CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES

PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR

 

Deuxième section

Jugement n° 2018-0006

 

 

Commune de Drap

 

Département des Alpes-Maritimes

 

Exercice 2013

 

Audience publique du 16 janvier 2018

 

Délibéré du 16 janvier 2018

 

Prononcé du  16 mars 2018

 

 

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

La chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur

 

VU le code des juridictions financières ;

VU le code général des collectivités territoriales, notamment ses articles L. 2311-7, R. 2342-1, D. 1617-19 et l’annexe I ;

VU l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;

VU la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, notamment son article 10 ;

VU le décret n° 2001-495 du 6 juin 2001 pris pour l’application de l’article 10 de la loi
 2000-321 du 12 avril 2000 et relatif à la transparence financière des aides octroyées par les personnes publiques ;

VU le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

VU le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du VI 2ème alinéa de l’article 60, de la loi du 23 février 1963 susvisée ;

VU les lois et règlements relatifs à l’organisation, à la gestion et à la comptabilité des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ;


VU l’arrêté de charge provisoire du 17 janvier 2017 pris à l’encontre de M. X pour sa gestion de la commune de Drap de l’exercice 2013 et transmis le 29 mars 2017 au représentant du ministère public près la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur, par le chef du pôle interrégional d’apurement administratif de Toulouse ;

VU le réquisitoire en date du 4 mai 2017, par lequel le procureur financier a saisi la
juridiction en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de
M. X, comptable de la commune de Drap, au titre d’opérations relatives à l’exercice 2013 ;

VU la décision du 4 mai 2017 par laquelle le président de la chambre a chargé M. Laurent-Xavier Blelly, premier conseiller, de l’instruction du réquisitoire susvisé ;

VU les notifications dudit réquisitoire et du nom du magistrat chargé de l’instruction à
M. X, le 11 mai 2017, et M. Y, maire de Drap, le 11 mai 2017 dont ils ont, chacun, accusé réception le 12 mai 2017 ;

VU le questionnaire adressé par le rapporteur au comptable, le 22 septembre 2017 ;

VU la réponse du comptable, enregistrée au greffe de la chambre le 10 novembre 2017 ;

VU les lettres du 7 novembre 2017 informant l’ordonnateur et le comptable de la clôture de l’instruction ;

VU les lettres du 22 décembre 2017 les informant de la tenue, le 16 janvier 2018, de l’audience publique ;

VU les comptes de la commune du Drap pour l’exercice 2013 ;

Sur le rapport de M. Laurent-Xavier Blelly, premier conseiller ;

VU les conclusions du procureur financier ;

Après avoir entendu en audience publique le rapporteur et les conclusions orales de Mme MariePierre Laplanche-Servigne, procureur financier ; M X et le maire de la commune de Drap informés de l’audience, n’étant ni présents ni représentés ; et après avoir entendu Mme Réallon, réviseure, en ses observations ;

Après avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier ;

 


Charge unique : compte 6574 : mandats n° 1413 à 1418 pour un total de 146 820 €

Sur le réquisitoire

 

ATTENDU que par réquisitoire susvisé du 4 mai 2017, le procureur financier a requis la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur pour mettre en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X, au motif que par six mandats imputés au compte « subventions de fonctionnement aux associations et autres personnes de droit privé », le comptable, M. X a réglé le 31 décembre 2013, une subvention d’un montant total de 146 820 € à l'association Z ; qu'aucune des pièces justificatives exigées par la réglementation n'était jointe aux mandats ; que la responsabilité du comptable s'apprécie au moment du paiement et qu'il lui revenait avant de payer, d'exiger la production des justificatifs prévus à la rubrique 72 « subventions et primes de toute nature » de l’annexe I susvisée ou, à défaut, de suspendre les paiements en application de l'article 38 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ; que M. X, comptable de la commune de Drap du 1er janvier au 31 décembre 2013, se trouverait donc dans le cas prévu par les dispositions de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 ;

Sur la réponse du comptable

ATTENDU que le comptable a fait valoir les conditions de travail difficiles du poste comptable de Contes dont dépend la commune de Drap et a indiqué qu’une convention a été établie à partir de la gestion 2014 mais qu’il n’a pas été en mesure d’en présenter une pour 2013 ;

 

Sur les conclusions du procureur financier

ATTENDU que, dans ses conclusions, le procureur financier a fait valoir que la force majeure n’avait pas été invoquée par le comptable ; qu’il y avait, donc, lieu d’analyser l’existence d’un manquement de M. X à ses obligations ; qu’à défaut d’avoir produit une convention, M. X a engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire et se trouve dans le cas prévu par les dispositions de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 ;

 

Sur le manquement du comptable à ses obligations

ATTENDU que le comptable, M. X, a pris en charge le 31 décembre 2013 six mandats émis le même jour, par le maire de la commune du Drap, imputés au compte 6574 « subventions de fonctionnement aux associations et autres personnes de droit privé », correspondant au paiement le 31 décembre 2013, d’une subvention d’un montant total de 146 820 € à Z.

 

N° Mandat

Date

Montant

Bénéficiaire

1413

31/12/13

36 800,00

Z

1414

31/12/13

60 000,00

Z

1415

31/12/13

8 600,00

Z

1416

31/12/13

6 500,00

Z

1417

31/12/13

8 650,00

Z

1418

31/12/13

26 270,00

Z

Total

146 820,00 €

 

 

 

 

 

ATTENDU que le I de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 dispose que « (...) la responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors (...) qu'une dépense a été irrégulièrement payée » ; que selon le VI du même article « La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue au I est mise en jeu par le ministre dont relève le comptable, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes (…) ; qu’en application de l’article 19 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 susvisé, le comptable est tenu d’exercer le contrôle, s’agissant des ordres de payer, de la validité de la dette dans les conditions prévues à l’article 20 ; que cet article précise que « le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur (…) 3° « l’intervention des contrôles préalables prescrits par la réglementation » (…) « la production des pièces justificatives » ; que le premier alinéa de l’article 50 du même décret précise que « les opérations de recettes, de dépenses et de trésorerie doivent être justifiées par des pièces prévues dans des nomenclatures établies, pour chaque catégorie de personnes morales (), par arrêté du ministre chargé du budget » ; qu’en l’espèce, la nomenclature des pièces justificatives applicable aux collectivités territoriales est celle prévue à l'annexe I à
l'article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dont il ressort que le comptable doit exiger pour justifier le paiement de subventions, une décision de l’assemblée délibérante accordant la subvention (…) et le cas échéant, une convention passée entre le bénéficiaire et la collectivité (rubrique 721) ;

 

ATTENDU en effet, qu’aux termes de l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations « L'autorité administrative qui attribue une subvention doit, lorsque cette subvention dépasse un seuil défini par décret, conclure une convention avec l'organisme de droit privé qui en bénéficie, définissant l'objet, le montant et les conditions d'utilisation de la subvention attribuée » ; que le seuil imposant la passation d'une convention est fixé par l'article 1er du décret n° 2001-495 du 6 juin 2001 à
23 000 € ; qu’il en résulte que la convention entre la commune du Drap et l’association Z était une pièce justificative obligatoire qui devait être jointe à l’appui des mandats litigieux ;

 

ATTENDU que le comptable ne conteste pas ne pas avoir disposé d’une convention conclue
en 2013, entre la commune et l’association Z ;

 

ATTENDU qu’au moment de la prise en charge des six mandats, le comptable ne disposait pas d’une convention et aurait dû alors en suspendre le paiement en application de l’article 38 du décret n° 2012-1246 précité qui dispose que « lorsqu'à l'occasion de l'exercice des contrôles prévus au 2° de l'article 19, le comptable public a constaté des irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de l'ordonnateur, il suspend le paiement et en informe l'ordonnateur » ;

 

ATTENDU qu’en n’effectuant pas les contrôles prévus par les textes, le comptable, M. X a méconnu les dispositions des articles 19 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ; qu’en ne suspendant pas le paiement des six mandats concernés, il a aussi méconnu les dispositions de l'article 38 dudit décret ; que le paiement des mandats n° 1413 à 1418 est donc irrégulier ; qu’il en résulte que le comptable,
M. X, a engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire au titre de l’exercice 2013, en application des dispositions du I de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 ;

 


Sur le préjudice financier

ATTENDU qu’aux termes du VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 : « (…) lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n'a pas causé de préjudice financier à l'organisme public concerné, le juge des comptes peut l'obliger à s'acquitter d'une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en Conseil d'Etat en fonction du niveau des garanties mentionnées au II // Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public, l'organisme public a dû procéder à l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers ou a dû rétribuer un commis d'office pour produire les comptes, le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;

 

ATTENDU que le comptable a transmis une lettre signée par M. Y, maire en fonctions de la commune de Drap, attestant que la commune n’avait souffert d’aucun préjudice au motif « que les subventions correspondaient aux montants historiquement versés à l’association Z pour mettre en œuvre les actions de la politique de la Ville pour la commune » ;

 

ATTENDU que l’appréciation du préjudice relève de la seule responsabilité du juge des comptes ;

 

ATTENDU que les dispositions de l’article L. 2311-7 du CGCT prévoient que « L'attribution des subventions donne lieu à une délibération distincte du vote du budget. Toutefois, pour les subventions dont l'attribution n'est pas assortie de conditions d'octroi, le conseil municipal peut décider : 1° D'individualiser au budget les crédits par bénéficiaire ; 2° Ou d'établir, dans un état annexé au budget, une liste des bénéficiaires avec, pour chacun d'eux, l'objet et le montant de la subvention. L'individualisation des crédits ou la liste établie conformément au 2° vaut décision d'attribution des subventions en cause » ;

 

ATTENDU que la subvention, qui a fait l’objet des six mandats contestés, a bien été approuvée par le conseil municipal de la commune de Drap dans le cadre du budget 2013 ; qu’elle est, en outre, inscrite en annexe du même budget ; que le nom du bénéficiaire, l’objet et le montant de la subvention sont bien spécifiés ; qu’ainsi, en présence d’une décision expresse de l’assemblée délibérante précisant le bénéficiaire de la subvention et le montant octroyé, la subvention était due ; qu’en conséquence, le paiement de la subvention n’a pas causé de préjudice financier à la commune de Drap ;

Sur la sanction du manquement du comptable

ATTENDU qu’en application des dispositions de l’article 60 VI, 2ème alinéa, de la loi du
23 février 1963 susvisée, « lorsque le manquement du comptable (…) n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce » ; qu’aux termes du décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 susvisé, le montant maximal de cette somme est fixé à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré qui s’établit à la date du paiement à 177 000 € ;

ATTENDU qu’en l’absence de circonstance atténuante, il est mis à la charge du comptable la somme de 265 € ; que cette somme n’est pas productive d’intérêts ;


 

PAR CES MOTIFS

DÉCIDE :

 

Article 1er : la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X est engagée pour avoir payé, en 2013, sans disposer d’une convention signée avec la commune de Drap, une subvention à l’association Z ;

 

Article 2 : Il est mis à la charge de M X une somme non rémissible de
265 €, non productive d’intérêts.

 

Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur le seize janvier deux mil dix-huit.

 

Présents : Mme Catherine Collardey, vice-présidente, présidente de séance, M. Patrick Caiani, et Mme MarieAgnès Courcol, présidents de section, Mme Emmanuelle Colomb, première conseillère et Mme Sidonie Réallon, conseillère.

 

La greffière de séance,

 

La présidente de séance,

 

Patricia GUZZETTA

 

Catherine COLLARDEY

 

 

 

 

 

 

 

 

La République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

 

 

En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code.

 

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