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1ère section
Jugement n° 2018-002
Audience publique du 8 février 2018
Prononcé du 1er mars 2018
| SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L’UTILISATION DES EAUX DE LA FORET DE MERVENT (Vendée)
Poste comptable : FONTENAY-LE-COMTE VAL DE VENDEE
Exercices : 2011 à 2015 |
République Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
Vu le réquisitoire en date du 3 août 2017, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X… ou de Mme Y…, comptables du syndicat intercommunal pour l’utilisation des eaux de la forêt de Mervent, au titre d’opérations relatives aux exercices 2011 à 2015, notifié respectivement le 5 août et le 7 août 2017 aux comptables concernés ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptables du syndicat intercommunal pour l’utilisation des eaux de la forêt de Mervent, par M. X…, du 1er janvier 2011 au 2 septembre 2013 et Mme Y…, à compter du 3 septembre 2013 ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifié ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique et le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le rapport de Mme Sandrine Taupin, première conseillère, magistrate chargée de l’instruction ;
Vu les conclusions du procureur financier ;
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Vu les pièces du dossier et, notamment, la réponse de M. X…, enregistrée au greffe de la chambre le 27 octobre 2017, celles de Mme Y…, enregistrées au greffe de la chambre les 2 octobre 2017 et 10 octobre 2017, et celle du président du syndicat intercommunal pour l’utilisation des eaux de la forêt de Mervent, enregistrée au greffe de la chambre le 3 octobre 2017 ;
Entendu lors de l’audience publique du 8 février 2018 Mme Sandrine Taupin, première conseillère, en son rapport, M. Sébastien Heintz, procureur financier, en ses conclusions ; M. X… et Mme Y…, n’étant ni présents, ni représentés ;
Entendu en délibéré M. Michel Soissong, président de section, réviseur, en ses observations ;
Sur la présomption de charge unique, soulevée à l’encontre de M. X… ou de Mme Y…, au titre de leur gestion respective :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes des Pays de la Loire de la responsabilité encourue par M. X… ou par Mme Y… à raison de l’insuffisance de justification du solde du compte 261 « Titres de participation » d’un montant de 7 781,46 € au 31 décembre 2015 ;
Attendu qu’aux termes de l’article 60 de la loi n° 63‑156 du 23 février 1963 susvisé « I- (…) les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables (...) de la comptabilité du poste comptable qu’ils dirigent. (…) III- La responsabilité pécuniaire des comptables publics s'étend à toutes les opérations du poste comptable qu'ils dirigent depuis la date de leur installation jusqu'à la date de cessation des fonctions. (…) Elle ne peut être mise en jeu à raison de la gestion de leurs prédécesseurs que pour les opérations prises en charge sans réserve lors de la remise de service ou qui n’auraient pas été contestées par le comptable entrant dans un délai fixé par l’un des décrets prévus au paragraphe XII (…). IV - La responsabilité pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu'un déficit ou un manquant en deniers ou en valeurs a été constaté (…) » ;
Attendu qu’aux termes de l’article 11 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 susvisé, applicable jusqu’à l’exercice 2012 inclus, « les comptables sont seuls chargés : de la prise en charge et du recouvrement des ordres de recettes qui leur sont remis par les ordonnateurs, des créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou autre titre dont ils assurent la conservation ainsi que l’encaissement des droits au comptant et des recettes de toute nature que les organismes publics sont habilités à recevoir ; (…), de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux organismes publics (…), de la conservation des pièces justificatives des opérations et des documents de comptabilité (…) » ;
Attendu qu’aux termes de l’article 18 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 susvisé, applicable à partir de l’exercice 2013, « Dans le poste comptable qu’il dirige, le comptable public est seul chargé : 1° De la tenue de la comptabilité générale (…) 5° Du recouvrement des ordres de recouvrer et des créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou tout autre titre exécutoire (…) 9° De la conservation des pièces justificatives des opérations transmises par les ordonnateurs et des documents de comptabilité (…) » ;
Attendu qu’aux termes de l’instruction budgétaire et comptable M4, applicable aux services publics locaux industriels et commerciaux, constituent des participations les droits dans le capital d’établissements publics, semi-publics ou privés (sociétés d’économie mixte - SEM) matérialisés ou non par des titres ; que les participations matérialisées par des titres sont inscrites au compte 261 « Titres de participation », sinon elles sont inscrites au compte 266 « Autres formes de participation » ;
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Attendu que conformément à une jurisprudence constante de la Cour des comptes, la perte de titres ou l’incapacité d’en justifier la possession est constitutive d’un manquant en deniers ou en valeurs et qu’en conséquence, le défaut de justification de participations détenues par une collectivité fonde la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public ; que la responsabilité du comptable ne peut être dégagée en l’absence de conservation des titres que s’il apporte des pièces suffisamment probantes pour que la réalité en soit justifiée et que les droits qu’ils représentent puissent être opposés à des tiers ;
Attendu que la somme de 7 781,46 € qui figure à la balance du compte 261 « Titres de participation » au 31 décembre 2015, est composée, selon l’état de l’actif de 2014, des participations suivantes :
Compte | Montant | Justifications |
261 | 6 923,17 € | Parts syndicat mixte datant de 1991 |
261 | 858,29 € | Parts sociales Crédit Agricole (CA) Vendée datant de 1992 |
TOTAL | 7 781,46 € | |
Attendu qu’en réponse, Mme Y… explique que le solde du compte 261 correspond à hauteur de 6 923,17 € à des parts détenues dans le syndicat mixte immobilier de la perception de Fontenay-le-Comte banlieue ; que ce syndicat créé en 1960 pour gérer l’immeuble de la perception a été vendu en 1997 à des personnes privées ; que les opérations de dissolution du syndicat ont commencé en 1997 et début 1998 ; que le syndicat a cessé son activité le 30 juin 1998 et a été dissous par arrêté préfectoral du 17 février 2003 ; que le syndicat intercommunal pour l’utilisation des eaux de la forêt de Mervent a transmis un certificat à la trésorerie en 2009 prévoyant la sortie d’actif du compte 261 pour 6 923,17 € (45 413 francs) ; que ce certificat n’a pas donné lieu à exécution par les services de la trésorerie ;
Attendu que s’agissant des parts sociales CA Vendée, Mme Y… produit d’une part, une attestation de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Vendée datée du 12 juin 1989 certifiant que le syndicat intercommunal pour l’utilisation des eaux de la forêt de Mervent est inscrit sur le registre des parts sociales pour une souscription s’élevant à 3 220 francs, soit 490,89 € et, d’autre part, un état du Crédit Agricole arrêté au 31 décembre 2001 faisant état de 885 parts à 1,52 €, soit 1 345,20 € en valeurs ; qu’elle précise qu’en 1999, sans produire de justificatif, une opération partielle de sortie des parts est intervenue au motif que certains prêts du syndicat intercommunal pour l’utilisation des eaux de la forêt de Mervent étaient transférés au syndicat d’eau départemental, suite à la prise de compétence intégrale par ce dernier de la distribution d’eau, qu’en 2002, 2003 et 2004 des intérêts de parts ont été versés respectivement pour 67,45 €, 72,64 € et 3,47 €, que les versements d’intérêts se sont arrêtés depuis 2005 ; qu’elle produit enfin un courriel électronique en date du 12 septembre 2017 du Crédit Agricole Atlantique Vendée attestant qu’aucun compte titre n’est actuellement ouvert au nom du syndicat intercommunal pour l’utilisation des eaux de la forêt de Mervent ;
Attendu que M. X…, Mme Y…, comptables et M. Z…, président du syndicat, soulignent l’ancienneté des écritures ;
Attendu que suite à un certificat de l’ordonnateur en date du 12 septembre 2017, les sommes de 6 923,17 € et de 858,29 € ont été sorties de l’actif, par mandat au compte 675 et un titre au compte 261 ; que Mme Y… a produit à cet effet une balance des comptes arrêtée à la date du 2 octobre 2017 faisant apparaître un solde nul au compte 261 ;
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Attendu que le comptable a l’obligation de conserver les pièces justificatives des documents comptables qui justifient les soldes du bilan ; que l’argument selon lequel les écritures comptabilisées au compte 261 sont anciennes, est en conséquence inopérant ;
Attendu que, lors de sa prise de fonctions, Mme Y… n’a pas formulé de réserves sur la gestion de son prédécesseur, M. X…, dont la gestion s’est terminée le 2 septembre 2013 ; qu’en conséquence la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X… ne saurait être recherchée ;
Sur la participation de 6 923,17 €
Attendu qu’il résulte de l’instruction que le syndicat intercommunal pour l’utilisation des eaux de la forêt de Mervent a communiqué en 2009 à la trésorerie un certificat de sortie d’actif en date du 26 mars 2009 ; que, sans même se prononcer sur le caractère suffisamment probant de cette pièce pour justifier le solde litigieux, elle établit l’existence de ce solde en l’état au compte 261 lors d’une période déjà jugée par la chambre ; qu’il résulte d’une jurisprudence constante que la responsabilité d’un comptable entrant ne peut être recherchée dès lors qu’il est démontré que le fait générateur d’un écart se situe à une date antérieure à sa prise de fonctions ;
Attendu qu’en conséquence, il n’y a pas lieu de constater un manquement pour cette participation à l’encontre de Mme Y… ;
Sur la participation de 858,29 €
Attendu que les attestations, les explications et les éléments chiffrés produits par Mme Y… ne constituent pas des pièces suffisamment probantes pour identifier et justifier du solde de 858,29 € au compte 261 ;
Attendu que, nonobstant l’apurement de la somme de 858,29 € du compte 261 intervenu en 2017 à la suite d’un certificat de l’ordonnateur en date du 12 septembre 2017, il résulte de l’absence de justification de la somme de 858,29 € au compte 261 un manquement à l’obligation de conserver les valeurs susceptibles d’engager la responsabilité du comptable ; que le comptable concerné est celui en fonctions à la date de l’impossibilité de justifier l’écart ;
Attendu que, comme il a été dit, Mme Y… reconnaît ne pas avoir émis de réserves sur la gestion de son prédécesseur et n’apporte par ailleurs aucun élément permettant d’attester que le défaut de justification du solde, en tout ou partie, trouvait son origine à une date antérieure à sa prise de fonctions laquelle date du 3 septembre 2013 ;
Attendu que la comptable ne fait valoir aucune circonstance constitutive de force majeure, au sens du premier alinéa du V de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 précitée ;
Attendu qu’ainsi la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme Y… pourra être engagée pour sa gestion de l’exercice 2013, à compter du 3 septembre, à hauteur de l’absence de justification du solde débiteur du compte 261 sous l’intitulé « parts sociales du Crédit Agricole Vendée », soit pour une somme de 858,29 € ;
Attendu qu’en l’espèce, s’agissant d’un manquant en valeurs, le manquement constaté a engendré un préjudice financier à la collectivité concernée à hauteur de celui-ci ;
Attendu que, par suite, il y a lieu de constituer Mme Y… débitrice du syndicat intercommunal pour l’utilisation des eaux de la forêt de Mervent à hauteur de la somme de 858,29 € au titre de l’exercice 2013 ;
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Attendu qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 7 août 2017, date de réception du réquisitoire par Mme Y… ;
Attendu qu’en application du IX de l’article 60 de la loi n° 63-156 précitée, les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise jeu dans ce cadre, ne peuvent obtenir du ministre chargé du budget une remise gracieuse totale ; que la somme laissée à la charge de Mme Y… par le ministre ne pourra être inférieure à 3 ‰ du montant du cautionnement du poste comptable (fixé à 177 000 € pour 2013), soit une somme de cinq cent trente-et-un euros (531 €) ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : En ce qui concerne M. X…, au titre des exercices 2011 à 2013 jusqu’au 2 septembre 2013 (présomption de charge unique).
Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de M. X… au titre de la présomption de charge unique, pour les exercices 2011 à 2013, jusqu’au 2 septembre.
M. X… est déchargé de sa gestion pour la période du 1er janvier 2011 au 2 septembre 2013.
M. X… est déclaré quitte et libéré de sa gestion terminée le 2 septembre 2013.
Mainlevée peut être donnée et radiation peut être faite de toutes oppositions et inscriptions mises ou prises sur ses biens meubles ou immeubles ou sur ceux de ses ayants cause pour sûreté de ladite gestion et son cautionnement peut être restitué ou ses cautions dégagées.
Article 2 : En ce qui concerne Mme Y…, au titre de l’exercice 2013, à compter du 3 septembre 2013 (présomption de charge unique).
Mme Y… est constituée débitrice du syndicat intercommunal pour l’utilisation des eaux de la forêt de Mervent pour la somme de huit cent cinquante-huit euros et vingt-neuf centimes (858,29 €), augmentée des intérêts de droit à compter du 7 août 2017.
L’éventuelle remise gracieuse du ministre ne pourra être totale et la somme laissée à la charge de Mme Y… ne pourra être inférieure à cinq cent trente-et-un euros (531 €) au titre de l’exercice 2013 ;
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Article 3 : En ce qui concerne Mme Y…, au titre des exercices 2014 et 2015 (présomption de charge unique).
Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de Mme Y…, au titre de la présomption de charge unique, pour les exercices 2014 et 2015.
Mme Y… est déchargée de sa gestion pour les exercices 2014 et 2015.
Article 4 : La décharge de Mme Y…, pour l’exercice 2013, ne pourra être donnée qu’après apurement du débet, fixé ci-dessus.
Fait et jugé par M. Michel Soissong, président de section, président de séance, MM. Jean‑Luc Marguet et Cyril Andriès, premiers conseillers.
En présence de Mme Valérie Berrichi, greffière de séance.
Valérie Berrichi
greffière de séance |
Michel Soissong
président de séance |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
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Article 3 : En ce qui concerne Mme Y…, au titre des exercices 2014 et 2015 (présomption de charge unique).
Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de Mme Y…, au titre de la présomption de charge unique, pour les exercices 2014 et 2015.
Mme Y… est déchargée de sa gestion pour les exercices 2014 et 2015.
Article 4 : La décharge de Mme Y…, pour l’exercice 2013, ne pourra être donnée qu’après apurement du débet, fixé ci-dessus.
Fait et jugé par M. Michel Soissong, président de section, président de séance, MM. Jean‑Luc Marguet et Cyril Andriès, premiers conseillers.
En présence de Mme Valérie Berrichi, greffière de séance.
Signé : Valérie Berrichi, greffière de séance
Michel Soissong, président de séance
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Ampliation certifiée conforme à l’original
Christophe GUILBAUD secrétaire général |
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.
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