PRÉSENTATION

Le réseau des sous-préfectures recouvre la carte des arrondissements, échelon administratif généralement absent des structures territoriales des pays européens comparables. Si la valeur de ce symbole, particulièrement pour les élus locaux, est réelle, son importance, mesurée par ses effectifs, est moindre (5 000 emplois en 2013). Son coût, estimé à environ 250 M€ en 2012, n’est pas négligeable.

Dans un chapitre de son rapport public de 2012 intitulé « Les sous-préfectures », la Cour relevait que la réduction de leurs missions traditionnelles imposait une revue globale et systématique de ce réseau de l’administration territoriale de l’État, ainsi que de la carte des arrondissements, très peu modifiée depuis sa dernière grande refonte de 1926.

S’intéressant à leur gestion, elle constatait à la fois une méconnaissance de leurs coûts de fonctionnement, une gestion des effectifs sans perspective et l’absence d’une politique immobilière. La Cour recommandait d’adapter la carte des arrondissements et la gestion des sous-préfectures aux réalités actuelles. Elle reprenait ce constat dans son enquête de 2013 sur l’organisation territoriale de l’État1.

Contrairement à la démarche engagée pour refondre la carte judiciaire2 et alors que l’intervention de l’État au plus près des territoires a suscité de nombreux travaux de réflexion aux niveaux interministériel comme ministériel, la situation des arrondissements et des sous-préfectures n’a pratiquement pas changé ces dernières années, faute de volonté des pouvoirs publics. En maintenant dans les sous-préfectures des « missions de guichet » désormais résiduelles (I), et en tardant à prendre les décisions de restructuration qui s’imposent (II), les pouvoirs publics ont repoussé sans cesse l’indispensable réforme de ce réseau (III).

Définitions

L’arrondissement

L’arrondissement3 est une circonscription administrative de droit commun de l’État, subdivision d’un département, composée de cantons. Il est, en vertu de la charte de déconcentration, « le cadre territorial de l'animation du développement local et de l'action administrative locale de l'État ». Du fait de la création des conseils départementaux, à compter de 2015, les arrondissements ne seront plus composés de cantons, mais de communes. Au 1er janvier 2015, leur nombre est de 336 : 323 en métropole et 13 en outre-mer.

La sous-préfecture

La « sous-préfecture » désigne à la fois le chef-lieu de l’arrondissement et les services administratifs sous l’autorité du sous-préfet. Il y a des arrondissements sans sous-préfecture : ceux des chefs-lieux du département. Au 1er janvier 2015, leur nombre est de 235 : 227 en métropole et 8 en outre-mer.

Le sous-préfet

Le rôle et les missions du sous-préfet d'arrondissement reposent à titre principal sur les dispositions des articles 13, 14, 38, 43 et 44 du décret du 29 avril 2004 modifié, relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements. Délégué du préfet dans l'arrondissement, la plupart de ses attributions proviennent des délégations et des missions que lui confie le préfet, mais il dispose par ailleurs de quelques pouvoirs propres issus de la loi, comme par exemple celui d'organiser les élections municipales partielles (art. L. 247 du code électoral).

I -Un maintien artificiel des « missions de guichet »

Selon les termes de la directive nationale d’orientations 2010-2015 du ministère de l’intérieur, confirmés par la réponse du ministre au chapitre du rapport public 2012 de la Cour, la « fin programmée des missions de guichet »4 en sous-préfecture était censée survenir à l’horizon 2015, avec le retrait de la compétence de délivrance des titres officiels ainsi que la centralisation du contrôle de légalité dans les préfectures. Ces projets sont bien loin d’être aboutis.

A -Une intervention inutile dans le contrôle de légalité

Débutée en 2009 dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la centralisation du contrôle de légalité à la préfecture du département, considérée par le ministère de l’intérieur comme « rigoureusement mise en œuvre » est encore loin d’être achevée en 2014. Cette mission mobilisait en sous-préfecture près d’un cinquième de l’ensemble des emplois à temps plein travaillé (ETPT) qui lui sont consacrés (163,1 sur un total de 851,5 ETPT).

Considérés comme « résiduels » par le ministère, ces effectifs sont affectés à des tâches peu utiles voire complètement inutiles : réception et tri des actes en sous-préfecture, signature par le sous-préfet de lettres d’observation préparées par la préfecture qui a la compétence au fond. Cette survivance, que le rôle d’interface avec les élus joué par le sous-préfet ne justifie guère, semble d’autant plus surprenante qu’a été déployée une application informatique pour la transmission dématérialisée des actes des collectivités territoriales aux préfectures5.

B -Le maintien parfois injustifié de guichets de délivrance de titres réglementaires

En baisse continue depuis plusieurs années, les effectifs affectés à des missions de délivrance de titres réglementaires en sous-préfecture restent variables, selon les titres et les arrondissements. Ils représentaient encore, en 2014, 1 858,3 ETPT affectés (- 138,4 ETPT par rapport à 2011, soit - 6,9 %), alors même que ces missions devaient être supprimées.

Le ministère reconnaît une inflexion de sa doctrine nationale. Il prévoit désormais, dans plusieurs cas, des exceptions tenant soit à des situations locales (notamment dans les arrondissements urbains ou suburbains), soit à des contingences matérielles (présence des usagers au guichet, prise d’empreintes lors de demandes de titre de séjour, etc.). Ainsi, en 2014, 59 sous-préfectures étaient encore raccordées à l’application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGDREF 1 Bio), selon la direction générale des étrangers en France.

Toutefois, le maintien des missions de délivrance de titres en sous-préfecture n’a de sens que s’il répond à une logique plus globale d’adaptation de la présence de l’État dans les territoires concernés ou lorsqu’il est réellement impossible de recourir aux télé-services, comme l’avait relevé la Cour dans son rapport public annuel de 2012.

II -Une refonte des cartes sans cesse repoussée

Dans son rapport public de 2012, la Cour relevait que « la réorganisation d’ensemble du réseau des sous-préfectures n’a pas été retenue comme objectif par la révision générale des politiques publiques, à la différence des autres niveaux déconcentrés de l’État »6. Entre 2012 et 2014, la carte des arrondissements, dont la Cour appelait de ses vœux la réorganisation d’ensemble, n’a pas davantage été modifiée.

A -Des réflexions peu conclusives

1 -L’absence de conclusion de la mission de septembre 2012 sur l’évolution du réseau des sous-préfectures

En septembre 2012, le ministre de l’intérieur a confié une mission à trois hauts fonctionnaires : le chef du service de l’inspection générale de l’administration, le président du conseil supérieur de l'administration territoriale de l'État (CSATE) et le délégué à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale.

Dans sa lettre de mission, le ministre précisait qu’un rapport était attendu « au plus tard à la fin du mois de février 2013 ». Malgré cette échéance précise, la Cour n’a eu connaissance d’aucun rapport formellement remis au ministre de l’intérieur, les travaux de la mission ayant, d’une certaine manière, été poursuivis par ceux de la « mission Rebière-Weiss »7 commandée par le Premier ministre. Le rapport de cette dernière mission ne porte que marginalement sur les arrondissements : au-delà de l’énoncé de principes d’accompagnement de la reconversion des sous-préfectures, aucune piste opérationnelle n’est privilégiée.

Au bout du compte, les travaux de la mission sur l’évolution du réseau des sous-préfectures, pourtant conduits dans le souci d’une très grande concertation, se sont achevés, faute de conclusion, par un maintien du statu quo.

2 -Le groupe de travail sur la typologie des arrondissements

En septembre 2012, parallèlement aux travaux de la mission évoquée ci-dessus, le ministre de l’intérieur a créé un groupe de travail restreint composé de représentants de l’administration centrale du ministère de l’intérieur et des organisations syndicales. Notamment chargé d’affiner la caractérisation des arrondissements, pour les classer en diverses catégories, ce groupe devait définir les missions des sous-préfectures de chaque catégorie et les compétences nécessaires de leurs personnels.

Le groupe a proposé un classement des arrondissements en sept catégories (voir tableau ci-après), chaque catégorie remplissant des missions types. Il n’a pas proposé de créer une catégorie particulière pour les arrondissements frontaliers mais d’intégrer les enjeux correspondants dans les missions des sous-préfectures concernées.

Cette caractérisation, qui avait vocation à être validée, après avis des préfets, n’a pas encore donné lieu à une modification du classement des arrondissements. Elle n’est pas considérée par le ministère de l’intérieur comme devant fonder une stratégie de refonte de la carte des arrondissements.

Tableau n° 1 : typologie des arrondissements proposée par le groupe de travail du ministère de l’intérieur

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

B -Une expérimentation en Alsace et en Moselle

En septembre 2013, le ministère de l’intérieur a confié une « mission d’expérimentation sur la rénovation du réseau des sous-préfectures » pour les arrondissements de la région Alsace et du département de la Moselle aux préfets de région concernés leur assignant pour objectif au 1er janvier 2015 d’ajuster la carte des arrondissements et de mettre en évidence une méthode de rénovation de cette carte.

Cette mission devait aboutir à normaliser une situation atypique - 22 arrondissements, dont Strasbourg-ville et Strasbourg-campagne, Metz-campagne, Thionville est et ouest – héritée de l’organisation allemande de ces départements avant la première guerre mondiale. Elle offrait l’occasion d’expérimenter une méthode censée être transposable aux autres départements français. Elle a débouché sur le projet de sept nouveaux arrondissements issus de fusions en 2015 (ceux de Metz, de Thionville, de Strasbourg, de Forbach – Boulay, de Wissembourg – Haguenau, de Colmar – Ribeauvillé et de Thann – Guebwiller) et d’un nouvel arrondissement issu d’une fusion supplémentaire en 2016 (Sarrebourg – Château-Salins).

Les travaux conduits par les préfets mettent en avant une méthode qui pourrait être applicable dans d’autres départements :

une concertation approfondie avec des comités d’usagers, avec les élus locaux et avec les organisations syndicales des personnels de préfecture et de sous-préfecture ;

des fusions d’arrondissements aboutissant en un ou deux ans (le jumelage d’arrondissements pouvant constituer une étape transitoire) ;

la substitution d’« antennes » ou de « maisons de l’État » aux sous-préfectures supprimées.

La mise en œuvre est prévue à partir du 1er janvier 2015. Il est donc impossible d’en tirer des leçons8.

III -Une redéfinition en attente

La refonte de la carte des arrondissements n’est, en soi, pas suffisante pour garantir une intervention pertinente des services de l’État au plus près des territoires. Le ministère de l’intérieur a envisagé deux voies de réforme, qui n’ont pas encore abouti : le concept de « maison de l’État » et l’idée selon laquelle le sous-préfet d’arrondissement serait à l’avenir à la tête d’une administration dite « de missions ».

A -Les « maisons de l’État », un concept qui peine à convaincre

Dans son rapport public de 2012, la Cour avait relevé que la notion de « maison de l’État » figurait par intermittence dans les projets du ministère de l’intérieur et qu’elle n’avait, en tout état de cause, pas prospéré.

L’idée de mettre en place des « maisons de l’État » réapparaît dans le relevé de décisions du comité interministériel pour la modernisation de l’action publique du 17 juillet 2013 mais elle est absente de celui du 18 décembre 2013. Sans qu’aucune avancée concrète ne soit citée malgré une année écoulée, elle est à nouveau mentionnée dans une communication au conseil des ministres du 2 juillet 2014 sur « le lancement d’une nouvelle étape de la réforme de l’État, qui sera menée de manière complémentaire et dans le même calendrier que la réforme territoriale, d’ici 2017 ».

Le ministère indique avoir élaboré un avant-projet de cahier des charges pour définir les modalités de création de ces « maisons de l’État » et confirme avoir identifié plusieurs projets. Dans sa circulaire du 15 octobre 2014, le Premier ministre a indiqué aux préfets les objectifs et les modalités de création de ces Maisons de l'État. Selon le ministère de l’intérieur, dès 2014, sept projets, d'un coût moyen inférieur à 320 000 €, ont pu voir le jour; 15 autres projets sont en préparation.

Sous réserve de rares réalisations, certaines déjà anciennes, ces « maisons » restent à l’état de concept. Si elles peuvent apparaître comme une solution de compromis en cas de suppression de sous-préfecture, elles n’apportent, en réalité, pas de réponse à la hauteur de l’enjeu d’adaptation de la présence de l’État au niveau territorial.

B -La sous-préfecture, « administration de mission » ?

Le ministère de l’intérieur continue de considérer que les sous-préfets devraient diriger une « administration de mission ». Le cas échéant, ils seraient chargés de ce que le ministère appelle « l’ingénierie territoriale » : ce terme signifie accompagner les acteurs locaux et les collectivités publiques dans leurs actions de développement et d’aménagement des territoires. Or le maintien en sous-préfectures de missions traditionnelles, que l’évolution des besoins des citoyens et les progrès technologiques ne justifient plus aujourd’hui dans de nombreux territoires, est contradictoire avec cette orientation ministérielle.

Surtout le rôle que l’on veut ainsi assigner aux sous-préfets suppose une clarification de ce qui est attendu de l’État dans les territoires à l’heure d’une nouvelle phase de la décentralisation (nouveaux transferts de compétences aux collectivités territoriales, montée en puissance d’intercommunalités dont le seuil minimal de population serait significativement relevé) et du recours accru aux nouvelles technologies. Cette clarification reste à faire.

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

La réduction des missions des sous-préfectures est un objectif fixé par la directive nationale d’orientation 2010-2015 du ministère de l’intérieur, qui n’a pas été atteint. Elle paraît se heurter aux réactions supposées des élus et des usagers, telles qu’elles sont redoutées par les pouvoirs publics. Ce manque de volonté semble, dans bien des cas, la principale explication du maintien en sous-préfecture d’un service d’accueil censé satisfaire une demande qui pourrait être traitée à distance (procédures dématérialisées, correspondance) ou en préfecture.

Le temps est venu de mettre fin à ce statu quo. Si des leçons pouvaient être tirées de la refonte expérimentale de la carte des arrondissements et de celle des sous-préfectures en Alsace et en Moselle, les exemples de rationalisation du maillage territorial fournis par le ministère de la défense comme celui de la justice montrent qu’il est d’ores et déjà possible d’engager une démarche étendue à l’ensemble du territoire national.

Cette démarche servirait à la fois l’objectif de redressement des comptes publics et celui de la nécessaire modernisation, dans un contexte de réforme territoriale, de la présence de l’État. Elle n’est pas contradictoire mais bien complémentaire avec un service public plus efficace et plus efficient, notamment si elle est associée à des mesures de simplification administrative et à des dispositifs de dématérialisation des procédures.

Dès lors, la Cour réitère ses recommandations et en formule deux en guise de synthèse :

1. dessiner une nouvelle carte des arrondissements, ne conservant que les sous-préfectures pour lesquelles la présence d’un sous-préfet et d’un échelon déconcentré d’administration est nécessaire ;

    la mettre en œuvre progressivement, selon un calendrier fixé d’avance.

Réponses

Réponse commune du ministre des finances et des comptes publics et du secrétaire d’État chargé du budget

La Cour souligne en premier lieu que certaines sous-préfectures ont conservé des activités en matière de contrôle de légalité et de délivrance des titres. Nous partageons ce constat, alors que la directive nationale d’orientation des préfectures pour les années 2010 à 2015 prévoyait une centralisation du contrôle de légalité au niveau des préfectures de département et une réorganisation des services de délivrance des titres privilégiant également les préfectures ainsi qu’une externalisation.

En second lieu, la Cour fait état d’une certaine inertie dans la réforme du réseau des sous-préfectures. La généralisation de l’expérimentation réalisée en Alsace-Moselle a toutefois été amorcée en 2014 par le gouvernement, avec le lancement dans 5 nouvelles régions d’un diagnostic en vue d’une concertation locale en 2015. Cette démarche nouvelle permettra une adaptation progressive du réseau, et contribuera à la rationalisation de la présence de l’État au niveau infra-départemental, qui est nécessaire pour tenir compte des contraintes budgétaires, de l’évolution des missions de l’État et des attentes des usagers.

Réponse du ministre de l’intérieur

Je souhaite vous faire part de plusieurs observations, en réponse aux considérations développées dans ce document, jusqu'à son titre même : ce rapport me semble profondément sous-estimer à la fois la volonté du ministère de l'intérieur de réformer en profondeur le réseau des sous-préfectures, mais aussi la pertinence, l'avancement et la portée des chantiers conduits en ce sens depuis 2012, et mis en œuvre très concrètement en ce moment même.

Il existe en effet, à ce jour, 240 sous-préfectures (232 en métropole et 8 en Outre-mer) et 242 arrondissements (les arrondissements de Thionville-ouest et Strasbourg-campagne constituant des arrondissements sans sous-préfecture).

Dès le 1er janvier 2015, avec la réforme de la carte administrative conduite dans les départements d'Alsace et de Moselle, huit arrondissements seront supprimés et six sous-préfectures fermées (l'une d'entre elles au 1er janvier 2016 après une phase intermédiaire de jumelage). Le nombre de sous-préfectures sera dès lors aligné sur celui des arrondissements et réduit à 234.

Les trois décrets portant suppression de ces arrondissements seront examinés par le Conseil d'État le 16 décembre prochain : ils sont les premiers à être édictés depuis 40 ans (suppression de l'arrondissement d'Erstein en 1974).

Ces décisions attestent de la volonté qui est la mienne et celle du Gouvernement de concrétiser une réforme souhaitée de longue date.

J'ai par ailleurs décidé d'étendre progressivement la méthode expérimentée en Alsace Moselle à l'ensemble du territoire national pour aboutir à une refonte du réseau d'ici à 2017. Ces travaux seront conduits de manière successive dans trois vagues de régions retenues sur la base des critères suivants : cohérence avec la future carte des régions, degré d'intégration intercommunale et maturité des projets locaux d'évolution du réseau.

Par courrier du 24 octobre 2014, j'ai ainsi demandé aux préfets de cinq nouvelles régions d'engager cette démarche de concertation au printemps 2015 sur la base d'un cadrage national et de diagnostics locaux, avec pour objectif d'aboutir à une nouvelle carte des sous-préfectures dans ces régions au 1er janvier 2016.

Cette réforme, qui n'est ainsi plus seulement annoncée mais bel et bien engagée, nécessite une préparation soignée et une concertation approfondie.

Contrairement à ce que vous recommandez, je suis convaincu que c'est moins une carte nationale qu'il conviendrait d'établir, dont la mise en œuvre serait planifiée depuis Paris, qu'un diagnostic et une concertation locale, qu'il convient de réaliser territoire par territoire. Les sous-préfectures constituent en effet un réseau de proximité de l'État vecteur de cohésion sociale et territoriale, auquel nos concitoyens sont profondément attachés. Les élus et acteurs socio­économiques y font appel quotidiennement, ce qui distingue significativement les sous-préfectures des sites de la défense ou des juridictions, que vous citez en exemple, mais dont les interactions avec les acteurs du territoire dans lequel ils sont situés sont d'un tout autre ordre.

La modernisation du réseau des sous-préfectures doit en conséquence se faire de façon progressive, en associant étroitement à la réflexion non seulement les agents, mais aussi les élus et, par leur intermédiaire, les acteurs socioéconomiques.

C'est bien cette progressivité et ce soin apportés à la méthode de conduite de la réforme qui permettent aujourd'hui de la concrétiser en Alsace et en Moselle. L'ensemble des travaux préparatoires engagés en ce sens depuis 2012 sont eux aussi un gage de réussite de la réforme.

Préalablement à la refonte de la carte, le ministère avait redéfini les missions des sous-préfectures comme le relève le rapport que vous m’avez communiqué.

La Directive Nationale d'Orientation (DNO) 2010-2015 des préfectures a fixé les modalités de cette transformation : centralisation croissante en préfecture du contrôle de légalité et de la délivrance des titres, requalification et repyramidage des effectifs des sous-préfectures (moins d'agents de catégorie C que de cadres A), professionnalisation autour de l'ingénierie territoriale de développement, afin d'aider à l'émergence des projets, que ce soit ceux des entreprises ou des élus.

Cependant, il n'a jamais été envisagé que ce mouvement de centralisation en préfecture soit intégral, ni qu'il se fasse au prix d'une dégradation de la mission constitutionnelle de contrôle des actes des collectivités ou de la sécurité des procédures de délivrance de titres.

En 2010, il était au contraire prévu que chaque sous-préfet dispose d'un ETP (soit 240 ETP à l'échelle nationale) pour assurer la régulation stratégique des actes (en fonction des priorités national es et locales de contrôle) et faire l'interface avec la préfecture, chargée du contrôle des actes au fond et de la rédaction des lettres d'observation. Avec 163,l ETPT affectés au contrôle de légalité en sous-préfectures (soit 0,68 ETPT par site) en 2014, l'objectif de centralisation des effectifs consacrés à cette mission a été nettement dépassé.

Cette évolution pourra être prolongée au rythme du raccordement des collectivités locales à l'application ACTES. Aujourd'hui en effet, 6 actes sur 10 sont encore transmis sur support papier, ce qui nécessite de consacrer des agents à leur tri manuel, en particulier en sous-préfecture. Les progrès de la télétransmission des actes permettront sans doute dans les trois prochaines années d'automatiser davantage la régulation stratégique et de parachever la centralisation du contrôle de légalité en préfecture. Tributaire de la volonté des collectivités territoriales d'adopter ACTES, cette application étant optionnelle et pouvant nécessiter l'adaptation de leur système d'information, cette situation ne caractérise en rien un supposé immobilisme de l'État.

En 2010, la DNO n'a pas davantage programmé la suppression totale de la délivrance des titres en sous-préfecture. Le principe général est bien la centralisation, mais le maintien en sous-préfecture doit rester possible en particulier lorsque l'importance des flux (notamment en milieu urbain ou suburbain) le justifie. C'est ainsi qu'il a été décidé de maintenir la délivrance des titres étrangers dans 59 sous-préfectures, et du permis de conduire dans 98 d'entre elles.

Il convient toutefois de souligner que le mouvement de centralisation ne cesse de progresser : comme les années précédentes, les effectifs consacrés en sous-préfecture à cette mission ont baissé en 2014 de 2,3 %, passant de 1 902,6 à 1 858,3 ETPT (soit 24 % des effectifs « titres » totaux). La centralisation demeure un objectif à atteindre, en liaison avec les chantiers de développement des téléprocédures. Parallèlement, le ministère crée des plateformes interdépartementales de délivrance des passeports biométrique : le déploiement engagé en septembre 2014 s'achèvera en avril 2015.

Enfin, le repositionnement stratégique des sous-préfectures autour du développement local se poursuit. Après une expérimentation en 2012-2013 sur onze sites, un plan de formation dédié aux agents des sous-préfectures visant à renforcer leurs compétences en matière d'expertise juridique et de conduite de projet est en cours de généralisation.

Ainsi, les objectifs initiaux d'évolution des missions définis pour la période 2010-2015 ont bien été atteints. Ils doivent désormais être prolongés pour réussir la transformation complète des sous-préfectures en administrations de mission. Tel sera un des enjeux de la prochaine DNO sur laquelle mes services ont commencé à travailler en articulation avec l'exercice de revue des missions de l'État lancée par le Gouvernement en juillet dernier.

Par ailleurs, la réforme du réseau des sous-préfectures doit s'inscrire dans un chantier plus vaste portant sur l'organisation de l'ensemble des services de l'État au niveau infra-départemental.

Dans sa feuille de route du 21 juillet 2014, le Gouvernement a fixé les chantiers prioritaires de la réforme de l'administration territoriale de l'État. Concernant le réseau infradépartemental, il a proposé de faire émerger une nouvelle carte des services publics, qui, d'une part, intégrera la refonte du réseau des sous-préfectures, d'autre part, s'articulera avec les schémas départementaux d'accessibilité aux services publics, et, enfin, mettra en cohérence les différents modèles d'implantation (Maisons de l'État, maisons de service au public...).

Dès 2013, le Gouvernement avait réaffirmé la nécessité de garantir la continuité de la présence de l'État au niveau infradépartemental, mais de manière pragmatique, notamment grâce au regroupement de ses services de proximité au sein de « Maisons de l'État ». Dans sa circulaire du 15 octobre 2014, le Premier ministre a indiqué aux préfets, sur ma proposition, les objectifs et les modalités de création de ces Maisons de l'État. Cette initiative doit pleinement s'inscrire dans la nouvelle politique immobilière de l'État et offrir aux services de proximité qui y participeront une plus grande visibilité, une meilleure accessibilité, une optimisation de leurs moyens et des possibilités de synergies interministérielles. Dès 2014, 7 projets, d'un coût moyen inférieur à 320 000€, ont pu voir le jour; 15 autres projets sont en préparation.

Vous comprendrez, Monsieur le Président, que je ne puisse partager le constat de l'immobilisme et de l'absence de volonté des pouvoirs publics s'agissant de l'évolution du réseau des sous-préfectures. Une telle appréhension du sujet est manifestement datée. C'est en effet avec la conviction forte de la nécessité de conduire effectivement ces réformes que mon prédécesseur et moi­ même avons engagé depuis 2012 un profond chantier de réflexion sur les missions et sur l'organisation du réseau es 240 sous-préfectures.

Le ministère de l'intérieur a désormais résolument engagé la mise en œuvre effective de cette réforme des sous-préfectures que la Cour préconise. Il le fait en étant attentif à la situation des agents concernés, car quelles que soient les rationalisations souhaitables, elles doivent tenir le plus grand compte des situations individuelles des personnels engagés au service de l'État. Le ministère le fait également en confiant aux préfets la mission de conduire les diagnostics et la concertation avec les collectivités et acteurs socioéconomiques concernés : c'est non seulement un impératif, compte tenu du rôle spécifique joué par les sous-préfectures dans les territoires, mais cela constitue aussi une condition de réussite de cette réforme.

1 Cour des comptes, Rapport public thématique : L’organisation territoriale de l’État. La Documentation française, juillet 2013, 294 p., disponible sur www.ccomptes.fr



2 Cf. Tome I volume 2 chapitre I.



3 Ces arrondissements ne doivent pas être confondus avec les subdivisions de communes telles que Paris, Lyon et Marseille.



4 Cour des comptes, Rapport public annuel 2012, Tome 1. Les sous-préfectures, p. 711. La Documentation française, février 2012, disponible sur www.ccomptes.fr



5 Cette application porte le nom de « Aide au Contrôle de légaliTé dématErialiSé » (ACTES).



6 Cour des comptes, Rapport public annuel 2012, Tome 1. Les sous-préfectures, p. 714. La Documentation française, février 2012, disponible sur www.ccomptes.fr



7 REBIÈRE Jean-Marc, WEISS Jean-Pierre. La stratégie d’organisation à cinq ans de l’administration territoriale de l’État. Rapport au Premier ministre. 2013.



8 Trois décrets publiés le 31 décembre 2014 ont réduit le nombre d’arrondissements de 22 à 14.