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1ère section

 

Jugement n°2018-0002

 

Audience publique du 31 janvier 2018

 

Prononcé du 21 février 2018

Communauté de communes
de Charenton-le-Pont-Saint-Maurice (94)

 

Poste comptable de Saint-Maur-des-Fossés

 

Exercice 2012

 

République Française

Au nom du peuple français

 

La chambre,

 

 

Vu le réquisitoire n° 2016-0006 du 8 avril 2016, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X..., comptable de la communauté de communes de Charenton-le-Pont -Saint-Maurice, au titre de l'exercice 2012, notifié à la comptable mise en cause et à l'ordonnateur par courriers reçus le 22 avril 2016 ;

 

Vu les comptes rendus en qualité de comptable de la communauté de communes de Charenton-le-Pont - Saint-Maurice, par Mme X..., du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012 ;

 

Vu les justifications produites au soutien du compte en jugement ;

 

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique alors en vigueur ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

Vu le rapport de M. Jean-Marc Dunoyer de Segonzac, premier conseiller, magistrat chargé de l'instruction ;

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Vu les conclusions du procureur financier ;

Vu les pièces du dossier ; 

Entendu lors de l’audience publique du 31 janvier 2018 M. Jean-Marc Dunoyer de Segonzac, premier conseiller en son rapport, M. Héritier, procureur financier, en ses conclusions, et Mme X..., comptable présente ayant eu la parole en dernier ; 

Entendu en délibéré M. Patrick Prioleaud, président de section, en ses observations ;

 

Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes Île-de-France de la responsabilité encourue par Mme X... à raison du paiement du solde d'un marché de travaux, par trois mandats n° 1326 à 1328 du 25 septembre 2012 d'un montant, respectivement, de 4 634,85 €, 21 023,11 € et 19 467,54 €, en méconnaissance des conditions de révisions des prix stipulées par le cahier des clauses administratives particulières (C.C.A.P.) du marché ; que celui-ci prévoyait à son article 3.3.4 une révision mensuelle des prix en fonction de la date d'exécution des travaux par application d'une formule de révision ; que celle-ci, toutefois, ne pouvait engendrer une hausse des prix supérieure à 4 % du montant total du marché sur la durée totale d'exécution des travaux ; que cette clause de révision ne pouvait plus s'appliquer, une fois ce taux de 4 % atteint ;

 

Attendu qu'aux termes du I de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière […] de dépenses [...] dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. [...]. La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors [...] qu'une dépense a été irrégulièrement payée » ; qu'aux termes de l'article 12 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, alors en vigueur : « Les comptables sont tenus d'exercer [...] B) - En matière de dépenses, le contrôle de la validité de la créance dans les conditions prévues à l'article 13 ci-après [...] » ; que l'article 13 du même décret précise que : « En ce qui concerne la validité de la créance, le contrôle porte sur la justification du service fait et l'exactitude des calculs de liquidation ; l'intervention préalable des contrôles réglementaires et la production des justifications [...] » ; qu'en application de l'article 37 du même décret : « Lorsque, à l'occasion de l'exercice du contrôle prévu à l'article 12 (alinéa B) ci-dessus, des irrégularités sont constatées, les comptables publics suspendent les paiements et en informent l'ordonnateur. » ;

 

Attendu que la comptable fait valoir que, « dès lors, qu'après la date prévisionnelle de fin de marché (fin juin 2011) et à l'initiative de l'ordonnateur maître d'ouvrage, des modifications d'exécution du marché sont intervenues par cinq avenants entre mai et décembre 2011 pour un montant de 352 684,76 € HT (16, 16% du MAPA), il semblait évident que la hausse du coût final du marché entraînerait des ajustements en terme de révision des prix de base et que la clause du seuil de 4% ne pouvait pas, en toute logique, être respectée. » ;

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Attendu que la comptable ne pouvait ignorer les clauses du cahier des clauses administratives particulières du marché prévoyant de limiter les révisions de prix au maximum à 4 % du montant du marché ; que, face à des pièces comportant des incohérences entre elles (le C.C.A.P. limitant les révisions de prix à 4 % du coût total et le D.G.D. faisant état de révisions de prix représentant 4,75 % du coût total), elle aurait dû suspendre le paiement des mandats susvisés et en informer l'ordonnateur ; qu’en prenant en charge les mandats en cause, et en procédant à leur paiement sans les suspendre, Mme X... a méconnu l’obligation de contrôle de la production des pièces justificatives et de l’exactitude de la liquidation imposée par les textes précités ; que si Mme X... soutient que les conditions d'exécution du marché étaient telles que la clause litigieuse du C.C.A.P. ne pouvait être respectée, il appartenait alors aux parties au contrat de conclure un avenant afin de modifier une des pièces au contrat, en l'espèce le C.C.A.P. ; qu'en l'absence de cet avenant et face à une contradiction de pièces, il appartenait à Mme X... de suspendre le paiement ; qu’ainsi, elle a manqué aux obligations mentionnées au I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précité, et engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;

 

Attendu que la comptable considère que la communauté de communes n'a pas subi de préjudice, « étant elle-même à l'origine du dépassement » puisqu'à l'initiative de l'ordonnateur, maître d'ouvrage, l'exécution du marché fut modifiée par cinq avenants, et que la hausse du coût final du marché entraîna des ajustements des prix tels, que la clause du C.C.A.P. susvisée ne pouvait être respectée ;

 

Attendu toutefois que la communauté de communes ne devait à ses co-contractants que le solde du marché dans la limite du plafond de 4 % prévu au marché ; qu’il n’est pas établi que le même dommage serait advenu si la comptable avait suspendu le paiement et informé l’ordonnateur du dépassement du plafond prévu par le C.C.A.P. ; qu’ainsi, en ne limitant pas ses paiements aux seuls montant dus par la communauté de communes de Charenton-le-Pont-Saint - Maurice, la comptable a causé à celle-ci un préjudice financier ;

 

Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février susvisée : « Lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’ainsi, il y a lieu de constituer Mme X... débitrice de la communauté de communes de Charenton-le-Pont - Saint-Maurice pour la somme de 22 802,78 € ;

 

Attendu qu’aux termes du VII du même article : « Les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics. » ; que cette date est la réception par le comptable de la notification du réquisitoire du ministère public, dont le comptable a accusé réception le 22 avril 2016 ;

Attendu qu’aux termes du deuxième alinéa du IX du même article : « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du […] VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l’appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l’obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ; que, selon le l’article 1er du décret du 10 décembre 2012 : « La somme maximale pouvant être mise à la charge du comptable, conformément aux dispositions du deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, est fixée à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré. » ;

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Attendu que selon le plan de contrôle hiérarchisé des dépenses pour l'exercice 2012, le paiement du marché de travaux en cause devait faire l'objet d'un suivi exhaustif ; que par suite, en cas de remise gracieuse du débet prononcé, le ministre chargé du budget devra laisser à la charge du comptable une somme au moins égale à trois millièmes du montant du cautionnement du poste comptable de Saint-Maur-des-Fossés, fixé à 234 000 € pour l'exercice 2012, soit 702 € ;

 

 

Par ces motifs,

 

DÉCIDE :

 

 

Article 1er : Au titre de l’exercice 2012 Mme X... est constituée débitrice de la communauté de communes de Charenton-le-Pont - Saint-Maurice pour la somme de 22 802,78 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 22 avril 2016.

 

Article 2 : En cas de remise gracieuse du débet ci-dessus prononcé, le ministre chargé du budget ne pourra laisser à la charge de Mme X... une somme inférieure à 702 €.

 

Article 3 : Il est sursis à la décharge de Mme X... pour sa gestion durant l'exercice 2012 jusqu'à constatation de l'apurement du débet prononcé ci-dessus.

 

 

Fait et jugé par MM. Alain Stéphan, président de séance ; Patrick Prioleaud, président de section et Yves Bénichou, premier conseiller.

 

En présence de Mme Lionelle Nivore, greffière de séance

 

 

 

 

 

 

 

Lionelle Nivore

 

 

Alain Stéphan

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

 

En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du me code.

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