S3/2180180/MC
Première section Jugement n° 2018-0006 J Audience publique du 9 mars 2018 Prononcé du 30 mars 2018 | Commune de Garges-lès-Gonesse
Poste comptable : Sarcelles (95)
Exercice : 2014 |
République Française
Au nom du peuple français
La chambre,
Vu le réquisitoire du 12 octobre 2016, par lequel le Procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X..., comptable de la commune de Garges-lès-Gonesse au titre d’opérations relatives à l’exercice 2014, notifié le 3 novembre 2016 au comptable concerné ;
Vu le compte rendu en qualité de comptable de la commune de Garges-lès-Gonesse par M. X..., du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, modifiée notamment par la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique ;
Vu le décret n°88-631 du 6 mai 1988 relatif à l'attribution d'une prime de responsabilité à certains emplois administratifs de direction des collectivités territoriales et des établissements publics locaux assimilés ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le rapport de M. Hervé Beaudin, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions du Procureur financier ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du 9 mars 2018 M. Beaudin, premier conseiller, en son rapport et M. Luc Héritier, procureur financier, en ses conclusions ; M. X..., comptable, informé de l’audience, n’étant ni présent ni représenté ;
Entendu en délibéré M. Jean-Marc Dunoyer de Segonzac premier conseiller, en ses observations ;
Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963 susvisé : « […] les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière (…) de dépenses (…) dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » […] La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors […] qu'une dépense a été irrégulièrement payée […] ;
Attendu qu’aux termes de l’article 9 du décret du 7 novembre 2012 susvisé : « Le comptable public est tenu d'exercer le contrôle : […] 2° S'agissant des ordres de payer : d) De la validité de la dette dans les conditions prévues à l'article 20 […] ; que, selon l’article 20 du même décret : « Le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : […] 2° L'exactitude de la liquidation ; […] 5° La production des pièces justificatives […] ; qu’aux termes de l’article 38 : […] lorsqu'à l'occasion de l'exercice des contrôles prévus au 2° de l'article 19 le comptable public a constaté des irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de l'ordonnateur, il suspend le paiement et en informe l'ordonnateur. Ce dernier a alors la faculté de requérir par écrit le comptable public de payer. » ;
Attendu que l'article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales prévoit qu’: « Avant de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales […] ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I (…) » ;
En ce qui concerne le paiement de primes de responsabilité à deux directeurs généraux adjoints (charge n° 1) :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre afin de statuer sur la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X..., comptable de la commune de Garges-lès-Gonesse, pour avoir payé en 2014 des primes de responsabilité à deux directeurs généraux adjoints pour un montant de 12 843,48 €, en l’absence d’une délibération accordant le bénéfice de ces primes à ces agents ;
Attendu que la rubrique 210223 « primes et indemnités » de la liste des pièces justificatives des dépenses publiques locales mentionnée à l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales prévoit que, pour procéder au paiement de ce type de dépense, le comptable public doit disposer des documents suivants : « 1. Décision de l’assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen des indemnités ; 2. Décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination fixant le taux applicable à chaque agent. » ;
Attendu que, par une délibération du 30 mars 2006, le conseil municipal de Garges‑lès‑Gonesse a décidé d’attribuer une prime de responsabilité à l’agent occupant l’emploi fonctionnel de directeur général des services ; qu’aucune nouvelle délibération n’a étendu le bénéfice de la prime de responsabilité aux directeurs adjoints ;
Attendu que la délibération du 14 décembre 2011, qui octroie aux administrateurs exerçant les fonctions de directeur général adjoint, une prime de fonction et de résultats ne saurait non plus constituer le fondement du paiement litigieux de la prime de responsabilité, qui ne pouvait être confondue avec la deuxième part de la PFR, en raison d’une part des mentions portées sur les fiches de paye des bénéficiaires et d’autre part de l’article 8 de la délibération du 14 décembre 2011 qui précise que « la PFR se substitue au régime indemnitaire versé précédemment, excepté l’indemnité exceptionnelle, la prime annuelle et la nouvelle bonification indiciaire, ainsi que la prime de responsabilité des emplois de direction » ;
Attendu qu’en procédant au paiement de ces primes, en l’absence des pièces justificatives requises, le comptable manqué aux obligations mentionnées au I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisées et engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
Attendu, en ce qui concerne le préjudice financier subi par la commune, que le fait que les rémunérations accessoires des deux agents bénéficiaires au titre de la PFR et de l’indemnité de responsabilité n’aient pas dépassé le plafond réglementaire ne saurait justifier le versement de primes de responsabilité aux intéressés, qui ne reposait sur aucune délibération ni arrêté individuel ; qu’ainsi, en versant ces primes, le comptable a payé des sommes que la commune ne devait pas ;
Attendu, au surplus, qu’aux termes de l’article 1er du décret du 6 mai 1988 susvisé dans sa rédaction applicable à la date des paiements : « Les directeurs généraux des services des régions ou des départements, les secrétaires généraux des communes de plus de 5 000 habitants, le directeur général et les directeurs de délégation du Centre national de la fonction publique territoriale ainsi que les directeurs des établissements publics figurant sur la liste prévue au deuxième alinéa de l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée peuvent bénéficier d'une prime de responsabilité dans les conditions fixées par le présent décret. » ; que selon le second alinéa de l’article 3 du même décret : « Le directeur général adjoint, le secrétaire général adjoint ou le directeur adjoint chargé de l'intérim du fonctionnaire défaillant mentionné à l'alinéa précédent peut, pendant la même période, se voir attribuer le bénéfice de cette prime dans les mêmes conditions. » ; qu’il résulte de ces dispositions que les directeurs adjoints bénéficiaires des paiements litigieux, ne pouvaient percevoir cette prime qu’en cas d’intérim du directeur général des services, ce qui n’est pas allégué en l’espèce ;
Attendu qu’aux termes de l’article 53-1 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, créé par la loi du 12 mars 2012 : « Un décret en Conseil d'Etat détermine le nombre maximal d'emplois de directeur général adjoint des services mentionnés aux articles 47 et 53 que chaque collectivité territoriale ou établissement public peut créer, en fonction de son importance démographique. » ; que, toutefois, ces dispositions, invoquées par l’ordonnateur, sont restées inapplicables faute de décret d’application ;
Attendu que, dans ces conditions, la commune ne pouvait attribuer légalement la prime de responsabilité aux directeurs généraux adjoints ;
Attendu qu’il résulte de ce qui précède que les primes litigieuses n’étaient pas dues et étaient, au surplus, irrégulières ; que, dans ces conditions, le manquement du comptable a causé un préjudice financier à la commune de Garges-lès-Gonesse ;
Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 : « Lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; que, par suite, M. X... doit être constitué débiteur de la commune de Garges-lès-Gonesse pour la somme de 12 843,48 € au titre de la charge n° 1 ;
Attendu que le VIII du même article dispose que : « Les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 3 novembre 2016, date de réception du réquisitoire par M. X... ;
Attendu qu’aux termes du deuxième alinéa du même article : « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l'appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l'obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ; que, selon le décret du 10 décembre 2012 susvisé : « La somme maximale pouvant être mise à la charge du comptable, conformément aux dispositions du deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, est fixée à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré » ;
Attendu que le comptable n’a pas fourni de document relatif au contrôle sélectif de la dépense ; qu’il n’a pas indiqué dans ses réponses que les dépenses correspondant à cette charge relevaient d’un tel contrôle ; qu’ainsi, il doit être présumé que ces dépenses étaient soumises à un contrôle exhaustif ; que, par suite, en cas de remise gracieuse, le ministre chargé du budget devra laisser à la charge du comptable une somme au moins égale à 453 € ;
En ce qui concerne le paiement d’heures supplémentaires au-delà du plafond mensuel réglementaire à deux agents (charge n° 2)
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre afin de statuer sur la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X..., comptable de la commune de Garges-lès-Gonesse, pour avoir payé en 2014 des indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS) à deux agents pour un montant de 27 251,35 € au-delà du plafond mensuel de 25 heures, en l’absence de la décision justifiant le dépassement du contingent mensuel autorisé ;
Attendu que, selon la rubrique 210224, relative au règlement des IHTS, de l’annexe 1 au code général des collectivités territoriales mentionnée à l’article D. 1617-19 du même code, le comptable public, doit disposer, en cas de dépassement du contingent mensuel de 25 heures, de la décision justifiant ce dépassement ;
Attendu qu’en payant ces IHTS sans disposer de la décision prescrite, le comptable n’a pas pu procéder au contrôle de la validité de la dépense ; qu’il a ainsi manqué aux obligations mentionnées au I de l’article de la loi du 23 février 1963 susvisée et engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
Attendu que nonobstant la réalité du service fait alléguée par l’ordonnateur, le manquement résultant du paiement d’une dépense qui n’est pas due en raison de l’absence de la décision autorisant cette dépense, cause un préjudice financier à la collectivité concernée ; qu’ainsi, en application du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, M. X... doit être constitué débiteur de la commune de Garges-lès-Gonesse pour la somme de 27 251,35 € au titre de la charge n° 2 ;
Attendu qu’en application du VIII du même article, ce débet portera intérêt au taux légal à compter du 3 novembre 2016 ; qu’en application du deuxième alinéa du IX du même article, en l’absence d’un plan de contrôle sélectif de la dépense, le ministre chargé du budget, en cas de remise gracieuse, devra laisser à la charge du comptable une somme au moins égale à 453 € ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : M. X... est constitué débiteur de la commune de Garges-lès-Gonesse pour les sommes de 12 843,48 € et 27 251,35 €.
Article 2 : Les débets mentionnés ci-dessus porteront intérêt au taux légal à compter du 3 novembre 2016.
Article 3 : En cas de remise gracieuse, le ministre chargé du budget devra laisser à la charge de M. X... une somme au moins égale à 453 € pour chacun des débets correspondant aux charges n° 1 et 2.
Article 4 : Il est sursis à la décharge de M. X... pour sa gestion allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014, jusqu’à complet apurement des débets prononcés à son encontre.
Mainlevée peut être donnée et radiation peut être faite de toutes oppositions et inscriptions mises ou prises sur ses biens meubles ou immeubles ou sur ceux de ses ayants cause pour sûreté de ladite gestion et son cautionnement peut être restitué ou ses cautions dégagées.
Fait et jugé par M. Alain Stéphan, président de séance ; M. Patrick Prioleaud, président de section ; M. Jean-Marc Dunoyer de Segonzac, premier conseiller.
En présence de Mme Marie-Christine Bernier, greffière de séance.
Marie-Christine Bernier |
Alain Stéphan
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En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.
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