Mission traditionnelle de la Cour, étroitement liée et souvent réalisée concomitamment au contrôle juridictionnel sur les comptes, le contrôle, ou l’examen1, de la gestion a pour objet de s’assurer du bon emploi des fonds publics, – son efficacité et son efficience.
Illustré d’exemples récents de contrôle de la gestion réalisés par la Cour ou par les CRTC qui ont donné lieu à des observations rendues publiques en 2014, ce chapitre met en exergue la diversité des contrôles réalisés et de leurs suites.
Le contrôle, ou l’examen, de la gestion est exercé par la Cour et les chambres régionales et territoriales des comptes sur les entités qui relèvent de leur compétence respective. Si ces entités sont pour l’essentiel des organismes publics, nationaux ou locaux, des organismes privés peuvent aussi être contrôlés par la Cour ou les chambres régionales et territoriales des comptes sous certaines conditions définies par la loi. Le contrôle de la gestion peut aussi être exercé de manière transversale sur une activité ou une politique conduite par une ou plusieurs entités.2
Tableau n° 1 : répartition des compétences entre la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Le champ de compétence de la Cour des comptes en matière de contrôle de la gestion n’a cessé de s’élargir, tout particulièrement ces dernières décennies.
La Cour contrôle la gestion des services de l’État (services centraux et déconcentrés des ministères), et celle des établissements publics nationaux, comme les six agences de l’eau. Relève également de la compétence de la Cour des comptes le contrôle de la gestion des entreprises publiques : établissements publics à caractère industriel et commercial (comme, par exemple, la SNCF), sociétés nationales, sociétés d’économie mixte et sociétés anonymes dans lesquelles l’État possède la totalité ou la majorité du capital social (comme, par exemple, la Française des jeux).
Deux exemples d’entités contrôlées par la Cour des comptes : les trésoreries auprès des ambassades et les agences de l’eau
Le ministère des finances et des comptes publics dispose à l’étranger d’un réseau de 16 trésoreries auprès des ambassades de France, principalement situées en Afrique. Ainsi que le détaille le chapitre I du volume 2 du tome I, leur contrôle par la première chambre de la Cour des comptes a mis en évidence que la survivance de ce réseau coûteux hérité du passé n’apparaît pas justifiée. Sa suppression à brève échéance est donc recommandée.
Établissements publics nationaux à caractère administratif, créés en 1964 et placés sous la tutelle du ministère chargé de l’environnement, les agences de l’eau sont régulièrement contrôlées par la septième chambre de la Cour des comptes au regard notamment des aides versées. Le dernier contrôle, dont il est rendu compte au chapitre I du volume 1 du tome I, a porté sur la période de mise en œuvre du 9e programme d’interventions pluriannuel (2007-2012), prioritairement axé sur le soutien à l’équipement des stations d’épuration, rendu nécessaire par les médiocres performances françaises au regard des normes européennes. Les déficiences relevées dans le fonctionnement des agences et le recul de l’application du principe pollueur-payeur ont conduit la Cour à s’interroger sur la pertinence d’un dispositif qui repose sur des redevances très majoritairement prélevées auprès des usagers domestiques alors que ceux dont l’activité est à l’origine de pollutions graves ne sont pas sanctionnés en proportion des dégâts qu’ils provoquent.
La Cour des comptes est aussi compétente pour contrôler la gestion de l’ensemble des organismes de sécurité sociale. Sur un fondement spécifique, elle a également compétence pour contrôler d’autres institutions de protection sociale qui, bien qu’ayant été créées par des accords entre partenaires sociaux, sont financés par des cotisations à caractère obligatoire. Ainsi, la sixième chambre de la Cour a examiné la gestion des régimes complémentaires de retraite de base versées aux salariés du secteur privé par l’Agirc et l’Arrco. Les constats et recommandations ont fait l’objet d’un rapport public thématique, rendu public le 18 décembre 2014.
En plus du contrôle de toutes ces entités qui, du fait de leur statut public national, sont obligatoirement soumises au contrôle de la Cour des comptes, celle-ci peut aussi contrôler les organismes privés bénéficiaires de concours financiers publics. Par ailleurs, le législateur lui a aussi donné la compétence pour vérifier l’emploi des dons versés à des organismes faisant appel à la générosité publique (loi du 7 août 1991) ou celui de dons ouvrant droit à un avantage fiscal (loi du 30 décembre 2009 de finances rectificatives pour 2009).
Un exemple de rapport sur l’emploi des dons versés à un organisme faisant appel à la générosité publique : l’Union nationale des aveugles et déficients visuels
Depuis le premier rapport concernant l’Association de recherche contre le cancer (ARC) en 1996, la Cour publie régulièrement des rapports sur l’emploi des dons versés à des organismes faisant appel à la générosité publique. Elle a ainsi rendu public, le 16 janvier 2014, un rapport sur l’Union nationale des aveugles et déficients visuels (UNADEV)3, association initialement créée dans le département de la Gironde le 16 novembre 1929 et ayant étendu ses actions à la région Aquitaine dans les années 1960, puis au niveau national en 2000 avec six antennes. Les objectifs poursuivis par l’appel à la générosité publique de l’UNADEV consistent à soutenir la cause d’intérêt général des déficients visuels.
À l’issue de son contrôle au siège de l’association et dans les antennes de Bordeaux (Gironde) et de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), la Cour a constaté la non-conformité de l’emploi des fonds collectés à l’objet allégué, pour les exercices 2010 et 2011 pour l’ensemble des motifs suivants :
- les dépenses engagées par l’association ont été majoritairement des frais de recherche de fonds ;
- près du quart de la part, minoritaire, des dépenses consacrées aux missions sociales a été réservé par l’UNADEV à ses seuls adhérents personnes physiques, en dépit du fait qu’elle annonce au public soutenir la cause de l’ensemble des déficients visuels ;
- l’information du public sur l’objet réel des dépenses engagées, tant par les comptes d’emploi des ressources que par la communication financière de l’association, est erronée.
Conformément aux dispositions du 4e alinéa de l’article L. 111-8 du code des juridictions financières, cette déclaration de non-conformité a été communiquée au ministre des finances et des comptes publics, qui a décidé de ne pas suspendre l’avantage fiscal des dons et legs effectués au profit de l’UNADEV, à la condition que celle-ci prenne en compte les préconisations émises par la Cour. Le prochain contrôle qui sera mené par celle-ci vérifiera en conséquence la mise en œuvre effective des mesures correctrices qu’elle a demandées, ainsi que la réduction des coûts de collecte de l’association à un niveau normal.
Chacune des chambres régionales et territoriales des comptes contrôle, dans son ressort géographique, la gestion des collectivités territoriales (régions, départements et communes), de leurs groupements (communautés d'agglomération, communautés de communes, syndicats intercommunaux etc.) et des établissements publics locaux qui dépendent d’elles (collèges, lycées, offices publics de l’habitat, etc.).
En plus des entités soumises obligatoirement au contrôle des chambres régionales et territoriales des comptes, ces dernières peuvent également procéder au contrôle de la gestion de certains organismes ayant un lien direct ou indirect avec les collectivités territoriales et leurs établissements publics. Il s'agit notamment des sociétés publiques locales, des associations subventionnées, et des groupements d'intérêt économique ou public.
Deux exemples d’entités contrôlées par les chambres régionales ou territoriales des comptes : la ville de Béziers et la société d’économie mixte locale d’aménagement
Dans la continuité du contrôle de la Communauté d’agglomération Béziers-Méditerranée (CABM) effectué l’année précédente, la chambre régionale des comptes de Languedoc-Roussillon a examiné en 2014 la gestion des deux autres entités publiques du biterrois : la ville de Béziers et la société d’économie mixte locale d’aménagement (SEBLi).
De lourds investissements publics ont été engagés avec pour objectif d’améliorer l’attractivité d’un territoire en grandes difficultés socio-économiques. Ils ont été largement financés par la dette (encours de plus de 108 M€ pour la Ville représentant une année de produits de gestion, et de 41 M€ pour les seules dettes bancaires de la SEBLi, garanties toutefois par les collectivités locales). Parfois difficiles à retracer en comptabilité, les engagements hors bilan de la Ville et de la CABM vis-à-vis de la SEBLi représentent, dans un contexte marqué par un allongement de la durée des opérations et des difficultés accrues de commercialisation des parcelles aménagées, un risque financier supplémentaire évalué, fin 2012, pour les seules avances de trésorerie, à 24 M€. Compte tenu du niveau élevé de la fiscalité (le coefficient de mobilisation fiscale est de 1,45) et de la faiblesse du potentiel financier (toujours inférieur à celui des collectivités de la strate), les marges de manœuvre en matière de recettes de la commune de Béziers sont désormais restreintes.
Les observations en matière de gestion du personnel relevées lors du contrôle de la CABM sont transposables à la Ville (charges de personnel s’élevant à 96 M€, soit plus de 60 % des charges de gestion de 2013) : temps de travail annuel inférieur à la référence (soit un coût théorique équivalent à 53 ETPT), avancement d’échelon à la durée minimale systématisé, régime d’autorisation d’absence très favorable (soit un coût théorique équivalent à 215 ETPT). L’importance et la rigidité de ces charges de personnel rendent illusoire, à brève échéance, l’obtention d’économies de fonctionnement significatives pouvant compenser la faiblesse des marges de manœuvre relevée en matière de recettes.
La mise en jeu des garanties apportées par les collectivités du biterrois, et notamment par la commune de Béziers, entraînerait inévitablement pour celles-ci des problèmes de solvabilité difficiles à résoudre rapidement.
Les chambres régionales et territoriales des comptes contrôlent également, par délégation de la Cour des comptes, la gestion de certains organismes nationaux. C’est le cas notamment des établissements de santé et de certaines chambres consulaires : chambres de commerce et d’industrie et chambres de métiers et de l’artisanat.
Trois exemples de chambres consulaires et d’un établissement public de santé contrôlés, par délégation, par des chambres régionales ou territoriales des comptes
La chambre régionale des comptes des Pays de la Loire a contrôlé l’unique chambre de commerce du département de la Loire-Atlantique : celle de Nantes-Saint-Nazaire (CCINSN), qui est notamment le premier gestionnaire de ports du département avec 1 650 places. Le rapport d’observations définitives, rendu public le 25 avril 2014, a souligné le dynamisme de la CCINSN dans l’exercice de ses compétences ainsi que la rigueur et la bonne qualité générale de sa gestion.
La chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur et celle de Martinique ont émis des observations plus critiques à l’encontre respectivement de la chambre de métiers et d’artisanat du Var (CMAV) et de la chambre de métiers et de l’artisanat de la région Martinique (CMAR Martinique). Le rapport d’observations définitives, rendu public le 23 juin 2014, indique que la CMAV présente de nombreuses carences en matière de gestion financière, de gestion des ressources humaines et de commande publique. Le second rapport, rendu public le 28 novembre 2014, sur la situation de la CMAR Martinique constate que les audits successifs n’ont eu que peu de traductions dans l’organisation et les finances de l’organisme consulaire ; les charges et l’endettement, élevés, continuent d’augmenter, bien au-delà de ce que le niveau des recettes permettrait d’assumer.
Dans le domaine hospitalier, les chambres régionales des comptes exercent par délégation de la Cour l’examen de la gestion des établissements publics de santé. De manière plus spécifique, elles peuvent aussi rendre un avis sur la situation financière de ces établissements sur le fondement de l'article L. 6143-3-1 du code de la santé publique. Avant une éventuelle mise sous administration provisoire, le directeur général de l’agence régionale de santé peut demander à la chambre régionale des comptes de se prononcer sur la situation financière d’un centre hospitalier et, le cas échéant, sur les propositions de mesures de redressement.
Saisie à ce titre par le directeur général de l’Agence régionale de santé de la région Rhône-Alpes, la chambre Auvergne, Rhône-Alpes a considéré que le centre hospitalier de Roanne cumulait plusieurs critères de déséquilibre financier définis par l'article D. 6143-39 du code de la santé publique. Elle a constaté que le plan de redressement, tel que proposé en février 2014, ne garantissait pas un retour à l’équilibre financier à échéance de 2015, mais qu’au contraire, son application l’aggraverait. Elle a estimé que la préservation de la mission de service public de l'établissement appelait la mise en œuvre de mesures structurelles, en vue de rééquilibrer sa situation médico-économique.
Plutôt que de porter sur une entité spécifique, le contrôle de la gestion peut aussi s’exercer sur une activité ou une politique conduite par une ou plusieurs entités. Pour la Cour des comptes, plusieurs contrôles ayant donné lieu à une insertion dans le tome I relèvent de cette catégorie, comme par exemple l’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence (cf. chapitre I du volume 1) ou la gestion par la France des fonds structurels européens (cf. chapitre III du volume 2). Il en est de même pour les chambres régionales et territoriales des comptes.
Un exemple de politique locale examinée par les chambres régionales ou territoriales des comptes : l’enquête sur les interventions économiques sur le territoire du Pays Yon et Vie (Vendée)
La chambre régionale des comptes des Pays de la Loire a rendu public, le 24 septembre 2014, les résultats d’une enquête sur les politiques locales de développement économique et d’aides aux entreprises conçues et mises en œuvre depuis 2007 sur le territoire du Pays Yon et Vie (Vendée) par une douzaine de collectivités territoriales, établissements publics, sociétés d’économie mixte et autres organismes intervenant dans ce domaine. Ces politiques passent essentiellement par des actions en faveur de l’attractivité du territoire et de l’accueil des entreprises, au travers principalement de l’aménagement de zones d’activités économiques, de la création de pépinières d’entreprises et d’un appui aux structures de soutien aux entrepreneurs.
Dans son rapport d’observations définitives, la chambre a porté une appréciation globale sur les interventions des différents acteurs et leur cohérence, au-delà de l’analyse des politiques conduites par chacun des intervenants sur un même territoire. Tout en notant une spécialisation de fait entre les collectivités intervenant, directement ou par l’intermédiaire d’opérateurs, sur le seul territoire du Pays Yon et Vie, ou sur un périmètre plus large, la chambre a estimé que cette spécialisation trouve toutefois ses limites dans la coexistence de dispositifs redondants, dont la gestion n’est pas ou se trouve insuffisamment coordonnée.
Quand l’activité ou la politique concernée est menée par plusieurs entités qui relèvent de la compétence de plusieurs chambres régionales et territoriales des comptes, une formation commune aux chambres concernées est établie pour mener le contrôle. Tel fut notamment le cas pour l’enquête sur les stations de ski dans les Pyrénées, conduite par une formation commune à deux chambres régionales des comptes (cf. encadré infra), et aussi celle sur les transports urbains de voyageurs, conduite dans douze régions représentant 12,3 millions d’habitants, soit un peu plus de 19 % de la population métropolitaine (cf. chapitre II du volume 1 du tome I).
Un exemple de contrôle conduit conjointement par plusieurs chambres régionales des comptes : les stations de ski des Pyrénées
Comme le détaille le chapitre III du volume 1 du tome I, les difficultés majeures rencontrées par plusieurs de stations de ski des Pyrénées françaises ont conduit les chambres régionales des comptes de Languedoc-Roussillon et de Midi-Pyrénées à examiner dans le cadre d’une enquête commune la gestion de 16 stations de ski et de leurs communes de rattachement (huit dans chaque région), ainsi que celle de trois structures de promotion du ski.
Les constats dressés, en termes notamment d’érosion de la fréquentation et de situations budgétaires et financières souvent tendues, ont conduit à la formulation de trois recommandations pour assurer la viabilité d’une activité aux retombées économiques réelles dans les territoires de montagne.
Le contrôle de la gestion d’une entité ou d’une activité consiste à apprécier, de manière indépendante, objective et documentée, la régularité et la performance de sa gestion.
Une gestion est considérée comme régulière si elle est conforme aux règles de droit la concernant.
Deux exemples de contrôle ayant mis en évidence des irrégularités : les subventions octroyées aux territoires affectés par les restructurations des armées et les partenariats publics privés des collectivités territoriales
L’enquête sur les aides liées aux territoires affectés par les réformes des armées4 a mis en évidence plusieurs situations où les instructions et les textes régissant ces aides n’étaient pas respectés :
- deux subventions d’un montant très élevé ont été accordées par le ministre aux entreprises Safran et Eurocopter en méconnaissance du plafond de 600 000 € applicable ;
- des communes ont bénéficié de financements du fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées (FSCT) en dehors des règles applicables ; telles que Barcelonnette, aux prises avec des difficultés financières très antérieures à la modification de la carte militaire de 2008 et à la restructuration des armées, ou Arras ou Givet, qui ont bénéficié de ces financements à plusieurs reprises malgré leur caractère non reconductible :
- enfin, des contrats de redynamisation des sites de défense (CRSD) ont enfreint le dispositif législatif les encadrant. Les communes de Provins et de Sourdun ont ainsi bénéficié d’une aide visant la création d’un « centre aquatique », en contravention avec les règles prévues par le code général des collectivités territoriales, dans la mesure où le projet avait donné lieu à un bail emphytéotique administratif.
Depuis leur création par l’ordonnance du 17 juin 2004, les collectivités territoriales ont eu largement recours aux contrats de partenariat pour des opérations d’infrastructures ou de mise à niveau de leurs équipements. Treize chambres régionales des comptes ont examiné, dans le cadre d’une enquête commune, 29 contrats de partenariat, en vue de dresser un bilan de ce nouvel instrument, alors que par ailleurs un nouveau cadre juridique se met en place en application des règles communautaires. Ainsi que le détaille le chapitre III du volume 2 du tome I, l’examen a notamment porté sur le respect des règles de la concurrence dans la procédure d’attribution des contrats.
Une mission spécifique aux chambres régionales et territoriales des comptes : le contrôle budgétaire des collectivités territoriales et de leurs établissements publics
Après leur approbation, les actes budgétaires des collectivités territoriales et ceux des établissements publics locaux sont soumis à un contrôle qui leur est propre. Ce contrôle budgétaire, exercé a posteriori par le préfet, en liaison avec la chambre régionale ou territoriale des comptes compétente dont il peut solliciter l’avis, a pour but de faire respecter les règles suivantes : adoption du budget et du compte administratif dans les délais, équilibre réel du budget et déficit limité du compte administratif5.
Exemple d’avis des chambres régionales ou territoriales des comptes en matière de contrôle budgétaire : la commune d’Argenteuil
La chambre régionale des comptes d’Île-de-France a rendu public, le 21 juillet 2014, un avis concernant le déficit du compte administratif pour 2013 de la commune d’Argenteuil, ville la plus peuplée du Val d’Oise avec 104 000 habitants. La chambre a constaté, dans son avis que le déficit global s’établissait à 17,2 M€ soit près de 12 % des recettes de fonctionnement de la collectivité. Déjà, dans un rapport d’observations définitives d’avril 2010, la chambre avait relevé les difficultés financières structurelles de cette collectivité. Alors que dans son avis, la chambre invitait la commune d’Argenteuil à prendre sans délai des mesures de redressement proportionnées à la gravité de la situation, la collectivité a adopté le 17 septembre 2014 un budget supplémentaire en déséquilibre ne résorbant qu’en partie le déficit d’exécution du budget 2013.
Les CRTC sont également compétentes pour émettre des avis sur les délégations de service public (DSP) des collectivités territoriales6. Ce contrôle peut être effectué à leur initiative ou, plus rarement, dans le cadre d’une demande d’avis émanant du préfet territorialement compétent7.
Un exemple de contrôle de délégation de service public : les avis rendus sur les conventions de délégation de service public de l’eau et de l’assainissement conclues par la Communauté urbaine Marseille Provence Métropole
Le 25 avril 2014, la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur a rendu publics quatre avis concernant les conventions, signées le 27 novembre 2013, par lesquelles la communauté urbaine de Marseille a délégué pour 15 années la gestion des services publics de l’eau et de l’assainissement à deux entreprises, la société des eaux de Marseille (SEM) et la société d’exploitation du réseau d’assainissement de Marseille (SERAM).
Conformément aux dispositions législatives et réglementaires qui en définissent l’objet, les avis rendus par la chambre ont porté sur les trois rubriques suivantes : les modalités de passation des conventions de DSP conclues par la communauté urbaine avec la SEM et la SERAM, leur économie générale et leur incidence financière sur la situation de la communauté urbaine.
Ces avis ont fait l’objet d’une importante couverture par la presse locale, régionale et nationale, à la mesure des enjeux juridiques, économiques et financiers associés aux DSP examinées et des moyens mobilisés par la chambre pour répondre, dans des délais contraints, à la saisine du préfet des Bouches-du-Rhône du 9 décembre 2013.
Le nombre d’avis rendus par les CRTC s’est élevé à 315 en 2012, 309 en 2013 et 583 en 2014 (4 de ces avis concernaient en 2012 des délégations de services publics, 3 en 2013 et 2 en 2014).
Une gestion est considérée comme performante si elle est conforme aux principes d’efficacité, d’efficience et d’économie. Pour l’apprécier, le contrôle de la gestion doit répondre aux questions suivantes :
les résultats obtenus sont-ils conformes aux objectifs fixés ? (principe d’efficacité) ;
les résultats obtenus sont-ils proportionnés aux ressources mobilisées ? (principe d’efficience) ;
les ressources mobilisées sont-elles les moins consommatrices possibles des deniers publics ? (principe d’économie).
Un exemple d’examen de la performance d’une politique : la politique de lutte contre le dopage dans le sport
La politique de lutte contre le dopage dans le sport s’est construite, en France comme dans les autres grandes nations sportives et au plan international, en réaction à des affaires de dopage ayant affecté de grandes compétitions internationales. Six lois successives ont, depuis 1965, créé un corps de règles réunies dans le code du sport associant prévention, contrôle, sanctions et répression des trafics, et coordonnant les rôles respectifs de l’État, de l’agence française de lutte contre le dopage (AFLD), autorité publique indépendante subventionnée par l’État, et du mouvement sportif.
Comme le détaille le chapitre 8 du tome I, le contrôle mené par la troisième chambre de la Cour a cherché à apprécier l’efficience et l’efficacité de l’organisation et des modes de contrôle de l’AFLD, qui a bénéficié d’une subvention de 7 M€ de l’État en 2013, et à évaluer l’adéquation entre la politique de contrôle, la politique de prévention et la politique de lutte contre le trafic de produits dopants.
En application de la révision constitutionnelle de 2008, créant le nouvel article 47-2, l’article 4 de la loi du 3 février 2011 a confié à la Cour une nouvelle mission. L’article L. 111-3-1 du code des juridictions financières dispose ainsi que « la Cour des comptes contribue à l’évaluation des politiques publiques dans les conditions prévues par le présent code ». Cette évaluation peut être réalisée à la demande du Parlement, en application de l’article L. 132-5 du code des juridictions financières, ou être à l’initiative de la Cour.
L’évaluation, qui porte sur une politique publique et non sur une entité, va au-delà du contrôle de la gestion traditionnellement effectué par la Cour dans son objet, et s’en distingue dans les objectifs et les procédures :
l’évaluation d’une politique publique par la Cour des comptes a pour objet d’en apprécier les résultats et les impacts ainsi que les liens de causalité les expliquant. L’appréciation porte non seulement sur l’efficacité et l’efficience, mais également sur la cohérence, la pertinence et l’utilité de la politique publique ;
les finalités de l’évaluation d’une politique publique sont d’éclairer la prise de décision par le Parlement et le Gouvernement et d’informer les citoyens ;
l’évaluation est un exercice plus complexe que le contrôle de la gestion. Le travail d’analyse recherche les liens de causalité entre les actions publiques et leurs effets à court et à moyen terme. Analyse multifactorielle faisant appel aux méthodes appropriées qualitatives et quantitatives sur les données, ainsi qu’au parangonnage, elle implique pour la Cour un choix, voire une construction, des indicateurs qui apparaissent les plus pertinents ;
une instance consultative, le comité d’accompagnement, est constituée et associe des parties prenantes ainsi que des experts extérieurs. Elle permet des échanges et une information réciproque aux différents stades de l’instruction.
Travaux lourds, les évaluations de la Cour font l’objet d’une note de faisabilité préalable. Cette note doit permettre de confirmer le caractère évaluable de la politique concernée et d’identifier les principales parties prenantes parmi les personnes morales ou physiques qui décident la politique, celles qui la mettent en œuvre et celles qui sont concernées par ses résultats et ses impacts.
Du fait de leur complexité et de la mobilisation importante de ressources nécessaires à leur réalisation, le nombre d’évaluations qui peut être réalisé chaque année est limité.
Ainsi, en 2014, la Cour a engagé deux enquêtes à la demande du comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale. En revanche, elle n’a pas publié d’évaluation de sa propre initiative ; mais des notes de faisabilité ont été réalisées pour des évaluations futures. En 2012, la Cour a remis des évaluations sur la sécurité des navires, les biocarburants et l’assurance-vie, ainsi que sur les politiques de lutte contre le tabagisme. En 2013, deux enquêtes recourant à des méthodes évaluatives ont été publiées, répondant à des saisines du comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale : la mise en œuvre par la France du paquet « énergie-climat » et l’évaluation du réseau culturel de la France à l’étranger.
Le contrôle de la gestion est exercé selon les trois principes qui régissent tous les travaux de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes : indépendance, collégialité et contradiction.
La Cour et les chambres régionales et territoriales des comptes arrêtent librement leurs programmes annuels de contrôle selon leurs priorités stratégiques triennales, et les risques et enjeux qu’elles ont identifiés. En conséquence, la périodicité de contrôle peut varier de manière importante selon les entités. Celles présentant des enjeux importants, pas seulement financiers, compte tenu notamment de leur taille, de leurs moyens et de la nature de leurs missions, ont vocation à être contrôlées plus fréquemment.
Pour la Cour des comptes, c’est notamment le cas d’une entreprise publique comme la SNCF, établissement public à caractère industriel et commercial qui possède de nombreuses filiales et intervient non seulement dans les domaines du transport de voyageurs avec trois composantes (trains à grande vitesse – TGV, trains d’équilibre du territoire – TET ou Intercités, et trains express régionaux – TER) et du transport de marchandises, et aussi dans la gestion, l'exploitation et la maintenance du réseau ferré national. Chaque année ou presque, la septième chambre contrôle une ou plusieurs entités ou activités spécifiques.
Les contrôles de la SNCF par la Cour des comptes en 2014 : la grande vitesse ferroviaire et les trains Intercités
Après avoir notamment examiné les dépenses de communication de la SNCF en 2012, les facilités de circulation qu’elle accorde à ses personnels et leurs familles (gratuités ou tarifs préférentiels) en 2013, la septième chambre de la Cour a réalisé des enquêtes en 2014 sur la grande vitesse ferroviaire et sur les trains Intercités, ou trains d’équilibre du territoire selon leur dénomination administrative.
Si le succès technique et commercial du TGV est certain, au moins jusqu’à une date récente, le rapport rendu public le 23 octobre 20148 s’est efforcé d’évaluer son apport réel pour la collectivité dans son ensemble. Au terme de son enquête, la Cour considère que le choix de nouvelles lignes à grande vitesse ferroviaire pour assurer le transport en commun des voyageurs sur grande distance doit être entouré de plus de garanties de pertinence et de rentabilité.
Ainsi que le détaille le chapitre II du volume 1 du tome I, catégorie à la fois résiduelle et hétérogène de l’offre de transport ferroviaire de voyageurs, les trains Intercités ont été gérés jusqu’à présent sans véritable stratégie et utilisent un matériel roulant vieillissant. Selon la Cour, la préservation de ce réseau nécessite de sortir de l’indécision qui a jusqu’à présent prévalu, d’où sa recommandation d’inclure les trains Intercités dans un schéma national des services de transport de voyageurs, de préciser leur articulation avec les autres offres de transport ferroviaire et de leur accorder un financement stable et durable.
À l’instar de la Cour des comptes, les chambres régionales et territoriales des comptes peuvent être amenées à contrôler très régulièrement certaines des collectivités territoriales qui relèvent de leur compétence. La chambre régionale d’Île-de-France procède de cette manière en ce qui concerne le département et la ville de Paris.
Les contrôles de la ville de Paris par la chambre régionale d’Île-de-France en 2014 : le Théâtre de la Ville et le service public de l’eau
Après avoir examiné en 2012 et en 2013 le centre d’action sociale de la Ville, la gestion des biens concédés et des biens du domaine public, la gestion prévisionnelle des ressources humaines ou encore Vélib, la chambre régionale d’Île-de-France a examiné en 2014 la gestion du service public de l’eau ainsi que celle du Théâtre de la Ville.
Après 25 ans de gestion déléguée de son service public d’eau potable, la ville de Paris a fait le choix, à l’instar de plusieurs villes importantes comme Grenoble, de passer à la gestion directe. La chambre régionale des comptes d’Île-de-France a examiné la performance de cette politique, qui avait comme triple objectif de mieux maîtriser le service, de mieux prendre en compte les préoccupations environnementales et patrimoniales et de diminuer les coûts. Deux rapports d’observations définitives distincts ont été produits. Le premier, rendu public le 21 octobre 2014, est consacré à la gestion du service par la régie « Eau de Paris », créée en 2008 pour gérer l’ensemble de la filière eau dans la capitale (production depuis mai 2009 et distribution depuis janvier 2010). Le second rapport, rendu public le 19 novembre 2014, est consacré à la politique de l’eau menée par la ville de Paris.
Après avoir rencontré des difficultés liées aux conditions d’exploitation du service et à la reprise des personnels des anciens distributeurs lors du transfert, Eau de Paris assure aux 2 250 000 parisiens la distribution de plus de 480 000 m³ d’eau potable chaque jour. Eau de Paris assure également la gestion d’un réseau d’eau non potable, notamment pour l’arrosage des parcs et le nettoyage de la voirie. Mais l’entretien et la maintenance de ces deux réseaux distincts ne pourront être assurés sans recourir davantage à l’emprunt ou sans augmentation des tarifs. Leur gestion financière devra en outre être suivie dans deux budgets distincts afin de rendre compte du coût exact du service public d’eau potable et de celui de l’assainissement.
Un autre rapport d’observations définitives, aussi rendu public le 19 novembre 2014, porte sur la gestion du théâtre éponyme par l’association Théâtre de la Ville, au terme d’une convention conclue avec la commune de Paris. Si la richesse de l’offre culturelle contribue au rayonnement de la capitale, la chambre a estimé nécessaire de remédier aux faiblesses structurelles, qui concernent les conditions de l’organisation de l’exploitation du théâtre, les conséquences d’une gestion centrée sur son directeur ainsi que les incertitudes sur l’avenir de son équilibre financier.
Dans sa programmation annuelle, la Cour des comptes prend en considération les demandes exprimées par le Parlement et le Gouvernement (cf. chapitre III).
Si le contrôle de la gestion porte sur une entité dotée d’un comptable public (tous les établissements publics à caractère administratif et certains établissements à caractère industriel et commercial, notamment), il est généralement programmé de manière concomitante au contrôle juridictionnel des comptes.
Image n° 3 : les principales étapes du contrôle
[Image à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Chaque contrôle de la gestion est confié à un ou plusieurs rapporteurs chargés de produire, au terme de leur instruction, un rapport. La ou les entités sur lesquelles porte le contrôle et, le cas échéant, leurs autorités de tutelle sont informés de l’ouverture du contrôle et de ses modalités.
Les rapporteurs de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes bénéficient de droits de communication et d’accès larges pour mener les investigations qu’ils jugent utiles, sur pièces et sur place.
Le rapport d’instruction est en règle générale transmis au ministère public qui formule des conclusions communiquées à la formation délibérante.
Il est examiné par une formation collégiale préconstituée, dénommée formation délibérante, qui statue, dans un premier temps, sur des observations provisoires assorties de projets de recommandations.
Les dirigeants des entités ou les responsables des activités contrôlées et les tiers mis en cause, font connaître leurs remarques sur les observations et recommandations provisoires qui leur ont été adressées. Les personnes concernées par cette procédure contradictoire répondent à la Cour ou à la chambre régionale ou territoriale des comptes dans les délais qui leur sont fixés. Elles ont, par ailleurs, le droit d’être entendues par la formation délibérante avant que celle-ci ne statue définitivement, au vu d’un rapport d’analyse de leurs réponses.
À chaque stade de ses délibérations (observations provisoires ou définitives), la formation délibérante se prononce après que le parquet (Procureur général à la cour ou procureur financier dans les CRTC) a rendu ses conclusions. Celles-ci analysent les irrégularités relevées par les rapporteurs au regard du droit et de la jurisprudence applicables lors de leurs contrôles, recommandent la procédure contradictoire à suivre et se prononcent sur l’importance relative des différentes observations, notamment au regard des suites envisagées et en fonction de la qualité des diligences effectuées.
La durée d’un contrôle de la gestion varie selon les caractéristiques de l’entité ou de l’activité examinées. Du fait de la procédure contradictoire qui induit un double examen par la formation délibérante, elle est en moyenne supérieure à un an. Les contrôles particulièrement complexes, ou portant sur un périmètre large, peuvent avoir une durée plus longue.
La Cour et les chambres régionales des comptes se sont fixé un indicateur de performance, avec un délai moyen de contrôle, de 16 à 19 mois pour la Cour, et de 13 à 15 mois pour les chambres régionales et territoriales des comptes entre la notification du contrôle et la date d’envoi des observations définitives.
Tableau n° 2 : délai moyen pour le contrôle de la gestion
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Les suites données au contrôle de la gestion prennent la forme d’observations définitives assorties, le cas échéant, de recommandations. Lorsque des irrégularités ont été relevées, d’autres suites à portée contentieuse peuvent être décidées. La Cour et les chambres régionales et territoriales des comptes décident en toute indépendance des suites données à leurs contrôles, notamment de leur publication lorsque celle-ci n’est pas de droit9.
Les observations définitives sont communiquées aux destinataires arrêtés par la formation délibérante sous des formes variées, en fonction notamment de leur contenu.
Pour les chambres régionales et territoriales des comptes, les observations définitives prennent la forme de rapports d’observations définitives et de communications du président de la chambre ou du procureur financier près la chambre régionale ou territoriale des comptes aux autorités déconcentrés et aux comptables supérieurs, pour faire part d’observations essentiellement juridiques. Par ailleurs, les chambres régionales et territoriales des comptes peuvent demander au Procureur général près la Cour des comptes de communiquer les observations définitives qu’elles ont arrêtées si elles concernent des services ou organismes de l’État.
Tableau n° 3 : nombre et forme des observations définitives des chambres régionales et territoriales des comptes
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Pour la Cour des comptes, les observations définitives sont communiquées sous la forme notamment de référés du Premier président, de lettres de présidents de chambre, de communications du Procureur général, de rapports publics et de rapports particuliers.
Les référés sont adressés par le Premier président à un ou plusieurs ministres, voire au Premier ministre, pour leur faire part d’observations définitives sur des entités ou des activités placées sous leur responsabilité. Les référés sont transmis, avec les réponses ministérielles, aux commissions concernées de l’Assemblée nationale et du Sénat et, depuis 2012, rendus publics sur le site internet de la Cour.
Les lettres du président sont adressées par le président d’une des sept chambres de la Cour ou d’une formation commune à plusieurs chambres pour notifier aux entités contrôlées et à leurs autorités de tutelle la fin du contrôle, et, le cas échéant, leur transmettre les observations définitives. Elles ne sont pas rendues publiques, mais seulement communiquées, sur demande, aux commissions concernées de l’Assemblée nationale et du Sénat. Par ailleurs, les présidents de chambre ou de formation commune à plusieurs chambres peuvent demander au Procureur général près la Cour des comptes d’adresser des observations définitives qu’elles ont arrêtées, quand elles concernent des irrégularités ou des questions juridiques.
Les rapports particuliers concernent les entreprises publiques. Ils sont adressés par le Premier président aux autorités concernées et au Parlement ; et, depuis 2014, ils peuvent être mis en ligne sur le site internet de la Cour.
Les rapports sur les organismes bénéficiant de dons sont adressés par le Premier président aux dirigeants des organismes, aux ministres concernés et aux présidents des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. Les observations de la Cour font l’objet d’une publication propre.
Tableau n° 4 : nombre et forme des observations définitives de la Cour des comptes
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Tableau n° 5 : référés publiés en 2014
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Les rapports publics de la Cour des comptes, qui contribuent à l’information des citoyens et du Parlement, sont soit prévus par la loi (c’est le cas du rapport public annuel et des rapports sur les finances publiques), soit publiés à son initiative (les rapports thématiques). Les publications visent à permettre l’information des citoyens et à contribuer ainsi à la transparence de l’action publique.
La publication de la Cour des comptes la plus connue des citoyens est le rapport annuel, qui fut d’abord remis au seul chef de l’État avant d’être transmis au Parlement en 1832 et enfin rendu public en 1938. Dans sa forme actuelle, le rapport annuel présente les résultats de 15 à 20 contrôles de la gestion achevés l’année précédente par la Cour ou les chambres régionales ou territoriales des comptes. Ils sont sélectionnés en fonction de critères, tels que l’enjeu financier, l’exemplarité, la gravité des irrégularités ou des manquements à la performance, et la sensibilité du sujet pour l’opinion et les pouvoirs publics. Depuis 2006, une partie du rapport annuel est consacré aux suites données par les responsables publics concernés aux observations et recommandations formulées antérieurement par la Cour et les chambres régionales et territoriales des comptes (cf. troisième partie).
La Cour rend publics également des rapports sur les finances publiques et sur le financement de la protection sociale (cf. chapitre III infra).
Le rapport sur les finances publiques locales est, a contrario, une initiative récente. Publié pour la première fois en 2013, ce rapport public thématique est le fruit d’un travail commun de la Cour et des chambres régionales des comptes (au sein d’une formation interjuridictions spécifique) qui vise à analyser la situation financière des collectivités territoriales et de leurs groupements, ainsi que les enjeux qui s’y attachent (sur la base notamment de 136 contrôles de collectivités pour le second rapport rendu public, le 14 octobre 2014).
D’autres observations issues des contrôles de la Cour ou des chambres régionales ou territoriales des comptes peuvent également être rendues publiques dans des rapports particuliers ou thématiques.
Les six rapports publics thématiques publiés par la Cour des comptes en 2014
* Les maisons départementales des personnes handicapées en Aquitaine, janvier 2014
* Les soutiens à la production cinématographique et audiovisuelle, des changements nécessaires, avril 2014
* La santé dans les outre-mer, une responsabilité de la République, juin 2014
* Le maintien en condition opérationnelle des matériels militaires, des efforts à poursuivre, septembre 2014
* La grande vitesse ferroviaire, un modèle porté au-delà de sa pertinence, octobre 2014.
* Les finances publiques locales, octobre 2014.
* Garantir l’avenir des retraites complémentaires des salariés (Agirc et Arrco), décembre 2014.
Lorsque le contrôle de la gestion a révélé des faits pouvant constituer des irrégularités ou infractions, la formation délibérante transmet au Parquet de la Cour, qui est également Parquet de la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF), les faits présomptifs de ces irrégularités ou infractions (cf. première partie chapitre I sur le rôle du Parquet et la CDBF).
Le Parquet peut alors saisir la CDBF, ou transmettre les éléments relatifs à des présomptions d’infractions pénales aux autorités judiciaires, et procéder à un signalement auprès d’autres autorités détentrices d’un pouvoir de sanction10.
Tableau n° 6 : transmissions au Procureur général près la Cour des comptes et la CDBF
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Le contrôle de la gestion constitue l’activité la plus connue des juridictions financières. Elle permet de rendre compte de la régularité, mais également du respect des principes d’efficacité, d’efficience et d’économie dans l’utilisation des fonds publics. Elle donne lieu à publication, pour la Cour, dans des cas de plus en plus nombreux : au-delà du rapport public annuel et des rapports publics thématiques, les référés sont publiés depuis 2012 et le Premier président peut décider de la publication des rapports particuliers consacrés aux entreprises publiques depuis 2014 (cinq rapports particuliers ont ainsi été publiés) dans la limite des secrets protégés par la loi. La totalité des rapports d’observations définitives des CRTC sont rendus publics.
1 Le terme d’examen de la gestion est spécifiquement utilisé pour les chambres régionales et territoriales des comptes. Au sein du présent chapitre, les termes « contrôle de la gestion » renvoient à la fois à l’activité de la Cour et à celle des chambres régionales et territoriales des comptes.
2 Le contrôle ou l’examen de la gestion s’exerce sur l’ensemble des organismes soumis au contrôle juridictionnel (cf. chapitre I) mais l’ensemble des organismes pouvant faire l’objet de ce contrôle ne sont pas soumis au contrôle juridictionnel : le champ des organismes potentiellement concernés par le contrôle ou examen de gestion est plus large.
3 Cour des comptes, Rapport sur un organisme bénéficiant de dons : L’union nationale des aveugles et déficients visuels, Exercices 2008 à 2011. janvier 2014, 129 p., disponible sur www.ccomptes.fr
4 Cour des comptes, Communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, Les aides de l’État aux territoires concernés par les restructurations des armées, novembre 2014, 108 p., disponible sur www.ccomptes.fr
5 La chambre peut également être saisie par le préfet, le comptable ou un créancier en cas de non inscription au budget d’une dépense obligatoire.
6 En vertu du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, celles-ci disposent de la liberté du choix du mode de gestion pour exploiter leurs services publics. Elles peuvent décider soit de les gérer directement, soit d'en confier la gestion à un tiers par le biais d'une convention de délégation de service public. Un exemple de gestion directe est donnée au chapitre III du volume 2 du tome I. La gestion directe des services d’eau et d’assainissement : des progrès à confirmer.
7 De 2011 à 2013, les chambres régionales et territoriales des comptes ont produit 12 avis sur des conventions de délégation de service public : 5 en 2011, 4 en 2012 et 3 en 2013.
8 Cour des comptes, Rapport public thématique : La grande vitesse ferroviaire, un modèle porté au-delà de sa pertinence. La Documentation française, octobre 2014, 173 p., disponible sur www.ccomptes.fr
9 Par exemple, tous les rapports d’observations définitives émis par les chambres régionales et territoriales des comptes sont systématiquement publiés.
10 Les chambres de la Cour ne saisissent jamais directement la CDBF ou les juridictions judiciaires : le Parquet est systématiquement l’intermédiaire.