, il y a lieu de considérer qu’aucun changement n’est intervenu ; que dès lors, la charge correspondante peut-être écartée ;

 

Attendu en revanche concernant le paiement des IFTS, que les montants versés à deux agents sont supérieurs à ceux fixés par lordonnateur, dans le tableau du 9 février 2010, le comptable, occasionnant ainsi un trop payé de de 2 533,56 € comme l’atteste le tableau ciaprès :


Tableau : Calculs des trop perçus

 

mois

Nom

Prenom

date d'émission

n° mandat

n° bordereau

IFTS

 

 

 

 

 

de mandats

à perçu

aurait dû percevoir

différence

janvier

Y…,

 

21/01/2015

000001

1

1 017,61

941,47

76,14

janvier

Z...,

 

21/01/2015

000003

1

568,40

433,41

134,99

février

Y…,

 

12/02/2015

000051

6

1 017,61

941,47

76,14

février

Z...,

 

12/02/2015

000053

6

568,40

433,41

134,99

mars

Y…,

 

19/03/2015

000130

15

1 017,61

941,47

76,14

mars

Z...,

 

19/03/2015

000132

15

568,40

433,41

134,99

avril

Y…,

 

21/04/2015

000217

26

1 017,61

941,47

76,14

avril

Z...,

 

21/04/2015

000219

26

568,40

433,41

134,99

mai

Y…,

 

19/05/2015

000275

31

1 017,61

941,47

76,14

mai

Z...,

 

19/05/2015

000277

31

568,40

433,41

134,99

juin

Y…,

 

18/06/2015

000340

38

1 017,61

941,47

76,14

juin

Z..,

 

18/06/2015

000342

38

568,40

433,41

134,99

juillet

Y…,

 

16/07/2015

000412

45

1 017,61

941,47

76,14

juillet

Z...,

 

16/07/2015

000414

45

568,40

433,41

134,99

août

Y…,

 

29/07/2015

000461

50

1 017,61

941,47

76,14

août

Z...,

 

29/07/2015

000463

50

568,40

433,41

134,99

septembre

Y…,

 

22/09/2015

000539

58

1 017,61

941,47

76,14

septembre

Z...,

 

22/09/2015

000541

58

568,40

433,41

134,99

octobre

Y…,

 

16/10/2015

000615

65

1 017,61

941,47

76,14

octobre

Z...,

 

16/10/2015

000617

65

568,40

433,41

134,99

novembre

Y…,

 

20/11/2015

000690

74

1 017,61

941,47

76,14

novembre

Z...,

 

20/11/2015

000692

74

568,40

433,41

134,99

décembre

Y…,

 

15/12/2015

000748

80

1 017,61

941,47

76,14

décembre

Z...,

 

15/12/2015

000750

80

568,40

433,41

134,99

TOTAL

 

19 032,12

16 498,56

2 533,56

 

 

Attendu qu’en application de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963, la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable se trouve engagée dès lors qu’une dépense a été irrégulièrement payée ;

 

Attendu que, lorsque l’instance est ouverte devant le juge des comptes, le constat de l’absence ou non du préjudice financier relève de l’appréciation de ce juge ; que l’absence de concordance entre, d’une part, le montant prévu et autorisé par l’ordonnateur et, d’autre part, le montant payé par le comptable confère un caractère indu aux paiements afférents ; qu’il suit de là que les manquements du comptable ont causé un préjudice à l’office des transports de la Corse ;

 

Attendu qu’il y a lieu, en application des dispositions précitées du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, de constituer M. X…, débiteur de l’office des transports de la Corse pour la somme de 2 533,56 € au titre de l’exercice 2015 ;

 


Tableau : Calculs des trop perçus

 

.

 

Sur les intérêts et le contrôle sélectif de la dépense :

 

Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 : « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; que les débets susmentionnés portent intérêt au taux légal à compter de la date de notification au comptable du réquisitoire du procureur financier susvisé, soit le 12 juillet 2017 ;

 

Attendu qu’aux termes du IX du même article : « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l’appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l’obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI. » ; qu’aux termes du décret du 10 décembre 2012 susvisé : «  La somme maximale pouvant être mise à la charge du comptable, conformément aux dispositions du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, est fixée à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré » ;

 

Attendu que le plan de contrôle sélectif de la dépense communiqué pour l’année 2015 n’est accompagné d’aucun compte rendu d’exécution, qu’il ressort dudit plan, qu’un contrôle exhaustif et a posteriori de la paie de l’office des transports de la Corse devait être effectué ; qu’ainsi, les dépenses litigieuses relatives à la paie auraient dû être contrôlées de manière systématique ; que dans ces conditions, la décision éventuelle de remise gracieuse de débet doit laisser à la charge de M. X…, une somme a minima égale au double de la somme maximale visée au 2ème alinéa du VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;

 

 

Par ces motifs,

 

 

DÉCIDE :

 

Concernant l’exercice 2014

 

Article 1er : au titre de la présomption de charge n° 1, M. X..., devra s’acquitter d’une somme de 265,50 €, en application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ; cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du IX de l’article 60 précité ;

 

 

Concernant l’exercice 2015

 

Article 2 : au titre de la présomption de charge n° 1, M. X..., devra s’acquitter d’une somme de 265,50 €, en application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ; cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du IX de l’article 60 précité ;

 

Article 3 : M. X..., est constitué débiteur de l’office des transports de la Corse pour la somme de 24 264,72 €, dont 14 312,21 € au titre de la présomption de charge n° 2, 7 418,95 € au titre de la présomption de charge n° 3 et 2 533,56 € au titre de la présomption de charge n° 4 augmentée des intérêts de droit à compter du 12 juillet 2017 ;

 

 

Les paiements entraient dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif et les règles prévoyaient que ces paiements devaient être contrôlés ;

 

Article 4 : la décharge de M. X..., pour sa gestion du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 ne pourra lui être donnée qu’après versement des sommes ci-dessus mises à sa charge en application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 précité et apurement des débets fixés ci-dessus.

 

 

Fait et jugé par M. Jacques Delmas, président de séance, M François Gajan, président de section et M. Alain Michel, conseiller.

 

En présence de Mme Maddy Azzopardi, greffière de séance.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Maddy Azzopardi

 

 

 

 

 

 

 

 

Jacques Delmas

 

 

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

 

 

 

 

 

En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.

 


 

Annexe 1 : Dépenses de rémunération – indemnité intitulée « complément de rémunération » – (compte 6531, budget principal, exercice 2015)

 

 

Mois

N° de mandat

Date d’émission

Somme versée (en €)

Février

000063

12 février 2015

1 301,11

Mars

000137

19 mars 2015

1 301,11

Avril

000229

21 avril 2015

1 301,11

Mai

000282

19 mai 2015

1 301,11

Juin

000347

18 juin 2015

1 301,11

Juillet

000419

16 juillet 2015

1 301,11

Août

000468

29 juillet 2015

1 301,11

Septembre

000546

22 septembre 2015

1 301,11

Octobre

000622

16 octobre 2015

1 301,11

Novembre

000697

20 novembre 2015

1 301,11

Décembre

000755

15 décembre 2015

1 301,11

Total

14 312,21

 


 

 

Annexe 2 : Dépenses de rémunération – NBI et astreintes – (compte 6411, budget principal, exercice 2015)

 

 

Mois

N° de mandat

Date d’émission

Sommes versées (en €) au titre des astreintes

Sommes versées (en €) au titre de la NBI

Février

000057

12 février 2015

605

69,45

Mars

000136

19 mars 2015

605

69,45

Avril

000223

21 avril 2015

605

69,45

Mai

000281

19 mai 2015

605

69,45

Juin

000346

18 juin 2015

605

69,45

Juillet

000418

16 juillet 2015

605

69,45

Août

000467

29 juillet 2015

605

69,45

Septembre

000545

22 septembre 2015

605

69,45

Octobre

000621

16 octobre 2015

605

69,45

Novembre

000696

20 novembre 2015

605

69,45

Décembre

000754

15 décembre 2015

605

69,45

SOUS-TOTAUX

6 655

763,95

TOTAL GENERAL (astreintes + NBI)

7 418,95 €

 

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