Monsieur le Président,

Par lettre en date du 16 octobre 2014, vous avez demandé à la Cour des comptes de procéder, en application du 2° de l’article 58-2 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, à une enquête sur l’évolution du montant des contributions internationales versées par la France et les moyens par lesquels le ministre des affaires étrangères veille à leur maîtrise et au bon usage des crédits engagés.

En réponse à cette demande, j’ai l’honneur de vous adresser le rapport sur Les contributions internationales de la France2007-2014 que la Cour est prête à venir présenter devant votre commission.

J’en informe le Premier ministre, le ministre des affaires étrangères et du développement international, le ministre des finances et des comptes publics, le ministre de la défense, ainsi que le secrétaire d’État chargé du budget auprès du ministre des finances et des comptes publics.

Par ailleurs, je vous précise que la Cour se réserve la possibilité d’utiliser dans des publications ultérieures les données analysées dans le présent rapport.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma haute considération.

Didier Migaud


ENTITES ET POLITIQUES PUBLIQUES

LES CONTRIBUTIONS INTERNATIONALES DE LA FRANCE – 2007-2014

Communication à la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale

OCTOBRE 2015

AVERTISSEMENT 5

SYNTHÈSE 7

RECOMMANDATIONS 9

INTRODUCTION 11

CHAPITRE I LE CADRE BUDGÉTAIRE ET FINANCIER DES CONTRIBUTIONS ET SON INFLUENCE SUR LEURS FLUCTUATIONS 17

I. - UNE DÉPENSE QUI PÈSE SUR LES MARGES DE MANŒUVRE DU MAEDI 17

A - Le poids des contributions internationales dans le budget du MAEDI 18

B - La possible redéfinition du périmètre de financement 19

II. - UN EFFORT DE MAÎTRISE DES ÉVOLUTIONS 22

A - L’enjeu de la budgétisation 23

B - Les conséquences du décalage des calendriers 24

C - La problématique du taux de change 26

III. - DES INSTRUMENTS DE SUIVI À RENFORCER 30

A - La nécessaire simplification de l’architecture budgétaire 30

B - L’appréciation de la performance du programme 105 32

CHAPITRE II LES FACTEURS D’ÉVOLUTION DES CONTRIBUTIONS LIÉS À L’ACTIVITÉ DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES 37

I. - LA DIFFICILE MAÎTRISE DU BUDGET ORDINAIRE DE L’ONU 37

A - Une élaboration laborieuse du budget ordinaire 38

B - Le poids des charges de personnel dans le budget ordinaire 42

C - La montée en puissance des missions politiques spéciales 46

D - Une quote-part des États membres conditionnée par le barème 48

II. - LE COÛT CROISSANT DES OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX 53

A - Les facteurs d’accroissement du budget des OMP 53

B - Les composantes des coûts des OMP 61

C - Le calcul de la quote-part des États membres 68

III. - LES AUTRES COMPOSANTES DES CONTRIBUTIONS INTERNATIONALES 73

A - Les opérations immobilières des organisations internationales, un enjeu financier important 73

B - Un ajustement fiscal au coût croissant 76

C - La dynamique des contributions à la justice pénale internationale 78

D - Les contributions volontaires aux organisations internationales compétentes en matière de développement, d’aide humanitaire et de droits de l’homme 82

CHAPITRE III LES ACTIONS DE PILOTAGE DES CONTRIBUTIONS INTERNATIONALES 89

I. - LA QUALITÉ DU PILOTAGE ET DU SUIVI MIS EN PLACE PAR LE MAEDI 89

A - Un suivi budgétaire et comptable satisfaisant 89

B - Des équipes professionnelles 90

II. - LA NOTION DE PERFORMANCE D’UNE OMP 93

A - La complexité des mandats 94

B - L’adaptation des troupes aux nouveaux conflits 94

C - Des stratégies de sorties peu formulées 97

CONCLUSION GÉNÉRALE 99

GLOSSAIRE 101

ANNEXES 105


Avertissement

Sur le fondement de l’article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale a demandé à la Cour, par un courrier en date du 16 octobre 2014 (cf. annexe n° 1), de réaliser une enquête sur « l’évolution du montant des contributions internationales versées par la France et les moyens par lesquels le ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI) veille à leur maîtrise et au bon usage des crédits engagés ». Par une lettre du 5 février 2015 (cf. annexe n° 2), le Premier président a confirmé l’accord de la Cour et précisé le champ et l’objet de l’enquête.

Les diligences conduites ont principalement porté sur les années 2007 à 2014. Elles se sont concentrées, d’une part, sur l’action 2 « action européenne »1 et l’action 4 « contributions internationales » du programme 105 – Action de la France en Europe et dans le monde et, d’autre part, sur certains crédits de l’action 5 « coopération multilatérale » du programme 209 – Solidarité à l’égard des pays en développement consacrés aux contributions volontaires.

L’enquête s’est inscrite dans le prolongement d’un précédent contrôle de la Cour portant sur les contributions obligatoires et volontaires de la France aux organisations internationales entre 2001 et 2006. Ce contrôle avait donné lieu à l’envoi d’un référé, le 20 juin 2008, au ministre des affaires étrangères et au ministre du budget, soulignant la sous-évaluation systématique des crédits, le caractère insuffisant du suivi des contributions et la nécessaire révision de leur périmètre. À la suite des mesures prises par le ministère des affaires étrangères, la Cour avait considéré, en 2011, que ses deux recommandations principales avaient été suivies d’effet.


1 Cette action ne concerne pas l’Union européenne, mais des organisations internationales à vocation européenne.


L’instruction a été menée sur pièces et sur place au MAEDI et au ministère de la défense. De nombreux agents du MAEDI ont été rencontrés, ainsi que des fonctionnaires et des militaires français en poste dans des organismes internationaux ou engagés dans des opérations de maintien de la paix. Par ailleurs, trois missions à l’étranger ont été menées, au sein de la représentation française auprès de l’Organisation des Nations Unies (ONU) à New York, au sein de la représentation française auprès de l’ONU à Genève, ainsi que dans les ambassades de France au Mali et en Côte d’Ivoire.

La présente enquête s’est attachée, d’abord à apprécier le cadre budgétaire et financier des contributions internationales et son influence sur leurs fluctuations, ensuite à décrire les facteurs d’évolution de ces contributions liés à la vie des organisations internationales et, enfin, à analyser les actions de pilotage des crédits engagés.

Après l’examen par la Cour du rapport d’instruction, le 15 juillet 2015, un relevé d’observations provisoires a été adressé, le 24 juillet 2015, au secrétaire général du MAEDI dans sa version intégrale et, par extraits les concernant, au contrôleur budgétaire et comptable ministériel du MAEDI, au directeur général du Trésor, au directeur du budget, au chef d’état- major des armées, au directeur des affaires financières du ministère de la défense, au chef du contrôle général des armées et au directeur général des relations internationales et de la stratégie du ministère de la défense.

Après que M. Christian Masset, secrétaire général du MAEDI, a été auditionné le 24 septembre 2015, le projet de rapport, tenant compte de l’analyse que la Cour a faite des réponses reçues à ses observations provisoires, a été délibéré le même jour par la quatrième chambre, présidée par M. Vachia, président de chambre, et composée de MM. Maistre, Ténier, Rigaudiat et Drouet, conseillers maîtres, Mme Latournarie-Willems, conseillère maître, les rapporteurs étant MM. Philippe Rousselot, conseiller maître, et Guillaume Delbauffe, rapporteur extérieur, Mme Catherine Démier, conseillère maître, étant la contre- rapporteure.

Le rapport a ensuite été examiné et approuvé le 6 octobre 2015 par le comité du rapport public et des programmes de la Cour, composé de M. Migaud, Premier président, MM. Durrleman (remplacé en cours de séance par M. Laboureix, conseiller maître), Briet, Mme Ratte, MM. Vachia, Paul, rapporteur général du comité, MM. Duchadeuil, Piolé, Mme Moati, présidents de chambre, et M. Johanet, procureur général, entendu en ses avis.

Synthèse

Membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, la France a fait le choix de s’impliquer fortement dans les institutions multilatérales. À ce titre, elle siège dans plus de 70 organisations internationales auxquelles le ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI) a versé, en 2014, des contributions, obligatoires et volontaires, pour un montant total de plus de 800 M€.

Cette somme représente une part significative du budget du MAEDI. Elle peut même en compromettre les principaux équilibres, en raison des aléas qui caractérisent ce type de dépenses. Les contributions internationales sont ainsi identifiées comme le principal enjeu de la cartographie des risques de ce ministère.

Parmi les facteurs qui contribuent à l’instabilité de ces dépenses, figurent, outre la création ou la suppression d’opérations de maintien de la paix (OMP), les mouvements de crédits liés aux différences de calendriers budgétaires ou les variations du taux de change.

Face à cette situation, le ministère pourrait utilement procéder à des reports de crédits lorsqu’une baisse de la quote-part est envisagée pour l’exercice suivant, ou, inversement, anticiper des paiements en cours d’exercice sur des bases estimatives établies en accord avec l’ONU lorsque le taux de change est favorable. À cet égard, pour éviter des pertes au change aussi considérables que celles attendues pour 2015 (estimées à quelque 135 M€), la mise en place d’un dispositif de couverture efficace du risque au change doit être mise à l’étude.

De même, le ministère devrait veiller à ne pas disperser ses contributions, pour les concentrer davantage sur les organisations internationales au sein desquelles il est en mesure d’exercer une véritable influence.

Les indicateurs de performance, en particulier ceux concernant les OMP, devraient également être améliorés. Enfin, s’agissant de l’architecture budgétaire de la mission Action extérieure de l’État, un programme regroupant l’ensemble des contributions internationales, volontaires et obligatoires, pourrait être envisagé.

Au-delà des déterminants budgétaires et financiers, l’évolution de ces contributions tient aussi à des facteurs propres aux organisations internationales et notamment à leur activité. À l’image des charges de personnel, des dépenses immobilières ou des charges directement imputables aux États membres, comme l’ajustement fiscal, leurs dépenses de fonctionnement représentent une part essentiel des coûts. Leur maîtrise est ainsi cruciale et le MAEDI, aux côtés des principaux pays contributeurs, entreprend différentes actions pour y parvenir. Mais, pour réels que soient ces efforts, les résultats demeurent souvent limités. Une diminution significative des dépenses ne pourrait en effet résulter que de la sortie d’organisations internationales ou de la cessation d’OMP. Il n’en convient pas moins de persévérer, en incitant par exemple à la recherche de financements alternatifs pour une partie des projets immobiliers.

Les dépenses du MAEDI évoluent également en fonction des barèmes fixant la quote-part des contributions des États membres au budget ordinaire de l’ONU, aux OMP et à la plupart des agences. Ces barèmes constituent ainsi un enjeu majeur. Ils font l’objet d’âpres négociations, qui s’achèveront au mois de décembre 2015. À cet égard, obtenir un statu quo sur la méthodologie de calcul des barèmes pourrait être considéré comme un résultat d’autant plus satisfaisant qu’il nécessiterait de s’opposer fermement à des propositions contraires aux intérêts français.

La multiplication des OMP, mais aussi leur complexité croissante, sont la première cause de l’augmentation des dépenses. Il en va de même des missions politiques spéciales (MPS), dont le budget est passé de 80 M USD pour le budget 1999-2000 à 1,1 Md USD dans le budget 2014-2015. En conséquence, dans une perspective de réduction des coûts, il apparaît essentiel d’insister sur la mise en œuvre la plus rapide possible du retrait des trois OMP en cours de cessation et de mener une analyse critique sur le nombre et l’efficacité des MPS.

Face à la diminution des crédits disponibles, et du fait du soutien majeur qu’elle apporte au fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, la France est conduite à verser des petites contributions au plus grand nombre possible d’organisations. Cette pratique ne repose pas sur des critères objectifs d’évaluation de l’efficacité des financements ou des résultats des structures bénéficiaires.

Pour ce qui est du pilotage de l’ensemble de ces contributions, le MAEDI s’attache à promouvoir le bon usage des crédits engagés. Par la sensibilisation aux questions financières et budgétaires de ses agents, aussi bien à Paris qu’à l’étranger, il dispose d’un réseau qui maîtrise aussi bien le suivi budgétaire et comptable en administration centrale que les enjeux des négociations diplomatiques à New York ou Genève.

Si la France a su faire évoluer positivement l’efficacité de certaines OMP, par l’instauration d’un séquençage des mandats, de nombreux obstacles subsistent pour améliorer l’efficience de ces opérations. Il paraîtrait approprié de mettre en place, dans les pays où sont implantées des OMP lourdes ou des MPS significatives, des diplomates affectés spécifiquement au suivi de ces opérations. Enfin, le MAEDI pourrait veiller à ce que les mandats des OMP comportent une définition de leurs objectifs, condition nécessaire à l’élaboration d’une stratégie de sortie.

Recommandations

La Cour formule les recommandations suivantes :

1. mettre en place, après une analyse économique rétrospective et prospective, un mécanisme efficace de couverture du risque de change, sans préjudice d’un ajustement des crédits dans le cadre de la programmation budgétaire ;

2. recouvrer les reliquats de crédits enregistrés dans les comptes de l’ONU ;

3. envisager, dans le cadre d’un réaménagement de l’architecture budgétaire de la mission Action extérieure de l’État, la création d’un programme consacré aux contributions internationales obligatoires et volontaires ;

4. au-delà des actions destinées à contenir les diverses demandes concernant les missions politiques spéciales, renforcer leur suivi en veillant, lors des négociations multilatérales, à porter une analyse critique sur leur nombre et leur efficacité ;

5. encourager l’accélération des procédures de retrait pour les trois OMP programmées en ce sens ;

6. mettre au point, dans le mécanisme de suivi budgétaire du MAEDI, un système d’anticipation à moyen terme, afin de disposer de perspectives de soutenabilité du budget consacré aux OMP et de formuler clairement les objectifs du ministère ;

7. au sein des instances de gouvernance, encourager fermement les organisations internationales à soutenir leurs projets immobiliers par des financements alternatifs aux contributions nationales ;

8. mettre en place, au-delà de l’outil existant portant sur la gouvernance, une évaluation précise et complète de la performance des organisations internationales bénéficiaires de contributions volontaires qui permette, sans méconnaître l’importance du choix politique, de construire des priorités au regard de critères objectivables ;

9. mettre en place, dans les ambassades ayant à suivre les OMP les plus lourdes et les MPS les plus importantes, une cellule de suivi de ces opérations.

Introduction

Membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, la France fait partie d’un grand nombre d’organisations internationales. À ce titre, conformément aux traités internationaux ou au règlement des organisations, elle doit s’acquitter chaque année de versements destinés à financer le fonctionnement de ces institutions ou les opérations qu’elles conduisent dans le cadre de leur mandat.

Le ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI) est responsable d’une partie de ces contributions. Dans cette fonction, il pèse d’un poids significatif : les contributions dont il a la gestion représentaient à elles seules plus de 800 M€ en 2014. À cette donnée quantitative, s’ajoute le fait que de nombreuses organisations financées par le ministère mènent des actions d’un grand retentissement dans le domaine humanitaire ou du maintien de la paix. À cet égard, le rôle que la France entend jouer dans le concert des Nations, comme son statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, confèrent aux contributions internationales une forte dimension politique. Si ces dépenses correspondent, dans leur mode de calcul et dans leur réalisation, aux coûts réels d’activités données, elles traduisent également le coût pour la France de la place qu’elle tient au sein des organisations chargées de la sécurité du monde et du bien-être des populations.

À travers cette enquête, qui porte sur les exercices 2007 à 2014, la Cour s’est attachée à apprécier, d’une part les raisons des évolutions constatées depuis un précédent contrôle portant sur les années 2001 à 2006 et ayant donné lieu à l’envoi d’un référé, le 20 juin 2008, au ministre des affaires étrangères et au ministre du budget et, d’autre part les actions mises en œuvre par le MAEDI pour suivre ces dépenses et en améliorer l’efficacité et l’efficience.

Les crédits sous revue

Les contributions internationales versées par la France, sous la responsabilité du ministre chargé des affaires étrangères, sont entendues au sens des crédits des actions 2 « contributions aux organisations internationales à vocation européenne » et 4 « contributions internationales » du programme 105 – Action de la France dans l’Europe et le monde. Sont également compris les crédits des « contributions volontaires aux organisations internationales » de l’action 5 du programme 209 – Solidarité à l’égard des pays en développement.

Il a paru plus cohérent de s’en tenir à ce périmètre pour plusieurs raisons. Ces contributions forment un ensemble homogène, qui peut être considéré comme une forme de politique publique. Identifiées dans la nomenclature budgétaire, elles peuvent, à ce titre, faire l’objet d’un suivi spécifique, d’autant que leur niveau de complexité nécessite de bons outils de suivi. Leur volume financier est significatif en valeur absolue (984 M€ en 2013, 802,5 M€ en 2014) et constitue un enjeu budgétaire du fait de leur caractère majoritairement obligatoire.

Le volume financier de ces contributions représente, en 2014, 38,5 M€ pour les organisations européennes, 367,6 M€ pour les contributions internationales obligatoires, 349,5 M€ pour les opérations de maintien de la paix (OMP) et 46,8 M€ pour les contributions internationales volontaires, soit un total de 802,5 M€.

Dans cet ensemble, le système des Nations Unies représente la part la plus significative des crédits sous revue (562 M€, 70 %) dans la mesure où il comprend le financement du budget ordinaire de l’ONU et celui des OMP.

Les autres postes de dépenses (239 M€) sont constitués des contributions versées, notamment, au Conseil de l’Europe (35 M€), à l’OTAN (37,2 M€), à l’OCDE (21,5 M€), à l’organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (15,4 M€), à l’Institut du monde arabe (11,5 M€), au Comité international de la Croix-Rouge (6,7 M€) ou à la Cour pénale internationale (10,7 M€).

Tableau n° 1 : les crédits sous revue en 2014 (CP exécutés, en M€)

[A consulter dans le fichier word ou pdf joint]

Certaines dépenses assimilables à des contributions internationales ne sont pas couvertes par le champ de l’enquête. Tel est le cas :

- de la subvention versée à l’organisation internationale de la francophonie (56 M€ en 2013, action 5 du programme 209), qui relève d’une politique publique différente ;

- des versements que le MAEDI opère au profit de fonds verticaux au titre du développement, qui relèvent d’une logique spécifique et qui font appel, en partie, à des financements extrabudgétaires (par exemple, fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, FMLSTP - pour 360 M€ par an) ;

- de la contribution française au fonds européen de développement (FED, 640 M€ en 2014).

Conformément au parti retenu, l’examen ne porte pas sur les institutions spécialisées de l’ONU financées par d’autres ministères que le MAEDI (FMI, groupe de la Banque mondiale) ni sur les contributions issues des différents ministères et assimilables à des contributions internationales. Ces dépenses, qui sont hors de la responsabilité du MAEDI, concernent 19 programmes budgétaires. Elles représentent, pour les seules 17 contributions internationales supérieures à 10 M€, un montant de 1,9 Md€.

Les spécificités du système des Nations Unies

Le système des Nations Unies se décompose en quatre blocs principaux : le budget ordinaire, les fonds et programmes, le budget des agences spécialisées et le budget des OMP.

Graphique n° 1 : le système des Nations Unies (vue simplifiée)

[A consulter dans le fichier word ou pdf joint]

L’essentiel des contributions françaises prend la forme de contributions obligatoires. Les États membres constituent la source du financement obligatoire, à travers les quotes-parts calculées selon un barème reflétant la capacité de paiement de chaque État. Le barème de référence est celui du budget ordinaire, qui sert de base de calcul au barème des OMP et à celui de la plupart des agences spécialisées.

Pour leur part, les contributions volontaires des États membres servent à financer des activités d’appui, en complément d’activités financées par le budget ordinaire, ainsi que des activités opérationnelles (coopération technique). Dans le projet de budget 2014-2015, ces fonds représentaient plus de deux fois et demi les crédits du budget ordinaire (14 milliards contre 5,5 milliards de dollars2). Les fonds et programmes qui dépendent directement de l’ONU ne reçoivent pratiquement que des contributions volontaires. Les organisations spécialisées reçoivent des contributions statutaires et volontaires.

- Le budget ordinaire couvre les dépenses relatives au fonctionnement de l’organisation, aux missions politiques de sécurité, aux tribunaux internationaux dépendant du Conseil de sécurité, et une série de dépenses ponctuelles consacrées aux organismes subsidiaires.

La contribution française évolue au gré des variations du budget ordinaire, les écarts d’une année à l’autre s’expliquant également par les reports et les variations de la quote-part. Depuis 2007, la contribution au budget ordinaire en USD a augmenté de 29 %. En 2014-2015 la France a été le quatrième État contributeur avec une quote-part de 5,59 %.

- Les programmes et fonds sont financés par des contributions volontaires. Leur liste figure en annexe 3.

- L'ONU provoque, lorsqu'il y a lieu, des négociations entre les États intéressés en vue de la création d’agences spécialisées qui disposent, aux termes de leurs statuts, d'attributions internationales étendues dans les domaines économique, social, culturel, éducatif, de la santé publique et autres domaines connexes.


2 Dans les tableaux sur le long et moyen terme, les données sont en dollars courants (non corrigés de l’inflation). Les abréviations utilisées sont M USD pour million de dollars et Md USD pour milliard de dollars.


Les agences spécialisées n’en sont pas moins autonomes. Elles collaborent entre elles et avec les Nations Unies par l’intermédiaire du Conseil économique et social de l’ONU et sous l’égide du Chief Executives Board for coordination (CEB). Il y a 15 agences spécialisées et quatre rattachées. Leur liste figure en annexe 3.

- Les OMP sont des opérations civilo-militaires dirigées par l’ONU (casques bleus). Chaque opération est financée par un compte spécial, alimenté par des contributions obligatoires. Le montant des contributions des États membres dépend d’un barème spécifique, dérivé du barème du budget ordinaire mais présentant une majoration pour les membres permanents du Conseil de sécurité. Le budget 2014-2015 s’élève à 7 056 M USD. Avec 7,21 % de quote-part, la France est le 3ème État contributeur.

Il y a, au sein des opérations en cours, deux groupes distincts (voir annexe n° 6). Le premier concerne les sept opérations les plus anciennes, toutes antérieures à 2003. Elles ne mobilisent que 11 % des troupes. L’opération installée au Liban représente l’essentiel de ces volumes, avec 9 % des troupes, les autres OMP, pouvant, pour trois d’entre elles, n’avoir aucune unité constituée dans leurs effectifs. Elles ne pèsent que peu dans le budget total, environ 10 %.

Les opérations du second groupe sont les plus récentes et mobilisent 89 % des effectifs totaux et des budgets. Elles ont une particularité géographique : la plupart se déroulent en Afrique. Trois opérations sont supposées cesser à moyen terme, soit à la fin de 2016 ou au début de 2017 : la MINUL, la MINSUTAH et l’ONUCI.

La démarche suivie

Le présent rapport s’attache à déterminer si, malgré le caractère impératif des contributions obligatoires et la faible marge de manœuvre disponible sur les contributions volontaires, le MAEDI est en mesure d’optimiser cette dépense, voire d’en maîtriser les facteurs d’évolution, au regard de considérations d’efficience et de performance qui constituent des normes de référence aussi bien nationales qu’internationales.

Pour incontestables que soient les contraintes juridique et politique applicables aux contributions internationales, celles-ci ne sauraient faire perdre de vue l’enjeu de l’efficacité et de l’efficience des dépenses correspondantes. Toutes les précautions méritent d’être prises pour s’assurer du bien-fondé des dépenses, du bon emploi des crédits versés et de l’atteinte des objectifs assignés aux organisations bénéficiaires. Toute lacune ou toute piste d’amélioration dans les procédures comme dans les montants en jeu devraient conduire le MAEDI à engager des négociations correctrices.

Dans cette perspective, sont notamment analysés :

- le cadre budgétaire et financier des contributions et son influence, à travers un certain nombre de mécanismes, sur les fluctuations observées depuis 2007 ;

- les divers facteurs d’évolution de ces contributions liés à la vie des organisations internationales et des OMP ;

- la performance des actions de pilotage mises en œuvre par le MAEDI pour optimiser le bon usage des crédits versés et contrôler l’efficience de leur gestion par l’ONU et par les organisations internationales.

Chapitre I

Le cadre budgétaire et financier des contributions
et
son influence sur leurs fluctuations

Alors que le projet de loi de finances (PLF) pour 2015 a fixé à 794 M€ les crédits prévus au titre des contributions internationales obligatoires, la prévision de dépense, au taux de chancellerie du 16 juin 2015, s’établissait à 1 044 M€. Ces montants et ces fluctuations pèsent lourdement sur le budget du MAEDI dont ils affectent la soutenabilité. Les variations constatées trouvent leur explication non seulement dans l’évolution des charges réelles, mais aussi dans les paramètres budgétaires et financiers, au premier rang desquels les reports et le taux de change. Il en résulte que ces dépenses nécessitent un suivi vigilant avec des outils budgétaires appropriés.

I - Une dépense qui pèse sur les marges de manœuvre du MAEDI

Les volumes en jeu sont à situer dans l’ensemble des dépenses comparables à l’échelle du budget de l’État et au sein du budget du ministère des affaires étrangères.

Les crédits que le ministère verse aux organisations internationales ne représentent qu’une partie des contributions françaises. Le document de politique transversale (DPT)

« action extérieure de l’État »3, dont le MAEDI assure la rédaction en tant que chef de file, comprend les données de 39 programmes budgétaires relevant de treize ministères, pour un montant total de 8,1 Md€ inscrits au PLF pour 2014. Recouvrant de multiples domaines de l’action extérieure (rayonnement culturel, audiovisuel, enseignement, réseau diplomatique, etc.), cette masse budgétaire ne correspond pas à la logique contributive des financements français à des organismes internationaux. Tel qu’il se présente, le DPT ne permet pas de calculer de manière précise le montant des contributions aux organisations internationales stricto sensu de l’ensemble des ministères. Le MAEDI ne pourra améliorer cette situation tant qu’il ne disposera pas de données certifiées par chaque ministère concerné.

Tableau n° 2 : les contributions des ministères aux organisations internationales (PLF 2013)

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A - Le poids des contributions internationales dans le budget du MAEDI

Le budget global du MAEDI, considéré comme la somme de la mission Action extérieure de l’État et du programme 209 – Solidarité à l’égard des pays en développement de la mission Aide publique au développement, est de 4,5 Md€, dont 1,1 Md€ de masse salariale. Au sein de ce budget, trois dépenses d’intervention représentent à elles seules 40 % du budget et 52 % en dehors des dépenses de personnel (titre II). Ce sont les contributions versées, à partir du programme 209, au fonds européen de développement (FED - 640 M€ en exécution 2014), au fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (FMLSTP – 360 M€) et les crédits sous revue (802 M€). Le budget du ministère est ainsi fortement contraint par ces trois lignes budgétaires. Celles-ci réduisent d’autant sa capacité à contribuer à la maîtrise des dépenses publiques, l’essentiel de l’effort ne pouvant porter que sur les autres postes.

De ces trois postes, le plus évolutif est celui des contributions internationales, qui pourrait connaître une accélération sensible en cours de gestion 2015. Si les estimations disponibles sont à prendre avec prudence, le niveau des contributions internationales pourrait atteindre le seuil du milliard d’euros. Un tel événement ferait date : la masse salariale pourrait alors ne plus constituer le premier poste de dépense du MAEDI.

Les autres versements sont moins évolutifs : le versement annuel au FMLSTP est fixé par la France (par tranches de trois ans) à un niveau fixe ; et la contribution au FED est plus variable, mais les appels de fonds sont relativement stables et libellés en euro.

Tableau n° 3 : les trois grandes contributions du MAEDI (en CP pour 2014)

[A consulter dans le fichier word ou pdf joint]

Les crédits des contributions internationales ont donc une importance cruciale dans la gestion budgétaire du MAEDI. Ils représentent presque le quart du budget hors titre II. Par ailleurs, alors que toutes les composantes des crédits sous revue enregistrent une baisse sur la période, seules les OMP enregistrent une hausse significative (cf. tableau n° 4).

[Tableau n° 4 : l’évolution des dépenses sur la période 2007-2014 (en euro)

[A consulter dans le fichier word ou pdf joint]

La Cour observe que la gestion du budget du MAEDI se tend avec l’augmentation continue des dépenses liées aux OMP. Les marges de manœuvre du ministère en sont, chaque année, d’autant plus réduites. À raison, le MAEDI a placé ce poste de dépense en tête de sa cartographie des risques budgétaires du programme 105 (cf. infra).

B - La possible redéfinition du périmètre de financement

Dans son référé précité du 20 juin 2008, la Cour soulignait l’intérêt d’un transfert de la responsabilité du paiement de certaines contributions internationales vers d'autres administrations.

Par ailleurs, ce document s’interrogeait sur le caractère hétérogène des contributions versées par la France. Certaines participations étant d'un montant symbolique, leur coût de gestion pouvait se révéler supérieur au montant de versements, parfois maintenus par simple automaticité.


3 Le document de politique transversale est une annexe générale du projet de loi de finances pour l’année en cours au sens de l’article 51 de la loi organique sur les lois de finances (LOLF).


La Cour, comme le Conseil de modernisation des politiques publiques, ont incité le MAEDI à prendre des engagements en ce sens4. Entre 2007 et 2014, le nombre d’organisations internationales et autres instruments internationaux rattachés au programme 105 est ainsi passé de 156 à 80, cette diminution étant, en partie, le produit du transfert vers d’autres ministères pour plus de 60 contributions.

1 - Les transferts vers les ministères techniques

Dix ministères ont reçu un transfert de compétence entre 2008 et 2010, pour 63 contributions. La plupart de ces transferts correspondent à une dévolution complète, d’autres à la participation d’un ministère technique à des organisations internationales sous compétence générale du MAEDI (PNUE, FAO). Ces transferts correspondent à des montants relativement faibles : 1,2 M€ en 2008, 17,7 M€ en 2009, 6,9 M€ en 2010 (contre 24 M€ proposés par le MAEDI).

Au total, un montant de 26 M€ a été transféré à d’autres administrations. Il correspond, pour l’essentiel, à des petites contributions, permettant de redessiner le périmètre des dépenses et d’atténuer le nombre des contributions accessoires.

2 - La dispersion des contributions maintenues sur le programme 105

Interrompu en 2010, ce mouvement pourrait être poursuivi : plusieurs contributions relèvent potentiellement d’autres ministères ou d’autres imputations au sein des budgets du MAEDI. Certaines de ces charges se sont éteintes sans que le MAEDI ait pu s’en défaire à temps. Tel est le cas de sa contribution à la desserte de l’aéroport de Strasbourg5 ou à l’Union Latine6.

Il resterait à examiner le cas de contributions plus importantes, payables en euros, parmi lesquelles peut être cité l’Institut du monde arabe (IMA), qui perçoit chaque année une subvention d’environ 12 M€. Fondation privée et non organisation internationale, la subvention pourrait être inscrite, soit au sein du programme 185, soit au budget du ministère chargé de la culture7.

Les contributions aux 20 principales organisations, supérieures à 5 M€, représentent 87 % de la dotation hors OMP. Aussi, sur les quelques 80 organisations internationales et instruments internationaux inscrits à l’action 4 (RAP 2014 du programme 105), 52 d’entre eux représentent 3 % des crédits, dont le graphique suivant montre la ventilation.

Graphique n° 2 : la ventilation des contributions de l’action 4 du programme 105 (hors OMP)

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4 « Les contributions internationales seront recentrées sur nos priorités. En liaison avec nos partenaires, l’évaluation des résultats des agences et organismes concernés sera renforcée, selon une logique de conseil d’administration. Les contributions techniques seront transférées aux ministères compétents sur le fond », décision du Conseil de modernisation des politiques publiques du 11 juin 2008.

5 Dans le cadre du contrat triennal 2010-2013 « Strasbourg, capitale européenne », 11,81 M€ d’AE avaient été engagées en mars 2010 pour une durée de trois ans dans le cadre des conventions de délégations de service public conclues entre l’État, les collectivités locales du Bas-Rhin et les compagnies aériennes Britair (liaison Strasbourg-Copenhague), Régional (liaison Strasbourg-Amsterdam), Air Nostrum (liaison Strasbourg-Madrid) et Czech Airlines (liaison Strasbourg-Prague).

6 L’Union latine, qui avait son siège à Paris, a été dissoute en juillet 2012.

7 La contribution du MAEDI, en diminution de 5 % en 2015 (et à nouveau en 2016, soit 11,2 M€), représente 52 % du budget global de l’IMA. La direction des affaires financières du MAEDI représente le ministère au sein de l’institution.


Dans les annexes budgétaires, le montant cumulé des micro-contributions est porté dans la ligne « autres contributions ». Pour le PAP 2015, il est estimé à 50 M€. Cet agrégat est donc, sans plus de précision, un des premiers postes de dépenses des contributions internationales.

Le MAEDI défend, avec de solides arguments, la nécessité de conserver la gestion budgétaire de ces contributions, soit qu’elles relèvent de son cœur de métier – action diplomatique –, soit qu’elles traduisent des enjeux politiques qu’il entend défendre. Dans le domaine de la gouvernance, la direction des Nations Unies et des organisations internationales (DNUOI) ou d’autres directions du ministère, ou encore les représentations permanentes, sont bien présentes au sein des enceintes de direction.

Il reste encore à régler le transfert de certaines contributions, qui allégeraient utilement la charge de la DNUOI8.

Le MAEDI devrait poursuivre le mouvement de transfert entrepris entre 2007 et 2010. Outre d’éventuelles économies, le recentrage de l’action 4 du programme 105 sur ses missions lui permettrait d’assumer pleinement ses responsabilités de gestionnaire. Les opérations de rebasage se feraient sur des fondements assainis et le montant du poste budgétaire coïnciderait pleinement avec la nature des dépenses.

Le périmètre ainsi redéfini distinguerait d’un côté, les organisations et opérations qui font partie du système des Nations Unies et de l’autre, celles qui n’en relèvent pas. Le critère de gouvernance serait déterminant : le MAEDI doit pouvoir répondre du bon emploi des deniers publics versés à ces organisations. Sa présence effective au sein des organes de gouvernance devrait être le critère pour le maintien ou non dans le programme qu’il gère.

À l’occasion de la présente enquête, le MAEDI s’est déclaré prêt à examiner, au cas par cas, la possibilité de tels transferts.

II - Un effort de maîtrise des évolutions

L’évolution des crédits consacrés aux contributions internationales est à la hausse depuis 2007 (cf. annexe n° 7). Si elle connaît des variations importantes, par exemple entre 2012 et 2013, cette tendance s’explique tant par des augmentations de charges, comme la création de nouvelles OMP, que par des aléas ou des décisions sans rapport avec la nature même de la dépense. En effet, la courbe pluriannuelle des dépenses ne peut être interprétée comme le seul résultat d’une hausse des coûts qu’elles sont supposées couvrir.

Le graphique suivant, à l’échelle logarithmique, montre que les profils d’évolution entre les charges réelles et les dépenses publiques diffèrent dans leur rythme. Le manque de linéarité de la courbe budgétaire s’explique par des phénomènes particuliers, tels que les reports ou les variations de taux de change.

Graphique n° 3 : l’évolution comparée entre charges et budget

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A - L’enjeu de la budgétisation

1 - Une situation insatisfaisante en 2007

Dans son référé du 20 juin 2008, adressé au ministre des affaires étrangères et au ministre du budget, la Cour soulignait, pour les exercices 2001-2006, la sous-évaluation systématique des crédits. Durant cette période, la forte progression du montant des contributions était, déjà, pour l’essentiel, imputable aux OMP. Ces crédits faisaient l'objet d’une sous-évaluation structurelle (en 2006, le dépassement avait atteint un tiers du budget voté), particulièrement significative pour les OMP (dépassement de 100 % en 2006).


8 Par exemple, le secrétariat de la charte de l’énergie (0,421 M€ en 2014) intéresse épisodiquement la direction générale de la mondialisation (DGM), mais au premier chef le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (MEDDE), présent à toutes les réunions ; le protocole à la convention sur la pollution atmosphérique transfrontalière à longue distance (0,277 M€), suivi par le seul MEDDE ; la commission Ospar pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est (0,2 M€), suivie par la DGM pour les questions budgétaires, mais pilotée sur le fond par le MEDDE ; l’accord Pelagos, créant le Sanctuaire pour les mammifères marins en Méditerranée (56 000 €), suivi par la DGM pour les questions budgétaires.


Les difficultés structurelles liées à l’imprévisibilité de certaines dépenses pouvaient ainsi justifier de mauvaises habitudes. Elles n’en posaient pas moins un problème de sincérité budgétaire. En 2006, le Sénat a émis un avis défavorable au décret d’avance destiné à couvrir les besoins nés de l’activité des OMP (80,13 M€), au motif que la dépense était prévisible9. Il est vrai qu’en reconduisant pour 2006 la dotation du PLF pour 2005, le MAEDI s’était installé dans une politique d’insuffisance de crédits que rien ne semblait pouvoir corriger. Le dégel de la réserve budgétaire et la LFR servaient à la couverture des crédits manquants.

La Cour, prenant acte des intentions de remise à niveau annoncées par le ministère dans sa réponse au référé, préconisait qu'il fût mis fin à la sous-évaluation systématique des crédits consacrés aux contributions de la France aux organisations internationales.

La création du comité d’examen des contributions internationales, opérationnel en 2007, mit fin à cette pratique. Durant la période sous revue, le MAEDI est globalement parvenu à réconcilier la prévision et l’exécution.

En 2007, le taux de couverture entre exécution et prévision est de 81 % sur l’ensemble de l’action 4 du programme 105, résultat induit par le taux de couverture des OMP qui atteint 65 %. Au fil des ans, la situation ne cessera de s’améliorer, pour atteindre un taux de couverture global de 111 % en 2014.

2 - Les efforts en vue d’une meilleure budgétisation

Pour réaliser ces progrès, le gouvernement a procédé à une politique de rebasage de la dotation initiale, qui, entre 2007 et 2011, atteint un niveau de 333 M€ supplémentaires (dont 85 M€ pour la nouvelle OMP au Darfour). Ces mesures n’ont pas suffi à remédier à la sous-budgétisation et ont été accompagnées de divers mouvements budgétaires.

Tableau n° 5 : les mouvements budgétaires (contributions internationales, action 4) de 2006 à 2011

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À partir de 2011, la situation s’est améliorée : la programmation s’est révélée légèrement supérieure aux besoins réels. Une situation analogue s’est produite en 2012. En 2013, pour la première fois, la LFR a annulé la réserve de précaution du programme 105. Un phénomène identique s’est produit en 2014, confirmant ainsi la tendance. L’effet du rebasage porte ses fruits, ainsi que les efforts de budgétisation basés sur des prévisions mieux établies (grâce notamment aux travaux de la représentation permanente à New York). Dès lors que les aléas les plus significatifs, à commencer par le taux de change, mais aussi le changement de barème en décembre 2012 (cf. infra), sont dans une tendance neutre ou positive, les efforts consentis ont permis une nette amélioration de la situation budgétaire10.

Face aux distorsions initiales, plusieurs années ont été nécessaires pour réduire les écarts entre les prévisions et l’exécution. Ces efforts sont interrompus par l’exercice 2015, qui, avec 200 M€ d’insuffisance de crédits (dont 149 M€ non couverts par la réserve), s’annonce comme l’un des plus difficiles. À ce titre, le contrôleur budgétaire et comptable ministériel a émis un avis défavorable sur le BOP contributions internationales au titre du PLF 2015.


9 L’affaire fut conclue par un avis favorable du Conseil d’État, qui appuyait son raisonnement sur le fait que les factures étaient reçues et relevaient de dépenses obligatoires, payable au 31 décembre de l’année de l’appel de fonds).

10 Amélioration d’autant plus sensible que le MAEDI n’avait pas anticipé le changement de barème pour 2013-2015 dans son PAP 2013.


B - Les conséquences du décalage des calendriers

1 - Des facteurs d’incertitude affectant la prévision des dépenses

Le MAEDI se trouve pris entre sa volonté de réformer le système de prévision budgétaire et la nécessité d’honorer ses contributions obligatoires. La démarche se heurte cependant à des réalités qu’il ne maîtrise pas. Le fait que le budget des OMP ne soit connu que le 30 juin de chaque année rend inévitable la construction d’un budget de l’exercice sur des bases estimatives. De même, il est exclu de reprocher au MAEDI de n’avoir pas su prévoir, avec une année d’avance, certaines fluctuations du taux de change ou la dégradation de la situation internationale donnant lieu à la création de nouvelles OMP.

Le tableau suivant montre que l’année budgétaire est difficile à faire coïncider avec les différentes temporalités imposées par l’ONU. Il présente la chronologie des quatre types d’événements distincts : les sessions de l’Assemblée générale, le budget de l’ONU (dit budget ordinaire), les budgets des OMP et la période de validité du barème définissant le calcul des contributions françaises (voir infra). Cette périodisation, qui cadence le temps budgétaire de l’ONU, ne tient pas compte du fait que chaque OMP a une chronologie basée sur son mandat initial et ses divers renouvellements. Certaines OMP peuvent connaître jusqu’à deux mandats par an, qu’il s’agisse d’un renouvellement systématiquement biannuel (UNFICYP, Chypre), ou que cela relève d’une extension de mandat due à des événements imprévus.

Tableau n° 6 : les différentes chronologies

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Les différentes chronologies budgétaires en vigueur génèrent une imprévisibilité budgétaire structurelle. Si, depuis une dizaine d’années, des efforts dans la prévision ont été consentis, ils ne peuvent être améliorés qu’à la marge.

2 - Les reports de crédits et les anticipations de dépenses

Du fait des décalages de calendrier, la France se trouve contrainte de procéder à des reports de crédits, dont les effets doivent être pris en compte pour l’analyse de l’évolution des dépenses. Ces mouvements, qui concernent principalement les OMP, sont dus aux aléas des appels de fonds ou au surcoût, apparu en cours d’année, de telle ou telle opération. Ils peuvent, d’un exercice à l’autre, varier en volume : 6 M€ en 2011, 26 M€ en 2012, 21 M€ en 2014. Le plus marquant a été le report enregistré sur 2013, pour un montant de 182 M€. Ce montant ayant été versé au nouveau taux de quote-part de 7,216 % contre 7,554 % pour l’exercice précédent, une économie de 24 M€ a ainsi pu être réalisée.

Par ailleurs, certains paiements par anticipation ont marqué les évolutions de dépenses. En 2009, le Secrétariat général de l’ONU a procédé à un changement d’appel de fonds au motif que le barème des quotes-parts devait changer au 1er janvier 2010. Afin d’éviter un report trop important sur 2010, le MAEDI a obtenu de payer l’ensemble des charges prévues pour 2009, sur facturation anticipée de l’ONU. Cette opération (119 M€) a été quasiment couverte par le dégel de la réserve de précaution et la LFR.

Cependant, cette pratique n’a pu être mise en œuvre en 2015. Cinq appels à contribution d’OMP, payables au début de l’année 2015 pour un montant initial (au taux en vigueur en 2014) de 92,5 M€, devaient être réglés, au taux de budgétisation 2015, à hauteur de 103,2 M€, soit une augmentation de 8 % due au seul taux de change. Le MAEDI a souhaité que des mesures de précaution soient prises. Il aurait, ainsi, été possible de payer, en 2014, 35 M€ d’appels par anticipation et sur une base estimative délivrée par l’ONU. Le taux de change venait d’amorcer sa pente défavorable, mais la direction du budget a préféré ne pas suivre cette procédure. Cette somme reste à payer en 2015 au nouveau taux en vigueur pour un surcoût net de 5,5 M€.

3 - La nécessité de recouvrer les reliquats

Les OMP closes génèrent un différentiel entre la somme appelée et l’état de la trésorerie de l’ONU. Il s’agit de sommes modiques, correspondant à des ajustements de fin de mission. Toutefois, leur cumul conduit à la constitution de reliquats d’un montant significatif. Tel est le cas des crédits versés mais non dépensés depuis 2013, pour un montant de 13,7 M USD.

Tableau n° 7 : la situation des reliquats (juin 2015)

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Il importe que le MAEDI saisisse, au plus vite, le secrétariat général de l’ONU par note verbale afin de recouvrer ces reliquats. À cet égard, le mode opératoire, sous la forme d’un rétablissement de crédits au profit du budget général de l’État, est la solution la plus conforme au droit financier. Dans le cadre de la présente instruction, la direction du budget a accepté le principe de rétablir ces crédits sur le programme 105, pour financer les surcoûts liés au taux de change des OMP.

C - La problématique du taux de change

1 - Le coût de la dépréciation de l’euro face au dollar

Le taux de change constitue, avec les reports, l’un des principaux facteurs d’évolution des charges. Cela est dû au fait que 72 %, en moyenne, des dépenses sont payables en devises (principalement le dollar américain, plus à la marge le franc suisse). Les postes en augmentation continue sont en effet ceux qui sont libellés en dollars, dont l’enjeu est significatif : une dégradation de 10 centimes sur le taux de l’euro par rapport au dollar représente une perte au change d’environ 40 M€ pour les contributions internationales et inversement.

Ainsi, en 2008, ce facteur permit une économie relative de 20 M€ par rapport aux prévisions. À l’inverse, en 2009, ce facteur a représenté plus de 90 % de l’écart négatif constaté entre la prévision et l’exécution, soit 86,7 M€. Alors que les années 2008, 2010 et 2014 ont été favorables, a contrario les années 2009, 2012 et 2013 ont généré un coût additionnel dans l’exécution du budget.

En mai 2015, la valeur de l’euro avait baissé de 21,88 % par rapport au dollar et de 29,62 % par rapport au franc suisse depuis janvier 2010.

Dans ces conditions, l’écart entre le taux de budgétisation de 1,36 $/€, fixé par la circulaire du secrétaire d’État au budget en date du 24 avril 2014 et relative au budget pluriannuel 2015-2017, et le taux de budgétisation de 1,10 $/€, fixé par la circulaire du secrétaire d’État au budget en date du 9 avril 2015 et relative à la sécurisation de la trajectoire 2016 et 2017, entraîne, par rapport aux prévisions de dépenses en dollars de la loi de programmation des finances publiques 2015-2017, un surcoût de 138 M€ en 2015, de 142 M€ en 2016 et de 134 M€ en 2017. En incluant les évolutions des autres devises (notamment le franc suisse, la livre sterling et le dollar canadien), le surcoût total pour le MAEDI sera, pour les actions du programme 105 concernées par la présente enquête, de 145 M€ en 2015, de 150 M€ en 2016 et de 140 M€ en 201711.

Au regard de l’importance de ces surcoûts, le contrôle interne budgétaire du MAEDI a, le 29 avril 2015, formellement identifié le change comme le risque majeur de la cartographie des risques du ministère et a défini comme axe prioritaire la mise en place d’un mécanisme de couverture de change. Une telle initiative serait, en effet, nécessaire pour garantir la soutenabilité budgétaire des programmes concernés au regard de la programmation triennale, et spécialement l’action 4 du programme 105.

L’évolution du taux de change en 2015 pose, du fait de son ampleur, une difficulté inédite à laquelle le MAEDI ne pourra pas faire face dans une telle proportion. À l’évidence, le ministère ne saurait être en mesure d’assurer seul, par un simple redéploiement de ses crédits, le financement d’une telle perte au change.

2 - L’absence d’un mécanisme effectif de couverture du risque au change

Le 5 juillet 2006, le MAEDI et l’agence France Trésor (AFT) ont signé une « convention pour la couverture du risque de change », supposée couvrir le décalage dans le temps entre le vote des crédits budgétaires et le versement des contributions libellées en devises étrangères. Il s’agit donc d’un dispositif destiné à gérer le risque de change sur le court terme (entre le projet de loi de finances initiale et le décaissement effectif en cours d’année). Selon ce texte, d’une portée générale, le directeur des affaires financières (DAF) du MAEDI conçoit la politique de couverture et donne des ordres d’achat de devises à terme à l’AFT qui, pour sa part, négocie les contrats d’achats.

Cette convention a été prévue pour sécuriser l’exécution de la loi de finances initiale. Cependant, sa rédaction sur les conditions dans lesquelles le dispositif pourrait être mis en œuvre et sur le « taux de change acceptable » lors des ordres d’achat manquait de clarté. De plus, la responsabilité personnelle du DAF du MAEDI n’était pas encadrée par ce texte. Pour sortir de cette impasse, une « doctrine » tacite fut agréée, au mois de décembre 2010, entre le MAEDI et la direction du budget pour ne faire jouer la couverture que si le taux de change était égal ou supérieur au taux de référence retenu dans le projet de loi de finances. Il en résulte que la convention n’a jamais permis d’éviter des pertes au change.

Cette « doctrine » rend en effet possible l’achat de devises étrangères en cas d’appréciation de l’euro, ce qui permet de figer un gain budgétaire plus ou moins conséquent et rend impossible la cristallisation d’une perte budgétaire issue de l’achat de devises lorsque celles-ci s’apprécient. Lorsqu’une baisse de l’euro s’inscrit dans une tendance longue, il devient alors impossible de faire jouer la convention. L’esprit de ce système garantit les intérêts de l’État contre toute tentative de spéculation de la part de l’administration, mais ne lui permet pas de se prémunir contre une chute durable des cours.

Cette position, ainsi que la pratique qui en découle, auraient probablement dû s’inspirer davantage d’un audit conjoint de la DGFiP et de l’IGAE qui, au mois d’avril 2009, avait estimé qu’ « il serait souhaitable que le ministère puisse se couvrir à l’automne de l’année N-1, au moment où les crédits sont arrêtés définitivement en loi de finances, sur la base du taux de change retenu pour la détermination de ces crédits ».


11 Cette évaluation ne concerne que les contributions, objet du présent rapport. Néanmoins, selon le MAEDI, cette problématique affecte au total près de 40 % de ses lignes budgétaires.


Aussi, dès le début de la période d’affaiblissement de l’euro par rapport au dollar à partir de l’été 2014, le MAEDI n’a-t-il plus été en mesure d’effectuer de nouveaux achats à terme, puisque le taux réel était devenu inférieur au taux de change prévu en PLF 2014. Durant près d’un an, le ministère a constaté l’augmentation forte et rapide de sa perte au change, creusant le déficit budgétaire. Il a appliqué la « doctrine » ci-dessus mentionnée en ne procédant pas à des achats sous le taux de référence du PLF. Il considérait en effet que la convention de 2006 n’était pas suffisamment explicite quant aux responsabilités de l’ordonnateur lorsqu’il s’agissait de se couvrir à un taux différent de celui de la budgétisation et, en l’espèce, ne sachant pas quelle serait sa responsabilité s’il avait figé une perte budgétaire en achetant une couverture. Cette possibilité n’était ni formellement interdite, ni clairement encadrée par la convention. De fait, elle n’a pas été mise en œuvre lors de la dépréciation exceptionnelle de l’euro enregistrée à partir de la fin de l’année 2014.

Cette situation conduit à une perte au change qui s’élève, au 30 septembre 2015, à 98 M€ et qui pourrait atteindre 134,6 M€ à la fin de l’année 2015.

La direction du budget a autorisé le ministère à mettre en œuvre une couverture dès le mois de juillet 2015 dans le cadre de la préparation du PLF 2016, afin de maîtriser le risque de change et le coût financier de ses opérations. Elle s’est, par ailleurs, engagée à diligenter une mission d’inspection interministérielle afin d’apporter un appui technique aux ministères, dans le cadre de la révision et de la sécurisation de leurs politiques de couverture des risques de change.

La Cour souligne le caractère asymétrique du système mis en place par la « convention pour la couverture du risque au change » et sa doctrine d’emploi. Ouvrir la possibilité d’une couverture quand le taux de change est égal ou supérieur au taux de budgétisation conduit à figer un gain de change par rapport aux crédits budgétaires inscrits au PLF. Une telle pratique ne peut en aucun cas éviter la perte au change en cas de dégradation continue de l’euro et, in fine, l’accroissement de la dépense budgétaire. Il importe d’adopter un cadre de gestion qui évite à l’avenir d’enregistrer des pertes aussi considérables.

3 - La recherche de solutions pour l’avenir

Pour pallier les limites du système actuel, la mise en œuvre d’un mécanisme complet de couverture du risque de change semble s’imposer.

Compte tenu du niveau de pertes enregistrées pour 2015, des stratégies de couverture du risque de change auraient pu être envisagées en temps opportun, à l’image de celles qui peuvent exister à la direction générale du Trésor pour les contributions qu’elle gère. L’achat d’une option d’achat (call, comme le font les importateurs) auprès d’un établissement financier pourrait être un mode opératoire proche des recommandations de l’audit DGFiP/IGAE. L’achat d’option serait effectué soit par le directeur des affaires financières du MAEDI, soit par le ministère des finances ou par l’un de ses opérateurs. Dans les deux cas, les crédits devraient être réputés disponibles à la date de la dépense.

Toutefois, il importera au préalable d’analyser l’opportunité de cette procédure sur une longue période. À cet effet, il faudra impérativement procéder à une simulation a posteriori, comparant les gains et pertes au change enregistrés depuis 2007 avec le paiement d’une prime chaque année. La détermination rétrospective d’un gain global permettra de justifier une décision pour l’avenir.

Une telle procédure s’appliquerait à des opérations à court terme. Elle implique en tout état de cause, dans une seconde phase, un rebasage des crédits à moyen terme dans le cadre d’un budget ajusté garantissant les principes de sincérité et de prévisibilité.

Par ailleurs, ce système devra s’inscrire dans un cadre plus général conforme à la recommandation de la note d’analyse de l’exécution budgétaire de la Cour appelant à « définir et présenter […] une politique centralisée et cohérente de couverture de change applicable à l’ensemble des opérations de l’État »12.

Dans l’hypothèse où la solution d’une couverture du risque de change ne serait pas retenue, un mécanisme d’ajustement du plafond des crédits budgétaires devrait alors permettre de compenser les pertes au change du MAEDI, à l’instar de la situation observée dans d’autres pays européens (cf. annexe n° 4) et selon des modalités à définir par le ministère chargé du budget.


12 Cour des comptes : analyse de l’exécution budgétaire 2014 du compte de commerce 910 – Couverture des risques financiers pour l’année 2014.


Le niveau de la perte au change prévu pour 2015 démontre que le système en vigueur est particulièrement insatisfaisant. Quels que soient les engagements pris à ce jour, aucune solution n’apparaît clairement, ni pour 2015, ni pour l’avenir. Désormais des choix doivent être faits et sans tarder.

III - Des instruments de suivi à renforcer

A - La nécessaire simplification de l’architecture budgétaire

1 - La perspective de la création d’un programme spécifique

Le programme 105 a pris sa forme actuelle en 2007. Il se présente ainsi :

Tableau n° 8 : la structure du programme 105

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L’action 4 fut créée à l’occasion du PLF par la fusion des anciennes actions 3 « régulation de la mondialisation » et 4 « contribution à la sécurité internationale ». Ce nouveau périmètre permet de regrouper toutes les organisations internationales dont la France est membre et les OMP. Quant à l’action 2 « action européenne », elle ne concerne pas l’Union européenne (voir supra) mais des organisations internationales à vocation européenne, la contribution au Conseil de l’Europe constituant sa principale dépense.

Le programme 105 se révèle hétérogène et difficile à piloter. Il mêle en effet deux grandes catégories de dépenses : les contributions internationales, dont le caractère obligatoire est un élément central (43 % du programme, 66 % hors titre II), et les dépenses bilatérales et de soutien au réseau diplomatique, qui relèvent d’une logique de gestion très différente. À titre d’exemple lorsque les lettres de cadrage prévoient une économie de 3 % sur l’ensemble du programme, l’effet réel de cette exigence se porte massivement sur les dépenses non obligatoires, soit 9 % de celles-ci (hors titre II). Cette situation est un facteur de rigidité et offre peu de visibilité sur les moyens du réseau de l’État à l’étranger13. Cet état de fait, préjudiciable au pilotage du réseau, a été critiqué par la Cour dans un référé du 13 février 201314.

La redéfinition de l’architecture budgétaire, considérée comme nécessaire, fut, entre 2007 et 2010, sans cesse renvoyée d’un exercice à l’autre. Envisagée dans le cadre de la préparation du PLF pour 2010, qui reposait sur la création d’un programme assurant une gestion transversale des crédits de soutien et de l’ensemble de ses ETP (soit le programme 105 amputé des contributions internationales), cette restructuration s’est heurtée à la question de la suppression du programme 151 – Français à l’étranger et affaires consulaires15qui en aurait été le corollaire. Le ministère a été invité dans le cadre de la préparation du PLF 2011 et du budget triennal à présenter un nouveau projet de maquette budgétaire, qui est resté sans suite.


13 Rapport général n° 99 (2008-2009) de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances, déposé le 20 novembre 2008. Dans son rapport, le député cite un télégramme diplomatique : « Le financement des contributions internationales se fait au détriment du budget de fonctionnement du département et des conditions de travail de chacun ».

14 Référé n° 65294 du 13 février 2013, adressé au ministre des affaires étrangères, « L’évolution du réseau diplomatique depuis 2007 » : « Cette croissance (des dépenses) s'est effectuée dans un cadre budgétaire imparfait. Le programme budgétaire 105, qui finance le réseau, répond en effet à une logique mélangeant le financement des contributions internationales et des opérations de maintien de la paix avec l'action bilatérale classique du ministère. Au sein du programme, aucune action ne retrace le coût du réseau de manière exhaustive malgré un progrès enregistré au projet de loi de finances (PLF) 2013. Cette présentation ne donne pas une visibilité réelle du coût du réseau diplomatique et elle fait peser sur son financement la dynamique des autres charges du programme ».

15 Dont la fusion avec le programme 105 avait fait l’objet d’une recommandation du comité interministériel d’audit des programmes, rapport sur le programme 105, n° 124, mai 2011.


Le volume budgétaire que représentent les contributions internationales sous revue justifierait la création d’un programme ad hoc. Les outils de pilotage budgétaire (réserve de précaution, décrets d’avance, LFR) ainsi que les objectifs de performance seraient adaptés aux situations particulières de ce type de dépenses, sans les confondre avec ceux mis en œuvre pour les dépenses du réseau diplomatique. Ce programme propre favoriserait une présentation allant au-delà de la seule division entre paiements en devises et paiements en euros. Il permettrait également d’établir une maquette par action qui soit moins sommaire et mieux équilibrée entre les actions 2 et 4.

En outre, afin de renforcer la cohérence de ce nouvel outil budgétaire, il serait possible de rapatrier vers ce nouveau programme les contributions volontaires aux organisations internationales inscrites au programme 209.

2 - Le cas de l’action 2 « action européenne » du programme 105

Si la décision de créer un programme spécifique n’était pas prise, il conviendrait au moins de revoir la position de l’action 2 du programme 105, « action européenne ». Celle-ci est essentiellement consacrée à la contribution française au Conseil de l’Europe. Elle comprend également, depuis 2007, une série de dépenses d’un montant sensiblement moindre, dont la nature varie parfois d’un exercice à l’autre.

Depuis 2007, ces dépenses d’intervention ont entamé une diminution du nombre de lignes pour se fixer en 2015 au schéma suivant :

Tableau n° 9 : la structure des dépenses d’intervention de l’action 2

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Ainsi, l’action 2 pourrait aisément être reportée au sein de l’action 4. Les crédits qui ne relèvent pas des dépenses d’intervention pourraient sans doute être inscrits dans l’action 1 du programme 105, « action de la France en Europe et dans le monde ».

D’accord avec l’analyse de la Cour, le MAEDI envisage, de plus, de modifier la présentation des crédits, en précisant au sein des deux ensembles « payables en euros » et « payables en devises » les dépenses relevant ou non du système des Nations Unies. La Cour prend acte de ce point.

Plus globalement, le MAEDI est invité à réfléchir aux avantages à tirer de la création d’un programme propre aux contributions internationales et aux OMP, dans le cadre d’un réaménagement complet de l’architecture budgétaire de la mission Action extérieure de l’État.

B - L’appréciation de la performance du programme 105

Depuis 2007, les crédits sous revue disposent de quelques objectifs et indicateurs, sans toutefois qu’aucun d’entre eux n’ait jamais compté au nombre des « indicateurs les plus représentatifs de la mission » du bilan stratégique du rapport annuel de performance de la mission Action extérieure de l’État. Ce constat tend à considérer que le MAEDI se sentirait davantage jugé sur le pilotage de son action politique et de son réseau que sur le niveau et la finalité des contributions internationales16.

Trois indicateurs sur 14 en 2007, sur huit en 2010 et sur 11 en 2011 concernent les contributions internationales. En outre, les variations dues aux changements d’objectifs et d’indicateurs permettent difficilement d’en effectuer une synthèse sous la forme d’un tableau récapitulatif. Ces indicateurs appellent les remarques suivantes.

1 - La présence des Français et l’usage du français

L’indicateur 1.2 « Présence des Français et usage du français dans les organisations internationales et l’Union européenne » (2007)17 se décompose en plusieurs sous-indicateurs dont trois concernent le programme 105 : taux d’élections remportées par la France ou des Français, encadrement de l’ONU et usage du français à l’ONU.


16 Les trois indicateurs principaux du RAP pour 2013 sont les suivants : « Présence des Français et usage du français dans l’Union européenne », « Augmentation de l’attractivité de la France en direction des élites étrangères » et « Délais de traitement des documents administratifs et des demandes de titres ».

17 Devient l’indicateur 3.1 en 2011.


- Le premier d’entre eux permet sans doute de mesurer les capacités de la France à exercer une influence au sein des instances décisionnelles de organisations internationales du système des Nations Unies (comité exécutif, conseil d’administration, poste de directeur ou de juge). L’indicateur donne une image fidèle des initiatives du MAEDI, qui ne ménage pas ses efforts pour soutenir la candidature de Français aux postes de responsabilité. Certains RAP (2010) donnent la liste complète des personnes élues (ainsi que des échecs). Il resterait toutefois à comparer ces résultats avec ceux obtenus par d’autres membres permanents du Conseil de sécurité.

- Le taux d’encadrement à l’ONU décrit la part des Français dans le nombre total des administrateurs de l’ONU. Il peut naturellement être comparé à la quote-part financière de la France. Les données de 2007 donnent un pourcentage de 6,3 % pour une quote-part de 6,7 %. En 2008 comme en 2009, avec un taux de 5,78 % (une baisse qui s’explique par des départs à la retraite), la France se place au deuxième rang, derrière les États-Unis (10,8 %) et devant le Royaume-Uni (4,5 %). Elle est en première place à Genève (17 %). La résolution 65/247, adoptée par l’Assemblée générale en décembre 2010, modifiant les critères de quota géographique, a permis à la France, selon ces nouveaux calculs, de ne plus apparaître en situation de surreprésentation, comme c’était le cas depuis plusieurs années. En 2013, le taux d’encadrement est de 5,68 %. Ce sous-indicateur a disparu en 2014. Il est à regretter que les mêmes indicateurs n’existent pas pour les structures décisionnelles des OMP18.

- L’usage du français permet de suivre l’évolution de l’une des deux langues de travail de l’ONU (38 pays utilisent le français comme langue de travail)19. Cependant, une des questions les plus récurrentes relative à l’usage du français concerne les OMP dans les pays francophones. Un indicateur sur ce point serait des plus utiles.

En effet le Conseil de sécurité « souligne qu’il importe de déployer des soldats de la paix compétents, qualifiés et expérimentés (…) dotés des compétences et de l’expérience nécessaires pour exécuter des mandats de maintien de la paix multidimensionnels, et notamment des compétences linguistiques voulues si leur rang l’exige »20.

2 - Les réformes et objectifs suivis par la France

L’indicateur 4.2 « Évaluation des principales réformes apportées au fonctionnement et à l’architecture des organisations internationales en fonction des objectifs poursuivis par la France », comprend six sous indicateurs (auxquels correspond un taux de satisfaction allant de 1 à 5). L’indicateur est simplifié en 201021 et ne comporte désormais qu’un seul sous indicateur, « taux de résolutions adoptées au Conseil de sécurité de l’ONU à l’initiative de la France ». Il n’est donc plus possible de suivre, par des données chiffrées, les réformes soutenues par la France. Toutefois, les commentaires littéraux, abondants et précis, permettent de suivre en partie les efforts entrepris les années précédentes.

La méthode adoptée (qui s’inscrit dans la modification de l’ensemble des indicateurs de 2010) crée une rupture de suivi avec les années précédentes, bien que la qualité des commentaires compense cet inconvénient.


18 Le RAP de 2011 précise que « une stratégie de ciblage de postes en amont a été mise en place entre le ministère et ses représentations diplomatiques afin de promouvoir des candidatures françaises à des postes d’encadrement, en particulier dans les opérations de maintien de la paix ».

19 Sur 50 membres de plein droit de l’organisation internationale de la francophonie.

20 Résolution 2086 (2013) adoptée par le Conseil de sécurité à sa 6903ème séance, le 21 janvier 2013.

21 Il devient l’indicateur 3.2 « Évaluation du poids politique de la France dans les organisations internationales ».


3 - Les opérations de maintien de la paix

En 2013, apparaît le premier indicateur consacré aux OMP : l’indicateur 3.3 « Assurer la paix et la sécurité dans le monde ». Il ne contient qu’un seul sous-indicateur « Évolution des mandats des opérations de maintien de la paix ». Le ratio rapporte le nombre d’OMP clôturées ou dont le mandat a été réduit au cours de l’année au nombre total d’OMP. Le numérateur (« part des opérations faisant l’objet d’une revue stratégique entraînant des gains d’efficacité et celles dont le mandat est accompli avec succès (retour à la paix) ») est difficile à comprendre en l’absence de commentaire. Le ratio prend en compte, très en amont, la fermeture programmée pour 2016 ou 2017 de l’ONUCI (Côte d’Ivoire), de la MINUSTAH (Haïti) et de la MINUL (Libéria). Il compte aussi les diminutions d’effectifs envisagées au sein de la MINUAD (Darfour) et de la MINUSS (Sud Soudan).

Si cet indicateur traduit une sensibilité relativement nouvelle et les efforts en cours pour favoriser les stratégies de sortie, il pourrait utilement être complété par un indicateur de suivi des cessations effectives d’OMP. Mais la question que posent les documents budgétaires est davantage celle des coûts que celle des opérations, dont certaines peuvent être fermées sans influer en profondeur sur les charges encourues par les États contributeurs. Il conviendrait également de fixer des objectifs avec leurs indicateurs sur les effectifs engagés dans les OMP.

Cependant, au cours de l’année 2015 et à la demande de la direction du budget, l’indicateur a été modifié. À partir du PAP 2016, le nombre de mandats clôturés ou en baisse à leur date de renouvellement sera rapporté au nombre de mandats nouveaux ou renouvelés dans l’année. Ainsi, là où n’était considérée que la modification d’une OMP au numérateur de l’indicateur précédent, sans distinguer une modification à la hausse ou à la baisse, il sera, désormais, procédé à une comparaison des OMP en décroissance budgétaire aux facteurs d’augmentation des coûts. Enfin, le MAEDI propose d’ajouter un indicateur « suivi des MPS » au même titre que celui sur le « suivi des OMP » dans les PAP et les RAP.

Au total, les indicateurs relatifs aux contributions internationales procurent, durant la période sous revue, une information de qualité grâce aux commentaires littéraux. Cependant, les changements intervenus sur la période ne permettent pas de suivre les données en séries. Enfin, un effort devrait être porté sur le suivi des facteurs de coûts des OMP.

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Les contributions internationales représentent une part très significative du budget du MAEDI. Leur imprévisibilité structurelle les place en tête de la cartographie des risques de ce ministère.

Si la création et la suppression d’OMP constituent un facteur majeur d’évolution de la dépense, leur effet peut être masqué par d’autres déterminants, comme les reports de crédits et les variations du taux de change. Les reports peuvent être bénéfiques dès lors qu’ils permettent de générer des économies grâce au changement de quote-part du barème. Les anticipations de dépenses, sur des bases estimatives établies en concertation avec l’ONU, peuvent permettre de réaliser des décaissements à un taux de change favorable. Le taux de change représente, quant à lui, une source de risque majeur. Cette situation justifie que soient trouvées des réponses appropriées de nature à éviter la réitération de la situation désastreuse qui s’annonce pour 2015. À cet effet, la mise en place d’une capacité de couverture du risque de change doit être envisagée et suivie d’un ajustement des crédits dans le cadre de la programmation budgétaire.

Des progrès sensibles sont enregistrés dans le suivi budgétaire. Cependant, il convient de recouvrer sans tarder les reliquats de crédits qui aliment indûment la trésorerie de l’ONU.

Par ailleurs, si les indicateurs de performance fournissent des informations de qualité, ils peuvent encore faire l’objet d’améliorations, surtout dans le domaine des OMP. Aucun des indicateurs relatifs aux contributions internationales ne figure parmi les plus représentatifs de la mission budgétaire.

Dans ces conditions, la Cour formule les recommandations suivantes :

1. mettre en place, après une analyse économique rétrospective et prospective, un mécanisme efficace de couverture du risque de change, sans préjudice d’un ajustement des crédits dans le cadre de la programmation budgétaire ;

2. recouvrer les reliquats de crédits enregistrés dans les comptes de l’ONU ;

3. envisager, dans le cadre d’un réaménagement de l’architecture budgétaire de la mission Action extérieure de l’État, la création d’un programme consacré aux contributions internationales obligatoires et volontaires.

Chapitre II

Les facteurs d’évolution des contributions liés à
l’activité des organisations internationales

Le chapitre qui suit est consacré aux principaux facteurs de variation des dépenses propres aux organisations internationales. Ils sont présentés selon trois types de charges :

- d’abord, celles issues du budget ordinaire de l’ONU, et plus particulièrement les charges de personnel, les missions politiques spéciales (MPS), ainsi que le barème22 qui leur est applicable ;



- ensuite, celles qui tirent leur origine des OMP, dont seront examinés les coûts et le barème ;

- enfin, celles qui concernent les fonds et programmes ou les autres organisations internationales. Ne pouvant passer en revue chacune d’entre elles, cette dernière partie sera menée sous un angle transversal passant en revue les problèmes de l’ajustement fiscal, les charges immobilières, la justice pénale internationale et les filières humanitaire et droits de l’homme.

I - La difficile maîtrise du budget ordinaire de l’ONU

Le budget ordinaire (ou budget programme) de l’ONU couvre le coût du Secrétariat à New York, Genève, Vienne et Nairobi, les cinq commissions économiques régionales, les missions politiques spéciales et un certain nombre de centres d’information. Le budget ordinaire est approuvé par l’Assemblée générale pour une période de deux ans. Les quotes- parts versées par les États membres constituent la principale source de financement du budget ordinaire. Elles sont calculées selon un barème approuvé par l’Assemblée générale, qui reflète la capacité de paiement de chaque État.

L’élaboration de ce budget est particulièrement complexe, complexité aggravée par le mécanisme d’actualisation des coûts. Son évolution tient à divers facteurs : d’une part, les deux principales catégories de dépenses que sont les charges de personnel et les missions politiques spéciales ; d’autre part, le barème de calcul des contributions nationales.

A - Une élaboration laborieuse du budget ordinaire

1 - Les évolutions

Doté pour la période 2014-2015 de 5,53 Md USD (soit près de 2,7 Md USD par an), le budget ordinaire de l’ONU est approuvé par l’Assemblée générale pour une période de deux ans23. Il commence toutes les années paires (par exemple 2014-2015), pour une planification qui débute deux ans auparavant (par exemple, 2012 pour 2014-2015). Le rapport d’évaluation d’un budget est produit un ou deux ans après son achèvement.

Le projet de budget est proposé initialement à l'Assemblée générale par le Secrétaire général, après examen des demandes des différents départements de l'ONU. Il est ensuite analysé par le comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) qui comporte 16 membres. Les recommandations de ce comité sont adressées à la commission administrative et budgétaire de l'Assemblée générale (cinquième commission), dont tous les États sont membres, qui examine à nouveau le budget. Enfin, celui-ci est envoyé à l'Assemblée générale pour examen final et approbation.

Graphique n° 4 : l’évolution du budget ordinaire de l’ONU sur quinze ans

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À l’issue de la révision de décembre 2014, le budget pour 2014-2015 a été revu à la hausse et passe de 5 530 M USD initiaux à 5 758 M USD. La contribution de la France au budget ordinaire se monte à 151,7 M USD pour 2015, soit 9,8 M USD de plus qu’en 2014, en hausse de 7 %. Du fait de la forte appréciation du dollar par rapport à l'euro au regard du taux de budgétisation, cette contribution augmente même de 23 % par rapport à 2014 (130 M€ au lieu de 104 M€). D’après le MAEDI, l’augmentation de la contribution française sera en partie compensée par la réduction de contributions hors budget ordinaire, sur lesquelles des économies ont pu être décidées : baisse de notre contribution au titre des trois tribunaux ad hoc, et surtout concernant les budgets annuels des OMP, dont trois ont été réduits par rapport aux projections de juin 2014 : MINUAD (Darfour), MINUSS (Sud Soudan) et MINUSCA (RCA).

Hors taux de change, une part de cette hausse est due à la Mission des Nations Unies pour l'action d'urgence contre Ébola (MINUAUCE), financée ainsi jusqu'en juin 2015 (104 M USD) ; à la révision des budgets pour les MPS (le budget total des MPS pour 2014- 2015 est néanmoins en diminution de 100 M USD par rapport à 2012-2013) ; à la prise en compte de l’actualisation des coûts (recosting, voir infra) ; à la rénovation du Palais des Nations à Genève et à de nombreux nouveaux mandats en matière de droits de l'Homme. Ces hausses ont été compensées par diverses mesures d’économies, dont l’une des plus significatives est le gel des rémunérations des fonctionnaires de l'ONU, qui a été reconduit pour 2015. Par ailleurs, l'esquisse budgétaire pour 2016-2017 est, en l’état actuel, en croissance nominale quasi-nulle (5 558 M USD) et devrait obliger le Secrétariat à dégager des gains d’efficience.


23 Le budget ordinaire de l’ONU court sur deux années civiles. Dans les documents de l’ONU, il convient de diviser par deux les montants du biennum pour obtenir le budget d’une année.


2 - Les difficultés de l’élaboration

Le processus d’élaboration du budget ordinaire nécessite, sur plusieurs années, des efforts considérables, alors même que, d’un exercice à l’autre, il change très peu dans sa structure.

La durée nécessaire à l’élaboration du projet de budget (16 mois) implique un nombre conséquent de remaniements. Il est nécessaire de revoir au moins quatre fois les hypothèses concernant l’inflation, les fluctuations monétaires et autres facteurs (actualisation des coûts ou recosting, cf. infra). L’imprécision de la prévision est structurelle : le Secrétariat général doit indiquer, plus de deux ans avant le début de l’exercice budgétaire, les ressources nécessaires à la conduite des activités qui permettront d’atteindre les objectifs, activités qui elles-mêmes ne démarreront peut-être que deux ans plus tard. Les États membres ne reçoivent les rapports sur les résultats obtenus grâce à leur investissement (rapport sur l’exécution des programmes) que quatre ans après l’approbation du programme budgétaire initial24.

Qu’il soit plafonné ou non par le vote de l’Assemblée générale, le budget de l’ONU peine à s’adapter à l’évolution des besoins sans recourir à davantage de ressources. Si des progrès ne cessent d’être enregistrés, l’élaboration d’un budget calculé par rapport à l’existant ne facilite pas la réaction à l’apparition de nouvelles priorités. La mise en place du progiciel de gestion intégré, UMOJA, paraît avoir permis d’implanter partout un contrôle rigoureux des recettes et des dépenses au niveau de chaque opération. Mais ce système a été particulièrement complexe à mettre en œuvre ; comme tout projet innovant, il semble se révéler de moins en moins consensuel et constitue désormais un sujet clivant entre le G7725 et les principaux financeurs.

Les normes IPSAS (International public sector accounting standards), qui reposent sur la méthode de la comptabilité en droits constatés26 et qui sont un référentiel convergent avec les normes IFRS (International financial reporting standards), et le progiciel UMOJA, qui doit permettre une méthode simplifiée et en temps réel de la gestion des finances, des ressources et des actifs de l’ONU, offrent à l’organisation la possibilité de mieux comprendre le coût de ses activités. C’est un élément de progrès, tant la pression budgétaire rend indispensables rigueur et transparence dans la gestion des dépenses d’administration. Tant qu’elle n’aura pas de meilleures informations sur les coûts relatifs à l’administration et aux programmes, l’administration de l’ONU ne pourra pas donner d’assurances aux États membres quant à l’efficacité et à l’efficience de l’utilisation des ressources27.


24 Rapport financier et états financiers vérifiés de l’exercice biennal clos le 31 décembre 2013 et Rapport du Comité des commissaires aux comptes, A/69/5 (Vol. I), p. 35.

25 Groupe des pays en développement, fondée à l’origine par 77 pays et en comptant aujourd’hui 134, dont la Chine.

26 La comptabilité en droits constatés suppose d’enregistrer les opérations non pas au moment du règlement en espèce, mais au moment où la valeur économique est créée, transformée ou qu’elle s’éteint, ou encore lorsqu’une créance ou une obligation est transformée ou s’éteint. Elle présente donc un tableau complet des charges et des produits au titre de cet exercice ainsi que des actifs et des passifs au bilan de clôture.

27 Rapport financier et états financiers vérifiés de l’exercice biennal clos le 31 décembre 2013 et Rapport du Comité des commissaires aux comptes, A/69/5 (Vol. I), p. 26, 31-32.


3 - L’actualisation des coûts

Le budget des Nations Unies étant établi pour une période de deux années, il repose sur de nombreuses suppositions et aussi sur quelques inconnues. Ceci oblige l’organisation à actualiser ses prévisions lors de l’élaboration et au cours des exercices biennaux, principalement pour intégrer les conséquences financières de l’évolution du taux de change et de l’inflation, mais aussi pour tenir compte des changements intervenant dans les dépenses communes des personnels ou dans les taux de vacance de postes. Ce mécanisme, « d’actualisation des coûts », ou « recosting », s’est traduit, chaque année depuis l’exercice 2004-2005, par une hausse des dépenses en cours d’exercice, ce qui a engendré une différence importante entre les crédits initialement prévus et les crédits réellement consommés.

a) Le « recosting », l’un des principaux facteurs de dérive du budget de l’ONU

Le surcoût dû au « recosting » s’est élevé en moyenne, au cours des cinq exercices biennaux, entre 2004 et 2013, à 290,6 M USD par exercice (soit 145 M USD par an), ce qui constitue l’un des plus importants facteurs de dérive du budget des Nations Unies, en représentant à lui seul, 6,15 % des crédits consommés par l’organisation.

Tableau n° 10 : l’importance du « recosting » dans le budget des Nations Unies (en M USD)

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Depuis la fin des années 1970, cette pratique fait l’objet de critiques récurrentes parce qu’elle conduit à une forme de déresponsabilisation du Secrétariat des Nations Unies. En effet, le mécanisme lui permet de répercuter immédiatement sur les contributions des États membres toute évolution défavorable du taux de change, de l’inflation ou des taux de vacances des postes.

Même si l’ONU, en conduisant ses activités à travers le monde entier, est confrontée à une certaine imprévisibilité de son budget et est tenue de le faire évoluer en cours d’exercice, les incertitudes et les risques budgétaires peuvent toutefois être atténués et la stabilité financière de l’organisation s’en trouverait, ainsi, consolidée.

b) Le « recosting », un facteur de préoccupation permanent de la France et des principaux contributeurs

Face à l’importance croissante des crédits engagés au titre de l’actualisation des coûts, les principaux contributeurs financiers au budget de l’ONU, et notamment la France, ont, depuis plusieurs dizaines d’années, proposé de modifier la méthodologie de cette pratique. En effet, entre les exercices budgétaires de 2007 et de 2013, la contribution annuelle moyenne de la France à l’actualisation des coûts a été de 8,21 M USD.

L’une des étapes les plus significatives du processus d’aménagement de la méthode de calcul du « recosting » a été la décision prise par l’Assemblée générale, exprimée dans la résolution 68/246 adoptée le 27 décembre 2013, de demander une étude indépendante sur l’actualisation des coûts et sur les moyens à mettre en œuvre pour maîtriser les effets des fluctuations des taux de change et de l’inflation.

Un groupe d’experts de haut niveau, institué pour réaliser cette étude, a communiqué ses conclusions à l’Assemblée générale au mois de septembre 2014.

En mars 2015, les principaux pays contributeurs, parmi lesquels la France, ont obtenu que la cinquième commission parvienne à un accord reprenant l’essentiel des propositions techniques formulées par le groupe d’experts, alors même qu’une grande partie des pays du G77, notamment les pays africains, s’oppose fortement à toute perspective de changement de la pratique actuelle du « recosting ».

Depuis, les taux de change retenus pour l’établissement du budget se fondent sur les taux à terme et non plus sur le cours au comptant ou sur la moyenne des cours sur 12 mois. La conjugaison de cette mesure avec celle de la montée en puissance d’un dispositif de couverture du risque de change par des achats de monnaies à terme devrait considérablement réduire les aléas en change en cours de gestion.

Il a, également, été décidé que la division du budget améliore ses prévisions d’inflation en développant ses échanges avec la commission de la fonction publique internationale, qui a mis au point des règles spécifiques et plus justes pour le maintien de la parité du pouvoir d’achat du traitement des administrateurs, quel que soit leur lieu d’affectation par rapport à New York.

Enfin, le Secrétariat n’est pas en mesure d’analyser les écarts entre les prévisions et les dépenses effectivement engagées dans d’autres monnaies que le dollar. Il a été décidé de développer une expression des besoins dans le cadre de l’extension du nouveau progiciel de gestion intégré, UMOJA, pour qu’il puisse répondre aux manques d’information interne identifiés.

Ces évolutions montrent qu’il était possible de faire évoluer la pratique de l’actualisation des coûts. Sur ce point, la France entend fermement continuer de défendre l’idée d’un plafonnement du « recosting ». Cette option, qui a été présentée par le groupe d’experts mais, sans être, à ce stade, retenue par la cinquième commission, aurait pour effet que l’Assemblée générale autoriserait le Secrétariat à déterminer un montant plafond des incidences de l’actualisation des coûts pour un exercice biennal donné.

Un tel plafonnement engendrerait moins d’incertitude, inciterait à plus de rigueur que la méthode actuelle et rendrait obligatoire la recherche de gains de productivité.

B - Le poids des charges de personnel dans le budget ordinaire

De par leur importance, les charges de personnel font l’objet d’un suivi attentif de la part des principaux pays contributeurs, et notamment de la France. Ils se préoccupent également des charges futures de l’assurance maladie après la cessation de service des agents servant à l’ONU.

1 - Une part très importante du budget des organisations du système de l’ONU

Dans le régime commun de l’Organisation des Nations Unies28, les dépenses de personnel comprises au sens large, c’est-à-dire en incluant le salaire, les différents avantages, tels que l’assurance santé, l’allocation de dépendance, la subvention d’éducation, l’indemnité de langue, les subventions locatives ou de départ du domicile, voire la prime de rapatriement, ainsi que le mécanisme d’ajustement des salaires29 représentent le poste le plus important du budget des organisations internationales.

Ces dépenses représentent en général entre 50 et plus de 80 % du budget ordinaire des organisations (la moyenne se situant autour de 70 %). Elles constituaient ainsi, en 2013, 75 % du budget ordinaire de l’ONU (4 135 M USD de dépenses de personnel sur l’exercice 2012- 2013 pour un budget ordinaire exécuté de 5 525 M USD), 45 % du budget ordinaire de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 59 % de celui de l’UNESCO, 68 % de celui de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), 83 % de celui de l’Union internationale des télécommunications (UIT) et 84 % de celui de l’Organisation internationale du travail (OIT).

Les salaires proprement dits représentent moins de 50 % des dépenses de personnel, soit en 2013 : 37 % au sein de l’OMS, 41 % à l’UNESCO, 46 % à l’Organisation de la propriété intellectuelle (OMPI), 48 % à l’UIT et 34 % à l’OIT. À cet égard, les salaires des agents de l’ONU sont, quelle que soit la ville d’affectation, au moins au niveau de la fonction publique nationale la plus élevée, à savoir la fonction publique américaine, auquel s’ajoutent 15 % du fait de l’expatriation.

Le reste des coûts salariaux est constitué par le mécanisme d’ajustement des salaires, qui s’apparente à une indemnité de résidence à l’étranger, et les autres avantages. Ils couvrent une proportion importante des dépenses de personnel et équivalent, en moyenne, à 60 % du coût du salaire (65 % au sein de l’OMS, 48 % au sein de l’UNESCO, 61 % au sein de l’OMPI, 60 % au sein de l’UIT et 81 % au sein de l’OIT).

La méthode de l’ajustement des salaires est particulièrement contestée par les principaux pays contributeurs en raison de son caractère automatique : elle n’offre aucune possibilité de s’en affranchir dans un contexte financier exceptionnel (à la différence de ce qui est prévu dans le régime des organisations coordonnées30 (cf. infra), qui dispose d’une « clause de faisabilité budgétaire »). Ce système constitue donc un élément déterminant de la dérive du budget ordinaire des Nations Unies.

Enfin, le foisonnement d’indemnités et de primes rend très difficilement lisible la rémunération des agents dans le système des Nations Unies.


28 Le régime commun des Nations Unies définit un cadre harmonisé pour les salaires, indemnités et conditions de service du personnel du Secrétariat des Nations Unies et de 23 fonds, programmes ou agences spécialisées.

29 Fixé sous forme d’un pourcentage du traitement de base selon les lieux d’affectation, il varie en fonction du coût de la vie dans lesdits lieux d’affectation et du taux de change du dollar américain. Il a vocation à garantir que tous les fonctionnaires au même niveau de traitement ont un pouvoir d’achat analogue dans tous les lieux d’affectation en compensant les différences en matière de coût de la vie et en tenant compte des fluctuations monétaires.

30 Il s’agit du Conseil de l’Europe, de l’OTAN, de l’OCDE, de l’Agence spatiale européenne, du Centre européen de prévisions météo à moyen terme et de l’Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques, ainsi que d’une vingtaine d’organisations internationales qui suivent les recommandations de cette coordination, qui se distingue du système des Nations Unies.


2 - Une préoccupation majeure pour les principaux contributeurs

Les risques d’une dérive des coûts de rémunération constituent, pour les principaux pays contributeurs, et notamment pour la France, une réelle préoccupation. Les directeurs responsables des Nations Unies de plus d’une quinzaine de pays, dont la France, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Russie, le Japon, le Canada, l’Espagne ou l’Italie, ont, à deux reprises, le 22 mai 2014 et le 21 mai 2015, adressé un courrier au Secrétaire général des Nations Unies pour lui demander de mettre en place un système de rémunération « plus rentable, plus simple, plus moderne et plus compétitif », qui permettrait d’offrir une assise financière durable aux organisations internationales.

Ces correspondances soulignent les attentes vis-à-vis de la Commission de la fonction publique internationale (CFPI) qui, au mois de mars 2013, a entrepris de revoir l’ensemble des prestations offertes par les organisations relevant du régime commun des Nations Unies. La finalité de cet examen31 est de permettre l’adoption d’un système d’indemnisation qui, toutefois, ne devrait pas entrer en vigueur avant janvier 2018.

Dans le cadre de cet examen, la CFPI a mené une analyse approfondie de l’historique et des fondements de tous les éléments du dispositif global de prestations. Elle a également tenu compte des tendances actuelles et des pratiques en vigueur dans d’autres organisations internationales, dans les organisations non gouvernementales et dans le secteur privé, en ce qui concerne les indemnités des fonctionnaires expatriés. Ses propositions devraient, essentiellement, porter sur le système de rémunération, sur la subvention d’éducation, sur les règles en cas de mobilité, ainsi que sur l’âge de la retraite, qui serait repoussé à 65 ans pour toutes les organisations relevant du régime commun. Sur ce dernier point, le rapport du secrétariat de la CFPI indique que ce report de l’âge de la retraite permettrait une réduction du déficit actuariel de la caisse commune des pensions du personnel des Nations Unies de 13,5 M USD par an32. À cet égard, même si les États membres participent au financement de cette caisse à travers la part payée par l’Organisation, l’équilibre financier présent du fonds de pension et le rendement de ses investissements n’ont pas, à ce stade, soulevé, selon le MAEDI, d’inquiétude particulière chez les principaux contributeurs.

Par ailleurs, l’optimisation de la performance du personnel est un enjeu majeur pour la réduction des coûts, qui constitue un défi encore à relever. Dans ce cadre, la CFPI prévoit de privilégier une plus ample reconnaissance de la performance. Un lien entre les rémunérations et la performance serait établi, ainsi qu’entre les avancements d’échelon et la performance (management par la performance). D’ores et déjà, des agences, telles que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), l’OIT et l’OMPI, ont mis en œuvre des politiques de management par la performance. Au-delà de la réforme du système commun, d’importantes économies pourraient, également, être réalisées par les agences elles- mêmes, notamment en rééquilibrant les emplois au profit de catégories salariales inférieures, en modifiant les affectations des agents entre les bureaux régionaux et de terrain, ou en révisant les salaires et les avantages des employés des services généraux recrutés localement. Le projet de budget biennal 2016-2017 de l’OIT est ainsi en baisse de 0,5 % grâce à des mesures de restructuration et de rajeunissement, qui ont entraîné une baisse des niveaux moyens de salaires.

La Cour ne peut qu’encourager le MAEDI à continuer de soutenir toutes les initiatives susceptibles de maîtriser ou de diminuer les dépenses de personnel, à l’instar de celles proposant de limiter l’ajustement des salaires, de faire évoluer les conditions d’attribution et le montant de la subvention d’éducation ou encore de modifier les règles des primes concernant la mobilité.


31 Actuellement en cours et dont les résultats devraient être soumis à l’Assemblée générale à la fin de l’année 2015 (probablement au mois de septembre).

32 Rapport de la Commission de la fonction publique internationale pour 2014, supplément n° 30 (A/69/30) du 19 août 2014.


3 - La problématique de l’assurance maladie après la cessation de service

Aux dépenses de personnel devraient s’ajouter les engagements financiers futurs relatifs au personnel. Les agences doivent en effet faire face à des charges futures au titre de l’assurance maladie après la cessation de service des agents servant à l’ONU (AMACS, ou ASHI, pour after service health insurance). Ces charges doivent donner lieu à la constitution de provisions.

Les fonctionnaires internationaux à la retraite continuent en effet à être couverts, sous certaines conditions, par le même régime d’assurance maladie que leurs collègues en activité. Il s’agit d’un élément essentiel du régime de protection sociale des fonctionnaires à la retraite, puisque nombre d’entre eux ne peuvent bénéficier des régimes de protection sociale de leurs pays du fait qu’ils étaient employés par l’ONU.

Lancé en 1967, ce programme, financé par des cotisations proportionnelles au revenu du personnel et par l’ONU, a considérablement augmenté au fil des années, jusqu’au milieu des années 1990. L’importance de ces coûts futurs n’est pas clairement apparue. Le passage aux normes IPSAS, impliquant la comptabilisation des charges futures au passif des organisations, a accentué la pression pour provisionner, au moins partiellement, ces coûts.

Depuis 1995, sous la supervision d’un actuaire agréé, l’ONU détermine à intervalles réguliers le montant des prestations qu’elle devra verser au titre de l’AMACS et le reporte sous forme de charges futures dans ses états financiers vérifiés. Le montant de ces charges au titre des prestations futures dépasse aujourd’hui les 10 Md USD pour l’ensemble du système des Nations Unies (avec une augmentation estimée à 250 M USD par an pour le seul secrétariat).

Pour faire face à cette dérive, le Secrétaire général avait proposé à l’Assemblée générale, le 27 août 2013, d’approuver un système de retenues qui, sur la base des évaluations actuarielles, aurait rendu possible, au bout de 20 ans, le financement intégral des charges futures. Il serait alors mis un terme au financement par répartition et à la retenue équivalente à 2 % du montant total des dépenses de personnel.

Cependant, le 25 octobre 2013, le comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) a refusé cette proposition33. Il fut, en cela, suivi par l’Assemblée générale qui a demandé au Secrétaire général de présenter, lors de la 70ème session de l’Assemblée générale, un rapport sur la possibilité de rendre ce système plus efficace et moins coûteux. Ces documents sont attendus à la cinquième commission à l’automne 2015.

Certaines agences ont pris l’initiative de mettre en place des provisions et des fonds pour faire face aux charges futures au titre de l’AMACS. L’UIT, dont les charges futures sont de 314 M CHF, dispose d’un fonds provisionné de 6 M CHF, couvrant 1,9 % des charges ; l’OMPI a mis en place un fonds provisionné de 80,5 M CHF, qui couvre ainsi 67,1 % des charges.

Au regard des sommes en jeu et de l’importance des risques financiers qu’elles comportent, le financement de ces passifs à long terme constitue un important sujet de préoccupation pour les principaux contributeurs, dont la France. Ces pays soulignent que, dans une logique de « croissance nominale zéro » ou de « croissance réelle zéro » des budgets à venir, les charges de l’AMACS, si elles n’étaient pas contenues, auraient des conséquences très négatives sur la disponibilité des fonds pour les activités opérationnelles concernant le cœur de métier des agences. Cette situation ne pourrait que compromettre la soutenabilité globale du système des Nations Unies.

Dans ce contexte, des concertations sont en cours dans les différentes enceintes multilatérales, à l’instar du Groupe de Genève, pour aborder cette question dans toutes ses dimensions.

L’objectif de ces discussions, sur lesquelles le MAEDI devra peser, est de veiller à la constitution des provisions nécessaires, de contenir leur hausse prévisible et d’assurer leur financement sur la durée à budget global constant.


33 Rapport du CCQAB 1/68/550 du 25 octobre 2013 sur la gestion des charges futures au titre de l’assurance maladie après la cessation de service.


C - La montée en puissance des missions politiques spéciales

Les missions politiques spéciales (MPS), décidées par le Conseil de sécurité, relèvent de la logique du maintien de la paix. Elles sont dirigées par le département des affaires politiques (DAP), à l’exception de la mission politique spéciale Afghanistan (MANUA) dirigée par le département des opérations de maintien de la paix (DOMP), mais qui devrait prochainement passer sous la responsabilité du DAP. À la différence des OMP qui relèvent d’un mécanisme de financement spécifique (voir infra), les MPS sont financées à partir du budget ordinaire de l’ONU.

1 - Les différentes catégories de MPS

En 2015, le DAP est responsable de 12 MPS. En principe, ces missions légères ont un mandat centré sur des aspects politiques (diplomatie préventive, règlement des conflits, consolidation de la paix, coordination avec les autres acteurs du système onusien). Mais les missions varient selon les lieux et les circonstances. Ainsi, la mission d’assistance en Afghanistan compte à elle seule 2 000 personnels. Aux 12 MPS proprement dites s’ajoute une série d’entités comparables, portant le total à 38 structures (voir l’encadré suivant).

Les MPS sont constituées en groupes :

-
Groupe thématique I : envoyés spéciaux ou personnels et conseillers spéciaux du Secrétaire général (Myanmar, Chypre, prévention du génocide, Syrie, Soudan, Yémen, Sahel, Grands Lacs), pour 38,1 M USD.

- Groupe thématique II : équipes de surveillance des sanctions (Érythrée, Libéria, Côte d’Ivoire, Congo, Soudan, Corée du Nord, Iran, Libye, République centrafricaine, Yémen, terrorisme), pour 36 M USD.

- Groupe Thématique III : bureaux politiques, bureau d’appui à la consolidation de la paix (Afrique de l’Ouest, Guinée Bissau, Somalie, Asie centrale, Cameroun / Nigéria, Burundi, Liban, Afrique centrale) pour 123 M USD.

- S’y ajoutent, hors groupe, les missions en Irak (136 M USD), en Libye (69 M USD) et en Afghanistan (191 M USD).

- Le budget total annuel est de 645 M USD (Rapport du secrétaire général A/69/363 du 17 octobre 2014). Les dépenses des personnels militaires et policiers représentent 5,7 % des dépenses, les personnels civils 47 % et les dépenses opérationnelles (transports, matériels, etc.) 47,3 %.

Les MPS renforcent l’action des Nations Unies sur le terrain de la diplomatie préventive en amont des crises, comme sur celui de la consolidation de la paix en aval. Elles permettent au Conseil de sécurité de mieux suivre les situations de crise. Pour autant, les difficultés rencontrées par les MPS ne sont pas moindres que celles des OMP (voir infra) : positionnement vis-à-vis d’autorités nationales promptes à défendre leur souveraineté, coordination avec les autres acteurs de la communauté internationale, contraintes liées aux conditions de sécurité, etc.34

Les tâches assignées à ces missions ont, comme pour les OMP, eu tendance à se multiplier au fil des années, certaines missions comptant désormais plus d'une quinzaine d'activités différentes allant de la diplomatie préventive au renforcement de l'état de droit, aux activités de développement ou encore à la lutte contre la criminalité organisée. Comme les OMP, les missions politiques sont, en outre, amenées à coordonner le travail des fonds, programmes et agences spécialisées des Nations Unies sur le terrain. Cette complexité croissante des missions est un facteur de coût peu maîtrisé.

2 - Le poids budgétaire des MPS

Les MPS représentent un poids budgétaire croissant. Leur budget est ainsi passé de 109 M USD en 2000 à 1,1 Md USD dans le budget de 2014-2015. La hausse est essentiellement le fait de la MANUA en Afghanistan, de la MANUI en Irak et, dans une moindre mesure, de la MANUL en Libye.

Tableau n° 11 : l’évolution des MPS (en M USD)

[A consulter dans le fichier word ou pdf joint]


34 Sur les difficultés rencontrées par les MPS : Rapport du Secrétaire général A/69/363 du 17 octobre 2014.


Le rapport du Secrétariat présenté en novembre 2011 sur le financement des MPS (A/66/7/Add.21) constatant l’accroissement de leur nombre ainsi que la diversité de leur mandat depuis 10 ans, contenait trois recommandations :

- sortir le budget des MPS du budget ordinaire et inscrire ces dépenses sur un compte séparé ;

- donner au Secrétariat davantage de flexibilité afin de financer leur lancement rapide ;

- financer, de manière transparente, les activités de soutien à ces missions mises en œuvre dans les différents départements du siège, et en particulier au département d’appui aux missions (DAM).

L’examen de ce rapport a suscité des divisions. La France s’est principalement opposée à l'option d'une budgétisation séparée des MPS. Selon elle, le risque de changement de barème par la substitution du barème des OMP entraînerait une forte augmentation des dépenses (10 M€ par an pour la France).

Néanmoins, la création d’un compte séparé, avec ou sans application du barème des OMP, n’apporte aucune amélioration sur deux points : la prolifération de ces structures et leur coût croissant.

Ce questionnement est rarement mis en avant. Ce poste de dépense, ouvert à l’initiative du Conseil de sécurité, ne fait l’objet d’aucun suivi ou de commentaire dans les annexes budgétaires. Or, sans les MPS, le projet de budget ordinaire 2016-2017 n’augmenterait que de 0,1 %. La discipline du plafond budgétaire conduit les autres postes de dépenses du budget ordinaire de l’ONU, dont l’aide au développement, à financer cette augmentation.

Le MAEDI devrait exercer sur les missions politiques spéciales une veille et une activité de négociation allant au-delà de la question du barème applicable. En effet, les MPS et les structures assimilées appellent une clarification quant à leur nombre, leur structure de coût et leur efficacité.

D - Une quote-part des États membres conditionnée par le barème

La question de l’enjeu financier du barème du budget ordinaire est cruciale. En effet, s’il permet de fixer les montants de la quote-part de chaque État membre dus au titre du fonctionnement de l’ONU et des MPS, il sert aussi de base au calcul des contributions pour les OMP, ainsi que pour les budgets des organisations qui suivent le barème de l'ONU (UNESCO, OIT, OMS, etc.)35. Tout changement relatif au barème a un impact sur les contributions françaises, dont le montant représente plus de 700 M€. Les variations sont dues aux évolutions du mode de calcul (la méthodologie) ou à celles des paramètres, au premier rang desquels le revenu national brut (RNB). Le barème est fixé pour une période de trois ans, sans lien avec celle de l’exercice du budget ordinaire.

La quote-part de la France au budget ordinaire est passée, en 2010, de 6,301 % à 6,123 %, puis, en 2013, de 6,123 % à 5,593 %, Les contributions françaises ont ainsi diminué d’environ 10 M€ par an pour le budget ordinaire et de 12 M€ par an pour les organisations qui adoptent le même barème que l’ONU.

1 - Le mode de calcul

Le barème du budget ordinaire est conçu pour déterminer la capacité de paiement de chaque État-membre. Cette dernière est basée, pour chaque État, sur une estimation du RNB par habitant (exprimé en dollars américains) pour une période de référence (moyenne des trois et six dernières années disponibles), corrigée du poids de la dette extérieure pour les pays à faible revenu. Le ratio « RNB mondial moyen / population mondiale » constitue un seuil en deçà duquel les pays bénéficient d’un dégrèvement spécial, l’ajustement pour faible revenu par habitant (ou low per capita income adjustment, LCPIA). Le montant total de ces dégrèvements est pris en charge par les autres pays situés au-dessus du seuil.

Une quote-part est ainsi assignée à chaque État membre sur décision du comité des contributions de l’Assemblée générale, variant autour d’un taux-plancher de 0,001 % et d’un plafond de 22 %. Pour le triennum 2013-2015, seuls les États-Unis sont concernés par le plafonnement de 22 % et 35 pays par celui de 0,001 %36.

Ces calculs ne sont pas sans effet sur les principaux pays contributeurs. Les plafonnements et les dégrèvements majorent la quote-part française de 30 % par rapport à un barème qui ne tiendrait compte que du seul RNB (quote-part initiale). Le barème en cours (2013-2015) fait apparaître que les cinq premiers pays contributeurs représentent 50 % du budget (États-Unis 22 %, Japon 10,8 %, Allemagne 7,1 %, France 5,6 %, Royaume-Uni 5,2 %).


  1. La quote-part française au budget de l’ONU est tendanciellement en baisse. Il importe donc de veiller à ce que les organisations des Nations Unies qui utilisent cette méthodologie actualisent le plus vite possible leur propre barème dès que celui de l’ONU est publié. Il est difficile d’exiger que cette actualisation soit réalisée dans l’année, le barème de l’ONU étant voté au mois de décembre, bien après que les organisations ont voté leur budget (et leur barème). Pour ces organisations, il faut veiller à ce que la résolution relative au budget prévoie de fixer le barème sur le nouveau barème de l’ONU. À défaut, une actualisation s’impose pour la seconde année du biennum.

  2. Soit, pour 2012-2013, 567 M USD par an pour les États-Unis et 25,76 M USD pour les 35 pays dont la contribution est la plus modeste.


2 - Les négociations à venir

Le barème, fixé par période de trois années, fait l’objet d’une négociation lors de la dernière année d’application du barème en cours, sur la base d’un rapport du Comité des contributions. Le barème des quotes-parts pour la période 2013-2015 a été fixé lors de la 67ème session de l’Assemblée générale, le 24 décembre 2012.

Bien qu’elle soit examinée tous les trois ans, la méthodologie a été fixée en 2000 et n’a pas changé depuis37. La nécessité d'une amélioration de la méthodologie du barème a été reconnue et inscrite dans la résolution du mois de décembre 2012 de l'Assemblée générale38 lors de la dernière négociation sur la méthode d'établissement des barèmes. Des résolutions identiques avaient été prises en 2009. Les discussions ont cependant débouché sur un statu quo. Le barème des quotes-parts pour la période en cours (2013-2015) a été établi en utilisant la même méthode que pour les quatre périodes précédentes. Les négociations du futur barème devraient reprendre à l’automne 2015, pour un vote prévu en décembre 2015.

Les documents consultés laissent penser que les négociations seront tendues et complexes pour tous les participants. En effet, une fois établi, le barème est intangible pendant une période de trois ans. De plus, toute modification de la méthodologie, même marginale, entraîne un gain ou une perte pour les différents États : la répartition des quotes- parts étant un jeu à somme nulle, tout avantage accordé à certains pays est supporté par d’autres. Chaque État, dans l’incapacité d’imposer seul son point de vue, doit faire des propositions conformes à la place qu’il occupe dans le barème et nouer des alliances d’intérêts. Cette situation, appelée à se reproduire tous les trois ans, favorise naturellement le statu quo.

Dans une telle situation, la principale variable du mode de calcul, le RNB, est le « juge de paix » qui permet à chacun d’arrêter sa position. Ainsi, jusqu’à présent, les seules variations du barème ne proviennent pas de son mode de calcul mais des conditions économiques de chaque État membre. Celui dont la part relative dans le RNB mondial baisse tendanciellement peut avoir intérêt au statu quo méthodologique. S’abstenir de toute proposition de modification lui permet de refuser plus facilement celles des autres.

La variation du RNB a été favorable pour la contribution de la France, puisque sa quote- part a baissé de 8,7 % de 2010-2012 à 2013-2015. Le même mouvement s’est appliqué à l’ensemble des pays de l’Union européenne, qui, dans le précédent barème, avaient une quote- part de 38,9 %, passée à 34,9 % pour la période 2013-2015. Toutefois, la France ne s’est pas résignée à une position de statu quo. Le comité des contributions ayant indiqué, en 2013, que les nouvelles statistiques disponibles permettraient d’améliorer les calculs sur le revenu national et la dette publique, l’Union européenne, et la France à travers elle, avaient proposé que cette instance propose des solutions opérationnelles à brève échéance, notamment pour revoir les calculs de l’ajustement et du dégrèvement (cf. infra). Cette démarche s’est heurtée au G77 qui a refusé tout changement en dehors de l’année de renégociation39.


37 Fixée par la résolution A/RES/55/5 du 23 décembre 2000.

38 A/RES/67/238, alinéas 7 à 10.

39 « Modifier ou non la méthode de calcul des contributions nationales au budget de l’ONU ? La Cinquième Commission ouvre le débat », 4 octobre 2013, AG/AB/4072, Couverture des réunions.


3 - Effets du barème du budget ordinaire

Le décalage que certains pays entretiennent entre leur quote-part et la part prise dans le RNB mondial pourrait s’expliquer par l’accumulation des ajustements, des dégrèvements et des effets de seuil. Cependant, comme le montre le graphique suivant, cette arithmétique générale ne vaut pas pour tous. Si la plupart des pays développés contribuent en prenant les ajustements à leur charge, certains bénéficient de ces ajustements.

Graphique n° 5 : les 30 premiers RNB et les quotes-parts du budget ordinaire

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Les pays de l'Union européenne contribuent actuellement au budget ordinaire de l'ONU dans une proportion excessive par rapport à leur poids dans l'économie mondiale (35 % contre 28,5 % environ) et financent ainsi, indirectement, la décote des États-Unis (qui devraient payer plus que les 22 % du plafond) et celle de la Chine. Dit autrement, les États-Unis captent 40 % de cette sur-cotisation et la Chine 25 %.

Le barème des contributions n’est pas parfaitement conforme à la capacité de paiement des États membres. Il est inégalitaire pour certains pays, dont la France qui contribue au budget ordinaire à hauteur de 5,59 % alors que sa part dans le RNB mondial est de 4,52 %. Le tableau suivant fait apparaître que la quote-part diminuera corrélativement à la baisse relative de la part du RNB français au plan mondial. Cependant, les deux données entretiennent un écart continûment défavorable. Le même tableau montre l’effet du plafonnement sur la contribution des États-Unis, qui se rapproche progressivement de leur part dans le RNB mondial.

Tableau n° 12 : les projections sur quatre triennum : écart croissant entre la part dans le RNB mondial et les quotes-parts (toutes choses égales par ailleurs)

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Le statu quo devrait cependant entraîner une forte augmentation de la quote-part de certains grands États émergents (Chine, Russie, Brésil, Inde, Indonésie). Certains d’entre eux, qui s'approchent du seuil au-delà duquel le revenu par tête n'ouvre plus droit à rabais (Turquie, Brésil), ont proposé que les hausses soient plafonnées à 10 %, lors de chaque révision du barème. Cette précaution pénaliserait les pays du haut et du bas de classement.

Les pays de l’Union européenne, bien que défavorisés par l’actuel barème, n’ont pas intérêt à la révision de la méthodologie du budget ordinaire. Les variations de RNB devraient conduire à une baisse continue de leurs contributions ; pour nombre d’entre eux, le statu quo produit des effets préférables à ceux de longues et incertaines négociations sur l’équité des contributions.

La France tirerait ainsi bénéfice de ce statu quo. La quote-part au budget ordinaire passerait de 5,593 % à 4,9 % et, au budget des OMP, de 7,21 % à 6,32 %, soit une baisse globale des contributions d’environ 12 % (soit quelque 60 M€ économisés par an).

La capacité d’influence de la France s’exerce dans un contexte structurellement défavorable. En effet, le principe « un État, une voix » ne donne aucun pouvoir aux principaux bailleurs. Ces derniers ne forment pas de groupe constitué en tant que tel. Dans ce contexte délicat, la France met en œuvre des négociations compliquées, pilotées par la Direction des Nations Unies et des organisations internationales et mises en œuvre, le plus souvent, par la représentation française à New York. Elle participe également à un groupe d’experts dont l’objectif est d’animer la discussion sur la révision de la méthodologie, en dégageant des pistes d'amélioration et des objectifs pour l'Union européenne en vue de la prochaine renégociation du barème et en créant des ponts entre les différents groupes de pays.

Le MAEDI s’appuie sur un socle de principes pouvant être jugés recevables par le plus grand nombre : équité (capacité à payer), simplification de la méthodologie, soutenabilité assurant un financement pérenne de l'organisation. Mais cela ne suffira sans doute pas à infléchir les propositions soutenues par d’autres alliances.

Au final, le maintien de la méthode de calcul des barèmes sans autre changement paraît être un objectif minimal de nature à garantir des économies mécaniques pour la France.

II - Le coût croissant des opérations de maintien de la paix

Les 16 OMP constituent le principal facteur de coût des contributions internationales (cf. annexe n° 6). Les variations, qui s’imputent directement sur le montant des contributions versées par la France, résultent, en premier lieu, de données quantitatives - leur nombre, le volume et la nature de leurs coûts - et, en second lieu, de l’évolution du barème propre aux OMP.

Les OMP sont placées sous l’autorité exécutive du département des opérations de maintien de la paix (DOMP ou Department of Peacekeeping Operations, DPKO) et sous la responsabilité du département d’appui aux missions (DAM ou Department of Field Support, DFS) dans le domaine du soutien et de la logistique. Celui-ci a été créé en 2007, sur proposition du Secrétaire général, afin de renforcer les capacités de gestion face à la croissance du nombre d’OMP.

Les OMP reposent sur un mécanisme financier propre. L’ONU a fait le choix de contributions collectives et obligatoires (article 17 de la Charte), mais a également retenu celui de budgets séparés, dont le total forme ce que l’on appelle, improprement, le budget des OMP.

A - Les facteurs d’accroissement du budget des OMP

Au seuil des années 2000, le budget biennal des OMP était de 840 M USD (1998-1999). Il a été multiplié par huit en l’espace de quelques années pour atteindre 7,2 Md USD pour l’exercice budgétaire 2008-2009. Il augmente continûment depuis, se situant dans une fourchette allant de 7,3 à 8 Md USD40.

Graphique n° 6 : les dépenses de l’ONU pour les OMP, 1947-2013 (en milliards de dollars courants)

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Les crédits approuvés pour l'exercice allant du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015 sont d’environ 8,5 Md USD. Le budget des OMP, qui atteint en 2015 son pic historique, est trois fois plus important que le budget ordinaire de l’ONU. Si l’augmentation du budget des OMP devait perdurer, la situation ne serait pas soutenable à deux égards : d’une part, elle mettrait en péril la capacité de paiement des États membres, tous soumis à de fortes contraintes budgétaires ; d’autre part, elle compromettrait l’aptitude de l’ONU à piloter un dispositif hypertrophié.

Graphique n° 7 : l’évolution du budget des opérations de maintien de la paix depuis 1999

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Le « budget des OMP » est la somme des différents budgets concernant :

- les opérations en cours ;

- la base logistique de Brindisi ;

- le compte de soutien des OMP ;

- les MPS qui sont placées sous la direction du DOMP (la Somalie jusqu’en 2013, l’Afghanistan depuis 2014).

Cependant, le barème propre aux OMP ne s’applique pas à tous les cas : le GOMNUIP (Cachemire) et l’ONUST (Jérusalem), créées en 1947 et en 1948, relèvent du budget ordinaire41. Il est à noter que la FNUCHYP (Chypre) est en partie financée par des contributions volontaires (celles de la Grèce et de la République de Chypre).

La base de Brindisi (UN Logistics Base, UNLB) est budgétée à hauteur de 68,5 M USD en 2013-2014, soit 0,91 % du total en ressources. En outre, le Secrétariat général dispose du droit discrétionnaire de puiser, en cas d’urgence, dans un compte d’appui afin de couvrir des besoins de trésorerie pour les opérations en cours42. Ce compte est fixé, pour 2013-2014, à 325 M USD, soit 4,31 % des autorisations budgétaires. Il permet de payer les agents du siège de l’ONU (DOMP et DAM) qui travaillent directement pour une OMP. Les dépenses de la base de Brindisi et celles des rémunérations des agents du siège ne font pas l’objet de notifications aux États membres et sont calculés au prorata de chaque OMP.


40 7,8 Md USD pour 2009-2010, 7,83 pour 2010-2011, 7,93 pour 2011-2012, 7,30 pour 2012-2013 et 7,85 pour 2013-2014.

41 Ces deux OMP représentent respectivement 0,3 % et 1 % du budget des OMP.

42 Il peut aussi puiser dans un fonds de réserve de 150 millions pour permettre le lancement d’une opération. Ce compte est réalimenté par facturation sur les OMP après le vote de leur budget.


1 - Les déterminants structurels

a) Le nombre des OMP et leur complexité croissante

Durant la période sous revue (2007-2014), sept opérations ont cessé43, huit ont été déclenchées et huit sont en cours depuis 200744. La création d’une nouvelle OMP est un facteur d’accroissement de la charge d’autant plus lourd que les opérations modernes, très éloignées du modèle des premières OMP, sont particulièrement coûteuses.

En effet, les opérations anciennes, qui relèvent de l’interposition entre parties en situation de trêve ou de paix, financent, pour l’essentiel, des missions d’observation et de patrouille sur des espaces exigus. Elles génèrent des coûts modérés.

Les opérations créées depuis 2007 sont d’une tout autre complexité. Dites multidimensionnelles, du fait de leur vocation à aller au-delà du seul maintien de la paix (développement, reconstruction de l’État, ordre public, etc.), les OMP modernes mobilisent des effectifs considérables, couvrent de vastes territoires et nécessitent des moyens de transports aériens importants. La création des deux dernières OMP, la MINUSMA au Mali et la MINUSCA en République centrafricaine a ainsi accru le budget des OMP de 20 %.

Le coût unitaire des opérations est passé, en dollars constants, de 138 M USD à 564 M USD. Derrière cette moyenne, (qui correspond au coût de trois OMP), il existe de profondes disparités. Six OMP, parmi les plus anciennes, ont un budget allant de 20 à 70 M USD. En revanche, les OMP les plus récentes, qui, toutes, se situent en Afrique, mobilisent des budgets pouvant dépasser le milliard de dollars.

Carte n° 1 : les missions administrées par le département des opérations de maintien de la paix

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b) La durée des OMP

Comme le montre le tableau suivant, dix opérations ont plus de dix ans. Trois d’entre elles, l’ONUCI, la MINUL et la MINUSTAH ont amorcé, non sans difficultés, une décroissance, suivie d’une fermeture programmée. Il reste que la moitié des OMP en cours sont anciennes et que rien n’annonce leur démantèlement. Huit à dix d’entre elles semblent devoir se prolonger indéfiniment. Par ailleurs, les mandats des six OMP les plus récentes ne présentent aucune perspective de retrait. Depuis 1999, à l’exception de l’ONUB au Burundi et de la MINURCAT en RCA/Tchad, aucune mission n’a été déployée pendant une durée inférieure à cinq ans.

Tableau n° 13 : la durée des OMP

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43 Les opérations ayant cessé sont l’UNMEE (UN Mission in Ethiopia and Eritrea, 2000-2008), l’UNOMIG (UN Observer Mission in Georgia, 1993-2009), l’UNSMIS (UN Supervision Mission in Syria), l’UNMIT (UN Integrated Mission in Timor-Leste), la MINURCAT (UN Mission in the Central African Republic and Chad, 2007-2010), la MONUC (UN Organization Mission in the Democratic Republic of the Congo) et l’UNMIS (UN Mission in the Sudan, 2005-2011).

44) En tenant compte des opérations terminées et immédiatement suivies d’une autre dans le même pays – la MONUC (UN Organization Mission in the Democratic Republic of the Congo) et l’UNMIS (UN Mission in the Sudan, 2005-2011) - cinq opérations ont cessé, cinq ont été déclenchées et 11 sont antérieures à 2007.


c) Les modifications de mandats

Les OMP évoluent au gré des modifications de mandats. Ces décisions se traduisent dans les faits par des augmentations d’effectifs qui se réalisent sur plusieurs mois, voire sur plusieurs années. Leur apparition comme facteur de charge dans le montant des contributions n’est pas immédiatement visible ; elle n’en est pas moins inéluctable. Cette lenteur dans l’exécution est encore plus avérée pour les réductions d’effectifs, très souvent progressives et retardées par les aléas les plus divers. Alors que les premières décisions pour réduire des missions comme la MINUL, la MINUSTAH ou encore l’ONUCI ont été prises en 2012-2013, ces trois missions représentent encore un budget de plus de 1,4 Md USD et ne seront pas closes avant 2017.

Le recours systématique aux plateformes régionales créées par la stratégie globale d’appui aux missions (GFSS) ne permet pas de faire prospérer les coopérations directes entre OMP et les possibilités de fongibilité des moyens. Si des expériences de coopérations concluantes ont été menées (entre l’ONUCI et la MINUL par exemple), le G77 s’en tient, depuis l’expérience menée au profit de la MINUSS, à une conception très stricte : le budget d’une mission ne peut contribuer à financer des opérations dans une autre mission que sous réserve d’un remboursement préalable par cette dernière. Or une telle condition est difficile à mettre en œuvre.

Le budget des OMP n’a cessé d’augmenter, alors que le nombre de missions est stabilisé (depuis 1999, la moyenne du nombre d’OMP en cours par an est de 17). Ce phénomène s’explique par la création de nouvelles missions plus longues et plus coûteuses. Les économies d’échelles, que le DAM cherche à promouvoir, restent encore marginales. Il en est de même des efforts sans cesse répétés des États membres en vue de réduire les coûts. Ceux-ci produisent des effets bienvenus, sans permettre toutefois d’infléchir durablement la dépense. Les longues négociations se limitent trop souvent à économiser certaines dépenses opérationnelles ou à réduire les effectifs civils des OMP de quelques unités. Ces résultats, obtenus de haute lutte, se traduisent au mieux par des économies d’environ 3,5 % par biennum. Par ailleurs, toute tentative en vue de diminuer le taux de remboursement des troupes ou des matériels, qui constituent 66 % des coûts, aboutissent toujours à des revalorisations.

2 - Le mandat de l’ONU sans casques bleus

Pour éviter la création d’OMP gérées en propre par l’ONU, une solution pourrait consister en un mandat de l’ONU sans casques bleus. Ce sont les opérations sous chapitre VIII dites de partenariat. L’idée maîtresse est de confier à une autre organisation internationale le soin de générer les forces et de les déployer en lieu et place de l’ONU, qui cependant continue à les financer en partie.

L’application de cette nouvelle organisation à l’Union africaine dans le cadre des OMP situées en Afrique a été récemment soutenue par le rapport présenté en juin 2015 par M. Ramos-Horta45. Dans ce cadre, les pays contributeurs de troupes dépêcheraient sur place des unités de qualité, mais non soumises aux standards matériels et politiques de l’ONU. Il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur cette initiative, à ce jour non validée par le Secrétaire général, mais une telle perspective ne peut être envisagée pour les finances de l’ONU que si elle est compensée par la fermeture d’autres OMP. Toutefois, cette perspective est peu plausible, les économies générées par le recours à des missions de l’Union africaine risquant fort d’être neutralisées par le maintien des OMP en cours, ce qui contribuera à accroître le montant des contributions.

L’opération de paix de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) a servi de modèle exploratoire à cette démarche46. Il n’est pas certain que le soutien logistique et financier apporté par l’ONU à cette opération ait produit des résultats plus significatifs qu’ailleurs.

Il serait donc utile, avant de se prononcer sur la piste de travail en cours, d’analyser au plus près les résultats de l’AMISOM et du soutien que lui apporte l’ONU sous la forme de l’UNSOA, d’autant que cette opération consacre le principe inédit selon lequel celui qui paye ne commande pas.

3 - L’absence de visibilité à moyen terme

Les budgets des OMP n’offrent aucune visibilité sur l’avenir à moyen terme. Bloqué par son propre processus d’élaboration, le système actuel n’intègre aucune perspective sur les possibilités d’évolution et ne permet pas de connaître, s’ils existent, les objectifs à atteindre.

Pourtant, l’établissement de scenarii intégrant les principales pistes d’évolution et les mesures d’économies lancées ne semble pas impossible. Les outils de pilotage mis au point par quelques États membres, dont la France, pour se projeter dans l’avenir selon les variations des barèmes existent et montrent qu’un instrument prospectif budgétaire est réalisable. Un tel outil, appliqué aux évolutions des OMP, servirait tout autant au Conseil de sécurité, au Secrétariat général, aux représentants spéciaux sur le terrain qu’au sein des diplomaties des États-membres.


45 Ancien président du Timor Oriental et prix Nobel de la paix 1996.

46 Il existe d’autres cas connus de coopération étroite entre l’ONU et l’UA dans le cadre d’OMP. La MINUAD au Darfour, est une opération hybride ONU-UA. Comme l’UNSOA, le financement se fait sur financements obligatoires. Ce ne fut pas le cas pour les troupes de l’UA qui précédèrent la MINUSMA et la MINUSCA (la MISMA et la MISCA), financées sur contributions volontaires.


À la demande de la Cour, la représentation française a dressé un tableau prospectif toutes choses égales par ailleurs. Cet exercice « à blanc », sous la forme d’un tableau simplifié, opère une prospective des dépenses jusqu’en 2018. Il permet d’envisager ce que donnerait un outil plus sophistiqué, par le recours à davantage de paramètres et à la production automatisée de scenarii. Ce tableau est présenté en annexe n° 6.

Disposer d’un horizon à plus long terme favoriserait l’élaboration d’initiatives axées sur la recherche d’économies et permettrait d’accepter, de manière éclairée, des coûts à court terme dont sont escomptés des avantages ultérieurs. En l’absence de cet outil, le budget des OMP se conçoit et s’analyse à l’aveugle. Sans objectifs ni cibles, il ne traduit aucune volonté pour l’avenir. Dénuée d’analyse budgétaire systématique et pluriannuelle sur les effets, sur les exercices futurs, des dépenses engagées, des réformes en cours et des stratégies de retrait, l’organisation qui prévaut aujourd’hui paraît se limiter à une logique de financement de l’existant. Les États membres se privent ainsi de l’instrument qui leur permettrait de négocier en connaissance de cause.

B - Les composantes des coûts des OMP

1 - Les catégories de dépenses

Les dépenses liées aux OMP sont constituées de remboursements aux États, de paiements salariaux et d’indemnités individuelles et de paiements sur facture au bénéfice de sociétés privées. Le tableau suivant présente les principaux flux.

La base contractuelle des remboursements pour les dépenses de personnel ou de matériel est fixée selon deux formes juridiques distinctes : le Memorandum of Understanding (MoU), ou mémorandum d’entente, et la Letter of Assist (LoA), ou lettre d’attribution. Le MoU est un contrat portant sur l’ensemble des personnels et matériels déployés par un pays. La LoA est destinée à couvrir des coûts de soutiens techniques plus ponctuels.

Tableau n° 14 : les principaux flux des dépenses sur le budget de l’ONU

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Le budget d’une OMP se décompose en trois grandes catégories : les coûts des personnels sous uniformes (2,97 Md USD, soit 38 %, pour 2013-2014) ; ceux des civils (1,8 Md USD, soit 23 %) et ceux concernant les besoins opérationnels (3 Md USD, soit 38,6 %).

Tableau n° 15 : les trois grandes catégories de dépenses par OMP 2013-2014 (en dollars)

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2 - Les coûts des personnels sous uniforme

a) Un coût constitué de plusieurs strates

Les personnels sous uniforme sont constitués des militaires ou policiers mis à disposition par les États contributeurs. Ils sont répartis en deux catégories : ceux qui servent en unités constituées (militaires ou policiers) et ceux qui servent à titre individuel (observateurs militaires, personnels d’état-major et policiers de l’ONU). Leurs coûts varient sensiblement d’une opération à l’autre. Ils représentent 38 % des budgets.

Les observateurs militaires et les policiers de l’ONU reçoivent une indemnité journalière de mission (mission subsistence allowance, MSA) allant de 56 à 208 dollars selon le lieu d’affection, qui couvre leur hébergement et leur nourriture47. Leur rémunération est assurée par leur État d’appartenance.


47 La table des indemnités est consultable dans UN Office of Human Resources Management, Mission Subsistence Allowance, www.un.org/depts/OHRM/salaries_allowances/allowances/msa.htm.


Le principal de la dépense concerne le personnel sous uniforme en unités constituées. Le remboursement se fait sur la base mensuelle de 1 332 dollars par membre du contingent, majoré, pour tenir compte de la présence de spécialistes, de 303 dollars par mois pour une partie des unités (25 % de l’effectif des unités de soutien et 10 % pour les autres unités). Les États contributeurs reçoivent des remboursements additionnels votés pour l’année, sans destination particulière (jusqu’en juin 2014, 6,75 % du taux de base, soit 69,39 dollars par homme et par mois)48 ou pour couvrir des frais d’habillement (68 dollars par mois par homme) ou des frais de munition (5 dollars par mois par homme)49. Les États contributeurs ne sont pas tenus de redistribuer ces montants forfaitaires à leurs militaires et policiers.

Au-delà du remboursement et de ses majorations, le personnel sous uniforme peut recevoir des primes versées individuellement, soit une rétribution quotidienne de 1,28 dollar, et une allocation de détente de 10,50 dollars par jour de permission (soit 2,5 jours par mois)50.

Selon ces données, la moyenne de ces coûts de remboursement calculés per capita est de l’ordre de 18 000 dollars par homme par an. Les autres facteurs (unités logistiques, spécialisation, etc.) conduisent à un coût moyen de 20 000 dollars par an. Le « coût global de possession » d’un militaire, qui est le coût analytique tout compris, notamment les frais logistiques comme le transport, le logement et la nourriture, varie du simple au double selon les missions des Nations Unies. Par exemple, le déploiement d’un soldat de la MINUSS revient à 113 000 dollars par an, celui de l’ONUCI et de la MINUSTAH est estimé à 72 000 dollars et celui de la MONUSCO à 80 000 dollars.

Depuis 2012, les militaires et policiers peuvent recevoir une prime de risque (risk premium), conçue comme exceptionnelle et non permanente, par le Senior Advisory Group on Rates of Reimbursement to Troop-Contributing Countries (SAG), entité créée en 2012 afin d’étudier les processus de remboursement51. Le SAG a proposé que le montant total des primes de risque ne dépasse pas 10 % des primes versées à 10 % de l’effectif total d’un exercice budgétaire52, soit 13,3 M USD pour 2014-2015. Jusqu’à présent, ces primes ont été versées aux troupes situées au Mali et à celles exposées au virus Ebola.

b) Les effets de la récente revalorisation des composantes du coût

Le taux de remboursement forfaitaire par homme et par mois aux pays contributeurs de troupes a été significativement revalorisé. Le système de remboursement n’avait pas évolué depuis 2002 avec un taux de 1 028 dollars. Le taux actuel est, comme indiqué supra, de 1 332 dollars par homme et par mois du 1er juillet 2014 au 30 juin 2016, 1 365 dollars du 1er juillet 2016 au 30 juin 2017 et enfin 1 410 USD à compter du 1er juillet 2017, soit une moyenne de près de 1 360 dollars sur toute la période. En prenant les hypothèses actuelles de déploiement des troupes en 2014-2015 (environ 100 000 hommes), le surcoût pour la France, par rapport au budget 2013-2014, est de près de 10,6 M USD. Comparé au taux proposé par le secrétariat de 1 762 dollars et repris jusqu’aux derniers moments de la négociation par le G77, ce résultat constitue un « moindre mal ».

La France et les autres grands contributeurs financiers ont également obtenu que les nouvelles primes (primes de risques et de mise à disposition de troupes spécialisées) ainsi que le surcoût budgétaire de la revalorisation du taux de remboursement des équipements de contingents (représentant respectivement 75 et 21 M USD pour l’ensemble du budget des OMP) soient financés dans le cadre des budgets adoptés.


48 UN General Assembly Resolution 67/261. Cette compensation a été relevée, à l’issue des négociations et des recommandations du SAG (octobre 2012).

49 SAG Report, op. cit., table 2 : jusqu’en 2012, les États recevaient également des primes pour sécurité sociale (6,31 dollars par mois par homme) et une prime de connexion à internet (2,76 dollars).

50 United Nations, Manual On Policies And Procedures Concerning The Reimbursement And Control Of Contingent-Owned Equipment of Troop/Police Contributors Participating in Peacekeeping Missions (COE Manual), dans : Juan Pablo Panichini, Letter dated 25 February from the Chair of the 2011 Working Group on Contingent-Owned Equipment to the Chair of the Fifth Committee, UN Doc. A/C.5/66/8, pp. 193–194.

51 UN General Assembly, Letter dated 9 November 2012 from the President of the General Assembly to the Chair of the Fifth Committee, November 15, 2012, UN Doc. A/C.5/67/10, para. 111.

52 United Nations, SAG Report, para. 112.


3 - Le coût des personnels civils

Contrairement aux troupes déployées en unités constituées, le personnel civil travaille directement pour l’ONU. Les dépenses, ainsi individualisées, représentent 23 % des budgets. Il ne s’agit pas d’indemnités, mais de rémunérations.

Les catégories de personnel civil des Nations Unies

Il y a trois catégories de personnel civil : les fonctionnaires internationaux, les personnels nationaux et les volontaires de l’ONU. Les fonctionnaires internationaux sont des agents faisant carrière à l’ONU, au sein des états-majors ou sur le terrain (31 % de l’effectif civil, 75 % des coûts salariaux). Les personnels nationaux sont recrutés dans le pays où se déroule l’OMP, le plus souvent dans le domaine administratif, du support et de la communication (57 % de l’effectif, 21 % des coûts). Les volontaires de l’ONU peuvent recevoir des missions d’importance sur le terrain. Ils ne peuvent, à l’issue de leur volontariat, prétendre à un recrutement au sein de l’ONU (12 % de l’effectif, 6,5 % des coûts)53.

Les effectifs de personnel civil sont fixés par le Secrétaire général chaque année et font l’objet, comme les autres centres de coûts, de vifs débats au sein de l’Assemblée générale et de ses commissions spécialisées.

Les composantes civiles de soutien engendrent, dans les OMP modernes, des coûts nouveaux et considérables. La fonction « soutien civil des missions » constitue, en volume, le principal poste de personnels civils de l’ONU. Les efforts de mutualisation lancés par le DAM, avec la stratégie globale d’appui aux missions et la création d’un service régional à Entebbe, ont permis de fusionner certaines fonctions de nature transactionnelles qui ne nécessitent aucun ancrage territorial. Le DAM estime avoir réduit de 11 % ces personnels entre 2010 et 2014. La généralisation de l’application UMOJA (voir supra) dans les missions devrait permettre d’accélérer ces mutualisations, pour ne laisser au niveau de la mission que les agents dont la présence demeurera indispensable.

Le taux de rotation de personnel civil est un des principaux facteurs de coût de ce poste de dépense.

Le principe des opérations multidimensionnelles pousse à des actions intégrées, qui se traduisent par la constitution inflationniste et pléthorique d’effectifs civils. Ainsi, les effectifs militaires déployés, qui ne représentent qu’environ 38 % du budget total, s’accompagnent d’une augmentation proportionnelle des dépenses civiles (environ 23 % du total), d’autant plus marquées qu’elles ne diminuent pas lorsque se réduisent les effectifs militaires.

Les effectifs civils des OMP ne sont pas plafonnés, comme les effectifs militaires, par le Conseil de sécurité. La Cour encourage le MAEDI à poursuivre les efforts qu’il a déjà entrepris pour que les personnels civils soient intégrés dans le calcul des plafonds fixés par le Conseil de sécurité.

Les capacités civiles des OMP doivent être rationalisées. Éléments indispensables à la bonne exécution des missions, elles représentent le quart du budget des OMP pour environ 25 000 agents. La rationalisation de cette composante passe par la mise en œuvre des réformes impulsées dans le cadre de la stratégie globale d’appui aux missions, mais également par le développement d’indicateurs de performance afin de comparer les composantes civiles de chacune des missions.

4 - Les coûts opérationnels

Les dépenses opérationnelles couvrent une grande variété de dépenses : installations et infrastructures, transports terrestres, transports aériens, transports maritimes, transmissions, informatique, services médicaux, matériel spécial, fournitures et matériels divers, projets à effet rapide, etc.

Elles sont présentées, par opération, dans le tableau page suivante.

Tableau n° 16 : les six principales catégories de dépenses opérationnelles (2013-2014, en dollars)

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53 Ces données sont tirées de Katharina P. Coleman, « The Political Economy of UN Peacekeeping: Incentivizing Effective Participation », New York, International Peace Institute, May 2014, p. 11.


Les dépenses relatives aux matériels militaires peuvent être effectuées auprès des États par la voie d’un remboursement sur barème (MoU). Elles peuvent également être remboursées par les États qui prendraient en charge des frais particuliers (réfections de pistes aériennes, transports de troupes sur les lieux de l’OMP, etc.). Dans ce cas, l’ONU conclut des LoA avec ces États. Enfin, une partie des coûts opérationnels se règle auprès des contractants privés locaux, ce qui n’est pas sans incidence sur l’économie locale.

Des difficultés récurrentes alourdissent des processus déjà fort complexes. Ainsi, il n’est pas rare que les matériels militaires déployés par les pays contributeurs soient d’une qualité médiocre ou hors standards des dispositions contractuelles du MoU. Afin de corriger cette situation, une étape a été franchie en décembre 201254 : certains remboursements sont désormais diminués si les unités engagées n’ont pas tenu leurs engagements dans le domaine des matériels. Il est ainsi prévu une pénalité de 10 % sur les remboursements de troupes en cas de défaillances. Il n’a pas été possible d’établir si cette mesure était appliquée.

5 - Les coûts et remboursements pour la contribution française en troupes

En tant que contributeur de troupes, la France déploie, en juin 2015, 888 militaires, dont 840 sous la forme d’un contingent au titre de la FINUL.

Tableau n° 17 : la participation française aux OMP

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La France se fait rembourser par l’ONU, au même titre que les autres pays contributeurs de troupes, selon un système codifié depuis 1996 pour les trois types de dépenses constituées par le personnel, les équipements et le soutien autonome de ses contingents. Il y a deux MoU actifs (la contribution en troupes au Liban et un partenariat tripartite France-ONU-contingents africains en Côte d’Ivoire55). Il y a dix LoA en cours, notamment pour l’entretien des pistes au Mali, la maintenance des radars au Liban et les deux relèves annuelles de la FINUL.

L’état-major des armées (EMA) est principalement concerné par l'élaboration de ces actes. Dans le cadre de la rédaction des MoU et des LoA, le ministère de la défense veille à avoir l’assiette de remboursement la plus large possible.

Les remboursements des dépenses engagées par le ministère de la défense s’effectuent par voie de fonds de concours ouverts auprès de ce ministère. Le paiement par virement est effectué par l'ONU auprès de la représentation permanente de la France auprès des Nations Unies, qui le retransmet ensuite à l’EMA (programme 178). Ces remboursements se caractérisent par d’importants délais, de l’ordre de six à douze mois après la réalisation de la dépense. Le suivi des montants dus est effectué à la fois par la représentation française à New York et par l’EMA, avec le plus grand soin. Le tableau suivant retrace les remboursements par année, et non la dépense.

Tableau n° 18 : les remboursements de l’ONU

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Après le pic de remboursement de 2010-2011, dû aux matériels engagés par la France au Liban et rapatriés depuis, le volume annuel oscille autour de 30 M€.

Au-delà de la difficulté de suivi induite par les délais, ces remboursements ne couvrent qu’une partie des surcoûts propres aux opérations à l’étranger. Le total des surcoûts supportés par le ministère de la défense en 2014 est de 61,35 M€, dont 58,35 M€ pour la FINUL, 1,75 M€ pour la Côte d’Ivoire et 1,25 M€ pour le soutien aux autres opérations. Ces surcoûts, calculés selon une méthodologie appliquée à l’ensemble des opérations extérieures, ne prennent en compte que les participations directes aux OMP. On en déduit que l’ONU ne rembourse que 50 % de la charge56.


54 UN General Assembly, Report of the Senior Advisory Group on Rates of Reimbursement to Troop- Contributing Countries and Other Related Issues.

55 Ce MoU est mis en œuvre sur le terrain par une unité de soutien logistique sous drapeau français. Cinq contingents africains sont concernés.

56 Ce surcoût non couvert concerne également les 48 militaires insérés dans les OMP autres que la FINUL (environ 2 M€ par an). Le coût induit par la présence, au sein des OMP, d’une cinquantaine de policiers français n’a pas été évalué par la Cour.


Les coûts occasionnés par le soutien apporté par des opérations extérieures bilatérales aux OMP (Barkhane et MINUSMA, Sangaris et MINUSCA) font l’objet d’arrangements techniques avec l’ONU. Ainsi, certaines prestations opérées par une force au profit de l’autre (évacuation sanitaires par exemple) donnaient lieu systématiquement à des remboursements croisés.

Pour une analyse en coût complet, le coût des OMP supporté par le programme 105 du MAEDI devrait être abondé des surcoûts non couverts, induits par le déploiement de casques bleus français. Ces surcoûts non couverts représentent 8,5 % des crédits consacrés aux OMP par le MAEDI.

C - Le calcul de la quote-part des États membres

1 - Le barème adopté pour les OMP

Le barème des contributions pour les OMP est dérivé de celui du budget ordinaire. À partir des mêmes données économiques, il classe les États membres dans 10 groupes, allant de A à J. Le groupe A comprend les membres permanents du Conseil de sécurité (P5) ; les autres groupes sont établis en fonction du RNB par habitant. Le groupe B (32 États) repose sur l’égalité entre les contributions au budget ordinaire et celles versées aux OMP. Les autres groupes bénéficient de dégrèvements progressifs. Le montant total de ce dégrèvement est pris en charge par les membres du groupe A (de 7,5 % pour le groupe C à 90 % pour le groupe J).

Ce mécanisme vient en complément des procédures redistributives de répartition de la charge financière prévues pour le barème ordinaire, mais l’effort de solidarité ne concerne que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité. La méthodologie spécifique de ce barème fait peser une charge particulièrement importante sur ces derniers, puisque la croissance des pays émergents non membres permanents se traduit par des rabais de cotisation plus importants, qu’il leur revient d’absorber.

De plus, contrairement au budget ordinaire, il n’existe pas de plafond pour le barème des OMP. Ainsi, les États-Unis, dont le taux pour le budget ordinaire est de 22 %, étaient, pour 2013, le premier contributeur pour les OMP avec un barème de 28,3993 % (2,1 Md USD) ; les 20 États en catégories J bénéficient d’un taux de 0,0001 %, soit 7,5 M USD.

Tableau 19 : les catégories des contributions financières (2013-2015)

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La dernière révision des barèmes en 2012, pour la période d'application 2013-2015, s'est achevée par un statu quo de la méthode de calcul. Ainsi, comme pour le budget ordinaire, la France et les pays européens ont vu baisser leur quote-part du fait de la baisse de leur part dans l'économie mondiale.

La quote-part française est passée de 7,554 % à 7,216 %, ce qui a permis de réduire de 20 M€ la contribution annuelle, à enveloppe constante. La création de deux nouvelles OMP en deux ans, au Mali et en RCA, a toutefois largement absorbé cette diminution puisque la contribution française aux OMP s'est accrue entre 2013 et 2014 de près de 100 M€. L’évolution de la part des États dans le RNB devrait conduire à des changements de positionnement illustrés dans le tableau suivant pour les 11 premiers contributeurs.

Tableau n° 20 : l’évolution probable des quotes-parts OMP sous l’effet de celle des RNB nationaux

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2 - Les distorsions

Aux yeux de nombreux observateurs, les pays de la catégorie C sont réputés bénéficier d’un avantage indu : ces pays pourraient passer dans la catégorie B sans qu’il y ait d’atteinte au principe d’équité, ni à celle concernant la capacité de paiement. L’effet de ce transfert resterait cependant mineur : il porterait en effet sur 0,1 % des points, soit 10 M€.

L’écart entre la part prise dans le RNB mondial et la quote-part est plus grande encore que pour le budget ordinaire.

Graphique n° 8 : les 25 premiers RNB et les quotes-parts du budget des OMP

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L’évolution du RNB mondial a pour conséquence de placer la Chine au rang de deuxième contributeur du budget des OMP à partir de 2016.

Tableau n° 21 : les projections sur quatre triennum : l’écart croissant entre la part dans le RNB mondial et les quotes-parts des OMP (toutes choses égales par ailleurs)

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3 - Les enjeux de la négociation de 2015

Le statu quo méthodologique a une conséquence prévisible pour les États-Unis, qui verraient leur quote-part passer de 28,4 % à 28,6 %. Un tel rapprochement du seuil symbolique des 29 % pourrait conduire le Congrès américain à introduire un plafond de la quote-part sur le budget des OMP. Cette hypothèse est d’autant plus crédible que le Congrès a, de facto, plafonné la contribution américaine au budget 2014 des OMP au niveau du barème de 2009 (27,3 %) et non pas à celui du barème actuel (28,4 %). La redistribution qui en découlerait risquerait de peser sur les quatre autres membres permanents.

Plus généralement, quelle que soit la répartition des efforts, la croissance des charges pour les membres du Conseil de sécurité paraît peu soutenable. L’un des enjeux des négociations à venir est de sortir de l’impasse prévisible pour les années à venir.

Graphique n° 9 : l’évolution des contributions des membres permanents

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La Cour a pris connaissance des nombreuses discussions en cours depuis des mois. Les différents scenarii et les projections complexes permettent aux représentants du MAEDI ou de la représentation à New York de définir des positions de négociation largement paramétrées par les propositions, connues ou supputées, des autres pays. Il est certain que la proposition faite par le comité d’expert de haut niveau d’adosser les MPS sur le barème des OMP est un élément nouveau qui renouvelle le jeu des scenarii jusqu’alors disponibles.

III - Les autres composantes des contributions internationales

Au-delà des facteurs liés aux charges issues du budget ordinaire de l’ONU et des OMP, l’évolution des contributions résulte de l’existence même des organisations internationales et ressort ainsi d’une logique plus transversale. Elle peut, alors, découler du mécanisme de leur fonctionnement, à l’image des coûts liés aux opérations immobilières et de l’ajustement fiscal. Elle tient, également, à la perspective de leur transformation, notamment dans le domaine de la justice internationale, ou aux choix politiques de la France, notamment dans le domaine humanitaire.

A - Les opérations immobilières des organisations internationales, un enjeu financier important

1 - Le coût des opérations immobilières

Les opérations immobilières, qu’il s’agisse de la construction de nouveaux immeubles ou de la rénovation de bâtiments plus anciens, représentent une part relativement importante du budget des organisations internationales. Au cours des dernières années, les principales opérations ont concerné le siège de l’ONU à New York, pour un coût de 2,3 Md USD, dont près de 200 M USD de contribution française ainsi que l’OCDE, pour un coût de 299 M€ dont 20,7 M€ de contribution française. Plus récemment, au mois d’octobre 2014, a été inauguré un nouveau bâtiment de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), à Addis-Abeba, pour un coût de 15,3 M USD.

Parmi les principales opérations actuellement en cours figure le plan stratégique patrimonial de rénovation du Palais des Nations, datant de 1937 et agrandi dans les années 1950, qui abrite l’Office des Nations Unies à Genève (ONUG). Le coût total de ce projet est estimé à 837 M CHF sur 10 ans. En décembre 2013, l’Assemblée générale a adopté une résolution accordant, pour 2014, la somme de 15,6 M CHF pour renforcer l’équipe de planification57. En décembre 2014, une autre résolution a décidé l’ouverture d’un crédit additionnel de 26,1 M CHF pour l’année 2015 afin de poursuivre la planification du chantier58.


57 A/RES/68/247 du 17 janvier 2014, résolution adoptée par l’Assemblée générale le 27 décembre 2013.

58 A/RES/69/262 du 10 février 2015, résolution adoptée par l’Assemblée générale le 29 décembre 2014.


Trois autres projets de rénovation de bâtiments d’autres organisations internationales installées à Genève sont également en cours, à des stades plus ou moins élevés d’avancement. Le premier concerne l’OIT, qui a présenté un projet initialement évalué à 203,4 M CHF et a été partiellement suspendu en raison d’une augmentation du budget, passé à 299 M CHF. Le deuxième concerne l’OMS qui, pour un montant de 250 M CHF, prévoit la rénovation de son bâtiment principal et la construction d’un immeuble annexe. Le troisième concerne l’Union internationale des télécommunications (UIT), qui, possédant trois bâtiments, souhaite reconstruire le plus ancien et rénover les deux autres, pour un budget estimé à 211 M CHF, sans exclure la perspective de se délocaliser en quittant Genève.

Il s’ajoute, parmi les grandes opérations actuellement menées, la construction du nouveau siège de l’OTAN à Haren (Belgique), engagée en octobre 2010 et devant prendre fin au début de l’année 2017. Les travaux devraient coûter 1,12 Md€, la France étant mise à contribution à hauteur de 11,7477 %, soit une dépense de 131,57 M€, répartie entre le MAEDI (42,2 %) et le ministère de la défense (57,8 %).

Il faut, enfin, signaler, d’une part, le projet, dont les travaux ont débuté au mois de février 2015 et devraient se terminer au début de l’année 2016, de construire un nouveau bâtiment, à Arusha (Tanzanie) au profit du mécanisme résiduel d’Arusha, qui doit reprendre les fonctions du Tribunal pénal international pour le Rwanda, dont le budget approuvé se monte à 8,8 M USD59, et, d’autre part, le projet de la Commission économique africaine,

engagé en 2014 pour aboutir en 2021, de rénovation de la Maison de l’Afrique (Africa Hall), à Addis-Abeba, en vue d’en faire un monument dédié à l’histoire africaine contemporaine, doté d’un budget de 56,89 M USD60.

2 - Les diverses initiatives pour une réduction des coûts pour les États membres

Les États membres des organisations internationales, notamment les plus importants contributeurs dont la France, sont particulièrement attentifs à l’importance des coûts immobiliers : ils appellent ainsi régulièrement les secrétariats des organisations à instaurer une gouvernance rigoureuse et plus transparente.

Ils sont ainsi à l’origine de la constitution de groupes multilatéraux, tels le Groupe de Genève, qui permettent d’élaborer des stratégies de négociation. C’est dans ce cadre que la France a clairement soutenu le projet de rénovation du Palais des Nations à Genève et a insisté auprès de ses homologues sur la nécessité de faire de ce projet une priorité pour les Nations Unies.

Face aux contraintes financières croissantes des États membres et aux demandes d’économies qui en résultent, certaines organisations internationales ont trouvé des solutions innovantes pour diminuer le coût final des contributions mises en recouvrement auprès des États. L’une des initiatives les plus abouties dans ce domaine est celle de l’ONU Genève pour le projet de rénovation du Palais des Nations.

Le directeur général de l’ONUG a, notamment, mis en place des mesures visant à réduire la portée générale du projet en engageant les États membres, les institutions, les fondations, les entreprises ou les donateurs individuels à verser des contributions volontaires en vue de couvrir le coût de certaines parties du projet et, partant, de réduire l’étendue des travaux de rénovation nécessitant un financement des États parties par le biais des quotes- parts61.

D’autres organisations internationales menant des projets immobiliers ont, elles aussi, tenté de rechercher des méthodes de financement alternatives comparables pour alléger les dépenses des États membres. L’OIT a sollicité de la Suisse un prêt à taux préférentiel pour ses travaux de rénovation et l’UIT et l’OMS lui ont demandé un prêt à taux zéro pour leurs projets de constructions nouvelles. L’OIT et l’OMS ont prévu de couvrir une partie des coûts de leurs travaux par la vente de parcelles de terrain.


59 Rapport du Secrétaire général A/69/734 du 19 janvier 2015 sur la construction d’un nouveau bâtiment pour la division d’Arusha du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux.

60 Rapport du Secrétaire général A/69/359 du 27 août 2014 portant, notamment, sur la rénovation de la Maison de l’Afrique (Africa Hall).

61 Rapport du Secrétaire général A/68/372 du 9 septembre 2013 sur le plan stratégique patrimonial de l’Office des Nations Unies à Genève.


Certaines organisations implantées à Genève, soumises à l’importance du coût de la vie, accentuée par l’abandon au mois de janvier 2015 du taux plancher du franc suisse, ont entamé une politique de délocalisation de certaines de leurs fonctions-support vers des capitales de pays où les coûts salariaux et de l’immobilier sont moindres62 (ce qui n’est pas nécessairement conforme à l’intérêt des régions limitrophes françaises du genevois).

Il apparaît essentiel que, pour tout projet immobilier soumis par les organisations internationales à leurs États-membres, il soit demandé à ces dernières d’entreprendre des démarches en vue de rechercher des financements alternatifs, notamment auprès de donateurs publics et privés, destinés à réduire le montant de la contribution des États membres.

3 - La question de la maintenance des immeubles

Les organisations internationales ont pris conscience de l’importance de leur parc immobilier (d’une valeur de 3,64 Md USD pour les diverses implantations de l’ONU63) et de la nécessité d’en assurer la maintenance pour éviter qu’il ne se détériore. Cette sensibilisation est née à la fois des travaux menés au siège des Nations Unies, dont le budget n’avait pas intégré la perspective de l’entretien, et de l’intégration des normes IPSAS qui permettent de faire ressortir la valeur réelle des immobilisations corporelles et les coûts de remise en état. Le Secrétariat des Nations Unies a, ainsi, proposé de développer un programme d’entretien de son parc sur 20 ans, entre 2018 et 2037. Les dépenses prévues, étalées sur dix exercices biennaux, ont été estimées à 1,32 Md USD64.

En dépit de la logique et de la nécessité d’un tel programme de gestion du cycle de vie des bâtiments, la lourdeur de l’engagement budgétaire et des augmentations du budget ordinaire qu’il implique ont conduit les États membres, lors des travaux de la cinquième commission en mars 2015, à inviter le Secrétariat à développer une stratégie de priorisation dans le cadre de ce programme.

D’autres organisations internationales se sont également investies dans la mise en place de tels programmes, mais à une échelle moindre en raison de la taille de leurs budgets. C’est ainsi que l’Organisation météorologique mondiale (OMM) envisage, dans le cadre de son budget triennal 2016-2019, de consacrer 4,2 M CHF, afin de mettre en place un fonds destiné à la maintenance et à l’entretien de son bâtiment construit en 1999 et actuellement en bon état. Cette initiative, dont les enjeux budgétaires sont plus modérés que ceux de l’ONU, rencontre l’approbation des principaux contributeurs, et notamment celle du Groupe de Genève, car elle permet d’éviter, dans le futur, la mobilisation de montants bien plus importants pour rénover des bâtiments en mauvais état.

B - Un ajustement fiscal au coût croissant

Le mécanisme de l’ajustement fiscal est institué par l’article 42 du règlement relatif au régime de pensions dans les organisations coordonnées, à savoir le Conseil de l’Europe, l’OTAN, l’OCDE, l’Agence spatiale européenne, le Centre européen de prévisions météo à moyen terme et l’Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques, ainsi qu’une vingtaine d’organisations internationales qui suivent les recommandations de cette coordination. Il n’existe donc pas dans le système des Nations Unies.


62 L’OMS a installé son centre mondial de services à Kuala Lumpur, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) a implanté son centre de services administratifs globaux à Budapest et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a délocalisé son centre administratif mondial à Manille.

63 New York, Genève, Vienne, Nairobi, Bangkok, Santiago, Addis-Abeba.

64 Rapport du Secrétaire général A/69/760 du 6 février 2015 sur l’examen stratégique des biens immobilier.


Il prévoit que le bénéficiaire d’une pension a droit à un ajustement payé par l’État de résidence « égal à 50 % du montant dont il faudrait théoriquement majorer la pension pour qu’après déduction du ou des impôts nationaux frappant l’ensemble, le solde corresponde au montant de pension obtenu en application du présent règlement »65. En d’autres termes, les anciens agents de ces organisations percevant une pension voient cette dernière majorée de l’équivalent de 50 % de l’impôt prélevé sur celle-ci.

L’ajustement fiscal découle donc indirectement du principe de non-imposition des salaires des fonctionnaires internationaux, qui vise à ne pas favoriser l’État où se trouve l’organisation par rapport aux autres États membres, et de celui du traitement équitable des pensionnés indépendamment du pays de résidence. Il tient, également, au fait que les retraités des organisations internationales perdent leurs avantages et leur statut de fonctionnaires internationaux une fois qu’ils sont pensionnés.

Les six organisations coordonnées représentent 56 pays membres et comptent plus de 13 000 agents et quelque 6 600 pensionnés répartis dans 52 pays. À cet égard, les retraités sont nombreux à prendre leur retraite en France, siège de deux des plus importantes organisations coordonnées, et qui devient ainsi, avec la Belgique, l’un des plus importants financeurs de ce système.

L’ajustement fiscal représente une charge pour le MAEDI car, si les majorations de pensions sont versées aux anciens agents par les organisations qui les employaient, ces dernières demandent le remboursement de ces sommes aux États ayant perçu les impôts sur ces pensions. C’est ainsi que, en 2015, le MAEDI a versé plus de 9,31 M€ à quelques organisations internationales, et notamment à l’OCDE (4,86 M€), dont les anciens agents se sont installés sur son territoire.

1 - Un système onéreux

Mis en place en 1974, ce mécanisme avait été considéré, à l’époque, comme un progrès puisque les anciens agents des organisations étaient auparavant exonérés d’impôt.

Aujourd’hui, les pensionnés sont soumis au droit commun de la fiscalité, même s’il existe encore quelques États qui exonèrent les anciens agents de l’impôt sur le revenu en ce qui concerne leurs pensions, à l’instar de l’Autriche, de la Hongrie ou de la Turquie.

Tableau n° 22 : le montant de l’ajustement fiscal payé par le MAEDI

Union de l'Europe occidentale66

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Comme le montre le tableau supra, les montants versés par le MAEDI sont en augmentation presque constante depuis 2009. Cette tendance haussière ne devrait que se confirmer dans l’avenir : une étude du Comité de coordination sur les rémunérations67, qui dépend de la coordination des organisations internationales concernées, a estimé que le coût de l’ajustement fiscal devrait doubler en 20 ans du fait de l’augmentation des départs en retraite, et sans même intégrer l’accroissement de l’espérance de vie.

Cette mesure pourrait, ainsi, à répartition constante des anciens agents dans leurs pays de résidence, générer près de 20 M€ de dépenses pour le MAEDI en 2035.

2 - Une action déterminée de la France pour tenter de réduire l’ajustement fiscal

Depuis 2012, la France a pris position pour l’abolition progressive du mécanisme de l’ajustement fiscal. Elle souligne que les anciens fonctionnaires de l’ONU sont soumis au droit commun de la fiscalité, sans pour autant bénéficier du mécanisme de l’ajustement fiscal, et que les retraités des organisations internationales perdent leurs avantages et leur statut de fonctionnaires internationaux une fois qu’ils sont pensionnés. Elle rappelle, également, que les agents retraités peuvent choisir librement le lieu de leur résidence, notamment en fonction de la fiscalité à laquelle ils doivent se soumettre.

La France a fait valoir cette position dans les conseils de toutes les organisations. Cette action a porté ses fruits puisque le Conseil de l’Europe a adopté un nouveau régime de pensions, entré en vigueur le 1er avril 2013, en supprimant l’ajustement fiscal pour ses nouveaux agents.


65 Note CCR/CRSG/CRP/WD(2014)21 du 10 juillet 2014 du Comité de coordination sur les rémunérations (dépendant de la coordination des organisations) portant avis juridique sur l’abolition progressive de l’ajustement fiscal.

66 Cette organisation internationale a été dissoute au mois de juin 2011, mais l’ajustement fiscal pour ses anciens agents installés en France continue d’être payé.

67 Note CCR/CRSG/CRP/WD(2014)22/ADD1 du 20 octobre 2014 sur l’évolution de l’ajustement fiscal pour les pensionnés.


En juin 2014, la France, avec l’appui de la Belgique, a proposé une réduction progressive du taux actuel (50 % des pensions) à raison de 1 % par an, à partir du 1er janvier 2021, jusqu’à atteindre un taux de 15 %.

Cette position a également été défendue en 2015, mais seuls quelques pays l’ont soutenue (Royaume-Uni, Pays-Bas, Italie et Espagne), de nombreuses délégations estimant que les risques de contentieux étaient importants. En effet, la jurisprudence du tribunal administratif du Bureau international du travail est très protectrice et une remise en question de ce droit pourrait engendrer des contentieux potentiellement coûteux pour les États. Pour leur part, le comité des représentants du personnel et les organisations coordonnées, au premier rang desquels se place l’OCDE, ont catégoriquement rejeté cette proposition.

Les négociations engagées par le MAEDI sur le mécanisme de l’ajustement fiscal montrent la prise en compte par ce ministère des enjeux budgétaires liés aux engagements internationaux de la France. Elles confirment sa capacité à se mobiliser pleinement sur les dépenses qui n’apparaissent pas soutenables à plus ou moins long terme.

C - La dynamique des contributions à la justice pénale internationale

La justice pénale internationale compte, durant la période sous revue, six juridictions. Leurs règles de fonctionnement diffèrent entre elles tout comme leur rapport avec l’ONU. Les contributions françaises représentent un coût moyen sur la période de 25 M€ par an au profit des institutions suivantes :

- les trois juridictions ad hoc qui font partie du système des Nations Unies : le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), créé en 1993 et siégeant à la Haye68 ; le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), créé un an plus tard, qui siège à Arusha, en Tanzanie69 ; le Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux (MTPI), chargé d’achever les travaux des deux institutions provisoires précédentes ;

- la Cour pénale internationale (CPI), indépendante de l’ONU ;

- les tribunaux hybrides70 : le tribunal spécial pour le Liban (TSL), le tribunal Khmers Rouges (TKR) et le tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL).

Depuis quelques années, le MAEDI envisage la question de la justice pénale internationale non plus comme une collection de cas particuliers mais comme un tout. Cette position permet de suivre de manière plus efficace les trajectoires financières et de pratiquer, lors des négociations, une sorte de fongibilité entre les différentes dépenses.


68 Il a été institué par les résolutions 808 du 22 février 1993 et 827 du 25 mai 1993 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Depuis sa création, le Tribunal a mis en accusation 161 personnes. Les procédures sont closes en ce qui concerne 146 d’entre elles et se poursuivent pour les 15 dernières (quatre en première instance et 11 en appel). En février 2015, le TPIY employait 569 personnes de 69 nationalités différentes.

69 Il a été institué le 8 novembre 1994 par la résolution 955 du Conseil de sécurité agissant en vertu du chapitre VII de la Charte. Depuis 1995, il a mis en accusation 93 personnes. Il a terminé ses travaux en première instance et les a presque terminés en appel, à l’exception de la dernière affaire concernant six accusés, dont l’arrêt devrait être rendu en août 2015. Son mandat doit s’achever à la fin de l’année 2015.

70 Les juridictions dites hybrides ont un statut mixte. Formellement, elles s'adossent selon des modalités variables et complexes aux systèmes judiciaires nationaux, mais leur personnel est international et surtout, dans les faits, leur gestion a été prise en charge par le Secrétariat de l'ONU.


1 - Les juridictions ad hoc

Les deux tribunaux ad hoc, TPIY et TPIR, sont des organes subsidiaires au Conseil de sécurité. Leur organisation et leur fonctionnement relèvent donc exclusivement de l'ONU. Ils disposent d’un budget biennal, adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU).

Les dépenses des deux tribunaux sont imputées sur le budget ordinaire de l’ONU, et financées par des contributions obligatoires versées à l'ONU (en plus de la contribution au budget général). Une moitié des contributions est calculée sur le barème du budget ordinaire de l’ONU, la seconde selon le barème des OMP71.

La baisse des deux budgets biennaux s’explique par la fermeture programmée des deux tribunaux, ainsi que par le transfert progressif, au cours de l’exercice 2014-2015, de leurs activités au MTPI. Le mandat du TPIY devrait s’achever en 2016, le dernier arrêt devant être rendu au mois de juillet 2016.

Tableau n° 23 : le budget des tribunaux (en M USD)

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Pour 2015, la France se situe au 3ème rang des contributeurs du TPIY et du TPIR, derrière les États-Unis et le Japon. Sa contribution suit l’évolution des budgets : pour le TPIY, elle s’élève à 5,71 M USD en 2015 contre 5,7 M USD en 2013 ; pour le TPIR, les contributions sont de 2,8 M USD en 2015 contre 5,75 M USD en 2013.

Le MTPI, créé par la Résolution 1966 (2010) du Conseil de sécurité, est une structure chargée d’assurer graduellement les compétences, les fonctions essentielles, les droits et obligations du TPIY (depuis le 1er juillet 2013) et du TPIR (depuis le 1er juillet 2012)72. Depuis janvier 2015, le TPIY a entrepris d’y transférer ses dossiers judiciaires.

Le MTPI obéit aux mêmes règles de gouvernance budgétaires que les tribunaux. Le budget du Mécanisme pour l’exercice 2012-2013 était de 52 M USD et, pour l’exercice 2014-2015, de 117 M USD. La contribution française passe de 1,6 M USD en 2013 à 3,3 M USD en 2015.

Si l’augmentation de l’activité du MTPI résulte mécaniquement du transfert des dossiers des deux tribunaux ad hoc, à terme, son budget devrait être inférieur aux budgets cumulés du TPIY et du TPIR, dont l’activité devrait cesser prochainement.

2 - La Cour pénale internationale

Créée par le Statut de Rome en 1998, la Cour pénale internationale (CPI) est la première cour pénale internationale qui, siégeant de façon permanente, a pour mission de promouvoir la primauté du droit et d’assurer que les crimes internationaux les plus graves ne demeurent pas impunis73. Active à partir du 1er juillet 2002 (entrée en vigueur du Statut de Rome après sa ratification par 60 États), son siège se situe, comme la Cour internationale de justice, à La Haye mais, à la différence de celle-ci, la CPI n’appartient pas au système des Nations Unies.

Les dépenses de la CPI sont financées par les contributions des États parties, sur la base d’un barème de quotes-parts fondé sur celui du budget ordinaire de l’ONU74. En outre, la Cour peut recevoir des contributions volontaires.


71 Les tribunaux reçoivent également, mais de manière plus marginale, le soutien volontaire de différents États et d’agences compétentes sous forme de dons, d’équipement et de personnel gratuit (par exemple, ce type de financement représente 1 % du budget d’exploitation du TPIY).

72 Il exerce notamment des activités comme la protection des témoins, la recherche de suspects, la supervision de l’exécution des peines, l’assistance aux juridictions nationales et la gestion des archives. Il se compose de la Division de La Haye (Pays Bas) et de la Division d’Arusha (Tanzanie). La mise en place du MTPI permet la fermeture des deux premiers tribunaux ad hoc sans laisser place à l’impunité.

73 En janvier 2015, depuis l’adhésion de la Palestine, 123 États sont parties au Statut de la Cour. La France a ratifié le Statut de Rome le 9 juin 2000.

74 Elle ne relève pas du système de l'ONU. Cependant, elle peut être saisie par le Conseil de sécurité et son procureur rend périodiquement compte de son activité à cette instance et sollicite son appui.


La CPI (bureau du procureur) prépare le projet de budget. Il est examiné par le Comité du budget et des finances (CBF), qui se réunit deux fois par an. L'Assemblée des États parties (AEP) prend connaissance des recommandations du CBF et adopte le budget final. Le CBF est composé de douze membres élus par l’AEP. Le CBF semble témoigner d’une rigueur budgétaire et d’une impartialité qui vont dans le sens des positions françaises.

Le budget global de la CPI pour 2015 est de 130,66 M€, contre 115,12 M€ en 2013 et 121,65 M€ en 2014. Cette augmentation du budget pour l’année 2015 (7 % par rapport à 2014, contre 11,3 % demandés initialement par le bureau du procureur) trouve son origine dans le doublement de la charge de travail en trois ans. Elle ne devrait pas faiblir à moyen terme. La contribution française a augmenté ces dernières années, en passant de 9,8 M€ en 2013 à 10,5 M€ en 2014 et à 11,2 M€ en 2015. Avec une contribution représentant 8,89 % du budget, la France est, en 2015, le 3ème contributeur (4ème en 2014), devant le Royaume-Uni (10,3 M€), et derrière le Japon (21,7 M€) et l’Allemagne (14,3 M€).

Comme dans toutes les organisations internationales, la position française sur le budget de la CPI est celle de la croissance nominale zéro, appuyée en cela par les cinq autres principaux contributeurs – Japon, Allemagne, Canada, Royaume-Uni et Italie (formant le « G6 »). Cette position demeure minoritaire, voire décriée au sein de l’AEP. Le groupe des pays d'Amérique Latine et des Caraïbes (GRULAC), des ONG ainsi que des pays européens (Suisse, Belgique) sont fortement opposés au concept de croissance nominale zéro, qu’ils estiment attentatoire à l’indépendance de la Cour et susceptible de compromettre ses activités judiciaires.

Le budget de la construction des locaux permanents n’est pas intégré au budget de fonctionnement de la CPI. Les États doivent contribuer à leur financement en supplément de leur contribution au budget annuel de la CPI. Les coûts du projet semblent maîtrisés (195,7 M€ dont 184,4 M€ pour la construction et 11,3 M€ pour l’emménagement), mais la CPI a récemment fait état d’une augmentation du budget pour l’achèvement du chantier des locaux permanents de 8,8 M€, portant le total à 208,8 M€. La CPI devrait intégrer ses nouveaux locaux en décembre 2015.

3 - Les autres tribunaux

Le budget du tribunal spécial sur le Liban (TSL) dépend pour moitié (49 %) d'une contribution du gouvernement libanais, et pour l'autre moitié de contributions volontaires internationales. Ce budget - important comparé à celui des autres juridictions hybrides - est en hausse constante. La situation financière du tribunal est précaire, notamment du fait d'incertitudes récurrentes sur le versement de la contribution libanaise. Le TSL n'a rendu aucun jugement : la date de 1'ouverture du procès, initialement envisagée pour le début de l’année 2012, puis en mars 2013, a finalement eu lieu le 16 janvier 201475. Le mandat du TSL, qui devait expirer au mois de février 2015, a été reconduit pour une durée de trois ans, soit jusqu’en 2018.

Le tribunal Khmers Rouges (TKR) est financé par la partie cambodgienne (via l’aide bilatérale au développement) et par les contributions volontaires d’États membres de l’ONU. Il y a, par ailleurs, une garantie par le budget ordinaire de l’ONU en cas de financement volontaire insuffisant. Si la tendance budgétaire de ces dernières années est à la baisse, le TKR est en situation de crise financière chronique. Sa dissolution devrait être prononcée en 2019.

Le tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL), qui se trouve en situation de crise financière régulière, est financé sur contributions volontaires compensées par des aides exceptionnelles reçues de l’ONU à trois reprises76. Le TSSL n’a pas su tenir son budget 2012- 2013. Cependant, la juridiction a su mener sa mission dans des délais plus raisonnables que ceux de ses homologues. Son mandat s’est achevé en septembre 2013.

4 - Les facteurs de variations

Deux tendances contradictoires se dessinent : d’un côté, la décrue des charges consacrées aux juridictions ad hoc et de l’autre, la montée en puissance, pour son fonctionnement comme pour son immobilier, de la CPI (voir tableau de l’annexe n° 5).


75 Après seulement trois semaines d’exercice, le procès a été interrompu puis a repris le 18 juin 2014.

76 En 2004-2005 (13 M USD), 2010 (18 M USD) et en 2012 (14 M USD).


Si les tribunaux ad hoc sont tous programmés pour disparaître entre 2013 et 2019 et si le MTPI ne représentera qu’une charge résiduelle, le gain escompté pour la France, environ 12 M€, doit encore être consolidé. Mais la lenteur des procédures est un facteur de pérennisation d’autant plus important que l’aboutissement d’une affaire l’emporte, in fine, sur tout autre argument. À cela s’ajoute la capacité de ces instances à prolonger leur existence par divers moyens de pression. La création de nouvelles juridictions ad hoc constituerait un facteur d’augmentation de coût aussi décisif qu’imprévisible. Parmi les facteurs potentiels de moindre dépense, il faut compter l’augmentation du nombre d’États parties ou l’évolution à la baisse des quotes-parts.

À l’inverse, le coût de la CPI ne diminuera pas, du fait de l’augmentation des affaires suivies et des coûts immobiliers. Le recours à la CPI s’affirme de plus en plus77. La justice pénale internationale est, par nature, plus coûteuse que les autres juridictions internationales du fait que certaines enquêtes exigent une longue présence sur des terrains parfois hostiles. Ce facteur de coût est difficile à anticiper. Il en va de même pour les délais de procédures inspirés de la common law.


77 Y compris pour des États non parties, via le Conseil de sécurité.


Au total, la CPI, conformément à son traité fondateur, doit être considérée comme la juridiction de référence. Son existence est de nature à permettre de concevoir une meilleure mutualisation des moyens apportés aux juridictions pénales internationales. Au demeurant, le contrôle des dépenses par les contributeurs ne porte pas atteinte par lui-même à la règle de l’indépendance des juridictions, qui ne concerne que l’exercice des fonctions juridictionnelles.

D - Les contributions volontaires aux organisations internationales compétentes en matière de développement, d’aide humanitaire et de droits de l’homme

À côté des contributions obligatoires, la France verse des contributions volontaires à des organisations internationales. Elles sont retracées dans une sous-action de l’action 5 « coopération multilatérale » du programme 209 – Aide au développement. Deux autres sous- actions décrivent les dépenses à destination versées à la francophonie et au fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. De plus, certaines contributions à des organisations humanitaires ou de développement sont versées à partir du programme 105, à l’image de celles destinées au CICR (7 M€) ou au PNUE (4,55 M€).

Les contributions volontaires représentent un volume budgétaire en décroissance continue depuis 2007.

Tableau n° 24 : l’évolution des contributions volontaires, action 5 du programme 209, 2007-2014en M€

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Toutefois les montants en cause doivent être rapportés au poids très important que représente au sein du budget du MAEDI la contribution volontaire au fonds mondial contre le sida.

Le fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme

Le fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (FMLSTP) est une institution financière multilatérale, indépendante de l’ONU, qui a été créée en 2002.

Défini par la présidence de la République, le niveau contributif de la France a régulièrement augmenté depuis 2002 (50 M€) jusqu’en 2010 (300 M€). À partir de 2011, la contribution française s’est stabilisée à 1 080 M€ par période de trois ans, soit 360 M€ par an. L’engagement actuel court jusqu’en 2016. Sur cette base, la France est le deuxième contributeur mondial du FMLSTP (12,5 % du total annuel) et dispose, grâce à cet effort, d’un siège d’administrateur.

La stabilité pluriannuelle de la contribution résulte, depuis 2011, d’une capacité de financement mixte. En effet, afin de compenser la décrue des crédits budgétaires du programme 209 et pour garantir le niveau de la contribution, des financements extrabudgétaires ont été mobilisés à partir du fonds de solidarité pour le développement (FSD), en particulier grâce à la taxe de solidarité sur les billets d’avion et à la taxe sur les transactions financières. En 2014, ces ressources extrabudgétaires abondent pour moitié la dotation de 360 M€.

Le choix de la France d’attribuer une contribution volontaire d’un tel montant à une seule institution n’est pas sans conséquence sur sa participation financière aux autres organisations internationales. Cependant, il convient de noter qu’elle contribue, par le truchement du FMLSTP, à certains projets de santé mis en œuvre par des agences du système de l’ONU. Ainsi, le PNUD a reçu 420 M USD de la part du FMLSTP en 2014, soit une contribution indirecte de la France de 53 M USD. Ce montant est quatre fois supérieur à celui de la contribution volontaire inscrite au programme 209, mais il n’est jamais compté comme tel dans les ressources du PNUD.

Comme le montre le tableau suivant, quatre organisations sur 20 mobilisent 77 % des crédits ici analysés. D’une manière générale, la France se situe en queue de peloton des vingt premiers contributeurs, très éloignée en cela d’un pays comparable comme le Royaume-Uni. Ce rang, qui tranche avec la position occupée par la France dans le financement de l’ONU, doit être tempéré par l’exception que constitue la dotation annuelle versée au fonds mondial de lutte contre le sida, soit 360 M€. En prenant en compte cette contribution, la France occupe à peu près la onzième place dans le classement des contributeurs.

Tableau n° 25 : la liste des organisations bénéficiaires en 2012 relevant de l’action 5 du programme 209

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Ces données montrent que l’essentiel des contributions volontaires, hors fonds mondial de lutte contre le sida, va au HCR. Si cet effort traduit une volonté explicite de la France, il n’en va pas de même s’agissant de la deuxième contribution, destinée au PNUD. Les 13 M€ consacrés à cette organisation placent en effet la France à un rang contributif particulièrement faible.

1 - Des priorités qui ne se traduisent pas nécessairement dans les financements

La France accorde un soutien de principe à l’action humanitaire et au rôle de l’ONU dans ce domaine. Elle est à l’origine de la réforme humanitaire des Nations Unies de 2005, qui a confié au Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires (BCAH) un rôle pivot dans le système humanitaire des Nations Unies78. La DNUOI mène un dialogue institutionnel, politique et budgétaire avec les agences des Nations Unies intervenant dans le domaine de l’action humanitaire ainsi qu’avec les mouvements de la Croix Rouge et du Croissant Rouge. En 2013, 36,26 M€ ont été versés pour le financement de l’action humanitaire aux fonds et programmes, aux agences des Nations Unies et au CICR.

Les données financières se stabilisent et correspondent, peu ou prou, à des dotations reconduites d’année en année79.

Si la France maintient un dialogue technique et politique renforcé avec les agences humanitaires, elle ne fait plus partie de leurs plus grands bailleurs. Elle pèse davantage sur leur gouvernance, en sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité et grâce à sa capacité d’influence politique que par le montant de ses contributions.

Lorsque les statuts des organisations fixent des seuils de représentativité, le MAEDI se donne pour objectif de consentir l’engagement financier lui permettant d’atteindre la limite statutaire d’accès aux groupes de travail. Ceux-ci, parfois informels mais très influents, permettent aux États contributeurs et aux organisations d’échanger sur leur stratégie et leurs orientations budgétaires (Donors’ support group du CICR, Comité exécutif du HCR, Comité consultatif de l’UNRWA). Dans d’autres cas, comme pour ONUFEMMES ou l’UNICEF, la France se porte candidate aux élections soumises au vote de l’Assemblée générale, souvent avec succès. Parfois, la France est membre du groupe des grands contributeurs alors qu’elle n’en fait pas partie, comme au BCAH.


78 En effet, le BCAH est chargé de la mise en place d’une coordination sectorielle (clusters), de l’amélioration du financement pour les crises par le biais du Central emergency relief fund (CERF) et de la création d’un réseau de coordonnateurs de l’action humanitaire. La France soutient également les travaux engagés dans le cadre du « Transformative agenda » afin d’améliorer la réponse humanitaire d'urgence multilatérale.

79 17,8 M€ au HCR ; 7,5 M€ au CICR ; 6 M€ à l’UNRWA ; 3,41 M€ à l’UNICEF ; 1 M€ au BCAH ; 0,55 M€ au FNUAP.


Une autre manière de replacer les contributions volontaires en perspective, est de les situer dans les contributions totales de la France à un programme de l’ONU. Les dotations versées à ONUFEMMES par exemple, sont plus consistantes que les seules contributions volontaires du programme 209. Celles-ci, 0,4 M€ en 2014 et 0,4 M€ en 2015, placent la France dans le bas du classement des contributeurs. C’est oublier que le financement de ce programme (dont le budget est de 340 M USD en 2013-2014) est constitué, en partie, par une dotation du budget ordinaire de l’ONU (7 M USD par an, soit, pour la France, 0,4 M€, mais non « attribuable » dans les états financiers). C’est méconnaître, surtout, la part prise par la France, via le fonds français Muskoka (pour la santé de la mère et de l’enfant), qui s’élève à 1 M€ par an depuis 2011 (0,7 M€ à partir de 2015) et le programme sur la violence aux femmes (1 M€)80. Le total général de la contribution française, porté à 2,2 M€, est ainsi nettement supérieur aux seules contributions volontaires. Il appartient à l’organisme de présenter la contribution française sous une double valorisation, ce que ne fait pas ONUFEMMES. Cependant, UNICEF procède par une double colonne de ressources. Cette dernière organisation, consacrée au bien-être et à la survie des enfants, a reçu 3,4 M€ en 2014 en contributions volontaires du programme 209. Celles-ci n’ont cessé de baisser depuis 2007, la décrue ayant été compensée, à partir de 2011, par le fonds français Muskoka (8 M€ par an).

Il importe que le MAEDI veille à ce que les agences fassent apparaître dans leurs états financiers les éventuels doubles financements français.

Tableau n° 26 : les contributions françaises à l’UNICEF, en M USD

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Le tableau ci-dessus montre comment la ressource est restée relativement stable en combinant deux contributions à l’évolution inverse. Il reste à savoir comment la France pourra poursuivre un tel effort, le fonds Muskoka n’étant pas pérenne.

La limitation des contributions françaises est à mettre en rapport avec la croissance exponentielle des besoins, anciens ou nouveaux (Irak, Syrie, Soudan du Sud, Yémen, RCA, crise nigériane, Afghanistan, Somalie, Sahel, etc.) qui place le système humanitaire des Nations Unies face à une grave crise financière sans précédent. Depuis 2012, les besoins humanitaires à couvrir ne cessent de dépasser les records précédents (6,5 Md USD pour le HCR ou 1,38 Md USD pour le CICR). Les Nations Unies souhaitent revoir l’architecture du système et élargir leurs sources de financement auprès de nouveaux bailleurs, comme les pays du Golfe, mais également vers des modalités de financement innovantes (partenariats avec le secteur privé). La France apporte son soutien à ces initiatives.

2 - Une répartition des crédits sans véritables critères d’évaluation

Le Royaume-Uni a établi un tableau de résultats des organisations soutenues, à partir desquelles le Department for International Development (DfID) peut réguler ses contributions. Cette politique, dite multilateral aid review, entamée en 2011 et actualisée en 2013, permet à ce pays de calculer ses contributions en fonction d’objectifs atteints et de progrès enregistrés. Une telle pratique n’est pas hors de portée du MAEDI. Elle pourrait s’étendre à l’ensemble des organisations internationales dont il est membre. Un tel exercice permettrait de poser des conditions de présence, d’évaluer les avantages d’une sortie et de mieux employer les crédits en les redirigeant vers les organisations les plus efficaces.

La sortie de la France de l’ONUDI, en 2013, a permis de dégager une économie de 6 M€ par an. Il convient, si un tel exemple devait être reproduit, de peser les avantages et les inconvénients de l’économie dégagée permettant des redéploiements comparée au coût politique éventuel. Il n’appartient pas à la Cour des comptes de prendre position mais de souligner l’utilité d’un arbitrage approprié en ce domaine.

Ainsi, le MAEDI dispose d’un système d’évaluation du fonctionnement des organisations mis en place en 2013, mais il constitue bien plus un outil de pilotage des échanges avec ces organisations internationales et les représentations permanentes qu’un moyen objectif d’arbitrer le montant des contributions volontaires81.

En accordant au fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme près de sept fois ce qu’elle accorde aux autres, la France est conduite à verser des petites contributions au plus grand nombre possible d’organisations.


80 Cette contribution est gérée par la DGM.

81 Ceci tient notamment au fait que le MAEDI ne peut, en l’état actuel de ses ressources, y consacrer que très peu d’effectifs, à la différence du DfID qui charge plusieurs dizaines de personnes de conduire sa multilateral aid review.


La présence de la France dans ces institutions reste en tout état de cause liée à sa capacité de paiement. Cette stratégie de présence à moindre coût expose la France au risque de devoir diminuer sa participation à des fonds ou organismes jusqu’à un seuil d’un montant purement symbolique et sans portée véritable.

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Les contributions versées par le MAEDI varient selon des facteurs touchant à l’activité des organisations internationales. Leurs charges de fonctionnement, tels que les charges de personnel et les dépenses immobilières, ou les charges directement imputables aux États membres, comme l’ajustement fiscal, représentent une part très significative de leurs coûts. Ils constituent un sujet de préoccupation majeur pour le MAEDI, qui ne ménage pas ses efforts pour les contenir et connaît, en la matière, des succès réels mais limités. Au-delà de ces coûts, les évolutions des barèmes fixant la quote-part des contributions des États au budget ordinaire de l’ONU, aux OMP et à la plupart des agences sont déterminées par des négociations complexes. Le statu quo de la méthodologie de calcul constituerait aujourd’hui, par défaut, un succès pour le MAEDI qui serait, ainsi, parvenu à faire opposition aux propositions les plus défavorables aux intérêts français.

La situation et la sécurité internationales jouent, elles aussi, un rôle dans l’évolution des contributions : la multiplication des OMP ou l’accroissement des missions des MPS constituent un puissant accélérateur de dépenses.

Enfin, les transformations du champ d’activité de certaines organisations, comme les tribunaux pénaux internationaux, ou des choix politiques en termes de soutien financier dans certains domaines, tels que l’humanitaire, ont une incidence moindre sur le montant des contributions. Dans ce cadre contraint, et sans méconnaître la dimension politique du maintien de la France au sein de ces organisations, la France s’expose à un risque de saupoudrage.

Dans ces conditions, la Cour formule les recommandations suivantes :

4. au-delà des actions destinées à contenir les diverses demandes concernant les missions politiques spéciales, renforcer leur suivi en veillant, lors des négociations multilatérales, à porter une analyse critique sur leur nombre et leur efficacité ;

5. encourager l’accélération des procédures de retrait pour les trois OMP programmées en ce sens ;

6. mettre au point, dans le mécanisme de suivi budgétaire du MAEDI, un système d’anticipation à moyen terme, afin de disposer de perspectives de soutenabilité du budget consacré aux OMP et de formuler clairement les objectifs du ministère ;

7. au sein des instances de gouvernance, encourager fermement les organisations internationales à soutenir leurs projets immobiliers par des financements alternatifs aux contributions nationales ;

8. mettre en place, au-delà de l’outil existant portant sur la gouvernance, une évaluation précise et complète de la performance des organisations internationales bénéficiaires de contributions volontaires qui permette, sans méconnaître l’importance du choix politique, de construire des priorités au regard de critères objectivables.

Chapitre III

Les actions de pilotage des contributions internationales

Le MAEDI exerce un pilotage et un suivi des dépenses engagées au profit des organisations internationales, principalement à travers l’action de sa direction des Nations Unies et des organisations internationales (DNUOI) et des représentations permanentes de la France. S’il a su, par son action, pallier certains défauts des OMP, il lui reste encore des défis à relever en termes d’évaluation de la performance.

I - La qualité du pilotage et du suivi mis en place par le MAEDI

L’essentiel du pilotage de l’action de la France vis-à-vis des organisations internationale est confié à la DNUOI. Elle constitue une importante composante de la direction générale des affaires politiques et de sécurité (DGAPS). La DNUOI reçoit le concours de la direction générale de l’administration et de la modernisation (DGAM) et, au sein de cette dernière, de la direction des affaires financières (DAF). Les représentations permanentes auprès des organisations internationales constituent le bras armé de la DNUOI.

A - Un suivi budgétaire et comptable satisfaisant

1 - Le suivi budgétaire

Lors de son précédent contrôle, la Cour avait souligné l’absence d’une vision claire, cohérente et exhaustive des états de suivi.

Dans cette perspective la DNUOI s’est dotée, à compter de 2009, d’une sous-direction des affaires économiques et budgétaires (DNUOI/EB) plus particulièrement chargée de mieux contrôler le budget des contributions internationales, de développer une expertise « système », de former et piloter au niveau interministériel les contributions internationales et de renforcer la diplomatie économique et des territoires.

Dans le cadre de cette nouvelle dynamique, un pôle « affaires budgétaires et évaluation des organisations internationales » a développé conjointement avec la DAF un tableau de suivi pour optimiser la planification de la budgétisation et du règlement des contributions internationales. Les instruments de suivi n’appellent plus de commentaires critiques.

Le tableur établi par la DNUOI, régulièrement mis à jour, permet de disposer d’une vision exhaustive des contributions internationales versées au titre des programmes 105 et 209. La fiabilité de ses données a pu être mesurée, notamment en exécution, par un croisement avec les données extraites de CHORUS depuis 2011 sans faire apparaître d’écarts significatifs au regard des volumes financiers concernés.

Toute amélioration ou approfondissement du suivi budgétaire au sein de la DNUOI à Paris supposerait une augmentation de l’effectif actuel, qui n’est que de deux personnes. Une analyse comparée avec les organisations adoptées par l’Allemagne, le Royaume-Uni et le Japon (voir annexe n° 4) montre que les équipes de diplomates chargés des questions budgétaires et financières sont plus fournies dans ces trois pays qu’en France.

2 - La cartographie des risques

Les travaux de la Cour sur l’évaluation du contrôle interne et de la qualité comptable ont récemment montré que la cartographie des risques mise en place par le MAEDI dans le cadre de son contrôle interne est un outil de qualité82. La sous-direction DNUOI/EB et la DAF, de façon concertée, ont sécurisé les procédures de contrôle interne, qu’elles maîtrisent désormais de manière satisfaisante.

La carte des risques fait l’objet de mises à jour régulières, de même que le plan d’action (peu de risques majeurs sont identifiés). De la même façon, les contrôles de supervision ont été menés, au rythme de deux fois dans l’année, pour les contrôles d’habilitation, sur le service fait et sur la qualité comptable des engagements juridiques.

Avec cette cartographie des risques, le ministère dispose d’un instrument fiable, ordonné et structurant. Si des améliorations sont encore possibles, par exemple pour le plan d’action, la cartographie constitue un acquis pérenne.

B - Des équipes professionnelles

1 - Des équipes sensibilisées aux questions budgétaires et financières

Alors que de nombreuses représentations européennes à l’ONU s’en tiennent, dans leurs interventions publiques, à des considérations politiques et stratégiques, la France a su, depuis longtemps, mettre en avant l’importance des questions budgétaires et financières grâce à la qualité des équipes de la représentation française à New York.

La ligne de défense du MAEDI est constante et connue de tous ses partenaires : dans le cadre de l’effort national de maîtrise des dépenses, il promeut systématiquement la croissance nominale zéro de tous les budgets et dans toutes les négociations ou instances multilatérales.

Dans le cadre des négociations relatives au barème, le MAEDI s’est fixé une obligation de moyens en multipliant les rencontres informelles – souvent efficaces pour créer du consensus – et en participant activement aux réunions des organes de l’ONU. La mise au point d’outils de calcul sophistiqués pour les projections multiparamétrées lui permet de construire des scenarii crédibles et de traiter d’égal à égal avec les meilleurs experts d’autres pays membres permanents du Conseil de sécurité.


82 Note d'évaluation du contrôle interne – Ministère des affaires étrangères (MAE) – Exercices 2013 et 2014.


Quelques exemples de l’action de la diplomatie française

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Pour 2014-2015, le budget ordinaire de l’ONU passe de 5 530 M USD à 5 758 M USD, dont 104 M USD au titre de la mission de lutte contre le virus Ebola. Sur cette dernière, la France est parvenue à repousser la création d’un compte séparé, afin d’éviter de faire prospérer l’idée d’un compte séparé pour le budget des MPS (cf. supra).

- Un effort comparable est observable dans les difficiles négociations relatives au budget des OMP. Au mois de juin 2014, les négociations relatives au budget des OMP ont abouti à une baisse de celui-ci. C’est le résultat des efforts de la France et de ses partenaires au sein du Conseil de sécurité. L’impact budgétaire sur 2014-2015 est estimé à 220 M USD, soit plus de 100 M USD d’économies supplémentaires par rapport à ce qui a été obtenu pour le budget 2013-2014.

- En juin 2015, le budget des OMP 2015-2016, initialement proposé par le Secrétaire général à 8,5 Md USD, a été ramené à 8,3 Md USD. La réduction, de 225 M USD, obtenue en limitant les dépenses de carburant et en proposant un taux de change réaliste, a été assurée au moins pour moitié par l’intervention de la partie française. Cet événement récent illustre la posture continûment offensive des diplomates français, à Paris, New York ou Genève, et que l’abondante documentation réunie par la Cour des comptes confirme pleinement.

-
La France et les autres grands contributeurs financiers ont également obtenu que les nouvelles primes incluses dans le paquet du SAG relatif aux remboursements des unités de casques bleus (primes de risque et de mise à disposition des multiplicateurs de force, cf. supra), ainsi que le surcoût budgétaire de la revalorisation du taux de remboursement des équipements de contingents (représentant respectivement 75 et 21 M USD pour l’ensemble du budget des OMP), soient financés dans le cadre des budgets adoptés.

- Les dépenses concernant les services de transport aérien constituent une part très importante (près de 21 %) des dépenses de la division des achats de l’ONU puisqu’elles s’étaient élevées à plus de 670 M USD en 2013. Depuis bien des années, la Russie emportait près de 90 % des marchés de transports aériens à long terme, soit entre 450 et 500 M USD par an. Il y a une dizaine d’années, une initiative a donc été lancée par d’autres pays contributeurs, dont la France, pour ouvrir le marché aérien, alors que la Russie s’y était toujours opposée. Au mois de juin 2014, une première étape vers l’ouverture est intervenue. En effet, l’organisation a lancé un projet pilote d’appel d’offres de service aérien au Congo selon une procédure innovante, nommée « request for proposals » (invitation à soumissionner), rétablissant l’équité entre les concurrents, et ayant généré 22 propositions contre cinq en moyenne dans les appels précédents. Capitalisant sur cette expérience, la France a souhaité en faire la méthode préférentielle de passation de marché dans le domaine des transports aériens. Après des discussions au sein de la cinquième commission83, une résolution a retenu cette nouvelle méthode de passation des marchés d’affrètement aérien, ce qui a constitué une véritable ouverture des appels d’offres à la concurrence et, à terme, un gain de budget et d’efficacité important à attendre pour les OMP. Il s’agit de la première modification, depuis sept ans, du système d’achats des Nations Unies, ce qui constitue un succès pour la diplomatie française.

- Le canton de Genève accueille une trentaine d’organisations internationales qui, en 2013, ont dépensé plus de 5,51 Md CHF, dont plus de la moitié (2,9 Md CHF) en Suisse84. La représentation permanente de la France auprès des Nations Unies à Genève s’efforce de capter certaines retombées positives de la Genève internationale en offrant son soutien aux territoires français limitrophes, les départements de l’Ain ou de la Haute-Savoie, la région Rhône-Alpes et le pôle Lyon, et en promouvant leur attractivité auprès des organisations internationales. C’est ainsi, par exemple, qu’un accord a été signé, au mois de février 2014, entre l’Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR) et l’agglomération d’Annemasse consacrant une implantation de l’ONU en territoire français. De même, le pôle biomédical de Lyon offre un soutien au bureau de l’OMS à Lyon qui est chargé de la surveillance des épidémies.




83 Compte rendu AG/AB/4148 de la réunion de la cinquième commission du 9 mars 2015.

84 Bulletin d’informations statistiques de Statistique Genève, n° 2, janvier 2015.


L’examen des frais de déplacements de la DNUOI a permis de s’assurer que la plupart de ses membres mènent fréquemment des missions de terrain, au sein des OMP ou dans les organisations internationales, ce qui accroît sensiblement leur maîtrise des dossiers. Ils sont également très sollicités en vue de représenter la France dans les instances de gouvernance ou lors des négociations internationales.

Le MAEDI ne dispose cependant pas d’une « filière » multilatérale organisée, au sein de laquelle les questions budgétaires et financières pourraient recevoir la place qu’elles méritent, tant le coût d’entrée dans ces matières est élevé.

2 - Le pilotage de terrain

À l’occasion du déploiement de la MINUSMA, la DNUOI a innové en plaçant au sein de l’ambassade de France au Mali un diplomate chargé de suivre au plus près le dossier de cette OMP. La dimension politique n’est pas absente de sa mission, dont l’essentiel est cependant de couvrir l’ensemble des problématiques d’une OMP, logistiques, financières, militaires, humanitaires, etc. Le résultat de cette affectation ad hoc a été particulièrement probant et a permis à la DNUOI autant qu’à la représentation française à New York de disposer d’éléments d’information de première main et d’un relais d’influence manifeste. Une feuille de route bien établie a permis de délimiter les attributions respectives de ce diplomate et de l’attaché de défense.

S’il n’est pas envisageable de généraliser ce suivi de terrain à l’ensemble des OMP, il serait bénéfique de le dupliquer auprès des OMP les plus lourdes et des MPS les plus importantes. Par ailleurs, le ministère de la défense, notamment à travers l’état-major des armées, assure un suivi des OMP, sous leur aspect strictement militaire, mais aussi financier. Il entretient également des contacts avec les 48 militaires français en poste dans les OMP. Pour sa part, la direction générale pour les relations internationales et la stratégie (DGRIS), récemment créée au sein du ministère de la défense, est appelée à fédérer l’ensemble des positions adoptées au sein du ministère de la défense. Elle entretient des relations suivies avec la DNUOI et les autres grandes composantes du ministère de la défense.

II - La notion de performance d’une OMP

Si l’on définit la notion de performance comme l’ensemble des démarches qui articulent entre elles les moyens, les résultats, les objectifs, la gouvernance et la vision de l’avenir, les OMP font l’objet, depuis de nombreuses années, de critiques qui relèvent toutes de ce registre. De nombreux rapports, destinés à diagnostiquer les causes des difficultés et à proposer des réformes, sont régulièrement publiés85. En 2014, le Secrétaire général de l’ONU a mandaté un nouveau groupe de travail en vue de lui proposer un nouvel élan pour les OMP86.


85 Parmi les rapports encore présents dans la mémoire collective : Le Rapport du groupe d’étude sur les opérations de maintien de la paix, dit, « rapport Brahimi », du nom du président du panel, publié le 20 août 2000. Ses recommandations ont fait l’objet d’une résolution spécifique (1327) du Conseil de sécurité. Egalement : « Un partenariat renouvelé : définir un nouvel horizon pour les opérations de maintien de la paix des Nations Unies », juillet 2009, Département des opérations de maintien de la paix et Département de l’appui aux missions. Ce document, aussi connu sous le titre ramassé de New Horizon, est une note de travail des deux secrétaires généraux adjoints, Alain Le Roy et Susana Malcorra. Elle ne constitue pas une prise de position officielle des Nations Unies ou du Secrétaire général.

86 Report of the High-level Independent Panel On United Nations Peace Operations, Uniting our strengths for peacepolitics, partnership and people, 16 juin 2015, présidé par M. Jose Ramos-Horta. Ce rapport propose de nombreuses réformes, qui devraient donner lieu à des décisions exécutives à la fin de l’année 2015. Il contient un très grand nombre d’observations et de propositions judicieuses, mais il est impossible d’anticiper sur les choix qui en découleront.


Les principales problématiques ressortent comme suit.

L’analyse de l’efficacité doit reposer sur une définition normée et quantifiée des objectifs, ce qui est rarement le cas. Les fortes contraintes du consensus, le poids de la négociation permanente et les relations avec les pays hôtes ne facilitent pas la définition objectivée des buts à atteindre.

Nombre de critères permettant d’apprécier la performance sont sujets à controverse. S’il est possible de mesurer les intrants – quantité des troupes, montant des contributions financières, durée de la mission – les résultats attendus sont difficiles à apprécier par manque de données tangibles : retour à la paix, retour des réfugiés, implantation durable de la démocratie, développement économique, etc. De plus, certains éléments décisifs pour l’atteinte des objectifs ne dépendent pas de l’ONU, mais de conditions politiques et sociales locales dont certaines sont plus vertueuses que d’autres.

Les données chiffrées doivent aussi donner lieu à interprétation. Si l’on sait combien de militaires ont été déployés sur un théâtre d’opération, il est plus difficile d’estimer combien il en aurait fallu. Il en va de même pour les contributions financières, toujours revues à la baisse, sans que le souci d’économies soit nécessairement un gage d’efficacité ou d’efficience de l’OMP.

Diverses difficultés entravent l’accomplissement des missions des OMP. Sur le terrain, ces errements se cumulent et se renforcent mutuellement en affectant la performance des OMP.

A - La complexité des mandats

Une des difficultés les plus visibles réside dans la nature des mandats, qui fondent juridiquement le lancement d’une OMP et ne cessent jamais d’être renouvelés, soit en des termes identiques aux précédents, soit en vue de prendre acte de changements dans le volume et la nature de l’OMP. Les mandats sont trop nombreux87 et la plupart fixent à chaque OMP un catalogue de missions pouvant dépasser la vingtaine de points différents, voire plus, ce qui rend le plus souvent ces mandats inapplicables88. C’est la raison pour laquelle le DOMP, mais également certains États membres, ont lancé, depuis quelques années, le principe des revues stratégiques des OMP. Dans la plupart des cas, ces revues de terrain analysent sans complaisance l’état des besoins et les économies réalisables. Elles proposent moins souvent une reformulation stratégique des mandats.

De son côté, le Conseil de sécurité promeut désormais la progressivité des mandats, qui, courant sur plusieurs semestres, sont désormais conçus sur un mode de séquençage : les mandats initiaux, loin de vouloir couvrir l’ensemble du spectre d’une OMP multidimensionnelle, procèdent par étapes. Cette nouvelle méthodologie, qui n’a été mise en œuvre que pour la seule MINUSCA, évite que des effectifs trop nombreux soient implantés dès les débuts d’une opération, au risque de rester désœuvrés pendant de longs mois. L’effet bénéfique de la progressivité sur les dépenses d’une OMP est également recherché.

Au plan politique et opérationnel, le séquençage donne une lisibilité nouvelle aux opérations et confère aux responsables de terrain un outil de pilotage plus adapté et disposant de marqueurs quantifiables. Il vient en complément des revues stratégiques.

La France a pris une part importante dans la conception de cette nouvelle approche, qu’il convient sans doute de systématiser pour l’avenir. Une telle piste est d’autant plus positive que les mandats sont le fondement de toute analyse des résultats.

B - L’adaptation des troupes aux nouveaux conflits

Les troupes sont au cœur du dispositif des OMP. On peut les envisager sous trois angles : la disproportion de la répartition des pays contributeurs de troupes, la difficile montée en puissance des OMP et l’adaptation des unités aux circonstances.


87 Les mandats de l’ONU, dans tous les domaines, représentent un stock de 9 000 documents, dont certains, sans doute en grand nombre, sont obsolètes ou redondants. Une revue de cette masse de mandats a déjà été demandée par certains États membres (en 2005 et 2013 notamment), dont la France, sans succès, faute de consensus sur les mandats à éliminer.

88 « Un partenariat renouvelé : définir un nouvel horizon pour les opérations de maintien de la paix des Nations Unies », juillet 2009, DOMP et DAM, p. 10 : « En même temps, les tâches des missions se sont multipliées. Le mandat de la mission des Nations Unies en République démocratique du Congo, par exemple, compte au moins 45 tâches différentes ».


1 - Le partage des tâches

Dans un contexte d’effectifs croissants, en concurrence avec d’autres opérations de maintien ou d’imposition de la paix (Union africaine, Union européenne, OTAN)89, l’ONU doit affronter la question cruciale du recrutement des casques bleus, activité consommatrice d’énergie pour les dirigeants de l’institution90.

La répartition des pays contributeurs de troupes est un puissant facteur de tensions. Comme le constate le Secrétaire général en 2011, trois groupes de pays se sont réparti la tâche : les décideurs, les payeurs et les contributeurs en troupes91. Cette division du travail est porteuse d’impacts négatifs sur les opérations92.

Tableau n° 27 : les 32 premiers pays contributeurs au 31 janvier 2015

[A consulter dans le fichier word ou pdf joint]

Au cours des dernières décennies, deux catégories d’États se sont partagé la tâche : les pays occidentaux (Western Europeans and Other Groups, les WEOG) sont les financeurs ; les pays du Sud (Global South) sont les fournisseurs de ressources humaines, écartés, la plupart du temps, du processus décisionnel. Ainsi, en 2011, les WEOG ne participaient qu’à hauteur de 8 % des troupes sous drapeau de l’ONU, Liban compris. Cette participation tombait à 0,7 % pour les OMP en cours sur le continent africain93.

En 2010, à la suite du rapport New Horizon Initiative, le comité spécial de l’Assemblée générale pour les OMP a demandé au Secrétaire général de proposer des mesures correctrices94.

Trois objectifs étaient définis : (1) demander aux pays à faible taux contributif (moins de 40 militaires pour l’ensemble des opérations) de passer au statut de contributeur majeur (plus de 2 000 militaires) ; (2) inciter les pays occidentaux à élever leur participation, notamment par la mise à disposition de spécialistes ; (3) demander aux contributeurs majeurs d’améliorer les capacités de leurs troupes, en développant leur aptitude aux tâches spécialisées.

Les données disponibles en 2014-2015 montrent que ces préconisations n’ont été suivies d’effets que de manière marginale.


89 Ainsi, en 2011, la seule International Security Assistance Force (ISAF), diligentée sous l’empire de la résolution 1386 mais dirigée par l’OTAN, mobilise, en Afghanistan, 132 000 hommes et 43 pays, c’est-à-dire plus que l’ensemble des casques bleus dans le monde.

90 Alex J. Bellamy and Paul D. Williams, Broadening the Base of United Nations Troop- and Police- Contributing Countries , Providing for Peacekeeping No. 1, New York, International Peace Institute, August, 2012.

91 Tous les décideurs (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité disposant d’un droit de veto) sont des payeurs. L’inverse n’est pas vrai. En outre, du fait de la FINUL, la France est, à la fois, décideur, payeur et contributeur.

92 Ban Ki-Moon, discours devant le Conseil de sécurité, 26 août 2011, repris en des termes similaires par Alain Le Roy, « Looking Forward: Peace Operations in 2020 », cité dans : Thierry Tardy (ed.), For a Renewed Consensus on UN Peacekeeping Operations, GCSP Geneva Papers Conference Series No. 23, October 2011, p. 21.

93 David Haeri and Rebecca Jovin, « Why We Need the West in UN Peacekeeping », dans : Thierry Tardy (ed.), For a Renewed Consensus on UN Peacekeeping Operations, GCSP Geneva Papers Conference Series No. 23, October 2011, p. 50 et suiv.

94 United Nations, Report of the Special Committee on Peacekeeping Operations: 2010 Substantive Session (22 February–19 March 2010), UN Doc. A/64/19, 2010, § 75. Egalement : United Nations, Report of the Special Committee on Peacekeeping Operations: 2011 Substantive Session (22 February–18 March and 9 May 2011), UN Doc. A/65/19, 2011, § 74.


2 - La génération de forces

Le défi de la disponibilité des troupes est lié à celui de leur mobilisation, ou « génération de forces ». Après le rapport Brahimi, en 2000, il fut décidé que l’ONU devrait être en mesure de déployer deux nouvelles missions par an, l’une « traditionnelle » (5 000 hommes) en moins de 30 jours, et l’autre « complexe » (10 000 hommes) en moins de 90 jours. Pour y parvenir, l’ONU dispose, depuis 1993, d’un recueil des promesses (pledges) fermes ou conditionnelles. Dans ce module de forces en attente, le United Nations Stand-By Arrangements System (UNSAS), chaque engagement précise, pays par pays, les volumes d’effectifs, leur état de préparation ainsi que leur capacité de départ depuis leur lieu de stationnement.

Selon des études indépendantes, cette professionnalisation du processus entamée en 1993 s’est révélée décevante95. Des progrès visibles ont été enregistrés (planification, orientations, entraînements, standards, etc.), mais l’approche capacitaire reste des plus modestes. De nombreux État, dont la France, refusent de « réserver » des capacités militaires susceptibles d’être engagées au profit des Nations Unies.

L’ONU a cherché à développer un mécanisme identique (« Capmatch ») pour les composantes civiles dont la mise en œuvre reste toutefois insatisfaisante par rapport aux ambitions affichées initialement. Il s’agissait d’une plateforme électronique visant au renforcement des capacités civiles par l’identification d’experts déployables pour ajuster au mieux la réponse aux besoins. Cette plateforme semble désormais enlisée.

En dépit de ces initiatives, le processus de génération de forces prend entre six et 12 mois, quelle que soit la nature des opérations.

3 - La spécialisation des troupes

La disponibilité des pays contributeurs se matérialise souvent par l’envoi de troupes d’infanterie non spécialisées. Satisfaire les besoins d’équipements sophistiqués implique le recours à des ressources humaines spécialisées. Cependant, les normes de soutien logistique autonome et de matériel appartenant aux contingents sont parfois trop onéreuses pour les contributeurs96.

Le DOMP est aux prises avec la difficulté de recruter des effectifs dits « multiplicateurs d’effets », le plus souvent inséparables d’équipements lourds et technologiques : les moyens aériens, le soutien sanitaire, la logistique de l’homme, le génie, la collecte d’information, l’action spéciale, etc., ne sont pas immédiatement disponibles. Se fait jour, progressivement, la possibilité pour certains États membres, notamment les émergents, de se spécialiser dans ce type d’unités. La France encourage ainsi un grand nombre de partenaires vers cette forme qualitative de contribution. Elle est à l’œuvre, par exemple, au sein de la MINUSMA.

C - Des stratégies de sorties peu formulées

Le Conseil de sécurité « doit s’efforcer, dans la mesure du possible, d’inclure dans les mandats du maintien de la paix la description de la situation à laquelle il souhaite aboutir et à hiérarchiser clairement les tâches à accomplir à cette fin, compte tenu de la nécessité de créer des conditions favorables à une paix durable »97. Ce principe, énoncé en 2012 par le Conseil de sécurité, n’est pas rigoureusement appliqué.


95 Adam C. Smith and Arthur Boutellis, « Rethinking Force Generation : Filling the Capability Gaps in UN Peacekeeping », International Peace Institute, mai 2013, p. 3 (étude réalisée à la demande du DOMP).

96 « Un partenariat renouvelé : définir un nouvel horizon pour les opérations de maintien de la paix des Nations Unies », juillet 2009, DOMP et DAM, p. 30.

97 Pour reprendre les termes d’une déclaration du Président du Conseil de sécurité, S/PRST/2010/2, 12 février 2012.


Comme le remarque le représentant français en 2010, les opérations s’installent toutes dans la longue durée, « c’est une tendance de fond, qui n’a guère de raison de s’inverser à court terme »98.

Les raisons profondes de cette situation sont à rechercher dans une forme d’inertie. Le Conseil de sécurité se focalise sur les crises émergentes, y compris par la voie des MPS, et consacre moins de temps aux perspectives de transition. Les raisons de rester sont souvent nombreuses : ordre public incertain, secteurs judiciaires ou pénitentiaires défaillants, situation humanitaire confuse, etc. Plutôt que de s’engager dans de difficiles négociations de paix, la préférence est donnée à la trêve fragile mais pérenne que donne une OMP. « Il y a donc une convergence d’intérêt favorables au maintien des opérations au détriment parfois d’une approche plus novatrice »99.

La mise en œuvre de revues stratégiques a permis de définir pour certaines missions des plans de transition et de sortie progressive se traduisant notamment par des retraits d’unités militaires (MINUSTAH, MINUL, ONUCI). Dans ces trois cas, souvent cités, les lenteurs du désengagement sont manifestes et ce levier d’action n’a pas permis de compenser les hausses observées par ailleurs. Les anciennes missions d’appui d’un accord de cessez-le-feu entre deux ou plusieurs parties, comme à Chypre, dans le Golan, dans le Jammu-et-Cachemire et au Sahara occidental sont souvent limitées en taille et en coût. Mais elles peuvent être considérées comme une solution de confort, leur présence pouvant ne pas inciter les États membres à rechercher une résolution politique.

L’Allemagne demande régulièrement que soit introduite une clause de fin d’activité pour tous les mandats (sunset clause). Cette idée pourrait être reprise par la France. Le MAEDI pourrait ainsi veiller à ce que la formulation des mandats fasse mention explicite et claire des stratégies de transition et de sortie, et que la planification soit orientée vers la transition.


98 Déclaration du représentant français lors de la présidence française du Conseil de sécurité, Document de cadrage, février 2010.

99 Déclaration du représentant français lors de la présidence française du Conseil de sécurité, Document de cadrage, février 2010.


CONCLUSION ET RECOMMANDATION

Le MAEDI a mis en place une organisation, tant en administration centrale qu’à l’étranger, qui lui permet à la fois de maîtriser les dépenses qu’il réalise dans le cadre des contributions internationales et de veiller au meilleur usage des crédits qu’il engage.

La sensibilisation de ses équipes aux questions budgétaires et financières constitue un atout majeur, non seulement dans le cadre du suivi budgétaire et comptable, mais également lors des négociations diplomatiques à New York ou Genève.

Il reste encore au MAEDI bien des actions à mener pour que puisse progresser la performance des OMP. En effet, si les initiatives diplomatiques françaises ont permis d’améliorer l’efficacité de certains mandats par la promotion de leur séquençage, de trop nombreux obstacles limitent l’efficacité et l’efficience des opérations, à l’image, notamment, d’une organisation en silos ou d’une absence de stratégie de transition et de sortie.

La Cour formule la recommandation suivante :

9. mettre en place, dans les ambassades ayant à suivre les OMP les plus lourdes et les MPS les plus importantes, une cellule de suivi de ces opérations.

Conclusion générale

Puissance diplomatique de premier rang, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, la France a fait le choix d’exercer son influence sur la scène mondiale en siégeant dans de nombreuses organisations internationales. Qu’elles soient obligatoires ou volontaires, l’importance de ses contributions et leur évolution sont devenues, au fil des ans, un enjeu budgétaire croissant : avec 802,5 M€ en 2014, elles auront représenté à elles seules près de 25 % du budget du ministère des affaires étrangères100.


100 Hors dépenses de personnel.


Résultant au premier chef de la participation française au système des Nations Unies (562 M€, soit environ 70 % en 2014), ces contributions sont soumises non seulement à de puissants facteurs de rigidité mais aussi à de multiples aléas. Outre leur caractère obligatoire, qu’il s’agisse du financement du budget ordinaire de l’ONU ou de celui des opérations de maintien de la paix, leur maîtrise se révèle d’autant plus contrainte que payables le plus souvent en devises, elles sont exposées au risque de change illustré en 2015 par la forte dépréciation de l’euro face au dollar101.

Dès lors, sans remettre en cause la volonté de la France d’occuper toute sa place dans la vie diplomatique, l’optimisation de ces dépenses constitue désormais un objectif à part entière. Elle exige le déploiement de méthodes et d’outils de pilotage appropriés et une réponse adaptée à la problématique de la couverture des risques de change. De même, compte tenu du poids représenté par l’ensemble de ces contributions, la mise en place d’un cadre budgétaire spécifique, sous la forme d’un programme ad hoc au sein de la mission Action extérieure de la France, et d’indicateurs pertinents pourraient se justifier pour en assurer un meilleur suivi.

Ainsi, nonobstant les indéniables améliorations réalisées depuis le précédent contrôle de la Cour en 2007, des marges de progression demeurent.

Elles supposent d’abord une extrême vigilance dans le suivi des modes de fonctionnement propres à chaque organisation internationale et des coûts qu’ils génèrent.

À titre d’illustration, les longueurs dans l’élaboration du budget de l’ONU, les actualisations de coûts qu’elles engendrent ou les négociations sur le barème fixant la quote-part des contributions au budget ordinaire agissent inéluctablement sur les montants versés. De même, les évolutions des charges immobilières et de personnel des organisations internationales ont un impact direct sur l’importance du montant de la participation de la France. Dans chacun de ces domaines, le ministère des affaires étrangères s’efforce, avec un soutien variable des pays partenaires, de contenir les dépenses. Il doit persévérer dans cette voie pour mieux maîtriser les charges qui lui incombent.

Elles supposent ensuite de limiter la dispersion des crédits. Si les contributions volontaires versées à des structures multilatérales représentent une dépense en décroissance, elles pourraient probablement faire l’objet de priorités.

Enfin, les opérations de maintien de la paix (OMP) et les missions politiques spéciales (MPS) constituent un enjeu diplomatique, politique et budgétaire à part entière. Des améliorations dans le pilotage des OMP sont sans cesse recherchées. La création en 1995 d’un service des bonnes pratiques au sein du Département des opérations de maintien de la paix de l’ONU est ainsi à relever. De même, la capacité de l’ONU à confier des postes difficiles et à forte responsabilité à des équipes ayant déjà fait leurs preuves lors d’OMP lui permet de disposer d’un vivier de personnel hautement qualifié. Les revues stratégiques menées pour chaque OMP, par le siège ou par les États-membres, sont également sources de progrès.

Toutefois, ces efforts n’ont pas permis jusqu’à présent de réduire les volumes financiers en jeu, qui n’ont cessé de croître depuis dix ans. Malgré la fin de certaines OMP, cette progression n’a pu être infléchie, les nouvelles opérations étant toujours plus coûteuses et les missions spéciales se multipliant en fonction de la dégradation de la situation internationale.

Là encore, la maîtrise des coûts exige de disposer d’outils de suivi de la dépense sur le long terme et, parallèlement, de stratégies de sortie planifiées. De même, les pays contributeurs, comme la France, doivent être en mesure de suivre les facteurs de coûts identifiés, tels que les charges de personnels civils, les coûts opérationnels dans des milieux naturels hostiles, et, dans un registre différent, l’évolution de la méthodologie de calcul du barème des OMP.

En raison de leur dimension éminemment politique, de leur caractère souvent obligatoire, des facteurs de rigidité et des aléas qui s’y attachent, le pilotage et la maîtrise des contributions internationales de la France constituent un exercice complexe et délicat. Pourtant, comme en témoignent les efforts déjà déployés par le ministère des affaires étrangères ces dernières années, des marges de manœuvre existent. Sans renoncer aux ambitions françaises, elles doivent être saisies avec détermination pour assurer le meilleur usage des crédits engagés.


101 Avec une perte estimée pour 2015 de près de 17 % par rapport au budget initial.


Glossaire

AEC............... Association des États de la Caraïbe

AEP ............... Assemblée des États parties

AFT ............... Agence France Trésor

AGNU ........... Assemblée générale des Nations Unies

AIBD............. Institut pour le développement de la radiodiffusion en Asie et dans le Pacifique

AIEA ............. Agence internationale de l'énergie atomique

AIFM............. Autorité internationale des fonds marins

ANISOM....... Mission de l'Union africaine en Somalie

APD............... Aide publique au développement

BCAH............ Bureau de la coordination et de l’aide humanitaire

BIRD ............. Banque internationale pour la reconstruction et le développement

BOP............... Budget opérationnel de programme

CBCM ........... Contrôleur budgétaire et comptable ministériel

CBF ............... Comité du budget et des finances

CBI ................ Commission baleinière international

CCAMLR...... Commission pour la conservation de la faune et de la flore marines de l'Antarctique

CCA OSCE ... Cour de conciliation et d'arbitrage de l'OSCE

CMoselle ....... Commission de la Moselle

CCNR............ Commission centrale pour la navigation du Rhin

CEB............... Chief Executives Board for coordination

CERF............. Fonds d’intervention humanitaire des Nations Unies

CETC ............ Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens

CFA ............... Centre franco-autrichien pour le rapprochement économique en Europe

CICR ............. Comité international de la croix rouge

CIEC.............. Commission internationale de l'État civil

CITES............ Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction

CNUCED ...... Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement

COI................ Commission de l'Océan Indien

CONUN......... Groupe « Nations Unies » du Conseil de l’Union européenne qui élabore la politique commune de l’UE sur les questions relatives aux Nations Unies

CP.................. Crédits de paiement

CPA............... Cour permanente d'arbitrage

CPI ................ Cour pénale internationale

CPS................ Communauté du Pacifique

CTBTO ......... Organisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires

DAF............... Direction des affaires financières (Ministère des affaires étrangères et du développement international)

DAM ............. Département d’appui aux missions ou Department of Field Support (DFS - Nations Unies)

DAP............... Département des affaires politiques (Nations Unies)

DCAF ............ Contrôle des Forces Armées

DCSD ............ Direction de la coopération de sécurité et de défense (Ministère des affaires étrangères et du développement international)

DGAPS.......... Direction générale des affaires politiques et de sécurité (Ministère des affaires étrangères et du développement international)

DGM ............. Direction générale de la mondialisation (Ministère des affaires étrangères et du développement international)

DNUOI.......... Direction des Nations Unies et des organisations internationales (Ministère des affaires étrangères et du développement international)

DOMP ........... Département des opérations de maintien de la paix ou Department of Peacekeeping Operations (DPKO - Nations Unies)

DPT ............... Document de politique transversale

EMEP-ONUGConvention sur la pollution atmosphérique à longue distance

ETP................ Équivalent temps plein

FAO............... Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture

FCI ................ Fonds d’expertise de l’Union européenne

FED ............... Fonds européen de développement

FEI................. France expertise internationale

FIDA ............. Fonds international de développement agricole

FINUL........... Force intérimaire des Nations Unies au Liban

FISNUA ........ Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abiye

FMI................ Fonds monétaire international

FMLSTP........ Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme

FNUAP.......... Fonds des Nations Unies pour la population

FNUOD......... Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement

G77................ Pays en développement (Global South)

GIEC ............. Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat

GRULAC ...... Groupe des pays d'Amérique Latine et des Caraïbes

HCR .............. Haut-Commissariat pour les réfugiés (UNHCR)

IDA................ Association internationale de développement

IESUE ........... Institut d'études de sécurité de l'Union européenne

IMA ............... Institut du monde arabe

IFC ................ Société financière internationale

IPSAS............ International Public Sector Accounting Standards (normes comptables internationales pour le secteur public)

LFI................. Loi de finances initiale

LFR ............... Loi de finances rectificative

LOLF............. Loi organique relative aux lois de finances

MAEDI.......... Ministère des affaires étrangères et du développement international

MANUA........ Mission politique spéciale Afghanistan

MANUSOM.. Mission des Nations Unies en Somalie

MEDDE......... Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie

MENESR....... Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

MINDEF ....... Ministère de la défense

MINUAD ...... Opération hybride de l’Union Africaine et des Nations Unies au Darfour

MINUAUCE . Mission des Nations Unies pour l'action d'urgence contre Ébola

MINUEE ....... Mission des Nations Unies en Éthiopie et en Érythrée

MINUK ......... Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo

MINUL.......... Mission des Nations Unies au Libéria

MINURCAT . Mission des Nations Unies en République centrafricaine et au Tchad

MINURSO .... Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental

MINUSCA .... Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en république Centrafricaine

MINUSMA ... Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali

MINUSS........ Mission des Nations Unies au Soudan du Sud

MINUSTAH.. Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti

MINUT.......... Mission des Nations Unies au Timor

MONUG........ Mission d'observation des Nations Unies en Géorgie

MONUSCO... Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RD Congo

MPS............... Missions politiques spéciales

MTPI ............. Mécanismes pour les Tribunaux pénaux internationaux

OACI............. Organisation de l'aviation civile internationale

OAIC ............. Organisation pour l'interdiction des armes chimiques

OCDE............ Organisation pour la coopération et le développement économique

OCHA ........... Bureau de la coordination des affaires humanitaires

OIT ................ Organisation internationale du Travail

OMI............... Organisation maritime internationale

ONG .............. Organisation non gouvernementale

ONU .............. Organisation des Nations Unies

ONUCI .......... Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire

ONUDC......... Office des Nations Unies contre la drogue et le crime

ONUDI.......... Organisation des Nations Unies pour le développement industriel

ONU-FemmesOrganisation des Nations Unies consacrée à l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes

ONU-Habitat. Programme des Nations Unies pour les établissements humains

ONUSIDA..... Programme des Nations Unies de lutte contre le SIDA

ONUST ......... Organisme des Nations Unies chargé de la surveillance de la trêve

OMC.............. Organisation mondiale du commerce

OMM............. Organisation météorologique mondiale

OMP .............. Opération de maintien de la paix

OMPI............. Organisation mondiale de la propriété intellectuelle

OMS .............. Organisation mondiale de la santé

OMT.............. Organisation mondiale du tourisme

OTAN............ Organisation du traité de l’Atlantique Nord

OTICE........... Organisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires

OSCE ............ Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe

OSPAR.......... Commission ainsi nommée en raison des Conventions originales d'Oslo et de Paris ("OS " pour Oslo et "PAR" pour Paris)

OTIF.............. Organisation intergouvernementale pour les transports internationaux ferroviaires

PAM .............. Programme alimentaire mondial

PAP ............... Projet annuel de performance

PECC/CCEP.. Conseil de coopération économique du Pacifique

PLF................ Projet de loi de finances

PNUD............ Programme des Nations Unies pour le développement

PNUE ............ Programme des Nations Unies pour l’environnement

RAP............... Rapport annuel de performance

RNB .............. Revenu national brut

RNBA............ Revenu national brut ajusté

RNBAC......... Revenu national brut ajusté par tête

RSSGNU (ou RSSG) Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies

SAG............... Senior Advisory Group on Rates of Reimbursement to Troop-Contributing Countries (Nations Unies)

TIDM ............ Tribunal international du droit de la mer

TPIR .............. Tribunal pénal international pour le Rwanda

TSL................ Tribunal spécial pour le Liban

UE ................. Union européenne

UEO .............. Union de l’Europe occidentale

UICN............. Union mondiale pour la nature

UIT ................ Union internationale des télécommunications

UNCCD......... Convention sur la lutte contre la désertification

UNESCO....... Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture

UNFCCC....... Convention contre le changement climatique

UNFICYP...... Force des Nations Unies chargée du maintien de la paix à Chypre

UNFPA.......... Fonds des Nations Unies pour la population

UNICEF ........ Fonds des Nations Unies pour l'enfance

UNIDIR......... Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement

UNITAR........ Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche

UNMAS ........ Service de lutte contre les mines des Nations Unies

UNMOGIP .... Groupe d’observateurs militaires des Nations Unies dans l’Inde et le Pakistan

UNOPS.......... Bureau des Nations Unies pour les services d'appui aux projets

UNRWA........ Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient

UPU............... Union postale universelle WASSENAAR Arrangement de Wassenaar

WEOG........... Western europeans and other groups


Annexe n° 1 : lettre du président de la commission des finances de l’Assemblée nationale au Premier président

Annexe n° 2 : lettre du Premier président au président de la commission des finances de l’Assemblée nationale

Annexe 3 : les fonds et programmes et les agences spécialisées

[A consulter dans le fichier word ou pdf joint]


Annexe n° 4 : parangonnage

1. Les mécanismes de taux de change mis en place dans des pays européens

Les ministères allemands des affaires étrangères et des finances ont, depuis le 22 mars 2011, passé un accord relatif à la seule ligne budgétaire des contributions obligatoires versées à l’ONU aux termes duquel les éventuels besoins de crédits supplémentaires sur ce poste spécifique sont automatiquement couverts par l’ouverture de crédits de la part du budget fédéral, sans aucun redéploiement interne au ministère. Ce mécanisme peut s’appliquer soit en cas d’une évolution du taux de change, soit en cas d’une augmentation du barème de contribution de l’Allemagne, soit en cas de création d’une nouvelle OMP.

Pour sa part, le ministère espagnol des affaires étrangères voit ses variations de change pour les contributions internationales couvertes par un mécanisme permettant au ministère des finances d’abonder sa ligne de crédits déficitaire, en puisant dans un « fonds de contingence » prévu par la loi budgétaire de 2003.

Quant au ministère britannique des affaires étrangères, il bénéficie, depuis 2010, d’un système permettant la couverture intégrale des pertes au change par le Trésor britannique et s’appliquant non seulement aux contributions aux organisations internationales, mais également aux salaires des agents et au budget de fonctionnement des postes à l’étranger. La compensation se fait sur la base du taux de change de référence moyen sur l’ensemble de l’année d’une vingtaine de monnaies de référence.

2. Le suivi budgétaire dans les pays partenaires

2.1. L’Allemagne

Les ministères compétents au fond sont chargés du règlement des contributions obligatoires (par exemple : Ministère de la Santé pour l’OMS, Ministère du Travail et des Affaires sociales pour l’OIT). L’Auswärtiges Amt a, entre autres, la charge des contributions obligatoires ONU. Un titre spécifique de son budget est consacré aux contributions obligatoires aux organisations des Nations Unies et aux OMP (sur un critère principal : tout ce qui est traité en 5ème commission) ; il n’est pas fongible avec les autres titres du budget. Le budget compte aussi des titres séparés pour les contributions à l’UNESCO ou à l’OSCE.

Le suivi du budget des Nations Unies à l’Auswärtiges Amt est assuré par quatre agents (deux catégories A, deux catégories B + secrétariat et CAD partagés avec le reste de la sous- direction). Il y a également, au ministère des finances, une unité chargée des contributions (obligatoires et volontaires) aux organisations internationales, au sein de laquelle une personne est chargée du suivi du budget des Nations Unies. À New York, une unité budget des Nations Unies est placée au sein de la section économique de la représentation permanente. Elle est dirigée par un agent de l’Auswärtiges Amt, sous l’autorité duquel travaille un agent du ministère des finances (ainsi qu’un agent junior du ministère des finances pour des périodes de 6 mois). À Genève, deux agents de l’Auswärtiges Amt suivent les questions budgétaires au sein de la section économique de la RP, mais ils ne sont pas à plein temps sur ces questions et suivent également d’autres sujets.

2.2. Le Royaume-Uni

Les contributions obligatoires sont prises en charge par le Foreign and Commonwealth Office (FCO) pour les principales organisations internationales. Les agences spécialisées (y compris humanitaires HCR, UNICEF, PAM) sont à la charge des ministères techniques concernés (DFID pour les pré-citées, Home Office pour l’ONUDC, etc.).

Le budget est alloué par le Trésor après négociation avec le FCO, sur la base des prévisions du FCO. En cas de dépassement, la dépense supplémentaire est répartie entre les deux ministères (60 % pour Trésor, 40 % pour FCO).

Le FCO est en charge du budget ordinaire de l’ONU également, jusqu’en 2015. À partir de l’année prochaine, une partie sera prise en charge par le Conflict and Security Fund (CSSF) à hauteur d’environ 12 %.

Le budget OMP n’est pas à la charge du FCO. Il est alimenté par le Conflict and Security Fund (CSSF), qui est un fonds interministériel, dont le secrétariat échoit au FCO mais qui n’est pas comptabilisé dans son budget. Le CSSF finance les OMP, les MPS, les missions PSDC, les missions OSCE (Ukraine en ce moment) et les tribunaux internationaux (CPI, TPIR, TPIY). Il finance aussi des projets bilatéraux de prévention des conflits. Sa gestion stratégique est assurée par le National Security Council (NSC – qui relève du Cabinet Office), qui décide de l’allocation des fonds entre les différentes régions du monde. Les OMP sont prises en charge par l’enveloppe attribuée à une région donnée. En cas de création d’une nouvelle OMP, la direction concernée doit le gérer dans les limites de l’enveloppe qui lui a été attribuée (quitte à reporter des projets bilatéraux). Si l’ensemble de l’enveloppe est consommée, le sujet remonte au NSC, qui régule à partir de l’enveloppe d’une autre région.

Le FCO a une équipe de 18-20 personnes pour gérer le CSSF, deux pour gérer les OMP à Londres, trois pour le budget régulier de l’ONU. Une équipe de cinq personnes suit les questions budgétaires à NYC (personne à Genève, les fonds sont gérés par le DFID).

2.2. Le Japon

Les contributions obligatoires aux organisations internationales sont payées par le ministère des affaires étrangères (MOFA). Elles font l’objet d’un budget spécialisé qui est autorisé par le ministère des Finances après négociation.

Les contributions aux OMP de l’ONU sont payées de façon séparée (différent des contributions obligatoires) par le MOFA.

Au sein du MOFA, trois personnes à Tokyo et sept personnes à New York sont chargées du suivi du budget de l’ONU (budget régulier et budgets des OMP). Pour Genève, le nombre est difficile à déterminer car le suivi budgétaire est éclaté entre les différentes organisations spécialisées.


Annexe n° 5 : tribunaux pénaux : l’évolution des budgets et des contributions françaises

Annexe n° 6 : les OMP en cours : hypothèses de projection toutes choses égales par ailleurs

Annexe n° 7 : les 16 OMP en cours, par ordre d'ancienneté, au 31 janvier 2015

Annexe n° 8 : évolution du programme 105, 2007-2014 (en euros)

[A consulter dans le fichier word ou pdf joint]