SOMMAIRE

DELIBERE               9

INTRODUCTION    11

CHAPITRE I - UNE ENTREPRISE EN ETAT DE CRISE FINANCIERE     17

I - Les contrats d’objectifs et de moyens : une garantie de ressources sans exigence de réformes               17

A - Des textes dépourvus de portée stratégique         17

B - Des performances en demi-teinte            19

II - Un équilibre financier compromis             22

A - Des résultats et une trésorerie qui se dégradent rapidement           22

B - Des perspectives préoccupantes              24

CHAPITRE II - DES ACTIVITES AU DEVELOPPEMENT INSUFFISAMMENT PILOTE        27

I - Des antennes aux perspectives incertaines             27

A - Des audiences contrastées et vieillissantes            29

B - Des antennes de plus en plus coûteuses 31

II - L’intégration incomplète du numérique  37

A - Une stratégie de rattrapage tardive         38

B - Une mutation structurelle qui n’a pas été engagée              41

III - Des formations musicales nombreuses et coûteuses           46

A - Un coût excessif            46

B - Un statu quo impossible              47

C - Une synergie insuffisante avec les antennes          50

CHAPITRE III - UNE GESTION PEU RIGOUREUSE              53

I - Une gouvernance d’entreprise insuffisamment structurée  53

II - Des procédures de gestion peu rigoureuses          55

A - Des procédures budgétaires et financières insuffisamment                cadrées               55

B - La politique des achats : une remise en ordre tardive         58

III - Des procédures de contrôle insuffisantes              63

A - Un contrôle interne à améliorer               63

B - Un audit interne aux recommandations inégalement suivies             65

CHAPITRE IV - UN MODELE SOCIAL, SOURCE DE RIGIDITE           67

I - Des effectifs importants                67

A - L'intermittence             68

B - L’évolution de la masse salariale               71

II - La modernisation inachevée des accords collectifs              72

III - Un régime très favorable des conditions de travail              74

IV - La gestion individuelle très complexe des salariés               77

V - Des relations sociales très développées  79

A - Un dialogue social intense          79

B - L'importance des conflits sociaux             80

C - Le dispositif d’action sociale       83

CHAPITRE V - LE CHANTIER DE REHABILITATION, MIROIR DES DEFAILLANCES DE L’ENTREPRISE         87

I - La préparation du chantier (2004-2008)  87

A - L'absence d’une véritable programmation             88

B - Une structure initiale de pilotage du chantier trop légère au regard de l’ampleur de l’opération            89

C - Le lancement des travaux dans un contexte non stabilisé   90

II - Le déroulement des travaux       93

A - Les travaux exécutés   94

B - Les phases à venir         97

III - Un encadrement non maîtrisé des procédures     98

A - Une gestion peu rigoureuse des marchés              98

B - L'insuffisante mobilisation des organes de contrôle             99

IV - La dérive des coûts      100

CHAPITRE VI - UNE REFONDATION NECESSAIRE             105

I - Une exigence de transversalité   105

A - Le besoin d’une organisation intégrée    105

B - La contrainte d’une meilleure allocation des ressources    106

C - Une production de programmes à décloisonner   107

D - Une stratégie de programmes à expliciter              108

II - Des synergies à rechercher dans l’information      109

A - Une offre d’information très large            109

B - Une organisation trop dispendieuse         111

C - Une mutualisation insuffisante   114

D - Des réformes importantes désormais inévitables 115

III - Une organisation des moyens de production à transformer              118

A - Le préalable de la réorganisation du travail           118

B - La nécessaire restructuration des fonctions techniques     121

IV - La refonte souhaitable du cahier des missions et des charges          123

CONCLUSION GÉNÉRALE                127

RÉCAPITULATIF DES RECOMMANDATIONS    129

ANNEXES               131

RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS     195 


 Les rapports publics de la Cour des comptes

- Élaboration et publication -

La Cour publie, chaque année, un rapport public annuel et des rapports publics thématiques.

Le présent rapport est un rapport public thématique.

Les rapports publics de la Cour s’appuient sur les contrôles et les enquêtes conduits par la Cour des comptes ou les chambres régionales des comptes et, pour certains, conjointement entre la Cour et les chambres régionales ou entre les chambres. En tant que de besoin, il est fait appel au concours d’experts extérieurs, et des consultations et des auditions sont organisées pour bénéficier d’éclairages larges et variés.

Au sein de la Cour, ces travaux et leurs suites, notamment la préparation des projets de texte destinés à un rapport public, sont réalisés par l’une des sept chambres que comprend la Cour ou par une formation associant plusieurs chambres.

Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité de la Cour des comptes, ainsi que des chambres régionales et territoriales des comptes, et donc aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration des rapports publics : l’indépendance, la contradiction et la collégialité.

L’indépendance institutionnelle des juridictions financières et statutaire de leurs membres garantit que les contrôles effectués et les conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.

La contradiction implique que toutes les constatations et appréciations ressortant d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes les observations et recommandations formulées ensuite, sont systématiquement soumises aux responsables des administrations ou organismes concernés ; elles ne peuvent être rendues définitives qu’après prise en compte des réponses reçues et, s’il y a lieu, après audition des responsables concernés.

La publication d’un rapport public est nécessairement précédée par la communication du projet de texte que la Cour se propose de publier aux ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres personnes morales ou physiques directement intéressées. Dans le rapport publié, leurs réponses accompagnent toujours le texte de la Cour.

La collégialité intervient pour conclure les principales étapes des procédures de contrôle et de publication.

Tout contrôle ou enquête est confié à un ou plusieurs rapporteurs. Leur rapport d’instruction, comme leurs projets ultérieurs d’observations et de recommandations, provisoires et définitives, sont examinés et délibérés de façon collégiale, par une chambre ou une autre formation comprenant au moins trois magistrats, dont l’un assure le rôle de contre-rapporteur, chargé notamment de veiller à la qualité des contrôles. Il en va de même pour les projets de rapport public.

Le contenu des projets de rapport public est défini, et leur élaboration est suivie, par le comité du rapport public et des programmes, constitué du premier président, du procureur général et des présidents de chambre de la Cour, dont l’un exerce la fonction de rapporteur général.

Enfin, les projets de rapport public sont soumis, pour adoption, à la chambre du conseil où siègent en formation plénière ou ordinaire, sous la présidence du premier président et en présence du procureur général, les présidents de chambre de la Cour, les conseillers maîtres et les conseillers maîtres en service extraordinaire.

Ne prennent pas part aux délibérations des formations collégiales, quelles qu’elles soient, les magistrats tenus de s’abstenir en raison des fonctions qu’ils exercent ou ont exercées, ou pour tout autre motif déontologique.

Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne sur le site internet de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes : www.ccomptes.fr. Ils sont diffusés par La Documentation Française.

Délibéré

La Cour des comptes, délibérant en chambre du conseil en formation ordinaire, a adopté le présent rapport sur Radio France : les raisons d’une crise, les pistes d’une réforme.

Le rapport a été arrêté au vu du projet communiqué au préalable aux administrations et aux organismes concernés et des réponses adressées en retour à la Cour. Les réponses sont publiées à la suite du rapport. Elles engagent la seule responsabilité de leurs auteurs.

Ont participé au délibéré : M. Migaud, Premier président, MM. Durrleman, Briet, Mme Ratte, MM. Vachia, Paul, Duchadeuil, Mme Moati, présidents de chambre, MM. Descheemaeker, Bayle, Bertrand, Levy, Mme Froment-Meurice, M. Lefas, présidents de chambre maintenus en activité, MM. de Mourgues, Rémond, Ganser, Mme F. Saliou , MM. Barbé, Bertucci, Tournier, Vivet, Martin, Hayez, Mme Froment-Védrine, M. Guibert, Mme M. Saliou, MM. Guédon, Vialla, Sépulchre, Arnauld d’Andilly, Chouvet, Le Mer, Rousselot, Monteils, Glimet, de la Guéronnière, Brunner, Albertini, Jamet, Cahuzac, Mme Bouzanne des Mazery, M. Basset, Mme Coudurier, M. Appia, conseillers maîtres, MM. Jouanneau, Delbourg, Galliard de Lavernée, conseillers maîtres en service extraordinaire.

Ont été entendus :

- en sa présentation, Mme Moati, présidente de la chambre chargée des travaux sur lesquels le rapport est fondé et de la préparation du projet de rapport ;

- en son rapport, M. Paul, rapporteur du projet devant la chambre du conseil, assisté de MM. Glimet, conseiller maître, Personnaz, rapporteur extérieur, rapporteurs devant la chambre chargée de le préparer, et de M. Tournier, conseiller maître, contre-rapporteur devant cette même chambre ;

- en ses conclusions, sans avoir pris part au délibéré, M. Johanet, Procureur général. Il était accompagné de M. Miller, avocat général.

M. Filippini, secrétaire général, assurait le secrétariat de la chambre du conseil.

Fait à la Cour, le 31 mars 2015.

Le projet de rapport soumis à la chambre du conseil a été préparé puis délibéré le 20 novembre 2014, par la troisième chambre de la Cour des comptes, présidée par M. Lefas, président de chambre, et composée de MM. Bayle, président de chambre maintenu, Barbé, Mmes Seyvet, Moati, MM. Sabbe, Guibert, de Nicolay, Mme Dardayrol, MM. Senhaji, conseillers maîtres, MM. Blairon, Marland et Delbourg, conseillers maîtres en service extraordinaire ainsi que, en tant que rapporteurs, MM. Glimet, conseiller maître et Personnaz, rapporteur extérieur, et, en tant que contre-rapporteur, M. Tournier, conseiller maître.

Le projet de rapport a été examiné et approuvé, le 9 janvier 2015, par le comité du rapport public et des programmes de la Cour des comptes, composé de M. Migaud, Premier président, MM. Durrleman, Lefas, Briet, Mme Ratte, MM. Vachia, Paul, rapporteur général du comité, Duchadeuil, Piolé, présidents de chambre, et M. Johanet, procureur général, entendu en ses avis.

Introduction

Radio France, société anonyme détenue à 100 % par l’État, a été créée en 1975 à partir des stations radio de l’Office de radiodiffusion-télévision française – ORTF (France Inter, France Culture, France Musique, FIP et RFI), et de ses quatre formations musicales : Orchestre Philharmonique de Radio France, Orchestre National de France, Chœur de Radio France, Maîtrise de Radio France. Trois nouvelles antennes ont été ajoutées aux antennes historiques : le réseau régional France Bleu (44 stations), issu du transfert à Radio France, en 1982, des stations régionales de l’ORTF, initialement attribuées à FR3, France Info en 1987 et Le Mouv’ en 1997. Radio France n’a pas de webradios (radios diffusées uniquement sur Internet), contrairement à ses homologues étrangères (RTBF en Belgique, BBC au Royaume-Uni). Tous les programmes de Radio France sont diffusés par voie hertzienne, même s’ils peuvent être écoutés sur de nouveaux supports numériques (ordinateur, téléphone mobile, tablette, etc.).

Radio France ne couvre pas l’ensemble du service public de la radio. La diffusion radiophonique publique à l’international est désormais hors de son champ : initialement simple antenne de Radio France, Radio France internationale (RFI) est devenue en 1982 une filiale, puis une société indépendante en 1986. RFI a ensuite été intégré à l’Audiovisuel Extérieur de la France devenu France Médias Monde le 27 juin 2013 et a quitté la Maison de la Radio fin 2013. La diffusion radiophonique publique dans les outremers est assurée par France Télévisions.

Sur la période contrôlée par la Cour (exercices 2004 à 2013), le périmètre et l’organisation de Radio France, entreprise unique depuis l’origine, ont connu peu de changement, contrairement à d’autres entreprises de l’audiovisuel public. Le chiffre d’affaires de l’entreprise s’élèvait à 641 M€ en 2013, dont 90 % sont constitués par les ressources versées par l’État au titre de la contribution à l’audiovisuel public (la redevance). Les effectifs de la société s’élevaient à 4 909 emplois à temps plein au 31 décembre 2013.

Le paysage général de la radio est resté assez stable. L’audience cumulée des médias radiophoniques1 a baissé, passant de 84,5 % en septembre-octobre 2004 à 80,4 % sur la même période en 2014, cette évolution représentant toutefois une hausse du nombre total d’auditeurs (de 42,1 à 42,7 millions). Radio France a maintenu sa part d’audience autour de 25 % entre 2006 et 2014 dans un contexte concurrentiel. Ces résultats d’audience, honorables, traduisent une satisfaction des auditeurs. La qualité des programmes de Radio France fait en général l’objet d’une appréciation très positive. Leur contenu culturel, comme le professionalisme de ses programmes d’information, ne sont contestés par personne. La rareté de la publicité sur les antennes est un atout de la radio de service public puisque les émissions ne sont pas interrompues par des coupures publicitaires.

Le présent rapport de la Cour ne remet pas en cause la qualité ni la légitimité du service public de la radio qu’assure Radio France. Il porte en revanche sur les conditions dans lesquelles celui-ci est mis en œuvre, particulièrement sur le plan financier, puisque l’essentiel des ressources de l’entreprise provient d’un prélèvement obligatoire pesant sur les ménages (la redevance). Le rapport s’attache à examiner l’usage qui est fait de ces fonds publics mis à la disposition de l’entreprise, donc la qualité de sa gestion, ainsi que ses capacités d’évolution, dans le contexte général des finances publiques, comme dans l’environnement des médias marqué par des changements technologiques très rapides.

Radio France doit faire face aujourd’hui à des défis majeurs pour son avenir. Ayant affecté la radio plus tardivement que d’autres médias, la révolution numérique induit de profonds changements dans les modes de production, de diffusion et de consommation. Elle intervient à un moment où l’entreprise doit achever l’ambitieux chantier de réhabilitation de la Maison de la Radio. La perspective d’un résultat négatif en 2014, pour la première fois depuis 1991, démontre l’urgence d’y apporter des réponses.

Les conclusions que la Cour rend publiques s’appuient sur le résultat du contrôle de Radio France, des investigations menées auprès du ministère de la culture et de la communication (direction générale des médias et des industries culturelles) et du ministère des finances et des comptes publics (direction du budget), ainsi que du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Outre l’exploitation des réponses à des questionnaires écrits et un audit des comptes, de nombreux entretiens ont été menés avec les responsables de l’entreprise. Les organisations syndicales représentatives de Radio France ont également été rencontrées. Par ailleurs, le point de vue de différents acteurs de la radio en France sur l’évolution du secteur a été recueilli.

En outre, plusieurs radios publiques étrangères ont été plus particulièrement étudiées à fin de comparaison : British Broadcasting Corporation (BBC) au Royaume-Uni, Danmarks Radio au Danemark et la Radio Télévision Belge Francophone (RTBF) en Belgique.

Trois relevés de constatations provisoires ont été envoyés aux parties prenantes, qui y ont répondu. Le présent rapport a pris en compte les réponses et commentaires reçus pendant cette phase de contradiction.

Les observations de la Cour en 2006

Lors de son dernier contrôle qui avait donné lieu à une insertion au rapport public annuel de février 20062, la Cour avait souligné que des difficultés majeures caractérisaient l’avenir de la société à court et moyen termes. La Cour soulignait que les gains de productivité importants attendus de la numérisation ne pouvaient pas être atteints sans mutations internes. Elle estimait possible que la refonte du logiciel de gestion, largement engagée, permette à l’entreprise d’améliorer le contrôle de ses coûts. S’agissant du chantier de réhabilitation de la Maison de la Radio, la Cour constatait que la solution retenue, une réhabilitation en site occupé, était la plus coûteuse et la plus difficile à mettre en œuvre des différentes options envisageables. Dans sa réponse annexée à cette insertion, le ministre de la culture et de la communication, M. Donnedieu de Vabres, répondait que les arguments en faveur du maintien sur place l’emportaient et que, « compte tenu de l’attachement des personnels à ce lieu historique, des procès en démantèlement du service public de la radio n’auraient pas manqué d’être alimentés par la perspective d’un déménagement ».

Le présent rapport est organisé en cinq chapitres :

Le chapitre I rappelle comment, malgré une dotation en augmentation constante, l’entreprise connaît en 2014 une crise financière.

Le chapitre II expose comment, dans ce contexte, Radio France apparaît comme la réunion d’entités (antennes, formations musicales), dont les coûts ont augmenté significativement au cours des dix dernières années, sans recherche de coordination des activités ni de mutualisation des moyens. Si Radio France est entrée dans l’ère numérique qui emporte un bouleversement de ses modes de production et de diffusion, les efforts engagés n’ont pas créé une dynamique d’ensemble et laissent pendants de nombreux problèmes structurels.

Le chapitre III décrit la gestion de l’entreprise. La gouvernance de Radio France doit être réformée, en renforçant le rôle du conseil d’administration. La modernisation de la gestion est devenue impérative pour réaliser des économies structurelles. Un contrôle interne plus strict doit être mis en place pour assurer un usage efficient des ressources. Enfin, la remise en ordre des achats reste inachevée.

Le chapitre IV décrit les caractéristiques du modèle social de l’entreprise. La gestion des ressources humaines doit être profondément modernisée, pour accompagner les mutations de l’entreprise. La négociation d’un nouvel accord collectif, qui a pris du retard, constitue une première étape de cette évolution.

Le chantier de la Maison de la Radio est décrit au chapitre V. Cette opération de réhabilitation, mal maîtrisée, apparaît pour l’entreprise comme une occasion manquée de se réinventer. La programmation de cette opération n’a pas été à la mesure de son ampleur et ce défaut de conception initiale est la cause de retards et de surcoûts.

En conséquence des éléments qui précèdent, le chapitre VI décrit certaines des réformes de structure à mener pour refonder un modèle désormais fragile. Cette refondation doit notamment concerner trois domaines : l’organisation « en silo », qui doit être abandonnée ; l’information, avec l’objectif de l’instauration d’une rédaction unique ; les métiers techniques, puisque la numérisation de la chaîne de production, achevée au milieu des années 2000, aurait dû permettre un redéploiement des emplois qui n’a pas été effectué par crainte de conflits sociaux.

Ces constats conduisent la Cour à considérer que Radio France doit mettre en œuvre une stratégie globale de changement, afin de rénover en profondeur ses activités et son mode de gestion. Cela lui permettra de mieux répondre aux attentes du public et aux exigences d’un service public efficient.

Chapitre I

Une entreprise en état de crise financière

Depuis 2006, les contrats d’objectifs et de moyens ont assuré à Radio France des ressources en croissance, sans lui assigner d’objectifs de réforme (I). Le coût croissant des charges d’exploitation, notamment de la masse salariale, et la dérive financière du chantier conduisent à une situation, nouvelle, de déséquilibre des comptes de l’entreprise (II).

I - Les contrats d’objectifs et de moyens : une garantie de ressources sans exigence de réformes

Lors de son dernier contrôle, la Cour regrettait que Radio France n’ait pas conclu de contrats d’objectifs et de moyens (COM) avec l’État. Si un premier contrat a été signé en 2006 pour la période 2006-2009, puis un deuxième, en juillet 2010, pour la période 2010-2014, cet instrument n’a pas rempli sa fonction d’orientation de l’entreprise.

A - Des textes dépourvus de portée stratégique

Visant à couvrir tout le champ des activités de l’entreprise, les objectifs du contrat 2006-2009 n’en ont pas moins été rédigés en des termes assez imprécis. Le contrat d’objectifs et de moyens 2010-2014 constitue lui aussi un catalogue des activités de Radio France qui ne répond guère à l’ambition affichée : « se fixer des objectifs stratégiques clairs autour d’axes prioritaires de développement ». Cette situation a été relevée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel dans son avis du 13 juillet 20103 : « le contrat d'objectifs et de moyens reste, dans ses ambitions, très proche des obligations inscrites dans le cahier des charges, mais peu disert sur les moyens utilisés pour atteindre ces objectifs ». L’absence de projet stratégique formalisé en amont par la direction de l’entreprise n’est sans doute pas étrangère au caractère très général de ces contrats d’objectifs et de moyens.

Au plan financier, le contrat 2006-2009 prévoyait une augmentation de la contribution à l’audiovisuel public de 7,5 % (+ 1,8 % par an en moyenne). Elle sera finalement de 9 % (+ 2,2 % par an), en raison d’une compensation de 8 M€ en 2009 pour la baisse des recettes publicitaires.

Tableau n° 1 : versements de l’État 2006-2009 (en M€)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Le contrat 2010-2014 prévoyait une augmentation de la ressource publique de 16,4 % entre 2009 et 2014, pour tenir compte du financement du chantier de la Maison de la Radio. À partir de 2012, une inflexion est néanmoins apparue. Les versements ont été, en 2012, de 8,6 M€ inférieurs aux chiffres du COM (soit - 1,4 % par rapport au montant anticipé), puis de 31,3 M€ en 2013 (- 4,9 %) et 47,8 M€ en 2014 (- 7,3 %), sans qu’un recours à l’emprunt ait pour autant été autorisé.

Tableau n° 2 : versements de l’État 2009-2014 (en M€)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

La gestion par l’État des moyens accordés à Radio France, de 2010 à 2014, n’a pas incité l’entreprise à passer d’un pilotage par la recette à un pilotage pluriannuel par la dépense. La baisse de la dotation par rapport aux moyens prévus par le COM, purement budgétaire, ne s’est pas accompagnée de l’identification des économies à réaliser et a retardé la prise de conscience de la nécessité d’engager des réformes de structure. Dans le même temps, la BBC, mais aussi la RTBF et la radio danoise ont mené, dès la fin des années 90, des réformes de structure qui leur ont permis de diminuer progressivement leurs effectifs, de réduire leurs dépenses et de préparer l’avenir en engageant des dépenses de modernisation.

Compte tenu des informations disponibles, l’État et l’entreprise auraient dû tirer, dès 2012, toutes les conséquences du nouveau contexte budgétaire.

Il n’en reste pas moins que, de 2006 à 2013, les versements de l’État à Radio France ont augmenté deux fois plus vite que les dépenses du budget général de l’État (+ 22,3 % contre + 9,1 %). Entre 2009 et 2012, l’écart est encore plus prononcé : + 9,7 % pour les versements à Radio France contre + 3 % pour les dépenses du budget général de l’État.

B - Des performances en demi-teinte

Le COM 2010-2014 a retenu 18 indicateurs cibles (cf. annexe n° 5) « dont la portée est normative » et 21 indicateurs de suivi, qui illustrent l’activité de Radio France, « sans pour autant qu’une évolution à la hausse ou à la baisse soit un objectif absolu ». Bien que disponibles seulement six mois après la fin de l’exercice, ces indicateurs fournissent un bon panorama de l’activité de la société.

Pour les audiences en FM, l’année 2013 marque un tournant puisque trois antennes passent en dessous de leurs cibles : France Inter, France Info et FIP, et avec elles l’ensemble du groupe Radio France – le Mouv’ n’ayant jamais atteint sa cible.

Tableau n° 3 :audience cumulée des chaînes en %

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

En matière de maîtrise des effectifs, l’État n’a demandé aucun effort de productivité, alors que les effectifs permanents avaient progressé de 190 emplois entre fin 2008 et fin 2010. Dans le COM 2010-2014, l’objectif est la stabilité des effectifs à 4 619,5 équivalents temps plein (ETP), en moyenne sur la période. Cet objectif traduit une augmentation autorisée par le COM de 52,5 emplois, après un changement de méthode de décompte des ETP (aboutissant à recenser 115 ETP de plus en 2009).

Tableau n° 4 : indicateur 7.1 « nombre d’emplois à temps plein
(CDD et CDI) »

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

La masse salariale totale de Radio France a augmenté de 18,8 % entre 2006 et 2013, deux fois plus que les dépenses du budget général de l’État, alors même que les ressources propres de l’entreprise diminuaient.

Tableau n° 5 : évolution de la masse salariale

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

La consolidation des ressources propres qui était un objectif des deux COM ne s’est pas traduite dans les faits puisque durant la période, le pourcentage des recettes propres a diminué en raison de la crise du marché de la publicité et des déménagements des locataires de la Maison de la Radio liés au chantier de réhabilitation.

Tableau n° 6 : ressources propres (% des ressources totales)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Outre les recettes publicitaires (dont le montant dépend du régime de la publicité applicable à Radio France), les recettes commerciales stricto sensu s’élèvent à 8 M€ dans le budget 2014 de l’entreprise, soit moins de 2 % des ressources. Avec la perte du contrat de radio autoroutière en mars 2014 (1,3 M€), la diversification annoncée apparaît à la fin 2014 comme une « page blanche ».

Avec le COM, l’État actionnaire et financeur dispose en principe d’un outil lui permettant de contractualiser avec les dirigeants de Radio France des objectifs procédant d’une stratégie explicite de réforme. À l’évidence, ni l’entreprise ni ses tutelles n’ont fait jusqu’à présent des COM un véritable levier de changement.

II - Un équilibre financier compromis

En apparence, la situation financière et comptable de Radio France sur les exercices contrôlés (2004 à 2013) ne présente aucun motif d’inquiétude : sur les dix exercices, les résultats sont bénéficiaires, la trésorerie est positive et les comptes ont été certifiés sans réserve par les commissaires aux comptes (voir annexe n° 20).

La dégradation observable sur la fin de la période aboutit cependant à des résultats prévisionnels pour 2014 lourdement négatifs et à des perspectives inquiétantes pour les trois années suivantes. En décembre 2013, Radio France avait présenté à son conseil d’administration un budget pour 2014 en équilibre et n’a averti ses tutelles de la gravité de la situation financière qu’au cours de l’été 2014.

A - Des résultats et une trésorerie qui se dégradent rapidement

Les résultats de Radio France ont été bénéficiaires sur l’ensemble de la période, tout particulièrement entre 2009 et 2011.

Tableau n° 7 : résultat annuel (en milliers d’euros)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Ces résultats diminuent ensuite pour devenir nuls, en prévision initiale pour l’exercice 2014. Présentées au conseil d’administration d’octobre 2014, les prévisions révisées ont fait alors apparaître une situation nettement plus dégradée, avec un résultat négatif entre 20 et 25 M€.

Le résultat d’exploitation présente la même évolution. Comme le montre le tableau n° 8, le résultat d’exploitation « retraité »4 est négatif pour la première fois en 2013, ce qui aurait pu constituer une première alerte.

Tableau n° 8 : résultat d’exploitation retraité (en milliers d’euros)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Ces données traduisent les tendances de long terme qui pèsent sur l’entreprise et conduisent à un « effet de ciseau » entre les ressources et les dépenses entre 2010 et 2013 :

- sur la période, les ressources de l’entreprise progressent peu : le chiffre d’affaires de la société Radio France, constitué à 90 % par la redevance, n’a augmenté que de 4,5 % entre 2010 et 2013. Ceci est la résultante des baisses qui ont affecté la quote-part de la contribution à l’audiovisuel public (redevance) reçue par l’entreprise, mais également de recettes publicitaires en légère baisse et de recettes de diversification en recul (notamment avec le départ des locataires de la Maison de la Radio, en raison du chantier de réhabilitation) ;

- les charges d’exploitation connaissent, elles, une augmentation plus rapide (+ 7,7 % de 2010 à 2013) : à l’évolution dynamique des charges salariales (+ 5,8 %), s’ajoute la hausse du solde net des dotations et reprises d’amortissements et de provisions, passé de 16,3 M€ à 26 M€, conséquence de l’amortissement, à compter de leur livraison, des investissements du chantier de réhabilitation.

L’entreprise n’a pas été en mesure de freiner ses dépenses, compte tenu de son mode d’organisation, de ses méthodes de gestion et des rigidités de son modèle social. La poursuite de ces tendances de fond amène l’entreprise à anticiper pour 2014 un résultat d’exploitation retraité fortement négatif (près de - 10 M€).

En termes de trésorerie, Radio France a bénéficié des retards du chantier de réhabilitation qui ont abouti à ce que l’État paie en avance les dépenses du chantier – ce dont témoignent le pic de trésorerie constaté en 2009, puis la baisse ultérieure de celle-ci. Les prévisions initiales pour 2014 montraient une trésorerie négative en fin d’exercice, mais il est probable que la situation sera moins dégradée compte tenu, à nouveau, des retards du chantier, avec une trésorerie positive de 4 M€.

Tableau n° 9 : trésorerie nette (en milliers d’euros)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

La perspective d’une situation de trésorerie négative était anticipée à partir de 2012 dans le COM 2010-2014 : « compte tenu de l’impact financier du chantier de réhabilitation (…) la société [pourrait être] amenée à recourir sur la période à des ressources externes (en toute vraisemblance, sous forme de facilités de trésorerie) pour couvrir certains besoins ponctuels ». Toutefois, le COM n’avait pas prévu une situation où la trésorerie se dégraderait à la fois sous l’effet du chantier et du cycle d’exploitation de l’entreprise. À ce jour, cependant, si aucune mesure correctrice n’est prise, sont prévus des soldes de trésorerie négatifs de l’ordre de - 86 M€ en 2015 et de - 145 M€ en 2016.

B - Des perspectives préoccupantes

Au regard des déséquilibres financiers grandissants auxquels elle risque d’être confrontée dans les années à venir, Radio France ne peut escompter trouver une solution dans une augmentation de ses produits. Ses marges d’action en la matière sont limitées : la contrainte budgétaire pour la contribution à l’audiovisuel public, l’encadrement de la publicité et le faible niveau que devraient conserver les ressources de diversification à l’horizon 2020 ne laissent augurer que des perspectives au mieux stagnantes, voire à la baisse.

Parmi les solutions de financement, existe la possibilité de recourir à l’emprunt pour financer les importants investissements que doit poursuivre Radio France dans les années qui viennent (chantier et, éventuellement, effort en faveur du numérique – les besoins pour le seul chantier de réhabilitation s’élevant à environ 175 M€). Cependant, un emprunt à plus d’un an est susceptible d’être requalifié en dette des administrations publiques, selon les critères de Maastricht. Quant au recours à des lignes de trésorerie auprès d’établissements bancaires, il ne constituerait qu’un expédient.

Pour financer ces opérations d’investissement, d’autres options pourraient sans doute être étudiées par l’État, comme une dotation en capital par le canal du compte de concours financiers Participations financières de l’État. Cependant une telle mesure ne pourra être traitée en opération financière en comptabilité nationale que si la France démontre qu’elle intervient en « investisseur avisé » et donc que Radio France n’utilise pas cette ressource additionnelle de trésorerie pour couvrir des déficits d’exploitation, dont l’augmentation devrait être rapide dans l’avenir si des actions correctrices ne sont pas mises en œuvre à brève échéance.

En conséquence, la principale voie qui s’ouvre à Radio France passe par un effort très significatif sur les charges d’exploitation, ce qui implique d’importantes mesures de réorganisation, afin de dégager des économies structurelles. Or les mesures qui ont pu être engagées en ce sens ces dernières années ne sont pas proportionnées aux enjeux. Elles n’ont en effet permis que de compenser provisoirement les baisses de ressources qu’a subies l’entreprise, sans toucher aux problèmes de fond, à savoir : un développement d’activités très largement déconnecté de la contrainte financière à laquelle sont soumis la plupart des services publics et une gestion peu orientée vers la recherche d’efficience et de productivité – ce que la suite du rapport développe.

Dès lors, l’élaboration du prochain COM constitue un jalon décisif pour le devenir de Radio France. En se fondant sur une trajectoire financière prévisionnelle évaluée de façon réaliste et précise, notamment sur des éléments déterminants comme le coût du chantier, le document à venir ne pourra s’exonérer cette fois-ci de déterminer des orientations stratégiques traduisant un véritable projet d’entreprise permettant d’engager les réformes profondes qui ont trop longtemps été différées.

Conclusion et recommandation

Ayant longtemps bénéficié d’une situation favorable du point de vue des ressources qui lui étaient attribuées au titre de la contribution à l’audiovisuel public, Radio France a échappé à la « mise sous tension » à laquelle la situation générale des finances publiques soumet les administrations et les opérateurs publics, et qui les contraint à développer des stratégies visant à concilier l’excellence de leurs activités avec la maîtrise de leurs coûts.

De ce point de vue, les deux contrats d’objectifs et de moyens conclus sur la période 2006-2014 n’ont pas été l’occasion pour les tutelles comme pour l’entreprise d’engager un mouvement de réformes qu’une situation financière apparemment favorable semblait ne pas rendre pressant. Au regard de la dégradation rapide que devrait connaître la situation financière de Radio France sur les prochains exercices, une telle approche n’est plus de mise. Le prochain contrat d’objectifs et de moyens (COM) devra s’inscrire dans une démarche de long terme, transcrite dans un projet d’entreprise, par exemple sur 10 ans.

En conséquence, la Cour formule la recommandation suivante :

établir le contrat d’objectifs et de moyens sur le fondement d’un projet d’entreprise (Radio France, ministère chargé de la culture, ministère chargé du budget).

Chapitre II

Des activités au développement insuffisamment piloté

Depuis 10 ans, les activités de Radio France se sont développées sans que l’impératif de maîtrise des coûts n’ait été véritablement pris en compte. Ainsi les antennes de Radio France connaissent un développement peu ordonné et dispendieux (I), alors que le numérique n’a pas encore acquis la place qui lui revient (II) et que l’avenir des formations musicales mérite par ailleurs une réflexion approfondie (III).

I- Des antennes aux perspectives incertaines

L’histoire, davantage qu’une stratégie concertée de « bouquet » de programmes, explique l’éventail des antennes de Radio France. L’entreprise déploie une antenne généraliste (France Inter depuis 1963), une chaîne d’information en continu (France Info depuis 1987), des radios thématiques (France Culture, France Musique depuis 1963, FIP depuis 1971, Le Mouv’ depuis 1997) et un réseau local (France Bleu). Depuis sa création en 1975, Radio France a supprimé une radio : Radio 7 en 1987. Elle n’a pas de webradio. Ces programmes sont diffusés par voie hertzienne et peuvent être écoutés sur des supports numériques.

Les stations de la BBC

La BBC compte cinq stations nationales : Radio 1 (musicale jeune), Radio 2 (généraliste, la plus écoutée au Royaume-Uni, 13,7 millions d'auditeurs hebdomadaires), Radio 3 (culturelle diffusant de la musique classique et du jazz), Radio 4 (généraliste avec documentaires et fictions), Radio 5 (information-sport). Elle propose cinq webradios : 1Xtra (musique noire américaine), 6 Music (rock), Five Live Sports Extra (sports), 4 Extra (enfants, fictions), Asian Network (services en langues étrangères pour le Royaume-Uni).

De 2006 à 2013, Radio France est resté un acteur dominant de la radio en France, avec une audience assez stable entre 25 et 26 %. Il s’agit d’une situation intermédiaire en Europe. À titre de comparaison, la part d’audience de la radio danoise (DR) est de 70 %, celle de la BBC, au Royaume-Uni, de 55 %, celle de la RTBF en Belgique de 32 %. À l’inverse, selon l’Union européenne de radio-télévision (UER), les parts de la radio publique espagnole RTVE (8 %) et italienne RAI (Radiotelevisione Italiana) (18 %) sont inférieures à celles de Radio France.

Les sept antennes de Radio France présentent des profils différents.

Tableau n° 10 : les antennes de Radio France en 2013

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Sur un total de charges de 672,3 M€ en 2013, les « coûts directement affectés aux programmes » des antennes (rémunérations et cotisations sociales des personnels incluant les intermittents, fonctionnement et prestations techniques hors diffusion) représentent 293,5 M€ (répartis environ pour moitié entre les antennes nationales et France Bleu).

Différentes à plus d’un titre (cf. annexes 6 à 13), les antennes nationales présentent des caractéristiques communes en termes d’audiences, de moyens financiers et humains, d’organisation et de quasi-absence d’instruments de pilotage.

A - Des audiences contrastées et vieillissantes

En termes d’audience, Radio France reste en France un acteur important de la radio. Il faut y voir la preuve d’une adéquation aux attentes des auditeurs, du moins de ceux qui forment le socle stable de son audience (environ 26 %), mais aussi le constat que le marché de la radio n’a pas connu le bouleversement qu’a représenté, par exemple, la télévision numérique terrestre pour la télévision.

Tableau n° 11 : audience du groupe Radio France

(audience cumulée5 sur un jour moyen, lundi-vendredi, en %)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

En 2013, Radio France (25,6 % en audience cumulée) est en-dessous de l’objectif fixé par le COM (25,8 %). Par antenne, l’évolution est plus contrastée : France Inter, qui se situe généralement entre 9,6 % et 10,9 % d’audience, se trouve dans la zone basse de cet intervalle. Toutes les radios généralistes connaissent ce tassement, même si leurs matinales d’information restent des grands moments d’écoute radiophonique.

Graphique n° 1 : évolution des audiences des antennes de Radio France (en % d’audience cumulée)

[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Les courbes d’audience de France Culture et de France Musique se croisent. La première connaît une croissance continue, à l’inverse de la seconde dont les résultats de 2014 sont encore en baisse de 1,4 %. La concurrence de Radio Classique, dont l’audience est supérieure (+ 2,2 % en 2014), pose la question de la ligne éditoriale retenue.

Le graphique met aussi en évidence deux situations préoccupantes. D’une part, le Mouv’ stagne autour de 0,4 % d’audience, pour moins de 300 000 auditeurs, ce qui pose la question de son avenir. D’autre part, l’audience de France Info décline, celle-ci ayant manqué de s’adapter à la révolution des chaînes d’information. Il n’est pas sûr qu’il s’agisse d’un problème conjoncturel susceptible d’être corrigé grâce à un meilleur positionnement sur l’information « chaude ».

À la question de l’audience s’ajoute celle du vieillissement des auditeurs, l’âge médian culminant à 68 ans pour France Musique.

Tableau n° 12 : âge médian des auditeurs

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

B - Des antennes de plus en plus coûteuses

1 - Des budgets en forte croissance

En 10 ans, les budgets des antennes ont augmenté de 27,5 %.

Tableau n° 13 : dépenses des antennes nationales (coûts directement affectés aux programmes en M€)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

France Inter, le premier budget de Radio France, affiche une forte croissance de la masse salariale due au recrutement de journalistes et à l’intégration d’intermittents dans ses effectifs permanents. France Info, pour sa part, a aussi vu croître sa masse salariale dans des proportions importantes. Quant au Mouv’, son budget a doublé entre 2004 et 2013 (de 4,5 M€ à 8,7 M€) et son coût cumulé sur dix ans représente 61,4 M€. Compte tenu de sa faible audience et de la situation financière de Radio France, l’avenir du Mouv’ en tant qu’antenne hertzienne semble fortement compromis.

2 - Une masse salariale et des effectifs en hausse générale

La cause principale de cette inflation rapide des coûts réside dans la politique de recrutement et de rémunération menée depuis dix ans.

Tableau n° 14 : masse salariale des antennes nationales (en M€)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

À cette masse salariale en forte hausse correspondent des effectifs également croissants.

Tableau n° 15 : effectifs des antennes nationales (CDI et CDD en ETP)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

De plus, à France Inter et à France Culture, le recours à l’intermittence est très fréquent. Pour la première, les intermittents coûtent 9,6 M€ en 2013 pour un volume de travail représentant 105 ETP, qui s’ajoute aux effectifs permanents. Pour France Culture, il s’agit de l’équivalent de 168 ETP en 2013, pour un coût de 11,8 M€. Au Mouv’, les dépenses relatives aux cachets et piges (2,7 M€) ont été multipliées par 3,7 entre 2004 et 2013.

3 - Des organisations peu structurées

L’examen des antennes pose la question de la capacité de leur direction à maîtriser leur organisation et le contenu de leurs programmes. Ainsi, à France Inter, pour le temps d’antenne hors information et musique (55 % du total), aucun cadre ne supervise la production des programmes, excepté le directeur et son adjoint qui interviennent lors de la confection de la grille. L’activité de l’antenne (hors information) se structure autour d’équipes comprenant des cachetiers (les « producteurs »), des attachés de production (qui préparent l’émission) et des chargés de réalisation. À France Musique, les nombreux producteurs sont en lien direct avec le directeur et aucune structure pérenne n’est chargée de la conception générale de la grille.

En outre, les directeurs d’antenne ne sont pas les responsables hiérarchiques de tous les personnels travaillant dans leur chaîne : les techniciens d’antenne dépendent de la direction technique (direction générale adjointe chargée des techniques et des technologies nouvelles – DGATTN) ; les chargés de réalisation à France Culture et à France Musique relèvent de la direction des personnels de production.

Ces organisations variées n’ont pas fait l’objet d’audit d’organisation, permettant d’évaluer la définition des responsabilités et la répartition des moyens et des effectifs. Des structures à l’utilité incertaine demeurent, vestiges d’une réforme inaboutie, comme les antennes locales de FIP6, dont le coût annuel représente 1 M€.

4 - Des modes de production et d’organisation rigides et coûteux

La rigidité des modes de production, coûteuse en effectifs et en crédits, est une autre caractéristique commune aux antennes, avec des nuances pour le Mouv’ ou FIP, plus petites et de création plus récente.

Dans l’organisation actuelle des antennes, à chaque élément de la chaîne de production correspondent des métiers distincts, aujourd’hui nettement cloisonnés. Les attachés de production assistent les présentateurs dans la recherche de contenus ou la recherche d’invités extérieurs et la préparation des plateaux. Les chargés de réalisation assurent la « mise en forme radiophonique » et le déroulé de l’émission, guident l’animateur lors des directs ou supervisent le montage des émissions en différé. Les techniciens assurent la gestion des infrastructures techniques (prise de son, mise en relation avec des intervenants extérieurs hors du studio) lors de l’enregistrement ou lors de directs. Cette répartition des tâches est variable suivant les antennes et évolue en fonction des mutations techniques.

Les facteurs de rigidité sont les plus manifestes à France Inter. Environ la moitié des 115 attachés de production de Radio France travaille à France Inter. Comme le souligne un rapport d’audit interne de 2014 : « grille après grille, des invités plus nombreux (experts, artistes), des producteurs de renom plus exigeants, des émissions plus élaborées requièrent un nombre plus important d’attachés de production ». Au total, les besoins de la grille de France Inter en termes d’attachés de production sont évalués à 59 ETP, pour un effectif de 49 ETP en CDI. De ce fait, une gestion complexe des absences et des remplacements s’est mise en place qui a abouti au recrutement de 20 CDD d’attachés de production en 2013. Au total, 20 % de la grille est assuré par des attachés de production en CDD, pour des besoins en réalité permanents.

Les chargés de réalisation de France Inter (33 CDI et 7 CDD) sont affectés à concurrence d’un temps plein pour une émission quotidienne sur cinq jours, ce qui ne correspond pas à la charge de travail réelle.

Avec 41,6 ETP en 2013 (45,2 ETP en 2007), les effectifs des techniciens d’antenne affectés à France Inter restent d’un niveau inexpliqué, comparés à ceux de France Info (19 ETP CDI en 2012), France Culture (14 CDI), France Musique (11 CDI). France Inter a en effet conservé le recours au « binôme » de techniciens en toutes circonstances (pratique datant de l’époque où il fallait résoudre des problèmes de bande magnétique). Le projet de réorganisation des modes de travail de ces équipes a été à l’origine de la grève de janvier 2013 qui a interrompu la diffusion de l’antenne pendant six jours et s’est terminée par le statu quo.

À France Culture, autre cas emblématique, les prestations techniques extérieures représentent, en 2013, 15,8 M€ (36 % de son budget), du fait de la complexité des émissions produites. Un plafond annuel est fixé à l’antenne pour ses droits de tirage sur les directions techniques, mais le calcul des coûts de production a priori échappe largement à sa direction. La détermination de ces coûts dépend en outre de la disponibilité d’infrastructures (studios, cabines de montage), réservées par tranches horaires dépassant souvent le temps de la prestation. Le rythme de travail et les congés des chargés de réalisation, profession essentielle pour cette antenne aux émissions élaborées, échappent aussi à sa direction, ces salariés relevant d’une autre direction (cf. chapitre V). Leur intégration dans le personnel de France Culture est discutée depuis plus de dix ans, sans qu’aucune décision ait été prise.

Le réseau France Bleu (voir annexe 13) mobilise le tiers des effectifs de Radio France et un budget en coûts complets de 224 M€. Le réseau compte 44 stations, dont 3 créées lors des dix dernières années : France Bleu Maine (2010), Toulouse (2012) et Saint-Etienne Loire (2013). Le nombre d’auditeurs de Radio Bleu a été stable entre 2004 et 2009, puis a crû de 17 % entre 2009 et 2013 (de 3,4 à 4,0 millions).

Dans ce réseau, peu d’évolutions de la couverture sont intervenues entre 2004 et 2014, à l’exception de l’ouverture des stations de Toulouse, du Mans et de Saint-Etienne. D’importantes zones blanches demeurent, notamment dans le Sud-Ouest. Jusqu’en 2011, Toulouse n’était pas desservie. Lyon ne l’est toujours pas. L’objectif d’extension du nombre de stations locales dans le COM 2010-2014 se heurte à l’obtention de nouvelles fréquences (voir annexe n° 6). Paradoxalement, il n’existe ni de « carte cible » des stations locales ni de stratégie claire de déploiement du réseau.

Certaines situations particulières demandent à être évaluées, notamment les 28 « reporters en résidence » qui couvrent certaines régions et les 5 stations « micro-locales » d’Évreux, du Havre, de la Roche-sur-Yon, de Toulon et de Tulle (23,5 ETP au total).

La répartition des moyens entre les stations du réseau France Bleu est inégalitaire, ce qui traduit la difficulté à allouer les ressources en fonction des besoins et une capacité de pilotage insuffisante. Entre 2004 et 2013, la croissance des effectifs du réseau aura été supérieure aux créations de postes dans les nouvelles stations (72 ETP contre 63 ETP). Si de nouvelles stations étaient créées, cette extension du réseau devrait s’accomplir par redéploiement.

5 - La méconnaissance du coût de grille

Le coût de l’heure produite et diffusée conduit à distinguer les antennes au mode de production coûteux (France Inter et France Culture), celles en situation intermédiaire (France Musique et France Info) et celles qui sont peu onéreuses (FIP, Le Mouv’ et France Bleu). Radio France ne dispose pas du système d’information lui permettant d’établir le coût unitaire complet d’une émission et a fortiori d’une grille de programmes.

Tableau n° 16 : coût de l’heure produite et diffusée (en €)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

À France Inter, la connaissance du coût complet par émission est lacunaire. Si les coûts directs (cachets, frais de mission, locations) sont connus, il n’en est de même ni pour les personnels en CDI affectés à des programmes (attachés de production, chargés de réalisation, journalistes), ni pour les prestations internes réalisées dans d’autres directions sinon de façon approximative à travers la « quantité » consommée (nombre de jours de car-régie, heures de studio). L’établissement d’un coût de grille « complet » doit constituer une priorité de gestion pour cette antenne, comme d’ailleurs pour toutes les autres.

Avec France Inter, France Culture est l’antenne dont le coût de production est le plus élevé. Le coût de l’heure produite s’élève en 2013 à 6 215 €. Les fictions radiophoniques coûtent cher (20 000 € / heure). Sur les 15,1 M€ que représente le coût direct des magazines et documentaires, 63 % se concentrent sur 16 programmes en 2013. La comptabilité ne permet pas de connaître le coût unitaire d’une émission : les programmes, produits dans l’année, puis stockés sans être diffusés, ne sont pas identifiés dans le système comptable. Pour autant, l’analyse de ces coûts unitaires paraît essentielle afin de procéder à des choix éclairés, en regard des résultats d’audience et de l’intérêt en termes de création artistique.

II - L’intégration incomplète du numérique

La radio évolue désormais dans un environnement numérique qui estompe les limites entre les médias, concentre les entreprises audiovisuelles sur la production de contenus et nécessite d’importants moyens, financiers et humains. Et le risque est grand de voir les auditeurs se détourner des médias traditionnels s’ils n’y trouvent pas des contenus adaptés à leurs usages.

La radio dans l’ère numérique

Le numérique change le mode de production de la radio. Des fichiers informatiques remplacent les bandes magnétiques. A Radio France, cette mutation s’est achevée en 2004-2005.

Le numérique peut également changer le mode de diffusion de la radio de deux manières. D’une part, la radio peut être disponible sur internet (c’est ce qu’on appelle la diffusion IP, Internet Protocol), que ce soit sur un ordinateur fixe, une tablette ou un téléphone intelligent. D’autre part, son signal hertzien peut être numérique et non plus analogique (c’est ce qu’on appelle la radio numérique terrestre ou RNT).

Le numérique modifie les contenus et les usages de la radio. Il permet une écoute différée (podcasts) et des chaînes supplémentaires de radio, disponibles seulement sur internet (webradios). Les contenus peuvent être enrichis, en associant au flux audio des informations diverses (images, vidéos, radio filmée, cartes, graphiques). Les contenus peuvent être liés entre eux. L’accès aux archives est facilité. Des recherches thématiques sont ainsi rendues possibles.

Le numérique modifie le rapport à l’auditeur. L’auditeur est désormais connu quand il écoute la radio sur internet. Ses attentes peuvent être analysées.

La transformation progressive de Radio France en une « entreprise numérique » constitue donc une condition sine qua non de son développement, voire de sa pérennité. Or, contrairement à d’autres groupes publics européens, elle n’a pas achevé sa mue numérique. De fait, la période 2004-2014 a été insuffisamment utilisée pour préparer l’avenir, alors même que la mutation qu’appelle l’intégration du numérique aurait dû figurer au premier plan de la stratégie de l’entreprise.

A - Une stratégie de rattrapage tardive

Le développement numérique a modifié l’environnement de la radio sans, dans un premier temps, en bouleverser les usages.

1 - Des débuts prometteurs suivis d’un retard inquiétant

Radio France a créé ses premiers sites internet au tournant des années 2000. À partir de 2006, l’entreprise a mis en ligne une offre de radio différée qui lui a permis de se hisser dans le classement des contenus les plus téléchargés. Pour autant, le développement de cette offre ne s’est pas inscrit dans une orientation stratégique générale. Cette approche qui a conduit Radio France, protégée par le maintien de ses audiences, à ne modifier ni sa stratégie ni ses méthodes de travail, a duré toute la décennie 2000. Et ceci, alors même que la nouvelle donne que dessinait le développement exponentiel du numérique emportait la nécessité, pour les médias, de repenser leur modèle de production et leur mode de fonctionnement.

Présenté début 2009, le plan « Horizon 2015 » prévoyait un développement du numérique parmi les priorités affichées de l’entreprise.

2 - Un plan en faveur du numérique

Le COM 2010-2014 aurait pu être l’occasion de redéfinir la stratégie numérique de Radio France. Le document signé cantonne les aspects web et multimédia à « une offre additionnelle » (faire « entrer en résonance la radio et le web » – objectif 11). Pour le reste, il se limite à un catalogue : refonte des sites, nouveaux contenus. Fondé sur des schémas classiques, le COM n’a pas constitué l’instrument d’une évolution réelle.

Malgré la timidité du contrat d’objectifs, une direction des nouveaux médias (DNM) a été créée en juillet 2011. La constitution de cette nouvelle entité s’est accompagnée d’un plan en faveur du numérique fondé sur trois idées majeures : le chantier concerne toute l’entreprise ; il s’inscrit dans la perspective de la radio numérique ; si le cœur du métier reste la radio, celle-ci ne se réduit pas à la radiodiffusion classique.

À cet effet, un effectif de 138 emplois était programmé. En 2013, ce plan est dépassé avec 149 ETP présents dans ce domaine : 15 à France Inter, 21 à France Info, 10 à France Culture, 6 à France Musique, 2 à FIP, 6 au Mouv’, 2 à la direction de la musique, 38 à France Bleu, soit 100 ETP pour les antennes, et 49 pour la direction des nouveaux médias.

Des moyens nouveaux ont été attribués au numérique, en rapport avec la priorité affichée. Entre 2011 et 2013, 17,4 M€ lui ont été consacrés (le budget numérique de France Télévisions atteint 60 M€). Avec ces crédits, la direction des nouveaux médias a engagé une remise à niveau d’une partie des applications et sites internet de Radio France. Certains projets novateurs comme RF8, plate-forme musicale numérique, et NouvOson, site de diffusion de produits de très haute qualité sonore, ont également vu le jour. Les années 2011-2013 ont donc été une période de rattrapage, destinée à combler des lacunes trop visibles.

3 - Des audiences encourageantes

Les investissements comme le développement de l’offre ont permis une augmentation des résultats d’audience des différents sites.

Graphique n° 2 : audience numérique de Radio France

[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

En comparaison avec les visites enregistrées par les autres offres numériques de l’audiovisuel public en 2012, Radio France (13,9 millions de visites) se situe loin derrière France Télévisions (40,7 millions de visites) et France Médias Monde (22 millions de visites). En outre, aucune des antennes de Radio France n’atteint un meilleur score que RFI (8 millions de visites) – les performances des sites, mesurées en termes de visiteurs uniques étant très différentes selon les antennes (cf. tableau n° 17).

Tableau n° 17 : audiences (millions de visiteurs uniques)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Une des forces de l’offre numérique de Radio France réside dans ses contenus en écoute différée (podcasts), notamment ceux de France Culture. Radio France demeure d’ailleurs le premier groupe radiophonique en France en matière d’écoute différée.

Tableau n° 18 : téléchargements des podcasts de Radio France – moyenne mensuelle en millions de téléchargements

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Malgré ces premiers résultats, l’effort en faveur du développement numérique de Radio France est encore à poursuivre et doit conduire rapidement à résoudre un certain nombre de questions structurelles.

B - Une mutation structurelle qui n’a pas été engagée

Dans le contexte numérique, la radio, comme la presse, est amenée à se transformer en média global, producteur de contenus non plus seulement sous forme audio, mais également de textes ou de vidéos, tout en restant ancrée dans la spécificité historique liée à son mode de diffusion. Cette révolution va rendre plus floues les frontières issues du découpage de l’ORTF en sociétés distinctes, voire concurrentes (France Télévisions, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel).

Lors de son discours pour le cinquantenaire de la Maison de la Radio, le 17 décembre 2013, le Président de la République a évoqué l’idée que « France Télévisions et Radio France puissent un jour assembler leurs contenus internet dans un grand service audiovisuel numérique ». Un an après ce discours, deux propositions ont été avancées par les entreprises. À Radio France, on évoque un « service global d’information en continu » fondé sur France Info et le site franceinfo.fr. À France Télévisions, on travaille à l’idée d’une chaîne numérique d’information en continu, sur la base du site francetvinfo.fr. D’autres rapprochements sont aussi imaginables, rapprochements techniques, achats communs de prestations, mais aussi de contenu. Enfin la politique de concurrence et les enjeux liés à la mondialisation des acteurs du numérique peuvent contraindre à réfléchir à des stratégies d’alliance impliquant des ouvertures de capital de sociétés de l’audiovisuel public.

Ainsi, avec le développement du numérique et d’une diffusion non linéaire, les archives deviennent centrales dans la mise à disposition des contenus au profit du public, lequel souhaite pouvoir accéder à toutes celles de son choix. À cet égard, la convention de février 2014 entre Radio France et l’INA constitue une avancée notable. Sous certaines réserves7, Radio France se voit reconnaître le droit d’utiliser à titre gratuit les archives radiophoniques de l’INA. L’équilibre actuel de cette convention correspond à la répartition actuelle des missions entre ces deux opérateurs publics.

Le modèle d’une radio publique isolée pourrait tendre à devenir une singularité française (cf. annexe n° 3). Dans l’univers d’internet, la séparation par métiers (radio, télévision, archives) semble de plus en plus artificielle. Certains pays européens en ont tiré la conclusion en engageant un rapprochement de leurs télévisions et de leurs radios. Ainsi, en 2010, la Radio Télévision Suisse est née du mariage de la Radio Suisse Romande et de la Télévision Suisse Romande. En 2006, la Radio Televisión Española a réuni la Radio nacional de España et la Televisión Española.

A minima, les changements qu’introduisent les technologies numériques dans le modèle de production radiophonique auraient dû remettre en cause l’organisation de Radio France, notamment la logique de division du travail et de description rigide des métiers sur laquelle celle-ci est fondée.

1 - La modification de l’organisation du travail et du rôle des acteurs

La négociation de l’accord d’entreprise « nouveaux médias », qui prévoyait une évolution vers plus de polyvalence et d’intégration de la dimension « nouveaux médias » dans les différents métiers, n’a pas abouti en 2013. La participation des salariés au développement des nouveaux médias reste fondée sur le volontariat. Au stade atteint par la négociation fin 2014 (relevé du 8 décembre 2014), la question reste en suspens, alors qu’un accord est indispensable. Dans une entreprise où la culture de la négociation collective est une donnée importante, le cloisonnement entre la radio traditionnelle et le numérique reste fort en termes de métiers.

Or Radio France dispose de fonds patrimoniaux d’une richesse exceptionnelle (partitions, discothèque, bibliothèque théâtrale8), qui ont vocation à nourrir le contenu des sites internet. Elle a aussi une expertise reconnue dans la gestion documentaire, avec une direction de la documentation qui compte environ 130 ETP et qui devrait être au cœur de l’activité numérique, consommatrice d’archives, de référencement et d’indexation – ce qui n’est pas encore le cas.

En outre, dans la mesure où le numérique modifie le rapport au public et oblige à sortir de la stricte logique d’offre dans laquelle s’inscrit la radio traditionnelle, le développement d’un marketing adapté aurait dû constituer une priorité. Radio France devrait ainsi disposer d’un outil de gestion de la relation client (GRC) et d’une équipe au service de cette relation avec les auditeurs. Enfin, un aspect crucial de l’avenir numérique de l’entreprise réside dans sa capacité à disséminer ses contenus via des partenariats dans les lieux numériques où le visiteur va les consulter.

2 - Des questions juridiques et techniques en suspens

Le développement des nouveaux médias s’accompagne d’une complexité plus grande de la gestion des droits. Les accords passés avec les sociétés de gestion collective des droits s’étendent progressivement aux nouveaux supports et couvrent des champs qui ne sont pas ceux, traditionnels, de la radio, tels que la photographie ou la vidéo. Pour les nouveaux médias, un accord, conclu en 2012 entre Radio France et les deux sociétés de producteurs de phonogramme9, autorise, sous certaines conditions, l’écoute à la demande illimitée et les podcasts pour un an. Parmi ces conditions, figure la nécessité d’un passage préalable à l’antenne, ce qui exclut du champ de l’accord l’ensemble des productions relevant entièrement des nouveaux médias. Cette restriction constitue un frein à l’extension de l’offre numérique de Radio France, qui ne peut pour le moment se construire qu’en complément de l’antenne radiodiffusée.

Le développement du numérique à Radio France laisse par ailleurs subsister des problèmes techniques, dont le traitement relève à la fois de la direction générale adjointe des techniques et des technologies nouvelles (DGATTN) et de la direction des nouveaux médias. La première n’a plus d’attributions dans le domaine numérique mais, comme responsable de la production du son, doit veiller à l’ensemble des liens qui raccordent le système de distribution du son et les sites internet. Quant à la seconde, ayant privilégié le renforcement de son activité éditoriale, elle ne dispose que d’un faible pôle de développement informatique qui ne parvient pas à répondre aux demandes des antennes. Par ailleurs, l’absence de moteur de recherche performant sur des sites comme ceux de France Culture ou de France Musique gêne l’usager, ce qui est dommageable.

3 - La position attentiste de Radio France sur la diffusion numérique

Le processus de numérisation de la radio s’étend à la diffusion, même si l’essentiel est aujourd’hui assuré par voie hertzienne analogique (voir annexe n° 6 sur les fréquences), mais le passage à la radio numérique terrestre (RNT) demeure une perspective incertaine.

Les atouts de la RNT sont identifiés : davantage de radios sur le spectre hertzien, un flux enrichi de données associées, une réception anonyme et gratuite, l’absence d’intermédiaires (opérateurs de téléphonie, fournisseurs d’accès internet) ; une meilleure couverture du territoire. Les questions posées sont tout aussi évidentes : le coût, dont l’évaluation précise est en cours grâce aux expérimentations, d’autant que le maintien d’une diffusion classique sera nécessaire ; l’ouverture du marché de la radio à une concurrence plus large, déstabilisatrice pour les opérateurs en place.

La loi du 9 juillet 200410, complétée par celles du 5 mars 200711 et du 5 mars 200912, a défini le cadre juridique de la RNT. La norme française de la RNT a été arrêtée en janvier 2008 (T-DMB), mais la possibilité d’utiliser la norme DAB/DAB+ en vigueur dans les autres pays européens a été ouverte en août 2013. En mars 2010, quatre groupes de radio (Lagardère, NRJ, Nextradio, RTL) ont demandé un moratoire de 18 mois, Radio France conservant de son côté une position d’attente qui a sans doute contribué à la lenteur des progrès de la RNT. Dans ce contexte, le rapport de M. David Kessler13, remis en mars 2011, a préconisé la prudence et des expérimentations. Le 6 septembre 2012, le Gouvernement a annoncé que les radios du service public ne participeraient pas à l’expérimentation lancée le 20 juin 2014 à Paris, Marseille et Nice.

La RNT pourrait s’ajouter aux autres technologies existantes, remplaçant ou complétant l’hertzien analogique dans les régions où le manque de fréquences est trop fort ou le long des axes routiers. Ce principe d’une RNT de complément semble être encore une hypothèse crédible. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), dans son rapport de décembre 2014 sur l’évolution des modes de diffusion de la radio14, propose ainsi comme une des options possibles de déploiement de la RNT de « prendre en compte les besoins liés à une pénurie de fréquences FM ».

Compte tenu de l’évolution rapide des technologies – notamment le développement des téléphones intelligents et des autoradios permettant une réception IP –, la diffusion croissante de la radio par internet (diffusion IP), si elle empiète sur – ou se substitue rapidement à – l’hertzien, risque cependant de rendre caduque la question de la RNT. Il se pourrait ainsi que le modèle de radio anonyme et gratuit, universel et non intermédié, soit remplacé par une réception traçable et payante, dont les coûts, en achat de bande passante, peuvent devenir élevés, sans compter les problèmes liés à la saturation des réseaux.

Le bilan des dernières années montre que Radio France a été prudente, voire conservatrice dans ses choix technologiques, alors qu’au titre de ses missions de service public, elle se doit d’être à la pointe de l’innovation. En tout état de cause, elle gagnerait à la clarification de la position du Gouvernement sur la RNT et pourrait s’engager dans des expérimentations, en complément de la FM, dans des lieux pertinents. Comme l’écrit le CSA dans son rapport de décembre 2014 sur le sujet : « À défaut d’avoir l’adhésion des grands groupes privés radiophoniques, le rôle du service public dans le déploiement de la radio numérique apparaît en France, comme en Europe, être un enjeu important ». Que le groupe public radiophonique dispose de l’ensemble de la gamme des moyens de diffusion, hertzien, RNT, IP, qu’il réfléchisse à de nouvelles solutions comme l’IP diffusé par voie hertzienne ou la radio sur la TNT ne semble pas inutile, dans un environnement encore incertain.

III - Des formations musicales nombreuses et coûteuses

Comme la plupart des grands services publics européens de radio, Radio France comprend plusieurs formations musicales. À la création de Radio France, en 1976, ces ensembles ont connu une importante réforme. Un nouvel orchestre philharmonique est alors né. Il regroupait des musiciens de l’Orchestre radio-lyrique, de l’Orchestre de chambre et de l’Orchestre philharmonique de l’ORTF dont la disparition avait été décidée. Le nouvel ensemble est devenu l’Orchestre philharmonique de Radio France en 1989. Depuis 40 ans, l’organisation des formations n’a pas changé. Celles-ci relèvent d’une direction de la musique à laquelle, jusqu’en 1999, était rattachée France Musique. La Maison de la Radio accueille désormais un auditorium, dont la mise en service est l’occasion de reposer la question du format de ces ensembles ainsi que de leur articulation avec la radio.

A - Un coût excessif

L’Orchestre national de France (119 ETP en 2013), l’Orchestre philharmonique de Radio France (139 ETP), le Chœur de Radio France (113 ETP) et la Maîtrise de Radio France (18 ETP) sont des composantes de Radio France. L’article 3 des statuts de la société précise que l’entreprise gère « deux orchestres symphoniques, un chœur et une maîtrise ». Contrairement à la BBC dont trois des cinq orchestres résident en province, les formations de Radio France sont implantées à Paris.

La loi du 30 septembre 198615 (art. 44) définit deux grandes orientations pour le répertoire de ces formations : l’interprétation d’œuvres du patrimoine et la création d’œuvres contemporaines. Le cahier des charges (art. 28 et 29) met, quant à lui, l’accent sur la création d’œuvres de compositeurs français et la place à réserver aux concerts des formations sur les ondes de Radio France.

En 2013, les formations représentent 39,1 M€ de coûts directs, dont 28,3 M€ de masse salariale pour 390 ETP. Entre 2004 et 2013, les rémunérations des musiciens ont augmenté plus rapidement (+ 16,3 %) que leur nombre (+ 1,7 %) du fait de plusieurs revalorisations de grille. Cette masse salariale pourra être contenue en profitant des départs à la retraite attendus pour les prochaines années, ce qui devrait permettre à la fois de rajeunir l’effectif et peut-être de le ramener à un niveau moindre.

Les cachets des formations permanentes représentent des dépenses importantes (5,3 M€). Les dépenses de fonctionnement de l’Orchestre national de France sont de 3,6 M€ en 2013, celles de l’Orchestre philharmonique de 4,6 M€. En retour, les recettes de billetterie et les recettes de mécénat de l’ensemble des formations musicales s’élèvent, en 2013, respectivement à 2,1 M€ et 0,2 M€. L’exploitation est donc fortement déficitaire, les recettes de billetterie couvrant moins de 10 % des dépenses (à la radio danoise, ce taux de couverture est de l’ordre de 20 %, comme à l’Orchestre de Paris qui va s’installer à la Philharmonie). Ces taux seraient encore plus faibles si les rémunérations des personnels de la direction de la musique et les dépenses des fonctions-support étaient comptabilisées. Ce déficit est d’autant plus marqué que l’activité artistique est soutenue, puisque la plupart des concerts sont à l’origine de dépenses toujours plus élevées que les recettes dégagées.

B - Un statu quo impossible

L’objectif 6 du COM 2010-2014 prévoit de « clarifier les missions des formations musicales ». Sa nécessité n’en est que plus aiguë aujourd’hui, alors qu’aucune réflexion n’a été engagée sur la complémentarité des formations ni même sur la possibilité de faire cohabiter deux orchestres symphoniques en un même lieu. D’ailleurs, le conseil d’administration semble absent de la définition de la politique musicale, n’approuvant même pas la politique tarifaire des orchestres.

La direction de la musique n’est pas apparue en mesure de piloter les programmations des formations musicales. Comme elle l’a indiqué elle-même, « ce sont les formations musicales qui construisent leur saison ». Les choix sont ensuite soumis à la validation du directeur de la musique. L’examen de ces programmations montre pourtant des lignes de partage incertaines qui soulignent la faiblesse de son pouvoir réel. Autre élément illustrant la faible coordination, les commandes de musique contemporaine se décident sans vraie programmation ; ce sont les formations musicales qui en ont l’initiative.

La grande proximité des répertoires entre les deux orchestres est corroborée par l’examen des contrats de travail de leurs chefs. Le contrat de M. Myung-whun Chung, chef d’orchestre de l’Orchestre philharmonique de Radio France, prévoit la programmation du grand répertoire symphonique, d’opéras, d’oratorios et du répertoire contemporain, quand celui de M. Daniele Gatti, chef d’orchestre de l’Orchestre national de France, retient la valorisation du grand répertoire symphonique et la reprise ou la création d’œuvres contemporaines.

La réouverture de l’auditorium en novembre 2014, salle unique pour les deux orchestres, donne une acuité nouvelle à ce problème de définition de leurs rôles. Durant le chantier, chacun d’eux s’est produit dans une salle distincte, la salle Pleyel pour l’Orchestre philharmonique de Radio France et le Théâtre des Champs-Elysées pour l’Orchestre national de France. Dorénavant, leur présence conjointe à la Maison de la Radio va rendre patente la trop grande proximité de leurs programmations. Les différentes missions et groupes de travail qui ont formulé des propositions sur la réouverture au public de la Maison de la Radio ne semblent pas avoir débouché sur une programmation concertée.

Tous les efforts de coordination renforcée se heurtent à des oppositions, comme en témoigne l’impossibilité, en septembre 2014, de créer une direction artistique commune aux deux ensembles, dont la seule annonce a conduit au dépôt d’un préavis de grève à l’Orchestre philharmonique de Radio France.

Avec le retour des deux orchestres à la Maison de la Radio, le statu quo n’est cependant plus possible. Plusieurs hypothèses de travail peuvent être envisagées :

la redéfinition de la spécificité des deux formations, option peu convaincante au regard des échecs passés de cette spécialisation, des formats des formations et de leur localisation commune ;

le maintien d’un seul des deux orchestres en résidence à la Maison de la Radio, idée déjà évoquée dans les années 1980, sans jamais déboucher, d’un transfert vers le Théâtre des Champs-Elysées de l’Orchestre national de France ;

le maintien d’un seul orchestre symphonique et la création d’un deuxième orchestre de plus petite taille ou d’un orchestre de chambre comprenant 30 à 50 musiciens ;

la fusion des deux orchestres et le maintien d’un seul orchestre symphonique à Radio France, à l’exemple de la grande majorité des radios européennes16.

Cette dernière option paraît la plus cohérente. La présence d’un seul orchestre symphonique dans les murs de la Maison de la Radio permettrait une utilisation optimisée de l’auditorium et d’accueillir plus facilement, comme cela est prévu, d’autres formations musicales, tels que les orchestres régionaux. Dans un premier temps, le nouvel orchestre comprendrait un nombre important de musiciens garantissant la plus large programmation grâce à des déploiements à géométrie variable qui sont déjà ceux de l’Orchestre philharmonique. Cela éviterait ainsi de recourir à des remplacements externes, qui représentent une part importante des cachets. Dans un second temps, l’effet mécanique des départs à la retraite lui permettrait de retrouver une taille normale.

Outre la question de la coordination, cette solution permettrait de résoudre progressivement le sous-emploi chronique des musiciens de Radio France. Au titre de l’article 48 de l’annexe 11 de la convention collective, les musiciens travaillent 1 110 heures par an, horaire négocié en fonction des particularités du métier. Or, en moyenne annuelle, les musiciens de l’Orchestre national de France ont travaillé 703 heures entre 2010 et 2013 et ceux de l’Orchestre philharmonique 739 heures entre 2009 et 2013. Durant cette période, seuls quatre musiciens ont travaillé plus de 950 heures par an. Quatorze musiciens ont travaillé moins de 500 heures. Cette situation n’empêche pas le recours à des remplacements externes (1,4 M€ en 2013) et le paiement d’heures supplémentaires.

Un grand orchestre à géométrie variable avec une programmation étoffée devrait résoudre ces difficultés récurrentes et coûteuses.

Bon nombre de radios publiques étrangères ont réalisé des rapprochements entre leurs orchestres. En Italie, les quatre orchestres de la RAI ont été fusionnés en 1994. En Allemagne, les orchestres de la radio de Stuttgart et Baden-Baden/Fribourg ont connu la même évolution. Au Royaume-Uni, la distinction entre le BBC Symphony Orchestra et le BBC Concert Orchestra, qui comprend une cinquantaine de musiciens, est claire. Au premier revient le grand répertoire classique et la création contemporaine ; au second un répertoire varié, plus populaire. Au Danemark, le choix a été fait de ne conserver qu’un orchestre symphonique et de dissoudre l’orchestre de chambre de la radio.

C - Une synergie insuffisante avec les antennes

Les relations des formations musicales avec France Musique sont décisives, comme le sont celles des orchestres de la BBC avec la radio britannique. Dans cette perspective, il importe d’assurer une meilleure présence des formations de Radio France dans les festivals que France Musique organise, comme celui de Montpellier ou le festival « Présences » pour la musique contemporaine qui occasionnent des coûts significatifs (1,2 M€ pour Montpellier et 0,8 M€ pour « Présences »).

À l’avenir, avec l’ouverture de l'auditorium, Radio France disposera d’une salle équipée pour faire des captations de concerts en plus grand nombre. Dans ce contexte et compte tenu des investissements consentis pour l’auditorium (plus de 40 M€), il serait logique qu’un accord spécifique soit conclu sur ce point avec l’Institut national de l’audiovisuel afin de permettre à Radio France de mieux exploiter ces concerts sur une plus longue durée. La question des droits devra également être réglée, de même que devrait être recherchée une augmentation sensible des recettes tirées des ventes de produits dérivés (CD et DVD) qui restent à ce jour très faibles : au titre de la musique classique, 42 000 € en 2012 et 24 000 € en 2013.

En tout état de cause, une nouvelle articulation doit être définie entre les formations musicales, France Musique, et l’organisation ou la participation de Radio France à des festivals. Qu’une direction commune réunisse la direction de la musique et France Musique, comme cela était le cas avant 1999, faciliterait ce travail essentiel pour le rayonnement des formations musicales de Radio France.

Conclusion et recommandations

Radio France se caractérise par une large gamme d’activités. Celles-ci, mal coordonnées et malgré leur qualité indéniable, sont devenues trop coûteuses. Les défis du numérique ont en outre été insuffisamment pris en compte.

En conséquence, la Cour formule les recommandations suivantes :

2 - statuer sur l’avenir du Mouv’ avant la signature du COM 2015-2019 (Radio France) ;

3 - définir pour France Bleu un schéma cible d’implantation, permettant une couverture renforcée du territoire à moyens constants (Radio France, ministère chargé de la culture) ;

4 - engager une réflexion sur les conséquences de la convergence des médias pour les entreprises du secteur public audiovisuel (ministère chargé de la culture) ;

5 - concentrer la direction des nouveaux médias (DNM) sur l’expertise numérique, la veille technologique et éditoriale (Radio France) ;

6 - fusionner les deux orchestres symphoniques de Radio France, établir une direction commune à France Musique et à la direction de la musique (Radio France).

Chapitre III

Une gestion peu rigoureuse

Radio France est une entreprise dont les modes de gestion ne sont pas adaptés aux normes d’efficience et de maîtrise des risques exigibles aujourd’hui de toute organisation. Cette insuffisance globale qui traduit un défaut de gouvernance (I), se décline tant sur le plan des procédures financières et de contrôle (II) que sur celui des procédures d’achat (III).

I - Une gouvernance d’entreprise insuffisamment structurée

Si le pilotage de l’entreprise incombe à son président, il appartient au conseil d’administration d’administrer l’entreprise conformément à l’article L. 225-35 du code de commerce17. Or, pour n’avoir pas été modifiées depuis le décret du 19 novembre 200118, les dispositions du statut de Radio France relatives à cette instance sont périmées sur certains points19. Par ailleurs, ce n’est qu’en décembre 2014 qu’un représentant de l’Agence des participations de l’État (APE) a été nommé au sein du conseil d’administration, bien que Radio France figure sur la liste annexée au décret du 9 septembre 200420 des entités relevant du périmètre de l’APE. Cette mise en conformité est bienvenue, car elle permettra la diffusion des bonnes pratiques de gouvernance des entreprises publiques et la préservation des intérêts de l’État actionnaire.

En matière de passation des contrats, les statuts prévoient que le conseil d’administration donne délégation au PDG de l’entreprise dans des conditions fixées par une résolution. Cette disposition n’a été mise en œuvre qu’en janvier 2013. Depuis lors, le conseil d’administration a examiné des marchés importants, comme les marchés de diffusion21. Le système en vigueur est cependant loin de garantir un contrôle effectif. Il pourrait être utile de prévoir des seuils différenciés selon les actes (marchés, transactions en matière de contrats de travail, ou avec des entreprises, notamment dans le cadre du chantier de réhabilitation), comme c’est le cas à France Télévisions. De plus, le seuil de 10 M€ paraît trop élevé. Il est identique à celui retenu pour France Télévisions, entreprise dont le chiffre d’affaires est cinq fois plus élevé. Un seuil abaissé permettrait au conseil d’administration de connaître les engagements les plus importants de l’entreprise, sans toutefois être engorgé puisqu’il s’agit d’une dizaine de marchés par an. Enfin, le PDG de l’entreprise devrait rendre compte au conseil de l’usage des délégations qui lui sont consenties.

De même, les statuts ne donnent aucun pouvoir décisionnel au conseil d’administration sur certains actes significatifs de la société : ainsi, la création des stations du réseau France Bleu n’a jusqu’à présent fait l’objet que d’une information du conseil ; de même, celui-ci est seulement consulté sur les conventions et accords collectifs de travail des personnels ou sur l'organisation générale de l’entreprise.

Les comités d’administrateurs, émanation du conseil d’administration, sont également peu développés. Il existe depuis 2004 un comité d'audit qui a constitué une enceinte active de gouvernance de l’entreprise. En revanche, il n'existe pas de comité stratégique, qui permettrait de préparer et d’éclairer les discussions du conseil en formation plénière contrairement à ce qui existe à France Télévisions. Ce n’est qu’en juin 2014 que Radio France s’est dotée d’un comité des rémunérations, afin de préparer les délibérations sur la rémunération du PDG et superviser la politique de rémunération des cadres de direction. Le contrôle de la masse salariale des entreprises publiques n’étant plus, depuis août 2014, du ressort de la commission interministérielle d'audit des salaires du secteur public (CIAASSP), se pose la question d’élargir les compétences de ce comité à la politique salariale de l’entreprise.

Malgré des améliorations récentes, le conseil d’administration n’est pas véritablement un organe délibérant, comme l’exigerait la gouvernance d’une société anonyme. Faire évoluer la gouvernance d’entreprise de Radio France suppose de lui demander de prendre des décisions sur un nombre plus limité de sujets lors de ses séances, au lieu d’être tenu informé sur un nombre important de points comme c’est le cas actuellement. Il conviendra également de tirer les enseignements du chantier de réhabilitation pour lequel le conseil d’administration n’a appréhendé que tardivement l’ampleur des dérives en cours.

II - Des procédures de gestion peu rigoureuses

Des investigations menées par la Cour, il ressort que la façon dont Radio France est gérée ne répond pas aux critères de rigueur et d’efficience d’une entreprise dont le chiffre d’affaires atteint 640 M€, a fortiori lorsque 90 % de ce montant est constitué de ressources publiques.

A - Des procédures budgétaires et financières insuffisamment cadrées

La Cour a identifié des domaines dans lesquels Radio France, malgré les actions déjà engagées, doit améliorer la qualité de sa gestion.

1 - Des procédures budgétaires multiples qui tendent à reconduire les dépenses antérieures

Plusieurs procédures budgétaires coexistent à Radio France selon la nature des dépenses : une procédure annuelle pour le budget de fonctionnement ; une procédure par grille de programmes (grille d’hiver de septembre à juin, grille d’été en juillet et en août), soit trois grilles différentes par année civile ; une procédure pour la programmation musicale ; une procédure annuelle pour les dépenses d’investissement, une pour les dépenses de personnel et une autre pour les prestations internes.

Ces différents budgets ont longtemps été élaborés selon le principe « des services votés et des mesures nouvelles », et n’étaient donc pas des outils de programmation stratégique. Depuis peu, Radio France recourt à des procédures de budget en base zéro (notamment pour les dépenses d’investissement ou les recrutements de CDD). La prévision de certaines dépenses de fonctionnement jugées sensibles, comme les frais de mission ou les abonnements, sont établies « au premier euro ». En revanche, la procédure actuelle ne permet pas de réexaminer les effectifs affectés à chaque service de l’entreprise, la direction financière ne disposant pas de diagnostic sur les besoins exprimés ou les sureffectifs constatés.

Les procédures budgétaires existantes ont donc pour objet principal d’effectuer une répartition prévisionnelle des dépenses de l’année et de contrôler leur exécution en cours d’exercice. À la différence des pratiques généralement répandues dans les entreprises et qui tendent à l’être dans la sphère publique, elles ne sont pas conçues comme l’instrument servant à définir les moyens résultant d’objectifs définis à l’avance, auxquels serait associée une recherche de la performance. L’entreprise a néanmoins indiqué avoir engagé une refonte de son logiciel de gestion, qui devrait lui permettre de réaliser le budget 2016 avec un système plus performant.

2 - Une comptabilité analytique qui n’est pas encore un outil d’aide à la décision

N’ayant toujours pas de comptabilité analytique en coûts complets, Radio France ne dispose pas du moyen de connaître le coût de revient prévisionnel des différents volets de son activité (émissions, coûts de grille, antennes, opérations extérieures22, etc.), pas plus qu’elle ne permet de les reconstituer a posteriori.

Ce constat s’étend à d’autres dépenses, comme les frais de diffusion qui représentent 12 % des charges d’exploitation en 2013 (deuxième poste en valeur derrière les charges de personnel) et qu’il est impossible d’imputer précisément aux antennes et a fortiori aux émissions. Le système comptable ne permet pas non plus de déterminer le coût complet d’une station de France Bleu.

Dans son rapport public annuel de février 2006, le chapitre que la Cour consacrait à Radio France soulignait déjà la nécessité pour l’entreprise « d’améliorer le contrôle de ses coûts et de développer un management par objectifs ». Neuf ans plus tard, ce sujet demeure d’actualité. Cette carence la prive de ce qui devrait être, pour ses dirigeants, un outil central leur permettant d’intégrer le calcul économique dans leur prise de décision. En outre, cette impossibilité de comparer les coûts conforte un modèle de production fondé sur l’internalisation de l’essentiel des tâches concourant aux activités, et prive l’entreprise de pouvoir mesurer sa performance en la confrontant aux réalités économiques de son secteur d’activité.

3 - Des procédures de paiement lourdes et à risques

Parallèlement à la direction financière et à la direction des ressources humaines (DRH), les unités opérationnelles disposent de services de gestion. Les effectifs concernés sont nombreux : 60 ETP à la direction financière, 106 à la DRH et 156 dans les antennes. Ce dédoublement se traduit par un alourdissement sensible des circuits de traitement, voire par l’existence de zones de risque que la combinaison des logiciels de gestion intégrée et les procédures de télétraitement devraient permettre d’éviter.

En outre, faute d’interfaçage avec le système d’information des achats, le système d’information comptable ne permet pas de rapprocher une facture d’un contrat ou d’un marché donné. Ainsi, en 2012, seulement 14 % des dépenses de fonctionnement avaient pu être rapprochées d’une commande. L’entreprise indique avoir engagé, en 2014, le processus de refonte des outils de paiement en vue d’intégrer l’ensemble de la chaîne de paiement.

À la DRH, le service de paie compte 27 ETP fin 2013. Leur nombre élevé est lié à la diversité des statuts gérés (convention générale, personnel des radios locales, journalistes, cachetiers), mais ce service délègue une part importante des opérations de paie : aux antennes celles des cachetiers, à un prestataire extérieur pour un coût de 1,3 M€ en 2013 la production des bulletins de paie, le calcul des cotisations sociales et la production des états nécessaires aux déclarations administratives.

B - La politique des achats : une remise en ordre tardive

Lors du dernier contrôle de la Cour, Radio France, société détenue par l’État, n’était pas soumise aux règles de la commande publique. Si le code des marchés publics ne s’applique toujours pas à elle, l’entreprise est désormais un « pouvoir adjudicateur » assujetti aux obligations de transparence et de mise en concurrence de la directive européenne CE 2004/18, transposée par l’ordonnance du 6 juin 200523 et le décret du 30 décembre 200524.

Le montant des achats à Radio France (intégrant aux achats externes les dépenses liées au chantier de réhabilitation et les frais de diffusion) s’élève à 201,5 M€ en 2012 et à 216,4 M€ en 2013. Il s’agit donc pour l’entreprise d’un enjeu central de gestion.

Tableau n° 19 : montant des achats en 2012 et 2013 (en M€)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

1 - Le constat à partir de 2009 d’une situation chaotique

Après la publication de l’ordonnance du 6 juin 2005, l’entreprise a renforcé les attributions de sa commission interne des marchés, créée en 2003. Un guide interne sur la passation des marchés a été publié en juin 2006, puis un « guide de référence des achats » en 2008. En outre, l’application des seuils des marchés fixés par la directive européenne contraint désormais l’entreprise à lancer des appels d’offres.

À partir de 2009, plusieurs rapports d’audit interne ont relevé le retard pris par l’entreprise pour s’adapter à ce nouveau contexte.

Lancé en juillet 2007, l’« audit sur la conformité des marchés au regard des principes posés par la Commission interne des marchés » n’a été rendu qu’en septembre 200925. Ce rapport a fait ressortir que de nombreux domaines26 échappaient encore aux procédures de mise en concurrence désormais en vigueur. Il y était également relevé que certaines directions27 ne soumettaient jamais de dossiers à la commission interne des marchés.

En outre, il était noté que l’organisation des achats, cloisonnée par antenne et par direction, restait insuffisamment structurée : le regroupement de commandes pour des prestations identiques n’était pas systématique, conduisant à multiplier les fournisseurs28, les accords-cadres approuvés en commission interne des marchés n’étaient pas respectés par certaines directions recourant à d’autres fournisseurs, les achats du réseau France Bleu apparaissaient faiblement coordonnés. Par ailleurs, les audits ponctuels sur diverses familles d’achat n’ont pas manqué de pointer nombre de dysfonctionnements inacceptables. 

Exemples de dysfonctionnement de la procédure d’achats

1/ « Le marché T. est passé entre les mailles du contrôle interne de Radio France et montre ses faiblesses : la relation commerciale a échappé à la contractualisation, à la mise en concurrence, à la Commission interne des marchés (CIM), à la signature du directeur général délégué et au visa du contrôle d’État. Les niveaux de signature élémentaires n’ont pas été respectés, l’archivage du dossier est incomplet. Pendant les trois années du contrat, aucun point de contrôle n’a mis à jour les irrégularités ». (Conclusions d’un rapport d’audit interne de novembre 2010 sur le contrat de prestations informatiques de la société T.)

2/ Un audit de mars 2011 sur les relations avec les prestataires du système d’information financier constate l’impossibilité de retrouver certains contrats signés des deux parties, la contradiction entre contrats et annexes, l’absence de documents contractuels précisant l’objet et le prix.

2 - La refonte encore incomplète de l’organisation des achats

Fin 2010, Radio France a décidé de remédier à cet état de fait en créant une fonction « achats ». Le rapport du consultant appelé à cet effet a confirmé le caractère préoccupant de la situation : éclatement de la fonction « achats » entre 145 personnes, pour une charge de travail globale de 30 ETP ; absence de séparation des fonctions de prescripteur et d’acheteur ; appel à de nombreux fournisseurs sans effort de regroupement. La mise en place d’une direction des achats s’est imposée. Radio France a recruté en septembre 2011 un directeur des achats et la direction des achats qui a été créée s’est étoffée progressivement (0,6 ETP en 2011, 4,4 en 2012, 15 en 2013).

En parallèle, la composition de la commission interne des marchés (CIM) a été resserrée en mars 2012 et sa présidence confiée à une personnalité extérieure. Conjuguée à la création de la direction des achats, la refonte de la commission a conduit à un accroissement très significatif de son activité : en 2009, la CIM avait examiné 52 dossiers ; en 2012, 174 et en 2013, 177.

Un nouveau règlement intérieur des achats et marchés a par ailleurs été approuvé en conseil d’administration en avril 2013. Il précise le fonctionnement de la commission interne des marchés. Il laisse au PDG de l’entreprise le soin de déterminer chaque année le niveau des seuils de passage en CIM et d’en informer le conseil d’administration. Les seuils d’examen obligatoire en CIM ont été relevés en 201329. Au regard de la sensibilité du sujet, on peut s’interroger sur l’opportunité de cette délégation de compétence par le conseil d’administration.

Par ailleurs, la rédaction de ce règlement laisse planer une ambiguïté sur le caractère obligatoire ou facultatif de la transmission des avenants à la commission interne des marchés, tandis qu’il exclut de son examen les transactions financières avec les contractants30. Ces dispositions risquent de rendre partielle l’information des membres de la CIM sur la situation de Radio France vis-à-vis de ses contractants. Compte tenu de l’évolution du chantier de réhabilitation31, une résolution du conseil d’administration a demandé en avril 2014 que « pour les marchés afférents au chantier de réhabilitation (…), la commission interne des marchés émette un avis consultatif sur tous les avenants aux marchés concernés, avant transmission au contrôleur général économique et financier ». Par ailleurs, Radio France a fait savoir à la Cour qu’elle porterait désormais « régulièrement à la connaissance de la commission interne des marchés (…) les éventuels protocoles transactionnels conclus en sus des avenants ». Une réécriture du règlement des achats sur le traitement des avenants permettrait d’y incorporer ces derniers éléments.

Malgré de fortes résistances des directions acheteuses, la direction des achats a engagé son travail de structuration et de centralisation des achats. Les premières mesures de remise en concurrence ont produit des effets significatifs : pour la téléphonie mobile (0,6 M€ en 2013), l’adhésion au marché Union des groupements d’achats publics (UGAP) a permis une économie de 48 % entre 2011 et 2013 ; pour la téléphonie fixe (1,53 M€), la même mesure a permis une économie de 16 % entre 2011 et 2013. En matière de déplacements, l’entreprise s’adresse, depuis 2013, à une agence de voyages unique.

Radio France a également renégocié, en 2013, les contrats la liant à TDF pour la diffusion FM (en 2012, 60 M€). En décembre 2013, un accord-cadre de huit ans a été conclu avec trois fournisseurs, TDF, Towercast et ITAS-TIM. Radio-France mettra en concurrence 2 382 fréquences en six vagues annuelles, escomptant pour chacune une baisse du coût de diffusion de 10 %. En outre, l’entreprise a réduit au début de 2014 le nombre d’émetteurs en ondes moyennes de 18 à 15. Il aura donc fallu attendre neuf ans à compter de l’ouverture du secteur de la diffusion à la concurrence en 2004 pour que l’entreprise cherche à en tirer parti, alors que ses charges de diffusion totales sont lourdes et n’ont que peu varié en euros courants de 2004 à 2012 (passant de 78,2 M€ à 77,1 M€).

Certains domaines continuent d’échapper pour tout ou partie à la direction des achats32. Les remises en concurrence sous sa supervision, annoncées pour les années à venir, devront y remédier. À cet égard, le caractère marginal de son intervention sur les marchés du chantier gérés par la direction de la réhabilitation33, compréhensible durant sa mise en place, n’est plus justifiable. Il importe que la direction des achats soit pleinement partie à la procédure de passation des marchés, des avenants et transactions correspondant aux phases ultérieures du chantier.

Radio France a récemment élaboré un document « Stratégies d’achat – plan à moyen terme 2014-2016 », assortissant les actions envisagées d’un calendrier précis. Elle estime toutefois que les économies à en attendre seront d’ampleur nettement moindre que celles réalisées sur 2011-201334. La Cour n’en considère pas moins qu’au-delà des effets de ces actions futures, la recherche d’économies doit être poursuivie avec détermination dans les domaines déjà couverts par la direction des achats. L’entreprise doit par ailleurs se mettre en conformité avec les règles de la commande publique.

III - Des procédures de contrôle insuffisantes

L’examen de la gestion de Radio France oblige à constater qu’en de nombreux domaines, la formalisation des règles est insuffisante et que, lorsque celles-ci existent, le contrôle de leur application n’est pas effectif.

A - Un contrôle interne à améliorer

En matière de véhicules de fonction, des circulaires se succèdent sans que les nouvelles abrogent formellement les précédentes et que leurs dispositions soient publiées sur l’intranet de l’entreprise. La vente d’un véhicule de la société à un ancien salarié a montré qu’il n’existait aucune procédure applicable à la cession d’un matériel de l’entreprise. En matière d’usage des téléphones portables, il a fallu un contrôle de l’URSSAF pour que l’usage des portables à titre privé soit encadré.

En matière de gestion des ressources humaines, les commissaires aux comptes ont souligné la nécessité de formaliser les procédures, parfois connues d’un nombre très limité de personnes. Le contrôle de l’application des règles, lorsqu’elles existent, est insuffisant. Ainsi, si pour éviter que les provisions pour congés payés n’augmentent de façon exagérée, l’entreprise rappelle régulièrement à ses salariés qu’ils doivent déclarer leurs congés, un rapport d’audit interne constatait encore en octobre 2012 que « rien ne permet d’affirmer que les congés sont saisis dans leur exhaustivité ». Pour les intermittents, plusieurs jugements ont montré que les personnes concernées ne disposaient pas de contrats écrits ou que Radio France n’était pas en mesure de les retrouver. Une remise en ordre est intervenue et une instruction en ce sens a été adressée aux antennes en octobre 2011. Enfin, dans plusieurs cas, la règle du visa préalable du contrôle général économique et financier en cas de recrutement ou d’augmentation d’un salarié n’a pas été respectée.

De même, si de nouvelles règles en matière de frais de mission ont permis d’enrayer leur hausse rapide (+ 23 % de 2009 à 2012, - 8 % en 2013), des incertitudes subsistent sur leur application et sur l’usage fait par les services des dérogations à la règle du voyage en classe économique. De même, l’interdiction de rembourser des amendes, prévue par les textes, est contredite par de nombreux exemples.

Par ailleurs, le circuit des dépenses de fonctionnement repose sur les « administrateurs » dans chaque service. Or ces administrateurs (certains sont en poste depuis plus de dix ans) ne sont pas contrôlés sur une base régulière, qu’il s’agisse de la tenue de leur comptabilité, ou du respect des procédures et règles internes.

L’imprécision générale des procédures entrave le bon exercice des contrôles inhérents à une gestion rigoureuse. Ainsi, à plusieurs reprises, l’audit interne a expliqué dans ses rapports que ses travaux avaient été ralentis par la nécessité de reconstituer des données, ce que le contrôleur économique et financier de l’État, placé auprès de Radio France, a également constaté. Radio France ne méconnaît pas cette situation et a commencé en 2014 à renforcer l’équipe chargée du contrôle interne.

B - Un audit interne aux recommandations inégalement suivies

La délégation à l’audit interne comprend moins de trois personnes – la direction générale estimant que le ratio entre le nombre d’auditeurs et le nombre de salariés n’est pas inférieur à la moyenne des entreprises. Entre 2004 et 2013, elle a réalisé 23 audits « de conseil et d’optimisation », à la demande du PDG et du président du comité d’audit.

Contrairement aux bonnes pratiques dans ce domaine, les sujets des audits ne découlent pas directement de la cartographie des risques établie en 2010-2011, dont la dernière actualisation date de février 2012 et qui n’évoque guère le chantier de réhabilitation. D’ailleurs, aucun des 23 rapports produits depuis dix ans ne porte spécifiquement sur le chantier (hormis certains rapports sur les marchés qui abordent la question).

Compte tenu de ses moyens, la délégation à l’audit interne n’a pas étudié le fonctionnement des grandes directions/antennes de Radio France. Elle n’est pas en mesure de fournir à intervalles réguliers un diagnostic sur la gestion des antennes ni sur l’adéquation des moyens alloués. Après avoir défini une méthode type d’audit des stations France Bleu et audité deux stations en 2012, elle n’a plus inscrit d’autre station de France Bleu à son programme de travail.

La mise en œuvre des recommandations des rapports d’audit interne doit être améliorée. Elle devrait donner lieu à un relevé de décisions écrit du PDG. Alors que les procédures prévoient qu’un rapport de suivi est examiné dans un délai de 12 à 18 mois par le comité d’audit, dans plusieurs cas, y compris lorsque des risques ont été identifiés pour l’entreprise et ses dirigeants, aucune mesure correctrice n’a été arrêtée.

La relative aisance financière dans laquelle Radio France a vécu ne l’a pas incitée à adopter, pour sa gestion, un cadre procédural précis et des pratiques rigoureuses. Critiquable en soi et au regard des défaillances auxquelles il conduit, cet état de fait n’est plus acceptable à l’heure où la gestion publique appelle une grande rigueur. Si la direction de Radio France semble avoir compris la nécessité d’y remédier, encore faut-il en traduire l’intention par des actes concrets et de portée durable.

Conclusion et recommandations

Une évolution de la gouvernance de Radio France est souhaitable, notamment par le renforcement du rôle du conseil d’administration. Ceci passe en particulier par une modification des statuts de la société, une réécriture du règlement intérieur du conseil d’administration, une révision des modalités de délégations au PDG par le conseil.

En matière de gestion, les défis de l’entreprise sont multiples. Le développement du contrôle interne et une meilleure connaissance des coûts sont indispensables pour garantir une bonne utilisation des ressources de l’entreprise, quasi-exclusivement publiques. La remise en ordre des achats doit se poursuivre, dans le but d’assurer la conformité aux règles de la commande publique et de dégager des économies.

En conséquence, la Cour formule les recommandations suivantes :

7 - prendre les dispositions nécessaires au renforcement du rôle du conseil d’administration dans la gouvernance de Radio France (ministère chargé de la culture, ministère chargé de l’économie, Radio France) ;

8 - mettre en place un système de comptabilité analytique plus fin pour en faire un outil d’aide à la décision (Radio France) ;

9 - en matière d’achats, poursuivre la remise en concurrence des contrats existants (Radio France).

Chapitre IV

Un modèle social, source de rigidité

Ayant toujours produit en interne l’intégralité de ses programmes, Radio France dispose d’un effectif nombreux (4 909 ETP en 2013 – CDI et CDD confondus) (I), ses charges de personnel représentant donc une part importante de ses charges d’exploitation (de l’ordre de 57 % du total). Son modèle social est marqué par une modernisation inachevée des accords collectifs (II), un régime favorable des conditions de travail (III), une gestion individuelle complexe (IV) et des relations sociales très développées (V). Sous ces différents aspects, la gestion des ressources humaines repose sur un principe de stratification et se trouve de ce fait marquée par de grandes rigidités, que tend à accentuer la crainte permanente du conflit social.

I - Des effectifs importants

Après avoir augmenté significativement (+ 33 %) entre 1995 et 2003, du fait des mesures d’intégration de personnels intermittents, les effectifs35 ont connu une croissance plus modérée du 31 décembre 2003 au 31 décembre 2013 (+ 5,6 %). Pour autant, de 2000 à 201136, alors que les effectifs de la fonction publique (État et établissements publics administratifs) ont diminué de 9,3 %, ceux de Radio France augmentaient de 14,3 %.

Tableau n° 20 : effectif total au 31 décembre (ETP)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Près de la moitié de l’augmentation de l’effectif sur les années 2004 à 2013 a concerné les journalistes, dont l’effectif passe de 765 à 885 ETP du 31 décembre 2003 au 31 décembre 2013.

Si Radio France respecte le plafond d’emplois qui lui est fixé dans le COM, le principe affiché de « stabilité des effectifs » a jusqu’à présent constitué, à l’égard du personnel, une garantie implicite qu’aucun plan de réduction de l’effectifs ne serait mis en œuvre.

Le personnel permanent de Radio France est très stable : en 2013, l’ancienneté moyenne y est de 18,4 ans. La part des employés ayant plus de 50 ans est de 37 % et la proportion de ceux qui ont plus de 25 ans d’ancienneté est passée de 18 % à 30 % entre 2003 et 2013. Compte tenu de la faiblesse des mouvements naturels de personnel, le recrutement de nouvelles qualifications à l’extérieur est limité.

A - L’intermittence

Les « intermittents » ou contrats à durée déterminée d’usage constant (CDDU) et les journalistes pigistes ne sont pas gérés dans le cadre du plafond d’emplois du COM, contrairement au dispositif appliqué à France Télévisions. En 2013, 5 629 personnes ont signé un ou plusieurs contrats de cachets ou piges avec Radio France, équivalant à plus de 700 ETP, ces contrats représentant 11,8 % des charges de personnel.

Après avoir baissé entre 2004 et 2009, le recours à l’intermittence est remonté depuis, comme en témoigne l’évolution des trois agrégats qui permettent d’en évaluer l’importance : de 2009 à 2013, les cachets et piges (hors cotisations sociales) ont augmenté de 8,4 % en montant, le nombre de services37 de 8,7 % et le nombre de jours de travail de 10,1 %. Ces taux sont à comparer à la hausse plus modérée (+ 1,4 %) des effectifs permanents mensuels moyens (CDD et CDI) sur la même période.

Les motifs de recours aux intermittents « cachetiers » sont encadrés par l’accord collectif national du 29 novembre 2007 qui fixe dans ses annexes la liste des métiers techniques et artistiques susceptibles de donner lieu à CDDU. Par ailleurs, les « pigistes » relèvent de la convention nationale des journalistes.

Les métiers exercés par les intermittents sont divers : activités musicales (15 % du coût total en 2012) ; artistes dramatiques des fictions (4 % des coûts) ; fonctions spécialisées : réalisateurs de fictions, musiciens copistes, lecteurs de texte, artistes bruiteurs (2,5 % des coûts) ; « conseillers de programme » et « producteurs coordonnateurs délégués » assurant des fonctions de conception de la grille (4 % du coût) ; personnels « à l’antenne » : producteurs délégués, chroniqueurs journalistes français et étrangers, présentateurs, animateurs (57 % des services). Enfin, la catégorie des « collaborateurs spécialisés d’émission » (1 211 personnes, 19 % du coût) recouvre des situations assez différentes dont les partenaires sociaux dénoncent le caractère « fourre-tout ».

Radio France considère que l’intermittence constitue une « dépense externe » liée aux choix éditoriaux des antennes qui disposent à ce titre d’une marge de manœuvre en termes de recrutement et de fixation de la rémunération. Compte tenu de la contrainte du plafond d’emplois pour les CDD et les CDI, le recours aux intermittents peut conduire à des effets de substitution sur le même poste. Ainsi, pour les fonctions de coordination exercées par les « conseillers de programme » ou les « producteurs coordonnateurs délégués », les personnes employées sont parfois en fonction depuis plus de dix ans.

Depuis 2008, la jurisprudence de la Cour de cassation exige que le recours à des CDDU successifs soit justifié par l’existence d’éléments précis et concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi. Ayant été condamné à plusieurs reprises, Radio France tente de se prémunir contre une requalification en CDI par les tribunaux qui est susceptible de se produire dans la plupart des situations, en négociant des indemnités transactionnelles de fin de contrat. Le coût global des fins de contrat représente pour Radio France une charge significative (1,62 M€ en 2013). Sur 282 dossiers examinés entre 2004 et 2012, 40 ont donné lieu à une indemnisation supérieure à 100 000 €.

Le caractère encore opaque du recours à l’intermittence appelle des audits d’organisation des différentes composantes de Radio France (antennes, formations musicales, directions techniques), ce qui n’a pas été fait au cours des dix dernières années. Cela permettrait d’identifier les postes qui relèvent de missions permanentes de l’entreprise et n’ont pas vocation à être occupés par des intermittents. À court terme, un encadrement du volume de l’intermittence devrait être mis en place dans le COM pour empêcher des phénomènes de contournement du plafond d’emplois.

Par ailleurs, Radio France recourt à l’intermittence pour verser des cachets – en réalité des compléments de rémunération – à certains de ses salariés employés sur CDI. Hors musiciens et choristes, 131 salariés sont concernés en 2013. En outre, une part des cachets payés aux intermittents musiciens vient rémunérer des activités musicales effectuées pour l’entreprise par des salariés en CDI. Une instruction interne de 2004 encadre cette pratique en limitant les cachets à un maximum de 10 % de la rémunération (pour les salariés à temps plein) et en interdisant l’exercice de ces activités durant les heures de travail et les congés payés. Cette pratique est d’autant plus condamnable qu’elle ne donne lieu à aucun contrôle et que ces rémunérations donnent droit aux congés payés versés par la caisse des congés spectacle, ce qui pose un problème d’équité.

B - L’évolution de la masse salariale

Hors rémunérations des intermittents (cachets et piges), la masse salariale a augmenté de 29,6 % entre 2004 et 2013 pour un effectif total en hausse de 3,8 %, calculé du 31 décembre 2004 au 31 décembre 201338. La part des charges de personnel dans les charges d’exploitation, qui s’était beaucoup accrue entre 1995 et 2002, passant de 49,5 % à 55,3 %, atteint 57,2 % en 2013.

En tant qu’entreprise publique, Radio France est soumise au cadrage salarial fixé chaque année par ses tutelles, qui détermine l’évolution de la rémunération moyenne des personnels en place (RMPP)39. Avec une augmentation de 28,6 % de 2004 à 2012 (11,8 % en euros constants), Radio France a connu une évolution de sa RMPP assez proche de celle de l’ensemble du secteur audiovisuel (+ 27,5 %). Entre 2004 et 2013, Radio France a dépassé son cadrage de 3,5 % (+ 31 % de RMPP pour + 27,5 % en cadrage). Modéré en valeur relative, ce glissement représente des montants significatifs : en 2013, le surcoût est de 8,2 M€ sur les rémunérations brutes (hors cachets et piges) et de 11,8 M€ avec les cotisations sociales.

La croissance continue des ressources de l’entreprise a permis de soutenir de telles évolutions. L’augmentation du poids des charges salariales qui en est résultée représente désormais pour l’équilibre financier de l’entreprise une contrainte très forte, qu’il importe de desserrer dans les années à venir. Dans ce contexte, la Cour estime nécessaire d’introduire dans le futur COM un objectif contraignant d’évolution de la masse salariale, assorti d’un objectif d’évolution à la baisse, sur les cinq années à venir, de la proportion des charges salariales dans les charges d’exploitation de Radio France.

II - La modernisation inachevée des accords collectifs

Jusqu’à 2009, deux conventions ont couvert l’ensemble des entreprises de l’audiovisuel public, réunies dans l’association des employeurs du service public audiovisuel (AESPA) : la convention collective de la communication et de la production audiovisuelles (CCCPA), signée en mars 1984, et l’avenant audiovisuel à la convention nationale du travail des journalistes (CCNTJ) de juillet 1983. Sur cette base, Radio France a négocié des accords d’entreprise ne pouvant qu’instaurer des stipulations plus favorables, conformément au principe de hiérarchie des normes conventionnelles.

Dans les 25 années qui ont suivi, les évolutions de l’audiovisuel public40 ont conduit à réduire le champ d’application de ces accords collectifs qui ont été mis en cause avec la création de France Télévisions par la loi du 5 mars 200941. Des discussions ont alors été engagées à Radio France pour la négociation de nouveaux accords, ponctuées par des procédures judiciaires ayant conduit la Cour d’appel de Paris à fixer, en juin 2010, les délais de prorogation des deux conventions collectives : pour la CCCPA, jusqu’au 12 octobre 2012, et pour l’avenant CCNTJ jusqu’au 8 février 2011.

Ce calendrier a amené Radio France à se concentrer sur la négociation de l’accord d’entreprise relatif aux journalistes. Le 18 mars 2011, un accord a été signé avec deux syndicats, auquel trois autres syndicats représentant plus de 50 % des voix se sont opposés. En avril 2011, Radio France lui a donc substitué des mesures unilatérales relatives aux journalistes qui reviennent à codifier des pratiques résultant de l’avenant audiovisuel, des accords d’entreprise et de pratiques non écrites (notamment, dans le domaine indemnitaire). À la différence de l’accord signé par les partenaires sociaux, ces mesures unilatérales ne modifient pas les stipulations de l’accord d’entreprise de 2006 sur la rémunération des journalistes. Elles mettent fin, en revanche, au paritarisme en matière de promotions. La négociation de l’accord d’entreprise concernant les journalistes est donc aujourd’hui un processus incomplet et inachevé.

Les négociations concernant les personnels techniques et administratifs (PTA) connaissent un déroulement heurté : après un premier cycle ouvert en juin 2011, elles ont été suspendues en octobre 2012 pour organiser les élections professionnelles de juin 2013. Les négociations ultérieures ont été à nouveau interrompues en octobre 2013 du fait de l’annulation des élections professionnelles et n’ont repris qu’en avril 2014. Prévue pour décembre 2014, la fin des négociations a été repoussée à juin 2015 mais un premier « relevé de négociations », portant sur la définition des emplois et la rémunération, a été paraphé par deux organisations syndicales le 5 décembre 2014. À ce jour, contrairement à l’INA ou à France Télévisions, aucun accord n’a pu être conclu. Cinq ans après la fin de la CCCPA, Radio France applique toujours ce texte.

Outre les PTA stricto sensu, ces négociations couvrent également les musiciens, les intermittents (CDDU), les personnels relevant du protocole V annexé à la CCPA ainsi qu’une partie des cadres de direction, ayant vocation à être réintégrés dans l’accord d’entreprise. En revanche, les personnels d’antenne des radios locales (PARL) sont hors champ.

La direction a affiché certains objectifs de négociation : la fin du paritarisme en matière de promotions et de discipline, la remise en cause des automatismes de grille, la simplification du régime indemnitaire. En matière de classification, une nouvelle nomenclature des emplois doit être définie, aboutissant à identifier 156 métiers, répartis en neuf groupes (deux groupes d’employés, trois groupes d’agents de maîtrise et techniciens, et quatre groupes de cadres).

Sur le long terme, cet accord doit favoriser la polyvalence des salariés à travers une définition suffisamment large de chaque emploi. Cet aspect est essentiel pour la réorganisation des modes de production de l’entreprise. L’expérience de la CCCPA a montré en effet que des définitions trop précises freinaient, voire empêchaient l’adaptation des métiers aux évolutions technologiques. Si les résultats intermédiaires de décembre 2014 permettent une actualisation de la définition des métiers, l’inclusion du numérique42 reste à faire.

Les conditions de suivi de ces discussions par l’État gagneraient à être améliorées, compte tenu des enjeux financiers de l’accord : outre la hausse immédiate de la masse salariale qui peut en résulter l’année de sa signature, il est nécessaire de pouvoir apprécier l’effet financier sur le long terme du « repositionnement » des salariés dans le nouveau système de classification. Il importe que les tutelles disposent de telles données, préalablement à la conclusion d’un accord.

III - Un régime de conditions de travail très favorable

Résultant de la dynamique de négociation collective qui a longtemps prévalu à Radio France, les conditions de travail (congés payés, travail de nuit et du dimanche, heures supplémentaires) bénéficient d’un régime favorable en amélioration continue sur longue période. Aujourd’hui coexistent des dispositions issues de la CCCPA de 1983 et, plus récemment, de l’accord de réduction du temps de travail (RTT) de 2000 dont le réexamen n’a pas été intégré dans les négociations du nouvel accord collectif, contrairement à ce qui s’est passé dans d’autres entreprises de l’audiovisuel public.

En sus des 25 jours de congés résultant des dispositions du code du travail, la CCCPA prévoit des jours supplémentaires en cas de fractionnement des congés, en fonction de l’ancienneté ou en application de la règle des jours de congés dits « flottants »43. Au total, le nombre de jours de congés est élevé (voir récapitulatif en annexe n° 16). Ainsi, un salarié PTA de Radio France, travaillant 35 heures par semaine (sans RTT) et ayant plus de 25 ans d’ancienneté, bénéficie de 12 journées de travail en moins sur un an par rapport à la durée légale du travail (1 607 heures/an).

Par ailleurs, l’accord RTT conclu en 2000 accorde jusqu’à 22,5 jours par an de compensation pour les 900 salariés non cadres en horaires constants, les cadres bénéficiant quant à eux de 16 jours de RTT.

La référence à la convention nationale des journalistes, plus favorable que le code du travail, à laquelle s’ajoutent des règles encore plus favorables des entreprises de l’audiovisuel public et celles spécifiques à Radio France, aboutit à accorder aux journalistes, outre les 25 jours légaux de congés annuels, 5 jours de congés annuels supplémentaires à ceux qui ont plus de 8 ans d’ancienneté, 5 jours ouvrés de repos dus au passage de 40 h à 39 h (sur lesquels vient en déduction le jour de solidarité), 4 jours ouvrés dits de modernisation (article VII.5), 15 jours ouvrés de congés divers pour récupération des jours fériés auxquels s’ajoutent 16 jours ouvrés de RTT si leur travail est planifié en « 5/2 » (5 jours de travail, 2 jours de congés). Chacun des 634 journalistes ayant plus de 8 ans d’ancienneté dispose donc de 68 jours ouvrés de congés et de RTT, soit près de 14 semaines.

Initialement fixées par la convention collective, les règles en matière d’heures supplémentaires ont été modifiées par l'accord RTT de 2000. Les huit premières heures supplémentaires sont récupérées ou payées à 125 %, les suivantes l’étant à 150 %. En 2013, 30 % des salariés ont reçu au moins une heure supplémentaire, en nette baisse par rapport à 2003 (48,2 %). Le nombre total d’heures supplémentaires (pour un coût de 1,4 M€ en 2013) a diminué de 20 % entre 2003 et 2013. Un mode de calcul des heures supplémentaires moins onéreux pour l’entreprise, la modulation des horaires autorisée par l’accord RTT et l’augmentation du nombre de salariés promus cadres, n’ayant donc plus droit aux heures supplémentaires, sont les principales causes de cette baisse.

Pour certaines catégories, les heures supplémentaires constituent cependant un élément permanent de rémunération : 71 % des 582 techniciens du son en ont perçu en 2013, proportion inchangée depuis 2002. Dans certains cas, des cadres en bénéficient aussi : les 1 125 cadres qui perçoivent la « prime de sujétions »44 devraient théoriquement être exclus du paiement d’heures supplémentaires ; certains en perçoivent cependant, la situation étant variable selon les directions de l’entreprise. Enfin, 68 techniciens perçoivent une « indemnité forfaitaire pour dépassement et sujétions horaires », dont le montant total s’élève en 2013 à 438 000 €, qui s’ajoute ainsi au coût annuel des heures supplémentaires stricto sensu.

Pour ce qui est du travail de nuit (voir annexe n° 16), la majoration de 20 % du salaire horaire prévue par la CCCPA a été portée à 40 % pour les journalistes et les personnels techniques et administratifs par l’accord RTT de 2000. Pour les journalistes, il existe également une « prime de petit matin », en plus des heures de nuit. Les mesures unilatérales de 2011 prévoient qu’un journaliste qui quitte les émissions de nuit ou de petit matin, après au moins trois ans, bénéficie d’un maintien partiel du montant de cette prime.

Radio France affiche son intention de limiter au maximum les émissions de nuit en réalisant, si possible, des pré-enregistrements. Pour autant, le nombre de travailleurs de nuit (cf. annexe n° 16) a fortement crû sur les dix dernières années, 2013 semblant cependant marquer un début d’inflexion. Le choix de renforcer la préparation des « matinales » et la multiplication des stations de France Bleu semblent expliquer la forte hausse du nombre de journalistes de nuit. Quant aux techniciens du son, l’augmentation sur la période traduit les difficultés de l’entreprise à modifier son organisation du travail.

Quant au travail le dimanche, la convention collective prévoyait qu’il donne droit, pour les personnels techniques et administratifs, à un paiement des heures au taux majoré de 20 %, ou bien à une récupération égale au tiers des heures travaillées. À Radio France, le taux majoré appliqué est de 30 %, le taux de récupération de 50 %. Les personnels d’antenne des radios locales, jusqu’alors exclus de ce régime, ont obtenu, aux termes de l’accord d’entreprise du 21 mai 2010, la possibilité de bénéficier de la majoration de 30 % à partir du 1er juillet 2012. Le travail dominical d’un journaliste ne donne pas lieu, en revanche, à majoration.

Pour les personnels techniques et administratifs, la CCCPA prévoyait que le travail des jours fériés donne lieu au paiement d’une majoration de 100 %, complétée, le cas échéant, par le paiement d’heures supplémentaires (au taux maximum de 150 %) et d’une récupération égale au nombre d’heures travaillées et au minimum d’une demi-journée. À Radio France, en application de l’accord RTT de 2000, le paiement majoré est de 200 % et la récupération de 200 % des heures travaillées. Pour les journalistes, le travail des jours fériés ne donne pas droit à compensation financière, mais à 15 jours ouvrés de « congés divers » selon les règles de la convention nationale.

IV - La gestion individuelle très complexe des salariés

La gestion individuelle des salariés repose d’abord sur les règles prévues par les conventions collectives en matière de rémunération de l’ancienneté et d’automatismes de progression. Les négociations relatives aux personnels techniques et administratifs (PTA) devraient faire évoluer ce modèle. En revanche, les règles relatives aux journalistes et régies par l’accord d’entreprise de 2006 n’ont pas fait l’objet de renégociations.

Des primes d’ancienneté (qui représentaient en 2013 5,3 % de la masse salariale de Radio France, soit 11,7 M€) sont prévues : pour les journalistes, de 5 à 25 % du salaire ; pour les PTA, à raison de 0,8 % du salaire par an pendant les 20 premières années, 0,5 % ensuite, plafonnées à 21 % du salaire de référence. Le relevé de négociations de décembre 2014 prévoit une légère amélioration de cette prime, qui passerait à 1 % jusqu’à 20 ans d’ancienneté, puis 0,50 %, plafonnée à 28 % du salaire de référence.

Par ailleurs, les salariés bénéficient de mécanismes automatiques de progression de carrière. En 2013, 73 % des PTA et 52 % des journalistes bénéficiaient d’un échelon auquel était associé un avancement garanti. Ces automatismes devraient être fortement limités dans le prochain accord : le relevé de négociations de décembre 2015 prévoit trois étapes de progression automatique : au bout de 4 ans, 15 ans et 30 ans d’ancienneté, le salarié change automatiquement de « niveau de qualification » s’il n’a reçu entretemps aucune promotion.

En cas de promotion, des augmentations minimales de salaire sont garanties : pour les journalistes, un changement de niveau indiciaire entraîne une augmentation a minima de 5 % du salaire de référence, et un changement de groupe de qualification un minimum de 7,5 % – cette dernière modalité étant identique pour les PTA au titre de la convention collective. Le nouveau système devrait conserver ces augmentations minimales45, l’entreprise faisant valoir que celles-ci ne joueront que lors de promotions au choix (les progressions automatiques étant exceptionnelles dans le déroulement d’une carrière).

Sur longue période, le taux de promotions individuelles a beaucoup augmenté : en 1996, 9 % des salariés étaient promus ; en 2003, 14 % ; et en 2012, 21,9 %. Chaque année depuis 2010, plus de 1 000 agents (1 120 en 2013) bénéficient d’une promotion46. L’effet de ces mesures représente chaque année un peu moins de 1 % de la masse salariale et, en moyenne, la moitié de l’augmentation de la rémunération moyenne des personnels en place en 2011, 2012 et 2013. Malgré le poids des automatismes de grille, une part significative des mesures salariales relève de mesures discrétionnaires – l’entreprise indiquant avoir privilégié les avancements au choix dans un contexte contraint. Cette évolution devrait néanmoins s’accompagner d’une meilleure évaluation des performances de chaque salarié : en 2013, seuls 1 781 salariés ont bénéficié d’un entretien d’évaluation. Si ce chiffre a doublé depuis 2011, la généralisation de cette pratique est encore lointaine.

L’examen des promotions individuelles dans des commissions paritaires, composées de représentants de l’employeur et des salariés, est au cœur du modèle social de Radio France. Le fonctionnement de ces commissions est régi par la CCCPA, complétée par un règlement-cadre qui, à l’instar des autres entreprises de l’audiovisuel public, y a renforcé le poids des organisations syndicales.

L’accord de 201147 a mis fin au paritarisme pour les journalistes, tout en maintenant une part de discussion avec les organisations syndicales en matière de suivi des carrières. Ce point a été repris dans les mesures unilatérales. Le paritarisme est l’un des sujets de discussion du nouvel accord collectif pour les personnels techniques et administratifs. Les stipulations qui figurent dans le relevé de décisions de décembre 2014 prévoient pour les PTA un système analogue à celui des journalistes.

Les promotions individuelles ne sont pas uniquement arrêtées dans le cadre des commissions paritaires. Ainsi, en 2013, 37 % des promotions de PTA sont intervenues hors de ce cadre, dont 70 % environ l’ont été au choix de la direction. Cette pratique traduit l’existence de deux « tours » de promotion : l’un en relation avec les organisations syndicales, l’autre au choix de la direction de l’entreprise.

Les régimes de primes sont, quant à eux, très nombreux : 29 ont été identifiés, certains concernant la totalité du personnel, d’autres des catégories plus restreintes48. S’y ajoutent des indemnités de fonction qui relèvent de dix régimes différents. Pour les journalistes, il est prévu une indemnité d’encadrement que ceux-ci conservent pour tout ou partie sous forme de « prime de fin d’encadrement » lorsqu’ils quittent une fonction d’encadrement qu’ils ont exercée pendant plus de cinq ans. L’ensemble des primes49 s’élève en 2013 à 16,7 M€, soit 6,3 % de la masse salariale. Au regard de ces situations, sédimentées au fil du temps, Radio France attend du nouvel accord collectif une simplification du régime indemnitaire, par fusion d’un maximum de primes dans une prime unique dite « prime d’avantages individuels acquis ».

V - Des relations sociales très développées

Sur la période contrôlée, Radio France se caractérise par un mode de relations sociales dense, difficile, voire conflictuel. Le dispositif d’action sociale est par ailleurs coûteux.

A - Un dialogue social intense

Une composante essentielle du fonctionnement de l’entreprise est l’omniprésence du dialogue social qui y occupe un temps d’activité significatif.

Dans l’entreprise, existent huit comités d’établissement (un à Paris et sept en région) et un comité central d’entreprise où siégeaient, à la suite des élections professionnelles de 2013 et 2014, six syndicats représentatifs. Fin 2013, existaient par conséquent 566 postes d’élus professionnels et de délégués syndicaux (titulaires et suppléants). Certains agents exerçant plusieurs fonctions, ce sont au total 388 personnes, soit environ 8 % des effectifs de la société, qui bénéficient du régime des salariés protégés. Les crédits d’heures dont ceux-ci disposent représentent l’équivalent annuel de 134 ETP. Ils sont supérieurs à ceux qui découlent du code du travail, du fait des règles particulières des accords d’entreprise et des conventions collectives.

Par ailleurs, Radio France met à disposition des organisations syndicales 8,5 agents en tant que permanents syndicaux et 6 personnels de secrétariat, pour un coût évalué en 2012 à 981 000 € en 2012. Elle met également 4 salariés à disposition du comité central d’entreprise (CCE), du comité d’établissement d’Île-de-France (CEPIDF) et du comité interentreprises de l’ORTF (CIORTF). Enfin, conformément au code du travail, le comité d’entreprise fait appel à un cabinet d’expertise comptable pour auditer les comptes annuels et l’assister dans le cadre du droit d’alerte (montants facturés : 64 426 € en 2011, 163 948 € en 2012, 55 204 € en 2013).

Le nombre de réunions consacrées au dialogue social est très important. Il y en a eu ainsi 622 en 2013 : 465 réunions entre l’employeur et les délégués du personnel ; 95 pour les 12 comités d’établissement ; 6 réunions du comité central d’entreprise (CCE) ; 56 réunions du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Trois facteurs se combinent pour justifier cette intensité du dialogue social : le contexte de la réhabilitation nécessitant d’organiser des CHSCT de manière régulière ; la difficile négociation d’un nouvel accord collectif ; et la division du paysage syndical, rendant très incertaine la possibilité de conclure des accords.

B - L’importance des conflits sociaux

Même si elles ont tendance à être moins nombreuses, les grèves et la perturbation de la diffusion des programmes constituent une préoccupation permanente de la direction de Radio France, notamment en raison de leur impact sur les chiffres d’audience et sur l’image extérieure de l’entreprise. Lors de son précédent contrôle, la Cour avait noté qu’il était impossible d’obtenir un bilan précis des journées de grève. Un décompte en est maintenant réalisé, sur la base des retenues sur salaires effectuées.

Tableau n° 21 : décompte des jours de grève

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Au cours de la période 2004-2013, les grèves qu’a connues Radio France ont été de nature diverse selon les années, mêlant des conflits internes à l’entreprise50, d’autres concernant l’ensemble du service public audiovisuel et des mouvements nationaux. L’estimation de l’impact réel d’un mouvement social sur la marche de l’entreprise est difficile, d’autant que, pendant longtemps, le principe dit « des équipes complètes »51 en a compliqué la mesure.

L’article 9 du cahier des charges prévoit qu’« en cas de cessation concertée du travail, la société assure la continuité du service dans les conditions fixées par la législation et la réglementation en vigueur ». Depuis 2008, Radio France s’emploie à réduire l’impact des grèves sur la diffusion des antennes en se donnant « la possibilité d’adapter le contenu habituel de l’antenne pour fournir aux auditeurs un programme dégradé mais cohérent »52. Cette solution continue pourtant de buter sur le fait que certaines émissions nécessitent un certain nombre de présents. La comptabilisation de ces « heures d’antenne dégradée », n’est pas effectuée par Radio France. Elle a pu être en partie reconstituée pour les antennes nationales. L’entreprise a prévu dorénavant de l’effectuer chaque année.

Tableau n° 22 : nombre d’heures d’antenne dégradée (antennes nationales)*

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Sur la période 2005-2013, la moyenne des temps d’antenne perturbée sur France Inter a représenté plus de 4,5 jours par an, contre 2,2 à France Culture et 3,3 à France Musique.

La place des personnels techniques dans les conflits sociaux doit être soulignée. En 2006, deux conflits à France Info concernant des techniciens et impliquant 7 et 11 grévistes ont perturbé l’antenne une journée entière. En 2009, un conflit salarial de trois jours au bureau des renforts de la DGATTN a provoqué 10 heures d’antenne dégradée à France Culture, 17 à France Musique et deux jours et demi à France Inter. Des grèves de techniciens à France Inter ont eu lieu en 2005, 2006, 2007 et 2013. En janvier 2013, le réaménagement du planning des techniciens affectés à France Inter visant à une réduction de quatre postes a été à l’origine d’un conflit ayant occasionné cinq jours de perturbations.

La menace de grève ou les grèves effectives sont une donnée centrale de la négociation collective à Radio France. Des relevés de décision conclus avec les partenaires sociaux font suite à des préavis de grève formels qu’ils permettent de lever ou à des arrêts effectifs du travail (cf. liste en annexe n° 17). Les années 2005 et 2006 ont été marquées par des fins de grève débouchant sur de larges accords53. Depuis 2007, les changements d’organisation du travail sont source de nombreux conflits.

Si la pratique des relevés de conclusion en réponse à des préavis de grève a tendance à diminuer, certaines occasions peuvent être propices à sa réactivation. Ainsi, deux préavis de grève ont été déposés pour le 17 décembre 2013, jour de la soirée des 50 ans de la Maison de la Radio (en présence du Président de la République) concernant les conditions de travail du chœur au studio 104 et les heures majorées des cadres de spécialité. L’entreprise a conclu deux relevés de décision : l’un prévoyant une modification de l’agencement du studio 104 et l’autre une modification du mode de paiement des heures supplémentaires.

L’issue de ces conflits est généralement l’octroi de mesures catégorielles (primes spéciales, avancements garantis). Les accords de fin de grève ou de levée de préavis de grève s’ajoutent aux dispositions des autres accords collectifs : ainsi, s’agissant des techniciens, 10 accords ont été passés entre 2004 et 2011 sur l’organisation des départements de la direction technique et la revalorisation de certaines catégories.

Malgré une baisse du nombre annuel de jours de grève, la grève d’une semaine à France Inter en janvier 2013 a montré que le climat social de l’entreprise restait conflictuel. Si elle constitue, pour la direction de Radio France, une contrainte face à la perspective d’engager des réformes, cette circonstance ne saurait pour autant servir de prétexte à les différer ou à s’en tenir à des ajustements de portée secondaire.

C - Le dispositif d’action sociale

En matière d’action sociale, Radio France continue d’appliquer les dispositions de l’accord dit « Schoeller » sur le financement des œuvres sociales, conclu en 1984 entre l’Association des employeurs du service public audiovisuel (AESPA) et les organisations syndicales, accord devenu caduc avec la disparition de cette association.

Tableau n° 23 : versements aux comités d’entreprise de Radio France

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

La part de la masse salariale allouée aux comités d’entreprise de Radio France est significative54 : 2,14 % de la masse salariale hors restauration, 3,2 % avec la restauration. En se référant aux travaux de la Cour, ce chiffre est comparable à celui observé à la RATP (3,11 %)55.

Conclusion et recommandations

Compte tenu de la part qu’elle occupe dans le total des charges de l’entreprise, la masse salariale ne pourra regagner des marges de manœuvre financières que si les charges de personnnel sont mieux encadrées et, sur ce point, le prochain COM doit être plus contraignant.

La refondation du modèle social, aujourd’hui marqué par sa très grande rigidité, constitue un changement structurel de première ampleur. La conclusion d’un nouvel accord d’entreprise pour les personnels techniques et administratifs n’en constituera qu’une première étape, trop longtemps différée. Cette évolution est d’autant plus nécessaire que les mutations technologiques appellent une mutation des modes de production et d’organisation.

Il est regrettable que les dirigeants de l’entreprise n’aient pas réussi, durant les dix dernières années, à partager avec les salariés une vision collective de ces enjeux, pourtant cruciaux pour l’avenir de Radio France.

En conséquence, la Cour formule les recommandations suivantes :

10. dans le COM, mettre en place des indicateurs « cibles », donc contraignants, pour la masse salariale et le recours aux cachetiers et pigistes et fixer une cible en baisse pour la part des charges salariales dans le total des charges d’exploitation (ministère chargé de la culture, ministère chargé du budget) ;

11. prendre en compte, dans les accords d’entreprise et dans la grille des emplois, une définition des métiers qui comporte les nouvelles compétences et qualifications liées à l’évolution des technologies numériques (Radio France).

Chapitre V

Le chantier de réhabilitation, miroir des défaillances de l’entreprise

Opération de réhabilitation hors norme, le chantier de la Maison de la Radio, mal maîtrisé, apparaît pour l’entreprise comme une occasion manquée de se réinventer. La préparation de cette opération n’a pas été à la mesure de son ampleur (I). Ce défaut de conception initiale est la cause de retards et de dysfonctionnements dans la conduite du chantier (II). La conduite de l’opération se caractérise par un contrôle et des procédures insuffisantes (III) et une réelle dérive financière (IV).

I - La préparation du chantier (2004-2008)

À la suite d’un avis défavorable de la commission de sécurité, en mars 2003, constatant notamment une insuffisante résistance au feu des structures de la Maison de la Radio, Radio France s’est trouvée contrainte de procéder à la mise en sécurité de l’ensemble du bâtiment (soit 110 000 m² de surfaces hors œuvre net et 73 000 m² de surfaces utiles).

Un premier schéma directeur de mise en sécurité a été établi en janvier 2004 et, en mai 2004. Les ministères du budget et de la culture et de la communication ont demandé à l’inspection générale des finances (IGF) d’étudier les conditions économiques du règlement adéquat de ce problème de sécurité en évaluant trois options : le maintien de Radio France sur place, le déménagement dans un bâtiment neuf et le déménagement dans un bâtiment existant. L’étude de l’IGF a alors fait ressortir que la troisième option semblait être la plus économique (130 M€), suivi de la deuxième (137 M€), puis de la première (262 M€).

Pour autant, la difficulté de trouver de nouveaux locaux de taille comparable sur un site facilement accessible, la réticence des personnels à quitter la Maison de la Radio et la dimension emblématique du bâtiment ont conduit à faire prévaloir l’option de la réhabilitation du site occupé. Le 29 septembre 2004, le conseil d’administration de Radio France s’est prononcé sur le principe d’une mise en sécurité du bâtiment et l’appel à candidature pour désigner un maître d’œuvre a été lancé dans la foulée.

A - L’absence d’une véritable programmation

Intervenant en octobre 2004, soit avant qu’ait été promulguée l’ordonnance du 6 juin 2005, la consultation pour désigner un maître d’œuvre n’était en principe soumise à aucune obligation procédurale. Néanmoins, l’entreprise a décidé de s’inspirer d’une disposition de l’article 256 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique, à laquelle elle n’était pas soumise, pour lancer une procédure dite de « dialogue compétitif ». Selon le président d’alors, M. Jean-Paul Cluzel, cette disposition semblait adaptée au cas d’espèce57.

Dans le dossier de consultation fourni à l’appui de l’appel d’offres, le schéma directeur de mise en sécurité de janvier 2004 constituait le principal élément de programme. Toutefois, tirant parti de la circonstance pour moderniser la Maison de la Radio, le président de l’entreprise y a fait insérer l’expression d’un certain nombre d’objectifs génériques (donner une vision prospective de la radio publique, renouveler le cadre de travail de tous les métiers, etc.), en ajoutant par ailleurs la création d’un auditorium. Aucun relevé de géomètre-expert n’avait été réalisé auparavant, ce qui a conduit à surestimer les surfaces. De même, aucun diagnostic amiante n’avait été diligenté avant le concours. Ce n’est qu’à l’été 2005 que le diagnostic, enfin réalisé, a montré la présence d’amiante. Enfin, la rénovation des façades de la Maison de la Radio n’a jamais été incluse dans le programme, ce qui paraît étonnant compte tenu de l’ampleur des travaux envisagés.

Pour parvenir à définir le programme et l’enveloppe du projet, Radio France demandait que les candidats intègrent un programmiste dans leurs équipes. Dans le même temps, elle recourait par appel d’offres à son propre programmiste, pour l’aider à synthétiser les principes structurants du projet et les axes de programmation fonctionnelle qui en découlaient. Le cabinet ARP retenu dans le cadre de cette procédure parallèle a rendu ses travaux en février 2005, soit deux mois seulement avant le choix du maître d’œuvre. Son programme fonctionnel reprenait les éléments concernant les objectifs de modernisation (mutualisation de studios, open spaces, studios globaux), mais d’une manière trop diffuse pour en inférer que le projet de réhabilitation avait effectivement vocation à être le creuset d’importantes transformations du métier de la radio.

Le choix du maître d’œuvre – le cabinet Architecture Studio – a principalement reposé sur l’originalité du parti architectural proposé et sur sa cohérence avec les objectifs fonctionnels poursuivis par Radio France. Parmi les éléments retenus en sa faveur figuraient la création d’une coursive intérieure facilitant le réaménagement des bureaux en open space de même que la végétalisation des toits.

Lors des négociations avec le maître d’œuvre pour finaliser le contrat, Radio France a demandé que soit revue la prestation du programmiste proposé par Architecture Studio. Sa mission a été réduite, tandis que le cabinet ARP était à nouveau sollicité par Radio France pour établir le programme technique détaillé. Ce changement d’approche peu habituel obligeait donc Architecture Studio à travailler avec un programmiste qu’il n’avait pas choisi et dont la mission n’était pas de facto étroitement coordonnée avec la sienne.

Le marché de la maîtrise d’œuvre été notifié le 28 juin 2005 pour une enveloppe financière de travaux de 140 M€ pour le bâtiment et de 17 M€ pour la scénographie, la décoration et les équipements, aux conditions économiques d’avril 2005. Le coût du projet ressortait donc à un montant inférieur à celui du rapport de l’IGF de 2004. Pour autant, ce coût était déterminé sans qu’une programmation précise ait été établie.

B - Une structure initiale de pilotage du chantier trop légère

En mars 2003, l’entreprise ne disposait pas des compétences adéquates pour piloter une opération si ample et complexe. Radio France a donc recruté, en juillet 2004, un ingénieur général des ponts-et-chaussées, expert dans le pilotage des « grands travaux », qui est devenu directeur général adjoint chargé de la sécurité, de l’architecture, des bâtiments et de l’intendance générale (DGA SABIG). Au sein de cette direction qui devait assumer à la fois l’entretien de la Maison de la Radio, la gestion du patrimoine de France Bleu et la maîtrise d’ouvrage de la réhabilitation, une équipe modeste a été dédiée à cette dernière fonction58.

Ce choix d'organisation a minima a eu pour effet un recours accru à des prestations externalisées d'assistance à maîtrise d'ouvrage. Une telle organisation n’était sans doute pas la plus appropriée alors que Radio France aurait eu intérêt à se doter en interne des compétences ad hoc. En outre, l’autonomie de décision dont a disposé le DGA SABIG n’a pas permis d’intégrer à la conduite du projet les directions concernées et a limité les possibilités d’alerte sur d’éventuels dysfonctionnements.

En outre, lorsqu’il s’est agi de passer à la phase des travaux, Radio France n’a pas souhaité recourir à une entreprise générale pour coordonner l’ensemble des intervenants, invoquant les surcoûts de ce type de solution et le risque de perdre une partie de sa liberté de décision. Ce choix, certes défendable, aurait supposé que l’entreprise fût en mesure d’assumer les responsabilités de pilotage et d’arbitrage généralement confiées à une entreprise générale – ce qui n’a pas été le cas.

C - Le lancement des travaux dans un contexte non stabilisé

Le déroulement du projet de réhabilitation s’est trouvé handicapé par la dégradation des relations entre la maîtrise d’ouvrage et l’architecte.

La mise à l’écart, en juin 2005, du programmiste proposé par l’architecte a constitué le premier accroc dans cette relation. Une nouvelle source de tension est apparue pendant l’été 2005 lorsque Radio France a entendu apporter des modifications au programme du maître d’œuvre, en amont de la validation de son projet architectural. Pour des raisons de surcoûts potentiels comme de faisabilité technique, Radio France a imposé de renoncer aux coursives intérieures et à la « seconde peau » dont devait être habillée la façade extérieure, alors qu’il s’agissait de points substantiels du projet d’Architecture Studio.

Surtout, en novembre 2005, Radio France a refusé d’approuver l’avant-projet sommaire du maître d’œuvre, alors que ce dernier pensait avoir obtenu une validation en continu de son travail. Tandis que la maîtrise d’ouvrage justifiait sa décision par le chiffrage insuffisant et un certain manque de précision, le maître d’œuvre considérait de son côté que ce refus procédait du rejet par les instances du personnel des bureaux en open space pourtant clairement demandés dans le programme originel. De même, en décembre 2005, Radio France demandait le retrait des studios globaux. Intégrant ces différentes évolutions, un second avant-projet était approuvé par le président de Radio France en mars 2006. Un appel d’offres portant sur les différents lots de travaux a été lancé en juillet 2007, plus d’un an après.

Le 30 octobre 2007, cet appel d’offres a dû être déclaré infructueux : outre l’absence de réponse sur un certain nombre de lots, un écart global de + 25 % séparait les estimations de la maîtrise d’œuvre des offres reçues. En conséquence, une nouvelle procédure, en marché négocié avec mise en concurrence, a été lancée en décembre 2007, conduisant à une remise des offres en juin 2008. Cet appel d’offres a dû être une nouvelle fois déclaré infructueux pour six lots. Une nouvelle consultation a donc dû être engagée selon la procédure des marchés négociés pour arriver enfin à des offres acceptables en décembre 2008.

Parallèlement, au vu de l’inflation prévisible des coûts de l’opération, les tutelles se sont interrogées sur l’opportunité de poursuivre cette réhabilitation en site occupé. Début 2008, celles-ci ont sollicité trois cabinets en conseil immobilier, et pour finir, un avis de France Domaine afin de disposer d’un chiffrage actualisé des différentes options envisagées en 2004. Au bout du compte, le coût d’une construction neuve (entre 380 M€ et 466 M€) est ressorti à un niveau plus élevé que celui de la réhabilitation (356 M€). Sur la base de ces éléments, une réunion interministérielle tenue en novembre 2008 s’est conclue par l’autorisation donnée à Radio France de signer les marchés de travaux, autorisation confirmée lors du conseil d’administration de décembre 2008.

Ayant appris, au début de l’année 2009, qu’il n’était pas reconduit dans son mandat, le président de Radio France a considéré qu’il ne lui appartenait pas de signer les marchés. Prenant ses fonctions en mai 2009, son successeur a estimé que la mise en sécurité commandait de ne plus différer le début des travaux. Y étant encouragé par une lettre du ministre de la culture, il a signé les marchés le 28 mai 2009. Parallèlement, un protocole transactionnel était signé le même jour avec le maître d’œuvre, prenant acte des modifications de programme et des recherches d’économie opérées en vue d’atteindre un nouvel objectif pour le coût des travaux fixé à 240 M€ (valeur juin 2008).

Au moment où les travaux allaient être lancés, le projet était donc loin d’être purgé des problèmes apparus depuis 2003. L’imprécision des intentions, liée au défaut d’une programmation initiale étayée et robuste, et la procédure du « dialogue compétitif », à laquelle il a été recouru en substitution et qui n’était sans doute pas adaptée en l’espèce, ont entaché le projet d’une double faiblesse : d’une part, l’élaboration en continu du programme et les profondes inflexions qu’il a connues, outre qu’elles ont quasiment dénaturé le projet pour lequel le maître d’œuvre avait été choisi, n’ont pas permis de garantir sa stabilisation, notamment du point de vue financier ; d’autre part, cette phase de définition a fini par rendre plus conflictuelle que confiante la relation entre le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre au moment où ils s’engageaient à mener à bien, sur plusieurs années, un chantier difficile.

II - Le déroulement des travaux

les phases du chantier

[Image à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Compte tenu des contraintes que l’occupation du site faisait peser sur son déroulement, le chantier a été décomposé en cinq phases.

Les phases 0 et 1, lancées en juin 2009 ont été achevées en septembre 2011 : construction d’un parc de stationnement souterrain de 700 places et d’un « pôle énergie » (phase 0) ; réhabilitation de la Tour, de la Radiale et de la Petite Couronne (phase 1).

La phase 2, engagée fin 2011 est en cours d’achèvement : construction d’un auditorium de 1 460 places, rénovation du studio 104, aménagement et mise aux normes du bâtiment recevant du public situé en front de Seine.

Les phases 3 et 4 devaient respectivement commencer au printemps 2014 et début 2016 et leur achèvement est prévu mi-2017 : réhabilitation des espaces de bureau de la Grande Couronne et création ou réhabilitation de studios et locaux de production radiophonique.

A - Les travaux exécutés

1 - La phase 0 et la phase 1

À l’origine, Radio France avait prévu de confier à un concessionnaire la construction et l’exploitation du parking souterrain figurant dans le projet. N’ayant pas reçu, à la suite de l’appel d’offres lancé en décembre 2005, de réponses tenant dans l’enveloppe financière prévue, Radio France a décidé de prendre en charge cette phase du projet et d’assurer l’exploitation du parking. Un marché a été passé en juillet 2008 avec un groupement d’entreprises pour un montant global de 28,5 M€ avec un délai d’exécution de 27 mois. Ce chantier a été réceptionné avec un retard de sept mois, moyennant un surcoût de 9 % dû aux travaux supplémentaires qui se sont greffés sur le projet lors de son exécution.

Représentant environ un tiers de l’ensemble du projet, la phase 1 a démarré en juin 2009 pour s’achever en septembre 2011. Au cours de la réalisation des travaux, le projet a fait l’objet de nombreuses évolutions59 qui ont conduit Radio France à multiplier les ordres de service.

Outre que la livraison des travaux a été retardée de six mois par rapport au calendrier prévisionnel, ces différentes modifications aux conditions d’exécution des marchés initiaux ont emporté une dérive des coûts significative : pour une prévision de 66,0 M€ courants, le montant final s’est élevé à 82,1 M€ courants, soit une augmentation de + 24 %.

2 - La phase 2 et la construction de l’auditorium

Engagé fin 2011 après l’achèvement de la phase 1, le démarrage de cette phase a été affecté par une grave crise entre la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre provoquée par la décision de Radio France de procéder à quatre modifications majeures du programme60.

Au vu des risques encourus pour la suite du chantier, la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) a lancé, au printemps 2012, un audit confié à M. Patrick Januel, responsable de la maîtrise d’ouvrage de la Philharmonie de Paris. Remis en juin 2012, cet audit non rendu public a formulé des conclusions très critiques sur le processus. D’une part, y étaient dénoncés les carences de la programmation, l’insuffisante structuration de l’équipe de maîtrise d’ouvrage et le recours au dialogue compétitif. D’autre part, au vu de la dégradation des relations entre Radio France et son maître d’œuvre, et compte tenu du fait que le marché correspondant avait dépassé les seuils à partir desquels une nouvelle mise en concurrence s’imposait, le rapport concluait à la nécessité de mettre fin à l’exécution de ce marché.

Soucieuse de garder l’acquis des études et d’assurer la continuité du chantier, Radio France a opté pour un scénario consistant à résilier le contrat du maître d’œuvre pour les phases 3 et 4, et à encadrer l’achèvement de sa mission pour les phases engagées. En juillet 2012, un contrat de résolution amiable a été signé à cet effet. Peu après, le responsable de la maîtrise d’ouvrage quittait l’entreprise. Une direction générale adjointe exclusivement chargée du chantier de réhabilitation (DGA REHAB) était alors créée, dont les effectifs étaient portés à environ 25 personnes. Il a donc fallu attendre cette crise majeure pour que l’entreprise se dote enfin d’une structure adaptée au pilotage du projet.

C’est dans ce contexte que s’est déroulée la construction de l’auditorium. Décidée sans réflexion préalable des tutelles sur l’offre de musique classique en région parisienne, alors que s’achevait la restauration de la salle Pleyel (1 900 places) et que demeurait le projet de la Philharmonie de Paris (2 400 places), la création d’un auditorium d’environ 1 400 places n’a pas été davantage assortie d’études sur les conditions et le coût d’exploitation de cette salle. L’accord de principe pour l’auditorium n’en a pas moins été donné par le ministre du budget en avril 2005 sur la base d’une prévision de coût de l’ordre de 15 M€.

Initialement, l’auditorium était conçu dans l’optique d’être une salle dédiée à la musique symphonique. Lorsqu’il a pris ses fonctions en 2009, Jean-Luc Hees a estimé nécessaire d’élargir les perspectives d’exploitation de l’auditorium comme du studio 104 et de leur donner un caractère plus polyvalent. Il a donc fallu, une fois encore, opérer des modifications du projet, auxquelles s’est s’ajoutée « l’affaire de l’orgue ».

L’affaire de l’orgue

Les éléments de programme initiaux avaient prévu de conserver dans l’auditorium l’un des deux orgues existant dans les studios 103 et 104. Toutefois, lorsque la salle Pleyel rénovée a été livrée, le ministère de la culture et de la communication a demandé que cet orgue soit retiré du projet en avril 2006. Les orgues présentes dans les studios 103 et 104 ont donc été cédées pour 1 € symbolique.

Le ministère de la culture est revenu sur cet arbitrage en demandant que l’auditorium de Radio France soit doté d’un orgue. Il en a fait officiellement la demande en mars 2008.

Compte tenu du coût d’achat d’un nouvel orgue (1,59 M€ HT), des incidences de son installation sur l’aménagement de la salle, des études complémentaires de la maîtrise d’œuvre et des travaux supplémentaires, le bilan financier global de ces tergiversations de l’État avoisine 5 M€.

La réalisation de l’auditorium et du studio 104 a entraîné des surcoûts en chaîne. L’estimation du coût final de l’auditorium s’élève au 1er août 2014 à 41,6 M€. Pour ce qui est du studio 104, le bilan définitif ne sera connu que courant 2015, mais les modifications de programme ont déjà porté le coût de 6,5 M€ à 10,6 M€.

D’une manière générale, les coûts de la phase 2 ont augmenté de manière continue. Révisé régulièrement du fait des travaux supplémentaires, le coût final estimé à ce jour pour la phase 2 s’élève à un total de 84,4 M€ valeur 2008 (93,1 M€ courants), soit un surcoût de 43 % par rapport à l’enveloppe initiale. Cette inflation des coûts s’est aussi nourrie d’un retard important (11 mois pour l’ERP, 14 mois pour le studio 104 et pour l’auditorium). Le bilan provisoire de cette phase confirme que les insuffisances de la programmation ont ouvert la porte à un processus de reconfiguration continuelle du projet, auquel il faut imputer une grande part des difficultés du chantier et des surcoûts61.

B - Les phases à venir

Ultimes étapes du chantier dont l’ordre d’exécution a finalement été inversé, les phases 3 et 4 représentent environ un tiers de son volume (respectivement 34,3 M€ et 44,6 M€ HT valeur juin 2008 HT).

Compte tenu de la rupture du contrat initial de maîtrise d’œuvre, ces phases seront conduites par le nouveau maître d’œuvre retenu après appel d’offre (le groupement dont SRA Architecte est le mandataire), cependant qu’Architecture Studio conserve la propriété intellectuelle de son projet et un droit moral sur sa réalisation. On ne peut donc exclure que, lors des travaux des phases 4 et 3, le chevauchement des interventions des deux architectes ne soit pas toujours aisé à assurer.

Les retards des phases précédentes ont rejailli sur le calendrier du chantier, sans que l’entreprise sache préciser le terme de celui-ci62. Au bout du compte, le chantier accuse à ce jour 15 mois de retard à compter de la date de notification des marchés de travaux et 3 ans de retard à compter du lancement des appels d'offres en 2007. Une approche optimiste conduit à estimer que les risques de dérapage calendaire sont désormais plus limités, sous réserve de nouvelles surprises comme l’incendie du 30 octobre 2014. En outre, l’hypothèse d’un arrêt du chantier à la fin de la phase 3 a été évoquée par les dirigeants de l’entreprise. D’une manière générale, il serait souhaitable que toutes les options pour la fin du chantier soient rapidement étudiées ainsi que leurs conséquences financières.

III - Un encadrement non maîtrisé des procédures

A - Une gestion peu rigoureuse des marchés

Ne disposant pas des compétences suffisantes en matière de passation et de gestion des marchés, la DGA SABIG a, dès 2004, opté pour le recours à des cabinets spécialisés. Assurément utile compte tenu des enjeux, cette externalisation a eu pour conséquence de retarder l’acquisition par les directions supports de Radio France d’une compétence propre, pourtant plus que nécessaire au regard d’une opération de cette taille et de cette durée (plus de 10 ans au final). Elle a en outre eu pour effet d’accentuer l’autonomisation de la DGA chargée de la maîtrise d’ouvrage, ce qui a été préjudiciable à une gestion collective et coordonnée du chantier, et n’a pas permis le bon exercice des contrôles internes et des systèmes d’alerte.

Il en est résulté que n’étant pas visés au préalable par les directions supports de Radio France, les actes juridiques de la direction de la maîtrise d’ouvrage ont très souvent mis les instances de gouvernance et de contrôle devant le fait accompli63.

La création, en août 2011, de la direction des achats, effectivement mise en place en novembre 2012, n’a contribué que marginalement à améliorer cette situation. Face aux réticences de la DGA réhabilitation, son intervention, certes croissante, reste encore partielle sur les marchés de travaux. Il en est de même pour ce qui concerne les interventions de la commission interne des marchés de Radio France. Réorganisée en mars 2012, celle-ci est désormais en mesure de porter un regard plus critique sur les dossiers concernant la réhabilitation qui lui sont soumis.

Ces insuffisances constatées ont été aggravées par la pratique constante de la direction chargée de la réhabilitation consistant à passer directement des ordres de service pour commander les travaux supplémentaires qu’elle jugeait nécessaire ou opportun d’engager : on en décompte plus de 3 200 à la fin de l’année 2013, et plus de 1 000 dans les deux mois précédant l’ouverture de l’auditorium.

Cette gestion par ordres de service aboutit à une récapitulation de ceux-ci dans des avenants pour les régulariser juridiquement. Cependant ces avenants sont le plus souvent signés avant leur présentation aux instances de contrôle idoines. Et encore ne le sont-ils pas toujours. Cela traduit un dysfonctionnement majeur de la gouvernance de l’opération puisqu’elle revient à concentrer dans les mains exclusives du directeur chargé de la réhabilitation une capacité à engager sans limite – et sans contrôle – Radio France, tant du point de vue juridique que financier.

B - L’insuffisante mobilisation des organes de contrôle

Les difficultés qu’a connues la conduite du projet de réhabilitation dès son origine et les dérives qui en ont perturbé le cours attestent que les organes de contrôle n’ont pas joué suffisamment leur rôle.

Certes, le conseil d’administration a été informé de l’avancement de la réhabilitation, ses membres recevant une quantité abondante de documents sur ce sujet. Pour autant, il n’a pas été un lieu de débat sur les changements qui ont affecté le projet, de même qu’il n’a eu connaissance que tardivement des modifications de programme induites par l’accumulation d’ordres de service, des avenants les entérinant et des difficultés que connaissait le chantier. Et même s’il a été mobilisé sur le projet – notamment lors de la négociation des marchés de travaux –, son comité d’audit ne comprenait pas, jusqu’en 2012, en son sein d’expert des opérations de construction.

Les conditions d’exercice d’une tutelle réactive n’ont pas été réunies durant la période qui a précédé la crise du printemps 2012, laquelle a amené les services du ministère de la culture et de la communication à déclencher l’audit réalisé par M. Patrice Januel. De même, c’est seulement à cette époque que le contrôleur général économique et financier récemment arrivé a alerté ses autorités sur ses difficultés à recueillir des informations financières fiables, sur les risques de dérive du coût final de l’opération et sur les insuffisances constatées pour les marchés de réhabilitation (qualité des dossiers présentés en CIM, suivi insuffisant de l’exécution des marchés).

IV - La dérive des coûts

Le chantier n’étant pas achevé à ce jour, son bilan final reste à faire. Cependant, au regard du montant des dépenses actuellement prévisibles, l’enveloppe financière initialement prévue a été d’ores et déjà très significativement dépassée.

L’évolution du périmètre du projet au fil des années rend difficile de rapporter la projection du coût final estimé de l’opération au coût prévisionnel initial servant de référence. D’autant que d’autres éléments que la maîtrise d’œuvre, l’assistance à maîtrise d’ouvrage et les travaux entrent dans le coût global du chantier : des coûts internes (charges de fonctionnement de l’équipe de maîtrise d’ouvrage, assurances), et des coûts externes liés au projet (coûts des déménagements, de locations de locaux). N’ayant pas fait l’objet d’une évaluation a priori, la comparaison entre prévision et réalisation devient complexe. Enfin, au-delà du coût de l’opération, il faudrait pouvoir prendre en compte les économies de fonctionnement que celle-ci devait dégager et ce qui en est advenu64.

Sous ces réserves, l’on peut prendre comme base le coût complet de l’opération d’investissement incluant le coût des travaux, de la maîtrise d’œuvre et de l’assistance à maîtrise d’ouvrage. À partir de là, il faut rappeler que le schéma directeur de 2004 faisait état d’un montant en coût complet évalué à 170 M€ constants (valeur 2004), dont 140 M€ pour les travaux. Pour sa part, dans son rapport de juillet 2004, l'IGF avait chiffré à 200 M€ courants sur huit ans le coût complet de la réhabilitation. Et c’est le même ordre de grandeur qui a été repris en 2005 lors de la consultation pour la sélection du maître d’œuvre – la proposition de l’architecte retenu débouchant sur un montant de travaux de 157 M€.

Au regard de l’estimation prévisionnelle qui a servi à valider initialement le projet de mise en sécurité de Radio France (170 M€ en coûts complets, valeur février 2004, soit environ 230 M€ valeur juillet 201465), le coût final estimé du chantier est passé à 430 M€ en valeur courante 2014, soit un quasi-doublement.

Tableau n° 24 : évolution de l’estimation des coûts du projet de réhabilitation (en M€)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

En se référant par ailleurs au chiffrage en coût global (incluant donc les coûts de fonctionnement) figurant dans le rapport de l’IGF de 2004 (261,9 M€ valeur courante, soit environ 320 M€ valeur juillet 2014), l’évaluation actuelle d’un coût global de 575,5 M€66 débouche sur le même constat d’un quasi-doublement du budget de l’opération.

En prenant comme référence le montant global acté par le COM 2006-2009 (333,9 M€ incluant déjà des éléments importants de changement de périmètre), la dérive s’élève à + 72,2 %.

En revanche, en se référant au coût complet arrêté à l’automne 2008, au moment où a été acté le lancement des travaux (328,2 M€ valeur juin 2008), la dérive relative est assurément moindre (+ 56,6 M€ valeur juin 2008, soit + 17,2 % en euros constants). Si cette dérive reste critiquable compte tenu des objectifs de maîtrise des coûts du chantier auxquels Radio France avait alors souscrit, son ampleur restreinte atteste que c’est bien lors de la phase qui a précédé le lancement des travaux que les coûts ont dérapé dans des proportions très importantes.

Quel que soit l'indicateur utilisé, il en ressort donc une véritable dérive des coûts de l'opération, principalement due aux conditions approximatives dans lesquelles l’opération a été engagée, au défaut de programmation initiale et aux réévaluations successives qui en ont résulté et, dans une bien moindre mesure, aux insuffisances postérieures qui ont affecté le pilotage du chantier et en ont prolongé les délais d’exécution. Même si, lors de la finalisation des marchés de travaux, l’État a entériné la très importante dérive financière qui était d’ores et déjà constatable, la dérive postérieure et les incertitudes qui demeurent encore à ce jour quant au coût final réel de l’opération placent désormais Radio France dans une situation où l’achèvement du chantier fait désormais peser une menace sérieuse sur son équilibre financier.

Conclusion et recommandations

Le chantier de réhabilitation de la Maison de la Radio, opération hors norme, a été l’occasion de moderniser les équipements techniques et de mettre en sécurité le bâtiment. Il n’aura pas en revanche permis de mener à bien la refonte des modes de production de la radio que l’entreprise avait initialement annoncée. La conduite de ce chantier particulièrement complexe aurait justifié un renforcement plus conséquent des équipes de pilotage des travaux et de supervision juridique et financière. Cette opération mal maîtrisée fragilise aujourd’hui les comptes de l’entreprise.

En conséquence, la Cour formule les recommandations suivantes :

12. cesser le recours systématique aux ordres de service pour la gestion du chantier et respecter rigoureusement les règles relatives aux marchés et à leurs avenants pour la signature des marchés du chantier (Radio France) ;

13. avant la signature du COM 2015-2019, étudier toutes les options possibles pour la fin du chantier et leur impact financier : poursuite du chantier, phase 4 puis phase 3, ou arrêt du chantier à la fin de la phase 4, ou encore conduite conjointe des phases 4 et 3 (Radio France).

Chapitre VI

Une refondation nécessaire

Confrontée à une situation financière en dégradation rapide, Radio France doit réviser en profondeur ses modes de fonctionnement et accroître sa productivité. L’entreprise publique gagnerait aujourd’hui à s’inspirer des expériences menées par les radios publiques étrangères pour engager un processus de mutation qui devrait porter en priorité sur trois domaines : la remise en cause du « fonctionnement en silos » de l’entreprise (I) ; l’information (II) ; les métiers techniques (III). Ces réformes devraient s’accompagner d’une refonte du cahier des missions et des charges (IV).

I - Une exigence de transversalité

A - Le besoin d’une organisation intégrée

Radio France se caractérise par l’indépendance de ses antennes, la faiblesse de leurs activités mutualisées et le développement insuffisant de leur coordination. Le « fonctionnement en silos » qui résulte de ce modèle d’organisation mis en place depuis une quinzaine d’années nécessite aujourd’hui d’être réformé en profondeur.

Visant à développer l’autonomie des chaînes, la réorganisation opérée au début des années 2000 a conduit à nommer un directeur pour chaque antenne, en adaptant la structure de Radio France en conséquence : un directeur unique de France Inter a remplacé le directeur de l’information (qui avait compétence sur l’ensemble de Radio France) et le directeur des programmes de l’antenne. La direction de la musique, chargée des formations musicales, a été séparée de France Musique. Le renforcement de l’identité des antennes s’est traduit dans des stratégies de communication différenciées, tels les partenariats avec des manifestations culturelles ou sportives, etc.

La mise en œuvre du principe d’autonomie en matière budgétaire et financière a peu varié depuis 15 ans : le budget de fonctionnement (frais de déplacement, dépenses diverses, cachets et piges) est du ressort du directeur d’antenne. Pour le personnel, le directeur dispose d’une enveloppe d’ETP, CDI et CDD, renégociable chaque année, mais les agents qui lui sont affectés demeurent gérés de façon centralisée à la DRH et à travers le système du paritarisme. Par ailleurs, le personnel technique (techniciens d’antenne et chargés de réalisation) n’est pas soumis à son autorité hiérarchique, mais seulement mis à sa disposition par les directions techniques. La gestion centralisée du personnel comme la transversalité des services techniques constituent deux points sur lesquels les organisations syndicales sont vigilantes. Il faut sans doute y voir l’une des raisons pour lesquelles l’autonomisation des chaînes, large sur le plan éditorial, ne s’est pas accrue en termes de gestion.

Jusqu’à l’arrivée de M. Mathieu Gallet en mai 2014, l’organigramme de Radio France a reproduit cette structure, avec, d’un côté, les différentes antennes en ligne directe avec le PDG et, de l’autre, le directeur général délégué, chargé des directions supports, y compris les services techniques. En annonçant que « la structuration verticale laissera la place à une organisation intégrée et horizontale », le projet stratégique du nouveau PDG constitue un changement de perspective dont la création, en mai 2014, d’un poste de directeur délégué aux antennes qui lui est directement rattaché représente une première concrétisation. Il sera évidemment essentiel que le prochain COM accentue cette évolution.

B - La contrainte d’une meilleure allocation des ressources

La politique d’autonomisation menée pendant 15 ans se traduit par le fait que les antennes ne se rendent entre elles quasiment aucune prestation (sinon que France Culture assure le service d’information de France Musique). Aucun service éditorial transversal n’existe, à l’exception du poste de directeur des sports et du secrétariat général à l’information. Le leitmotiv de Radio France, qui est fière de « tout produire en interne », semble ainsi avoir été décliné dans chaque antenne.

L’articulation entre les services fonctionnels et les antennes n’est pas optimale. On trouve dans chaque antenne des services de communication, tandis qu’il existe par ailleurs une direction de la communication au niveau central. Fin 2013, plus de 100 personnes travaillaient dans des services de communication : 70 ETP dans les services de communication des antennes, 33,5 ETP pour la direction de la communication et le service des relations avec la presse placé auprès du PDG. Des économies de moyens pourraient être recherchées en examinant les tâches exercées dans ces différentes structures de communication. En particulier, la multiplication des partenariats (avec des festivals, des manifestations culturelles, etc.) et la couverture d’opérations extérieures, très coûteuse, devraient faire l’objet d’une meilleure coordination.

De même, des services de gestion administrative et financière (59 ETP pour les antennes nationales et les orchestres, 97 pour France Bleu) mobilisent un effectif substantiel dans chaque antenne, tandis que la direction financière emploie 60 ETP et la direction des ressources humaines 98 ETP. Une analyse précise devrait être engagée sur l’organisation des services de gestion des antennes et leur articulation avec les directions fonctionnelles. Cet audit devrait tirer les conséquences des progrès anticipés en matière de système d’information budgétaire et comptable.

C - Une production de programmes à décloisonner

S’agissant des programmes, il pourrait être envisagé de créer des « pôles de production », là où l’expertise d’une antenne est reconnue : ainsi, les fictions de France Inter pourraient être réalisées par France Culture (qui dispose d’une équipe de lecture des scénarios et d’un bureau des comédiens), les émissions de jazz à FIP, la musique classique autour du pôle Formations musicales/France Musique. Une telle évolution pourrait s’accompagner de l’affectation des chargés de réalisation (dépendant actuellement de la direction des personnels de production) à France Culture et France Musique, les deux antennes où ils travaillent de facto. L’organisation du travail avec les producteurs en serait simplifiée.

De même, un dispositif d’échanges de programmes entre antennes devrait être organisé, afin, notamment, de permettre de rediffuser – donc de mieux valoriser – des programmes qui ont parfois été très coûteux à réaliser. Cette pratique est aujourd’hui quasi inexistante, alors que les antennes de Radio France échangent, de manière certes limitée, des programmes avec d’autres radios francophones. Dès lors qu’il s’agira de rompre avec des habitudes solidement ancrées, une telle évolution sera subordonnée à l’affirmation d’une réelle volonté politique. Le futur COM doit en fixer clairement l’objectif.

D - Une stratégie de programmes à expliciter

Pour permettre à Radio France de conquérir de nouveaux publics et éviter une concurrence coûteuse entre antennes, une clarification du contenu éditorial de chacune paraît s’imposer. Une telle perspective suppose une meilleure connaissance des publics que l’entreprise entend développer avec la création en 2014 d’une direction du marketing et des publics. Au-delà de la création d’un poste de directeur général délégué aux antennes, le pilotage coordonné des antennes doit être organisé.

Les positionnements respectifs des antennes sont en effet un sujet de débat. Ainsi, ceux de France Inter et de France Culture se rapprochent parfois, France Inter tendant à développer des programmes « exigeants », alors que France Culture accroît la place donnée à l’information. Le risque de recouvrement est réel, les enquêtes attestant la proximité du profil de leurs auditeurs. Pour sa part, le public de France Info est assez différent de celui de France Inter et peut être rebuté par une ligne trop proche de celle-ci. De même, en développant ses programmes parlés au détriment de la musique (triplement des heures d’information entre 2006 et 2013), Le Mouv’ a pu s’assimiler à un « France Inter des jeunes », faisant s’éloigner le public des moins de 25 ans.

Cette nécessaire clarification éditoriale concerne de nombreux domaines : faut-il ou non une spécialisation stricte par type de musiques des antennes musicales de Radio France (France Musique, FIP et Le Mouv’) ? Comment concilier la ligne éditoriale de ces stations avec la politique musicale de France Inter, très active sur les partenariats avec les grands festivals musicaux ? Comment articuler la plateforme numérique RF8 et les radios hertziennes ? En matière d’information, est-il légitime que Le Mouv’ ou France Culture développent leur offre, avec les conséquences en termes de coût de fonctionnement de leurs rédactions ? Autant de questions aujourd’hui sans réponse et jamais évoquées au sein du conseil d’administration ni avec les tutelles. Dans son document d’octobre 2013 portant sur l’examen du bilan de l’année 2012, le CSA soulignait que « les lignes éditoriales de certaines chaînes de Radio France devraient être stabilisées », mentionnant le Mouv’, France Info et France Musique.

Radio France gagnerait ainsi à formaliser sa stratégie de programmes, en élaborant des documents annuels inspirés des déclarations de politique de programmes (« Statement of Programme Policy ») de la BBC, lesquelles « constituent l’engagement annuel de la BBC (…) sur la façon dont chacun de ses services contribue à sa mission de service public. Ils développent la vision de chacun des directeurs de chaîne ou d’antenne de la BBC pour l’année à venir et décrivent tout développement éditorial notable ». Le même type de document est en vigueur à la radio danoise. Constitutive d’une déclinaison annuelle du COM, l’élaboration de tels documents par Radio France permettrait de disposer des éléments adéquats pour asseoir une évaluation annuelle des performances et de la progression des antennes au regard des objectifs fixés par le COM.

II - Des synergies à rechercher dans l’information

Le développement de l’information sur toutes les antennes a été concomitant à leur autonomisation. Les rédactions se sont étoffées tandis que, depuis 2009, se développaient des services web employant des journalistes et constituant dans certains cas une « rédaction bis » pour le multimédia. Fin 2013, Radio France employait dans ses rédactions un nombre de journalistes correspondant à 885 ETP (CDD et CDI).

Le primat de l’autonomie des chaînes emporte sur ce plan une très faible coordination. Au-delà du pouvoir hiérarchique du PDG sur ses directeurs d’antenne, la coordination éditoriale « formalisée » se limite à deux mécanismes : un comité éditorial, au niveau du PDG, qui constitue une enceinte de discussions sur les grandes tendances de l’actualité, et une réunion de coordination des directeurs de rédaction, au niveau du secrétaire général à l’information, sans capacité d’arbitrage. Par ailleurs, existe, au niveau du PDG et du directeur général délégué, une coordination pour les déplacements à l’étranger, quand se posent des questions de risque des personnes et/ou de frais de déplacement.

L’optimisation des moyens dans ce domaine constitue un chantier pour l’avenir. Dans les groupes de média, la tendance générale est à la mise en place de dispositifs de rédaction unique, ce qu’a fait la BBC en créant sa « news factory » ainsi que la radio publique danoise et la RTBF.

A - Une offre d’information très large

L’article 26 du cahier des charges précise que « dans chacun de ses programmes nationaux, la société de programme fait diffuser de manière régulière des bulletins et journaux d’information ». Cette formulation laisse une marge d’organisation à l’entreprise : les modes de production et la fréquence de ces bulletins et journaux ne sont pas précisés, de même que n’est pas prescrite la création de rédactions dans chaque antenne.

La part de l’information est variable selon les antennes. À France Info, toute la grille lui est consacrée. À France Inter, elle représente 25 % des heures produites et diffusées (rediffusions exclues), à France Culture seulement 9 %. Le nombre d’heures d’information a globalement baissé (- 11 % de 2006 à 2013). Il a diminué sur France Inter67 à partir de 2010 ( - 13 % de 2009 à 2013), accréditant pour certains le glissement de sa ligne éditoriale vers celle de France Culture. Il a beaucoup augmenté sur France Culture entre 2003 et 2006, puis est resté stable.

Tableau n° 25 : heures d’information diffusées par antenne

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Les deux grandes radios d’information (qui emploient les plus grandes rédactions) sont France Inter et France Info. Elles diffusent des journaux et des bulletins d’information, sous une forme différente malgré une certaine convergence. France Culture propose une information davantage tournée vers l’actualité internationale et européenne et la mise en perspective. Sur France Bleu, en complément de l’information locale, une rédaction à Paris prépare des journaux nationaux et internationaux. L’information est également présente sur la grille du Mouv’ et sur FIP.

B - Une organisation trop dispendieuse

1 - Des effectifs de journalistes en croissance

Depuis 2003, le nombre des journalistes de Radio France (885 ETP fin 2013) a globalement augmenté (+ 120 ETP entre 2003 et 2013, soit + 15,7 %). Pour les CDI, les effectifs sont passés entre 2004 et 2013 de 351 à 405 ETP (+ 15 %). Cette augmentation concerne essentiellement France Bleu et les services web des antennes. Sur la période 2007-2013, l’effectif (CDI et CDD) des journalistes de France Bleu est passé de 436 à 470 ETP. Le développement des services web est l’autre cause de la croissance des effectifs. 46 journalistes sont employés dans les services multimédia des antennes, pour la plupart affectés depuis 2009. Globalement, il n’y a pas eu de redéploiement des rédactions traditionnelles vers les services web.

2 - Une organisation des rédactions parisiennes complexe

Avec 317 ETP à la fin 2013, les effectifs des cinq rédactions parisiennes (quatre journalistes du secrétariat général à l’information assurent les flashs de FIP) sont quasiment stables par rapport à 2007.

Tableau n° 26 : effectifs totaux des rédactions parisiennes

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Les trois grandes rédactions parisiennes de Radio France (France Info, France Inter et France Culture) sont structurées de manière assez semblable : un personnel d’encadrement, des personnels d’antenne, des journalistes affectés dans des services spécialisés.

Les personnels de direction et les rédacteurs en chef sont chargés de la direction de la rédaction, de l’établissement des plannings et de la coordination des journaux et de l’antenne. On peut noter que ces échelons de coordination ont dans certains cas des effectifs très significatifs.

Les personnels d’antenne assurent les flashs chaque heure, certains journaux, les revues de presse avec des équipes différentes en semaine et le week-end. À France Inter, certaines émissions d’information disposent d’une équipe permanente spécifique : le « 7/9 » (5 ETP), le « 5/7 » (2 ETP), « Le téléphone sonne » (3 ETP), « On n’arrête pas l’éco » (2 ETP), « Interception » (5 ETP), « L’atelier » (2 ETP), « Partout ailleurs » (2 ETP).

Tableau n° 27 : les personnels de direction des rédactions et d’antenne (ETP au 31 décembre 2013)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Chaque rédaction comprend, en outre, des services chargés d’un secteur et, dans certains cas, des « spécialistes » placés hors des services (cf. tableau n° 28). L’organisation de ces services est semblable d’une antenne à l’autre. France Inter et France Info disposent aussi d’un service de reportage, leur permettant d’envoyer des journalistes en cas d’urgence. Cette situation amène à s’interroger sur les synergies qui pourraient exister entre ces services.

Tableau n° 28 : effectifs des services spécialisés des rédactions
(ETP au 31 décembre 2013)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

3 - Le statut et les rythmes de travail des journalistes

Compte tenu des règles en matière de congés et de RTT et des rythmes de travail des journalistes, le fonctionnement des rédactions dans l’organisation actuelle implique des effectifs importants. En plus des jours de congés et RTT (jusqu’à 68 jours ouvrés par an), s’ajoute la question des rythmes de travail. 92,5 % des journalistes fonctionnaient en 2013 en « 5/2 ». En revanche, 56 journalistes travaillaient selon des rythmes dits atypiques : « 4/3 » ou « 5/4/5 », « 5/3/3/5 »68. Ces journalistes représentent 24 % des effectifs de la rédaction de France Info et 15 % des journalistes de France Inter. La question des rythmes de travail atypiques est donc localisée mais pèse fortement en termes d’effectifs car elle aboutit à pourvoir un poste par au moins deux, voire trois, personnes.

Enfin, le contrôle des collaborations extérieures des journalistes devrait être plus formalisé. La Cour n’a ainsi pas trouvé trace des autorisations de la direction, pourtant prévues par les mesures unilatérales de 2011. Pour l’avenir, l’entreprise s’est engagée à tenir un relevé des dérogations accordées.

C - Une mutualisation insuffisante

Les synergies entre rédactions sont aujourd’hui peu nombreuses.

Le directeur des sports coordonne 6 journalistes des sports et 3 personnels administratifs à France Inter, 5 journalistes à France Info et les sports à France Bleu. Il n’existe donc pas à proprement parler de service des sports à Radio France. Le domaine des sports est toutefois spécifique. Il s’agit d’une actualité programmable, les dates des compétitions sportives étant connues à l’avance. En outre, les grandes compétitions sportives se prêtent à des opérations extérieures multi-chaînes, où la coordination entre journalistes se réalise sur place.

La matinale et les bulletins d’information de France Musique sont réalisés par la rédaction de France Culture : deux présentateurs sont spécifiquement affectés à France Musique.

Le secrétariat général à l’information (SGI) est loin de constituer une direction commune de l’information. Placé sous l’autorité directe du PDG, il employait en 2013 44 ETP (dont 41 journalistes). Le SGI apparaît comme une structure inachevée, aux attributions disparates : informations relatives aux transports, respect du pluralisme et des temps de parole en période électorale, gestion de la banque de programmes SOPHIA destinée aux radios associatives.

Issus de stations locales fermées, trois bureaux régionaux d’information (BRI) sont rattachés au SGI : Toulouse (5 ETP), Marseille (4 ETP) et Lyon (4 ETP). L’utilité de ces structures pour Radio France n’est pas établie. Comme le soulignent les conclusions d’un document interne, leur « productivité est difficile à établir » et « la collaboration avec les antennes de France Bleu ne se fait pas de manière naturelle ». Un groupe de travail s’est tenu en 2012 sur l’avenir des BRI, sans déboucher sur des actions concrètes.

Dépendant du SGI, le réseau des envoyés spéciaux permanents (ESP) marque la présence de Radio France dans neuf villes : Berlin, Beyrouth, Bruxelles, Jérusalem, Londres, Moscou, Pékin, Rome et Washington. Le coût total des ESP est de 2,2 M€ hors Bruxelles69. Ailleurs, Radio France recourt à des pigistes locaux. Dès lors que sont maintenus les correspondants permanents dans les grandes capitales70, une mise en commun entre RFI et Radio France serait souhaitable. L’État pourrait inviter ces entreprises à lui soumettre des propositions en ce sens.

D - Des réformes importantes désormais inévitables

Radio France se trouve dans une situation paradoxale. Le principe de l’« entreprise unique » lui est constitutif, il existe une véritable communauté de valeurs et de style chez les journalistes qui ont souvent travaillé dans plusieurs antennes et les auditeurs du service public sont souvent des auditeurs réguliers de plusieurs antennes de Radio France.

Pourtant, en matière d’information, chaque antenne revendique une autonomie qui tourne le dos à cette identité commune et n’est guère adaptée à la recherche d’économies d’échelle. Et dans les zones rénovées de la Maison de la Radio, les rédactions demeurent séparées ; la nouvelle organisation spatiale a reproduit des schémas anciens au lieu de préparer l’avenir. La nouvelle direction a indiqué qu’elle souhaitait mettre en place des mécanismes de coordination renforcés. Il n’est pas sûr qu’une telle approche suffise à éviter que se perpétuent les redondances constatées.

Outre l’objectif d’économies de moyens qui s’impose à Radio France, la nécessité de renforcer l’identité d’une marque fédératrice afin d’accroître la visibilité de ses productions dans l’univers numérique devrait conduire l’entreprise à engager une démarche vigoureuse de rapprochement entre ses rédactions. Dans la situation actuelle, aucun projet de cette nature n’a été affiché. Pour autant, les réflexions internes à Radio France ne manquent pas sur ce sujet. Celles-ci convergent vers un certain nombre de pistes d’évolution, des plus simples aux plus complexes.

La création d’un service des sports de Radio France, réunissant dans une même entité les équipes de France Info et de France Inter, serait une mesure simple puisqu’il existe déjà un directeur des sports et que les antennes sont habituées à coopérer pour couvrir des événements sportifs.

La fusion des services des bulletins d’information (« flashs ») des différentes antennes constitue une voie possible. Tandis que l’ensemble des « flashs » serait assuré par un service d’information commun de Radio France, les rendez-vous des journaux (matinale, mi-journée, soir) resteraient la prérogative des antennes. La partie relative aux informations nationales dans les journaux de France Bleu pourrait aussi être assurée par cette entité. Ce schéma (adopté à Radio Canada) permettrait d’engager un décloisonnement des modes de travail. La situation de France Info pourrait en accélérer la mise en œuvre : si cette antenne continuait à connaître une baisse de son audience, lui confier l’ensemble de l’information immédiate de Radio France serait une issue possible.

La création d’un « service étranger », commun à France Inter, France Info et France Culture, permettrait de couvrir l’actualité internationale avec des effectifs significatifs (15 journalistes, en regroupant les trois services actuels). Ce service pourrait coordonner les déplacements et les sollicitations adressées aux services « Reportage » de France Inter et de France Info. Il pourrait aussi superviser le réseau des envoyés spéciaux permanents à l’étranger, le traitement de l’actualité des institutions européennes, le recours aux cachetiers des émissions internationales des différentes antennes ainsi qu’aux pigistes à l’étranger. Il pourrait également être chargé de mettre en œuvre la convention de coopération signée avec France Médias Monde le 21 février 2014 et de réfléchir aux synergies avec RFI.

La fusion de tous les services des rédactions de France Inter, France Info et France Culture représente la solution la plus ambitieuse. Elle aboutirait à distinguer les personnels d’antenne, qui resteraient affectés à chaque station de Radio France, et une unité de production d’information (« news factory »), regroupant dans une structure commune tous les journalistes des services (économie, politique, environnement, culture, etc.). Les rédactions web des antennes (qui emploient 45 journalistes) rejoindraient une telle structure. Compte tenu de leur caractère opérationnel, les services de reportage resteraient dans les antennes, à la disposition immédiate des directions des rédactions.

Permettant à terme de dégager des économies substantielles au prix de profonds changements des méthodes de travail, une telle approche implique une mutation de la culture d’entreprise dans le domaine de la production et de la diffusion de l’information. Pour autant, si Radio France veut rivaliser avec les grands services publics étrangers, elle risque de ne pas pouvoir longtemps se soustraire à une telle évolution, dès lors que la plupart de ceux-ci se sont engagés sur cette voie. C’est en effet le schéma adopté à la BBC avec BBC News qui couvre tous les services d’information (télévision, radio, net) de l’entreprise. C’est également le modèle de la rédaction unique « multi-plates-formes » de Radio Canada et de la RTBF, cette dernière disposant d’une rédaction unique de 500 journalistes.

Plusieurs objections sont formulées à l’encontre d’un tel schéma.

La première part du fait que les journalistes des actuels services d’antenne, notamment les chefs de service, s’expriment très fréquemment à l’antenne, ce qui rend difficile une séparation stricte, dans les rédactions, entre personnels d’antenne et personnels appartenant aux services communs. Dans ce nouveau schéma, rien n’empêcherait les personnels des services communs de s’exprimer sur les antennes.

Est également avancé le fait que le contenu éditorial s’élabore dans les services d’antenne, et donc que l’approche d’une même question d’actualité est différente à France Info, France Inter et France Culture. À cela, il est possible d’objecter que c’est justement le rôle des équipes à l’antenne et des personnels d’encadrement (assez nombreux, comme déjà mentionné) d’introduire cette approche différente. De plus, si l’information est présentée selon des tonalités différentes, il existe indéniablement une forte homogénéité de culture des rédactions parisiennes.

Le projet stratégique du nouveau PDG préconise une organisation intégrée et transversale, qui implique d’examiner les possibilités de rapprochement des rédactions. Si la complexité d’une telle réforme et, surtout, les résistances internes auxquelles elle risque de se heurter ont conduit ses prédécesseurs à la différer, elle paraît désormais inévitable. Encore faut-il que la direction de l’entreprise et les tutelles s’accordent sur un projet clairement défini. Dans cette optique, Radio France gagnerait à étudier et à sensibiliser ses personnels aux modèles et aux méthodes utilisés par les institutions audiovisuelles publiques à l’étranger pour parvenir à réorganiser leurs dispositifs d’information. La Cour estime que l’élaboration du COM 2015-2019 doit être l’occasion de préciser les contours d’un véritable projet stratégique en la matière et de définir les conditions susceptibles de garantir sa mise en œuvre dans les cinq années qui viennent.

III - Une organisation des moyens de production à transformer

A - Le préalable de la réorganisation du travail

Dans son précédent rapport sur Radio France, la Cour établissait un premier bilan de la numérisation : « Après l’abandon complet des processus analogiques (…), les efforts réalisés par Radio France permettront de bénéficier d’un potentiel de production supérieur à celui nécessaire pour sa production actuelle. La conversion de ce potentiel en économies ou synergies dans les domaines financiers ou de personnel est certainement possible si la réorganisation qui doit suivre l’abandon total des filières analogiques est réalisée ».

La numérisation de la production des émissions s’est achevée vers 2004-2005, mais l’organisation du travail n’en a été que peu modifiée. Radio France a divergé des autres radios publiques ou privées, qui ont supprimé en dix ans les postes de techniciens et de réalisateurs, sauf dans des cas spécifiques (fictions, documentaires, captations de concerts, « matinales » d’information). Au 31 décembre 2013, Radio France employait 582 techniciens du son (opérateurs et chefs opérateurs) et 150 chargés de réalisation. La pyramide des âges aurait dû favoriser le redéploiement d’une partie de ces personnels.

La numérisation n’a pas entraîné non plus de refonte de l’organisation des studios. La visite de ceux de la BBC est, sur ce point, éclairante. Pour la plupart des émissions, l’animateur y assure seul l’ensemble des opérations, avec l’assistance d’une régie mutualisée pour plusieurs studios. Au Danemark, grâce à des logiciels d’exploitation simples et uniformisés, il n’y a plus de techniciens d’antenne, les animateurs et les journalistes assurant également seuls la réalisation de leur émission.

Avec le chantier, la mutualisation des studios d’antenne n’a pas progressé puisque six studios seront mutualisés dans la nouvelle Maison de la Radio contre huit avant sa réhabilitation. Le nombre de studios des antennes a même augmenté puisque les treize studios de RFI leur ont été redistribués auxquels sont associés des postes nécessaires à leur fonctionnement. En Belgique, la RTBF a choisi le modèle inverse en profitant de la numérisation pour diminuer drastiquement le nombre de studios afin de faire baisser ses coûts.

En outre, la conception des studios d’antenne à Radio France prévoit plusieurs postes de travail quand certaines fonctions pourraient être groupées. Dans les instances de représentation du personnel, les débats autour du « studio global »71 illustrent les résistances en jeu. Alors que le projet de réhabilitation prévoyait une évolution mesurée72, les résistances ont abouti à faire abandonner le projet de départ – le choix de l’organisation des studios, décision pourtant stratégique, n’ayant pas été débattu en conseil d’administration. Comparés à ceux du secteur privé ou dans les groupes publics étrangers, beaucoup de studios apparaissent trop équipés pour la captation d’émissions simples. Avoir configuré les studios sur la base d’un modèle de production ancien constitue évidemment un frein à la réorganisation des modes de production, comme à une définition rénovée des métiers.

De même, la recherche d’une qualité sonore supérieure pour toutes les émissions entraîne elle aussi des dérives dès lors qu’elle a un coût. La restitution d’un concert classique ne nécessite pas la même qualité qu’une émission de plateau. À chaque type de production devrait correspondre un standard sonore, impliquant des moyens adaptés et un coût différencié.

La numérisation fait évoluer les frontières entre les métiers : un journaliste est désormais capable de maîtriser des opérations techniques simples ; les techniciens savent non seulement prendre le son mais aussi réaliser des montages ; dans bien des cas, le recours à un technicien ou à un réalisateur n’est pas nécessaire, ces derniers pouvant se concentrer sur les produits élaborés ou sur le contrôle et l’assistance pour la production de contenus simples.

Cette polyvalence croissante des fonctions s’est jusqu’à présent heurtée, à Radio France, à une culture de spécialisation excessive des métiers, qui s’éloigne de la réalité actuelle des modes de production et d’organisation du travail de la plupart des radios publiques ou privées. Et ceci alors que les jeunes générations, techniciens et journalistes, sont désormais formées à la culture du numérique.

À l’opposé du principe de carrières linéaires qui prédomine encore et empêche les évolutions du modèle d’entreprise, des typologies de métiers moins étroitement spécialisés doivent désormais être définies, et des passerelles permettant des parcours professionnels plus fluides doivent être créées. Les techniciens doivent pouvoir évoluer vers les métiers de la réalisation, les chargés de réalisation vers ceux qu’offre le développement des nouveaux médias. Le modèle du « technicien-réalisateur », pratiqué à RFI, pourrait se diffuser. Enjeu majeur du nouvel accord collectif, cette évolution devrait être, pour les personnels, une source de motivation. Accompagnée par une gestion prévisionnelle des compétences et des carrières, elle devrait conduire à un enrichissement de leurs tâches et à de nouvelles opportunités s’agissant de leurs parcours dans l’entreprise.

Enfin, la réorganisation en cours des systèmes d’information pour les adapter au développement des nouveaux médias, à l’arrivée de la vidéo, et à la nécessité d’associer au son des données plus nombreuses constitue un chantier important et coûteux pour l’entreprise. Visant à intégrer dans un même processus fabrication, édition et diffusion, le travail de mise à niveau a débuté par la partie éditoriale dont la mise en service, fin 2015, permettra d’intégrer la photo, la vidéo et les données associées dans un flux éditorial unifié. La mise en cohérence doit se poursuivre par le remplacement du logiciel de montage et de diffusion du son qui ne devrait pas être effectif avant 2019. Le logiciel de réalisation devra être également remplacé. Au total, près de 70 applications doivent être mises en cohérence et l’ensemble des systèmes d’information faire l’objet de remises en concurrence périodiques tout en veillant aux modes de contractualisation. Ainsi, l’un des logiciels de production utilisé par Radio France a occasionné des dépenses annuelles de maintenance et de mise à niveau de 449 000 € en moyenne de 2008 à 2013. Enfin, un effort important doit être consenti pour la sécurité des systèmes d’information (investissements, mise en place de procédures, formation de tous les salariés), capitale chez un « opérateur d’importance vitale » et particulièrement exposé du fait de sa grande ouverture vers l’extérieur.

Ce réagencement des systèmes d’information ne pourra porter ses fruits que s’il s’accompagne d’une évolution de l’organisation du travail – ce qui n’avait pas été le cas lors de la première vague de numérisation des années 2000. En outre, le renouvellement en cours du socle technologique nécessaire au fonctionnement de la radio sera générateur de besoins de financement importants dans les années à venir. Il importe que ceux-ci soient quantifiés et pris en compte dans le futur COM 2015-2019.

B - La nécessaire restructuration des fonctions techniques

La direction générale adjointe chargée des techniques et des technologies nouvelles (DGATTN) regroupe en son sein l’ensemble des métiers73 qui assurent l’unité technique de Radio France. Le seul domaine technique qui lui échappe, depuis la création de la direction des nouveaux médias, est le développement des supports de diffusion multimédias, que la nouvelle structure a permis d’accélérer.

En termes de ressources humaines, la DGATTN constitue la plus importante entité de Radio France (686 ETP en 2013). La baisse modeste de ses effectifs entre 2007 et 2013 (- 5,5 %) atteste que la numérisation n’a pas eu, sur ce plan, d’impact significatif, à la différence de ce qui s’est passé dans les principaux groupes de radio publics et privés. Au sein de la DGATTN, la direction de la production et des antennes (DPA) concentre, en 2013, 459 ETP, soit 67 % de l’effectif total. Parmi eux, 172 « techniciens d’antenne » travaillent sous l’autorité hiérarchique du DGATTN mais sont mis à disposition des antennes. Si l’entreprise espère qu’un nouveau logiciel de gestion des temps et des activités permettra un emploi optimal de ce personnel, c’est au sein de la DPA que se situent aujourd’hui les enjeux les plus délicats en termes de relations sociales.

S’agissant des achats extérieurs, les dépenses de la DGATTN ont légèrement baissé sur la période, passant de 20,6 M€ en 2006 à 17,3 M€ en 2013. Cette baisse n’équilibre cependant pas la croissance des dépenses d’investissement, passées de 8,7 M€ en 2006 à 13,5 M€ en 2013 du fait des équipements induits par la réhabilitation, de l’achat de matériels techniques et du développement des systèmes d’information. On constate ici les effets du choix d’une production réalisée entièrement en interne à l’entreprise74. Au-delà de la poursuite de la remise en ordre des achats, qui constitue une source d’économies en soi, la question d’un recours accru à de la production externalisée doit être sérieusement posée.

Le poids financier de la diffusion reste important (74,5 M€ en 2013). La baisse des coûts de diffusion FM doit se poursuivre dans le cadre de la remise en concurrence des marchés de diffusion effectuée en 2013. Par ailleurs, le COM 2010-2014 demandait que l’entreprise « étudie » l’arrêt de la diffusion en ondes longues et moyennes, dont le coût était en 2013 de 14,4 M€. La diffusion en ondes moyennes devrait être abandonnée fin 2015, permettant d’économiser près de 7 M€. Restera la diffusion en ondes longues, pour environ 6 M€, qui permet la couverture totale du territoire et correspond aux obligations liées à la qualité d’opérateur d’importance vitale. Au regard de l’économie qu’il représente, l’arrêt de ce mode de diffusion devrait être examiné.

Au-delà de ces pistes d’amélioration, l’évolution des processus de production dans l’environnement renouvelé de la radio numérique ne peut sans doute se faire en gardant la configuration actuelle de la DGATTN. Outre le fait qu’elles nécessitent d’être pilotées au plus haut niveau, ces mutations appellent une organisation fondée sur une distinction plus nette des fonctions qui concourent à l’activité technique de Radio France, à savoir :

- la conduite des projets de systèmes d’information jusqu’à leur mise en service (y compris certains assurés par la direction des nouveaux médias), qui représente un tel enjeu pour l’entreprise que son rattachement direct au directeur général délégué paraît justifié ;

- la gestion des matériels techniques et informatiques ainsi que la planification des studios mutualisés et des moyens extérieurs ;

- la gestion de la production et de la diffusion couvrant l’ensemble du processus de fabrication jusqu’à la diffusion et l’archivage, incluant l’ensemble des supports et des médias employés (son, vidéo, texte). La mise en œuvre de cette fonction n’appelle pas une gestion directe des techniciens d’antenne qui devraient au contraire être placés sous l’autorité hiérarchique des directeurs d’antenne. Elle semble, en revanche, requérir, pour des raisons de mutualisation, la gestion centralisée d’une brigade de renforts, des techniciens de reportage et des techniciens spécialisés dans la prise de son élaborée.

Désormais considérée comme nécessaire, ayant fait l’objet de trois études (une étude réalisée en 2012 par un consultant, le rapport de groupes de travail internes en 2013, un audit des moyens de production lancé à la mi-201475), la perspective d’instaurer une nouvelle organisation de la gestion des moyens techniques est restée pour le moment à l’état d’intention.

Il convient désormais de dépasser le stade du diagnostic pour élaborer un plan d’ensemble à partir duquel pourra être engagée cette réforme d’importance cruciale pour Radio France, puisqu’il s’agit, en l’espèce, que l’entreprise se conforme aux meilleurs standards de performance technique et qu’elle puisse en recueillir les bénéfices en termes de productivité afin de se donner des marges de manœuvre pour continuer à investir sur son cœur de mission.

IV - La refonte souhaitable du cahier des missions et des charges

L’État encadre l’activité de Radio France à travers le cahier des missions et des charges. Approuvé par le décret du 13 décembre 198776 dont la dernière modification remonte à 2006, le cahier des missions et des charges, décrit en annexe n° 4, fonde la spécificité du fonctionnement de Radio France par rapport à celui des radios privées, notamment dans l’optique d’une contribution à la vie culturelle nationale.

Le cahier des missions et des charges a des conséquences importantes sur l’organisation interne et sur l’activité de l’entreprise. Il apparaît aujourd’hui vieilli, voire inadapté. Il effleure à peine les enjeux du numérique. Il contient par ailleurs certaines dispositions qui sont un frein à l’évolution des structures de l’entreprise, dont le nombre d’antennes qui y est fixé.

Dans certains cas, le cahier des charges empêche une évolution des pratiques de l’entreprise. Ainsi, l’article 22 désigne Météo France comme fournisseur exclusif d’informations météorologiques, alors que France Télévisions a mis en concurrence cet achat. Par ailleurs, certaines dispositions comme celles relatives à la coopération avec les ministères chargés de l’éducation nationale et de la formation professionnelle (articles 23 et 24) ne sont pas appliquées. De même, les dispositions du cahier des missions et des charges relatives à la continuité du service public (article 20) devraient être complétées, en demandant à l’entreprise de produire un bilan détaillé de l’impact des arrêts de travail sur la diffusion des programmes. Enfin, le statut d’ « opérateur d’importance vitale » de Radio France, qui découle du cahier des charges (article 11) et du partenariat entre l’entreprise et le ministère de l’intérieur, doit être précisé. Cela permettrait de couvrir des cas, tels que l’interruption d’antenne qui a suivi l’incendie du 31 octobre 2014, ou de définir des mesures en matière de cybersécurité.

Le cahier des missions et des charges comporte des dispositions en matière de publicité, qui sont inchangées depuis 1987 et dont la mise en œuvre est contrôlée par le CSA. La publicité est limitée à 30 minutes par jour en moyenne sur l’année pour les programmes nationaux (article 44 du cahier des missions et des charges). Seule est autorisée la « publicité collective et d'intérêt général », définie à l’article 3377. Les recettes publicitaires sont donc limitées : 31,3 M€ de publicité, 9,1 M€ de parrainage en 2013. En outre, par lettre du 27 mai 2013 adressée à Radio France, le CSA a fait évoluer dans un sens restrictif son interprétation de la notion « d’organisme public ou parapublic », ce qui le conduit à revenir en partie sur la tolérance dont bénéficiait le secteur mutualiste (banques, assurances, etc.) et pourrait avoir un impact sur les recettes de publicité de l’entreprise. Le régime de la publicité à Radio France relève d’un choix stratégique de l’État et il convient que celui-ci délimite de façon plus précise dans le cahier des missions et des charges les droits et les obligations de Radio France en la matière. Le besoin d’une rédaction clarifiée parait aujourd’hui évident. En revanche, la tentation d’assouplir le régime de la publicité pour permettre à Radio France de disposer de ressources complémentaires doit être appréhendée avec prudence. Il serait regrettable que cette option constitue un moyen pour Radio France de s’épargner les efforts de productivité dans lesquelles elle doit s’engager.

Enfin, le cahier des missions et des charges comporte un chapitre sur les relations avec les autres sociétés de l’audiovisuel public. Des dispositions, anciennes, mettent en place des prestations gratuites pour ces entreprises : publicité gratuite pour France Télévisions (805 messages en 2013, pour une valeur estimée à 1 M€), fourniture gratuite par Radio France de programmes à RFI et aux radios du réseau Outre-Mer Première (ex-RFO), non valorisée par Radio France. La gratuité des programmes pour RFO pourrait être réexaminée, dans la mesure où l’article 8 de la loi du 15 novembre 2013 a mis fin à la diffusion gratuite des antennes de Radio France par RFO en outre-mer, ce qui représente pour Radio France un coût annuel évalué à 1,5 M€. Au-delà de ces dispositions, la question de la coopération entre sociétés de l’audiovisuel public dans le domaine numérique devrait être traitée dans le cahier des charges de Radio France.

Une révision du cahier des missions et des charges, 28 ans après son adoption, paraît donc nécessaire. Elle pourrait être l’occasion d’une réflexion sur le champ du service public de la radio, son adaptation aux évolutions de la société française comme à celle de l’environnement technologique et concurrentiel dans lequel celui-ci sinsère.

Conclusion et recommandations

Pour retrouver son équilibre financier et dégager des marges pour investir, l’entreprise doit entreprendre de profondes réformes de structure, conditions de sa pérennité et de son développement. D’autres grandes radios publiques européennes se sont transformées avant elle. Le projet d’entreprise, construit par exemple sur dix ans, doit être élaboré collectivement pour conquérir de nouveaux publics et éviter d’être marginalisé. Mais il appartiendra in fine aux dirigeants de l’entreprise et aux tutelles de prendre leurs responsabilités.

En conséquence, la Cour formule les recommandations suivantes :

14. clarifier et formaliser les lignes éditoriales de chaque antenne (Radio France) ;

15. fusionner les rédactions de France Inter, France Info et France Culture (Radio France et tutelles) ;

16. rattacher les chargés de réalisation de la direction des personnels de production (DPP) à France Culture et France Musique (Radio France) ; affecter les techniciens d’antenne à chaque antenne (Radio France) ;

17. faire évoluer la fonction technique et faire évoluer l’organisation de la DGATTN en distinguant trois fonctions : la production et la diffusion des émissions sur tous les supports ; l’acquisition, la gestion et la maintenance des matériels techniques et informatiques ; la responsabilité des systèmes d’information (Radio France) ;

18. réviser le cahier des missions et des charges afin de mieux définir la mission de service public de la radio et de l’adapter à l’environnement actuel de la radio (ministère chargé de la culture). 

Conclusion générale

Radio France doit faire face à une situation financière désormais critique.

Cette situation intervient à un moment où le contexte général des finances publiques ne permet plus d’envisager l’augmentation de la part de redevance mise à disposition de l’entreprise, qui constitue l’essentiel de ses ressources.

Faute d’avoir mis en œuvre une politique de maîtrise de ses dépenses, Radio France s’est placée dans une zone de risque, sans marge de manœuvre financière. Elle doit en outre achever un chantier de réhabilitation conduit sans moderniser le fonctionnement de l’entreprise, tout en poursuivant ses investissements dans le numérique pour préparer l’avenir.

Cette situation préoccupante résulte des pesanteurs de l’entreprise, dont les effets sont restés longtemps indolores dans un contexte de ressources publiques abondantes. Ses dirigeants successifs, comme l’État actionnaire et tutelle, n’ont pas suffisamment préparé Radio France aux changements profonds qu’appelle la mutation du numérique, pas plus qu’ils ne l’ont pressée de se conformer, sur le plan de sa gestion interne, aux normes de performance qui doivent régir le fonctionnement de toutes les entreprises publiques.

Radio France n’a plus de temps à perdre pour aborder cette mutation et engager une réforme structurelle, trop longtemps différée.

Ce choix de la réforme doit s’incarner dans un projet pour l’entreprise. Celui-ci passe par la mise en place d’un nouveau modèle social, par l’intégration du numérique et de modes de gestion rénovés, afin de permettre à Radio France de diminuer ses coûts et de mieux relever les défis qui se présentent à elle.

Les insuffisances de la gouvernance, le principe affiché de stabilité des emplois, la crainte des conflits sociaux et l’absence de fixation par l’État d’objectifs clairs en matière de modernisation n’ont pas permis jusque-là une prise de conscience partagée des enjeux stratégiques auxquels l’entreprise est confrontée. Les changements en cours dans les radios publiques étrangères les plus emblématiques, de même que les transformations affectant les modes de production dans les radios privées en France, n’ont guère eu d’effet sur la culture interne de l’entreprise. Ces enjeux doivent donc faire l’objet d’un important effort de pédagogie en direction des personnels de Radio France.

Dans un modèle de gouvernance d’entreprise publique, il appartient aux dirigeants de l’entreprise de conduire ces changements internes, en respectant des objectifs fixés à l’avance avec l’État. Car c’est bien à l’État qu’il incombe de déterminer précisément les missions relevant du service public de la radio, le champ d’activités que celui-ci doit couvrir et les conditions globales de sa mise en œuvre, en tenant compte du contexte général des finances publiques. La tutelle doit donc veiller plus fortement à la modernisation de l’entreprise.

Par ailleurs, la définition du projet stratégique à dix ans, qui doit sous-tendre le devenir de Radio France, n’est pas dissociable d’une analyse des enjeux auxquels sont confrontées les entreprises de l’audiovisuel public sous l’effet de la « convergence des médias ». Comme en attestent maints exemples étrangers, le modèle de producteur unique de contenus ou d’informations à destination de plusieurs supports (télévision, radio, internet) constitue une évolution tendant à se généraliser et qui justifierait que l’État engage une réflexion de nature stratégique sur les enjeux et l’organisation de l’audiovisuel public.

En tout état de cause et sans méconnaître une telle perspective, la situation actuelle de Radio France requiert une rénovation profonde de l’entreprise qu’il convient d’engager rapidement. C’est pour aider à la conduite de ce qui constitue le chantier prioritaire du service public de la radio dans les années à venir que la Cour a identifié les recommandations récapitulées ci-après.

Récapitulatif des recommandations

1. établir le contrat d’objectifs et de moyens sur le fondement d’un projet d’entreprise (Radio France, ministère chargé de la culture, ministère chargé du budget) ;

2. statuer sur l’avenir du Mouv’ avant la signature du COM 2015-2019 (Radio France) ;

3. définir pour France Bleu un schéma cible d’implantation, permettant une couverture renforcée du territoire à moyens constants (Radio France, ministère chargé de la culture) ;

4. engager une réflexion sur les conséquences de la convergence des médias pour les entreprises du secteur public audiovisuel (ministère chargé de la culture) ;

5. concentrer la direction des nouveaux médias (DNM) sur l’expertise numérique, la veille technologique et éditoriale (Radio France) ;

6. fusionner les deux orchestres symphoniques de Radio France, établir une direction commune à France Musique et à la direction de la musique (Radio France) ;

7. prendre les dispositions nécessaires au renforcement du rôle du conseil d’administration dans la gouvernance de Radio France (ministère chargé de la culture, ministère chargé de l’économie, Radio France) ;

8. mettre en place un système de comptabilité analytique plus fin pour en faire un outil d’aide à la décision (Radio France) ;

9. en matière d’achats, poursuivre la remise en concurrence des contrats existants (Radio France) ;

10. dans le COM, mettre en place des indicateurs « cibles », donc contraignants, pour la masse salariale et le recours aux cachetiers et pigistes et fixer une cible en baisse pour la part des charges salariales dans le total des charges d’exploitation (ministère chargé de la culture, ministère chargé du budget) ;

11. prendre en compte, dans les accords d’entreprise et dans la grille des emplois, une définition des métiers qui comporte les nouvelles compétences et qualifications liées à l’évolution des technologies numériques (Radio France) ;

12. cesser le recours systématique aux ordres de service pour la gestion du chantier et respecter rigoureusement les règles relatives aux marchés et à leurs avenants pour la signature des marchés du chantier (Radio France) ;

13. avant la signature du COM 2015-2019, étudier toutes les options possibles pour la fin du chantier et leur impact financier : poursuite du chantier, phase 4 puis phase 3, ou arrêt du chantier à la fin de la phase 4, ou encore conduite conjointe des phases 4 et 3 (Radio France) ;

14. clarifier et formaliser les lignes éditoriales de chaque antenne (Radio France) ;

15. fusionner les rédactions de France Inter, France Info et France Culture (Radio France et tutelles) ;

16. rattacher les chargés de réalisation de la direction des personnels de production (DPP) à France Culture et France Musique (Radio France) ; affecter les techniciens d’antenne à chaque antenne (Radio France) ;

17. faire évoluer la fonction technique et faire évoluer l’organisation de la DGATTN en distinguant trois fonctions : la production et la diffusion des émissions sur tous les supports ; l’acquisition, la gestion et la maintenance des matériels techniques et informatiques ; la responsabilité des systèmes d’information (Radio France) ;

18. réviser le cahier des missions et des charges afin de mieux définir la mission de service public de la radio et de l’adapter à l’environnement actuel de la radio (ministère chargé de la culture).

Annexes

Annexe n° 1 : organigramme de Radio France

Annexe n° 2 : historique de Radio France : dates pertinentes

Annexe n° 3 : les radios publiques en Europe

Annexe n° 4 : principales dispositions du cahier des missions et des charges

Annexe n° 5 : les indicateurs-cibles du contrat d’objectifs et de moyens

Annexe n° 6 : le parc des fréquences de Radio France

Annexe n° 7 : France Inter, un modèle coûteux, une organisation à repenser

Annexe n° 8 : France Info, du succès à la crise

Annexe n° 9 : France Culture, du succès d’audience, un coût de production élevé

Annexe n° 10 : France Musique, une organisation et un positionnement à revoir

Annexe n° 11 : FIP, un modèle fragile

Annexe n° 12 : le Mouv’, une décision à prendre

Annexe n° 13 : le réseau France Bleu

Annexe n° 14 : effectifs de l’entreprise au 31 décembre 2013

Annexe n° 15 : évolution de la rémunération moyenne des personnels en place (RMPP)

Annexe n° 16 : différentes données sociales (congés, travail de nuit)

Annexe n° 17 : liste des protocoles de fin de grève signés entre 2004 et 2013

Annexe n° 18 : les grandes dates du chantier

Annexe n° 19 : les opérations extérieures

Annexe n° 20 : les comptes de l’entreprise entre 2004 et 2013

Annexe n° 21 : liste des personnalités extérieures et interlocuteurs rencontrés au cours du contrôle

Annexe n° 1 : organigramme de Radio France

[Organigramme à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Annexe n° 2 : historique de Radio France : dates pertinentes

1963 : inauguration de la Maison de la Radio. Création de France Inter, France Culture et France Musique.

1964 : création de l’ORTF.

1971 : création de FIP.

1975 : création de Radio France, à la suite de l’éclatement de l’ORTF. Les radios régionales sont dévolues à France 3 (FR3). Création de Radio France Internationale (RFI), comme l’une des stations de Radio France. Déménagement des chaînes de télévision hors de la Maison de la Radio.

1979 : long conflit social dans l’audiovisuel public qui débouche sur la loi de 1979 et l’obligation de transmission et d’émission en toutes circonstances des signaux de radio et de télévision.

1980 : création de Radio 7 (radio « jeunes » en région parisienne) et des premières radios locales : Radio Bleue en Ile de France, Fréquence Nord, Radio Mayenne et Melun FM.

1982 : fin du monopole public de la radio. Radio France se voit confier les radios de FR3 et est chargée de créer un réseau de radios locales, en accompagnement de la décentralisation.

1982 : signature d’une convention collective commune aux personnels de l’audiovisuel public. Création de RFO.

1983 : RFI est transformée en société filiale de Radio France.

1986 : la commission nationale pour la communication et les libertés (CNCL) reçoit le pouvoir d’attribuer les fréquences à la place de TDF.

1986 : RFI, société indépendante de Radio France (loi du 30 septembre 1986).

1987 : création de France Info (et fermeture de Radio 7).

1987 : publication du cahier des missions et des charges de Radio France (quasiment inchangé depuis).

1990 : conflit de 10 jours – arrêt quasi-total des émissions de RF ; revendication principale : le différentiel de rémunération avec les journalistes de la télévision. Création d’une direction des Ressources Humaines et mise sur pied du premier projet d’entreprise.

1992 : avis défavorable du CSA à l’ouverture de la publicité de marques sur Radio France.

1997 : lancement d’une radio jeunes, Le Mouv’, installée à Toulouse. Vive réaction des radios privées.

2000 : Plan Bleu : création du réseau France Bleu pour fédérer les 38 radios locales existantes. Objectif de création de 15 nouvelles stations.

2003 : décision du Conseil de la concurrence, mettant fin au monopole de TDF, à la suite de la plainte de Towercast, filiale de NRJ. Radio France peut faire appel au diffuseur de son choix.

Septembre 2003 : déménagement des personnels de la tour, à la demande de la préfecture de police.

2004 : décision de réhabiliter la Maison de la Radio, plutôt que déménager.

2006 : signature du 1er contrat d’objectifs et de moyens 2006-2009.

2006 : lancement du podcasting sur radiofrance.fr.

Décembre 2008 : décision du conseil d’administration d’engager la réhabilitation.

16 décembre 2009 : inauguration du chantier en présence du ministre de la culture.

29 juillet 2010 : signature du contrat d’objectifs et de moyens 2010-2014.

Mars 2011 : dénonciation judiciaire des conventions collectives de l’audiovisuel public.

Fin 2011 : fin des travaux de la tour.

Février 2013 : déménagement de RFI de la Maison de la Radio.

Décembre 2013 : cinquantenaires de France Inter et de la Maison de la Radio.

27 février 2014 : nomination de Mathieu Gallet comme PDG de Radio France.

14 novembre 2014 : inauguration de l’auditorium.

Annexe n° 3 : les radios publiques en Europe

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Annexe n° 4 : principales dispositions du cahier des missions et des charges

* dispositions relatives à la constitution de la grille de programmes : programmes réservés à l’expression des syndicats et des partis politiques, des cultes religieux, retransmission des campagnes électorales, bulletins météo et météo marine ; obligation de retransmettre les messages gouvernementaux ; obligation de réserver un temps d’antenne aux deux chambres du Parlement ;

* encadrement de la publicité : un régime restrictif de la publicité (30 mn par jour pour Radio France dans son ensemble, pas de publicité de marque), diffusion de messages publicitaires gratuits : grandes causes nationales, etc. ;

* mention de certains types de programmes : l'existence de bulletins d'information sur chaque chaîne : « dans chacun de ces programmes nationaux, la société programme et fait diffuser chaque jour et de manière régulière des bulletins et journaux d'information. Dans le programme mentionné au 1° de l'article 25 [France Inter], elle programme et fait diffuser chaque jour et de manière régulière des revues de presse. Dans le programme mentionné au 3° de l'article 25 [France Culture], elle réserve une place particulière aux informations relatives aux activités culturelles en France et à l'étranger. » (art. 26) ; la diffusion de fictions, de documentaires, les commandes d'œuvres musicales. À titre d’exemple, pour les dramatiques : « la société s'attache à susciter des créations originales spécialement destinées à la radio. » (art. 31).

* sujétions assumées gratuitement par Radio France :

. la couverture du territoire national (« la société fait diffuser sur l'ensemble du territoire des émissions à caractère national ou local. ») ;

. la contribution à la défense nationale et la sécurité civile ;

. la contribution gratuite de programmes au profit de RFO et de RFI ;

. les activités internationales liées au statut de radiodiffuseur public.

* obligations de diffusion en cas de grève : en cas de cessation concertée du travail, la société assure la continuité du service dans les conditions fixées par la législation et la réglementation en vigueur. » (art. 9).

Annexe n° 5 : indicateurs cibles du contrat d’objectifs et de moyens

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Annexe n° 6 : le parc des fréquences de Radio France

Opérateur historique de la radio en France, Radio France dispose d’un parc très important de 2 388 fréquences FM, à comparer avec les 5 158 fréquences sur lesquelles les radios privées émettent.

De surcroît, l’entreprise bénéficie d’un droit de réservation prioritaire prévu par l’article 26 de la loi du 30 septembre 1986 qui permet à l’État de demander au conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) de « préempter » une fréquence pour le service public, moyennant certaines vérifications. Ce parc de fréquences est un atout considérable pour l’opérateur public. France Inter, France Culture et France Musique couvrent ainsi une grande partie du territoire, sans qu’un objectif de couverture total soit prévu dans le cahier des missions et des charges. France Info et France Bleu disposent également de nombreuses fréquences, mais, dans certaines régions ou sur certains axes routiers, ces antennes sont freinées dans leur développement et cherchent à s’étendre. Ces dernières années ont été aussi marquées par l’extension du réseau du Mouv’.

Cette place singulière dans l’accès à une ressource publique rare donne des obligations à Radio France. Sa participation au plan FM+, lancé en 2006 par le CSA, dont l’objectif était d’améliorer la gestion des fréquences, a permis de rendre des fréquences, d’en réaménager et d’en obtenir d’autres. Cette première étape positive devrait se poursuivre par l’établissement d’un schéma directeur des fréquences de Radio France, comprenant un état des lieux précis et partagé avec les tutelles et le CSA. Par ailleurs, l’instruction des nouvelles demandes de fréquence devrait donner lieu à un calcul économique déterminant le coût par auditeur de la demande. En lien avec la tutelle, des priorités devraient être dégagées pour la recherche de ces nouvelles fréquences. Enfin, l’expérimentation de la radio numérique terrestre pourrait cibler les zones dont la bande FM est encombrée ou contrainte (Lyon, Sud-Ouest, régions frontalières, réseaux routiers).

Annexe n° 7 : France inter, un modèle coûteux, une organisation à repenser

1 - L’audience

Entre 2004 et 2013, l’audience de France Inter a peu varié, entre 9,6 % et 10,9 %. Depuis un point haut de plus de 5,8 millions d’auditeurs au premier semestre de 2012, on constate une forte baisse d’interprétation malaisée : la fin d’une période électorale, l’effet de la grève d’une semaine en janvier 2013 sont évoqués. Avec des chiffres à 9 % courant 2014, France Inter atteint désormais son plus bas niveau historique.

Audience de France Inter (2006-2013)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Par rapport à ses concurrents privés, le classement reste stable les 10 dernières années, avec une forte croissance de RMC.

Tableau comparé des radios généralistes (audience cumulée en pénétration en %)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

L’audience de France Inter est confrontée à son vieillissement, avec un âge moyen de 59 ans en 2013, en augmentation de deux ans depuis 2010. Les chiffres des autres radios généralistes sont comparables : âge médian de 55 ans pour Europe 1, de 57 ans pour RTL ; seul RMC a une audience plus jeune, avec un âge moyen de 48 ans. Les audiences Internet de France Inter sont peu dynamiques. En 2009, France Inter était le leader de Radio France (60 % des podcasts et 34 % des visites uniques). En 2013, il ne représentait que 29 % des podcasts (dépassé en 2013 par France Culture) et 30 % des visites uniques (dépassé en 2013 par France Info). La croissance de 17 % des podcasts depuis 2009 contraste avec les chiffres de RTL (+ 130 %), du groupe Lagardère (+ 70 %), ou de France Culture (+ 110 %)

2 - Des moyens importants

Le budget de France Inter est le premier des antennes nationales.

Budget de France Inter en millions d’euros

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

La masse salariale de France Inter (CDI et CDD) a augmenté de 47 % de 2004 à 2013 et de 33 % entre les années 2006 et 2010, sous l’effet des intégrations et des mesures catégorielles non spécifiques à France Inter concernant les journalistes. De 2006 à 2010, la masse salariale des CDI et CDD a augmenté de 5,8 M€, tandis que la masse des cachets et piges n’a baissé que de 1,9 M€. En effet, les cachets ont diminué fortement entre 2007 et 2008 sous l’effet des titularisations des « metteurs en onde », devenus « chargés de réalisation » ; par la suite, les cachets ont augmenté à nouveau pour atteindre 9,1 M€ en 2013 ; en 2013, le volume de travail des cachetiers et pigistes à France Inter représente 105 ETP. Les piges des journalistes (475 000 € en 2013) ont augmenté de 20 % depuis 2009, mais restent de faible montant.

3 - Les effectifs

Les effectifs de France Inter s’élèvent en 2013 à 301 ETP, à comparer aux 171 ETP de France Info et aux 127 de France Culture :

Effectifs de France Inter (ETP)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

L’augmentation de 50 CDI entre 2004 et 2013 s’explique notamment par l’embauche de 20 journalistes et les 20 intégrations de « metteurs en onde ». S’agissant des CDD, un pic est atteint en 2009 avec 48 ETP. En 2013, le nombre de CDD a baissé à 39 CDD. Les CDD de chargés de réalisation (7) et d’attachés de production (20) sont restés quasiment constants, en raison notamment des remplacements systématiques pour cause de congés.

Environ la moitié des 115 attachés de production de Radio France travaillent à France Inter. Au total, les « besoins » de la grille de France Inter sont évaluées à 59 ETP d’attachés de production, soit plus que les effectifs d’attachés de production de France Inter en CDI (49 ETP). Une gestion complexe des absences et des remplacements s’est mise en place qui a abouti au recrutement à France Inter de 20 CDD d’attachés de production en 2013. Au total, 20 % de la grille est assuré par des attachés de production en CDD. Cette situation illustre la nécessité de revoir les modes de production. Les chargés de réalisation (33 CDI et 7 CDD) sont gérés par le délégué aux moyens de production et à l’antenne. En règle générale, il est prévu d’affecter un chargé de réalisation à temps plein pour une émission quotidienne. Cette charge de travail devrait être examinée par Radio France dans le cadre de la réforme des modes de production.

Avec 41,6 ETP en 2013 (contre 45,2 ETP en 2007), les effectifs de techniciens affectés à France Inter sont d’un niveau inexpliqué, lorsqu’on les compare à ceux de France Info (19 ETP CDI en 2012), France Culture (14 CDI), France Musique (11) et même au « bureau des renforts » de la DGATTN (35,5). France Inter a en effet conservé le recours au « binôme » de techniciens en toutes circonstances (pratique datant de l’époque où il fallait résoudre rapidement un problème de bande magnétique). L’entreprise a indiqué que cette pratique des binômes devrait disparaître à l’automne 2014. Cette situation qui perdure tient aussi à la capacité de cette équipe de techniciens à paralyser la 1ère antenne de Radio France, comme la grève de janvier 2013 l’a montré, de même que la longue série de préavis de grève constatée depuis 2004. Compte tenu du montant de la masse salariale en cause (2,92 M€ en 2013), des marges d’économie existent si les effectifs affectés à France Inter étaient ramenés à un niveau comparable à celui d’autres antennes.

En outre, malgré un effectif permanent de 300 personnes, le personnel « concepteur » de la grille est en fait réduit. L’information, gérée par la rédaction, représente 25 % du volume de diffusion (hors rediffusions), la musique, gérée par le directeur de la musique de France Inter, 20 %. Pour le reste (55 % du temps d’antenne), en dehors du directeur et du directeur adjoint, aucun cadre ne supervise la production des programmes. La direction de l’antenne intervient donc essentiellement dans la confection des grilles de programme mais ses capacités en termes de pilotage sont très limitées. Une réflexion sur des changements d’organisation et de fonctionnement devrait pourtant figurer dans la « feuille de route » de la nouvelle direction.

4 - Le coût de grille : une notion à créer

France Inter est la station dont le coût de production est le plus élevé, sur la base des « coûts directement affectés aux programmes » et du nombre d’heures produites et diffusées.

Coût de l’heure produite et diffusée (en €)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

France Inter cumule des postes de dépenses élevés, malgré une place limitée pour les fictions et les documentaires : un effectif de journalistes important, un mode de production complexe, des cachets élevés dus au recrutement de têtes d’affiche. La Cour a constaté que l’évaluation du coût complet par émission était inexistante à France Inter. Si les coûts directs (cachets, frais de mission, locations) sont connus, ni le coût de ses personnels en CDI affectés à des programmes (attachés de production, chargés de réalisation, journalistes), ni les prestations internes réalisées dans d’autres directions ne le sont. Pour ces prestations, les responsables de la gestion budgétaire connaissent approximativement la « quantité » consommée : nombre de jours de car-régie, heures de studio de montage. L’établissement d’un coût de grille « complet » est urgent.

Annexe n° 8 : France Info, du succès à la crise

À sa création, France Info, première radio d'information en continu en France, a constitué une révolution. La station a connu des succès avec des taux d’audience de plus de 11 % au début des années 2000, dépassant France Inter en 2001. Les audiences de France Info ont ensuite baissé pendant 10 ans, faisant de ce sujet un enjeu central pour Radio France.

1 - La crise de l’audience :

France Info se trouve en dessous de la cible du COM en 2013, atteignant un point bas à 7,9 % de septembre 2013 à juin 2014.

Audience de France Info (2006-2013) en %

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Les causes de cette détérioration sont analysées diversement au sein de Radio France. De nouveaux médias concurrencent France Info sur le terrain de l’« information chaude » : chaînes de télévision d’information en continu gratuites, informations sur Internet, réseaux sociaux. À cette explication structurelle s’ajoutent des explications plus spécifiques à France Info et à sa ligne éditoriale. La nouvelle direction estime que France Info doit retrouver sa « promesse d’origine » et être présente sur l’information très immédiate. Les succès d’autres radios d’information en continu tendent à prouver l’existence de difficultés propres à France Info. Il faut par ailleurs souligner que l’auditeur de France Info est différent de l’auditeur type de Radio France : plus jeune (53 ans au lieu de 57 ans), nettement plus masculin (surreprésentation masculine à 125, contre 106 pour Radio France), plus actif (108 contre 93 pour Radio France) et plus concentré sur les CSP+ (158 contre 126). Ce profil explique probablement pourquoi la concurrence de certaines radios privées joue fortement, confortant les tenants d’un « retour aux sources » pour faire revenir ces auditeurs-type. En Ile-de-France, BFM business obtient une audience de 1,8 % entre juin 2013 et juin 2014 contre 1,6 % l’année précédente alors que dans le même temps, France Info passe de 9,8 % à 9,3 %.

2 - Les moyens de l’antenne

France Info a l’image d’une radio au train de vie modeste, ce que confirme le coût de l’heure produite qui, en 2013, ne représente que 40 % du montant de celle de France Inter (2 922 € contre 7 074). France Info a un mode de production simple, nécessitant peu de moyens techniques : pas de chargés de réalisation, moins de 10 attachés de production, 19 techniciens d’antenne contre 40 à France Inter.

Budget de fonctionnement de France Info 2004-2013 (en millions d’€)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Le budget démontre globalement une bonne maîtrise des coûts, à l’exception du poste des piges et des cachets qui augmente significativement entre 2009 et 2013. Ceci traduit le choix de faire intervenir de nombreux chroniqueurs et intervenants extérieurs, évolution corrigée à partir de l’automne 2014.

Effectifs de France Info (2004-2013) en ETP

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

En termes d’effectifs, France Info est composé en 2013 à 80 % de journalistes. L’effectif total de l’antenne78 a connu une forte augmentation sur la période étudiée : entre 2004 et 2013, 35 ETP CDI de plus (+ 31 %), dont 27 journalistes. Cette hausse résulte également de la politique d’intégration des personnels précaires (en 2009, 5 journalistes ont été embauchés par intégration de CDD) et par la conversion du budget de piges en embauche de CDI. La hausse du nombre de CDD a repris à partir de 2010 pour atteindre un niveau supérieur à celui de 2007, phénomène observé ailleurs dans l’entreprise

3 - Le numérique : d’une menace extérieure à l’instrument de la reconquête ?

France Info a été la première radio européenne à posséder un site web, inauguré en 1996 mais l’élan initial semble s’être essoufflé. Ce n’est qu’avec la relance du numérique à Radio France en 2011 que la stratégie numérique devient centrale à France Info. Les effectifs de la rédaction multimédia de France Info (créée en 2007 avec 7 salariés) ont été renforcés. Début 2014, la rédaction multimédia de France Info comprend 21 personnes, dont 15 journalistes. Le site, devenu franceinfo.fr, a été enrichi et modernisé. La présence a été renforcée sur les nouveaux médias et les réseaux sociaux. En septembre 2013, France Info s’est lancé dans la « radio visuelle ». Chaque jour, certains moments de l’antenne sont filmés et proposées sur le site (6 à 10 par jour). Les résultats d’audience sont modestes pour les podcasts, France Info étant mal adapté à ce mode de consommation. Les visites du site ont connu en revanche une évolution de + 51,5 % en 2013, plus que la totalité de Radio France (+ 26 %). France Info représente environ un tiers des visiteurs uniques (1,1 million par mois sur 3,3 pour l’ensemble du groupe en 2013).

On peut néanmoins s’interroger sur la présence de deux rédactions, la rédaction classique et la rédaction web, l’une composée de 96 personnes et l’autre de 15 journalistes. Dans ce schéma, l’articulation entre les deux rédactions ne semble pas évidente : ces deux équipes apparaissent comme un démenti au mot d’ordre « tous contributeurs sur le net », avec le risque d’une rédaction multimédia déconnectée de la rédaction classique. Plus que dans d’autres antennes, la stratégie de France Info suppose une présence active, en concurrence avec le site d’autres radios mais aussi avec ceux de la presse écrite. C’est dans la stratégie numérique que réside probablement l’une des clés de l’avenir de France Info. Parce qu’elle produit de l’information immédiate, France Info serait au cœur de la création d’une rédaction unique bi-média. Si la crise d’audience de France Info se poursuivait, la question du maintien des effectifs de l’antenne se poserait et la nécessité d’une profonde réorganisation des rédactions deviendrait une nécessité.

Annexe n° 9 : France Culture, des succès d’audience, un coût de production élevé

1 - Des audiences en hausse, une ligne éditoriale rénovée

À partir de 2009, les audiences de France Culture ont augmenté de façon continue avec, en mars 2014, un record, à 2,1 % d’audience, soit 1 093 000 auditeurs quotidiens en semaine.

Audience cumulée sur un jour moyen (en %)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Comme dans les autres radios, les journaux d’information constituent les pics d’audience. Leur développement est une tendance amorcée sous la direction de Laure Adler : en 1995, l’information représentait 400 heures par an et 580 heures en 2013.

L’antenne enregistre aussi de très bons résultats sur Internet. En 2013, en nombre mensuel de téléchargements, France Culture est la 2e radio en France (4 458 000 téléchargements), derrière Europe 1 (6 789 000) mais devant France Inter (4 220 000) et RTL (4 013 000). Ces résultats sont en augmentation rapide : + 60 % de 2009 à 2012 car les programmes de France Culture sont adaptés à une écoute en différé. Les chiffres pour les visiteurs uniques sont plus modestes (583 000 visiteurs par mois en 2013, contre 967 000 de France Inter et 1,1 million de France Info). Sur ce mode de consommation qui privilégie l’actualité, l’avantage de France Culture joue moins.

La stratégie numérique a été complétée par la création de sites spécialisés : « France Culture Plus », à destination des étudiants, en novembre 2012 et un site consacré aux fictions en juillet 2013. France Culture envisage aussi, en 2015, le lancement d’un portail « France Culture Monde », à destination du Maghreb et de l’Afrique francophone. Elle a su décliner sa marque au travers de divers canaux : les réseaux sociaux, la presse écrite avec « France Culture Papiers », « L’année vue par… », organisée dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, des partenariats avec des festivals.

Portée par des directeurs créatifs, France Culture a développé de nombreuses innovations. Paradoxalement, c’est l’antenne qui véhicule la culture la plus classique qui a su le mieux prendre le virage numérique. La différenciation entre France Culture et France Inter est toutefois subtile. Le risque de confusion des lignes éditoriales est une menace. Entretenir une concurrence interne conduirait à une mauvaise allocation des moyens. 

2 - Un modèle de production coûteux

Dépenses de France Culture (en milliers d’euros)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Les charges de personnel (CDI et CDD) sont en forte augmentation entre 2004 et 2013 : + 55 %, contre + 27 % pour Radio France. Cette situation contraste avec une hausse beaucoup plus faible des effectifs : +12 ETP de 2007 à 2013 (+ 10 %). Sur cette période, la masse salariale de France Culture a cru de 39 % (15 % pour le total du groupe). Cette situation résulte de deux facteurs : des augmentations du personnel en place, des remplacements par des personnels mieux rémunérés.

Effectifs totaux de France Culture

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

La croissance du nombre de salariés en CDI concerne surtout les journalistes en CDI (qui passent de 24 à 34 ETP de 2004 à 2013, soit + 40 %), traduisant l’importance donnée à l’information.

Effectifs au 31 décembre 2013

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Ce tableau montre l’importance des effectifs des attachés de production, la taille de la rédaction pour une antenne dont l’information n’est pas la mission première et l’importance des fonctions centrales.

3 - L’importance de l’intermittence

France Culture est la première antenne en termes de cachets versés à des intermittents (26 % du total de Radio France en 2012). Les versements (12,2 M€ en 2013) sont significatifs et stables. Sur la base d’une durée de travail annuelle de 225 jours, les intermittents représentent à France Culture l’équivalent du volume de travail de 168 ETP. En 2013, 49,5 % des cachets (6 M€) concernent 350 producteurs délégués personnes dont 80 pour des montants annuels supérieurs à 12 000 €. 12 % (1,4 M€) concernent les collaborateurs des fictions (réalisateurs radio, artiste dramatique, artiste bruiteur), 15 % (1,85 M€) les collaborateurs spécialisés d’émission, 12 % (1,45 M€) les conseillers de programme et de producteur coordinateur délégué, les conseillers de programmes occupant des fonctions permanentes dont les titulaires sont en poste depuis plusieurs années. Ce dernier exemple illustre l’ambiguïté du recours au CDDU dans l’entreprise.

Cachets et piges à France Culture (en M€ et en « services »)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

4 - Les prestations techniques

Les prestations techniques extérieures représentent 36 % du budget de la station, (15,8 M€ en 2013). Ceci traduit la complexité des émissions produites. Un plafond annuel est fixé à France Culture pour ses droits de tirage sur les directions techniques. Pour autant, leur calcul échappe à la direction de l’antenne. C’est d’abord le chargé de réalisation (relevant de la Direction des personnels de production) qui établit le nombre des prestations nécessaires à un programme. La détermination de ces heures dépend de la disponibilité d’infrastructures (studios, cabines de montage), réservées par tranche horaire dépassant souvent le temps de la prestation. Le rythme de travail et les congés des chargés de réalisation et des techniciens échappent aussi à France Culture. La direction de l’antenne souhaite de longue date réintégrer dans son personnel les chargés de réalisation qui travaillent pour l’antenne, ce qui simplifierait sa gestion et celle de France Musique. Les raisons pour lesquelles cette décision n’a pas été prise ne sont pas apparues à la Cour.

5 - Les fictions radiophoniques

France Culture diffuse des fictions sur plusieurs créneaux, de faible audience, à l’exception de celui du matin.

Audience des fictions de France Culture

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Le coût des fictions s’élève en 2013 à 5 M€ pour 250 heures. Elles sont le type de programme le plus coûteux de Radio France. Selon la pertinence des choix, le genre des fictions peut constituer soit le conservatoire d’un genre désuet, soit l’occasion de développer de nouveaux produits culturels. Le succès de la fiction adaptée de Millenium 2 de Stieg Larsson a montré qu’une rénovation était possible. D’autres radios publiques (BBC, Radio Canada, DR) continuent à proposer des fictions tout en rénovant le genre.

Le recours aux artistes dramatiques par France Culture est en légère diminution depuis 2007 (de 9203 services à 7029). Ce chiffre est examiné avec attention par les syndicats d’intermittents. Pour les prestations techniques, le régime de production des fictions prévoit qu’un « réalisateur de fiction radiophonique » (cachetier, qui figure sur une liste de 13 réalisateurs agréés) est accompagné par un assistant de réalisation (CDI de la direction des personnels de production). S’agissant d’une production très élaborée, les coûts d’enregistrement et de post-production sont très importants. Outre la conseillère de programme des fictions, cachetière bien qu’elle occupe cette fonction depuis 2004, le service des fictions emploie 7 CDI et 1 CDD. L’appréciation du coût global des fictions doit intégrer ces coûts de structure. Compte tenu de la professionnalisation de cette activité à France Culture, la subsistance d’un autre mode de gestion à France Inter, pour 100 heures en 2013, semble superflue.

6 - Vers un pilotage par le coût de grille

Avec France Inter, France Culture est la station dont le coût de production est le plus élevé. Le coût de l’heure produite s’élève en 2013 à 6125 €. Les fictions coûtent particulièrement cher (20 000 €/heure). Sur les 15,1 M€ de coûts des magazines et documentaires, 63 % (9,6 M€) concernent en 2013 16 programmes. La comptabilité ne permet pas d’identifier le coût d’une émission diffusée. Ainsi, les documentaires ou les fictions, produits dans l’année puis stockés, ne sont pas recensés par le système comptable. Il serait toutefois possible de retracer manuellement le coût par émission. Cette analyse serait utile pour mettre en regard les résultats d’audience et la créativité des programmes.

Au total, le bilan des dix dernières années de France Culture est positif : il illustre les capacités de renouvellement d’un service public à forte identité. Compte tenu des enjeux financiers, il reste à France Culture à utiliser des outils de gestion budgétaire qui répondent à la complexité de ses programmes et d’être en mesure de connaître le coût de chacun d’entre eux. Cela permettra de contenir les coûts de production et d’opérer des choix en connaissance de cause.

Annexe n° 10 : France Musique, une organisation et un positionnement à revoir

La musique classique représente environ 80 % de la programmation de France Musique, qui se caractérise aussi par le nombre de retransmissions en direct ou en différé : 750 concerts par an dont 200 produits par Radio France, 400 enregistrés en France, dont les deux tiers à Paris et un tiers en province, le reste dans le cadre d’échanges au sein de l’Union européenne de radio-télévision (UER).

1 - Un auditoire en baisse et âgé

France Musique comptait 700 000 auditeurs entre septembre 2013 et juin 2014. Le point le plus bas, atteint en 2009-2010, représentait environ 600 000 auditeurs. Le tableau montre une érosion entre 2002 et 2011 puis une remontée. L'année 2014 voit pourtant l’audience baisser à nouveau. Pour la période de septembre 2013 à juin 2014, elle recule à 1,4 % d’audience cumulée et le temps d’écoute n’est plus que de 93 minutes. Le deuxième problème est celui de l’âge médian des auditeurs : 68 ans. Le rajeunissement des auditeurs est donc aussi essentiel que la remontée de l’audience.

Audience cumulée et temps d’écoute (sept. 2002-juin 2013)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

2 - La concurrence de Radio Classique et le positionnement de France Musique

Concurrent puissant de France Musique, Radio Classique allie des plages d’information à des émissions musicales dont, le soir, des retransmissions. Sa programmation diffuse peu d’œuvres complètes ou réputées difficiles. Radio Classique privilégie aussi l’information économique. La formule rencontre un succès certain : alors qu’elle ne possède que 83 émetteurs contre 503 pour France Musique, Radio Classique réalise 2,1 % en audience cumulée et compte 1,1 million d’auditeurs par jour, sur la période de septembre 2013 à juin 2014. La durée moyenne d’écoute est de 121 minutes. Alors que la radio comptait 557 000 auditeurs en 2003, elle en compte 1 134 000 en 2014, soit plus du double. En Île-de-France, l’écart avec France Musique est encore accentué, alors que, cette fois, les deux radios sont à armes égales en termes de fréquence. France Musique obtient 1,2 % de l’audience entre septembre 2013 et juin 2014 contre 1,9 % l’année précédente. Radio Classique atteint, quant à elle, 3,7 % contre 3,5 % l’année précédente. Cette concurrence constitue un aiguillon pour France Musique, même si les deux modèles ne sont pas totalement comparables. Pour le service public, il s’agit à la fois de trouver une formule qui fidélise des auditeurs plus nombreux et plus jeunes tout en poursuivant la diffusion d’œuvres intégrales, l’analyse des morceaux diffusés et la retransmission de nombreux concerts.

3 - L’organisation de France Musique et la place des producteurs

En 2013, aux 45 ETP en CDI et 5 ETP de France Musique s’ajoutent 46 producteurs. L’organisation de l’antenne se caractérise par leur relation directe avec le directeur de la radio. Aucune structure n’est en charge de la conception générale de la grille. La totalité de la grille de France Musique est réalisée par des salariés en CDDU. Cette organisation pose la question de la maîtrise de la direction sur l’organisation de la radio et sur le contenu des programmes.

Les producteurs sont recrutés sur des contrats à durée déterminée d’usage constant (CDDU) et rémunérés au cachet. Le nombre de producteurs a diminué depuis 2008 : ils étaient 99, ils sont 57 en 2013. Il n’existe pas de grille de rémunération. La négociation est effectuée de gré à gré. Seul le visa du contrôleur financier est nécessaire, quand le cachet dépasse 7 000 € par mois. La masse salariale des producteurs a augmenté de 25,6 % entre 2004 et 2013, pour atteindre 3,67 M€ en 2013. Dans le principe, cette situation devrait donner de la souplesse puisque les contrats sont établis pour la saison ou pour la grille d’été. Dans les faits, leur renouvellement assez systématique en réduit l’intérêt. Sur les 45 producteurs de la grille 2012-2013, 23 producteurs étaient présents en 2004, parfois avec les mêmes émissions ; 40 sont sous contrat de grille depuis plus de cinq ans.

4 - Le budget de France Musique

France Musique représente en 2013 une dépense de 18, 2 M€, en augmentation de 7,9 % par rapport à 2004 (16,9 M€). Cette augmentation est nettement moins rapide que celle du budget de Radio France sur la même période (+ 19,6 %). Sur les 5,3 M€ de frais de fonctionnement, les cachets et les piges représentent 3,9 M€ en 2013.

Annexe n° 11 : FIP, un modèle fragile

Depuis l’origine, le concept de FIP repose sur un programme musical, composé de différents styles, entrecoupé d’annonces de manifestations culturelles et de courts journaux d’information.

1 - Un format original à la place incertaine

FIP diffuse un programme qui se démarque par le ton de la station et par des programmations où le jazz occupe une place particulière. Le « modèle FIP », singulier, bénéficie d’un fort attachement de ses auditeurs. FIP a connu dans les années 70 un développement qui l’a conduit à compter treize stations. La direction de Radio France a ensuite souhaité fusionner certaines stations FIP avec les radios locales. Les stations de Metz, Lille, Marseille, Nice et Lyon ont été fermées en 2000, à la création du réseau France Bleu.

L’organisation actuelle est le résultat d’une réforme inaboutie. Outre la station nationale, FIP a conservé des stations à Nantes, Bordeaux et Strasbourg. Même si FIP consomme peu de ressources au regard de ses résultats, le maintien de ces stations se justifie difficilement : 17 personnes restent affectées à l’activité en région, soit près du tiers de l’effectif total. FIP dispose de dix émetteurs en FM qui couvrent 17,8 millions d’habitants. En 2004, la couverture FM comportait cinq émetteurs, à Paris, Nantes, SaintNazaire, Bordeaux et Strasbourg. En 2007, les émetteurs de Montpellier puis Arcachon, Marseille et Rennes ont été ouverts. Le dernier émetteur, à Toulouse a été ouvert en 2008. L’évolution de la couverture a donc été limitée. FIP atteint d’assez bons taux d’audience parmi les radios locales. Cependant, pour les stations de province, les effectifs d’auditeurs restent modestes et conduisent aussi à s’interroger sur l’intérêt de maintenir ces stations.

De septembre 2013 à juin 2014, les audiences de FIP restent bien orientées. Dans l’agglomération parisienne, l’antenne atteint 2,5 %, à Nantes 4,7 %, à Bordeaux 3,4 % et à Strasbourg 4,8 %.

Mesures d’audience de FIP

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

2 - Les moyens de FIP

La station est de taille modeste. Outre les fonctions rattachées à la direction (communication, web, gestion), FIP compte six programmateurs, quatre chargés de réalisation et vingt-cinq animatrices (dix à Paris et quinze en régions). Les effectifs CDI affectés à FIP sont restés relativement stables depuis 2009 avec 38 ETP en 2013 dont 3 en CDD. Aux effectifs en CDI s’ajoutent, en avril 2014, 10 animatrices de FIP Paris et deux rédacteurs rémunérés au cachet. Malgré cette stabilité des effectifs depuis 2008, la masse salariale augmente de 11,2 % sur la même période, passant de 2, 42 M€ à 2, 69 M€ et semble donc assez mal maîtrisée, avec des variations qui peuvent être importantes (+ 5,4 % entre 2008 et 2009 et + 4,5 % entre 2012 et 2013).

Le budget de fonctionnement a diminué de 17,3 % sur la période 2004-2013. À l’exception de 2011 où un budget non reconductible a été attribué dans le cadre des 40 ans de FIP, la dépense est stable depuis 2009 et en baisse depuis 2011. L’essentiel du budget est consommé par les cachets des personnels d’animation et des deux rédacteurs (0,74 M€ en 2013 sur 0,81 M€). Le budget de FIP représente moins de 2 % du budget du groupe, mais en coûts directement affectés aux programmes, la dépense a connu entre 2004 et 2010 une augmentation de 47 %, de 3,7 M€ à 5,5 M€. Les stations locales maintenues à Nantes, Bordeaux et Strasbourg représentent un coût global de près d’un million d’euros par an.

Comme France Musique, FIP est confrontée à la nécessité d’une définition de la ligne éditoriale de Radio France en matière musicale. FIP dispose d’une personnalité forte mais elle est fragilisée par la concurrence avec les radios musicales privées et par la diversification des programmes musicaux de France Inter et de France Musique. Plus que pour les autres radios du groupe, la diffusion par internet, en lien avec RF 8, peut-être aussi par la radio numérique terrestre (RNT) constitue une solution alternative qui mérite attention.

Annexe n° 12 : Le Mouv’, une décision à prendre

Héritière de Radio 7, le Mouv’ est créé en 1997 et installé à Toulouse. Au défi posé par le vieillissement de l’audience, Radio France répond par une radio pour le jeune public, essentiellement musicale. En 2013, la moyenne d’âge des 300 000 auditeurs du Mouv’ était de 34 ans, pour une radio destinée aux 20-35 ans. Au contraire de BBC Radio 1, troisième radio du Royaume-Uni, le succès n’est donc pas au rendez-vous. L’audience n’a cessé de vieillir depuis 1997. France Inter et France Info sont davantage écoutés par les 18-34 ans que le Mouv’, respectivement 501 000 et 488 000 auditeurs de cette tranche d’âge cumulés de janvier à décembre 2013.

1 - Des résultats d’audience en baisse constante

Audience cumulée en pénétration (%) du Mouv’

[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Du lancement à l’année 2000, l’audience s’établit autour de 0,5 % ; en 2004, elle franchit 1 % ; cette place est perdue en 2008 pour baisser jusqu’à un taux de 0,4 % en moyenne annuelle. Au total, la période faste d’une audience au-delà de 1 % n’aura duré que cinq ans, sur dix-sept ans d’existence. Or le COM 2010-2014 fixait un objectif de 1,5 %, plus de trois fois supérieur au résultat obtenu à la fin 2013. Après 2010, le Mouv’ rassemble moins de 300 000 auditeurs cumulés. Seul point positif, la baisse s’est arrêtée depuis 2012-2013. Le COM 2010-2014 prévoyait également un point d’étape à mi-parcours, ce qui n’a pas été fait.

2 - La couverture du Mouv’ s’est notablement améliorée

Cette audience en berne n’est pas la conséquence d’une mauvaise couverture territoriale. Certes, la diffusion est urbaine, de nombreuses zones ne sont pas couvertes et les réseaux routiers ne sont pas suivis, mais des efforts considérables ont été consentis pour améliorer la couverture du Mouv’, particulièrement dans les villes universitaires, rassemblant des auditeurs potentiels. Début 2014, 31 émetteurs diffusent le Mouv’. La population couverte représente environ 26 millions de personnes, soit 40 % du total de la population française. En 2004, Le Mouv’ couvrait 31 % du territoire et environ 19 millions de personnes avec 16 émetteurs.

3 - Des moyens en hausse constante

Face à cette chute d’audience, les fréquents changements de stratégie et l’accent mis par les PDG successifs sur le Mouv’ semblent avoir eu comme seul effet d’augmenter les coûts de la radio. Les moyens financiers du Mouv’ (8,7 M€ en 2013) ne représentent qu’une faible part de ceux de Radio France mais ils sont aussi à comparer avec le budget des radios musicales indépendantes. Dans le domaine de la musique rock, d’après les déclarations à la presse de son président, le budget de Ouï FM est ainsi estimé à 3,9 M€. Sur dix ans, le budget consacré au Mouv’ représente 61,4 M€. Le budget annuel a doublé entre 2004 et 2013. L’année 2011 marque le début d’une forte inflation des crédits du Mouv’. En coûts directs, entre 2010 et 2013, ils passent de 6,2 M€ à 8,7 M€, soit une augmentation de 40,3 %. Les frais de personnel ont augmenté régulièrement pour passer de 2,1 M€ en 2004 à 2,7 M€ en 2013, soit 28,6 % en dix ans. Le nombre d’ETP a augmenté d’un quart dans la même période. Les prestations techniques ont doublé entre 2004 et 2005, doublé à nouveau entre 2008 et 2009, encore augmenté de près de 30 % entre 2010 et 2013, ce qui correspond à la moindre part faite à la musique dans la grille mais aussi à une augmentation des coûts techniques dont l’explication n’est pas claire. Les cachets représentent la part éminente du budget de fonctionnement. Contrairement au budget de l’antenne, ils augmentent encore en 2013. Ils ont presque doublé entre 2010 et 2011, ce qui correspond à la baisse de la part de la musique dans la programmation de l’antenne.

Depuis 2008, l’effectif du Mouv’ se situe autour de 40 ETP, dont 9 journalistes. Leur rédaction pourrait être mutualisée avec celles des autres antennes. L’effectif du Mouv’ est appuyé par l’équipe des techniciens affectés au Mouv’, qui relèvent de la DGATTN. Au total, plus de 50 ETP sont donc nécessaires au fonctionnement de la chaîne.

4 - Une décision à prendre

L’audience numérique du Mouv’ constitue le seul bon résultat de l’antenne. Entre 2011 et début 2014, le nombre de visites mensuelles du site est passé de 260 000 à 820 000. Entre 2011 et 2012, le nombre de téléchargements de podcasts quadruple, atteignant quatre millions. Ces bons résultats sont à comparer avec ceux de l’audience hertzienne. Force est de constater que la croissance du numérique n’emporte pas celle de la radio. Cela constitue un argument en faveur d’un passage du Mouv’ d’une diffusion hertzienne à une diffusion numérique sous la forme d’une webradio ou d’un bouquet de webradios. Car les difficultés du Mouv’, le coût de cette antenne, les changements fréquents de stratégie nécessitent une décision sur son avenir, à l’heure où la nécessité numérique va susciter des besoins d’investissement importants. La question du public jeune ou du jeune public est de toute façon trop large pour être portée par cette seule antenne. Avec ou sans le Mouv’, Radio France doit s’adresser au jeune public. La transformation du Mouv’ en webradio, en lien avec les développements de RF8 et peut-être ceux de FIP, est une issue possible. C’est la voie qui a par exemple été suivie par Radio Canada pour sa radio équivalente.

Annexe n° 13 : le réseau France Bleu

France Bleu mobilise le tiers des effectifs de Radio France et un budget en coûts complets de 224 M€. Généraliste, il vise un public large et a pour mission de diffuser une information et des services de proximité.

Le réseau comptait, à sa création, 38 stations. Le « plan bleu » de M. Jean-Marie Cavada en prévoyait 54. Il en compte aujourd’hui 44. Trois stations ont été créées pendant les dix dernières années : France Bleu Maine en 2010, Toulouse en 2012 et Saint-Etienne Loire en 2013. L’objectif fixé par les pouvoirs publics était de constituer un réseau doté d’une identité forte à partir d’un ensemble disparate. Cet objectif n’est que partiellement atteint.

1 - Une évolution positive de l’audience sur la période contrôlée

Le nombre d’auditeurs de Radio Bleu a été stable entre 2004 et 2009, puis a crû de 17 % entre 2009 et 2013 (de 3 420 000 à 4 011 000 auditeurs). La durée d’écoute est passée de 124 minutes à 130 minutes.

Audience cumulée (bleu) et part d’audience (rouge)

[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

2 - Une couverture imparfaite du territoire

L’article 44 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée prévoit que Radio France « est chargée de concevoir et de programmer des émissions de radio à caractère national et local, destinées à être diffusées sur tout ou partie du territoire ». Il n’existe donc pas d’obligation de couvrir tout le territoire.

Couverture territoriale de France Bleu (mars 2014)

[Carte à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Peu d’évolutions de la couverture sont intervenues entre 2004 et 2014, à l’exception de l’ouverture des stations de Toulouse, du Mans et de Saint-Etienne. D’importantes zones blanches demeurent, notamment dans le Sud-Ouest. Jusqu’en 2011, Toulouse n’était pas desservie. Malgré la création de France Bleu Loire, l’agglomération lyonnaise ne l’est toujours pas.

L’objectif d’extension du nombre de stations locales dans le COM 2010-2014 se heurte à l’obtention de nouvelles fréquences (voir annexe n° 6). Paradoxalement, il n’existe ni de « carte cible » des stations locales ni de stratégie claire de déploiement du réseau. Radio France assure simplement un suivi des fréquences qui se libèrent, pour déterminer si leur préemption est demandée.

3 - Une organisation à simplifier

L’organisation de France Bleu a été formalisée en novembre 2006. Une direction nationale, dont le rôle devrait être mieux affirmé, pilote le réseau, produit les émissions nationales, dialogue avec les antennes et la direction générale déléguée.

Les stations de France Bleu sont regroupées en sept délégations régionales. Les délégués représentent le PDG, contribuent à la ligne éditoriale et dirigent la station locale située sur le site de la délégation. L’étendue de leurs zones de compétence conduit à s’interroger sur leur capacité à concilier leurs différentes fonctions. L’absence de définition d’objectifs contribue à rendre celles-ci imprécises. Une certaine ambiguïté existe aussi sur les liens hiérarchiques au sein du réseau. Ainsi, les délégués régionaux sont nommés par le président de Radio France. Dans cette procédure, il n’est pas fait mention du directeur du réseau, ce qui ne contribue pas à asseoir son autorité. Il serait logique qu’il dispose du pouvoir hiérarchique sur tous les personnels de France Bleu, notamment du pouvoir de nomination.

La structure du réseau visait à répondre à des principes simples : des stations locales, une direction nationale pour la cohérence éditoriale et des délégations régionales qui évitent une organisation horizontale difficilement pilotable. Cette organisation n’est qu’imparfaitement mise en place. Le réseau est aussi le résultat de situations locales qui demandent à être évaluées. Deux cas illustrent cette situation : les 28 « reporters en résidence » qui couvrent certaines régions ; les 5 stations « micro-locales » d’Évreux, du Havre, de la Roche-sur-Yon, de Toulon et de Tulle (23,5 ETP au total).

4 - Un dispositif insuffisant d’évaluation et d’optimisation des ressources

La répartition des moyens entre les stations de France Bleu est inégalitaire, cette disparité traduisant une grande difficulté à allouer les ressources en fonction des besoins et une capacité de pilotage insuffisante. La faiblesse du processus d’audit des stations (deux stations auditées à ce jour), les lacunes de la comptabilité analytique et l’absence d’un contrôle de gestion réel concourent à constater l’inexistence d’un dispositif formel de pilotage et d’évaluation du réseau France Bleu. Les indicateurs suivants démontrent l’existence de ces disparités.

Indicateurs illustratifs de disparités injustifiées

Le rapprochement de la population couverte et des effectifs de la station : l’écart le plus important se situe entre la Corse (1 ETP pour 6 847 habitants) et l’Île-de-France (1 ETP pour 368 000) Si on exclut ces deux extrêmes, l’écart reste de 1 à 10.

Le rapprochement de la population couverte et du nombre de journalistes de la station : cet indicateur a été mesuré dans les délégations régionales Grand Ouest et Méditerranée. FB Frequenza Mora compte 1 pour 20 000 habitants et FB Maine 1 journaliste pour 64 000 habitants quand FB Armorique en affiche 1 pour 252 000, et FB Provence 1 pour 308 000. Les zones à forte densité sont moins bien dotées que les zones rurales.

Le rapprochement des effectifs « directement opérationnels » et du temps de programme local : dans ces délégations, le ratio a été calculé en rapportant le nombre d’heures de programmes produites localement et les effectifs CDI « directement opérationnels », journalistes, animateurs et techniciens. En 2013, on compte à FB Maine 1 personne pour 180 heures de programmes, à FB La Roche-sur-Yon 1 pour 59 heures, pour une moyenne régionale à 152 heures. Ce ratio moyen est de 140,2 pour la région Méditerranée. Les écarts sont importants. En 2013, le ratio était de 115 sur FB Gard-Lozère et de 160 sur FB Roussillon, soit un écart de près de 40 %.

5 - Des moyens humains supérieurs aux besoins des nouvelles stations

Les effectifs de France Bleu, 1 634 ETP en 2013, représentent près du tiers des effectifs de Radio France. De 2004 à 2013, les effectifs permanents (ETP CDI) ont augmenté de 72 ETP.

On peut distinguer deux périodes. De 2004 à 2009, aucune station n’est créée et les effectifs augmentent cependant de 37 ETP. De 2009 à 2013, les effectifs CDI croissent de 35 ETP, tandis que la création des trois nouvelles stations entraîne la création de 63 ETP en CDI.

Au total, sur la période 2004-2013, la croissance des effectifs du réseau aura été supérieure aux créations de postes dans les nouvelles stations (72 ETP contre 63 ETP). Si de nouvelles stations devaient être créées à l’avenir, cette extension devrait s’accomplir par redéploiement au sein du réseau France Bleu.

Les dépenses de personnel constituent le premier poste de dépense de France Bleu. Entre 2004 et 2013, elles passent de 88,7 M€ à 113,2 M€, soit une augmentation de 28 %, supérieure d’un point à l’ensemble de Radio France et de 11 points à l’inflation (+ 17,1 %). Le salaire moyen chargé des personnels en CDI s’établissait à 54 463 € en 2004 et s’élève à 68 571 € en 2013, soit une hausse de 25,9 %.

Annexe n° 14 : effectifs de l’entreprise
Effectif total au 31 décembre (indicateur n° 111 du bilan social)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Annexe n° 15 : évolution de la rémunération moyenne des personnels en place (RMPP)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Annexe n° 16 : différentes données sociales
(jours de congé, travail de nuit)

Nombre de jours de congé

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Nombre de travailleurs de nuit

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Un changement de mode de calcul est intervenu à compter de 2011, en raison d’une jurisprudence de la Cour de cassation. En effet, est considéré à Radio France comme travailleur de nuit, tout travailleur qui, dans la tranche horaire de 21h à 6h, accomplit selon son horaire habituel au minimum 3h au moins deux fois par semaine ou 270h sur 12 mois consécutifs. La décision de la Cour de cassation du 7 mars 2012 a précisé que sont réputées accomplies, au sens de ces textes, toutes les heures comprises dans l'horaire de travail habituel du salarié, y compris celles qui ne correspondraient pas à un travail réellement exécuté du fait d’absences de différentes natures (congés payés, formations, jours fériés et repos accordé pour heures supplémentaires).

Annexe n° 17 : liste des protocoles de fin de grève signés entre 2004 et 2013

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Annexe n° 18 : les grandes dates du chantier

Mars 2003 : avis défavorable de la commission de sécurité de la préfecture de police à la poursuite de l’exploitation du bâtiment ;

Janvier 2004 : remise du schéma directeur de mise en sécurité ;

Octobre 2004 : lancement de l’appel d’offres pour le choix du maître d’œuvre ;

28 juin 2005 : notification du marché de maîtrise d’œuvre ;

Novembre 2005 : refus de l’avant-projet sommaire ;

19 décembre 2008 : autorisation donnée par le conseil d’administration au PDG de signer les marchés de travaux (328 M€ valeur 2008) ;

28 mai 2009 : signature des marchés de travaux ;

16 décembre 2009 : début des travaux de réhabilitation ;

Septembre 2011 : réception des phases 0 et 1 du chantier ;

Fin 2011 : lancement de la phase 2 du chantier ;

Printemps 2012 : lancement d’un audit des travaux à mi-parcours ;

Novembre 2014 : inauguration de l’auditorium.

Annexe n° 19 : les opérations extérieures

La comptabilisation des opérations extérieures (captations de concerts, participations à des festivals, etc.) illustre les insuffisances de la comptabilité analytique de Radio France.

Pour chaque opération, la comptabilité retrace sans difficulté les dépenses extérieures : les frais de déplacement (transport, hôtel), les personnels temporaires (CDD, intérimaires, intermittents) et toutes les dépenses donnant lieu à une facture. Toutefois, les droits de captation et les subventions éventuellement versées ne sont pas recensés. Les prestations internes sont retracées par quantité (x jours de car régie, n heures de techniciens d’antenne) et estimées à un coût standard dont la valorisation est insuffisamment précise (pas de prise en compte de la majoration des heures supplémentaires, taux horaire revalorisé chaque année sur la base de l’évolution de la masse salariale globale, sans tenir compte de l’évolution de la rémunération de la catégorie concernée). Enfin, la comptabilité analytique n’appréhende pas le coût des salariés en CDI participant à une opération : la rémunération des musiciens de Radio France qui participent à un concert ou un festival n’est pas retracée, en dehors de leurs frais de mission.

Dépenses de certaines opérations extérieures en 2013 (en €)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Annexe n° 20 : les comptes de Radio France entre 2004 et 2013

Les comptes annuels de la société Radio France ont fait l’objet d’une certification sans réserve par les commissaires aux comptes sur l’ensemble de la période. Le développement ci-après vise à présenter les principaux agrégats des états financiers. Une analyse du bilan et du compte de résultat est ensuite réalisée dans les parties qui suivent.

La structure du bilan de la société a sensiblement évolué du fait des investissements importants réalisés dans le cadre du programme de réhabilitation de la Maison de la Radio. Au 31 décembre 2013, le montant des actifs immobilisés comptabilisés au titre de ce programme est évalué à 241,8 M€ en valeur brute.

L’ensemble des résultats comptables ont été bénéficiaires sur la période et sont restés supérieurs à 3 M€ depuis 2008, à l’exception de l’exercice 2013 qui affiche un résultat moindre (+ 0,9 M€).

Le chiffre d’affaires augmente de 21,5 % sur la période 2004-2013. La redevance audiovisuelle représente environ 90 % de ce chiffre d’affaires et 86 % des produits d’exploitation. Les dépenses d’exploitation s’accroissent dans les mêmes proportions sur la période 2004-2013 (+ 23 %). Les charges de personnel représentent une part prépondérante de celles-ci (57 % du total) tandis que l’on note l’impact progressif du coût de la réhabilitation en résultat au travers de la hausse des dotations aux amortissements, des indemnités versées aux prestataires du projet et des coûts de location.

Sur la seule période 2009-2013, on note que les produits d’exploitation ont augmenté de 55,1 M€ (+ 9 %) tandis que les charges d’exploitation progressent, elles, de 63,3 M€ (+ 10,4 %).

Du fait de l’importance en valeur de la redevance audiovisuelle et de son évolution croissante depuis 2004, Radio France bénéficie d’une trésorerie positive sur l’ensemble de la période, trésorerie qu’elle place sur des produits peu rémunérateurs. On notera toutefois une dégradation de la trésorerie depuis 2009, à la suite du lancement des travaux de réhabilitation, dégradation qui s’est accélérée en 2013 (- 38 M€ par rapport à l’exercice 2012).

Le plan de financement prévisionnel de la société établi en mars 2013 prévoyait une trésorerie déficitaire de 17 M€ fin 2015 et 31 M€ fin 2016. Les projections établies à l’automne 2014 confirment et amplifient cette tendance (- 86 M€ en 2015, - 145 M€ fin 2016).

I - Le bilan

Au cours de la période sous revue, Radio France voit son bilan passer de 181 M€ à 425 M€ au 31 décembre 2013, soit une augmentation de 244 M€ (+ 134 %). Cette hausse a essentiellement pour origine la forte augmentation (+ 209,4 M€, soit + 264 %) des immobilisations corporelles en valeur nette, qui passent de 79 M€ en 2004 à 289 M€ au 31 décembre 2013 ; cette évolution est liée aux opérations de réhabilitation engagées en 2008 dont le taux d’avancement s’établit à 63 % au 31 décembre 2013.

A - L’actif

Bilan - Actif

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Les immobilisations corporelles s’élèvent à 524 M€ en valeur brute au 31 décembre 2013 et sont composées principalement :

- du bâtiment de la Maison de la Radio pour 115,8 M€ et de ses agencements et installations (électroniques, téléphoniques, gaz) pour 94,1 M€ ;

- des immobilisations corporelles en cours, principalement liées aux travaux de réhabilitation de la Maison de la Radio, à hauteur de 102 M€ ;

- du matériel audiophonique : 62 M€ ;

- des aménagements des locaux loués : 45,2 M€ ;

- du matériel informatique : 26,5 M€ ;

- du terrain de la Maison de la Radio pour 21,4 M€ ;

- du matériel de bureau : 11,8 M€.

Les immobilisations financières ont sensiblement diminué au cours de la période sous revue, de 33 %. Elles sont principalement composées de titres de participation pour 2,2 M€ et de prêts, dépôts et cautionnements pour 0,9 M€ à fin 2013. Les titres de participation détenus au 31 décembre 2013 sont les suivants.

Titres de participation (en €)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Les créances d’exploitation (65,1 M€ au 31 décembre 2013) se composent principalement de créances liées à la publicité d’une part, et à la location de locaux à des tiers, d’autre part. Le solde très important en 2004 par rapport au reste de la période s’explique par le fait que la redevance de fonctionnement n’avait pas été entièrement versée au 31 décembre. L’augmentation des créances d’exploitation est également très significative en 2013 (+ 19,8 M€) en raison, d’une part, de la hausse des créances clients (+ 10,1 M€) liée à la mise en place d’un nouveau logiciel de gestion pour les clients, qui a provoqué un retard dans l’envoi et l’encaissement des factures et, d’autre part, à l’évolution des créances fiscales (+ 6,2 M€), en lien avec la comptabilisation d’un produit lié au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (+ 3,4 M€) et la présence d’acomptes d’impôts sur les sociétés versés en 2013 et maintenus au bilan en raison de l’absence d’impôt à payer au titre de cet exercice (4,3 M€).

Le délai de recouvrement des créances est très élevé, oscillant autour de 140 jours sur la période. Il est le signe d’une politique de recouvrement des créances au sein de la société qui devrait être améliorée. Les actions de relance des commerciaux et/ou du service comptable auprès des clients sont largement insuffisantes. Ces actions devraient être renforcées car ces faiblesses pénalisent la trésorerie de la société.

L’examen des valeurs mobilières et disponibilités (39,4 M€ au 31 décembre 2013) est effectué dans le cadre de l’analyse financière.

B - Le passif

Bilan - Passif

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

1 - Les capitaux propres

La situation nette de Radio France augmente considérablement sur la période (+ 442 %), du fait de la réalisation continue de résultats bénéficiaires annuels sur les dix années. En particulier, le résultat comptable annuel depuis 2008 n’est jamais inférieur à 3 M€, à l’exception de l’exercice 2013. Les capitaux propres progressent fortement (+ 725 %), en phase avec l’évolution de la situation nette et la hausse des subventions d’investissement perçues par Radio France pour le financement des travaux de réhabilitation.

2 - Les provisions pour risques et charges

Les provisions pour risques et charges ont évolué comme suit.

Provisions pour risques et charges

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

a) Les provisions pour risques

Celles-ci concernent des litiges qui ont plusieurs origines. Au 31 décembre 2013, les principaux litiges sont ceux liés au personnel qui représentent 70 % de la provision. La provision pour litiges prud’homaux (6,5 M€ au 31/12/2013) couvre 62 litiges, les sept plus importants représentant 2,8 M€ du total. Une provision de 8 M€ porte sur un double désaccord entre la direction de Radio France et les chargés de réalisation, relatif au positionnement indiciaire de cette profession et au traitement des heures supplémentaires. Radio France fait figurer au passif de son bilan une provision pour risques au titre des fins de collaboration des cachetiers sous contrat de grille (3,7 M€ au 31 décembre 2013). En effet, les départs pour cause de non renouvellement de contrat ou pour départ/mise à la retraite donnent lieu à versement d’une indemnité transactionnelle.

Une provision est passée s’agissant de la taxe sur les bureaux (0,9 M€ au 31 décembre 2013), compte tenu d’une divergence avec l’administration fiscale sur l’utilisation du taux réduit par Radio France.

S’agissant de la réhabilitation, les provisions s’élèvent à 0,957 M€. Le Plan comptable général rappelle qu’une provision doit être constituée dès lors qu’il existe à la clôture de l’exercice une obligation de l’entreprise à l’égard d’un tiers dont il est probable ou certain qu’elle provoquera une sortie de ressources au bénéfice de ce tiers, sans contrepartie au moins équivalente pour celle-ci (PCG, art. 212-1). Les diligences réalisées par les commissaires aux comptes, conformes aux exigences des normes d’exercice professionnel (NEP), se basent essentiellement sur des déclarations établies par des tiers (circularisation des avocats) et sur la lettre d’affirmation de l’entreprise. Il a été vérifié par la Cour lors de l’instruction qu’aucun versement effectué en 2013 n’était lié à une obligation juridique existant déjà au 1er janvier et non provisionnée.

Toutefois, les procédures appliquées présentent des risques. L’absence de suivi formalisé de l’état des négociations avec les prestataires par la direction chargée de la réhabilitation empêche d’évaluer avec précision l’existence d’une « obligation à l’égard d’un tiers » pour la société à la clôture de l’exercice. Les commissaires aux comptes indiquent ainsi dans leur communication écrite du 11 avril 2014 faite au comité d’audit sur les comptes clos au 31 décembre 2013 : « l’entreprise ne formalise pas via des comptes-rendus de réunion l’état des négociations. Nous recommandons la mise en place d’un suivi formalisé de l’ensemble des réclamations des tiers de manière à permettre à l’entreprise de suivre son exposition globale ». Dans un contexte où la fin de la phase 2 est susceptible de faire naître des litiges avec les prestataires, il est essentiel de disposer d’un état des lieux précis des réclamations reçues comme des litiges potentiels et d’un argumentaire détaillé de la DGA REHAB justifiant l’existence et la valorisation des provisions ou, le cas échéant, l’absence d’obligation à la clôture de l’exercice. Une vigilance particulière sera nécessaire sur ce point dans l’avenir.

b) Les provisions pour charges

Elles se répartissent comme suit sur les six dernières années.

Provisions pour charges

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

La provision au titre de la réhabilitation (1,8 M€) concerne des indemnités à verser à plusieurs fournisseurs, concernant des sommes prévues dans des avenants ou transactionnels déjà signés ou en cours de négociation.

3 - Les dettes

a) Dettes financières

Elles évoluent comme suit sur la période.

Dettes financières

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Les emprunts auprès des établissements de crédit sont constitués des découverts bancaires accordés à Radio France.

b) Dettes d’exploitation et dettes diverses

Ces dettes ont augmenté de 49 M€ (+ 46 %) sur l’ensemble de la période. Cette forte augmentation est principalement due à la hausse des dettes sociales (25,9 M€, soit + 47 %), des dettes sur immobilisations (15,7 M€, soit + 354 %) et des dettes fournisseurs (5,5 M€, soit + 15 %).

Dettes d’exploitations et autres dettes

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

c) Les dettes fournisseurs

L’augmentation constatée de 2010 à 2012 est liée à la hausse du coût des locations immobilières et charges locatives des stations du réseau France Bleu (création de la station de France Bleu Maine en 2010) et de la relocalisation de France Inter à Mangin. La baisse de 8,5 M€ en 2013 s’explique par la signature d’un protocole d’accord avec TDF révisant les conditions tarifaires et prévoyant un règlement plus rapide des factures.

d) Les dettes de personnel et comptes rattachés

La dette de congés payés est significative (39,5 M€, charges sociales comprises, au 31 décembre 2013) et représente 49 % des dettes de personnel.

e) Les dettes fiscales

Jusqu’en 2010, la société ne payait pas d’impôt sur les sociétés (IS) du fait de l’existence de déficits fiscaux importants qu’elle pouvait imputer sur son résultat fiscal. À compter de 2011, le stock de déficits ayant été totalement utilisé, Radio France commence à payer l’IS, pour 2,9 M€ au titre de 2011 et 4,2 M€ au titre de 2012. C’est cette augmentation de la charge d’IS qui explique l’augmentation des dettes fiscales sur la période. De nouveau, c’est l’absence d’IS à payer au titre de l’année 2013 qui justifie la diminution du poste en fin de période.

f) Les dettes sur immobilisations

Ce poste croît de façon sensible dès 2009, en phase avec le lancement du chantier de réhabilitation. La hausse est particulièrement marquée sur l’exercice 2011 du fait des ajustements des montants définitifs (révisions de prix, travaux supplémentaires, retenues provisoires débloquées, etc.) sur les phases 0 et 1 mises en service au 15 octobre 2011.

D - Analyse financière

1 - L’analyse de l’évolution de la trésorerie nette sur la période revue

Évolution de la trésorerie

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Le besoin en fonds de roulement est négatif sur toute la période. Comme dans les autres entreprises audiovisuelles financées principalement par la redevance, l’équilibre financier est assuré par les dettes à court terme, toujours importantes. Ceci est très accusé pour Radio France, pour laquelle la redevance représente environ 90 % du chiffre d’affaires. Il y a peu de délai d’encaissement de la redevance alors que les fournisseurs sont payés avec un délai. Radio France a disposé d’une trésorerie nette positive, placée en SICAV monétaires et billets de trésorerie, qui présentent peu de risques financiers. Ces placements lui ont rapporté des revenus sur toute la période sous revue. Depuis 2010 toutefois, la trésorerie nette de la société se dégrade.

2 - L’analyse de la capacité d’autofinancement sur la période sous revue

La capacité de financement (CAF) est le résultat réel de la gestion de l’entreprise, tous les éléments tels que les dotations et reprises d’amortissement et de provisions ou les quotes-parts de subventions étant neutralisées. Elle s'établit comme suit sur la période.

Capacité d’autofinancement

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

La hausse de la CAF en 2005 de 34 % est liée à la modération des charges d’exploitation qui ont augmenté de 1,8 % (hors mouvements des provisions et des amortissements) alors que le chiffre d’affaires progresse de 2,6 %. De même, c’est l’amélioration de la rentabilité opérationnelle de la société qui explique la progression de la CAF de 37 % entre 2007 et 2008.

A l’inverse, la diminution de 37 % de la CAF entre 2011 et 2012 s’explique principalement par le versement, en 2012, d’indemnités transactionnelles dans le cadre de la réhabilitation pour 8 M€ qui sont enregistrées dans la section « autres charges de gestion courante ». La CAF de l’exercice 2013 retrouve son niveau de 2011.

II - Le compte de résultat

Compte de résultat

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

D - Le résultat d’exploitation

Pour l’établissement des comptes sociaux et conformément aux règles comptables, Radio France enregistre en produits exceptionnels la quote-part des subventions d’équipement virée au compte de résultat chaque année. Or ces subventions ont été reçues pour faire face à des investissements nécessaires à l’exploitation (réhabilitation du bâtiment) et donnant donc lieu à des dotations aux amortissements comptabilisées en charges d’exploitation. Dès lors, afin d’améliorer la lecture des états financiers, il convient de retraiter le résultat d’exploitation afin d’y intégrer la quote-part de subvention. Ce retraitement est clairement indiqué dans l’ensemble des comptes annuels certifiés par les commissaires aux comptes.

En appliquant ce reclassement sur l’ensemble de la période, on obtient alors les résultats d’exploitation « retraités » suivants.

Résultat d’exploitation

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Cette méthode permet de constater une nette amélioration du résultat depuis 2004, qui s’est accentuée à compter de 2009. L’année 2013 est marquée par une baisse de la contribution à l’audiovisuel public de 8,7 M€, expliquant la diminution du résultat d’exploitation constatée entre les deux exercices.

1 - Les produits d’exploitation

Produits d’exploitation

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

a) Les ressources publiques

La contribution à l’audiovisuel public représente près de 90 % des produits et est en constante augmentation depuis 2004 avec une hausse moyenne de 2,75 % par an. La diminution intervenue sur la seule année 2013 est significative (- 8,7 M€, soit - 1,5 %).

Redevance versée

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

b) Les ressources propres

Les recettes publicitaires (publicité et parrainage) : + 1 %.

Recettes publicitaires

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Si les recettes de publicité et de parrainage sont globalement stables, les recettes de publicité au sens strict ont sensiblement diminué sur la période, notamment depuis 2008. Le tableau présenté ci-dessus vise à comprendre la baisse sensible des recettes publicitaires entre 2008 et 2012, qui passent 44,6 à 40,4 M€.

Les partenariats : + 740 %

Leur montant est en progression très importante sur la période, passant de 1,6 M€ en 2004 à 13,5 M€ à fin 2013. Cette hausse s’explique par le recours plus fréquent des chaînes à cette technique pour se faire connaître. De plus, la contractualisation des partenariats a été améliorée d’une année sur l’autre.

Les recettes immobilières : - 68 %

Ces recettes sont en baisse sensible sur la période : les travaux de réhabilitation de la tour et de la petite couronne ont eu pour conséquence directe de diminuer les surfaces louées dès 2006. En 2013, la diminution importante de 3,4 M€ (soit – 60 %) est liée au départ du principal locataire de la Maison de la Radio, RFI.

Les autres recettes : + 15 %

Les autres recettes qui étaient stables jusqu’en 2012 (+ 1 %) ont nettement progressé sur la seule année 2013, à hauteur de + 13 % en raison de l’augmentation des « participations forfaitaires » (remboursement de frais des orchestres dans le cadre de tournées), qui s’élèvent à 4,2 M€ en 2013. Ce poste inclue également les recettes de la billetterie des concerts (2,2 M€ à fin 2013).

2 - Les charges d’exploitation

Elles progressent de 21,5 % au cours de la période, passant de 547 M€ en 2004 à 672 M€ en 2013.

a) Les autres achats et charges externes

Ce poste représente 26 % des charges d’exploitation au 31 décembre 2013 contre 30 % en 2004. Même si le poids de ces achats et charges externes a diminué en valeur relative, ceux-ci ont continué à augmenter sur la période de 11,4 M€ (+ 7 %).

Autres achats et charges externes

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Les frais de diffusion (78 M€ en 2013) représentent 12 % des charges d’exploitation et concernent principalement les prestations de diffusion réalisées par TDF et Towercast.

Les coûts de location (16,8 M€ en 2013) concernent également les locations immobilières et les charges locatives afférentes, les locations de matériel informatique et les autres locations mobilières.

Les frais de sous-traitance (8,5 M€ en 2013) recouvrent principalement les sommes versées aux agences de presse et notamment à l’Agence France Presse et, dans une moindre mesure, à l’agence Reuters.

Les frais de publicité (6,7 M€ en 2013) correspondent essentiellement aux achats d’espaces publicitaires par Radio France. Ces dépenses sont globalement stables sur la période (hausse de 3 %).

Les déplacements, missions et réceptions ont augmenté de 23% au cours de la période sous revue, avec une diminution sensible sur le seul exercice 2013 (- 8 %).

Les impôts, taxes et versements assimilés (26 M€) se composent de la contribution économique territoriale (CET) pour 8,1 M€, de taxes assises sur les salaires (taxe d’apprentissage, versement transport, formation professionnelle continue) pour 13,8 M€. La hausse constatée sur la période est en phase avec l’augmentation de la masse salariale.

Les charges de personnel constituent la principale charge d’exploitation de Radio France (57 % des charges d’exploitation à fin 2013) et leur évolution est détaillée ci-après par catégorie d’effectif.

Charges de personnel

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Le montant global des frais de personnel s’élève pour l’exercice 2013 à 384 M€ soit une hausse de 27 % par rapport à l’exercice 2004 (+ 81 M€). La hausse du poste en global se décompose de la manière suivante : + 26 % sur les rémunérations hors charges sociales qui s’établissent à 266 M€ ; + 30 % sur les charges sociales qui représentent 118 M€.

Personnels permanents (+ 73 M€, soit + 31 %)

La hausse de la masse salariale sur les salaires permanents est continue et significative sur l’ensemble de la période (+ 31 %) alors même que l’effectif en ETP ne croît que faiblement sur l’ensemble de la période (+ 4 %).

Personnels occasionnels (+ 5,1 M€, soit + 23 %)

La croissance des dépenses de personnels en contrats à durée déterminée est nette à compter de 2010 ce qui est cohérent avec l’évolution des ETP jusqu’en 2012 qui passent de 355 à 2009 à 418 à fin 2012, avant de légèrement décroître en 2013 (392).

Cachets et piges (+ 4,3 M€, soit + 10 %)

La croissance de ces dépenses est réellement perceptible dès 2010 et résulte principalement des enrichissements des grilles de France Inter, de France Info et du Mouv’, et de la hausse des consommations de cachets de la direction de la Musique en raison du festival Présences et d’un nombre plus important de places vacantes chez les musiciens (remplacés par des artistes au cachet).

Les autres charges de gestion courante se décomposent comme suit sur la période.

Autres charges de gestion courante

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Ces charges ont considérablement augmenté sur la période, en particulier depuis 2007, où la hausse est continue. De façon générale, cette évolution s’explique par la progression des versements aux sociétés d’auteurs, via la société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) et par la hausse des taux de phonogramme (« musicalité » des antennes) qui accroît le montant des versements à la société de gestion collective chargée de percevoir la rémunération équitable due sur la radiodiffusion d’œuvres discographiques (SPRE).

La croissance très importante de ces charges sur le seul exercice 2012 est liée au versement d’indemnités dans le cadre de cadre du chantier de réhabilitation (8,1 M€), en grande partie à la suite de la résiliation du marché de maîtrise d’œuvre intervenue sur l’exercice. Une partie de ces charges (4,3 M€) est compensée par des reprises de provisions enregistrées en 2012.

b) Les dotations aux amortissements sur immobilisations

L’augmentation de la charge d’amortissement intervenue en 2012 (+ 6,2 M€) est liée à l’amortissement sur une année pleine du parc de stationnement et des éléments réhabilités de la radiale, de la tour et de la petite couronne livrés sur le dernier trimestre 2011. En l’absence de mises en service d’éléments liés à la réhabilitation en 2013, la dotation s’est stabilisée sur cet exercice. Ce poste a vocation à croître fortement en 2014 avec l’achèvement de la phase 2.

c) Les dotations aux provisions

Les dotations aux provisions sont directement liées aux provisions pour risques et charges dont l’examen est présenté ci-dessus.

E - Les résultats financiers et exceptionnels

1 - Le résultat financier

Résultat financier

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Le résultat financier est principalement constitué des revenus de fonds bloqués et des produits des placements de SICAV monétaires. Le résultat financier se dégrade nettement dès 2012, en phase avec la diminution continue de la trésorerie depuis le début de la réhabilitation.

2 - Le résultat exceptionnel

Résultat exceptionnel

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

En dehors des amortissements dérogatoires, le résultat exceptionnel est principalement constitué de la quote-part de subventions d’investissement virée au compte de résultat qui vient compenser en partie les dotations aux amortissements des biens financés.

Annexe n° 21 : liste des personnalités extérieures et interlocuteurs rencontrés au cours du contrôle79

Outre l’ensemble des dirigeants et anciens dirigeants de l’entreprise, les tutelles et le CSA, les personnalités extérieures suivantes ont été rencontrées par les rapporteurs ou auditionnées par la Cour :

Radios publiques étrangères

BBC 

Catherine Smadja, responsable des projets spéciaux, de la politique et de la stratégie ;

Shirley Cameron, directrice financière de la radio ;

William Garood, directeur de la stratégie pour la radio ;

Dave Walters, contrôleur de la technologie radio.

DR (radio-télévision danoise)

Bjarne Hansen, consultant à la direction finances, technologie et production des médias ;

Mads Kvist Eriksen, directeur finances, technologie et production de médias.

RTBF

Jean-Paul Philippot, administrateur général ;

Fabrice Massin, directeur i-RTBF ;

Jean-Pierre Jacquemin, directeur de l’information et des sports.

Acteurs de la radio en France

Europe 1

Denis Olivennes, directeur général, président du directoire de Lagardère Active ;

Richard Lenormand, directeur général Pôle Radios/TV de Lagardère Active ;

Fabien Namias, directeur général d'Europe 1 ;

Stéphanie Delafontaine, directrice des ressources humaines d’Europe 1.

NRJ

Maryam Salehi, Directeur Délégué à la Direction générale ;

Aurélie Brévan, directeur des relations institutionnelles ;

Christophe Cornillet, directeur du Pôle Experts NRJ Group.

Next Radio TV

Alain Weill, président directeur général ;

Jacques Donat-Bouillud, directeur de l’innovation et du développement technologique ;

Ruben Vicente, directeur des réseaux de distribution.

Skyrock

Pierre Bellanger, président directeur général.

Radio Classique

Etienne Mougeotte, directeur général.

Syndicat des radios et télévisions indépendantes (SIRTI)

Philippe Gault, président ;

Mathieu Quétel, vice-président ;

Tarek Mani, secrétaire général.

RFI

Frédéric Bonnard, directeur nouveaux médias.

Autres personnalités extérieures

Patrick Bauduin, consultant, ancien directeur de Radio Canada ;

Olivier Bomsel, directeur de la chaire d’économie des medias et des marques de l’école des mines - Paris Tech.

RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS

Sommaire

Réponse commune du ministre des finances et des comptes publics, du ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique et du secrétaire d’État chargé du budget 199

Réponse de la ministre de la culture et de la communication 206

Réponse du Président-directeur général de Radio France 210

Réponse du Président-directeur général de Radio France de mai 2004 à mai 2009 (M. Cluzel) 221

Réponse du Président-directeur général de Radio France de mai 2009 à mai 2014 (M. Hees) 234

RÉPONSE COMMUNE DU MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS, DU MINISTRE DE L’ÉCONOMIE, DE L’INDUSTRIE ET DU NUMÉRIQUE ET DU SECRÉTAIRE D’ÉTAT CHARGÉ DU BUDGET

Nous partageons tout d’abord votre constat préalable quant à la qualité des programmes de Radio France. Nous relevons que votre rapport ne remet aucunement en cause la légitimité du service public de la radio qu’assure Radio France. Il établit néanmoins de nombreux constats sur des défaillances de gestion de l’entreprise sur la période en revue : le futur contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2015-2019 devra fixer les orientations stratégiques et les réformes de l’entreprise qui ne peuvent désormais plus être différées.

Le rapport appelle les observations suivantes :

Sur la trajectoire financière de Radio France :

En ce qui concerne la trajectoire financière, vous constatez à juste titre que la forte progression des ressources publiques de Radio France sur la période contrôlée n’a guère favorisé les réformes et la recherche de gains de productivité. Cependant, l’année 2012 a marqué une rupture. Les ressources publiques ont diminué en valeur pour la première fois entre 2012 et 2013 (et ce dès la budgétisation et non, comme vous l’écrivez, au gré de mesures de « régulation » budgétaire), ce que Radio France a su absorber par de premiers efforts de gestion (diminution des « autres achats et charges externes », mise en place d’une politique des achats, renégociation en 2014 des marchés de diffusion), qui tranchent avec la période précédente. En dépit de cette contrainte nouvelle sur ses ressources, Radio France a donc continué à présenter un résultat excédentaire en 2012 et 2013 (celui de 2014 est encore incertain à ce jour), et une trésorerie encore positive début 2015, contrairement aux projections du COM 2010-2014. Cette situation a permis de renvoyer à un nouveau COM 2015-2019 les discussions sur des réformes structurantes pour l’entreprise.

Toutefois, comme vous le soulignez, la contrainte financière sera forte à compter de 2015, du fait d’un effet de ciseaux sur les charges (notamment la masse salariale ainsi que les besoins de financement du chantier de réhabilitation) et les ressources (tensions sur les ressources publiques et les ressources propres).

Nous partageons donc la conclusion selon laquelle le prochain COM ne pourra s’exonérer de réformes ambitieuses, qui devront permettre le redressement économique de l’entreprise, avec une perspective impérative d’équilibre de la trésorerie d’ici la fin du COM, et s’inscrire dans un projet stratégique défini conjointement entre la société et l’État.

Ce redressement passera avant tout par la maîtrise et un meilleur contrôle de la dépense. Il n’exclut toutefois pas, en complément, la mobilisation d’autres leviers complémentaires comme l’aménagement du régime publicitaire, qui permettra en outre d’assurer la conformité du dispositif avec la réglementation européenne.

Nous sommes pleinement mobilisés, aux côtés de l’entreprise, pour apporter des réponses claires et de long terme aux tensions de trésorerie identifées. Le redressement de la trajectoire financière de Radio France ne permettra pas d’éviter un recours à l’emprunt, qui devra être limité dans son montant et sa durée.

Sur le modèle social de Radio France et la maîtrise de la masse salariale :

Vous faites état d’une augmentation de 29,6% de la masse salariale entre 2004 et 2013, accompagnée d’une hausse de la part des charges de personnel dans les charges d’exploitation (qui atteignent 57,2% en 2013). Vous notez par ailleurs une gestion individuelle très complexe des salariés du fait notamment de la multiplicité des primes, de la part des automatismes ou encore du faible nombre d’entretiens d’évaluation individuels. Vous relevez enfin que « la menace de grèves ou les grèves effectives sont une donnée centrale de la négociation collective à Radio France » et concluez que, s’il s’agit d’une « contrainte face à la perspective d’engager des réformes, cette circonstance ne saurait pour autant servir de prétexte à les différer ou à s’en tenir à des ajustements de portée secondaire. »

Nous connaissons les efforts consentis par les personnels de Radio France dans le cadre du chantier de réhabilitation de la Maison de la Radio, tout autant que nous sommes sensibles à ce que les efforts requis de la part de l’ensemble des opérateurs publics dans un cadre contraint de nos finances publiques soient équitablement supportés. Les exigences de maîtrise de la masse salariale, sans préjudice d’un dialogue social qui doit demeurer constructif, s’imposent à toutes les entreprises publiques. La maîtrise des dépenses de personnel constituera un objectif essentiel du prochain COM. Celle-ci pourra passer par une diminution des effectifs, étayée par une analyse précise des besoins et des réformes de modernisation, comme en ont connu ces dernières années les autres entreprises audiovisuelles et d’autres grands groupes publics européens du secteur.

Elle pourra aussi se traduire dans une refondation de la politique salariale, que vous appellez de vos vœux. Une étape importante va être franchie avec le nouvel accord collectif, en cours de négociation, prévoyant notamment une stricte limitation des automatismes de grille. La révision à la baisse du nombre de métiers, de plus de 300 à 156 (hors musiciens et cachetiers), constitue également l’une de ses avancées notables pour accroître l’efficience collective. Toutefois, si cette nouvelle nomenclature participe de la simplification et d’une amélioration de la fluidité des carrières, ces avancées demeurent encore insuffisantes pour développer la polyvalence des salariés de Radio France, conformément à votre recommandation. Vous relevez notamment que l’organisation du travail n’a été que peu modifiée suite à la numérisation de la production des émissions en 2004-2005. La polyvalence croissante des fonctions qui aurait dû en découler s’est heurtée, selon vous, à la culture de la spécialisation des métiers. L’effort devra donc être poursuivi, de manière notamment à favoriser l’articulation entre les métiers des nouveaux médias et ceux de la radio classique, et à moderniser les fonctions techniques en prévoyant la nouvelle catégorie des techniciens chargés de réalisation.

Comme vous le recommandez, nous souhaitons qu’à l’avenir le conseil d’administration soit bien plus que par le passé associé par l’entreprise aux objectifs et aux résultats des négociations sur les accords collectifs.

Par ailleurs, vous notez à juste titre que ces efforts de gestion ne doivent pas concerner que les salariés permanents. Il faudra veiller à ce que le prochain COM instaure, comme il en existe pour France Télévisions, des instruments de suivi des non-permanents qui constituent des points de fuite de la contrainte financière, d’autant plus criticables qu’ils sont facteurs de risques juridiques et financiers.

Sur la réorganisation de l’entreprise et les réformes de structure :

Nous sommes très attentifs à l’ensemble des axes de réforme que vous proposez. Le nouveau contrat d’objectifs et de moyens pour 2015-2019 entre Radio France et l’État devra constituer un cadre incitatif d’approfondissement et de mise en œuvre de ces réformes. La recherche de la performance et de l’efficacité doit être mise au service de la mission de service public de l’entreprise.

Vous faites état de sources d’inefficience dans l’organisation actuelle de l’entreprise. Ainsi, vous considérez que le fonctionnement en silo des antennes et la faiblesse de leurs activités mutualisées conduisent à une allocation non optimale des ressources, avec notamment une duplication de certaines fonctions supports entre les antennes et les directions fonctionnelles. De même, vous considérez que le développement de l’offre d’information sur toutes les antennes en parallèle de leur autonomisation a généré une organisation trop dispendieuse, et vous plaidez pour une plus grande mutualisation de la production de l’information, voire un centre de production commun à toutes les antennes.

Plus généralement, vous proposez que soit fixé à l’entreprise un objectif de décloisonnement de la production des programmes qui pourraient faire l’objet d’échanges entre antennes, tout en respectant leur autonomie éditoriale. Vous mentionnez la nécessité pour Radio France d’instaurer une nouvelle organisation de la gestion des moyens techniques pour se conformer aux meilleurs standards de performance technique et recueillir les bénéfices attendus en termes de productivité.

Nous sommes très attachés à ce que toutes les synergies possibles entre entreprises de l’audiovisuel public soient à l’avenir mises en œuvre. En particulier, une réflexion sur la coordination des réseaux de journalistes à l’étranger et en régions entre les différents groupes publics pourra être engagée sur la période du prochain COM.

Les travaux sur le futur COM n’éludent pas la réflexion sur le périmètre de l’activité de Radio France, rendue inévitable par la performance des différentes antennes (audiences, diversité, efficience), l’évolution des usages et la contrainte économique globale. En ce qui concerne Mouv’, sur lequel vous demandez de statuer dans le prochain COM, une nouvelle ligne éditoriale a été adoptée début 2015, l’entreprise considérant que cette antenne est essentielle pour toucher les jeunes publics, et donc pour l’avenir de la radio publique. Si cette option était confirmée, un bilan de cette relance de la station devrait être réalisé au plus tard au milieu de la période couverte par le COM. Cette décision impliquera de reporter des économies vers d’autres activités.

En outre, comme vous le soulignez, le statu quo sur les orchestres ne paraît désormais plus possible, surtout depuis l’ouverture de l’auditorium fin 2014, et alors qu’il n’existe pas à Radio France de salle de répétition dédiée.

Des pistes complémentaires de réformes pourraient être explorées, au niveau national et dans le réseau France Bleu. S’agissant de France Bleu, il nous semble que la couverture renforcée du territoire ne constitue pas un objectif en soi, et qu’elle ne passe pas nécessairement par la création de nouvelles stations, la diffusion des antennes actuelles pouvant être étendue. Une rationalisation plus profonde et progressive des implantations territoriales de France Bleu pourrait être cohérente avec la réforme en cours de l’organisation des territoires. Le rapport pourrait utilement signaler cet enjeu, déterminant pour l’ensemble des services publics.

Sur le chantier de réhabilitation :

Le chantier de rénovation de la Maison de la Radio va demeurer particulièrement structurant jusqu’à la fin du nouveau COM. Il représente des enjeux lourds, de contrôle de la dépense, de maîtrise des coûts et de management. Si votre constat sur le défaut de programmation à l’origine du projet et la dérive des coûts par rapport aux prévisions initiales est indéniable, l’État s’est efforcé, en lien avec l’entreprise, d’améliorer le pilotage du chantier pour rectifier les dérapages au fur et à mesure qu’ils ont été portés à sa connaissance.

Le conseil d’administration du 24 avril 2014, réuni à la demande de l’État, a autorisé sous condition le lancement de la phase 4 des travaux, sans remise en concurrence des trois gros marchés et du marché de contrôle technique. Le conseil a pris acte que, eu égard à l’importance et à l’imbrication des trois lots principaux (génie électrique, gros œuvre et génie climatique), mettre un terme à ces marchés et relancer une nouvelle consultation dès la phase 4, sur la base d’un nouveau dossier de réhabilitation, entraînerait une immobilisation complète de l’opération et risquerait de générer des coûts supplémentaires et d’indemnisation très importants. Le conseil a demandé qu’en amont de la dernière phase (phase 3), une situation actualisée de ces trois marchés lui soit présentée et que, d’ici là, le Président-directeur général continue à expertiser les solutions juridiques et techniques envisageables pour la dernière phase du chantier, y compris la résiliation ou le recours à des marchés négociés pour un ou plusieurs de ces lots. Afin de recueillir des éléments précis sur les surcoûts qu'occasionnerait la résiliation des trois marchés structurants pour la dernière phase du chantier d'une part, et sur les différentes solutions juridiques envisageables d'autre part, l’État a mandaté début septembre 2014 deux experts. Leurs conclusions éclaireront les administrateurs sur les conséquences d'une éventuelle résiliation des trois marchés structurants pour la dernière phase du chantier. La décision concernant ces trois marchés sera prise par le conseil d’administration dans le courant du premier semestre 2015.

Les représentants de l’État continueront à suivre avec la plus grande vigilance le déroulement des travaux jusqu’à leur achèvement.

Radio France envisage de nouvelles phases de travaux, non prévues dans le programme actuel de la réhabilitation, en particulier pour rénover l’ensemble des studios. Sur la base des constats de son rapport, relatifs au nombre et au niveau d’équipement excessifs des studios, la Cour pourrait appeler à la plus grande vigilance pour éviter d’inscrire dans le futur COM d’importantes dépenses sans étude solide et priorisation drastique des besoins des antennes ; il nous semble que les problèmes de sécurité existant pour certains studios peuvent être réglés à bien moindre coût, et que d’autres investissements seraient prioritaires.

Sur la transformation numérique de l’entreprise et notamment l’intégration du numérique à l’offre de Radio France :

Nous considérons comme vous qu’il s’agit d’une condition du développement de l’entreprise. Toucher l’ensemble des publics, dans un contexte où émergent de nouveaux modes de consommation des contenus, doit être partie intégrante de la mission de service public de l’entreprise. Comme vous le remarquez, cela suppose des mutations structurelles dans l’organisation du travail et la résolution des freins juridiques à l’exploitation des œuvres sur tous les supports. La constitution d’une offre numérique doit également contribuer à la création de synergies avec l’offre hertzienne et une meilleure collaboration entre les entreprises du secteur audiovisuel public.

Sur la gouvernance :

Nous partageons votre constat sur la nécessité d’améliorer la gouvernance et de normaliser les relations de l’entreprise avec les différentes composantes de l’État, régulateur, budgétaire et actionnaire.

En premier lieu, l’actualisation régulière de la trajectoire financière à moyen terme, pratique usuelle dans les entreprises du secteur public, aurait permis une meilleure anticipation du besoin de financement de l’entreprise et une meilleure compréhension de l’impact sur les comptes du chantier de réhabilitation. À ce titre, l’élaboration d’une trajectoire pluriannuelle glissante nous paraît devoir être établie, dans le cadre d’une bonne articulation avec le nouveau contrat d’objectifs et de moyens (COM) pour 2015-2019.

Ensuite, si l’entrée de l’APE au conseil d’administration est une première étape utile en vue de la normalisation de la gouvernance de l’entreprise, elle n’est pas suffisante. Il est nécessaire de faire du conseil d’administration un véritable organe délibérant, ce qui suppose, comme vous le recommandez, de « lui demander de prendre des décisions sur un nombre plus limité de sujets lors de ses séances, au lieu d’être tenu informé sur un nombre important de points comme c’est le cas actuellement ». Certains enjeux, pourtant stratégiques (négociations sociales, infléchissements éditorieaux, stratégie numérique), demeurent insuffisamment évoqués au sein du conseil d’administration. Le comité d’audit devra être pleinement compétent pour examiner les mesures de redressement nécessaires au retour à une situation financière soutenable ; il devra également participer au renforcement du contrôle interne et de l’audit au sein de l’entreprise. Le comité des nominations et des rémunérations, nouvellement mis en place, devra voir son champ de compétences élargi au-delà de la question de la rémunération du président-directeur général. Un chantier de réécriture des statuts et du règlement intérieur du conseil d’administration de Radio France et de ses comités spécialisés est en cours ; il doit être l’occasion d’instaurer de meilleures pratiques.

Vous souhaitez que le prochain COM soit établi sur la base d’un projet d’entreprise. D’une manière générale, la méthode d’élaboration des COM mise en œuvre avec le ministère de la culture et de la communication fait reposer les travaux sur une proposition de l’entreprise. Contrairement aux pratiques précédentes, nous souhaitons que le contrat d’objectifs et de moyens soit très largement simplifié, pour être recentré sur un nombre réduit d’objectifs réellement stratégiques, que puissent s’approprier l’entreprise et ses salariés.

Vous concluez votre rapport par l’analyse suivante : « Radio France doit mettre en œuvre une stratégie de changement, afin de renouveler en profondeur ses activités et son mode de gestion. Cela lui permettra de mieux répondre aux attentes du public et aux exigences d’un service public efficient.» Nous partageons cette analyse, et il reviendra au Président-directeur général de Radio France de mener à bien ce chantier structurant.

RÉPONSE DE LA MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION

Le rapport public thématique de la Cour des comptes consacré à Radio France constitue un travail précieux d’analyse sur une longue période (2004 - 2013). Ce travail est particulièrement utile à l’État dans le contexte des négociations en cours du prochain contrat d’objectifs et de moyens (COM) de Radio France, qui a vocation à fixer, après un processus de concertation avec la société, ses orientations stratégiques pour une période de cinq ans. Le but recherché est de définir un cadre stable offrant à l’entreprise une visibilité, notamment sur ses perspectives économiques. Dans son précédent rapport sur Radio France, la Cour des comptes avait d’ailleurs regretté l’absence de COM entre Radio France et l’État. Deux COM ont été successivement signés depuis, qui couvrent la période contrôlée.

La Cour met en avant la dégradation progressive de la situation financière de l’entreprise sur la période contrôlée, et estime qu’elle aurait dû être mieux anticipée par l’État, notamment récemment. Tout en partageant la préoccupation de la Cour sur la situation financière actuelle de l’entreprise, je rappelle néanmoins le contexte des négociations du COM 2010-2014, menées en 2009. Par la loi du 5 mars 2009, le législateur avait procédé à l’indexation de la contribution audiovisuelle publique (CAP) sur l’inflation et à la création d’une dotation budgétaire nouvelle destinée à compenser la perte de recettes liée à la suppression de la publicité en soirée sur les antennes de France Télévisions. Tenant compte par ailleurs du dynamisme de l’assiette de la CAP, les ministères de tutelle pouvaient alors anticiper une croissance de la ressource publique. Sur cette base, ils ont défini avec l’entreprise un plan d’affaires pluriannuel cohérent avec le projet stratégique de la nouvelle direction, et prévoyant notamment le développement des antennes et des offres numériques.

Pour autant, le COM 2010-2014 n’a pas exonéré la société d’efforts de productivité. Ainsi, la stabilité des effectifs fixée par l’État sur la période a imposé à Radio France de mener ses projets de développements par redéploiement. L’ensemble des personnels de l’entreprise a contribué aux lancements des nouvelles offres numériques et à l’ouverture des nouvelles stations de France Bleu. Dans ce contexte, la rémunération des personnels permanents a connu une évolution comparable à celle observée dans l’ensemble des entreprises du secteur audiovisuel.

De même, le plan d’affaires du COM 2010-2014 reposait sur un objectif de consolidation des ressources propres à un niveau tenant compte des contraintes opérationnelles alors connues (le chantier de réhabilitation privant la société de leviers pour développer ses recettes immobilières et ses recettes de billetterie sur la période). En dépit de la crise du marché publicitaire, qui a significativement affecté les recettes de la société, celle-ci a atteint l’objectif fixé au COM sur chaque exercice de la période considérée, en matière de ressources commerciales.

Enfin, le COM 2010-2014 donnait un cadre financier cohérent à la conduite et à l’achèvement du chantier de réhabilitation, qu’il convient d’apprécier au regard de son lancement alors récent, en juin 2009.

S'agissant du chantier de réhabilitation de la Maison de la radio, l’observation de la Cour selon laquelle les conditions d’exercice d’une tutelle réactive n’ont pas été réunies dès le lancement des opérations, doit être nuancée. Les documents et éléments fournis à la Cour (procès-verbaux des conseils d’administration d’avril 2003 à janvier 2013 et comités d’audit d’octobre 2006 à janvier 2013) attestent, d’une part, du fait que le chantier a été évoqué lors de la plupart des conseils, et a fait l’objet de demandes régulières des tutelles et, d’autre part, que les délibérations successives votées marquent un renforcement par ses instances de gouvernance des contrôles internes demandés à la société. La délibération du Conseil d’administration du 22 avril 2014 systématisant le recours à des avenants pour la mise en œuvre de travaux supplémentaires dans les marchés de travaux témoigne de ce renforcement des contrôles des opérations.

L’achèvement du chantier de réhabilitation pèse aujourd’hui, ainsi que le note la Cour, sur la trajectoire financière de l’entreprise pour les cinq prochaines années. Son financement ne saurait remettre toutefois en cause la capacité de Radio France à mettre en œuvre ses missions de service public. La mission d’expertise confiée en 2014 à MM. Michel Zulberty et Jean-Claude Dumont permettra au cours du premier semestre 2015 une prise de décision avisée sur les modalités d’exécution du chantier au cours des deux phases à venir, et plus précisément sur celles des trois marchés les plus structurants.

S’agissant des COM, je souscris à la remarque de la Cour selon laquelle les négociations entre l’État et les sociétés de l’audiovisuel public gagneraient à s’appuyer sur un projet stratégique émanant de leurs dirigeants. C’est d’ailleurs l’une des dispositions introduites par la réforme du mode de nomination des présidents de l’audiovisuel public incluse dans la loi du 15 novembre 2013.

En revanche, l'analyse de la Cour considérant que la contribution de Radio France au redressement des finances publiques à compter de 2012 aurait dû conduire l'État à remettre en cause le COM 2010-2014, me semble contestable. En effet, la stabilisation des ressources publiques de Radio France sur la période 2012-2014 n'a pas remis en cause l'équilibre financier de l'entreprise, et sa capacité à mettre en oeuvre les priorités stratégiques contenues dans le COM 2010-2014. À cette aune, les stratégies éditoriales ont connu de remarquables progressions d’audience, notamment pour France Culture et France Bleu. De même, le développement des nouveaux supports numériques de diffusion (sites et applications mobiles) et la production systématique de contenus enrichis liés aux programmes ont constitué des évolutions majeures pour les équipes de Radio France et pour les publics, qui ont plébiscité ces offres. La société tient aujourd’hui une position de « leader » en matière de téléchargement de podcasts (France Culture est notamment la deuxième radio la plus téléchargée du paysage radiophonique français).

Depuis la prise de fonction du nouveau président de Radio France nommé par le Conseil supérieur de l’audiovisuel le 27 février 2014, l’État et l’entreprise ont engagé des négociations en vue de formaliser le COM 2015-2019. Dans ce contexte, je partage pleinement l’analyse de la Cour selon laquelle les défis auxquels Radio France est confrontée, notamment la dégradation de sa situation financière, appellent la mise en œuvre d’une « stratégie globale de changement ». Afin de renforcer l’excellence du service public radiophonique dans un environnement numérique modifiant à la fois les pratiques culturelles des publics et les modes de production des contenus, une nouvelle stratégie sera mise en œuvre pour dégager les économies structurelles nécessaires à l’équilibre financier pérenne de l’entreprise. L’État a pleinement pris la mesure de ces enjeux et les négociations en cours sur le COM 2015-2019 permettront de préciser au cours de l’année 2015 les modalités d’une nouvelle stratégie pour la société.

La mise en œuvre de cette stratégie fera l’objet d’un suivi renforcé des organes de gouvernance de la société et des administrations de tutelle. À ce titre, dans le cadre des négociations du COM, l’État et l’entreprise travaillent à la formalisation d’indicateurs permettant de mesurer l’efficacité et l’efficience de la société dans l’atteinte de ses objectifs stratégiques prioritaires. Parallèlement à ces négociations, et pour répondre aux exigences d’une gouvernance modernisée, les administrations de tutelles ont également engagé avec la société une refonte de ses textes statutaires (statuts de l’entreprise et règlement intérieur du Conseil d’administration). Les améliorations récentes relevées par la Cour témoignent de la volonté de l’État de professionnaliser le Conseil d’administration de Radio France, en le dotant notamment des comités spécialisés adaptés. En outre, un cycle de discussions a été entamé pour actualiser le cahier des missions et des charges de la société.

Dans un souci de complémentarité et d’efficacité, l’identité des antennes sera réexaminée pour répondre aux défis posés par le vieillissement croissant des publics d’une part, et l’érosion de l’audience de certaines stations d’autre part. Dans cette perspective et à la lumière des événements tragiques qui ont bouleversé notre pays en ce début d’année, la capacité du service public à s’adresser à un public jeune et parfois en rupture avec les valeurs de la République est au cœur des priorités du Gouvernement. Le contenu et les résultats de la nouvelle formule de Mouv’, lancée le 2 février dernier, seront donc observés avec la plus grande attention. De même, au regard de l’importance que revêt l’offre de proximité dans la capacité du service public audiovisuel à créer du lien social, l’amélioration de la couverture territoriale du réseau France Bleu, ainsi que sa réorganisation, constitueront des points d’attention majeur pour les administrations de tutelle dans le cadre des négociations du COM. S’agissant de France Inter et de France Info, il convient de noter que les orientations éditoriales mises en œuvre par la nouvelle présidence de Radio France ont déjà obtenu de premiers résultats encourageants.

Au-delà des seules antennes, le COM 2015-2019 devra également consacrer la transformation numérique de Radio France, qu’il s’agisse de ses offres ou de ses modes de production. Cette orientation structurante pour le développement de l’entreprise appellera un renforcement et une systématisation des coopérations avec les autres sociétés de l’audiovisuel public, afin d’exploiter au mieux l’étendue des possibilités qu’offre le numérique en matière de synergie.

Par ailleurs, l’ouverture de l’auditorium de Radio France à l’automne 2014 et le retour des formations musicales à la Maison de la radio imposent la définition d’un projet culturel ambitieux et novateur, qui passe nécessairement par la clarification des répertoires, du positionnement et de l’organisation des deux orchestres.

Dans un univers médiatique fragmenté, marqué par le foisonnement des offres et des contenus, Radio France n’a pas d’autre choix que celui de l’ambition pour aller au-devant des usages et préserver sa capacité à s’adresser à tous les publics, sur tous les supports. Or, l’activité de l’entreprise doit s’inscrire dans le cadre très contraint qu’impose la situation des finances publiques. Dans ce contexte, l’avenir de Radio France, repose sur sa capacité à réformer son organisation pour trouver les ressources nécessaires à son développement. Cette transformation de l’entreprise constitue l’un des enjeux majeurs du COM 2015-2019.

RÉPONSE DU PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL DE RADIO FRANCE

Le rapport public thématique relatif à la gestion de Radio France pour la période 2004-2013 intervient à un moment charnière de l’histoire de l’entreprise.

Avec 14 millions d’auditeurs chaque jour sur ses sept antennes, Radio France est aujourd’hui le premier groupe radiophonique français. Comme le note la Cour, le « contenu culturel de ses programmes comme le professionnalisme de l’information ne sont contestés par personne ». De même, Radio France compte quatre formations musicales, dont la qualité artistique est également reconnue. Pour autant, ses auditeurs et ses spectateurs vieillissent plus vite que la population, et les plus jeunes, et les plus populaires, sont encore très souvent éloignés de nos antennes. Or, les événements de ce début d’année 2015 l’ont cruellement rappelé, la mission de service public de favoriser l’accès de tous à l’information, à la culture et à la musique, est plus que jamais nécessaire.

Comme le souligne également la Cour, « la révolution numérique induit de profonds changements dans les modes de production, de diffusion et de consommation » du média radio qui constituent autant de défis que Radio France doit aujourd’hui relever pour s’adresser à un public diversifié et consolider sa place dans le paysage audiovisuel à horizon 2020.

L’ouverture de la Maison de la Radio au public en novembre 2014 et l’inauguration du nouvel Auditorium et du studio 104 rénové constituent enfin une formidable opportunité pour Radio France de partager ses productions musicales et radiophoniques avec un nouveau public, mais également un nouveau métier que l’entreprise doit pouvoir exercer avec l’excellence qui fait son succès dans le domaine de la radio et de la musique.

Mais au même moment, Radio France connaît une dégradation très forte de sa situation financière, sous l’effet combiné d’une contraction de ses ressources et d’une hausse de ses charges d’exploitation et des charges liées à la réhabilitation. Et le chantier sans précédent de la Maison de la Radio, qui perturbe profondément et quotidiennement le fonctionnement de l’entreprise depuis plus de cinq ans, va se prolonger encore au moins trois années.

Face à cette situation, la transformation de l’entreprise et les choix structurants qui devront être opérés font effectivement figure d’impératifs. Je partage également le principe selon lequel « la régulation purement budgétaire » n’est pas une voie envisageable pour rétablir l’équilibre de Radio France. Radio France ne pourra engager les transformations nécessaires qu’autour d’un projet d’entreprise garant de son avenir et de ses missions dans le paysage audiovisuel et culturel de demain. Sans une telle ambition, partagée et soutenue par l’État, nous ne parviendrons pas à fédérer les équipes de Radio France ni à garantir son développement. C’est ma conviction, et c’est sur ces bases que se sont engagées depuis l’automne 2014 les discussions sur le nouveau contrat d’objectifs et de moyens (COM) qui doit fixer la stratégie et le plan d’affaires de l’entreprise à horizon 2020.

L’appréciation de la Cour sur la période sous revue me semble en revanche devoir être doublement nuancée. En premier lieu, les constats de la Haute juridiction ne rendent pas justice aux efforts déployés par mes prédécesseurs et par l’ensemble des personnels de Radio France pour garantir la bonne gestion de l’entreprise, dans le cadre financier qui lui avait été fixé par son actionnaire et dans le cadre législatif et réglementaire qui s’impose à elle comme à toutes les entreprises publiques. C’est ainsi que la situation financière de l’entreprise est restée équilibrée sur l’ensemble des exercices 2004 à 2013. L’adaptation qui a été exigée de la part des salariés et la mobilisation des directions support qu’a nécessité le chantier de réhabilitation rendent par ailleurs l’appréciation de « situation privilégiée » peu conforme à la réalité de l’entreprise au cours de la période. Elles me semblent devoir être mieux pris en compte dans l’appréciation de la qualité de gestion et l’aptitude au changement des collaborateurs de Radio France.

En second lieu, comme l’indique la Cour elle-même, le rapport « ne remet pas en cause la qualité ni même la légitimité du service public de la radio qu’assure Radio France ». Je m’en félicite. Mais le parti pris retenu par la Haute juridiction de se concentrer sur les moyens mis en œuvre par l’entreprise plutôt que sur ses résultats ne doit pas pour autant faire perdre de vue que Radio France présente aujourd’hui une qualité de programmes et un niveau d’audience exceptionnels, dans un contexte de concurrence accrue des radios et des nouvelles formes de consommation des médias. L’analyse de la performance de l’entreprise ne peut faire l’économie de ces résultats, qui reposent intégralement sur les équipes internes. Le défi n’en est que plus grand pour l’entreprise, de parvenir à maintenir ce niveau de qualité et d’audience tout en modifiant en profondeur ses modes de gestion, de production et d’organisation.

La situation financière de Radio France est aujourd’hui à un point d’inflexion : comme l’indique la Cour, « en apparence, la situation financière et comptable de Radio France sur les exercices contrôlés (2004-2013) ne présente aucun motif d’inquiétude ». Et pourtant, l’entreprise a présenté à son conseil d’administration en octobre 2014 une prévision de résultat 2014 négatif, notamment du fait de provisions pour risques, l'entreprise s’efforçant au mieux de réduire ce déficit. Et pour la première fois de son histoire, Radio France a adopté en 2015 un budget en déficit de 21,3 M€.

L’analyse de la Cour permet d’éclairer ce paradoxe apparent par le fait que Radio France subit en réalité depuis 2012 un « effet de ciseau entre les ressources et les dépenses », qui s’est d’abord traduit par un résultat d’exploitation retraité négatif puis par un résultat net déficitaire à compter de 2014 qui, sans réformes structurelles, ne pourra que se creuser dans les années à venir.

De fait, la contribution à l’audiovisuel public attribuée à Radio France, historiquement dynamique, a diminué de 8,4 M€ depuis 2012, alors que la masse salariale, qui représente 60 % du budget, progresse mécaniquement d’environ 4 M€ par an. Par ailleurs, les charges liées à la réhabilitation augmentent à mesure que les bâtiments sont mis en service : pour la seule année 2015, l’entreprise doit absorber la hausse des amortissements (1 M€ nets), des charges de fonctionnement (0,8 M€) et des taxes foncières (3 M€).

Le constat de la Cour selon lequel Radio France aurait bénéficié d’une « dotation généreuse consentie par l’Etat aux termes de deux contrats d’objectifs et de moyens successifs » appelle en revanche de ma part trois remarques. En premier lieu, il ne me semble pas justifié de reprocher à Radio France de n’avoir pas anticipé, dès les années 2004-2009, la baisse de ressources publiques qu’elle a connu par la suite, alors qu’elle bénéficiait alors d’une hausse régulière de ses ressources et a respecté le cadrage budgétaire qui était le sien sur l’ensemble de la période. En second lieu, ce constat ne tient pas compte du fait que la contribution à l’audiovisuel public réellement versée à Radio France a diminué depuis 2012, présentant un écart cumulé de 87,7 M€ par rapport aux montants initialement prévus dans le COM. Pour faire face à cette diminution et participer à l’effort de redressement des finances publiques, Radio France a réalisé d’importantes économies et maintenu un effectif constant, alors même que la période était caractérisée par la création de nouvelles activités et l’intégration de salariés précaires.

En dernier lieu, le choix de l’État actionnaire de financer la réhabilitation de la Maison de la Radio par le cycle d’exploitation de l’entreprise a été fait dès l’origine et la diminution de trésorerie était donc attendue. En revanche, n’étaient pas prévues la baisse des ressources publiques ni les difficultés de mise en œuvre de ce projet hors norme qui ont conduit à rallonger sa durée de cinq années, et donc son coût. En janvier 2014, dans le cadre de la préparation du triennal 2015-2017, l’entreprise demandait un accroissement de 25 M€ de la contribution à l’audiovisuel public. En avril 2014, le conseil d’administration a adopté un nouveau coût prévisionnel pour la réhabilitation de la Maison de la radio, porté à 385M€ en valeur 2008 soit 430 M€ en euros courant ainsi qu’un nouveau calendrier, qui impliquaient nécessairement un effort accru de l’entreprise et de l’État, pour le financement de l’investissement et du fonctionnement de la réhabilitation et un creusement du niveau de trésorerie.

Mais il est exact que « le COM [2010-2014] n’avait pas prévu une situation où la trésorerie se dégraderait à la fois sous l’effet du chantier et du cycle d’exploitation de l’entreprise » et que ce n’est qu’au cours des premières réunions de préparation du COM 2015-2019, à l’été 2014, que la mesure de la situation financière a été pleinement prise.

Je ne peux que corroborer l’analyse de la Cour sur les résultats négatifs d’exploitation et le niveau de trésorerie qui en découlent pour les années à venir, que devra résoudre un plan pluriannuel volontariste de retour à l’équilibre. En l’état actuel des travaux, et compte tenu de l’urgence de la situation de trésorerie, Radio France envisage de recourir à un emprunt tout en sollicitant un soutien complémentaire de l’État pour financer la réhabilitation. À la lumière des expériences passées, il me paraît indispensable que le plan d’affaires qui sera arrêté avec l’État actionnaire intègre l’ensemble des éléments de financement de l’exploitation et du programme de réhabilitation, y compris au-delà de 2019, et soit régulièrement actualisé, afin de s’assurer de la solidité et de la pérennité du plan de retour à l’équilibre et des solutions de financement qui seront retenues.

Sur la gestion :

L’indispensable adaptation au nouveau modèle économique qui sous-tendra le prochain COM devra se traduire par un chantier de modernisation de la gestion afin d’en améliorer l’efficience, dans un environnement contraint. À cet égard, je partage avec la Cour le souci d’une performance accrue de la gestion et de déploiement de systèmes d’information budgétaires et comptables efficaces. La gestion des risques de l’entreprise me semble également devoir être développée.

En revanche, l’observation faite par la Cour sur l’insuffisante rigueur de gestion ne me parait pas refléter la réalité de l’entreprise. Et ce d’autant plus que la Cour souligne que, sur les dix exercices contrôlés, l’entreprise a respecté son cadrage budgétaire, dégagé des bénéfices d’exploitation et que ses comptes ont été certifiés sans réserve. Si les procédures manquent de formalisme et de fluidité, les contrôles de premier niveau réalisés au plus près de l’activité opérationnelle assurent à l’entreprise de manière raisonnable la maîtrise de ses activités dans le respect des règles et du budget.

La Cour pointe également la lourdeur des circuits de traitement de la dépense, dont l’entreprise a pris la mesure en engageant un schéma directeur de ses systèmes d’information de gestion en 2013, travail qui a débouché sur le lancement de deux chantiers : la refonte du cœur comptable et le traitement de la chaîne achats. Pour autant, s’agissant des paiements, je souhaite indiquer ici que la centralisation des paiements au niveau de la direction financière et la formalisation des différentes procédures de paiement opérées à 95 % par virement sécurisé, sont maîtrisées.

La mise en place d’une comptabilité analytique constitue également un chantier structurant, dont les premiers résultats ont permis une valorisation en coût complet du budget 2015. Néanmoins, sans attendre le calcul des coûts prévisionnels, l’entreprise disposait d’analyses a posteriori des moyens affectés à une production ou à une opération. De même, si l’articulation des différentes procédures budgétaires est perfectible, celles-ci sont néanmoins cohérentes avec le rythme d’activité propre aux saisons radiophoniques et musicales. En outre, la procédure budgétaire est l’occasion d’arbitrages en base zéro et une revue individuelle des effectifs CDI et demandes de remplacement en CDD.

Enfin, la Cour donne acte à l’entreprise des travaux engagés afin de sécuriser et étendre le processus achat, de la création précoce d’une commission interne des marchés dès 2003 à la structuration d’une direction des achats en 2011, suivant en cela les préconisations de l’audit interne de l’entreprise. Je partage pleinement cet objectif. Je tiens également à souligner que la direction des achats intervient sur l’ensemble du champ de l’entreprise, y compris sur le programme de réhabilitation.

Sur les ressources humaines :

La Cour relève le poids de la masse salariale dans la structure des charges de l’entreprise, ce qui n’est pas contestable et au demeurant inhérent au modèle économique de production de Radio France. Je souhaite cependant apporter les précisions suivantes quant à l’augmentation des effectifs de l’entreprise entre 2000 et 2011. La signature de l’accord 35 heures du 25 janvier 2000 a entraîné la création de 175 ETP qui a pesé sur le début de la période. Cet accord avait été précédé par un accord d’intégration des personnels d’antenne des radios locales en 1999 dont les effets se sont poursuivis jusqu’en 2001. Une nouvelle vague d’intégration de personnels en CDDU s’est traduite par une hausse des effectifs CDI de 45 ETP en 2007. Enfin deux accords en 2006 et 2008 ont permis d’intégrer en CDI des journalistes et techniciens en CDD de longue durée, répondant ainsi à des objectifs partagés de réduction de la précarité, ce que relève la Cour, tout comme elle souligne le respect par Radio France des plafonds d’emplois fixés par les COM successifs.

La Cour ne fait en revanche pas mention des efforts déployés par l’entreprise au cours de la période sous revue pour assurer de nouvelles activités par redéploiement. La création des nouvelles stations locales – France Bleu Maine, France Bleu Toulouse, France Bleu Saint-Etienne Loire (78 ETP), l’important plan multimédia qui a conduit à la création au sein de la DNM et des antennes de près de 150 ETP, et la mise en place de la direction des achats (16 ETP) ont été opérés à effectifs constants et dans un contexte de relations sociales complexes que la Cour ne manque pas de relever par ailleurs.

La description détaillée que le rapport opère sur le chapitre de la modernisation des accords collectifs est à cet égard éclairante et les difficultés qu’a connues l’entreprise sont aussi à la mesure de son choix stratégique de ne transiger sur aucun des deux principes que sont la fin des automatismes salariaux et la fin du paritarisme. Depuis la fin du contrôle, Radio France a signé avec deux organisations syndicales en décembre 2014 un relevé de négociations concernant le Nouvel Accord Collectif (NAC), relevé conforme aux ambitions initiales, notamment sur le renouvellement du dialogue social et le repositionnement de l’encadrement pour la gestion individuelle des carrières.

La Cour dénonce par ailleurs le « caractère encore opaque » du recours à l’intermittence. Ce constat est inexact et doit être corrigé. En effet, Radio France respecte scrupuleusement l’accord interprofessionnel étendu signé en 2007. L’entreprise a procédé aux intégrations nécessaires et ne recourt à l’intermittence que pour les artistes (musiciens et comédiens) et les métiers liés à la grille (producteurs d’émission). Je souhaite réaffirmer ici la position de Radio France : ces emplois sont liés aux choix éditoriaux et artistiques de l’entreprise et le statut retenu est adapté à l’enrichissement des antennes et au fonctionnement des formations musicales. En aucun cas il n’est recouru à l’intermittence pour assurer des fonctions techniques. La contrainte du plafond d’emplois n’a pas entraîné d’effet de substitution.

Sur le programme de réhabilitation :

Si Radio France ne se résume pas à la Maison de la Radio, l’immeuble de l’avenue du Président Kennedy est à bien des égards emblématique. Mais au-delà du symbole, achever dans leur globalité les travaux entrepris en 2009 m’apparaît comme une impérieuse nécessité au regard des difficultés générées par ceux-ci et des risques encourus.

Concernant le programme de réhabilitation, la Cour considère qu’il s’agit d’une « occasion manquée » de se réinventer pour l’entreprise. Je ne partage pas ce diagnostic. La Cour souligne les difficultés de programmation initiales, les changements de programme et les relations conflictuelles avec la maîtrise d’œuvre de conception, sur lesquelles il ne m’appartient pas de me prononcer. Un certain nombre de décisions fondatrices intervenues au cours du projet sont toutefois de nature à relativiser ce constat, qu’il s’agisse de la construction de l’auditorium, dont on voit aujourd’hui quelle place essentielle il tient au sein de la Maison de la Radio, ou de l’intégration de la vidéo dans les grandes salles et les studios. C’est bien la volonté de ne pas « manquer l’occasion » qui a induit ces changements et, pour ces deux exemples en tout cas, a substantiellement amélioré le projet.

La Cour souligne insuffisamment le caractère hors norme du projet depuis son origine : par son objet (la mise en sécurité d’un bâtiment conçu il y a 50 ans puis la transformation du site), par les incertitudes sur les évolutions technologiques à venir et leur impact sur l’activité, par les évolutions réglementaires constantes qui l’ont jalonnée et, surtout, par le choix de réaliser des travaux en site occupé pour une activité exercée 7 jours sur 7 et 24h/24, la réhabilitation de la Maison de la Radio constitue un projet d’une complexité sans équivalent, qui pèse sur le coût et le calendrier de l’opération mais également sur le climat social et la conduite de l’entreprise.

Sur les phases à venir, différents scenarios pour la poursuite et l’achèvement de l’opération ont d’ores et déjà été étudiés début 2014 dans le cadre de deux comités d’audit et présentés au conseil d’administration le 24 avril 2014, dans un triple souci de sécurisation opérationnelle, financière et juridique de l’opération. C’est ainsi que la phase 4 a été lancée et qu’une clause de rendez-vous a été donnée pour la phase 3, étant entendu que l’achèvement le plus rapide possible des travaux est un impératif à la fois social et économique.

Une clause de rendez-vous sera également nécessaire sur une opération non incluse dans le projet initial mais qu’il semble impératif de réaliser dans le calendrier de la réhabilitation : la rénovation des studios moyens (situés sur le pourtour de la grande couronne). Ceux-ci sont en effet essentiels tant pour la production radiophonique que pour les activités (et les ressources) de diversification. Le report des travaux dans ces espaces conduirait par ailleurs à prolonger le chantier en site occupé.

Sur la gestion des marchés, c’est précisément parce que l’entreprise était vigilante sur l’exécution de ses marchés qu’elle a procédé à l’analyse évoquée ci-dessus avec l’ensemble des directions concernées. A l’issue de cette analyse, Radio France a élaboré une feuille de route sur les marchés de la réhabilitation, présentée au comité d’audit et à la CIM, prévoyant les ajustements nécessaires et, selon les cas, la résiliation des contrats et la remise en concurrence, afin de respecter le cadre réglementaire. J’ai pu par ailleurs constater depuis mon arrivé la part active prise par le comité d’audit et la CIM, présidée par une personnalité extérieure, au suivi de l’opération.

Concernant le coût du projet, les comparaisons en euros courants ou en référence aux premières estimations théoriques du coût de l’opération en 2004, n’intègrent pas les règles communément admises pour analyser l’évolution d’un tel type de projet. L’évolution du coût final estimé (CFE) à date, par rapport aux contrats de travaux signés en mai 2009, est de 17 % en euros constants et fait l’objet d’un suivi très détaillé par le comité d’audit. Comme évoqué précédemment, la question du financement de l’opération demeure en revanche entière, tant pour l’opération initiale que pour les opérations nouvelles indispensables, studios moyens et façades. Ce point est actuellement en discussion dans le cadre du COM 2015-2019.

Sur les transformations de l’entreprise :

J’ai été nommé à la présidence de Radio France sur la base d’un projet de développement de l’entreprise. Il prévoyait la modernisation de son organisation et de ses modes de fonctionnement, le repositionnement des antennes et l’adaptation de la radio aux nouveaux usages numériques. Je n’ai pas renoncé à cette ambition. Dans la situation financière qui est la nôtre, l’application de mesures purement budgétaires conduirait l’entreprise à sa perte. Une autre solution pourrait consister à renoncer à tel ou tel pan de notre activité : ce n’est pas mon choix. L’entreprise doit se transformer dans toutes ses composantes pour continuer à exercer ses missions.

Au-delà de la construction d’un plan d’affaires soutenable et d’une politique de réduction des coûts, il s’agit bien de donner à Radio France un nouvel élan en construisant un projet porteur d’avenir au regard du nouveau modèle économique qui s’impose désormais à elle. Ce projet doit prévoir le financement complet du programme de réhabilitation, afin que Radio France puisse disposer d’un outil industriel pleinement opérationnel et adapté à ses ambitions. Il doit également inclure le développement de ses ressources propres, qui suppose la rénovation du cahier des missions et des charges et un plan de modernisation de la gestion de l’entreprise. Mais au-delà, il doit permettre le déploiement d’une stratégie pour Radio France dans les quatre domaines stratégiques que sont sa gamme de radios, son offre numérique, son offre musicale et la rénovation de ses modes de production et de gestion.

Radio France doit opérer, avec un soutien affirmé de l’État, les choix qui lui permettront d’assurer ses missions de service public et son développement, et d’autre part s’engager dans une transformation en profondeur sur le long terme, en associant l’ensemble des personnels et leurs représentants. L’entreprise, et surtout l’ensemble de ses collaborateurs dont l’attachement à Radio France est profond, y sont prêts, me semble-t-il, dès lors que nous mobiliserons ce qui fait la force de Radio France : ses équipes, son identité de service public, son sens de l’excellence et son souci du public. Le soutien de l’Etat actionnaire sera également essentiel. Tels sont les enjeux des discussions en cours sur le prochain COM de Radio France pour 2015-2019.

Comme le relève la Cour, cinquante ans après la création des trois antennes historiques, et plus de 15 ans après la naissance de la benjamine Mouv’, notre gamme a peu évolué et sa distribution doit être repensée. Comment améliorer l’équilibre entre radios parlées et radios musicales, comment renforcer la couverture de France Info, de France Bleu et de Fip, comment toucher tous les citoyens, même les plus éloignés : telles sont les ambitions sur lesquelles nous travaillons pour maintenir l’excellence de notre offre et renforcer sa complémentarité pour toucher un public plus large et plus divers. Le travail éditorial doit s’appuyer sur analyse des publics et une gestion de la relation avec les auditeurs et spectateurs. À cette fin j’ai créé une direction déléguée du marketing stratégique et du développement dès mon arrivée à la tête de l’entreprise, direction qui travaille en lien étroit avec la direction déléguée aux antennes et aux programmes.

Nous travaillons également sur la complémentarité des distributions hertziennes et numériques de nos antennes et de formations musicales. La couverture en FM de plusieurs de nos antennes – notamment France Bleu et France Info – doit être complétée. Et face à l’évolution des usages, le développement de notre offre numérique est impératif. Or, comme sur nos publics, nos résultats dans ce domaine sont contrastés. Nous remportons des succès d’audience remarqués sur nos podcasts, la radio visuelle lancée en septembre 2014 trouve son public. Mais notre offre reste très en-deçà de ce qu’on observe à l’échelle européenne. Nous n’avons pas de webradios ni de plates-formes numériques pour nos orchestres, et nos sites et applications mobiles n’atteignent pas, faute de stabilité technique et de marketing digital et relationnel, l’audience attendue du premier groupe radiophonique.

La construction d’une offre musicale cohérente, forte et moderne, s’appuyant sur les fonctionnalités offertes par la Maison de la Radio ré-ouverte, constitue le deuxième axe sur lequel s’appuie le projet que je porte. Nos formations musicales sont un pilier de Radio France, et un acteur essentiel de la production et de la diffusion de la musique en France. Le nouvel auditorium de la Maison de la Radio et le studio 104 rénové permettent d’offrir à nos spectateurs actuels, mais également à un nouveau public, des concerts exceptionnels dans deux lieux uniques à Paris.

Mais les formations musicales ne peuvent rester à l’écart de la transformation de l’entreprise. Mon objectif, et celui que je défends auprès de l’État, est de privilégier la voie qui préservera à la fois l’excellence artistique de nos formations et répondra au mieux à la diversification des formats et de l’offre musicale que suppose l’ambition de rendre la musique, et notamment la musique classique, ouverte à tous. La programmation des espaces de la Maison de la radio devra également s’enrichir, pour faire écho aux contenus portés et diffusés par nos chaînes et par nos formations.

L’analyse de la Cour montre à juste titre qu’il est nécessaire de renforcer le pilotage de l’activité, à la fois en termes d’outils mais aussi d’organisation et de définition de processus de gestion et de production. C’est dans ce cadre que j’ai souhaité dès mon arrivée, et en lien direct avec le cœur d’activité de l’entreprise, procéder à un audit des modes de production. Les conclusions de cette étude m’ont conduit d’ores et déjà à engager des projets d’évolution de l’organisation significative. Le projet prévoit notamment la création de pôles de production au sein des antennes regroupant au plus près des programmes et sous une même autorité hiérarchique les attachés de production, chargés de réalisation et techniciens d’antenne. L’enjeu de ce chantier est essentiel : il doit en effet répondre, dans un contexte sous contrainte, aux besoins nouveaux de la production, tant pour l’enrichissement numérique des programmes et la radio visuelle que pour l’exploitation des grandes salles ; mais il doit également permettre une responsabilisation complète des directeurs d’antennes sur le management des équipes et l’allocation de leurs ressources de production aux ambitions éditoriales de leur grille.

Comme le souligne la Cour, cette affirmation du rôle des directeurs d’antenne a pour corollaire un renforcement de la coordination éditoriale et managériale entre elles. C’est le rôle essentiel de la direction déléguée aux antennes et aux programmes créée à mon arrivée, et des comités transversaux mis en place depuis sur la politique musicale ou la politique de partenariats des antennes. Dans le domaine de la production, le projet d’intégration des équipes au sein des chaînes s’accompagne du projet de création d’une direction de la production unifiée, chargée d’assurer l’exploitation des moyens de production communs aux chaînes et la coordination transversale de ces moyens.

Radio France a par ailleurs engagé à travers les négociations du Nouvel Accord Collectif un travail de définition des métiers, permettant de favoriser la polyvalence et de répondre aux besoins nouveaux liés à l’enrichissement des contenus ou à la radio visuelle. Certaines évolutions sont déjà en vigueur à France Info, mais également pour des émissions simples sur les antennes nationales et dans l’ensemble des stations France Bleu. Par ailleurs, les gains de productivité générés par la numérisation, contraints par les définitions des métiers inscrits dans la convention collective de la communication et de l’audiovisuel public (CCCPA), ont été consacrés à l’augmentation des volumes de production, ce que relève la Cour, mais aussi à l’enrichissement progressif des tâches de production, telles la gestion des données associées, des images, de la vidéo.

Assurer le développement de l’entreprise en tenant compte du nouveau modèle économique, tel est le défi que Radio France doit aujourd’hui relever. Le rapport de la Haute juridiction met en lumière l’ampleur de la tâche, les contraintes qui pèsent aujourd’hui sur l’entreprise mais également la nécessité d’agir. J’y ajouterai quatre conditions, qui me semblent devoir être réunies pour assurer le succès de cette ambition. La transformation de l’entreprise nécessitera en premier lieu un projet, qui permette de fédérer les équipes et de donner du sens aux changements qui seront exigés de chacun. Elle devra également s’appuyer sur un management soudé et armé pour rassurer, mobiliser et valoriser le professionnalisme et l’engagement des collaborateurs. Elle supposera enfin un dialogue social actif et un soutien renouvelé de l’État, pour mener à bien ces réformes dans la durée et garantir l’ambition du service public à horizon 2020.

RÉPONSE DU PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL DE RADIO FRANCE DE MAI 2004 À MAI 2009 (M. CLUZEL)

Si une large part des constats et recommandations de la Cour porte sur les années récentes ou à venir et n’appelle pas de commentaires de ma part, de nombreuses appréciations de portée plus générale, ou concernant spécifiquement la période 2004-2009, appellent les observations suivantes de ma part.

Je souhaiterais faire à cet égard deux remarques liminaires.

La première a trait aux observations relatives aux achats et à la réhabilitation du site. Sur ces sujets, la Cour avait bien voulu me demander des réponses à ses constatations préliminaires qu’elle m’avait communiquées et pour lesquelles la 3ème chambre m’avait auditionné le 13 octobre dernier. Je me félicite qu’il en ait été tenu compte, mais je crois devoir y revenir au vu de certaines appréciations du projet de rapport définitif.

La seconde tient à celles des observations contenues dans le projet de rapport public qui ont trait notamment au numérique, aux finances et aux ressources humaines. Pour ces dernières, sauf erreur de ma part, aucune constatation provisoire ne m’avait été communiquée. Or, de nombreux éléments ou appréciations concernent la période où j’exerçais la présidence de Radio France. Il me semble donc nécessaire d’y répondre pour respecter le caractère contradictoire de la procédure.

I – Commentaires généraux

Le projet de rapport relève que la qualité des programmes fait généralement l’objet d’une appréciation très positive et que, sous ma présidence, de nombreuses initiatives ont été prises pour positionner Radio France dans l’univers numérique qui commençait à se dessiner. Toutefois, certaines formulations de ce projet, notamment dans les titres ou les conclusions, pourraient laisser entendre que la gestion de l’entreprise aurait pu manquer de rigueur ou que l’avenir, y compris dans le domaine numérique, aurait pu être mal préparé. Ces carences, parfois qualifiées de « défaillances », auraient par ailleurs été facilitées par une ressource publique peut-être trop abondante.

Tout en faisant la part de la difficulté inhérente à la rédaction d’un rapport qui porte sur trois présidences successives, il me semble que les années où mes proches collaborateurs et moi-même ont assuré la direction de l’entreprise, soit de mai 2004 à mai 2009, ont été marquées par :

* une qualité reconnue des programmes, qu’il s’agisse de culture ou d’information, illustrée par des audiences à nouveau en hausse, comme en atteste le renouveau de France Inter engagé dès le départ et donnant ses résultats à partir de 2007, l’élargissement régulier de l’audience de France Culture à partir de 2004 ou le déploiement d’un nouveau modèle éditorial pour France Bleu qui allait déboucher sur les résultats d’audience que l’on sait à partir de 2008 et pour les années qui ont suivi ;

* une démarche active de préparation de l’entreprise aux transformations liées au numérique : lancement des podcasts et de players sur les sites, avant la plupart de nos concurrents privés, et même en avance sur bien des services publics étrangers et négociation de plusieurs accords avec les ayant droits, le tout débouchant sur l’élaboration en 2008-09 d’un plan stratégique centré sur le numérique. En 2009, Radio France était considérée à la pointe en ce domaine, comme mes collègues étrangers ont bien voulu me le manifester en m’élisant à la présidence des Radios Francophones, par exemple. S’il est possible que cet élan n’ait pas été maintenu dans les années qui ont directement suivi la fin de mon mandat, ma présidence n’est pas passée à côté du défi majeur du numérique, bien au contraire, comme en attestent d’ailleurs plusieurs observations du projet de rapport, sinon la formulation de certains titres ou conclusions ;

* un strict respect des budgets votés, et au-delà des comptes en excédent croissant, et ce alors même que les ressources publiques dont disposait l’entreprise (+ 1,8 % sur le COM 2006-2009, comme le relève la Cour) connaissaient une évolution proche de l’inflation, à ma connaissance analogue à celle de la sphère publique sur cette période. Ces ressources publiques me paraissent difficilement pouvoir être qualifiées d’« abondantes ». Au demeurant, sur l’exécution des cinq budgets (2005-2009) adoptés sous ma présidence par le conseil d’administration, et notamment, sans exception, par les représentants de l’État, l’entreprise a dégagé un excédent cumulé de plus de 11 M€, qui ont été affectés aux réserves de la société, en prévision de son programme de travaux. Cette maîtrise des dépenses n’a pas empêché une politique sociale ambitieuse mais maîtrisée (stabilité de l’emploi malgré de nombreuses intégrations de « précaires »).

Ce bilan, généralement salué me semble-t-il à mon départ de l’entreprise, ne justifie donc pas la tonalité parfois négative des appréciations formulées dans le projet de rapport public, notamment au chapitre III, et dans la conclusion générale. La Cour comprendra sans doute que je m’étonne de ces formulations.

Il est enfin à souligner qu’aucun des membres de mon équipe de direction n’est encore en fonction à Radio France. Il nous a donc été impossible, en l’absence par ailleurs de l’envoi des constatations provisoires sur plusieurs éléments, de faire valoir que les préoccupations de gestion, que la Cour salue à juste titre à partir de la période 2012-2013, étaient les mêmes que celles qui ont dicté ma présidence de 2004 à 2009. Certaines formulations du projet de rapport public me paraissent donc inadéquates pour la période allant jusqu’en 2009, car elles ne reflètent pas suffisamment les efforts constants alors reconnus par tous. Les domaines de la maîtrise de la dépense, de la mise en concurrence des achats extérieurs ou de l’association des organes de contrôle compétents ont en effet fait l’objet de toute mon attention personnelle, comme de celle du directeur général délégué à la gestion, du directeur général adjoint pour les ressources humaines, du directeur général adjoint pour les services généraux et les projets immobiliers et du directeur financier.

Enfin, s’agissant de la réhabilitation de la Maison de la Radio, le choix de finaliser le programme de ce projet parallèlement à la désignation de la maîtrise d’œuvre, choix auquel le projet de rapport attribue une large part de responsabilité dans les « dérives » du chantier, était le seul à permettre en 2004, d’une part de lancer sans attendre la mise en sécurité, comme l’exigeait la préfecture de police qui menaçait de fermer le site, et d’autre part de saisir l’occasion de cet investissement considérable pour y introduire un objectif explicite de modernisation du fonctionnement de l’entreprise. J’ai eu l’occasion de m’en expliquer de manière circonstanciée dans ma réponse transmise à la 3ème chambre le 3 octobre 2014 (et complétée par un envoi du 23 octobre), sans avoir le sentiment que mes observations aient été contredites lors de mon audition du 13 octobre.

Cette démarche m’est apparue la seule envisageable pour permettre le moment venu aux tutelles et au conseil d’administration de se prononcer sur un projet suffisamment détaillé dont le budget prévisionnel aurait été fiabilisé. Cet objectif a été atteint à l’occasion de la réunion interministérielle du 13 novembre 2008 et de celle du conseil d’administration du 19 décembre 2008.

Ce délai de quatre ans ne me paraît pas excessif au regard de la complexité exceptionnelle d’une opération de réhabilitation lourde sur site exploité, site dont l’activité première, la production de son, suppose que les nuisances soient réduites au minimum. S’y est ajoutée la nécessité d’un dialogue social approfondi en raison des craintes avancées par plusieurs organisations syndicales au vu de la modernité réelle du projet. Le contexte économique n’a pas été non plus favorable, avec une forte inflation des coûts de la construction à cette époque qui a conduit à déclarer infructueux de nombreux appels d’offres pour préserver les deniers publics. Il y a eu aussi plusieurs imprévus, comme la présence importante d’amiante, pas du tout documentée à l’origine. Enfin, la négociation avec la maîtrise d’œuvre s’est trouvée à plusieurs reprises délicate, bien que finalement les difficultés aient toujours été résolues, du fait de certaines impasses techniques dans les propositions initiales de l’architecte et de la dérive du coût d’investissement prévisionnel entre 2005 et 2009 (15 %).

Je ne peux que regretter toutefois qu’après ma présidence certains éléments importants du projet, visant à la modernisation de l’entreprise, aient été modifiés, allongeant et renchérissant sans doute le chantier et en affectant à mon sens les vertus opérationnelles. Ces modifications du programme ne peuvent m’être imputées. Elles proviennent d’une divergence fondamentale, par ailleurs tout à fait respectable, sur la conception de la production et de la mise en ondes, y compris sur les supports numériques, d’une radio de service public.

II – Commentaires détaillés

Chapitre 1 – « une entreprise en état de crise financière »

Le projet de rapport dénonce l’absence de portée stratégique des COM signés à partir de 2006, ainsi que leur trop grande proximité avec le cahier des charges. Il faut ici rappeler que l’absence de COM était régulièrement dénoncée, notamment au Parlement, depuis la loi de 2000 qui rendait cette procédure obligatoire. La signature du premier COM de l’entreprise en 2006, qui a fortement mobilisé la direction de l’entreprise, a alors été saluée comme un pas important.

Le projet de rapport indique dans sa conclusion qu’ayant « bénéficié d’une situation privilégiée du point de vue des ressources attribuées au titre de la CAP, Radio France a échappé à la « mise sous tension » … (des) administrations et opérateurs publics », suggérant que l’entreprise s’était ainsi exonérée de toute maîtrise de ses coûts ou de démarche de réforme.

Au-delà des développements qui suivent, attestant au contraire que de tels efforts ont bien été mis en œuvre dès 2005, on peut relever, comme je l’ai indiqué plus haut, que la progression moyenne de la ressource publique prévue par le COM pour la période 2006-09, soit 1,8 %, correspond peu ou prou à une stabilité en volume et que la gestion a dégagé un bénéfice croissant. Ce résultat a été atteint alors même que les recettes de publicité étaient en retrait de l’objectif fixé dans le COM, du fait d’une conjoncture économique devenue défavorable à partir de 2007, et de fortes restrictions dans les budgets des annonceurs publics, très importants pour Radio France.

De même, les effectifs sont demeurés stables entre 2006 et 2009, dans le cadre d’une procédure où tout recrutement en CDI devait être validé par le directeur général délégué. Cette stabilité est d’autant plus notable que cette période a connu :

- le développement du réseau France Bleu ;

- la montée en puissance des activités numériques ;

- des plans d’intégrations (CDD journalistes et metteurs en ondes) ou de mise en conformité (recours au CDD au lieu de piges ou cachets) qui ont mécaniquement eu pour effet de diminuer le potentiel d’heures travaillées disponibles80, sans augmentation du nombre d’ETP ;

- le développement de l’accueil de jeunes alternants.

Radio France, qui avait accumulé sous ma gestion plus de 11 M€ d’excédents, intégralement mis en réserve, ne pouvait donc être qualifiée « d’entreprise en état de crise financière » en mai 2009.

Chapitre 2 : « des activités au développement insuffisamment piloté »

S’agissant en premier lieu des antennes, la Cour relève que les dépenses comme les effectifs ont fortement progressé. Le rythme de progression des dépenses doit tout d’abord être relativisé (2,5 % par an) ; surtout, le COM 2006-09 invitait l’entreprise à accorder une priorité à ses antennes, ce qu’elle a fait dans le respect de l’équilibre budgétaire, et ce qui parait correspondre à une bonne utilisation des deniers publics. Pour les effectifs, les progressions relevées par la Cour concernent surtout France Inter et France Info et reflètent, pour la période dont j’ai eu la responsabilité, essentiellement des effets de périmètre, avec respectivement l’intégration des metteurs en ondes et l’affectation au site de France Info des journalistes de l’ex direction du multimédia.

Sur les modes de production et d’organisation, sans contester les rigidités relevées par la Cour ni la complexité du dialogue social, il faut souligner que les différentes antennes nationales ont été dotées, à partir de 2005, de responsables de la production et de délégués techniques dédiés. Ce choix d’organisation a permis de nombreuses optimisations dont la légitimité était d’autant moins contestée qu’elles traduisaient directement les priorités exprimées par les directeurs de chaînes et la grande majorité des personnels.

À France Bleu, la mise en œuvre de l’accord d’intégration de plus de 100 journalistes précaires en 2006 a été accompagnée d’un réexamen systématique des modalités d’organisation du travail de chaque rédaction locale, afin de veiller à ce que ces intégrations ne se traduisent pas in fine (à la différence des expériences passées) par un accroissement de l’effectif global et contribuent par ailleurs à résorber au moins partiellement les disparités de moyens entre stations. Cet objectif a été parfaitement atteint.

En second lieu, s’agissant du développement numérique, le projet de rapport reproche à Radio France, malgré des « débuts prometteurs », de n’avoir pas modifié sa stratégie ni ses méthodes durant « toute la décennie 2000 ». Je considère au contraire que ma présidence a permis de poser les conditions du passage à l’ère numérique et multimédia d’une entreprise qui, à ma prise de fonctions, regardait cette révolution avec la plus grande méfiance :

* au plan technologique, en étant pionnier sur l’offre de podcasts ou la mise en place de players permettant l’écoute en streaming, en introduisant la captation d’images animées dans les studios d’antenne, notamment pour les grands moments de la « matinale » malgré de très vives réticences initiales, et en engageant la numérisation de la discothèque centrale de Radio France ;

* au plan juridique et social, en négociant avec les ayants droits (syndicats de journalistes et SCAM ; SACEM) les accords permettant de sécuriser juridiquement l’offre numérique de Radio France. La mise en cause de la convention collective, en 2009, dont j’ai été un des rares protagonistes dans l’audiovisuel public (voir plus bas), devait également être l’occasion d’adapter les textes conventionnels aux évolutions de métiers liées au numérique ; 

* plus largement, une démarche participative avec tous les échelons du personnel, à partir de la mi-2008, et pilotée par la direction générale déléguée à la stratégie et aux contenus, créée spécialement à cet effet, avait permis d’aboutir à l’élaboration d’un projet stratégique, intitulé « Horizon 2015, Radio France à l’ère numérique » ; ce projet a été présenté au conseil d’administration au printemps 2009, et auparavant au comité central d’entreprise, sans soulever d’oppositions majeures ; je regrette que l’on n’ait pas jugé bon de le poursuivre.

Chapitre 3 : « une gestion peu rigoureuse »

À l’appui de ce jugement qui porte sans doute sur la globalité de la période sous revue, le projet de rapport relève trois catégories de carences : la gouvernance d’entreprise, les procédures de gestion et les procédures de contrôle. Je relève que la Cour ne les impute pas principalement à ma présidence, mais il me paraît néanmoins essentiel d’y répondre pour la période 2004-2009.

La gouvernance d’entreprise ne relève pas du seul Président, puisqu’au sens strict elle relève du conseil d’administration. On peut toutefois noter que c’est à mon initiative qu’un comité d’audit a été créé, dès 2004, et qu’un règlement intérieur du conseil a été par la suite adopté. Une lecture attentive des procès-verbaux des conseils d’’administration montre aussi qu’aucune décision importante n’a été prise, en quelque domaine que ce soit, y compris la réforme des antennes ou le chantier de réhabilitation, sans que le conseil d’administration n’ait eu à en débattre dans la plus grande transparence.

S’agissant des procédures de gestion, l’impression, qui pourrait ressortir du projet de rapport, de budgets reconduits d’année en année, sans réexamen de l’existant ni souci de programmation des priorités, paraît excessive. La radio, contrairement à la télévision, est produite presque exclusivement par ses équipes, que l’on soit dans le secteur public ou le secteur privé. Les budgets sont donc d’abord des budgets de personnel, ce qui exclut toute évolution brutale. Certes, l’existence de missions permanentes, définies au cahier des charges, a conduit à une budgétisation de type « reconduction/mesures nouvelles », mais cette démarche était celle encore largement adoptée à l’époque pour le budget de l’État. Les mesures nouvelles n’excluaient nullement des diminutions de crédits, la procédure budgétaire interne de l’époque retraçant formellement une phase d’identification préalable des économies et redéploiements possibles. Elle était fondée sur une analyse critique systématique de l’existant, en particulier des possibilités de ne pas remplacer les départs naturels de salariés permanents. De même, des procédures de budget en base zéro ont été mises en places dès ma présidence concernant les dépenses d’investissement et les CDD. Le projet de rapport est donc excessif en avançant qu’elles ont été mises en place « depuis peu ».

Sur les achats, le projet de rapport présente peut être une contradiction entre ce qui serait une « remise en ordre tardive », que ce projet situe visiblement en 2012 ou 2013, et le constat de la mise en œuvre volontariste et déterminée, sous ma présidence, de procédures d’achat conformes au tout nouveau régime juridique de la commande publique issu de l’ordonnance de 2005. Peut-être cette contradiction renvoie-t-elle, encore une fois, à la période ayant suivi immédiatement mon mandat, mais le terme de « situation chaotique » (en 2009) » est contraire à ce qui est par ailleurs à juste titre factuellement relevé dans le rapport.

En matière de procédures, comme le relève en effet la Cour, la commission des marchés a ainsi été renforcée en 2005, un guide publié en 2006, puis un guide de référence des achats diffusé en 2008, en même temps qu’étaient formés une centaine de collaborateurs responsables d’achats. Par ailleurs, la création de structures dédiées à l’achat au sein des principales directions concernées (DGA SABIG, pour le bâtiment et les services généraux, et DGA TTN, pour la technique et le numérique) a été mise en œuvre à partir de 2007.

En pratique, plusieurs marchés parmi les plus importants ont été mis en concurrence sous ma présidence, alors qu’ils ne l’étaient pas auparavant, par exemple : nettoyage, téléphonie mobile (choix de SFR, après appel d’offres européen, pour succéder à des contrats épars et de gré à gré) location longue durée de véhicules (en 2008, au lieu d’acquisitions au cas par cas), agence de voyage, protection complémentaire santé, etc.

Je m’étonne que le projet de rapport puisse avancer que la direction technique ou la direction de la communication n’aient soumis aucun « dossier » à la commission des marchés. Ce fut le cas par exemple du choix, inédit en 2007, du fournisseur allemand Thum und Mahr pour les consoles des régies de radios locales, mais également pour le choix de l’agence média (contrat-cadre avec Starcom) ou le développement du site portail de Radio France en 2008. S’agissant des études, dont le coût total représentait à peine 0,3% de l’ensemble des charges de l’entreprise, le principal poste de dépenses correspondait aux études de Médiamétrie, dont l’entreprise était actionnaire par ailleurs et qui dispose en tout état de cause d’un monopole de fait sur la mesure d’audience. Pour des études plus spécifiques, chaque agence dispose dans la plupart des cas d’une spécialité, et dans le cas contraire, la direction des études a systématiquement présenté à la direction les raisons de ses préférences, exclusivement au demeurant pour des contrats de faible montant.

Enfin, un gros travail a été mené entre les différentes directions concernées (financière, technique et DGASABIG – immobilier et services généraux) pour élaborer et mettre en œuvre un logiciel de gestion des procédures de maintenance, de passation de commandes, etc.

Le respect intégral des procédures et accords cadres a certes pu parfois se heurter aux habitudes et prendre du temps. En analyser les causes et l’ampleur était d’ailleurs bien l’objectif de l’audit commandé par mes soins en 2007, que relève la Cour pour étayer son constat. À la fin de mon mandat, Radio France se trouvait plutôt en avance parmi les adjudicateurs publics soumis aux dispositions de l’ordonnance du 6 juin 2005 et du décret du 30 décembre 2005, alors même qu’elle ne se trouvait pas soumise précédemment, contrairement à d’autres opérateurs, au Code des marchés publics. La présentation faite de la situation jusqu’en 2009 paraît donc inexacte.

Lire qu’il « aura fallu attendre neuf ans à compter de l’ouverture de la diffusion à la concurrence en 2004 pour que l’entreprise cherche à en tirer profit » ne manque pas aussi de surprendre. D’une part, cette ouverture était de fait limitée par le régulateur: bien que les sites de diffusion les plus importants, incontournables pour la couverture territoriale de Radio France, soient de fait « non réplicables », l’ARCEP n’a alors pas jugé opportun d’organiser l’hébergement de concurrents par l’opérateur historique, à la différence de la diffusion de la télévision numérique. D’autre part, pour les autres sites, pour lesquels une concurrence pouvait exister, Radio France a organisé dès 2005 une vaste opération d’appel au marché, sur plus d’une centaine de prestations de diffusion, qui a conduit à attribuer à d’autres opérateurs plus de la moitié des fréquences opérées historiquement par TDF. Il a ensuite été procédé de même pour chacune des nombreuses fréquences nouvellement attribuées à Radio France au terme de la replanification de la bande FM déployée à partir de 2006.

La création d’une direction des achats, en 2012, dans la foulée d’un mouvement qui s’est généralisé dans les entreprises privées et publiques depuis les années 2009-2010, et donc postérieurement à ma présidence, est certainement une avancée utile. Elle ne peut à mon sens permettre d’oublier ce qui a précédé. Je considère que mes collaborateurs et moi-même pouvons nous attribuer l’honneur d’avoir engagé et d’avoir été en avance sur des pratiques devenues depuis lors courantes.

Chapitre 4 : « un modèle social, source de rigidité »

Sans revenir dans le détail sur les observations du projet de rapport, relatives aux effectifs et à la politique sociale de l’entreprise, je souhaite souligner qu’au cours de ma présidence :

* les effectifs sont restés parfaitement stables sur la période du COM 2006-2009, conformément à l’objectif et ce, malgré les accords d’intégration de personnels « précaires », en particulier journalistes (2006) et metteurs en ondes (2008), dont l’effet sur les effectifs globaux est souvent inflationniste81 ;

* à l’exception de l’année 2005, marquée par un conflit social de grande ampleur, les cadrages salariaux ont été respectés et les rapports de la CIASSP ont salué les politiques conduites, tant pour la maîtrise de la masse salariale, malgré les automatismes, que pour la mise en place d’une politique de ressources humaines complète, avec la première signature d’accords relatifs notamment à l’égalité entre les femmes et les hommes, au handicap, à la protection complémentaire et au développement de l’accueil de collaborateurs en alternance ;

* si le taux de promotions individuelles a progressé, c’est le fruit d’un choix délibéré de favoriser ce type de mesures en diminuant les mesures catégorielles et les mesures générales ; cette politique de meilleur suivi individuel des carrières a été conduite par le directeur général adjoint en charge des ressources humaines parallèlement à la mise en place d’une politique de management, avec l’application d’une part variable de rémunération pour les cadres en 2007 et à l’instauration d’entretiens individuels d’objectifs pour ces cadres concernés et leurs « n-1 », pratique jusque-là confidentielle dans l’entreprise. Ceci atteste d’une volonté d’instaurer un management par objectif, appelé de ses vœux par la Cour ;

* concernant les conventions collectives, il me paraît utile de rappeler que, contrairement à ce qu’indique le projet de rapport, la CCCPA et l’avenant à la CCNTJ ne sont pas devenus caduques en raison de la création de la société unique France Télévisions, mais du fait de la décision des autres sociétés de l’audiovisuel public, sous l’impulsion de Radio France, de dissoudre l’AESPA (Association des Employeurs du Service Public de l’Audiovisuel). Cet acte fondateur visait à permettre la modernisation en profondeur des règles collectives régissant les collaborateurs de l’audiovisuel public.

Chapitre 5 : « la réhabilitation, miroir des défaillances de l’entreprise » 

Le titre de ce chapitre relève d’un raccourci contestable, tant la conduite de plusieurs chaînes et formations musicales paraît distincte de celle d’un chantier immobilier, les équipes ne se rejoignant à mon sens qu’au niveau de la présidence, de la direction générale déléguée et de la direction financière. J’ai fourni à la Cour des réponses détaillées et circonstanciées dans ma réponse du 13 octobre 2014, complétée le 23 octobre. Ces réponses ne me paraissent pas faire apparaître de « défaillances » significatives.

Le projet de rapport définitif continue de considérer que le défaut initial de programmation et la taille insuffisante de la structure de pilotage du projet sont responsables de l’inflation de son coût et de son insuffisante ambition en termes de modernisation de l’entreprise. Je persiste à penser qu’il n’en est rien.

Le calibre assigné à cette réponse ne permettant pas de reprendre en détail les éclairages fournis à la Cour dans ma réponse précitée du 13 octobre 2014, je me bornerai à en reprendre les principaux points.

1. Le choix a été fait dès 2004 par la direction, avec le soutien des autorités de tutelle, de profiter de la mise aux normes de la Maison de la Radio pour procéder à une modernisation de ses installations et de ses méthodes : studios globaux pour rapprocher les métiers ; mutualisation d’installations techniques entre chaînes ; réduction du nombre de studios ; rapprochement physique de France Inter et France Info pour favoriser à terme les synergies entre rédactions.

Ce choix rendait plus complexes tant l’élaboration technique du programme définitif que son explication auprès des personnels et de leurs représentants, prompts à accuser alors la direction de vouloir « casser » la radio publique. Pour faire face à ces complexités tout en favorisant le dialogue avec la préfecture de police qui aurait pu demander la fermeture immédiate de l’exploitation, comme elle l’a fait au demeurant pour la Samaritaine à l’époque, il a été choisi délibérément d’élaborer le programme parallèlement à la sélection du maître d’œuvre. Cette sélection a été opérée à l’issue d’une procédure longue destinée à en assurer la transparence. Ce choix n’a alors été contesté par aucune des parties. Ce choix est conforme à l’esprit de la procédure de dialogue compétitif et au contrat de maîtrise d’œuvre entre Radio France et Architecture Studio. Il n’y a eu aucune ambigüité à cet égard.

Mon objectif et celui de mes collaborateurs a toujours été le même : permettre aux pouvoirs publics de donner leur feu vert uniquement lorsque le projet aurait été suffisamment abouti et que son contenu et son coût estimatif auraient été parfaitement cernés. Cette démarche a permis de déboucher sur les décisions du conseil d’administration du 19 décembre 2008. Rien d’irréversible n’avait été enclenché jusque-là.

2. Les moyens affectés par l’entreprise à la préparation et à la conduite du chantier ne peuvent être résumés à ceux de la seule direction de la maîtrise d’ouvrage (qui s’est parallèlement elle-même étoffée) : outre le recours à de nombreuses assistances à la maîtrise d’ouvrage, le projet a mobilisé plusieurs équipes d’autres directions (financière, juridique, technique), ainsi que la commission interne des marchés dès 2005. La légèreté excessive de ce dispositif, avancée aujourd’hui par le projet de rapport, n’est alors apparue à aucun intervenant, qu’il s’agisse du CGEF, des tutelles, du comité d’audit ou de la préfecture de police de Paris.

3. Le Comité d’audit, créé à mon initiative en 2004, s’est essentiellement occupé tout au long de mon mandat de la surveillance de l’évolution du coût du projet et des procédures destinées à assurer une concurrence effective lors de la passation des marchés. Le contrôle général économique et financier était pour sa part étroitement associé à tous les engagements liés au chantier. L’affirmation selon laquelle « les instances de gouvernance et de contrôle (ont très souvent été) mises devant le fait accompli » ne trouve pas à s’appliquer à mon mandat.

4. Le coût d’objectif des travaux arrêté par le conseil d’administration en mai 2009, au terme de mon mandat, soit 240 M€ à prix 2008, ou 203,5 M€ à prix 2005, comparé à une estimation initiale de 176,2 M€ valeur 2005, représente une augmentation de 15,4% en euros constants, ce qui s’explique notamment par une conjoncture économique très défavorable au moment du lancement des appels d’offres. C’est d’ailleurs aussi en raison d’offres trop élevées que nombre de ces appels ont été déclarés infructueux, afin de pouvoir négocier des prix plus bas, ce qui est une des raisons du décalage du calendrier.

Le prix au m² de la réhabilitation (coût HT travaux) ressortait ainsi à environ 2 200 €/m², ce qui paraît tout à fait raisonnable par rapport à des projets de taille et de complexité comparables conduits à l’époque.

En définitive, le programme prévoyait bien une modernisation du fonctionnement de l’entreprise et l’évolution de son coût, dûment approuvée par l’Etat, a été contenue avant qu’il ne soit modifié en 2010-2011.

5. Enfin, le budget des travaux des travaux de la première tranche, dite phases 0 et 1, la seule qui ait été conforme au projet arrêté par le conseil d’administration sous mon mandat, a été respecté. Cette tranche comprenait des travaux majeurs et délicats : parking, pôle énergie, tour radiale et petite couronne. Le budget présenté au conseil d’administration de décembre 2008 était de 95 M€ environ. Le montant des travaux supplémentaires qui ont dû être financés a été par la suite limité à 11 M€, soit 11,5% du montant total, bien inférieur à la marge d’aléas de 19,6 M€ qui avait été approuvée.

Il est à noter que les tranches suivantes se sont notablement écartées du projet initial, du fait me semble-t-il d’une profonde divergence entre les directions successives sur les objectifs de modernisation de la radio publique ou la mission du futur auditorium.

RÉPONSE DU PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL DE RADIO FRANCE DE MAI 2009 À MAI 2014 (M. HEeS)

Ayant assumé la Présidence de cette entreprise du 12 mai 2009 au 11 mai 2014, et connaissant intimement l’histoire, la culture et le fonctionnement de Radio France, je me permets d’exprimer mon étonnement sur l’esprit général de ce rapport. Il m’apparaît comme injustement et opportunément à charge, à l’heure où les pouvoirs publics doivent, et c’est légitime, réduire les dépenses de l’État. Cette nécessaire recherche d’économie ne peut conduire, de mon point de vue et de celui de mes anciens collaborateurs, à extraire de leur contexte les dix dernières années. Je ne sais pas d’ailleurs, ce qu’en pense mon prédécesseur, Jean Paul Cluzel, mis en cause, lui aussi, quant à sa gouvernance.

Que l’entreprise Radio France soit à rénover, nul n’en doute et je m’inclue, par expérience, dans cette démarche. Que les titres des différents chapitres de ce rapport soient systématiquement orientés vers une critique négative me semble excessif pour ne pas dire malveillant. Aucune des explications fournies après des mois et des mois d’enquête au sein de l’entreprise n’est mentionnée. Je m’en étonne. Je m’interroge également sur la confidentialité de ces travaux. La nécessité de « réformes structurantes » préconisée dans ce rapport est déjà le leitmotiv de la presse s’intéressant aux médias et l’annonce en a été faite, très officiellement, aux cadres de Radio France, dans ces mêmes termes.

Je doute que les réserves que j’exprime ici modifient quoique ce soit dans l’appréciation générale apportée par les magistrats de la Cour des Comptes qui ont eu pendant près de deux ans toute facilité pour ausculter Radio France de l’intérieur. Quelques remarques, néanmoins, comme vous m’y engagez.

Il y a, intellectuellement, quelques paradoxes à lever. Affirmer que les contrats d’objectifs et de moyens fixés par l’État ne sont pas assez exigeants relève d’un jugement de valeur qu’il faut faire connaître à l’actionnaire. C’est lui qui fixe les règles. Autre paradoxe : me reprocher d’avoir garanti au personnel la stabilité du périmètre d’emploi. Les salariés de la mise Radio France apprécieront. D’autant plus qu’en regard de cette promesse, tenue à un ETP près, j’ai exigé de l’entreprise de très gros efforts de productivité : dans la mise en place d’une véritable révolution numérique qui emploie aujourd’hui plus de 150 personnes, et dans la création de trois stations France Bleu : le Mans, Toulouse et St Etienne. Tout ceci s’est effectué par redéploiement, ce que les syndicats n’ont cessé d’âprement critiquer pendant les cinq années de ma Présidence.

Autre paradoxe, et non des moindres : la Cour des Comptes ne peut, me semble-t-il, reprocher à des présidents d’entreprises publiques de respecter scrupuleusement le Code du Travail. Pointer du doigt telle ou telle situation personnelle, anormale, ancienne évite de se poser les bonnes questions, celles qui intéressent le contribuable : combien coûte le licenciement de tel ou tel salarié devant un tribunal des prud’hommes ? Quelle répercussion sur la réputation de l’entreprise ? Quel risque pour le fonctionnement de nos antennes ? Le Président, quelle que soit l’époque considérée, et on le verra encore dans le futur, gère un héritage. Le nier revient à présenter un jugement pour le moins approximatif.

Je n’accepte pas l’affirmation mentionnée en titre du Chapitre III de ce rapport : « une gestion peu rigoureuse ». C’est insultant pour ma personne, celle de mes prédécesseurs et de l’ensemble de nos collaborateurs. Personne ne relève que sous mon mandat, et c’est assez peu courant me semble-t-il dans la sphère des sociétés publiques, Radio France s’est acquittée de l’impôt sur les sociétés au titre de ses bénéfices. On reproche à Radio France des procédures de contrôle insuffisantes. J’ai systématiquement renforcé l’activité et le champ d’action de l’audit interne. Il me semble d’ailleurs que ce travail a grandement facilité le contrôle de la Cour des Comptes. J’ai mis en place une Direction des Achats, ce qui faisait cruellement défaut à l’entreprise. C’était une initiative déplaisante pour nombre de cadres de la société qui y voyaient une menace contre leur autorité dans leur champ de compétence. Il me semble que cette Direction des Achats, accomplit aujourd’hui un excellent travail qui se traduit par des économies au bénéfice de la société.

Sur ce chapitre des économies, là non plus, l’objectivité n’est pas, me semble-t-il, au rendez-vous. Dès l’élaboration du budget 2012 nous savions qu’il faudrait réduire considérablement nos dépenses de fonctionnement. Ce que nous avons fait, avec constance et efficacité, pendant trois exercices. Le personnel de Radio France en a senti, parfois douloureusement les effets. Un projet d’entreprise orienté dans ce sens a été établi, encore une fois, et j’y insiste, dans un contexte social de plus en plus tendu. Et l’élaboration de ce projet d’entreprise sert aujourd’hui de cadre global aux efforts de réforme entrepris, semble-t-il, par mon successeur.

Ce contexte social, si particulier à Radio France, n’est pas récent. Gérer les ressources humaines au sein du groupe, relève parfois de l’exploit. L’ignorer, ou le nier, ne contribue pas, selon moi et selon l’ensemble de mes prédécesseurs, à préconiser les bonnes solutions et les bonnes pratiques. L’avenir me donnera tort ou raison. Relever par exemple que la modernisation des accords collectifs reste inachevée devrait s’accompagner d’une chronologie précise, et objective, des multiples tentatives qui se sont succédées pour aboutir avec deux conditions fixées par la Présidence de l’entreprise : fin du paritarisme et fin des automatismes dans le déroulement des carrières. Que ne dirait-on si, comme dans une autre société de l’audiovisuel public, j’avais cédé sur ces deux points capitaux pour l’avenir de Radio France ?

Le chapitre consacré aux difficultés de la réhabilitation des locaux de Radio France me laisse, je l’avoue, perplexe.

J’ai toujours pensé et affirmé qu’à mon sens, la complexité et le coût de ce gigantesque chantier étaient sous évalués dès l’origine du projet. Un choix s’imposait à mon arrivée : soit geler ce projet, déjà avancé, déjà en cours et reconsidérer l’ensemble. Un audit signifiait des mois et des mois d’incertitude et des contentieux innombrables avec les entreprises engagées. Soit signer les ordres de chantier rapidement pour sortir de l’impasse. Le rapport ne mentionne pas, en tout cas sans en tirer les conséquences, l’impérieuse nécessité d’avancer dans les travaux pour la sauvegarde du personnel. Ce bâtiment était dangereux, sa résistance au feu était connue, et certains incidents récents me confortent dans l’idée qu’il fallait, avant tout, assurer la sécurité pour les personnels de Radio France. Au total, il me semble tout à fait injuste de nier l’obligation de continuité de service public. J’ai assumé l’héritage qui m’était confié en acceptant la présidence de Radio France et j’en suis fier, quelles que soient les difficultés rencontrées par ce chantier. Au total, ce rapport semble indiquer qu’au terme des travaux, la facture finale dépassera de 17 % le devis initial. Je ne m’en satisfais pas mais je relève que peu d’opérations de cette ampleur restent dans les limites de leur enveloppe. Il suffit pour s’en convaincre de lire les rapports de la Cour des comptes.

À noter encore, sur ce chapitre de la réhabilitation, quelques erreurs relevées par mes soins, et notamment sur la procédure d’alerte que j’ai lancée auprès de mes autorités de tutelle au printemps 2012. C’est moi, avec l’aide fructueuse de Lucie Muniesa, la Directrice Financière de l’époque, qui ai prévenu le Conseil d’Administration de Radio France et la DGMIC que d’importantes difficultés se profilaient en raison des désaccords très anciens qui s’étaient installés entre le maitre d’œuvre et le maitre d’ouvrage. C’est moi qui ai sollicité Patrick Januel pour son expertise et c’est à la suite de son audit que nous avons proposé une solution très radicale, et je crois très courageuse, pour sortir de l’impasse. A savoir résilier le contrat qui nous liait depuis le départ à Architecte Studio. Ces décisions ont été prises en concertation et avec l’aval de notre Conseil d’Administration et bien sûr de nos tutelles. Sur un plan plus général, je voudrais dire que la gestion d’un chantier d’une telle complexité, se déroulant sans cesser l’activité de l’entreprise, exige des prises de décision rapides et souvent délicates. La critique est aisée et je l’accepte mais il n’est pas interdit de faire preuve de réalisme et d’expérience, lorsque l’on remet en cause, publiquement, les capacités professionnelles de tel ou tel au sein de Radio France. Je n’ai pas relevé dans ce rapport un événement lié à l’histoire de ce chantier. Devant la carence, ou la défaillance, de la Direction Générale de l’époque, je me suis séparé des responsables : le Directeur Général et le Directeur en charge de la réhabilitation.

Je ne m’attarderai pas sur les observations liées à l’évolution numérique des activités de Radio France : un gigantesque chantier s’est concrétisé, à financement constant, ce qui a représenté un réel effort de la part de l’entreprise. On ne peut reprocher, comme je l’ai lu, « la prudence » de Radio France dans ses investissements, en tous domaines.

Dernière observation sur la crise financière qui guette Radio France. Il m’est difficile, intellectuellement, de me sentir responsable, donc coupable, de la faillite des comptes publics. Pendant cinq années, j’ai lutté pour que l’Etat actionnaire respecte ses engagements vis à vis de Radio France. Avec un certain succès même si plusieurs « coups de rabot » sont venus diminuer nos recettes. Nous avons su faire face grâce à une gestion rigoureuse. Les derniers arbitrages budgétaires n’ont pas été, apparemment, plaidés en faveur de Radio France. Je le regrette pour une entreprise que je respecte infiniment. M’en attribuer la faute me semble très déplacé et en tous points inacceptable.

Je n’imagine pas que ces quelques réflexions modifieront fondamentalement les conclusions de ce rapport. Nous avons pu pendant des mois et des mois échanger nos observations. Nous avons insisté sur les réalités qui accompagnent la vie d’une entreprise aussi particulière que Radio France. Je constate, avec regret, que ce travail, n’a pas été fructueux. L’entreprise, à l’évidence, doit corriger certains anachronismes, notamment dans le domaine du dialogue social, ce qui suppose le soutien total de l’actionnaire. Des réformes sont indispensables, dans un climat qui s’y prête. Je crois que les personnels sont davantage réalistes aujourd’hui, dans un contexte économique et social difficile. Mais ignorer, sciemment, l’histoire d’une collectivité et toutes les difficultés qui en découlent, ne correspond en rien à l’idée que je me fais du contrôle légitime et naturel de l’État sur les organismes subventionnés par l’impôt.

Pour conclure, je voudrais citer les appréciations portées par le Président de la République sur la gestion de l’entreprise Radio France, dans une lettre qu’il m’a adressée le 26 Novembre 2012, soit trois ans et demi après ma prise de fonction, lettre que je tiens à la disposition de tous : « les chiffres d’audience du groupe public, attestent à nouveau de l’excellente santé de la radio que vous présidez… Le record historique de France Culture, la tenue remarquable de France Inter et de France Bleu notamment, montrent qu’un service public exigeant et de qualité rencontre le public. C’est évidemment pour les Français qui le financent un encouragement. Je tiens donc à vous adresser mes félicitations, à partager avec toutes vos équipes, pour ces beaux résultats ».



1 Nombre de personnes ayant écouté une fois la radio dans la journée entre 5h et 23h.



2 Cour des comptes, Rapport public annuel 2006. Situation et perspectives de Radio France, p. 623-650. La Documentation française, février 2007, 766 p., disponible sur www.ccomptes.fr



3 Conseil supérieur de l’audiovisuel, Avis du CSA du 13 juillet 2010 sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens de Radio France pour la période 2010-2014, disponible sur www.csa.fr



4 Radio France retraite son résultat d’exploitation, afin d’y intégrer la quote-part de subvention relative aux immobilisations mises en service dans l’année (et donnant donc lieu à amortissement). Ce résultat d’exploitation donne une image plus fidèle du cycle d’exploitation de l’entreprise que le résultat d’exploitation établi selon les principes du plan comptable. Ce retraitement est signalé dans les comptes annuels certifiés par les commissaires aux comptes.



5 Audience moyenne : moyenne des audiences des quarts d’heure, en pourcentage de la population ou en milliers (QHM).

Audience cumulée : ensemble des personnes ayant écouté au moins une fois dans la tranche horaire ou la journée (5h-24h), en pourcentage de la population ou en milliers.



6 FIP a connu dans les années 70 un développement de son réseau qui l’a conduit à compter 13 stations locales. Les stations de Metz, Lille, Marseille, Nice et Lyon ont été fermées en 2000, à la création du réseau France Bleu. FIP a conservé des stations à Nantes, Bordeaux et Strasbourg qui assurent des décrochages locaux, destinés à la diffusion d’informations sur les manifestations locales.



7 D’une part, Radio France doit les présenter dans un contexte éditorialisé et ne pas les proposer dans leur intégralité à ses auditeurs ; d’autre part, des restrictions sont posées à l’utilisation de documents de l’INA sur des sites tiers et il est interdit d’exploiter à titre payant les archives déposées à l’INA.



8 Le fonds de partitions, parfois annotées durant les répétitions (coups d’archet), est le troisième fonds français après celuide la Bibliothèque nationale de France et celui de l’Opéra de Paris, et est constitué depuis 80 ans. La discothèque comprend 1,2 à 1,3 million de disques, fonds largement délaissé pendant longtemps par l’entreprise. Le dernier fonds comprend les textes des fictions radiophoniques depuis les années 1930 ainsi qu’une importante bibliothèque théâtrale.



9 La SCPP (Société civile des producteurs phonographiques) et la SPPF (Société civile des producteurs de phonogrammes en France).



10 Loi du 9 juillet 2004 relative aux communications.



11 Loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.



12 Loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.



13 Rapport de David Kessler. La Radio Numérique Terrestre. 18 Mars 2011, 11 p., disponible sur www.csa.fr.



14 Conseil supérieur de l’audiovisuel. Évolution des modes de diffusion de la radio : quel rôle pour la radio numérique terrestre ? 21 janvier 2015, 96 p., disponible sur www.csa.fr.



15 Loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (Loi Léotard).



16 Le chœur et la maîtrise ne posent pas les mêmes problèmes de chevauchement des répertoires. La question se pose cependant du nombre de choristes. Les seuls départs à la retraite devraient permettre de revenir vers l’effectif des années 1990 (102 en 1995).



17 « Le conseil d’administration détermine les orientations de l’activité de la société et veille à leur mise en œuvre. Sous réserve des pouvoirs expressément attribués aux assemblées d’actionnaires et dans la limite de l’objet social, il se saisit de toute question intéressant la bonne marche de la société et règle par ses délibérations les affaires qui la concernent. (…) Le conseil d’administration procède aux contrôles et vérifications qu’il juge opportuns. Le président ou le directeur général de la société est tenu de communiquer à chaque administrateur tous les documents et informations nécessaires à l’accomplissement de sa mission ».



18 Décret du 19 novembre 2001 portant approbation de la modification apportée aux statuts de la Société nationale de programmes Radio France.



19 À l’article 8, une condition de nationalité française est imposée aux administrateurs ; à l'article 19, il est indiqué que le président est nommé pour trois ans, au lieu de cinq ans dans le droit actuel. Il conviendra également de tirer les conséquences de la nouvelle rédaction de l’article 47-4 modifié de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication qui prévoit que le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut mettre fin au mandat en cours du président de Radio France.



20 Décret du 9 septembre 2004 portant création du service à compétence nationale Agence des participations de l'État.



21 Poste dont le coût annuel pour l’entreprise s’élève à plus de 75 M€.



22 Un bilan des opérations extérieures (festivals, cinquantenaire de la Maison de la Radio, Tour de France) est développé en annexe n° 19.



23 Ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics.



24 Décret du 30 décembre 2005 fixant les règles applicables aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs mentionnés à l'article 3 de l'ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics.



25 Ce retard étant, selon Radio France, imputable à l’effectif encore limité du service d’audit interne (1,5 ETP) et à sa charge de travail d’alors.



26 Achats de fioul, sociétés de taxis, campagnes de communication, agences de presse spécialisées, etc.



27 Direction des études, DGATTN hormis une douzaine de dossiers par an, direction de la communication et direction informatique pour certaines prestations de service.



28 Bureaux d’inspection technique, agences de voyage.



29 De 60 000 € à 100 000 € pour les services et à 200 000 € pour les travaux.



30 « La CIM est également saisie avant la conclusion de tout avenant (hors transaction financière) que le pouvoir adjudicateur lui soumet ».



31 Cf. chapitre IV.



32 Les agences d’intérim, les tickets repas, la restauration collective, certains objets de communication externe n’ont pas été réexaminés. Les achats de journaux, de périodiques, de petits équipements audio ne sont pas centralisés. Les dépenses de taxi ne sont pas remises en concurrence.



33 Cf. chapitre IV.



34 Celles-ci sont de l’ordre de 4 M€ entre 2011 et 2013, soit une baisse de 5 %, sur la base de l’indicateur du COM (achats hors réhabilitation et diffusion).



35 Voir annexe n° 14 détaillant les effectifs par catégorie.



36 Dernières données disponibles.



37 Le service est l’unité de temps de travail utilisée dans le domaine du spectacle vivant. D’une durée maximale de 4 heures, il n'est pas fractionnable. En règle générale, il ne peut être exigé de l'artiste plus de deux services par jour.



38 En revanche, si l’on prend l’effectif mensuel moyen sur la même période (2004-2013), l’augmentation est de 6 % selon le bilan social de Radio France.



39 La RMPP permet de mesurer l'évolution de la rémunération des agents présents d'une année sur l'autre. Elle est calculée sur les effectifs présents sur deux exercices consécutifs.



40 Privatisation de TF1 en 1986 et de la Société française de production en 2002, vente de TéléDiffusion de France (désomais TDF) à France Télécom.



41 Loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.



42 Qui devait être traitée dans une autre négociation sur les « nouveaux médias », laquelle a échoué en 2013.



43 Un jour férié tombant un dimanche donne lieu à un jour de congé supplémentaire.



44 Destinée notamment, selon la convention collective, à compenser les dépassements d’horaires de travail.



45 Promotions accompagnées d’un changement d’emploi : minimum de + 7,5 % ; augmentation salariale sans changement de poste : minimum de 4,5 %.



46 De 2007 à 2009, le nombre des promotions a été beaucoup plus important : à la suite de l’accord salarial de 2006, plus de la moitié des salariés ont été promus ; l’accord de 2006 sur les journalistes a ensuite été mis en œuvre de 2007 à 2009, années au cours desquelles la quasi-totalité des journalistes ont été promus.



47 Signé par le Syndicat national des journalistes Radio France (SNJ Radio France), avant que d’autres syndicats ne s’y opposent.



48 Il en existe un concernant seulement six salariés.



49 Hors prime d’ancienneté qui est comptabilisée dans la rémunération principale.



50 Ils ont pour principale origine des projets de réorganisation du travail ou la suppression de postes (voire d’un seul, comme ce peut être le cas pour des grèves à France Bleu, généralement circonscrites à la station locale concernée).



51 Principe selon lequel des agents non-grévistes pouvaient refuser de faire leur travail ou s’opposer à la diffusion d’une émission en raison de la grève d’un ou de plusieurs de leurs collègues, ce refus n’emportant pas pour autant de retenue sur salaire.



52 Rapport au CSA sur la mise en œuvre du cahier des charges pour l’année 2012.



53 Accord de juin 2005 pour les PTA, accords de 2006 pour les journalistes et les personnels d’antenne des radios locales en 2006.



54 Pour mémoire, le montant de la subvention de fonctionnement du CE est fixé par le code du travail à 0,2 % de la masse salariale. Pour l’action sociale, il n’existe pas de taux minimum mais la moyenne estimée se situe autour de 1 % de la masse salariale.



55 Cf. Cour des comptes, Rapport public thématique : Les dysfonctionnements du comité d’entreprise de la RATP. La Documentation française, décembre 2011, 234 p., disponible sur www.ccomptes.fr



56 « Lorsque le maître de l'ouvrage décide de réutiliser ou de réhabiliter un ouvrage existant, l'élaboration du programme et la détermination de l'enveloppe financière prévisionnelle peuvent se poursuivre pendant les études d'avant-projets ».



57 Dans une lettre adressée à la Cour le 3 octobre 2014, celui-ci indique qu’au regard des objectifs auxquels devait répondre le projet, « le choix a été assez vite fait qu’il n’était pas possible de définir un programme précis, ni un coût d’objectif fiable, sans un processus itératif, nécessairement long et complexe, avec le maître d’œuvre qui serait choisi ».



58 Outre le DGA, une architecte pour les études et la programmation, un directeur de projet pour la conduite des travaux et une cellule de gestion de trois personnes ; à comparer à la maîtrise d’ouvrage de la Philharmonie de Paris qui comprend une trentaine de personnes.



59 Modifications du programme par Radio France, aléas techniques, évolutions réglementaires, suggestions d’amélioration formulées par la maîtrise d’œuvre.



60 Agrandissement des studios dans l’établissement recevant du public (ERP) ; déplacement de réseaux, modifications d’implantation des cloisons et compléments d’équipements électriques dans l’ERP ; transformation de la salle symphonique de l’auditorium en salle multi-événements ; transformation de la salle de répétition des orchestres en salle multi-événements (studio 104) et modifications des locaux annexes à l’auditorium.



61 Selon une note de la DGMIC, sur les phases 0, 1 et 2, 20 % des travaux supplémentaires sont liés à des aléas de chantier, 46 % résultent de modifications apportées par Radio France.



62 Dans son audition du 10 décembre 2014 à l’Assemblée nationale, le PDG de Radio France parle de la fin de l’année 2017 ou du début 2018, sans compter les travaux nécessaires à la réfection des studios moyens, ce qui amènerait à 2019.



63 Ce que le contrôle général économique et financier de l’entreprise a signalé à plusieurs reprises à partir de 2011 à la direction du budget ou au PDG de Radio France, en soulignant « l’absence de transparence sur l’exécution des travaux » et le fait que « certains avenants étaient même signés avant la transmission au contrôleur ».



64 En particulier, les éléments de modernisation greffés sur le projet, tels que la numérisation, l’organisation modifiée des studios, les open spaces devaient permettre de réduire les besoins en surface de Radio France et d’augmenter la surface louée à des tiers, procurant ainsi des recettes supplémentaires. Avec l’abandon de la plupart de ces éléments de modernisation, tout ou partie de ces recettes additionnelles ne pourront être perçues.



65 Par actualisation sur la base de l’évolution de l’index INSEE du bâtiment (BT01).



66 Montant incluant le montant des indemnités transactionnelles sur marchés (9,6 M€ à fin 2013).



67 L’interprétation de cette diminution est délicate : lorsqu’un programme, y compris un magazine, est présenté par un journaliste de la rédaction, il entre automatiquement dans la catégorie de l’information. Si ce journaliste est ensuite remplacé par un non journaliste, le programme sort de la catégorie « information ». En outre, Radio France a indiqué que la saisie des données n’était pas homogène entre les antennes.



68 « 4/3 » : quatre jours de travail et trois jours de repos ; « 5/4/5 »: cinq jours de travail, quatre jours de repos, cinq jours de travail ; « 5/3/3/5 » : cinq jours de travail, trois jours de repos, trois jours de travail, cinq jours de repos.



69 Le suivi des affaires européennes est complexe : un ESP à Bruxelles, plusieurs pigistes, un journaliste au SGI, un journaliste à Strasbourg, pour un coût annuel de l’ordre de 450 000 €.



70 Il convient de signaler que les grandes radios privées ont partiellement ou complètement supprimé leur réseau de correspondants et emploient des pigistes.



71 C’est-à-dire un studio rassemblant dans le même espace le présentateur et le technicien grâce à l’intégration de l’installation technique sur le plateau.



72 Proposant l’installation de quelques studios globaux en complément des studios classiques.



73 La production radiophonique, la diffusion, les infrastructures techniques et informatiques, la conception et le développement des systèmes d’information, la gestion des salles, des studios, la logistique et la maintenance.



74 Ainsi, pour couvrir les festivals, Radio France continue d’acquérir des moyens mobiles dont les pics d’utilisation sont saisonniers.



75 La Cour n’a pas pu prendre connaissance des conclusions de ce dernier exercice.



76 Décret du 13 novembre 1987 portant approbation des cahiers des missions et des charges de la société Radio France et de l'Institut national de l'audiovisuel.



77 Elle recouvre : la publicité pour certains produits ou services présentés sous leur appellation générique, la publicité en faveur de certaines causes d'intérêt général, la publicité effectuée par des organismes publics ou parapublics, ainsi que les campagnes d'information des administrations.



78 L’organisation de la rédaction de France Info est décrite dans la partie du rapport relative à l’information.



79 Cette liste ne comprend pas les personnes rencontrées ou auditionnées à Radio France, au ministère de la culture et de la communication, au ministère du budget et au CSA.



80 Il est en effet généralement admis que le potentiel de jours et d’heures travaillés d’un personnel journaliste ou technicien sous la convention collective de Radio France est d’environ un tiers inférieur à celui d’un CDD, du fait notamment des dispositions relatives aux vacances et aux jours de récupération.



81 Cf. précédente note de bas de page.