rapport n° 2018-0032 | commune d’irigny (rhône) |
jugement n° 2018-0009 | trésorerie d’oullins |
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audience publique du 06/03/2018 | code n° 069026100 |
délibéré du 06/03/2018 | exercice 2011 |
prononce le : 20/03/2018 |
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République Française
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES AUVERGNE-RHÔNE-ALPES
(STATUANT EN 5eme section)
1/6 – jugement n° 2018-0009
VU le réquisitoire n° 41-GP/2017 à fin d’instruction de charge pris le 23 octobre 2017 par le procureur financier près la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes ;
VU le courrier de notification du réquisitoire en date du 3 novembre 2017 adressé à M. X..., comptable, et à M. Y..., maire de la commune d’Irigny, dont ils ont accusé réception le 4 novembre 2017 ;
VU le code général des collectivités territoriales ;
VU le code des juridictions financières ;
VU l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée, notamment par l’article 90 de la loi de finances rectificative n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;
VU le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;
VU le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifiée ;
VU les lois et règlements relatifs à la comptabilité des communes et des établissements publics locaux ;
VU les arrêtés de la présidente de la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes relatifs aux attributions, à la composition et aux compétences des sections et des formations de délibéré ;
VU l’arrêté de la présidente de la chambre régionale des comptes portant délégation de signature à M. Alain LAIOLO, président de la 5ème section ;
VU la décision du président de la 5ème section, agissant par délégation de la présidente de la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes, en date du 30 octobre 2017, désignant Mme Jennifer EL-BAZ, conseillère, comme rapporteur pour instruire la charge identifiée dans le réquisitoire susvisé ;
VU la production d’observations écrites produites par M. X... le 15 novembre 2017 suite à la notification du réquisitoire ;
VU la demande d’informations adressée le 27 novembre 2017 à M. X... ;
VU les observations écrites de M. X..., enregistrées au greffe le 17 et 18 janvier 2018 ;
VU les comptes produits en qualité de comptable de la commune d’Irigny par M. X... pour l’exercice 2011 ;
VU le rapport n° 2018-0032 de Mme Jennifer EL-BAZ, conseillère, magistrat instructeur, déposé au greffe de la chambre le 31 janvier 2018 ;
VU les lettres du 15 février 2018 informant le comptable concerné et l’ordonnateur de la date fixée pour l’audience publique et les accusés de réception délivrés le 19 février 2018 par M. X... et le 16 février 2018 par M. Y....
VU les conclusions n° 18-0032 du procureur financier en date du 5 février 2018 ;
VU la production d’observations écrites produites par M. X... entre la clôture de l’instruction et le jour de l’audience enregistrées le 2 mars 2018 ;
ENTENDU en audience publique Mme Marie-Odile ALLARD, procureur financier, en ses conclusions ;
En l’absence du comptable concerné et de l’ordonnateur dûment informés de la tenue de l’audience ;
Après avoir délibéré hors la présence du public, du rapporteur et du procureur financier ;
Après avoir entendu en délibéré, M. Antoine LANG, premier conseiller, réviseur en ses observations ;
En ce qui concerne la présomption de charge unique relative à l’absence de diligences adéquates, complètes et rapides afin de permettre le recouvrement de titres de recettes pour montant total de 1 605,85 €
Sur les réquisitions du ministère public,
Attendu que par le réquisitoire n° 41-GP/2017 du 23 octobre 2017, le procureur financier près la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes a saisi la juridiction sur le fondement du III de l’article L. 242- 1 du code des juridictions financières devenu depuis l’article L. 242-4 du même code, à fin d’ouverture d’une instance à l’encontre de
M. X... au titre de sa gestion comptable de la commune d’Irigny sur l’exercice 2011 ;
Attendu qu’en son réquisitoire, le procureur financier relève que le comptable mis en cause n’aurait pas accompli les diligences adéquates, complètes et rapides afin de recouvrer les titres de recettes n° 144 d’un montant de 545,85 € pris en charge le 23/03/2007, n° 579 d’un montant de 530 € pris en charge le 04/12/2007 et n° 651 d’un montant de 530 € pris en charge le 31/12/2007 et émis à l’encontre d’un particulier ; que ces titres auraient ainsi été touchés par la prescription de l’action en recouvrement au cours de l’exercice 2011 ;
Attendu que le procureur financier conclut de ce qui précède que M. X... a pu engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire par l’insuffisance des diligences exercées en vue du recouvrement des titres de recettes susmentionnés ; qu’ils se trouverait ainsi dans le cas prévu par les dispositions de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 et qu’il y a lieu en conséquence d’ouvrir l’instance prévue au III de l’article L. 242-1 du code des juridictions financières devenu depuis l’article L. 242-4 du même code, aux fins de déterminer sa responsabilité encourue ;
Sur les titres retenus par le réquisitoire,
Attendu que l’état des restes à recouvrer au 31 décembre 2016 de la commune d’Irigny fait état des titres n° 144 d’un montant de 545,85 € pris en charge le 23/03/2007, n° 579 d’un montant de 530 € pris en charge le 04/12/2007 et n° 651 d’un montant de 530 € pris en charge le 31/12/2007 ; que ces titres, émis à l’encontre d’un particulier, sont relatifs à la facturation de loyers ;
Sur les observations des parties,
Attendu que dans ses observations enregistrées au greffe de la juridiction le 15 novembre 2017, M. X... a joint une copie d’écran de l’application informatique Hélios et les bordereaux de situation en date du 6 novembre 2017 concernant les titres n° 144, n° 579 et n° 651 afin de justifier des actes interruptifs de prescription ; qu’il a également fourni l’avis d’opposition à tiers détenteur sur rémunérations du 30 mars 2009 pour les titres n° 579 et
n° 651 ainsi que l’échéancier de paiement en date du 5 juin 2009 pour ces titres, précisant que celui-ci n’a pas été respecté ;
Attendu que concernant l’irrécouvrabilité de ces créances, le comptable évoque la situation professionnelle et personnelle du débiteur, ainsi que la transition en 2007 de la trésorerie vers Hélios et une restructuration du poste comptable d’Oullins initiée en 2004 ;
Attendu que dans sa réponse du 16 janvier 2018, M. X... précise que les notifications ont été effectuées par l'automate des poursuites, en courrier simple et non pas par envoi recommandé, pour des raisons budgétaires ;
Attendu qu’il soutient que si un manquement devait être retenu à son encontre, ce dernier n’aurait pas causé de préjudice financier à la collectivité, que le débiteur étant manifestement insolvable, la créance aurait fini par être admise en non-valeur ;
Sur l’interruption de la prescription de l’action en recouvrement,
Attendu que l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales dispose, dans son 3°, que « L'action des comptables publics chargés de recouvrer les créances des régions, des départements, des communes et des établissements publics locaux se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge du titre de recettes. Le délai de quatre ans mentionné à l'alinéa précédent est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des débiteurs et par tous actes interruptifs de la prescription. » ; que le 5° du même article précise que « (…) La mise en demeure de payer interrompt la prescription de l'action en recouvrement. » et le 7° que « Les comptables publics compétents chargés du recouvrement de ces titres peuvent procéder par la voie de l'opposition à tiers détenteur lorsque les sommes dues par un redevable au même poste comptable sont supérieures à un montant, fixé par décret en Conseil d'Etat, pour chacune des catégories de tiers détenteur. Le comptable public chargé du recouvrement notifie cette opposition au redevable en même temps qu'elle est adressée au tiers détenteur. »
Attendu que pour interrompre la prescription de l’action en recouvrement des comptables publics, les actes de poursuites doivent avoir été notifiés aux débiteurs ; que la preuve de la notification doit être apportée par le comptable ; que la transmission par lettre recommandée avec avis de réception constitue la preuve de la notification à la date de la signature de l’avis de réception par le redevable ;
Sur la responsabilité du comptable,
Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 modifié de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables « du recouvrement des recettes (…), de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils dirigent » ; de même que « des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ; que « la responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu'un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu'une recette n'a pas été recouvrée (…) » ;
Attendu qu’il résulte de l’article 11 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, que « les comptables publics sont seuls chargés : De la prise en charge et du recouvrement des ordres de recettes qui leur sont remis par les ordonnateurs, des créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou autre titre dont ils assurent la conservation ainsi que l’encaissement des droits au comptant et des recettes de toute nature que les organismes publics sont habilités à recevoir (…) de la conservation des pièces justificatives des opérations et des documents de comptabilité » et selon l’article 12, que « les comptables sont tenus d’exercer : en matière de recettes : (…) Dans la limite des éléments dont il dispose, de la mise en recouvrement des créances de l’organisme public et de la régularité des réductions et des annulations des ordres de recettes ».
Attendu que l’état des restes à recouvrer fait apparaître s’agissant du titre n° 144, l’existence d’un commandement avec frais en date du 22 avril 2008 et d’un commandement sans frais en date du 21 décembre 2009 ; que toutefois aucun élément ne permet de prouver la réception de ce commandement par le débiteur du titre ;
Attendu que l’état des restes à recouvrer fait apparaître, s’agissant des titres n° 579 et n° 651, l’existence d’un commandement avec frais en date du 21 mars 2008, le lancement d’une phase comminatoire facultative en date du 7 août 2008 et l’émission d’une opposition à tiers détenteur employeur du 10 avril 2009 ; que toutefois, aucun élément n’atteste de la réception de ce commandement, et de cette opposition à tiers détenteur par le débiteur du titre ;
Attendu qu’un échéancier de paiement conclu entre le débiteur et le comptable en poste peut valoir reconnaissance de dette par le débiteur, interrompant alors le délai de quatre ans dont le comptable dispose pour agir ; qu’en l’espèce, l’échéancier de paiement en date du 5 juin 2009 n’est signé par aucune des parties ; que cette échéancier de paiement ne peut ainsi être admis comme valant reconnaissance de sa dette par le débiteur ;
Attendu qu’à défaut de diligences adéquates, complètes et rapides, de nature à préserver le cours de la prescription quadriennale prévue à l’article L. 1617-15 précité du code général des collectivités territoriales, le recouvrement du titre de recettes retenu par le réquisitoire s’est trouvé définitivement compromis ; qu’en conséquence M. X... a engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire à hauteur de 1 605,85 € sur le fondement de l’article 60 de la loi du 26 février 1963 précitée ;
Sur le préjudice financier pour la commune d’Irigny,
Attendu que le VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, modifié par la loi n° 2011- 1978 du 28 décembre 2011 dispose que « lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n'a pas causé de préjudice financier à l'organisme public concerné, le juge des comptes peut l'obliger à s'acquitter d'une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en Conseil d'Etat en fonction du niveau des garanties mentionnées au II. / Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public, l'organisme public a dû procéder à l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers ou a dû rétribuer un commis d'office pour produire les comptes, le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
Attendu que lorsqu’un comptable n’a pas exercé dans les délais appropriés toutes les diligences requises pour le recouvrement d’une créance, ce manquement doit en principe être regardé comme ayant causé un préjudice financier à l’organisme concerné ; qu’il ne peut en aller autrement que lorsqu’il résulte des pièces du dossier, en particulier des éléments produits par le comptable, qu’à la date du manquement, la recette était irrécouvrable en raison notamment de l’insolvabilité de la personne qui en était redevable ;
Attendu que l’insolvabilité d’un débiteur peut être retenu si elle est avérée, par décision de justice antérieure à l’émission de la créance ; qu’une telle décision n’a pas été produite ;
Attendu qu’il découle de ce qui précède qu’il y a lieu de prononcer à l’encontre de M. X... un débet de 1 605,85 € sur l’exercice 2011, qu’en application des dispositions du IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée, ledit débet porte intérêts de droit à compter de la notification du réquisitoire intervenue à la date du 3 novembre 2017 ;
PAR CES MOTIFS,
DECIDE
Article 1 : M. X... est constitué débiteur envers la commune d’Irigny sur l’exercice 2011 pour la somme de 1 605,85 €, augmentée des intérêts de droit au taux légal à compter de la date du 3 novembre 2017 de notification du réquisitoire du procureur financier près la chambre régionale des comptes ;
Article 2 : M. X... ne pourra être déchargé de sa gestion du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011, qu’après avoir justifié de l’apurement en principal et en intérêts du débet mis à sa charge.
Fait et délibéré en la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes, cinquième section, le six mars deux mille dix-huit.
Présents :
M. Alain LAIOLO, président de section, président de séance ;
M. Antoine LANG, premier conseiller ;
Mme Sophie CORVELLEC, première conseillère.
La greffière
Brigitte DESVIGNES
| Le président de séance
Alain LAIOLO
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La République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Voie et délais de recours :
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.
1/6 – jugement n° 2018-0009