Deuxième section

 

Jugement 2018-004

 

Audience publique du 20 février 2018

 

Prononcé du 13 mars 2018

COMMUNE DE BATZ-SUR-MER

(Département de LoireAtlantique)

 

 

Trésorerie de La Baule

 

Exercice : 2014

 

 

République Française

Au nom du peuple français

 

 

La Chambre,

 

 

Vu l’arrêté de charge provisoire transmis par le responsable du pôle interrégional d’apurement administratif (PIAA) de Rennes à la chambre régionale des comptes des Pays de la Loire le 17 janvier 2017 à l’encontre de M. X..., comptable de la commune de BatzsurMer, au titre de sa gestion du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 ;

 

Vu le réquisitoire en date du 17 mai 2017, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X..., comptable de la commune de Batz-sur-Mer au titre d’opérations relatives à l’exercice 2014, notifié le 24 mai 2017 au comptable concerné, et, le même jour, au maire de Batz-sur-Mer ;

 

Vu les comptes rendus en qualité de comptable de la commune de Batz-sur-Mer, par M. X..., du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 ;

 

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

Vu le rapport de M. Bertrand Schneider, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;

Vu les conclusions du procureur financier ;

 

 

2/6

Vu les pièces du dossier, et, notamment, les réponses du comptable, par courriers électroniques reçus les 11, 12 et 14 décembre 2017, et de l’ordonnateur, par courrier en date du 18 décembre 2017 ;

Entendu lors de l’audience publique M. Bertrand Schneider, premier conseiller, en son rapport et M. Sébastien Heintz, Procureur financier, en ses conclusions, M. X..., comptable, n’étant ni présent, ni représenté ;

Entendu en délibéré M. Jean-Louis Monniot, président de section, réviseur, en ses observations ;

 

Sur la présomption de charge unique, soulevée à l’encontre de M. X..., au titre de l’exercice 2014 :

 

Attendu que par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes des Pays de la Loire de la responsabilité encourue par M. X… pour avoir procédé au paiement des mandats 3, 106, 422, 587, 716, 895, 1150, 1280, et 1449 de l’exercice 2014 (repris au tableau figurant en annexe), sans avoir contrôlé l’exactitude des calculs de la liquidation de la dépense en versant des indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS) à un agent de catégorie A qui ne pouvait y prétendre ;

 

Attendu que le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires, dans sa version applicable en 2014, réserve le bénéfice des IHTS aux agents de catégorie B et C qui bénéficient d’un niveau indiciaire maximal (plafond 380) ;

 

Attendu que, dans sa réponse, le comptable ne conteste pas l’existence d’un manquement à ses obligations de contrôle ;

 

Attendu que, dans sa réponse, la commune considère qu’il y a eu manquement du comptable à ses obligations de contrôle ; que, s’agissant d’un agent titulaire de catégorie A, le versement d’heures supplémentaires n’est pas compatible avec les textes réglementaires (décret n° 2002-60 modifié du 14 janvier 2002) et que le comptable, dans la fonction qui est la sienne, aurait dû rejeter le versement par la collectivité de ces IHTS ;

 

Attendu, en application des articles 19 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, que les comptables publics sont tenus d'exercer le contrôle de la validité de la créance, qui inclut le contrôle de l’exactitude des calculs de liquidation ; qu’en application de l’article 38 du décret précité, à l’occasion des contrôles prévus aux articles 19 et 20, les comptables publics doivent suspendre les paiements et informer l’ordonnateur des irrégularités constatées ; qu’aux termes du paragraphe I de l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée, « les comptables sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière (…) de dépenses» et « que la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable se trouve engagée dès lors, notamment, qu’une dépense a été irrégulièrement payée (…) » ;

 

Attendu qu’il appartenait au comptable de contrôler la validité de la dette et l’exactitude des calculs de la liquidation, telles qu’elles résultent de l’application des dispositions du décret du 14 janvier 2002 précité relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires et des délibérations du conseil municipal de la commune de Batz-sur-Mer des 14 mai 2009 et 20 mars 2009, qui réservent aux agents de catégorie B et C le bénéfice de l’octroi d’IHTS ; que le contrôle de la mise en paiement d’IHTS à un agent de catégorie A aurait dû conduire le comptable à suspendre le paiement des mandats correspondants en application de l’article 38 du décret du 7 novembre 2012 précité ; qu’en conséquence, en ne suspendant pas le paiement, M. X... a manqué à ses obligations et procédé au paiement d’une dépense irrégulière, engageant ainsi sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;

 

3/6

 

Attendu qu’il n’est ni établi, ni même allégué par le comptable, de circonstance constitutive de la force majeure, au sens du premier alinéa du V de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 ;

 

Attendu que le comptable fait valoir en réponse que l’agent en cause exerçait une mission qui excédait le régime indemnitaire prévu par la réglementation ; qu’il fonde son argumentation sur un courrier de l’agent et les fiches de poste correspondant à ses fonctions ; quil fa              it valoir que c’est sciemment que l’autorité municipale lui aurait attribué des IHTS en 2014 en complément du régime indemnitaire fixé par son arrêté individuel du 11 octobre 2013 ; qu’il en déduit qu’il est dès lors possible d’estimer que la collectivité n’a pas subi de préjudice financier ;

 

Attendu que la commune de Batz-sur-Mer considère, en réponse, qu’elle n’a pas subi de préjudice financier sans exposer d’éléments particuliers d’appréciation ;

 

Attendu que le comptable ne produit aucune décision de la commune qui matérialise son intention d’attribuer des IHTS à l’agent ;

 

Attendu qu’il résulte de la jurisprudence que le caractère indu de paiements par un comptable public sans justification emporte l’existence d’un préjudice financier à l’organisme public concerné, résultant du manquement du comptable à ses obligations ; que le paiement de l’indu a irrégulièrement majoré la dette de la commune ; que, dès lors, le manquement du comptable a causé un préjudice financier à la commune de Batz-sur-Mer, au sens des dispositions du troisième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 modifiée ; que si la responsabilité du comptable public est engagée à concurrence de la totalité des dépenses irrégulièrement payées, elle peut être limitée au montant du seul trop payé, notamment si celuici se déduit de la rectification d'un calcul de liquidation et que le comptable fournit les éléments permettant de le déterminer ; qu'ainsi, il y a lieu de limiter le débet au titre des IHTS indûment payées, soit 2 104,94 , et de mettre en cause la responsabilité du comptable à hauteur de ce montant ;

 

Attendu qu’aux termes des dispositions de la loi du 23 février 1963 susvisée, « Lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’ainsi il y a lieu de constituer M. X… débiteur de la commune de BatzsurMer pour la somme de 2 104,94  ;

 

Attendu que les circonstances, de nature personnelle, évoquées par le comptable s’avèrent sans lien avec le manquement et, en tout état de cause, insusceptibles de l’atténuer ; qu’elles ne peuvent dès lors être retenues ;

 

Attendu que la commune ne fait valoir aucune circonstance particulière de l’espèce et qu’elle indique que l’irrégularité constatée a pris fin en novembre 2014 à la suite du départ de l’agent ;

 

Attendu qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics », qu’en l’espèce, cette date est le 24 mai 2017, date de réception du réquisitoire par M. X... ;

 

Attendu qu’en application du IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu peuvent obtenir du ministre chargé du budget une remise gracieuse, qui peut être totale, en cas de respect des règles de contrôle sélectif des dépenses ;

 

 

 

4/6

 

Attendu que sur le contrôle sélectif des dépenses, le comptable a produit un plan de contrôle non daté, signé par le comptable supérieur, applicable pour l’exercice 2013 ;

 

Attendu que le plan de contrôle produit ne mentionnait pas de durée d’application ;

 

Attendu qu’en application de l’article 4 de l’arrêté du 25 juillet 2013 portant application de l’article 42 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 modifié relatif à la gestion budgétaire et comptable publique et encadrant le contrôle sélectif de la dépense, « le comptable assignataire détermine la durée d'application du plan de contrôle hiérarchisé. Cette durée, qui peut être pluriannuelle, doit être mentionnée dans le plan de contrôle » ;

 

Attendu qu’ainsi les dépenses en question relevaient d’un plan de contrôle non valide au moment du paiement ;

 

Attendu qu’en application du IX de l’article 60 de la loi n° 63-156 précitée, les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans ce cadre, ne peuvent obtenir du ministre chargé du budget une remise gracieuse totale ; que la somme laissée à la charge de M. X... par le ministre ne pourra être inférieure à 3 ‰ du montant du cautionnement du poste comptable (fixé à 177 000 € pour 2014), soit une somme de cinq cent trente-et-un euros (531 €) ;

 

 

 

Par ces motifs,

 

 

 

DÉCIDE :

 

 

 

Article 1er : En ce qui concerne M. X..., au titre de l’exercice 2014, présomption de charge unique

 

M. X... est constitué débiteur de la commune de Batz-sur-Mer pour la somme de deux mille cent quatre euros et quatre-vingt-quatorze centimes (2 104,94 ), augmentée des intérêts de droit à compter du 24 mai 2017.

 

En l’absence de plan de contrôle sélectif de la dépense recevable pour 2014, les paiements devaient faire l’objet d’un contrôle exhaustif. L’éventuelle remise gracieuse du ministre ne pourra ainsi être totale et la somme laissée à charge de M. X... ne pourra être inférieure à cinq cent trente et un euros (531 €) pour l’exercice 2014.

 

Article 2 : La décharge de M. X... pour l’exercice 2014, par le pôle interrégional d’apurement administratif (PIAA) de Rennes, autorité compétente, ne pourra être donnée qu’après apurement du débet mis à sa charge.

 


5/6

 

 

Fait et jugé par M. Jean-Louis Monniot, président de section, président de séance ;

M. Jean-Louis Carquillat-Grivaz, premier conseiller et Mme Danièle Nicolas-Donz, première conseillère.

 

En présence de Mme Marie-Andrée Supiot, greffière de séance.

 

 

 

Marie-Andrée Supiot

 

 

 

 

greffière de séance

 

Jean-Louis Monniot

 

 

 

 

président de séance

 

 

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

 


5/6

 

 

Fait et jugé par M. Jean-Louis Monniot, président de section, président de séance ;

M. Jean-Louis Carquillat-Grivaz, premier conseiller et Mme Danièle Nicolas-Donz, première conseillère.

 

En présence de Mme Marie-Andrée Supiot, greffière de séance.

 

 

Signé :                        Marie-Andrée Supiot, greffière de séance

                     Jean-Louis Monniot, président de séance

 

 

 

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

 

 

Ampliation certifiée conforme à l’original

 

 

 

Christophe Guilbaud

secrétaire général

 

 

 

En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.

 

 

 

 

 


6/6

 

 

 

 

Paiement de l’indemnité horaire pour travaux supplémentaires (IHTS)

à M. Y…

 

 

Mandat

Mois de paye

dont IHTS versées

à M. Y…

Observations

n° 3 du 20/01/2014

Janvier

199,32 €

-  11 heures à 18,120 €

n° 106 du

19/02/2014

Février

199,32 €

-  11 heures à 18,120 €

n° 422 du

20/03/2014

Mars

199,32 €

-  11 heures à 18,120 €

n° 587 du

18/04/2014

Avril

196,30 €

   HS dimanche – Jours fériés

-  6,50 heures à 30,200 €

n° 716 du

21/05/2014

mai

199,32 €

-  11 heures à 18,120 €

n° 895 du

19/06/2014

 

juin

196,30 €

   HS dimanche – Jours fériés

-  6,50 heures à 30,200 €

n° 1150

du 21/07/2014

juillet

199,32 €

-  11 heures à 18,120 €

n° 1280 du

20/08/2014

août

199,32 €

 

90,60 €

-  11 heures à 18,120 €

 

   HS dimanche – Jours fériés :

-  3 heures à 30,200 €

n° 1449 du

22/09/2014

septembre

244,62 €

 

181,20

-  13,50 heures à 18,120 €

 

   HS dimanche – Jours fériés :

-  6,50 heures à 30,200 €

Total

2 104,94 €