DÉLIBÉRÉ 9
INTRODUCTION 11
CHAPITRE I - LE LOGEMENT EN ÎLE-DE-FRANCE : UNE SITUATION COMPLEXE, UNE TENSION DURABLE 17
I - Un marché tendu 19
A - Un équilibre compromis entre l’offre et la demande 19
B - Des difficultés liées à un coût de l’immobilier sans équivalent en France 22
II - Une segmentation prononcée entre le secteur HLM et le secteur privé 24
A - Des écarts de loyers considérables 24
B - Des dysfonctionnements marqués 27
III - Une palette d’interventions publiques 32
CHAPITRE II - UN IMPACT LIMITÉ DES POLITIQUES D’AMÉNAGEMENT SUR LA PRODUCTION DE LOGEMENTS 37
I - Des instruments de planification peu efficaces 37
A - Un affichage ambitieux mais une planification peu contraignante 37
B - Une multiplication des instruments de programmation et des échelons de décision 44
II - Une régulation de l’offre foncière à améliorer 50
A - Le foncier disponible et son utilisation 51
B - Des outils d’aménagement classiques en évolution 55
C - Des outils nouveaux à conforter 60
D - La mobilisation du foncier public 65
E - Les nécessaires évolutions de la fiscalité 67
CHAPITRE III - LE LOGEMENT LOCATIF SOCIAL EN ÎLE-DE-FRANCE : DES RÉSULTATS INSUFFISANTS MALGRÉ DES EFFORTS FINANCIERS IMPORTANTS 73
I - Des besoins loin d’être satisfaits, en dépit d’interventions coûteuses 76
A - Des écarts entre programmation, agrément et mise en première location des logements sociaux 76
B - Un financement direct faisant de plus en plus appel aux collectivités territoriales 79
C - Le coût accru des logements sociaux et l’importance des programmes PLS 86
II - Le bilan contrasté de la mise en œuvre de l’article 55 de la loi « Solidarité et renouvellement urbains » 91
A - Des résultats significatifs 92
B - Des mécanismes d’incitation aux effets limités 95
C - Des difficultés de fond dans le contexte du renforcement des contraintes issues de la loi SRU 96
III - L’inadaptation des règles d’attribution et de gestion des logements sociaux 104
A - Des procédures d’attribution propres à chaque réservataire 104
B - Un supplément de loyer de solidarité à faible impact 110
C - Une nécessaire réforme des règles de fixation des loyers et de maintien dans les lieux 114
CHAPITRE IV - LE LOGEMENT PRIVÉ : DES POLITIQUES AUX RÉSULTATS CONTRASTÉS, UN CIBLAGE À POURSUIVRE 119
I - Les faibles résultats de la lutte contre la vacance des logements et des transformations de bureaux 120
A - Une vacance élevée mais frictionnelle concentrée au cœur de l’agglomération 120
B - L’impact limité de la taxe sur les logements vacants et des mesures incitatives et coercitives 122
C - La transformation de bureaux en logements 125
II - Le bilan mitigé des aides au parc locatif privé existant 126
A - Le déclin des aides à l’amélioration du parc locatif privé 128
B - Le conventionnement des logements du parc locatif privé : une forte impulsion, un bilan décevant 129
C - Les résultats inégaux des actions contre l’habitat indigne 132
III - Les copropriétés dégradées : promouvoir la prévention 135
A - L’enjeu des copropriétés dégradées 135
B - Des interventions coûteuses à moyen terme 136
C - Améliorer la gestion et donner la priorité à la prévention 138
IV - Les aides fiscales à l’investissement locatif privé : un ciblage nécessaire 139
A - Des dispositifs présentant des inconvénients importants 140
B - Un impact en Île-de-France de moindre ampleur que dans les autres régions et à un coût supérieur 142
C - Des dispositifs sans effet sur la modération des loyers 142
D - Des présomptions d’effets d’aubaine et d’effets inflationnistes 144
V - Les aides à l’accession à la propriété : un recentrage bienvenu sur la construction neuve 145
CONCLUSION GÉNÉRALE 151
RÉCAPITULATIF DES RECOMMANDATIONS 153
ANNEXES 155
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS CONCERNÉS 167
Les rapports publics de la Cour des comptes
- élaboration et publication -
La Cour publie, chaque année, un rapport public annuel et des rapports publics thématiques.
Le présent rapport est un rapport public thématique.
Les rapports publics de la Cour s’appuient sur les contrôles et les enquêtes conduits par la Cour des comptes ou les chambres régionales et territoriales des comptes et, pour certains, - ce qui a été le cas pour la présente enquête - conjointement entre la Cour et les chambres régionales ou entre les chambres. En tant que de besoin, il est fait appel au concours d’experts extérieurs, et des consultations et des auditions sont organisées pour bénéficier d’éclairages larges et variés.
Au sein de la Cour, ces travaux et leurs suites, notamment la préparation des projets de texte destinés à un rapport public, sont réalisés par l’une des sept chambres que comprend la Cour ou par une formation associant plusieurs chambres.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité de la Cour des comptes, ainsi que des chambres régionales des comptes, et donc aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration des rapports publics : l’indépendance, la contradiction et la collégialité.
L’indépendance institutionnelle des juridictions financières et statutaire de leurs membres garantit que les contrôles effectués et les conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La contradiction implique que toutes les constatations et appréciations ressortant d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes les observations et recommandations formulées ensuite, sont systématiquement soumises aux responsables des administrations ou organismes concernés ; elles ne peuvent être rendues définitives qu’après prise en compte des réponses reçues et, s’il y a lieu, après audition des responsables concernés.
La publication d’un rapport public est nécessairement précédée par la communication du projet de texte que la Cour se propose de publier aux ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres personnes morales ou physiques directement intéressées. Dans le rapport publié, leurs réponses accompagnent toujours le texte de la Cour.
La collégialité intervient pour conclure les principales étapes des procédures de contrôle et de publication.
Tout contrôle ou enquête est confié à un ou plusieurs rapporteurs. Leur rapport d’instruction, comme leurs projets ultérieurs d’observations et de recommandations, provisoires et définitives, sont examinés et délibérés de façon collégiale, par une chambre ou une autre formation comprenant au moins trois magistrats, dont l’un assure le rôle de contre-rapporteur, chargé notamment de veiller à la qualité des contrôles. Il en va de même pour les projets de rapport public.
Le contenu des projets de rapport public est défini, et leur élaboration est suivie, par le comité du rapport public et des programmes, constitué du premier président, du procureur général et des présidents de chambre de la Cour, dont l’un exerce la fonction de rapporteur général.
Enfin, les projets de rapport public sont soumis, pour adoption, à la chambre du conseil où siègent en formation plénière ou ordinaire, sous la présidence du premier président et en présence du procureur général, les présidents de chambre de la Cour, les conseillers maîtres et les conseillers maîtres en service extraordinaire.
Ne prennent pas part aux délibérations des formations collégiales, quelles qu’elles soient, les magistrats tenus de s’abstenir en raison des fonctions qu’ils exercent ou ont exercées, ou pour tout autre motif déontologique.
Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne sur le site internet de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes : www.ccomptes.fr. Ils sont diffusés par La Documentation Française.
La Cour des comptes, délibérant en chambre du conseil en formation ordinaire, a adopté le présent rapport sur Le logement en Île-de-France : donner de la cohérence à l’action publique.
Le rapport a été arrêté au vu du projet communiqué au préalable aux administrations, aux organismes et aux collectivités concernés et des réponses adressées en retour à la Cour. Les réponses sont publiées à la suite du rapport. Elles engagent la seule responsabilité de leurs auteurs.
Ont participé au délibéré : M. Migaud, Premier président, MM. Durrleman, Briet, Mme Ratte, MM. Vachia, Paul, Duchadeuil, Piolé, Mme Moati, présidents de chambre, MM. Descheemaeker, Bayle, Bertrand, Levy, Mme Froment-Meurice, M. Lefas, présidents de chambre maintenus en activité, MM. de Mourgues, Rémond, Ganser, Mme F. Saliou, MM. Barbé, Bertucci, Tournier, Vivet, Martin, Hayez, Mme Froment-Védrine, M. Guibert, Mme M. Saliou, MM. Guédon, Vialla, Sépulchre, Arnauld d’Andilly, Chouvet, Viola, Le Mer, Rousselot, Monteils, Glimet, de la Guéronnière, Brunner, Jamet, Cahuzac, Basset, Mme Coudurier, M. Appia, conseillers maîtres, MM. Jouanneau, Delbourg, Galliard de Lavernée, conseillers maîtres en service extraordinaire.
Ont été entendus :
- en sa présentation, Mme Froment-Meurice, présidente de la formation interjuridictions chargée des travaux sur lesquels le rapport est fondé et de la préparation du projet de rapport ;
- en son rapport, M. Paul, rapporteur du projet devant la chambre du conseil, assisté de M. Sépulchre, conseiller maître, rapporteur devant la formation interjuridictions chargée de le préparer, et de M. Baccou, conseiller maître, contre-rapporteur devant cette même formation ;
- en ses conclusions, sans avoir pris part au délibéré, M. Johanet, Procureur général. Il était accompagné de M. Guthmann, chargé de mission.
M. Filippini, secrétaire général, assurait le secrétariat de la chambre du conseil.
Fait à la Cour, le 31 mars 2015.
Le projet de rapport soumis à la chambre du conseil a été préparé puis délibéré les 10 et 15 octobre 2014 par la formation interjuridictions, présidée par Mme Froment-Meurice, présidente de chambre maintenue, et composée de MM. Ténier, Guéroult, Gautier, conseillers maîtres, Fialon, vice-président et Berninger, président de section de la chambre régionale des comptes d’Île-de-France, ainsi que, en tant que rapporteur, M. Sépulchre, conseiller maître et, en tant que contre-rapporteur, M. Baccou, conseiller maître.
Le projet de rapport a été examiné et approuvé, le 22 décembre 2014, par le comité du rapport public et des programmes de la Cour des comptes, composé de M. Migaud, Premier président, MM. Durrleman, Lefas, Briet, Mme Ratte, MM. Vachia, Paul, rapporteur général du comité, Duchadeuil, Piolé, présidents de chambre, et M. Johanet, procureur général, entendu en ses avis.
Comme les agglomérations de Londres, New York et Tokyo, l’Île-de-France se caractérise par :
son fort dynamisme économique et culturel, qui attire les populations (croissance démographique et touristique), aussi bien parmi les milieux favorisés (« gentrification »), nationaux ou étrangers, que dans les catégories marginalisées, voire en situation irrégulière (immigrés illégaux) ;
le poids des usages non résidentiels et non permanents qui réduisent le nombre de biens immobiliers pouvant être utilisés comme logements permanents : ainsi du marché immobilier professionnel (bureaux, commerces, etc.) ou du cas des hôtels, résidences secondaires et logements occasionnels. Capitale politique et administrative, Paris concentre également de nombreux biens immobiliers de la quasi-totalité des administrations centrales ainsi que de nombreux opérateurs de l’État ;
la rareté de l’espace en cœur d’agglomération (densité très forte voire maximale de la population), accrue par les contraintes historiques et environnementales.
Les trois visages de l’Île-de-France
La région Île-de-France, circonscription administrative, qui fait l’objet du présent rapport, ne coïncide pas entièrement avec les deux définitions géographiques usuelles de la zone urbaine de Paris, l’une plus restreinte, l’autre plus large.
L’agglomération parisienne, ou unité urbaine de Paris, est une zone bâtie continue, incluant toutes les communes (412 en 2011) dont plus de la moitié de la population réside dans cette zone. Elle regroupe 89 % de la population de l’Île-de-France, mais ne s’étend que sur le quart de son territoire.
L’aire urbaine de Paris, notion permettant de prendre en compte le phénomène dit de périurbanisation, comprend, dans un ensemble d’un seul tenant et sans enclaves, outre l’agglomération parisienne, toutes les communes rurales, ou appartenant à d’autres unités urbaines, dont au moins 40 % de la population en emploi travaille dans ladite agglomération, ou dans les communes attirées par celle-ci. Elle regroupe une population légèrement supérieure (de 4 %) à celle de l’Île-de-France et s’étend sur un territoire 1,4 fois plus grand, débordant sur sept départements limitrophes, notamment ceux de l’Oise, de l’Eure-et-Loir et de l’Eure. 99 % des habitants de l’Île-de-France résident également dans l’aire urbaine de Paris, seuls faisant exception les résidents de quinze communes de Seine-et-Marne.
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Au centre de l’Île-de-France, Paris se distingue par sa densité de population particulièrement élevée, supérieure à 21 000 habitants par km2. Parmi les quelque 950 villes françaises de plus de 10 000 habitants, seules cinq villes franciliennes sont plus denses, toutes situées en petite couronne1. Si, dans le monde, quelques très grandes villes de pays en développement ont une densité plus forte que Paris, cette dernière se situe au second rang lorsque l’on compare, sous cet aspect, sa situation de ville centre avec celles des centres de Londres, de New York et de Tokyo, métropoles les plus comparables à l’Île-de-France : Paris est, notamment, deux fois plus dense que le Centre de Londres (Inner London) et, de ce point de vue, la différence entre le centre et la périphérie est bien plus accusée qu’au sein de la région métropolitaine londonienne.
Tableau n° 1 : densités comparées dans les centres de quatre métropoles internationales
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Dans un contexte aussi spécifique, la situation du marché du logement en Île-de-France se distingue très fortement de celle du reste du pays, notamment par les niveaux des prix immobiliers et des loyers, qui se rapprochent de ceux constatés à Londres ou à New York, sans toutefois les dépasser2. À ces prix élevés sont associés d’autres traits, caractéristiques des zones où la situation du marché du logement est dite « tendue » : difficultés de logement pour les ménages de niveau de vie modeste ou moyen ; segmentation géographique de l’habitat. De telles zones existent ailleurs en France, mais elles sont bien moins importantes qu’en Île-de-France.
La situation des zones tendues a été évoquée dans des insertions au rapport public annuel de la Cour en 2007, à l’occasion de l’examen des aides personnelles au logement3, puis en 2012, à propos de la localisation des aides publiques au logement4. Dans la seconde de ces insertions, la Cour a relevé les difficultés du recentrage des financements de logements sociaux sur ces zones et l’insuffisance de la production de ces mêmes logements. Au-delà de ces éclairages partiels, la situation très spécifique de l’Île-de-France, région où les tensions sur le marché du logement ont atteint un point critique, justifie qu’une attention particulière lui soit accordée.
L’enquête de la Cour et de la chambre régionale des comptes d’Île-de-France5 a visé tout d’abord à prendre la mesure de la situation de la région capitale, de ses différences au regard des autres régions françaises, ainsi que des évolutions récentes. Elle a examiné ensuite la mise en œuvre de diverses modalités des politiques publiques du logement, pour en identifier et évaluer l’impact.
Ces interventions s’inscrivent dans un triple contexte. En premier lieu, elles se déroulent dans le cadre de règles générales d’utilisation des sols et de gestion du parc de logements avec, notamment, une différenciation marquée entre le secteur locatif privé et le secteur locatif public. En deuxième lieu, elles répondent à un certain nombre d’objectifs concrétisés dans de nombreuses lois et rappelés dans les documents budgétaires annexés aux lois de finances : aider les ménages les plus modestes à accéder à un logement et à s’y maintenir ; satisfaire dans les meilleurs délais la demande de logements locatifs, en particulier dans les zones tendues ; promouvoir la mixité sociale au sein des agglomérations ; améliorer et adapter la qualité du parc privé et promouvoir le développement durable dans le logement ; soutenir l’accession sociale à la propriété, etc. Enfin, ces interventions sont affectées par l’évolution des modes de gouvernance et par les objectifs d’aménagement propres à la région capitale : le projet dit du « Grand Paris », mis en marche par la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, vise ainsi à renforcer l’attractivité de cette zone dans le cadre d’une « révision à la hausse des ambitions régionales en termes de développement économique »6.
Dans une zone aussi tendue que l’Île-de-France, il est légitime de se demander si ces règles peuvent correctement fonctionner et si des contradictions ne risquent pas d’apparaître, plus qu’ailleurs, entre les objectifs poursuivis. Pour ce faire, la Cour a mené des investigations auprès des services centraux de l’État concernés par la politique du logement et des services déconcentrés en région Île-de-France. Une trentaine de collectivités territoriales ou établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) franciliens ont également été concernés par cette enquête, parmi lesquels figurent notamment la région Île-de-France et les quatre organismes ayant passé avec l’État une convention de délégation des aides à la pierre (départements de Paris et des Hauts-de-Seine, communautés d’agglomération (CA) de Cergy-Pontoise et de Melun-Val-de-Seine). D’autres investigations ont été conduites auprès des quatre établissements publics fonciers (EPF) établis dans la région ainsi que des établissements publics d’aménagement (EPA) y ayant leur siège. L’enquête s’est également appuyée sur les contrôles de deux filiales de comités interprofessionnels du logement exerçant principalement leur activité en Île-de-France, l’OGIF et SOCALOG, de la société de gestion du Fonds de garantie de l’accession sociale à la propriété (SGFGAS) et du deuxième plus gros bailleur social privé de la région, France Habitation.
L’enquête n’a pas porté sur la mise en œuvre, en Île-de-France, des aides personnelles au logement : celles-ci font par ailleurs l’objet d’une étude globale de la Cour répondant à une demande du Parlement. Elle ne traite pas de la politique d’hébergement qui a été évaluée dans un rapport public de la Cour, en novembre 20117. Elle n’a pas abordé non plus le sujet du plafonnement des loyers à la relocation en Île-de-France, institué trop récemment pour faire l’objet d’une évaluation. L’enquête ne revient pas dans ce rapport sur le volet de la rénovation urbaine qui concerne en Île-de-France 135 quartiers et près de 4,4 Md€, soit 38 % de la politique nationale de rénovation urbaine. Il constitue donc un enjeu financier majeur, mais la Cour a déjà publié en juin 2014 un rapport sur l’ANRU et ses missions8. De même n’aborde-t-elle pas la lutte contre la précarité énergétique et notamment le programme d’aides à la rénovation thermique des logements qui est devenue une priorité de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) depuis la réforme de ses aides en 2011, mais dont la montée en puissance est très lente.
Face à une situation à bien des égards préoccupante (chapitre I), la Cour constate les limites des politiques menées en Île-de-France depuis 15 ou 20 ans dans trois domaines majeurs : l’aménagement, qui encadre et conditionne la production de logements (chapitre II); le logement social (chapitre III) ; le logement privé (chapitre IV).
En 2011, l’Île-de-France comptait 5,49 millions de logements, soit 16,3 % du parc total français. 91 % d’entre eux étaient des résidences principales, proportion nettement plus élevée que dans le reste du pays où la part des résidences secondaires est plus importante. Ces résidences principales, au nombre de 5 millions, étaient habitées à raison de 48 % par des propriétaires occupants et de 49 % par des locataires, les autres occupants étant logés à titre gratuit. Les locataires eux-mêmes se répartissaient entre les logements loués nus dans le secteur HLM (45 %) et dans le secteur libre (48 %), et les locations meublées et chambres d’hôtel.
Même s’il existe d’importantes disparités au sein de la région, la situation globale du marché du logement en Île-de-France est particulièrement tendue (I). Conjuguée à la segmentation de l’offre de logement entre le secteur HLM et le secteur privé, cette tension conduit à un blocage du marché locatif (II). À cet égard, la situation de la région se distingue fortement de celle du reste du pays. Face à cette situation préoccupante, les pouvoirs publics nationaux et franciliens ont déployé une palette d’interventions pour y remédier (III).
La connaissance imparfaite de la situation du logement francilien
La connaissance statistique du logement en Île-de-France reste essentiellement dépendante de systèmes d’information nationaux. Au niveau national, la situation s’apprécie au travers de quelques grandes sources d’information : des statistiques globales du parc et des dépenses de logement, établies par l’INSEE (recensements ; enquête nationale sur le logement) ; des statistiques globales de production (système d’information Sitadel du ministère chargé du logement) ; des sources fiscales telles que le fichier des logements par commune (FILOCOM) ; des statistiques propres au logement social, gérées par le ministère chargé du logement ; des bases de données notariales sur les prix des transactions ; des indices de prix ou de coûts ; un compte du logement visant à une synthèse à la fois physique et financière. Si une déclinaison francilienne des différentes sources statistiques est généralement disponible, il n’existe pas de compte régional du logement en Île-de-France. Il reste très malaisé, en particulier, d’évaluer dans cette région l’effort public en faveur du logement, notamment en provenance des collectivités et établissements publics locaux.
Les données nationales sont publiées à intervalles trop espacées et leur fiabilité n’est pas toujours suffisante. L’enquête nationale sur le logement (ENL) fournit de précieuses informations, mais les dernières données disponibles remontent à 2006. Une nouvelle enquête conduite en 2013 ne produira de résultats qu’à partir de 2015. Les statistiques générales de production de logements sont reconnues imparfaites, de même que celles qui concernent la production de logements sociaux, les autorisations de produire (permis de construire, agréments de logements sociaux) étant plus faciles à mesurer que les réalisations effectives. Des anomalies subsistent entre les données issues du système Sitadel et celles de FILOCOM mais ces dernières, quoique d’un grand intérêt, ne sont pas jugées suffisamment accessibles par les services du ministère chargé du logement.
Des initiatives régionales ou infrarégionales fournissent des éclairages complémentaires, mais partiels. Parmi les plus intéressantes, il convient de citer les statistiques de l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (OLAP), qui ne couvrent pas tout le territoire régional, et les études produites par des organismes comme l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région d’Île-de-France (IAU IdF), la direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (DRIHL) ou la direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’aménagement (DRIEA).
La connaissance du parc de logements et de son occupation serait grandement améliorée par la mise en place, prioritairement en Île-de-France, d’une base de données permanente des logements qui serait accessible à tous les décideurs publics sous réserve de l’application des règles du secret statistique. On pourrait utiliser un numéro d’immatriculation unique par logement et renseigner la base en croisant les données des fichiers fiscaux de la direction générale des finances publiques (DGFiP) avec celles gérées par l’INSEE.
La demande de logement est influencée par deux paramètres démographiques principaux : la croissance naturelle de la population (fécondité et mortalité) et les migrations. Le premier exerce aujourd’hui une pression plus grande en Île-de-France que dans le reste du pays. Le second, au contraire, a moins de force qu’en province : l’immigration communautaire et extra-communautaire vers la région capitale est plus que compensée par le départ de Franciliens, notamment retraités, vers la province. Au total, la pression démographique est un peu plus soutenue en Île-de-France qu’ailleurs : selon les résultats des recensements, la population s’y est accrue de 8,2 % de 1999 à 2011, contre 7,7 % dans les autres régions métropolitaines.
D’autres facteurs, de nature culturelle ou économique, stimulent la demande francilienne de logement. L’attractivité de Paris pour les non-résidents engendre une demande significative pour des usages non permanents, notamment touristiques9. Les biens immobiliers peuvent être acquis non seulement pour se loger, mais aussi dans une optique patrimoniale : cette dernière motivation engendre un surcroît de demande, particulièrement à Paris et en petite couronne.
En face, l’offre n’a pas suivi. Depuis plus de vingt ans, la croissance du nombre de logements et l’effort de construction neuve sont plus faibles en Île-de-France qu’en province.
Tableau n° 2 :
la production de logements : comparaison entre
l’Île-de-France
et la province
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Du fait de ce décalage entre les besoins et le rythme de construction, la densité d’occupation des résidences principales a évolué de façon différente en Île-de-France et dans les autres régions. Depuis plusieurs dizaines d’années, la taille moyenne des ménages diminue en France, notamment en raison de l’évolution des configurations familiales : décohabitation, veuvage, etc. Cette baisse s’est beaucoup plus ralentie en Île-de-France qu’en province, au point que l’écart entre le nombre de personnes par ménage dans cette région et dans les autres, encore négatif en 1990 (2,52 contre 2,65), est devenu nul au début des années 2000 et positif ensuite (2,37 contre 2,29 en 2010).
La relative faiblesse de la construction en Île-de-France a aussi contribué à maintenir un parc plus ancien qu’ailleurs : selon le recensement de 2011, 85 % des résidences principales franciliennes avaient été construites avant 1991, contre seulement 79,4 % en province. L’ancienneté du parc est particulièrement prononcée à Paris : au même recensement, 57,8 % des résidences construites avant 2009 y étaient antérieures à 1946, contre 28,5 % en Île-de-France et 27,2 % en province.
Ce constat recouvre des situations très contrastées au sein de la région. Du côté de la demande, la taille des ménages continue de diminuer en grande couronne, mais ce mouvement est pratiquement interrompu dans les Hauts-de-Seine et inversé à Paris. Selon l’INSEE, l’impact de la croissance naturelle est plus d’une fois et demie supérieur en Seine-Saint-Denis qu’à Paris (+ 1,3 % contre + 0,8 % par an au cours des années 2006-2012) ; celui des migrations, partout négatif sauf en Seine-et-Marne, est maximal dans le Val-d’Oise et en Seine-Saint-Denis (respectivement - 0,7 et - 0,8 % par an sur la même période). Du côté de l’offre, les disparités sont encore plus accusées, avec par exemple un taux de logements commencés pour mille habitants quatre à cinq fois plus élevé en petite et en grande couronne qu’à Paris.
Tableau n° 3 : taux de construction en 2010 (logements commencés pour mille habitants)
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Devant une demande soutenue et une offre peu dynamique, il n’est pas étonnant que les prix immobiliers soient très supérieurs à ce que l’on observe hors de l’Île-de-France. Cela vaut aussi bien pour le coût du foncier que pour le prix des logements, neufs ou anciens, ou encore pour les loyers du secteur libre, avec des niveaux franciliens deux à plus de trois fois supérieurs à ceux de la province.
Tableau n° 4 : prix immobiliers en Île-de-France et en province
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Si les disparités d’évolution des prix entre l’Île-de-France et la province sont moindres, leur hausse dans la région a toutefois été plus rapide au cours des années récentes pour les prix des logements et, à un moindre degré, pour les loyers du parc locatif libre. S’agissant des logements anciens, la hausse des prix en Île-de-France a atteint 170 % au cours de la période 1999-201310, mais la situation est très disparate entre la zone centrale et la périphérie de la région.
Un critère majeur de confort d’occupation d’un logement est celui de la densité, mesurée en rapportant le nombre de personnes occupantes, soit à un nombre de pièces, soit à une superficie. L’Île-de-France se distingue de ce point de vue des autres régions. Les cas de sur-occupation y sont nettement plus nombreux qu’en province et sont devenus plus fréquents entre 1999 et 2010, alors que leur proportion diminuait en province au cours de la même période : en 2010, la proportion des ménages d’au moins deux personnes habitant dans un logement sur-occupé11 était de 17,7 % en Île-de-France (16,8 % en 2009), et de 27,9 % à Paris, alors qu’elle atteignait 4,7 % en province (5,9 % en 2009).
On note également un taux d’effort12 des ménages franciliens comparativement plus élevé dans le locatif privé et pour l’accession à la propriété.
Les données les plus récentes permettant de comparer les taux d’effort des différentes catégories d’occupants de logements sont issues de l’enquête nationale sur le logement et remontent à 2006, faute d’enquête publiée plus récente. Elles font globalement apparaître un effort supérieur des ménages franciliens. Cette différence était entièrement supportée par les accédants à la propriété13 et les locataires du secteur libre.
D’autres tensions sont susceptibles de résulter de la disjonction excessive entre zones d’emploi et zones d’habitat franciliennes, tant dans le domaine des transports, dont les réseaux risquent d’être saturés, que dans d’autres aspects de la vie quotidienne : organisation du temps, vie familiale, santé au travail. S’y ajoutent plus largement les phénomènes de migration pendulaire (280 000 par jour) entre lieux résidentiels hors Île-de-France et lieux d’activité professionnelle en Île-de-France, du fait du prix élevé pour se loger en région parisienne.
Les prix de marché élevés de l’immobilier francilien contrastent, plus fortement qu’ailleurs, avec les prix réglementés des logements locatifs sociaux. Ce différentiel est d’une telle ampleur qu’il entraîne toute une série de conséquences, témoignant d’une mauvaise articulation entre les deux secteurs.
Alors que les loyers de marché de l’Île-de-France dépassent sensiblement ceux de la plupart des autres zones géographiques françaises, les loyers réglementés du logement social y sont plus proches de ceux de la province. Les plafonds de loyers des logements HLM les plus sociaux (cf. infra chapitre III), financés par des prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI) ou des prêts locatifs à usage social (PLUS), varient de 1 à 1,3 entre la zone francilienne la plus tendue14 et la zone provinciale la moins tendue15.
L’écart relatif est plus important, mais inférieur à 1,7 entre les plafonds des logements sociaux de type PLS (prêt locatif social) de la zone francilienne la plus tendue16 et de la zone provinciale C, la moins tendue.
Dans ce contexte s’observent donc des écarts de loyers entre locatif social et privé bien plus grands qu’en province : de l’ordre de 1 à 2,6 contre 1 à 1,4 en province.
Tableau n° 5 : niveaux de loyers comparés au 1er janvier 2013
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Entre les HLM et le locatif libre, les logements loués à des prix inférieurs à ceux du marché, mais supérieurs aux plafonds de loyers des logements HLM, sont peu représentés. Les investisseurs dits institutionnels tels que les compagnies d’assurance, jadis possesseurs, dans l’agglomération parisienne, d’un grand nombre de ces logements « intermédiaires », se sont retirés. Sous le régime du contrôle des loyers de l’après-guerre, la loi de 1948 avait également donné naissance à un parc dit « social de fait » particulièrement bien représenté à Paris et dans des communes de la petite couronne, moins confortable que le parc privé libre, mais aux loyers très réglementés. La sortie progressive de la réglementation a fait presque entièrement disparaître cette catégorie : les logements, une fois rénovés, ont pu être vendus à des propriétaires occupants ou reloués, non à des tarifs intermédiaires, mais aux prix plus élevés du marché francilien. Lorsque demeurent des éléments de parc social de fait, ce sont souvent des logements dégradés, voire indignes ou insalubres occupés par des ménages aux ressources inférieures aux plafonds HLM, à des tarifs certes comparativement plus bas que ceux du marché mais pour une qualité bien moindre.
Graphique n° 1 : distribution des loyers à Paris dans le parc social et le parc privé (2011)
[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
La répartition des logements selon les niveaux de loyer montre ainsi deux bosses bien distinctes avec très peu de situations intermédiaires. Cette configuration, particulièrement nette à Paris, s’observe aussi dans les autres départements franciliens : en Seine-Saint-Denis, plus de 70 % des logements sociaux dans lesquels les ménages avaient emménagé en 2010 se situaient dans la fourchette de 4 à 7 € de loyer mensuel hors charges par m2 ; plus du quart des logements privés proposés à la location en 2011 se situaient dans celle de 16 à 19 € ; les logements publics ou privés assortis de loyers dans les tranches de 10 à 13 € étaient beaucoup moins nombreux (moins de 5 % du total)17.
L’ampleur des écarts de prix a ainsi séparé, bien davantage que dans les autres régions, le marché locatif libre et le marché locatif social francilien, ce qui contribue à l’engorgement du parc social. Alors que le parcours résidentiel normal des ménages devrait conduire une partie d’entre eux, après un séjour dans le parc social, à devenir locataires du parc privé ou à accéder à la propriété, ces mutations sont moins fréquentes en Île-de-France.
La tension sur la demande de logement social se mesure non pas par le prix, comme pour le locatif libre, mais par la quantité, c’est-à-dire par la longueur de la file d’attente pour y accéder. Deux indicateurs principaux peuvent contribuer à cette mesure : les demandes non satisfaites et le taux de vacance. Ces indicateurs, même s’ils restent imparfaitement mesurés, révèlent un état de tension plus élevé en Île-de-France que dans le reste du pays, alors même que la proportion des logements sociaux dans la région est bien plus forte qu’ailleurs. La tension est accentuée par l’insuffisance du segment locatif intermédiaire : la demande non satisfaite sur ce segment se reporte sur le logement social, auquel deux tiers des ménages franciliens sont éligibles.
Tableau n° 6 : demande et taux de vacance dans le logement social
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Alors même qu’il est plus demandé, le parc social francilien se renouvelle moins. On y observe en effet un taux de mobilité nettement plus faible et une ancienneté d’occupation plus forte qu’ailleurs.
Tableau n° 7 : taux de mobilité et ancienneté d’occupation dans le logement social
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La mobilité au sein du parc social est non seulement insuffisante pour alléger la tension de la demande, mais elle se détériore : le taux de mobilité francilien a baissé de plus de trois points depuis la fin des années 1990, bien plus vite que dans le reste du pays. Entre 2001 et 2011, la proportion des locataires en place depuis plus de dix ans s’est accrue de près de huit points chez les bailleurs sociaux franciliens (organismes d’HLM, sociétés d’économie mixte), alors qu’elle est restée stable chez les bailleurs privés. La part des locataires de moins de deux ans d’ancienneté a diminué de plus de huit points chez les premiers et de seulement trois points chez les seconds18. La durée moyenne d’occupation s’est accrue de 4,9 ans entre 1984 et 2006 (passant de 8,3 à 13,1 années) pour les ménages franciliens du secteur HLM et seulement de 1,1 année (passant de 5,4 à 6,5) pour les ménages du secteur locatif libre19. De la sorte, les écarts, en termes de mobilité et d’ancienneté d’occupation, sont plus accentués qu’en province entre les occupants du parc social et ceux du parc privé, ce qui restreint d’autant la possibilité de parcours résidentiel d’un secteur à l’autre.
Il existe un assez fort recouvrement des publics franciliens entre les deux secteurs : une partie substantielle des locataires du parc social a des revenus supérieurs à ceux d’une partie tout aussi importante des locataires du privé. En 2011, ainsi, 47 % des locataires du parc social, soit environ 520 000 ménages, avaient des revenus dépassant 60 % du plafond de ressources des logements PLUS qui leur était applicable (niveau correspondant à celui du plafond de ressources applicable aux logements PLAI, les plus sociaux), alors que 36 % des locataires du parc privé, soit environ 430 000 ménages, avaient des revenus en dessous de ce plafond.
Tableau n° 8 : répartition des locataires franciliens en fonction de leur revenu, exprimé en % du plafond de ressources des logements sociaux PLUS
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Cette présence au sein du parc francilien locatif libre de ménages à faibles revenus, éligibles à occuper les logements les plus sociaux, est le résultat d’une évolution ancienne et persistante : de 1984 à 2006, les enquêtes nationales logement avaient fait apparaître une hausse de près de neuf points (de 15,2 % à 24 %) de la proportion des ménages à bas revenus logés dans ce parc, supérieure à l’augmentation de la part de ces mêmes ménages logée dans le secteur social.
La mise à disposition d’un logement à faible loyer dans un secteur géographique très convoité, donc à loyers de marché très élevés, procure à celui qui en bénéficie un avantage économique dont le coût est mesurable, quels que soient par ailleurs ses titres à en bénéficier. Cet avantage monétaire, d’autant plus élevé qu’il se poursuit dans le temps, est particulièrement substantiel pour les locataires sociaux franciliens en place, d’une part en raison des écarts de prix avec le locatif privé, d’autre part en raison de la plus grande ancienneté de ces locataires dans les logements qu’ils occupent. Un tel constat ne met nullement en cause la légitimité d’une aide aux ménages ayant des difficultés à se loger, en Île-de-France comme ailleurs, mais il mérite d’être pris en compte pour éclairer les choix de gestion et de ciblage de cette aide. Des questions d’équité se trouvent posées, tant au regard de la situation des locataires sociaux de province qu’au regard de celle des locataires privés franciliens éligibles au logement social, dont les taux d’effort, même après imputation des aides à la personne, sont très supérieurs20 et qui ne disposent pas des moyens d’accéder à la propriété compte tenu du niveau des prix d’acquisition.
Le logement social francilien : un avantage monétaire implicite annuel de plus de 9 Md€, deux fois supérieur à celui en faveur de l’ensemble des locataires sociaux du reste du pays
Des études ont été menées pour mesurer la valeur de l’avantage monétaire tiré par les occupants des logements sociaux21. Pour analyser les disparités géographiques en cette matière, elles ont utilisé des données déjà anciennes (ENL 2006). Une estimation sur des niveaux de loyers plus récents (cf. annexe n° 1) permet de constater qu’en 2013, chaque locataire du parc HLM francilien a bénéficié d’un avantage annuel moyen de l’ordre de 8 300 €, cinq fois supérieur à celui obtenu par un locataire d’HLM de province (environ 1 600 €). À Paris, l’avantage annuel est plus élevé (près de 10 000 €).
En multipliant ces moyennes individuelles par le nombre de locataires sociaux concernés, on obtient un avantage global annuel d’environ 2 Md€ pour les occupants d’HLM parisiens et de près de 9,1 Md€ pour l’ensemble des occupants franciliens, soit deux fois plus que pour l’ensemble des locataires d’HLM de province (4,6 Md€).
Pour estimer la valeur capitalisée de ces avantages implicites, il convient de multiplier les montants annuels ci-dessus par la durée moyenne d’occupation de son logement par chaque locataire social concerné. Cette durée, évaluée à 13,1 années en 2006 en Île-de-France, s’est allongée depuis. En retenant une durée de 14 ans, on obtiendrait une valeur de 115 000 € pour chaque locataire d’HLM s’il est francilien et proche de 140 000 € s’il est parisien. Pour l’ensemble des locataires d’HLM franciliens actuels, l’avantage capitalisé global s’établirait à environ 127 Md€. Il est très probablement plus de deux fois supérieur à l’avantage total des locataires sociaux provinciaux actuels, dont la durée moyenne d’occupation est a priori plus faible.
Les pouvoirs publics ont cherché à traiter les difficultés de l’Île-de-France de plusieurs façons.
Ils ont fixé des objectifs volontaristes d’offre de logements dans les outils de programmation et d’aménagement : schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF), territorialisation de l’offre de logement (TOL), contrats de développement territorial (CDT).
Ils ont poursuivi le développement du parc de logements sociaux franciliens pour procurer aux ménages modestes des logements moins chers que ceux disponibles sur le marché.
Des actions sont menées, tant par l’État dans le cadre de dispositifs nationaux que par certaines collectivités locales, pour que le secteur privé accroisse l’offre de logements, et pour que ces logements soient proposés à des prix abordables.
Des moyens financiers importants sont ainsi alloués en Île-de-France aux politiques publiques du logement : leur part dans le total national, comparable au poids de la région pour ce qui concerne les aides personnelles (2,8 Md€ par an), est supérieure en ce qui concerne les aides au logement social (2 Md€), les dépenses fiscales pour les propriétaires bailleurs (0,3 à 0,4 Md€) et les aides à l’accession (0,8 Md€), du fait du coût unitaire beaucoup plus élevé de chaque opération. Aussi importants soient-ils, ces montants, additionnés, restent sensiblement inférieurs à celui de l’aide implicite annuelle apportée aux locataires franciliens du parc social, résultant de l’écart entre les loyers de marché et les loyers HLM.
L’effort public en faveur du logement en Île-de-France : une évaluation malaisée.
Les données recueillies au cours de l’enquête ne permettent pas d’évaluer de façon fiable et exhaustive le montant global des aides publiques, ou financées par des prélèvements obligatoires comme la participation des employeurs à l’effort de construction, gérée par Action Logement (ex-1% logement), destinées au logement francilien.
Cela tient à deux séries de raisons :
Les aides des collectivités territoriales ou de leurs groupements ne sont pas recensées et les informations financières émanant de ces collectivités n’isolent pas toujours les aides au logement. Or l’apport des collectivités locales et de leurs groupements apparaît très significatif en Île-de-France : les trois principaux contributeurs ont ainsi payé respectivement des montants annuels de l’ordre de 150 M€ (région, période 2005-2012), 380 M€ (Paris, 2005-2012) et 60 M€ (Hauts-de-Seine, 2007-2012).
Nombre de données financières ne sont pas régionalisées, ou ne peuvent l’être qu’au moyen d’hypothèses plus ou moins fragiles (c’est notamment le cas pour les aides fiscales au logement). Lorsqu’elles le sont, la régionalisation peut ne concerner qu’une partie des masses financières en cause : c’est le cas pour les interventions d’Action Logement dont une partie n’a pas pu être ventilée géographiquement.
Sous ces réserves, des estimations partielles, concernant notamment les interventions dont les montants sont les plus significatifs, peuvent être fournies. La part relative des financements destinés à l’Île-de-France peut se comparer à la part de cette région dans le nombre total des résidences principales de la France entière (17,8 % selon le recensement de 2011) ou de la seule France métropolitaine (18,3 %).
La totalisation de ces montants partiels donne, pour la période récente, un volume annuel d’aide sur fonds publics et prélèvements obligatoires supérieur à 6 Md€.
a) Aides personnelles au logement : 2 776,7 M€ pour l’Île-de-France (2011, source Caisse nationale des allocations familiales – CNAF), soit 17,6 % du total versé en France.
b) Aides au logement social :
* Subventions de l’État : 241 M€ pour l’Île-de-France en 2011 selon la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP, base Galion/SISAL), soit 52 % du total versé en France.
* Subventions de toutes origines (État, collectivités locales, autres financeurs dont Action Logement) : les plans de financement des logements sociaux financés en 2013 en Île-de-France (source : DHUP, infocentre SISAL) font apparaître un montant total de 870 M€ (environ 29 000 € par logement), dont 221 M€ pour l’État, 430 M€, soit près de la moitié, pour les collectivités locales, 180 M€ pour Action Logement et 39 M€ pour les autres financeurs.
* Dépenses fiscales (exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties, taux de TVA réduit) : on peut considérer qu’une autorisation de construire un logement social entraîne une dépense fiscale comparable au montant des subventions octroyées pour ce même logement, soit autour de 30 000 € en Île-de-France. Dans cette hypothèse, un flux de 30 000 logements sociaux nouveaux par an donne lieu à une aide fiscale annuelle de l’ordre de 900 M€.
Les prêts accordés à des conditions particulières par la Caisse des dépôts et consignations ou par Action Logement ne figurent pas dans ce décompte.
c) Aides fiscales à l’investissement locatif privé : dans l’hypothèse d’un flux annuel de l’ordre de 10 000 investissements locatifs en Île-de-France, constaté au cours de la période 2005-2009, et en considérant que la dépense fiscale nationale moyenne par opération est de l’ordre de 33 000 € pour les principaux dispositifs d’aide en cours22, l’effort public annuel dans la région serait lui-même voisin de 330 M€ ; cette évaluation semble minimale, car le montant moyen d’une opération francilienne est très supérieur à la moyenne nationale, ce qui contribue à renchérir l’avantage fiscal.
d) Aides à l’accession à la propriété (principaux montants) :
* Crédit d’impôt lié au prêt à taux zéro (PTZ) : environ 320 M€ par an en Île-de-France (moyenne 2005-2012, avec un maximum de 684 M€ en 2011) ; ce chiffre représente un peu plus de 20 % des montants relatifs à la France entière au cours de la même période (source : SGFGAS, base PTZ+).
* Crédit d’impôt sur le revenu au titre des intérêts d’emprunt supportés pour l’acquisition ou la construction de l’habitation principale (loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA) : selon une estimation de la DGFiP, le coût de cette mesure en Île-de-France, au titre des revenus de 2011, aurait été de l’ordre de 450 M€, soit 22,6 % du coût national.
e) Aides de l’ANAH pour l’amélioration du parc existant : un peu plus de 44 M€ par an (moyenne 2011-2012) pour l’Île-de-France, soit un peu moins de 15 % du total de ces aides en France métropolitaine (source : DRIHL).
En sus des interventions publiques pour le logement, les dépenses d’hébergement, pour les seuls crédits de l’État en Île-de-France (hors hébergement de demandeurs d’asile), se chiffrent en 2013 à 493 M€ et à 563 M€ en 2014.
Ces efforts se sont répartis différemment, selon les époques et en fonction des fluctuations des objectifs publics, entre les trois grands types d’intervention ci-dessus décrits. En examinant successivement ces trois volets – aménagement, logement social, logement privé –, la Cour a cherché à apprécier l’effet des actions menées en Île-de-France et leur capacité à remédier aux difficultés spécifiques de cette région.
Conclusion et recommandation
Les grands traits de la situation du logement en Île-de-France se résument comme suit : un marché fortement tendu, sur lequel l’offre peine à répondre à la demande, avec de grandes disparités locales ; des difficultés spécifiques sur le marché locatif, trop compartimenté entre le secteur social et le secteur libre ; des ressources publiques consacrées au logement, supérieures à 6 Md€, selon une totalisation partielle, proportionnellement plus importantes qu’en province. Les dysfonctionnements persistent, ils se sont même plutôt aggravés au cours des années récentes. Cela rend d’autant plus nécessaire d’acquérir une meilleure connaissance du parc francilien de logements et de son évolution.
En conséquence, la Cour formule la recommandation suivante :
1- élaborer en Île-de-France un répertoire statistique de l’ensemble des logements, contenant des informations détaillées par logement et accessible à l’ensemble des décideurs publics du secteur.
Les politiques d’aménagement en Île-de-France comportent un important volet consacré au logement. Elles mobilisent à la fois des outils réglementaires et de planification (I) et des outils d’intervention directe dans des opérations d’aménagement ou en matière foncière (II). Dans un cas comme dans l’autre, l’impact de ces interventions est demeuré limité.
Le volontarisme de l’action publique, incarné dans les instruments majeurs de la planification en Île-de-France : le schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF), la territorialisation de l’offre de logements (TOL) et les contrats de développement territorial (CDT), se heurte à plusieurs limites.
Les lois de décentralisation ont confié aux communes la responsabilité des politiques de l’urbanisme et de l’habitat en association avec l’État, lequel a gardé, au nom de la solidarité et de l’égalité des territoires, la définition de la politique du logement. Les 20 dernières années traduisent le souci du législateur d’assurer la cohérence de ces politiques mais leur articulation manque de clarté et de simplicité, singulièrement en Île-de-France où les responsabilités demeuraient éclatées jusqu’à l’adoption des lois du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (dite « MAPTAM ») et du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (dite « ALUR »). La mise en œuvre de ces lois destinées à définir un nouveau cadre institutionnel pour assurer la cohérence de ces politiques est cependant empreinte de nombreuses incertitudes (cf. infra).
« Métropole du Grand Paris » et « Grand Paris »
La métropole du Grand Paris a été créée par la loi du 27 janvier 2014 précitée (voir aussi infra) qui porte création, sous cette dénomination, d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et à statut particulier regroupant la commune de Paris, l’ensemble des communes des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne et, à leur demande, certaines communes de la grande couronne dans des périmètres frontaliers.
La loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, si elle traite prioritairement du projet de réseau de transport du Grand Paris (voir carte en annexe n° 2), fixe également un objectif de construction de 70 000 logements par an dans un cadre ainsi défini : « Le Grand Paris est un projet urbain, social et économique d'intérêt national qui unit les grands territoires stratégiques de la région d'Île-de-France, au premier rang desquels Paris et le cœur de l'agglomération parisienne, et promeut le développement économique durable, solidaire et créateur d'emplois de la région capitale ».
Carte n° 1 : métropole du Grand Paris et futurs EPCI
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Il est l’instrument de détermination de la destination générale des différentes parties du territoire. La première tentative en 2008 de révision du SDRIF établi en 1994 a mis en lumière les divergences entre l’État et le conseil régional tant sur le rythme que sur la localisation des constructions. Un accord est intervenu en 2013 sur une augmentation de l’effort de construction, principalement par densification. Le nouveau SDRIF, dont les prescriptions s’imposeront au plan métropolitain du logement et de l’hébergement, est entré en vigueur deux ans avant l’installation de la métropole du Grand Paris.
À la suite de la loi sur le Grand Paris de 2010, le SDRIF a fixé à l’horizon 2030 un objectif annuel de construction, non plus de 60 000 comme de 2008 à 2009, mais de 70 000 logements, dont 30 % de logements sociaux (21 000) ; dans les secteurs déjà fortement pourvus en logement social, priorité est donnée au développement d’une offre locative intermédiaire, privée et d’accession à la propriété.
Cet objectif de 70 000 logements23 résulte de l’addition de trois éléments :
- 35 000 logements pour répondre aux besoins de la population actuelle, répartis de façon homogène sur le territoire selon un taux moyen de construction annuel équivalent à 0,66 % du parc existant, proche du taux constaté ; ce total correspond au point mort régional, défini comme : « le nombre de logements à construire chaque année dans une commune pour maintenir le volume de sa population, compenser la baisse de la taille des ménages, renouveler une partie de son parc et permettre une certaine fluidité des parcours résidentiels »24 ;
- 25 000 logements correspondant aux objectifs de croissance économique du SDRIF, répartis en fonction du potentiel de développement des territoires, lui-même évalué selon deux facteurs : l’un d’attractivité (économie, transports en commun, foncier urbanisable, intérêt national et régional du territoire) et l’autre de limitation (environnement, limitation de l’étalement urbain, risques et nuisances) ;
- 10 000 logements enfin pour accompagner le Grand Paris et notamment le développement lié aux nouveaux réseaux de transport.
L’objectif paraît difficile à atteindre, comme le montre le graphique suivant.
Graphique n° 2 : objectifs de construction et logements commencés en Île-de-France
[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
De 1994 à 2007, l’objectif de construction fixé par le SDRIF était de 53 000 logements par an ; en moyenne annuelle, les mises en chantier se sont élevées à 41 562 durant cette période. L’objectif a été porté à 60 000 de 2008 à 2009, mais seulement 38 917 logements par an ont été commencés. Enfin, depuis 2010, l’objectif est de 70 000 logements par an, pour une moyenne annuelle de mises en chantier de 43 980 de 2010 à la fin de 2013.
La réalisation de l’objectif nécessiterait donc d'augmenter des deux tiers le rythme de construction annuel en Île-de-France par rapport à la tendance des 20 dernières années. Pour ce faire, il est prévu de densifier, c’est-à-dire de limiter la consommation d’espace en renonçant à un aménagement extensif et d’accueillir l’essentiel de la croissance urbaine dans les territoires déjà constitués, notamment ceux bien desservis par les transports collectifs.
Cependant, comme le souligne le ministère chargé du logement, si le SDRIF propose des orientations réglementaires qui permettent la réalisation de l’objectif fixé par la loi, il ne fixe aucune contrainte.
Or cet objectif de densification porté par le SDRIF pour lutter contre l’étalement urbain risque de rencontrer la résistance des collectivités à la surdensité sur leur territoire, rendant ainsi complexe la localisation d’une offre nouvelle de logements prioritaire (cf. infra).
L’État a défini une méthode de répartition des objectifs de construction de logements entre 38 territoires franciliens ou « bassins de TOL ». Ses services ont eu recours à la notion de point mort, ici estimé à 35 000 logements par an (cf. supra), répartis uniformément sur le territoire à due proportion du parc existant. Les 25 000 logements supplémentaires permettant d’accueillir des populations nouvelles ont été répartis en tenant compte des atouts et des faiblesses des territoires. L’« effet Grand Paris » est la seule explication donnée pour justifier l’inscription des 10 000 logements de plus dans les objectifs 2013 par rapport à ceux de 2008. Les premières comparaisons entre ces objectifs, même territorialisés, et les réalisations soulignent la nécessité pour l’État et ses partenaires de se doter des moyens d’une mise en œuvre opérationnelle plus efficace. L’État affiche sa volonté à cet égard de recourir aux dispositions relatives à la densification en milieu urbain et à la transformation de bureaux en logements, entrées en vigueur en 2013 par ordonnance.
S’il n’existe pas de lien juridique entre le SDRIF et la TOL, celle-ci devrait toutefois constituer le socle règlementaire des positions de l’État dans les documents d’urbanisme, les conventions d’équilibre, les agréments ainsi que les contrats de développement territorial. L’État s’assurerait ainsi de la conformité avec la TOL des objectifs en logement, notamment des programmes locaux de l’habitat (PLH, cf. infra). Mais les temporalités des documents sont différentes. Le compte rendu du comité régional de l’habitat du 16 juin 2011 a seulement précisé qu’ils « devront être articulés sur la période 2011 – 2030 ».
Les contrats de développement territorial ont été conçus comme un instrument partagé entre l’État, les collectivités locales et leurs groupements pour la mise en œuvre des objectifs fixés par la loi sur le Grand Paris, avant tout dans le domaine des transports. Des engagements sont également pris pour la construction de logements mais le plus souvent sans mention des moyens fonciers et financiers et, en tout état de cause, sans mécanisme d’incitation et sans sanction en cas de non-réalisation. Au 1er octobre 2014, sur les 21 projets de CDT, 13 avaient été validés dont 9 signés. Le périmètre des CDT s’inscrit dans la cartographie du futur réseau de transport collectif du Grand Paris, voire au-delà de ce réseau pour plusieurs contrats. En revanche, construit à partir de limites administratives, le périmètre de la métropole diffère de ce contour.
Carte n° 2 : contrats de développement territoriaux
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Chargé de la mise en œuvre des objectifs du SDRIF dans la production de logements et des zonages mis en place pour leur répartition, l’État doit assurer la bonne compatibilité des documents d’urbanisme ; c’est à l’échelle intercommunale que se conduit désormais plus facilement l’exercice de planification de l’urbanisme comme celui de programmation des logements. Or, si la région Île-de-France compte 109 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), un grand nombre d’entre eux rassemblent seulement deux communes. La faiblesse de l’intercommunalité en Île-de-France est ainsi un facteur majeur des difficultés rencontrées pour assurer la cohérence des politiques de l’urbanisme et de l’habitat.
Si 20 % seulement du territoire national était couvert par un schéma de cohérence territoriale (SCOT) à la fin de 2013, la proportion était encore plus faible en Île-de-France où six schémas étaient approuvés25. Les SCOT définissent entre autres les objectifs et les principes de la politique de l’habitat au regard, notamment, de la mixité sociale et visent à mettre en cohérence les politiques menées en matière d’urbanisme, d’habitat, de développement économique, d’implantations commerciales, de déplacements et d’environnement. Or les besoins d’investissement et de gestion coordonnés justifieraient l’établissement d’un SCOT unique pour l’ensemble formé par Paris et les territoires de la petite couronne. La métropole du Grand Paris devra normalement assumer cette compétence. Au-delà de la future métropole, c’est l’ensemble de la structuration de l’Île-de-France par des SCOT qui devrait être mise en place, après une évaluation des premiers SCOT à conduire. Selon le ministère chargé du logement, la longue élaboration du SDRIF et la mise en œuvre du Grand Paris expliqueraient les retards accumulés ces dernières années en matière de SCOT mais la couverture de la grande couronne serait correctement assurée. Il semble cependant, au vu de la carte des SCOT, que cette affirmation soit assez optimiste.
Le programme local de l’habitat (PLH) fixe les principes et les objectifs d’une offre de logements en relation avec les besoins. Seule une minorité des communes et des intercommunalités franciliennes en est dotée et il n’existe pas dans la région de programme départemental de l’habitat. Dès lors, les objectifs cumulés de construction fixés dans les PLH n’atteignent que 28 000 logements par an, dont 10 000 logements sociaux.
Carte n° 3 : la mise en place des programmes locaux de l’habitat
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Les plans locaux d’urbanisme (PLU) définissent les règles d’utilisation des sols et notamment leur caractère constructible. Moins de la moitié des communes franciliennes sont dotées d’un PLU. Une trentaine de communes de la petite couronne n’en ont toujours pas adopté et seuls trois EPCI avaient décidé en 2013 d’exercer la responsabilité de l’urbanisme. L’examen du contenu de certains PLU montre le recours à des mesures de transcription des objectifs fixés par les PLH : espaces réservés à la construction de logements sociaux avec proportion minimum dans les programmes, modification de règles de densité ou de gabarit pour les constructions sociales, création de secteurs comprenant une taille minimum de logements. Ces bonnes pratiques, qui ne concernent encore qu’un nombre limité de PLU, mériteraient d’être étendues.
Même si le PLU doit être modifié en cas de non-compatibilité avec le PLH, il n’y a pas de relation directe entre les objectifs de ce dernier et les autorisations de construire. Que ce soit par le développement de l’intercommunalité en grande couronne ou par la mise en place de la métropole en petite couronne, la généralisation des PLH et le renforcement de leur lien avec les PLU, pourtant obligatoires depuis 2009, ne sont qu’imparfaitement assurés.
Parmi les communautés dotées de la compétence PLU recensées à la fin de 2012 par l’Assemblée des communautés de France, seules trois étaient situées en Île-de-France. La loi ALUR transfère, dans un délai de trois ans, la compétence d’élaboration des PLU aux communautés d’agglomération et aux communautés de communes, sauf opposition de 25 % des communes membres représentant au moins 20 % de la population, mais en Île-de-France, cette disposition ne devrait s’appliquer qu’aux seuls territoires de la grande couronne hors métropole, cette dernière étant régie en l’espèce par les dispositions de la loi MAPTAM.
En définitive, l’État, malgré ses efforts, n’est pas parvenu à assurer jusqu’ici, sur le plan opérationnel, la cohérence entre les politiques de l’urbanisme et de l’habitat en Île-de-France. Ce constat partagé par le ministère chargé du logement s’explique essentiellement, selon lui, par les particularités de l’Île-de-France, région où les problématiques de développement doivent être appréhendées à différentes échelles (région, agglomération, bassins d’emplois et d’habitat, communes) et où le développement limité de l’intercommunalité n’a pas permis jusqu’à présent de faire émerger des acteurs d’envergure suffisante susceptibles de porter de façon pertinente avec l’État une politique de logement territorialisée et de s’assurer de sa déclinaison dans les documents d’urbanisme.
La planification urbaine aux Pays-Bas
Le plan local d’urbanisme (Bestemmingsplan) couvre l’intégralité du territoire de la collectivité et comprend un plan de protection environnementale et un plan de rénovation urbaine. Il s’articule avec les autres instruments que sont les plans de réalisation, imposés dans les programmes de construction urbains les plus importants, les règles relatives aux participations et à la répartition des catégories d’habitats. Il est opposable aux tiers.
Le plan local prend en compte les règles issues des niveaux supérieurs : normes administratives générales, « plans d’intégration » (inpassingsplannen) et directives (aanwijzingen). Le plan d’intégration est un instrument d’intervention directe de l’État et de la province dans la planification d’urbanisme de la commune. Il modifie le plan local auquel il s’intègre.
L’État et la province peuvent également prendre une directive soit en amont (proactive), soit en aval (réactive) du plan local. La commune est tenue de rendre son plan conforme à la directive. L’État peut aussi fixer des directives aux provinces, que celles-ci doivent répercuter sur les communes. Une procédure de concertation est prévue avec les collectivités locales concernées. L’ensemble de ces dispositions restreint donc sérieusement l’autonomie de décision de la commune.
Pour le ministère, le nouveau cadre institutionnel mis en place par les lois du 27 janvier et du 24 mars 2014 précitées devrait remédier à cet ensemble de difficultés. La loi du 27 janvier 2014 a créé un comité régional de l’habitat et de l’hébergement, regroupant l’ensemble des acteurs du logement dans la région, qui se réunit désormais régulièrement. Il a notamment pour mission d’élaborer le schéma régional de l’habitat et de l’hébergement. Il convient toutefois de noter que des remises en cause et des demandes de modification manifestées postérieurement au vote des deux lois suscitent des incertitudes sur leur mise en application.
La nouvelle organisation de la métropole du Grand Paris, prévue par la loi MAPTAM, devrait voir le jour le 1er janvier 2016. Elle doit regrouper, dans un seul EPCI divisé en territoires, Paris et les 124 communes des trois départements de la petite couronne, avec des compétences très étendues, 46 communes de la grande couronne pouvant demander un rattachement facultatif. La métropole devrait se substituer aux 19 EPCI à fiscalité propre qui existent aujourd’hui dans le périmètre de la petite couronne et rassembler près de sept millions de Franciliens, soit plus de la moitié des habitants de la région. Elle serait organisée en territoires d’un seul tenant et sans enclave d’au moins 300 000 habitants, la ville de Paris constituant un de ces territoires.
La métropole devrait exercer de plein droit, en lieu et place des communes membres, les compétences d’aménagement de l’espace métropolitain, la politique locale de l’habitat, la politique de la ville, la protection de l’environnement et du cadre de vie. Elle devrait élaborer un PLU regroupant les plans prévus par les conseils de territoire, qui tiendraient lieu de plans de secteur. En cas de carence, la métropole élaborerait les plans de territoire. Le PLU métropolitain devrait reprendre les dispositions relatives aux SCOT et prendre en compte le plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement (PMHH). Dans le domaine du logement, les compétences indissociables suivantes pourront être déléguées de l’État à la métropole, par convention, à la demande de celle-ci et dès lors que le PMHH sera exécutoire : attribution des aides à la pierre, droit au logement, réquisition, hébergement d’urgence.
En revanche, les communes membres continueront à délivrer les permis de construire, sauf compétence dérogatoire allouée à la métropole ou aux territoires ou opération d’intérêt national.
Les analogies de la métropole de Londres avec la région parisienne
Quinze ans plus tôt que son homologue française, la capitale du Royaume-Uni a été dotée d’une autorité du Grand Londres d’un périmètre comparable à celui de la future métropole du Grand Paris. Les orientations stratégiques ont été fixées dans un document métropolitain (London Plan) et doivent être prises en compte par les plans locaux. Le maire de Londres a été doté d’un pouvoir d’intervention local pour les projets d’importance stratégique. Les différences tiennent dans l’élection au suffrage universel direct du maire du Grand Londres et dans une structuration politique homogène du territoire, intra et extra muros (les boroughs). En Île-de-France, les conseils de territoire institués par la loi du 27 janvier 2014 ne préfigurent pas une telle organisation, les communes des trois départements de la petite couronne demeurant les unités de base, a fortiori avec la dissolution des intercommunalités.
La nouvelle organisation de la métropole francilienne pourrait ainsi permettre, comme l’estime le ministère, de résoudre les difficultés évoquées ci-dessus. Il demeure toutefois une différence entre les périmètres du Grand Paris « Transports » et du Grand Paris « Métropole ». D’autres difficultés pourraient aussi découler de la dissolution d’établissements publics intercommunaux efficaces. Enfin, certaines dispositions de la loi MAPTAM, relatives notamment aux PLU et aux secteurs ou territoires de la métropole, sont en cours de révision par le Parlement.
Au fil des années, l’État a développé et contractualisé avec les communes ou leurs groupements des outils nombreux de planification et de programmation, certains uniquement centrés sur la déclinaison par zone des objectifs de construction du SDRIF (territorialisation de l’offre de logements – TOL), d’autres aux ambitions plus larges (schémas de cohérence territoriale – SCOT), ainsi que des opérations particulières de développement (contrats de développements territoriaux – CDT). Or les périmètres géographiques de ces différentes opérations ne coïncident que rarement avec des circonscriptions administratives, et les réformes introduites par la loi MAPTAM restent à inscrire dans les faits d’ici au 1er janvier 2016.
Dans cette situation encore évolutive, la Cour recommande de stabiliser et faire coïncider les périmètres d’intervention retenus pour la planification, la programmation et la contractualisation de l’offre de logements avec les découpages administratifs, sur la base des nouveaux contours des intercommunalités.
Dans un deuxième temps, il serait logique de confier aux EPCI non seulement la responsabilité des PLU et des PLH, comme l’ont prévu les lois MAPTAM et ALUR avec la création des plans locaux d’urbanisme intercommunaux, mais aussi les autorisations de construire : il serait paradoxal qu’une commune, après une période de concertation et de négociation des objectifs, garde le pouvoir de refuser de délivrer des permis de construire pour des opérations qui auraient été décidées au niveau intercommunal.
La faiblesse de la production de logements au regard des objectifs fixés par le SDRIF conduit à évaluer la responsabilité du facteur foncier (pénurie de foncier constructible, niveau des prix) dans cette situation et à s’interroger sur les instruments à la disposition de l’État et des collectivités pour réguler l’offre foncière, afin de permettre la mise sur le marché d’une offre foncière quantitativement suffisante, à des niveaux de prix qui assurent l’équilibre des opérations et la solvabilité de la demande finale de logements neufs.
Or le prix des charges foncières, qui est de 66 €/m² de surface hors œuvre nette (SHON) en moyenne nationale, atteint près de 500 €/m² en Île-de-France, avec de très gros écarts selon les zones : pour les cessions de logements libres en accession, ces charges s’échelonnent de 270 €/m2 à 450 €/m² en grande couronne, de 420 €/m2 (Chelles) à 750 €/m2 (Orsay) en moyenne couronne, et de 350 €/m2 (Créteil) à 750 €/m2 (Pantin) et 1 800 €/m2 (Vincennes) en proche et très proche couronne.
Ces écarts de prix sont liés en partie à la densité de l’habitat par département, égale à 329 logements / ha de surface d’habitat à Paris, contre 108 en petite couronne et 46 en grande couronne.
Parmi les actions de politique foncière dans un marché tendu, on distingue, outre la réglementation de l’usage du foncier (PLU, autorisations d’urbanisme) évoquée plus haut :
- l’acquisition (amiable ou par préemption, expropriation, voire réquisition), le portage et la cession (à prix de marché, ou à prix administré) ou la mise à disposition (baux à construction) de foncier brut ;
- la production de terrains à bâtir, à partir du foncier brut, dans le cadre d’opérations d’aménagement d’initiative publique, confiées à un aménageur public (établissement public d’aménagement – EPA ; société d’économie mixte – SEM ; société publique locale d’aménagement – SPLA) ou privé ;
- l’utilisation de l’instrument fiscal, notamment pour inciter les propriétaires fonciers à vendre leurs biens, ou pour capter au bénéfice de l’aménagement une partie de la plus-value d’urbanisation.
Selon l’analyse des documents d’urbanisme, 20 000 hectares étaient en 2011 disponibles à l’urbanisation dans les plans d’occupation des sols (POS) et les PLU franciliens, sans pour autant être construits, ni faire l’objet d’un projet. L’Île-de-France ne manquerait donc pas, globalement, de foncier potentiellement constructible. Toutefois, ce chiffre global ne garantit pas que le foncier constructible soit localisé là où se trouve la demande solvable de logements, ni que les terrains en zone constructible soient destinés à la construction de logements, ni que cette offre foncière potentielle soit réellement mobilisable (rétention des propriétaires fonciers, absence de projets de construction).
Le SDRIF approuvé en 2013 chiffre à 29 225 ha la surface maximale d’extension urbaine sur la période 2008-2030, soit 1 328 ha/an. Ce total recouvre 17 500 ha de secteurs d’urbanisation préférentielle ou conditionnelle (810 « pastilles » représentant les extensions urbaines cartographiées), 7 750 ha d’extensions urbaines non cartographiées (quartiers de gare, pôles de centralité, bourgs-villages-hameaux), et 4 000 ha d’espaces naturels déjà ouverts à l’urbanisation dans les documents locaux d’urbanisme, non repris par la carte du SDRIF, mais mobilisables dans les trois ans de délai de mise en conformité. L’effort d’accroissement du parc de logements à l’horizon 2030 doit se répartir entre espaces déjà urbanisés (dans lesquels se réaliserait 75 % de cet effort, par densification et mutation du tissu urbain) et espaces d’urbanisation nouvelle (25 %), alors que les proportions étaient respectivement de 66 % et de 33 % au cours des vingt dernières années. Il est prévu toutefois que ce rapport entre les deux types d’espaces puisse varier fortement selon le type de territoire : à Paris et dans quelques communes proches, l’accroissement du parc s’inscrira en quasi-totalité dans le tissu déjà urbanisé ; ailleurs dans l’agglomération et dans la région, le parc de nouveaux logements s’inscrirait pour moitié dans le tissu déjà urbanisé et pour moitié dans les secteurs d’urbanisation nouvelle.
En zone urbanisée, la densification se heurte à la contrainte économique. Le foncier disponible, qu’il s’agisse de « dents creuses » ou de foncier à faire muter, a une valeur déjà élevée, en raison de sa rareté et de sa localisation, mais aussi de sa valeur d’usage (cas du foncier utilisé par des activités économiques ou des immeubles dégradés). Or son coût de requalification (démolition, dépollution, remembrement) est souvent élevé, ce qui crée un « effet de ciseaux » pour l’aménageur, qui ne peut offrir pour les fonciers portant des actifs immobiliers un prix aussi élevé que pour un terrain nu. En outre, les coûts de construction sont une fonction croissante de la densité, les procédés constructifs étant plus onéreux et les contraintes plus nombreuses (surcoût lié à la hauteur des bâtiments, proportion de stationnements en infrastructures plus importante, etc.).
La densification en zone déjà urbanisée n’est donc économiquement possible que si les prix de sortie des logements absorbables par le marché sont suffisamment élevés pour pouvoir offrir aux propriétaires fonciers un prix supérieur à la valeur d’usage et couvrir les coûts d’aménagement et de construction plus élevés. C’est bien ce qui a été constaté au cours des années 2000 : l’augmentation continue des prix immobiliers a permis de libérer et de faire muter du foncier en zone centrale et a rendu possible les opérations de renouvellement urbain.
On peut donc légitimement se demander si les prix et les typologies de logements qui résulteront d’une densification accrue du cœur d’agglomération permettront vraiment d’équilibrer le marché du logement en Île-de-France, sauf à ce que les opérations d’aménagement soient équilibrées par de fortes subventions publiques, notamment pour la construction de logements sociaux.
La répartition des objectifs de densification proposée par le SDRIF semble accentuer encore ces différences de densité dans l’agglomération parisienne et méconnaitre un potentiel important de logements. La restructuration du bâti existant échappe pour partie à la programmation publique, qu’elle émane de l’État ou des collectivités locales et de leurs groupements, et elle requiert de l’ensemble des acteurs une plus grande attention pour éviter une diminution de la qualité des logements. Au cours des années 2001 à 2011, comme le montrent les tableaux n° 12 et 13, 141 900 logements ont été produits au sein du bâti existant, soit un quart des logements créés, une offre représentant plus de trois ans de construction et compensant les deux tiers des logements disparus.
Tableau n° 9 : évolution du parc dans la petite couronne (2001 à 2011)
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Tableau n° 10 : évolution du parc dans la grande couronne (2001 à 2011)
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Ainsi la contribution de la restructuration à l’augmentation de l’offre, égale à 56 %, a été particulièrement forte à Paris : 39 000 logements pour 30 000 logements neufs. En l’absence de restructuration, le parc aurait diminué de plus de 2 % compte tenu des 64 000 disparitions et changements d’usage de logements. Cette contribution a été plus faible en petite couronne, de l’ordre de 22 %, compensant la moitié des disparitions (86 000). Les livraisons de logements s’étant élevées à 160 000, le parc a augmenté de 6 %. En grande couronne, la Seine-et-Marne a connu un niveau de construction élevé ; elle a assuré à elle seule un tiers des constructions de la grande couronne et 18 % de celles d’Île-de-France au cours de la période. Le nombre de logements restructurés étant également élevé, le parc a enregistré une croissance nette de 13 % entre 2001 et 2011. En dépit d’une croissance modérée de la construction, le Val-d’Oise a vu une augmentation nette de son parc de 9 %, le nombre de logements restructurés compensant presque celui des logements disparus.
Dans ce cadre, les capacités d’extension urbaine permises par le SDRIF paraissent restrictives au regard des objectifs de construction de logements fixés par la loi sur le Grand Paris. Il paraît donc nécessaire d'agir à la fois sur la petite et sur la grande couronne.
La densité passant de 21 000 habitants par km2 à Paris à 6 700 habitants par km2 en moyenne dans les trois départements de la petite couronne, des possibilités non négligeables de densification existent dans les quartiers en renouvellement urbain, le foncier public, les friches d'activité et, à moyen terme, dans les grandes zones d'activité ou commerciales, ainsi que l'ont montré depuis vingt ans des communes comme Saint-Denis, Aubervilliers, Boulogne-Billancourt ou Issy-les-Moulineaux.
Cependant le foncier de renouvellement disponible dans le cœur de l'agglomération, long et coûteux à mobiliser, ne suffira pas à répondre aux besoins pour la construction de nouveaux logements sociaux. En outre, pour poursuivre la densification du cœur d’agglomération par de nouvelles opérations mêlant logements sociaux et privés, il serait nécessaire, afin d’équilibrer ces opérations, soit de faire appel à des subventions publiques importantes, dont le niveau relève d’un choix politique, soit de maintenir des prix élevés des logements du secteur libre. La contrainte économique plaide donc aussi pour une extension raisonnée aux marges de l'agglomération, sous peine de favoriser un développement résidentiel encore plus éloigné et émietté dans la couronne rurale. Cette urbanisation raisonnée devrait reposer sur des modalités d'aménagement urbain plus économes en foncier, des lieux de centralité et des transports articulant les quartiers nouveaux avec le centre de l'agglomération. Ces « métropoles aux portes de la métropole » auraient vocation à élaborer des stratégies territoriales et foncières au service de politiques d'habitat.
Les collectivités territoriales et leurs opérateurs sont, depuis la décentralisation, les principaux acteurs de l’action foncière et de l’aménagement, y compris en Île-de-France. L’action de l’État et de ses établissements publics, à l’apogée en 1970-1975 avec l’aménagement des villes nouvelles et l’action foncière à grande échelle de l’Agence foncière et technique de la région parisienne (AFTRP), s’est progressivement réduite.
L’article L. 300-1 du code de l’urbanisme donne une définition large des actions ou opérations d’aménagement : elles peuvent avoir pour finalité non seulement la politique de l’habitat, mais aussi l’extension ou l’accueil des activités économiques, de tourisme et de loisirs, la mise en œuvre du renouvellement urbain, la lutte contre l’insalubrité ou la préservation des espaces naturels. Les communes, qui sont compétentes en matière d’urbanisme réglementaire, et le cas échéant les intercommunalités dont elles sont membres, sont souvent à l’initiative des opérations d’aménagement, en particulier lorsque ces dernières se déroulent dans le cadre juridique de la zone d’aménagement concerté (ZAC). Elles sont également l’un des principaux acteurs de l’aménagement opérationnel, selon qu’elles aménagent en régie ou au travers de leurs entreprises publiques locales, sociétés d’économie mixte ou sociétés publiques locales d’aménagement.
La zone d’aménagement concerté reste la principale procédure d’aménagement d’initiative publique à la disposition des collectivités. Or le nombre de ZAC créées chaque année a considérablement baissé entre les années 1990 et 2010. Selon les données disponibles, on dénombrait au 1er janvier 2012 en Île-de-France environ 760 ZAC, situées sur 23 500 ha de terrain. Ces ZAC vivantes représentent une programmation initiale d’environ 400 000 logements pour 36 millions de m² de surface hors œuvre nette (SHON) consacrée aux logements et 59 millions de m² de SHON de locaux d’activités dont 14,8 millions de m² de bureaux. Sur cette programmation initiale, il restait encore au 1er janvier 2012 environ 127 000 logements à autoriser et 143 000 logements à mettre en chantier, ainsi qu’environ 5,5 millions de m² de bureaux à autoriser et 5,9 millions de m² à mettre en chantier.
Le nombre de logements produits en ZAC, corollairement, a fortement baissé : selon l’enquête ZAC 2010 de l’observatoire régional du foncier (ORF), les logements alors produits en ZAC ne représentaient que 16 % des logements commencés. Cette proportion était de 34 % en 2003 et de 23 % en 2006. La faiblesse du nombre de logements construits chaque année en Île-de-France s’explique sans doute, en partie, par ce déclin des opérations publiques d’aménagement conduites en ZAC par les collectivités à l’échelle de la région. En effet, l’aménagement d’initiative publique représente structurellement, en Île-de-France, une part de la production de foncier aménagé plus élevée qu’ailleurs en France, par rapport à la production « privée », du fait du de la part plus grande des logements collectifs par rapport au logement individuel.
Au-delà des aléas de la conjoncture, la réduction du poids des opérations d’aménagement menées sous forme de ZAC tient à des facteurs structurels. En premier lieu, le retournement du marché immobilier qu’a connu l’Île-de-France au début des années 1990 et la crise des ZAC qui en a résulté ont marqué durablement le secteur de l’aménagement dans cette région. Les opérateurs privés qui s’étaient positionnés, dans les années 1980, comme aménageurs de ZAC vis-à-vis des communes, y compris pour des opérations longues et complexes, se sont repliés sur un modèle d’aménagement de court terme.
De leur côté, certaines collectivités, pour limiter les risques fonciers et financiers attachés aux opérations d’aménagement public, ont privilégié des modes d’aménagement plus souples, recourant à l’encadrement réglementaire par le PLU et d’autres dispositifs unilatéraux (taxe d’aménagement majorée, proportion de logements sociaux) et laissant jouer librement le marché sans prendre de risque foncier. D’autres communes ont recouru à des formes d’aménagement négocié, dans le cadre d’un urbanisme de projet, dans lesquelles l’opérateur privé prend à sa charge une part importante des risques.
En outre, bien que les ZAC conservent de nombreux avantages, les évolutions législatives et réglementaires ont sans doute rendu la procédure de la ZAC moins attractive, plus lourde et juridiquement moins sûre pour les collectivités. La loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) a modifié substantiellement le rapport de cet outil opérationnel avec le droit des sols : la ZAC comportait son propre plan d’aménagement de zone, le PAZ, dérogatoire au plan d’occupation des sols ; depuis 2000 le droit des sols doit être modifié préalablement à la création de la ZAC26. Enfin, la loi du 20 juillet 2005 impose aux collectivités de mettre les aménageurs en concurrence avant de leur concéder une ZAC. Certes, l’obligation de mise en concurrence a le mérite de clarifier et de professionnaliser les rapports entre collectivités et aménageurs. Elle oblige notamment les collectivités à préciser en amont leur attentes. Mais cette obligation rend plus lourde la procédure pour les communes, notamment les plus petites, qui doivent procéder aux études préalables en amont, sans pouvoir confier l’ensemble de l’opération à un seul opérateur.
Un certain recentrage des grandes opérations d’aménagement sur le cœur de l’agglomération parisienne s’est néanmoins opéré, dans un contexte de renouvellement urbain et de reconversion des grandes friches en petite couronne. Les opérations de rénovation urbaine ont également pris une grande place dans les opérations d’aménagement en Île-de-France. Selon une étude de l’ORF, deux tiers des ZAC créées en Île-de-France entre 2004 et 2008 l’ont été sur des périmètres éligibles aux subventions de l’ANRU, en tout ou partie.
L’Agence foncière et technique de la région parisienne (AFTRP), créée en 1962 pour l’aménagement des villes nouvelles, est un établissement public sui generis, compétent pour l’ensemble de l’Île-de-France. Il peut être assimilé aux établissements publics d’aménagement, même si ses compétences foncières, son histoire et son champ de compétence géographique en font un opérateur singulier. Il est aujourd’hui opérateur foncier pour le compte de l’État, aménageur, pour son compte propre ou le plus souvent à la demande des collectivités, et prestataire de services (études, ingénierie foncière, mandats pour la réalisation d’équipements publics). Il remplit aussi des missions de gestion foncière et immobilière pour les établissements publics d’aménagement ou pour des services de l’État et participe à la réhabilitation des copropriétés dégradées.
Le rôle d’opérateur foncier de l’AFTRP a fortement évolué au cours de la période récente. Dans les années 1970, l’Agence gérait 135 000 ha de zones d’aménagement différé (ZAD), essentiellement sur des zones agricoles. Elle achetait en moyenne près de 3 000 ha par an et fournissait 13 % du foncier que consommait la construction en Île-de-France, en sa qualité d’opérateur foncier au profit des grands aménageurs qu’étaient les établissements publics d’aménagement des villes nouvelles, et dans une moindre mesure au profit des aménageurs des collectivités.
Avec la décentralisation, l’État s’est progressivement désengagé de l’action foncière en Île-de-France, mais une politique de préemption active a été relancée dans les années 1990, en anticipation du nouveau SDRIF, en créant 130 zones d’aménagement différé sur 28 000 ha, essentiellement en grande couronne, dont la gestion a été confiée à l’AFTRP.
À la fin de 2012, le patrimoine foncier de l’État géré par l’AFTRP s’élevait à 4 433 ha, dont 2 889 ha en villes nouvelles (hors 415 ha de patrimoine routier). L’Agence gère également cinq ZAD État pour une surface de 562 ha. Son rôle d’opérateur foncier au service des collectivités et de leurs aménageurs s’est effacé, depuis 2006, au profit des établissements publics fonciers. L’AFTRP n’intervient donc plus guère, comme opérateur foncier, qu’au service de l’État, pour la gestion du patrimoine foncier de ce dernier, et pour son compte propre, dans ses fonctions d’aménageur.
Contrairement aux autres EPA, qui ont vocation à mener des opérations d’aménagement en compte propre, sélectionnées en fonction de leur intérêt, de leur qualité et des subventions d’équilibre qui peuvent être mobilisées, l’AFTRP intervient essentiellement sous forme de concessions d’aménagement, après mise en concurrence. Cette intervention « en aval » dans le processus limite la capacité de l’Agence à infléchir les projets d’aménagement des communes, notamment dans le sens d’une plus grande densité. On notera à cet égard que le contrat d’objectifs de l’AFTRP avec l’État fixe un objectif de 1 800 logements à produire ; toutefois, au cours de la période 2006-2010, l’AFTRP n’a jamais dépassé les 1 500 logements produits chaque année.
Dans le cadre du plan de relance de l’aménagement en Île-de-France annoncé par la ministre du logement en janvier 2014 et confirmé par le Premier ministre en octobre 2014, l’AFTRP devrait être transformée en Grand Paris Aménagement : elle piloterait et coordonnerait la nouvelle opération d’intérêt national (OIN) multi-sites destinée à renforcer l’implantation des logements aux approches des nouvelles gares. Cette transformation du rôle de l’agence, qu’il est également prévu de rapprocher des autres établissements publics d’aménagement (voir infra), pourrait contribuer à accroître l’efficacité des opérateurs de l’État intervenant dans le périmètre régional.
Les opérations en cours sous l’égide d’un EPA de l’État, à Marne-le-Vallée et à Sénart, ouvrent des perspectives de développement :
- la ville nouvelle de Marne-la-Vallée sera desservie à terme par deux gares du réseau Grand Paris Express dont la mise en service est prévue en 2020 : Noisy-Champs et celle dite des trois communes (Bry-Villiers-Champigny). Les dernières grandes opérations d’aménagement lancées tendent à rechercher davantage de densité : 43 logements/ha pour l’éco-quartier de Montévrain, 72 logements/ha pour celui du Sycomore à Bussy-St-Georges car le développement de l’activité touristique dans le Val d’Europe est fortement consommateur de foncier, et contribue à artificialiser les espaces davantage que la construction de logements ;
- avec 115 000 habitants, l’opération d’intérêt national de Sénart couvre un territoire de 12 000 ha, grand comme Paris et le bois de Boulogne, dont 30 % sont urbanisés. Elle compte 43 000 logements dont deux tiers de maisons individuelles, 65 % de propriétaires et 30 % de logements sociaux. À l’origine, les ambitions de l’État pour cette ville nouvelle portaient sur 300 000 à 400 000 habitants, mais en raison de l’abandon des divers projets d’équipements structurants, du défaut initial d’infrastructures de desserte en transports collectifs et du retrait de la ville de Melun en 1983, les objectifs ont été revus à la baisse : il s’agit désormais d’atteindre 150 000 habitants à l’horizon 2028-2030.
La réserve foncière est un atout majeur de cette ville nouvelle. L’État est propriétaire de 2 600 ha, soit le quart de la superficie de Sénart (1 900 ha État, et 700 ha EPA) et le potentiel d’urbanisation porte sur 1 150 ha dont 620 en ZAC. Le foncier détenu par l’État est mis à disposition de l’EPA à sa demande et à un prix administrativement défini, particulièrement avantageux : prix d’acquisition acquitté au moment de la constitution des réserves foncières (de l’ordre de 1 €/m2), augmenté d’une actualisation annuelle de 4,5 %, soit aujourd’hui entre 5 € et 7 € par m2.
Les terrains aménagés étaient revendus par l’EPA à un prix d’environ 335 €/m2 SHON dans le secteur libre et 250 €/m2 pour les opérations de logement locatif social. Pour équilibrer les opérations, l’EPA joue sur le coût d’aménagement des espaces publics et la densité des opérations.
Dans les villes nouvelles considérées comme achevées et où l’établissement public d’aménagement a été dissout, on constate que les communautés d’agglomération qui ont pris la suite disposent encore de potentiel foncier pour leur développement, comme à Saint-Quentin-en-Yvelines ou à Cergy-Pontoise, sans pouvoir toutefois le mobiliser. Dans ce second cas, le président de la communauté d’agglomération indique en effet que des opportunités immédiates se dégageraient si l’autorisation de construire était transférée à l’EPCI, certaines communes stérilisant le foncier disponible et constructible.
La Cour renvoie à cet égard à sa recommandation précédente d’attribuer aux intercommunalités de la région Île-de-France les autorisations d’urbanisme, afin de faciliter le recensement, la valorisation et la mobilisation du foncier encore disponible dans les périmètres des anciennes villes nouvelles.
La période récente a été marquée par un certain réinvestissement de l’État dans l’action foncière et d’aménagement. L’État a renforcé son rôle d’impulsion et de soutien aux collectivités avec la création d’une nouvelle génération d’EPA sur des territoires dont le développement est jugé prioritaire, la fusion à venir des établissements publics fonciers, ainsi qu’à travers la recherche d’une meilleure mobilisation de ses propres ressources foncières et de celles de ses opérateurs au service de la construction de logements. Des outils fiscaux rénovés permettraient en outre de mieux réguler l’offre foncière.
À partir des années 2000, de nouveaux établissements publics d’aménagement ont été créés afin d’aider à la restructuration de zones déjà urbanisées, ce qui les distingue de la génération des EPA des années 1970 qui opéraient sur des territoires essentiellement agricoles. Ils interviennent sur le nord de l’agglomération (Plaine de France), à l’ouest de la Défense (Seine Arche)27, sur la zone d’Orly-Rungis (Seine Amont), sur le plateau de Saclay (Paris-Saclay) et dans la vallée de la Seine (Seine Aval).
Ils ont un double rôle de développement territorial et d’aménageur. Dans la première mission, ils ont diversement su s’imposer face aux autres acteurs et le soutien que l’État leur apporte, en tant que tutelle, mérite d’être renforcé. Dans leur activité propre d’aménagement, qui monte progressivement en puissance, ils sont confrontés à des opérations d’ampleur financière inégale. Mais d’une manière générale, si l’on excepte Saclay, le modèle économique de ces EPA, qui interviennent prioritairement en territoire de renouvellement urbain, n’est plus aussi favorable que celui de la génération des établissements publics d’aménagement des villes nouvelles, compte tenu du coût d’acquisition et de mutation du foncier et de l’ampleur des travaux d’aménagement à réaliser. Le modèle ne peut trouver son équilibre qu’avec des financements publics, alors que cet équilibre est censé être essentiellement assuré par des recettes commerciales.
Les établissements publics d’aménagement apparaissent comme un levier majeur de production de foncier constructible et de développement du logement en Île-de-France, qui mérite d’être conforté. Mais ces instruments d’aménagement de l’État forment un ensemble disparate, reflétant les nécessités et circonstances ayant présidé à leur création et apportant une réponse seulement partielle aux enjeux actuels de l’aménagement en Île-de-France, en particulier en matière de logement. Il en découle que le pilotage stratégique des EPA par l’État doit être renforcé. La doctrine d’intervention de l’État et de ses établissements publics dans le cadre juridique spécifique des opérations d’intérêt national doit également être clarifiée, notamment en ce qui concerne l’usage des prérogatives de puissance publique.
L’exemple de l’EPAMSA (Seine Aval)
L’EPA Mantois-Seine Aval (EPAMSA) a été créé par un décret du 16 avril 1996. Jusqu’en 2006, l’établissement était principalement chargé de la direction de deux projets de ville, celui de l’agglomération de Mantes-en-Yvelines et celui de Chanteloup-les-Vignes, dont les volets urbains ont ensuite été repris dans des conventions ANRU. Ces projets de ville, en changeant l’image des centres-villes de Mantes et de Chanteloup, en attirant progressivement les promoteurs, en créant des valeurs foncières pour l’activité et le commerce, ont favorisé la constitution d’intercommunalités (communauté de communes des Deux Rives de la Seine et communauté d’agglomération de Mantes-en-Yvelines/CAMY) et rendu possible la création d’une opération d’intérêt national. Son périmètre actuel s’étend de Bonnières-sur-Seine à Conflans-Ste-Honorine et comprend sept intercommunalités.
Plusieurs objectifs ont été fixés à l’opération d’intérêt national (OIN), parmi lesquels la production de 2 500 logements neufs par an.
Pour inciter les élus au respect de leur engagement en faveur du développement de l’OIN et notamment la construction de logements, des conventions de portage foncier tripartites ont été signées entre l’EPAMSA, l’établissement public foncier des Yvelines (EPFY) et les communes, stipulant que les collectivités (et non l’EPAMSA) portent le risque de rachat du foncier à l’EPFY tant que les conditions de réalisation de l’opération d’aménagement (modification du PLU le cas échéant, approbation du programme d’équipement public) ne sont pas garanties : ce n’est qu’alors que l’EPAMSA endosse l’obligation de rachat du foncier, en tant qu’aménageur.
Priorité a été donnée au renouvellement urbain, ce qui n’est pas sans conséquences sur le rythme de production de logements à court terme, compte tenu de la plus grande complexité technique et du coût accru des opérations d’aménagement. De ce point de vue, compte tenu de la configuration du territoire et de ses potentialités foncières, on peut se demander si l’un des rôles de l’EPAMSA ne devrait pas être de mettre aussi ses capacités d’ingénierie au service des bourgs, villages et hameaux du territoire afin d’y favoriser la création de mini-ZAC denses qui contribueraient à une extension urbaine raisonnée et maîtrisée, et à assurer un rythme de construction de logements plus soutenu ; cet axe de développement ferait actuellement l’objet d’études.
Le rôle d’aménageur de l’EPAMSA n’est véritablement monté en puissance que depuis 2009. En 2013, quatre ZAC étaient en cours de réalisation (Mantes Université, Carrières-sous-Poissy Centralité, Gargenville, Cœur de ville à Bonnières-sur-Seine), quatre autres étaient en phase de création (l’éco-pôle Seine aval, l’éco-quartier fluvial de Mantes-Rosny, Mantes Innovaparc, Les Mureaux Ouest) et trois autres au stade de la prise d’initiative (éco-parc de Flins, Chapet et Andrésy).
Cependant, compte tenu de l’attractivité du territoire encore fragile tant pour le logement que pour l’activité économique – ce qui limite les prix de sortie – et de la priorité donnée à la construction de logements en renouvellement urbain plutôt qu’en extension urbaine, les opérations d’aménagement engagées par l’EPAMSA nécessitent des subventions publiques qui peuvent atteindre 48 % des recettes, comme dans l’opération Cœur de Ville à Bonnières et, en moyenne, 16 % des recettes, bien que le territoire d’intervention soit situé en grande couronne.
Quatre établissements publics fonciers (EPF) ont été créés dans la région par décrets du 13 septembre 2006 : l’établissement public foncier d’Île-de-France (EPFIF), compétent dans cinq départements : Paris, la Seine-et-Marne, l’Essonne, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne ; les EPF des Yvelines, des Hauts-de-Seine et du Val-d’Oise.
Leur domaine d’action est plus limité que celui des EPA ; il comprend l’acquisition de terrains ou de biens bâtis, la mise en état des lots, leur cession aux porteurs de projets et un rôle de conseil, d’ingénierie et d’expertise. Les EPF interviennent systématiquement dans le cadre de conventions avec les collectivités (communes, intercommunalités) ou les établissements publics d’aménagement. Ils s’engagent sur un périmètre précis et une durée d’intervention, sur une enveloppe financière dédiée à la convention et un niveau de service qu’ils apportent à la collectivité (études foncières, réalisation de travaux, etc.). Le portage est sauf exception gratuit, les EPF ne répercutant ni frais financiers ni honoraires internes, dès lors que les termes de la convention sont respectés.
Créés pendant une période de hausse du prix du foncier, les EPF n’ont pu exercer une action contra-cyclique et ils pourraient souffrir d’un retournement de conjoncture, alors même que leur action concourt à limiter le prix du foncier. Leur rôle régulateur à cet égard est réduit, dans la mesure où leurs interventions se situent dans le marché, mais le fait qu’ils acquièrent immédiatement les biens, alors que des opérateurs privés mettent des conditions suspensives, peut inciter les vendeurs à consentir à diminuer leurs prétentions. Ces établissements peuvent aussi exercer une action modératrice par leur volonté d’éviter les surenchères sur les charges foncières et de faire prévaloir le contenu qualitatif des projets. Ils n’ont cependant qu’une marge de manœuvre limitée pour infléchir les projets des collectivités dans le sens d’une densité allant au-delà des seuils déterminés dans les plans pluriannuels d’investissements (PPI) et de ce qu’induisent les contraintes d’équilibre économique de l’opération. Leurs interventions, notamment sur les fonciers complexes, n’ont pas encore produit leurs pleins effets sur le rythme de construction de logements de la région. À la fin de 2013, les EPF avaient conclu des conventions avec 284 communes, ils possédaient un stock foncier de 873 ha valorisé à hauteur de 1 129 M€ et offrant un potentiel de 31 590 logements. Le nombre de logements commencés s’élevait à 9 546 unités.
Les établissements publics fonciers franciliens ne sont pas directement exposés aux risques de marché, du fait de l’engagement de rachat des collectivités, sur lesquelles le risque est transféré. En pratique, cependant, ils pourraient être amenés à enregistrer des moins-values foncières en cas de baisse durable des prix, pour ne pas bloquer la réalisation des opérations.
La décision de fusionner les EPF d’Île-de-France en un seul établissement, inscrite dans la loi ALUR, va dans le bon sens mais soulève plusieurs questions. L’un des objectifs de la réforme étant un plus grand ciblage des interventions, il conviendra de préciser les priorités d’action du futur EPF unique en termes de rééquilibrage entre les territoires, de concentration des actions sur les territoires stratégiques de la région ou sur les communes classées SRU, d’arbitrage entre les territoires de renouvellement urbain et ceux d’extension urbaine. La question d’une éventuelle péréquation des opérations pourra également se poser, comme celle d’une plus grande prise en compte des capacités financières et d’ingénierie des communes. Enfin, s’agissant de l’organisation du futur établissement, certaines collectivités craignent que, même avec une structure opérationnelle conservée en grande partie par rapport à la situation actuelle, la fusion en un EPF unique conduise à distendre les liens avec les communes des départements qui bénéficiaient jusqu’ici d’un EPF dédié et avec les départements eux-mêmes dont ils constituaient l’outil.
Le comité interministériel pour le développement de l’offre de logement (CIDOL) du 28 mars 2008 avait fixé les orientations du programme national de mobilisation du foncier public en faveur du développement de l’offre de logements, et identifié une liste de 514 sites possédés par l’État ou ses établissements publics, représentant 1 140 ha destinés à la construction de 70 000 logements, dont 26 700 logements sociaux, sur la période 2008-2012. Pour faciliter la construction des logements sociaux, était prévue une décote sur le prix de marché du terrain. La loi du 13 janvier 2013 a disposé que la décote pourrait atteindre 100 % de la valeur vénale des terrains pour la part de logement social prévue dans l’opération.
Le principe qui prévaut en termes de cession du patrimoine de l’État reste celui de la mise en concurrence. Ce principe est écarté lorsque les collectivités usent de leur droit de priorité, ce qui conduit l’État à privilégier la cession de ses terrains aux communes, à charge pour elles de négocier avec le futur opérateur. Mais certaines communes font valoir qu’elles se considèrent soumises à la même contrainte que l’État en termes de mise en concurrence des opérateurs.
Dans le programme 2008-2012, l’Île-de-France était concernée au titre de 270 sites représentant 616 ha, avec un objectif de 42 000 logements dont 16 400 logements sociaux. Le résultat obtenu n’est pas à négliger puisque 26 876 logements, dont 12 664 logements sociaux, ont été mis en chantier. Cependant, près d’un tiers des logements ont été lancés sur des terrains appartenant à des établissements publics d’aménagement, dont la vocation première est justement d’acquérir des terrains, de les aménager et de les commercialiser.
Tableau n° 11 : nombre de logements mis en chantier au titre du programme de mobilisation du foncier public 2008-2012 en Île-de-France, par propriétaire
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
En outre, le périmètre de cette politique est encore restreint puisque le foncier détenu par les collectivités territoriales en est exclu et que tous les terrains de l’État et de ses établissements publics potentiellement libres d’occupation ne sont pas inclus dans le champ de cette politique. Ainsi, de nombreux terrains militaires libérés à l’occasion du programme de redéploiement ont fait l’objet de contrats de redynamisation des sites de défense avec les collectivités locales, axés sur le développement économique. C’est le cas, en Île-de-France, de la base aérienne de Brétigny-sur-Orge qui aurait pu représenter un important gisement de logements.
La politique de cession de foncier public à prix décoté, donc « hors marché », pour favoriser la construction de logements, en particulier sociaux, se heurte à un autre objectif de l’État et de ses opérateurs qui est de valoriser au mieux leur patrimoine et de préserver leurs intérêts financiers ; c’est notamment le cas des entreprises ferroviaires. Par ailleurs, elle pose la question de la répercussion de cette subvention publique implicite sur le prix du logement construit, et celle des bénéficiaires ultimes de cette subvention.
Lorsque la cession de foncier public à prix décoté aboutit, dans une opération de construction de logements locatifs sociaux ou de logements destinés à l’accession à prix inférieurs au marché, il faut être particulièrement vigilant sur la sélection des acquéreurs qui pourront bénéficier de ces logements. Des systèmes de clauses anti-spéculatives peuvent être mis en place par les collectivités, par exemple pour réserver les programmes aux promoteurs qui s’engagent à tenir un certain niveau de prix, et garantir que ces logements ne seront pas remis sur le marché ultérieurement, procurant une plus-value indue (car financée par de l’argent public) à leurs propriétaires. Mais leur solidité juridique au-delà d’une certaine durée28 et surtout leur efficacité pratique restent encore sujettes à question.
Pour dépasser ce dilemme, une alternative serait, plutôt que de céder le foncier public, de le mettre à disposition d’opérateurs publics ou privés, par des baux emphytéotiques ou des baux à construction. Ces dispositifs sont utilisés par les collectivités territoriales pour développer le logement social, et par certains opérateurs publics (Assistance publique – Hôpitaux de Paris, RATP, SNCF) pour loger leur personnel à des niveaux de loyer intermédiaires. Ils semblent pour le moment peu utilisés par l’État lui-même.
Il est en conséquence recommandé de favoriser la mise à disposition des terrains publics pour la construction de logements locatifs sociaux par le biais de baux emphytéotiques ou à construction plutôt que par des cessions à titre gratuit.
Le système fiscal actuel taxe faiblement la détention des terrains constructibles et taxe les plus-values de cessions de ces terrains de manière dégressive dans le temps. Dès lors, la rétention foncière devient un comportement économique rationnel de la part des propriétaires.
La taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) restent assises sur des valeurs locatives cadastrales obsolètes, qui n’ont pas été révisées depuis 1970 et qui n’ont fait l’objet que de revalorisations forfaitaires depuis cette date. La TFPB représente environ 10 % des recettes des communes et des EPCI à fiscalité propre, mais la TFPNB ne pèse que 1 % et son poids est indolore sur les terrains constructibles dont la valeur vénale est sans commune mesure avec leur valeur locative. L’effet incitatif de cette taxe sur la mobilisation des terrains est donc très faible, tout particulièrement en Île-de-France.
Pour inciter les propriétaires à vendre leurs terrains constructibles ou à y réaliser des constructions, le législateur a institué la possibilité de majorer la valeur locative de ces terrains, servant d’assiette de la TFPNB. Cette majoration facultative, décidée par la commune, ne peut excéder 3 €/m2, ce qui demeure peu incitatif dans de nombreuses zones d’Île-de-France où le terrain à bâtir vaut 200 € par m2 ou plus. Nombre d’élus locaux sont réticents à l’égard de cette mesure, qui est peu utilisée. La loi de finances initiale pour 2013 y a substitué, en zone tendue, une majoration obligatoire plus élevée : + 25 % de la valeur locative, plus une valeur forfaitaire de 5 €/m2 (pour les impositions dues au titre de 2014 et 2015), puis 10 €/m2 (à partir de 2016). La loi de finances initiale pour 2014 a cependant reporté l’application de ces dispositions au 1er janvier 2015 et exclu les terrains faisant l’objet d’une exploitation agricole. Le projet de loi de finances rectificative pour 2014 resserre le champ de la majoration de plein droit sur les zones géographiques marquées par un déséquilibre particulièrement important entre l’offre et la demande.
La majoration de plein droit pourra entraîner, là où elle s’appliquera, des hausses substantielles de la TFPNB par rapport aux montants actuels. Toutefois, ces montants étant eux-mêmes généralement très faibles en Île-de-France en proportion de la valeur des terrains constructibles assujettis à la TFPNB, l’incidence de la majoration, dans les zones franciliennes les plus tendues, devrait rester limitée au regard de cette même valeur29 et, par conséquent, de la hausse de celle-ci là où la tension du marché foncier est la plus forte. La mise en place d’une majoration dans les zones les plus tendues telles que l’Île-de-France ne dispense donc pas d’une réflexion plus générale sur la réforme des bases d’imposition des terrains constructibles. Le Conseil des prélèvements obligatoires a relevé que la valeur de marché, c’est-à-dire la valeur vénale, est « prédominante dans les fiscalités foncières des pays européens, car plus équitable et plus pratique en termes de gestion », et il a suggéré que cette valeur devienne « la source de droit commun pour alimenter la mise à jour de l’assiette »30. Si une révision des bases d’imposition a été enclenchée pour les locaux professionnels et pour les locaux d’habitation31, cela n’est pas encore le cas pour le foncier non bâti.
Quelle que soit la complexité des questions à résoudre, cette révision devrait viser à tenir compte, notamment en Île-de-France, de la valeur vénale des terrains constructibles dans l’assiette de la taxe foncière sur les propriétés non bâties.
Le régime de taxation des plus-values immobilières s’applique aux biens bâtis et non bâtis, donc aussi aux terrains à bâtir, et prévoit actuellement un système d’abattement progressif en fonction de la durée de détention du bien, conduisant pour ces terrains à une exonération totale au bout de 30 ans (15 ans avant 2012). Ce système favorise ainsi leur rétention, ce qui est particulièrement dommageable en Île-de-France, compte tenu de l’ampleur des besoins fonciers et de la raréfaction naturelle de la ressource dans les zones denses.
Une réforme du régime de taxation des plus-values de cession immobilière a été votée dans les lois de finances de 2013 puis de 2014. Les dispositions supprimant l’abattement progressif sur les plus-values de cession de terrains à bâtir ont toutefois été censurées à deux reprises par le Conseil constitutionnel : pour 2014, en dernier lieu, au motif que la suppression de tout abattement n’était compensée par aucune autre forme d’atténuation de la plus-value brute, et notamment par la prise en compte de l’érosion monétaire, ce qui conduisait à imposer le contribuable dans des conditions méconnaissant la prise en compte de ses capacités contributives.
Il resterait donc possible de remplacer l’abattement actuel sur les plus-values de cession immobilière de terrains à bâtir, qui a pour effet de rendre la fiscalité dégressive en fonction du temps, par un mécanisme permanent de réduction de la base taxable en fonction de l’inflation, qui n’encouragerait plus les propriétaires fonciers à la détention longue du foncier constructible.
Il est recommandé en conséquence de modifier les règles fiscales taxant les plus-values de cession de terrains à bâtir, pour ne plus réduire la base taxable en fonction de la durée de détention, mais seulement en tenant compte de l’érosion monétaire.
Conclusion et recommandations
La cohérence des politiques de l’aménagement, de l’urbanisme et de l’habitat, confiées aux collectivités territoriales en association avec l’État, et de la politique du logement qui reste une prérogative de l’État est difficile à obtenir sur le plan opérationnel en Île-de-France, pour des raisons qui tiennent à la fois à la nécessité d’appréhender les politiques de développement à différentes échelles territoriales et à la place limitée des intercommunalités. Les vingt dernières années ont montré un écart croissant entre des objectifs toujours plus ambitieux de création de logements et des réalisations très en deçà. Il convient donc de trouver le bon niveau de décentralisation de la politique de planification pour une politique du logement active.
Les lois récentes de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles et pour l’accès au logement et un urbanisme renforcé proposent un nouveau cadre institutionnel avec notamment pour objectif d’assurer cette cohérence, en particulier dans leurs dispositions sur le Grand Paris. Néanmoins, leur mise en application en 2016 pour la métropole du Grand Paris est fragilisée par des remises en cause diverses.
Les politiques menées en matière de planification et d’urbanisme ont aussi montré leurs limites pour remédier à l’insuffisance du foncier constructible mobilisable pour la construction, qui est le principal facteur freinant le développement de l’offre de logements en Île-de-France.
La nécessité de maîtriser le développement urbain, d’alimenter le marché en terrains constructibles et de freiner l’inflation des prix du foncier justifie, en région francilienne, des politiques foncières plus actives, adaptées à la diversité des territoires et articulant mieux les différents outils, tout en confortant les nouveaux, qui sont prometteurs.
La Cour formule en conséquence les recommandations suivantes :
2- stabiliser et faire coïncider les périmètres d’intervention retenus pour la planification, la programmation et la contractualisation de l’offre de logement sur la base des nouveaux contours des intercommunalités ;
3- .confier aux établissements publics de coopération intercommunale, après la responsabilité des plans locaux d’urbanisme et des programmes locaux de l’habitat, la délivrance des autorisations de construire ;
4- favoriser la mise à disposition des terrains publics pour la construction de logements locatifs sociaux par le biais de baux emphytéotiques ou à construction plutôt que par des cessions à titre gratuit ;
5- décourager la rétention foncière en taxant les plus-values immobilières réelles sans condition de durée de détention, mais en tenant compte de l’érosion monétaire ;
6- modifier l’assiette de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, en tenant compte de la valeur vénale des terrains à bâtir.
Chapitre III
Le logement locatif social en Île-de-France : des résultats insuffisants malgré des efforts financiers importants
Le parc locatif social se compose de plusieurs types de logements caractérisés par leur mode de financement, par leur niveau de loyer et par le niveau de revenu maximal fixé pour y accéder. Pour les logements mis en service depuis les années 2000, on distingue ainsi :
- les logements financés par des prêts locatifs aidés d’insertion (PLAI), destinés aux ménages les plus modestes avec un plafond de ressources imposables avoisinant, dans la zone la plus tendue (A bis, Paris et certaines communes franciliennes), 1 200 €/mois pour une personne seule en 2014 ;
- ceux financés par des prêts locatifs à usage social (PLUS), destinés à des ménages moins modestes, dont les ressources imposables ne dépassent pas, la même année et dans la même zone, un plafond d’environ 2 100 € mensuels pour une personne seule ;
- ceux financés par des prêts locatifs sociaux (PLS), assortis d’un plafond de ressources imposables mensuelles plus élevé, de l’ordre de 2 800 € pour une personne seule.
Le parc social existant comprend aussi une majorité de logements construits et financés au XXe siècle sous d’autres régimes de prêts. En revanche, bien que leurs loyers et les ressources de leurs occupants soient également plafonnés, les logements à loyer réglementé financés par des prêts locatifs intermédiaires (PLI) ne font pas partie des logements locatifs sociaux et ils ne sont pas pris en compte pour satisfaire à l’obligation d’un quota minimal de ces logements fixée par la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite SRU.
En 2012, on comptait 544 236 demandeurs de logements sociaux inscrits en Île-de-France32, à comparer à un parc régional de 1 166 630 logements locatifs sociaux conventionnés, ouvrant droit à l’aide personnalisée au logement (APL), sur un total de 1 217 409 logements gérés par les bailleurs sociaux33. Paris rassemblait 25,7 % des demandes alors que son parc social représentait 17 % du parc régional : le nombre des demandes y équivalait ainsi à 67 % de son parc social.
Logements sociaux « conventionnés », « agréés », « financés »
L’aide personnalisée au logement, allocation créée en 1977, est attribuable, en règle générale, au titre de logements ayant donné lieu à des conventions entre leurs bailleurs et l’État (art. L. 352-2 du code de la construction et de l’habitation). Les logements des bailleurs sociaux ayant donné lieu à ces conventions acquièrent le caractère de logements sociaux conventionnés. Ils sont compris dans le décompte des logements satisfaisant aux obligations de la loi SRU (art. L. 302-5 du CCH).
Le bénéfice des subventions de l’État au logement social et des prêts locatifs sociaux est subordonné à une décision favorable du ministre chargé du logement (art. R. 331-3 du CCH) qui prend la forme d’un agrément. L’agrément ne peut lui-même être prononcé, sauf cas particuliers, qu’après la conclusion du conventionnement ouvrant droit à l’APL (art. R.331-6 du CCH). Les logements ainsi acceptés pour le bénéfice des aides ou prêts sont dits, de façon équivalente, « agréés » ou « financés ».
L’agrément/financement d’un logement locatif social ne permet pas d’anticiper avec certitude sa réalisation effective. Une opération agréée peut être annulée ; il peut en outre s’écouler plusieurs années entre l’agrément du logement et sa mise à la disposition d’un locataire (première mise en location).
Tableau n° 12 : répartition du parc locatif géré par les bailleurs sociaux franciliens par département au 1er janvier 201234
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Malgré une réorientation des financements de l’État en direction de l’Île-de-France où le coût du logement social est plus élevé que dans les autres régions, les effets des interventions publiques restent très en deçà des besoins franciliens (I) ; le bilan de la mise en œuvre de l’article 55 de la loi SRU reste par ailleurs mitigé en Île-de-France et la loi du 18 janvier 2013 dite « SRU 2 », loin de corriger les imperfections du système, peut les amplifier (II) ; enfin la rigidité des règles en vigueur d’attribution et de gestion du logement social a, en Île-de-France, des effets particulièrement négatifs (III).
Au cours de la décennie 2000, le parc social francilien est l’un de ceux qui se sont le moins développés en France, alors même que la loi SRU imposait d’atteindre un taux de 20 % de logements locatifs sociaux dans toutes les communes importantes d’Île-de-France. Le stock de logements sociaux n’a augmenté que de 6 % entre 2002 et 2012 selon les enquêtes effectuées auprès des gestionnaires. À partir de 2005 toutefois, une forte impulsion a été donnée pour augmenter la programmation annuelle de logements : comparée aux objectifs du SDRIF prévoyant une production annuelle de 21 000 logements sociaux, elle montre un effort de rattrapage important puisqu’en 2013, elle dépassait de 57 % l’objectif initial.
Cependant, surtout en Île-de-France où beaucoup d’opérations de logements locatifs sociaux font l’objet de recours contentieux, il peut s’écouler de trois à cinq ans entre une décision de programmation et la livraison du logement, sauf dans le cas où il est programmé de conventionner par simple agrément dans le parc locatif social des logements existants. Mais comme ces derniers sont, la plupart du temps, déjà occupés et que leurs locataires ont droit au maintien dans les lieux, la notion la plus importante pour apprécier la croissance du parc social est celle des logements mis en première location, qu’ils soient neufs ou libres d’occupation.
Tableau n° 13 : logements locatifs sociaux programmés
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Les logements sociaux programmés en Île-de-France sont passés de 20,9 % de l’ensemble national en 2005 à 31,4 % en 2012. L’agrément est le stade suivant, soit que le plan de financement est adopté, soit qu’un logement précédemment privé ou intermédiaire rejoint le parc social. Cependant, les logements agréés sont moins nombreux que les logements programmés, comme le montre le graphique n° 3 ci-après, pour toute la période 2005-2012, sauf en 2010 ; un fort ralentissement s’est produit en 2012-2013, les agréments n’atteignant que 65 % de la programmation de cette dernière année.
Graphique n° 3 : comparaison des logements sociaux (hors logements en foyers) programmés avec les logements agréés et les logements mis en première location
[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Seule une partie des logements agréés constitue des logements nouveaux. On distingue en effet dans la production de logements sociaux les logements neufs, les logements anciens réhabilités après de lourds travaux et comptabilisés comme neufs, et les logements anciens conventionnés comme logements sociaux avec de petits travaux, ou sans travaux. Parmi ces derniers, certains logements peuvent ne pas avoir un réel caractère d’offre sociale nouvelle. Pour mieux prendre la mesure des résultats de la politique de développement du logement social, il est donc nécessaire de distinguer, dans les résultats de la programmation, ceux qui sont offerts à l’attribution et ceux qui sont conventionnés avec maintien dans les lieux.
Ainsi, en Île-de-France, le nombre des logements sociaux agréés a connu une hausse notable en 2010 et 2011, sans pour autant qu’intervienne un effort de construction de même ampleur, du fait de l’acquisition par des bailleurs sociaux de logements appartenant à la société ICADE35. Construits dans les années 1950 et 1960, la plupart étaient des logements sociaux de fait, qui logeaient des ménages à conditions économiques proches de celles des logements sociaux.
Au total, pendant la période 2005-2010, le nombre de nouveaux logements sociaux mis en première location est demeuré bien plus faible que celui des logements programmés : sauf en 2010, il est toujours resté inférieur à 20 000 par an.
Le graphique et le tableau ci-après retracent les différentes sources de financement des logements locatifs sociaux en Île-de-France.
Graphique n° 4 : financement des logements sociaux de droit commun agréés en 2013 en Île-de-France (en M€)
[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Tableau n° 14 : plans de financement prévisionnels des opérations 2013
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Les financements de l’État sont très concentrés sur l’Île-de-France. À partir de 2010, plus de 50 % des aides à la construction de logements locatifs sociaux, dites « aides à la pierre », décidées au niveau national ont été réservées à cette région, soit une enveloppe de l’ordre de 220 M€ en 2012 et 2013. Ce sont les prêts locatifs à usage social (PLAI) qui bénéficient des interventions les plus importantes, représentant 57 % de l’enveloppe budgétaire de l’État en 2012 pour l’Île-de-France alors qu’ils ne comptaient que pour 21 % des logements agréés. La répartition des aides au sein de la région favorise surtout Paris, à hauteur de 30 à 45 % du total selon les années. Cela traduit à la fois l’accroissement du nombre des logements sociaux sur le territoire de la capitale et leur coût élevé. Une répartition plus favorable aux autres territoires de la région, ayant pour contrepartie, de la part des communes, l’effort de construction correspondant, permettrait de produire au même coût un nombre de logements supérieur.
Tableau n° 15 : autorisations d’engagement sur le programme 13536: crédits pour le logement locatif social en Île-de-France37
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Bien que les subventions de l’État aient été nettement réorientées vers l’Île-de-France, cela est loin de suffire à faire face aux difficultés du bouclage financier des opérations dans la région. Ces subventions sont devenues nettement minoritaires par rapport à celles des collectivités territoriales : en 2013, le plan de financement des 30 116 logements agréés en Île-de-France a mobilisé des prêts à hauteur de 71 % et des fonds propres des bailleurs à hauteur de 10 % ; les subventions financées par la participation des employeurs à l’effort de construction ont représenté 4 % du financement total, celles des collectivités territoriales 10 %, et celles de l’État 5 % seulement.
La mesure de l’effort de l’État doit cependant aussi prendre en compte, même si ces montants ne sont pas affichés dans les plans de financement, le financement indirect résultant des dépenses fiscales liées à la TVA à taux réduit pour la construction et l’amélioration des logements sociaux ainsi qu’à l’exonération de la TFPB pour ces mêmes logements, chiffrables aux alentours de 900 M€ selon les hypothèses déjà formulées plus haut (cf. III du ch. I).
Depuis la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, les intercommunalités ou les départements qui le souhaitent peuvent attribuer, au nom de l’État, les aides à la construction de logements locatifs sociaux. La région Île-de-France a compté quatre délégataires d’aides : deux départements, Paris38 – délégation de loin la plus importante – et les Hauts-de-Seine et deux communautés d’agglomération, Cergy-Pontoise et Melun Val de Seine.
Dans le cadre de cette procédure, ont été contractualisés les objectifs et les engagements respectifs de l’État et des délégataires. Ces derniers ont globalement atteint, au cours de la période 2007-2012, 97 % des objectifs qui leur étaient assignés.
Tableau n° 16 : objectifs et financements de logements locatifs sociaux chez les délégataires
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Tableau n° 17 : crédits de l’État et crédits des délégataires
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Le dispositif de délégation des aides à la pierre repose sur le volontariat des collectivités territoriales, l’État gardant la maîtrise des objectifs quantitatifs. Il a pour finalité la recherche d’un effet de levier grâce aux apports des délégataires. Au cours de la période 2005-2012, les crédits mobilisés par ces derniers ont été plus de deux fois supérieurs à ceux, déjà préférentiels, accordés par l’État dans le ressort territorial des délégations, voire trois fois en intégrant le compte foncier de Paris39. Les financements de Paris ont été du même ordre de grandeur que ceux de l’État pour la France entière.
L’extension en Île-de-France de la formule de la délégation semble avoir été limitée, notamment, par les incertitudes relatives à l’évolution du statut de la métropole parisienne. Une autre limite tient au fait que le droit des sols appartient aux communes mais que celles-ci ne peuvent être délégataires.
Les résultats obtenus à Paris
Les objectifs quantitatifs assignés au département de Paris ont été globalement respectés au cours de la période sous revue. Paris a réalisé plus du quart de la production de logements locatifs sociaux de la région pour un poids démographique inférieur au cinquième. Un rééquilibrage géographique des flux d’offre de logements sociaux sur le territoire parisien a été constaté, même si le déséquilibre persiste dans certains arrondissements. Des difficultés résident cependant dans la capacité à développer partout les logements les plus sociaux de type PLAI.
Les objectifs de construction neuve ont varié avec le temps et ont eu tendance à augmenter : le taux est de 50 % en 2010, 60 % en 2011, 50 % en 2012. Les réalisations (hors quartiers ANRU) sont supérieures aux objectifs fixés par la convention, mais il faut tenir compte du fait que les acquisitions et réhabilitations lourdes sont comptées comme des logements neufs : 51 % en 2009 et 62 % en 2010, 68 % en 2011, mais 47 % en 2012 car, cette année-là, 38,5 % des logements sociaux agréés étaient liés au conventionnement de 1 543 logements de la Régie immobilière de la ville de Paris.
Ainsi l’offre nouvelle de logements sociaux (hors logements-foyers) a été limitée par l’importance des opérations d’acquisition, réhabilitation et surtout par les conventionnements réalisés pour des logements possédés par des organismes liés à la ville, mais considérés comme logements intermédiaires avant leur transformation en logements sociaux, sans pour autant que le maintien dans les lieux des locataires n’en soit affecté.
En signant des conventions d’utilité sociale (CUS), les bailleurs sociaux ont pris vis-à-vis de l’État des engagements de production de logements pour la période 2011-2016. Les objectifs ont été fixés de façon prudente, d’autant plus qu’ils sont bruts, sans déduction des ventes et des démolitions et qu’ils comprennent en revanche les acquisitions– améliorations. Semblant en anticiper le caractère insatisfaisant, l’tat a signé en 2013, non plus avec chaque bailleur, mais avec leurs fédérations, avec l’Union sociale pour l’habitat (USH), qui les regroupe et avec Action Logement (UESL) qui gère la participation des employeurs à l’effort de construction, un pacte d’objectifs et de moyens comprenant un dispositif de mutualisation des ressources et d’aide complémentaire à la construction. En 2013, la contribution d’Action Logement pour l’Île-de-France a atteint 274 M€ en subventions, dont 108 M€ au titre de la surcharge foncière et 166 M€ au titre des autres subventions, et 253 M€ en prêts. Le suivi local dans les zones les plus tendues comme l’Île-de-France prendra la forme de diagnostics territoriaux devant permettre de surmonter les difficultés rencontrées pour atteindre les objectifs.
L’accord national a été décliné au niveau francilien le 14 février 2014 et élargi à la région et à la Caisse des dépôts et consignations. Le document ainsi établi énonce les moyens à mobiliser par chaque partenaire en vue de réaliser un objectif de production de 30 à 32 000 logements sociaux en 2014 et 32 à 37 000 en 2015. Il comporte également un plan d’action portant notamment sur la mobilisation du foncier de l’État, la réhabilitation thermique, l’accompagnement de la réforme des attributions.
Les conventions d’utilité sociale
La loi du 13 mars 2009 a rendu obligatoires les conventions d’utilité sociale, conclues par périodes de six ans entre les bailleurs sociaux et l’État, et comprenant des engagements sur :
- la politique patrimoniale et d'investissement de l'organisme (plan de mise en vente des logements, constructions) ;
- la politique sociale de l'organisme, développée dans le cahier des charges de gestion sociale, (plan d'action pour l'accueil des populations sortant des dispositifs d'accueil, d'hébergement et d'insertion, etc.) ;
- la politique de l'organisme pour la qualité du service rendu aux locataires.
C - Le coût accru des logements sociaux et l’importance des programmes PLS
Graphique n° 5 : logements sociaux agréés à Paris de 2001 à 2013
[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Le coût moyen d’un logement social agréé est assez homogène au sein de l’Île-de-France. En 2013, il était de 145 000 € par logement, plus élevé dans les Hauts-de-Seine (159 000 €) que dans l’Essonne (131 000 €), Paris étant dans la moyenne. Il existe en même temps d’importantes différences dans la répartition géographique des agréments selon la taille et l’ancienneté du logement : on compte, dans les logements agréés, 59 % de logements neufs à Paris, du fait notamment de la contrainte foncière et de la densité, contre 83 % en moyenne pour l’Île-de-France (92 % dans les Hauts-de-Seine, 96 % dans le Val-d’Oise).
Sur la base d’une étude conjointe de l’APUR et de l’IAU IdF de 2011, on peut estimer que le coût de revient moyen au m2 des logements sociaux (hors foyers) à Paris est proche de 2 800 €, soit de 49 % supérieur au prix régional, ce qui est à mettre en lien avec le coût du foncier à Paris.
De tels écarts de coût ne peuvent être compensés par les bailleurs par des écarts de loyers comparables pour les logements PLAI et PLUS, puisque les différences sont très faibles, pour ces logements, entre les plafonds des zones I bis (Paris et communes limitrophes) et I (agglomération parisienne), avec des écarts respectivement de 6,5 % pour les PLAI et de 6,3 % pour les PLUS.
Les zonages pour les plafonds de loyers
Un premier zonage, en chiffres, concerne la fixation des loyers maximaux des logements de type PLAI et PLUS.
La zone I réunit l’agglomération de Paris et les communes des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ainsi que les zones d’urbanisation et les villes nouvelles d’Île-de-France. La zone I bis, à laquelle s’appliquent des plafonds de loyers supérieurs à la zone I, a été créée pour tenir compte du niveau de tension supérieur de Paris et de ses communes limitrophes.
La zone II comprend les autres communes de l’Île-de-France, les agglomérations et les communautés urbaines de plus de 100 000 habitants, les zones d’urbanisation et les villes nouvelles hors Île-de-France, le « Genevois français » à la frontière suisse, les îles non reliées au continent et des cantons du département de l’Oise. La zone III correspond au reste du territoire métropolitain.
Un deuxième zonage, en lettres (par degré de tension décroissant : Abis, A, B1, B2, C), s’applique aux logements non conventionnés, intermédiaires ou au prix du marché bénéficiant d’aides fiscales, mais aussi, en matière de logement social, aux logements de type PLS. Il a été dernièrement modifié en août 2014.
La zone A bis inclut Paris, la quasi-totalité des communes des Hauts-de-Seine et quelques dizaines d’autres communes franciliennes en situation particulièrement tendue. La zone A comprend, notamment, le reste des départements de la petite couronne et une partie substantielle de celles de la grande couronne.
Un troisième zonage, également en lettres (A, B, C) mais différent du zonage des logements non conventionnés, s’applique aux plafonds de ressources pour accéder au logement social : la zone A inclut Paris et les communes limitrophes, la zone B le reste de l’Île-de-France, la zone C le reste du territoire métropolitain
Tableau n° 18 : loyer maximum en €/m² utile40 pour les PLAI et PLUS
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
En revanche, les zones de fixation des loyers des PLS et des PLI permettent une modulation bien plus grande entre les zones A bis, A et B entre lesquelles se répartissent les communes franciliennes. On voit par là que le bailleur a nettement intérêt, dès lors que le coût de construction au m² est très proche entre un PLAI et un PLS, à privilégier ce dernier dans les zones les plus tendues, car il pourra en retirer un loyer plus de deux fois supérieur. Mais l’écart est aussi très important entre le PLUS et le PLS, alors que le loyer-plafond du PLI est proche des prix de marché des logements familiaux de quartiers moyens de Paris.
Tableau n° 19 : loyer maximum en €/m² utile pour les PLS et PLI
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
De fait, au cours de la période 2005-2012, l’agrément des PLS l’a emporté en Île-de-France sur celui des PLUS, dont le subventionnement par l’État a chuté, alors que c’est la formule de logement locatif social de droit commun. En huit ans une forte modification de la structure des financements franciliens a pu être constatée, par rapport au profil national : l’Île-de-France n’a plus représenté que 25 % des PLAI contre 45 % en début de période ; sa part de PLS est en revanche de plus de 40 % contre 20 %. L’importance des logements agréés en 2010-2011 au titre du transfert de patrimoine d’ICADE (plus de 24 000) a significativement contribué à augmenter la part de PLS dans la programmation. Plus récemment, en 2014, la part des PLS programmés en Île-de-France est toutefois redescendue à 35 % selon le ministère. Les PLS ne sont pas financés par l’État selon les mêmes règles que les PLUS et PLAI, mais ils peuvent bénéficier de la subvention pour surcharge foncière. Comme, dans le même temps, la subvention PLUS a été fortement réduite, les opérations PLS, dont le niveau de loyer est beaucoup plus élevé en zone centrale, sont, en comparaison, plus facilement équilibrées.
Tableau n° 20 : plafond de ressources annuelles en 2013 (€) pour un ménage de quatre personnes41
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
À Paris, les programmes PLS ont pu remplir une double fonction d’offre substitutive au parc locatif social PLAI et PLUS, et de parc intermédiaire42, dont l’offre globale s’est raréfiée. Toutefois il est prévu de modifier le PLH en 2015, avec un objectif de production de 30 % de PLAI, 40 % de PLUS et 30 % de PLS, ces derniers étant considérés comme renforçant la mixité sociale dans les zones déjà bien dotées en logements sociaux. De nombreuses communes de la petite couronne parisienne favorisent également cette catégorie de logements sociaux, soit pour atteindre l’objectif de 20 % du parc fixé par la loi SRU, soit au contraire pour promouvoir la mixité sociale lorsque le parc HLM est déjà important. Les PLS financent également, pour un quart en moyenne, des logements-foyers pour étudiants ou pour personnes âgées.
Cependant, alors que 12 % des ménages franciliens locataires sont éligibles au PLS, soit 260 000 ménages, peu de ceux qui sont inscrits dans le fichier des demandeurs de logement social présentent des ressources supérieures au plafond PLUS. Certains bailleurs instituent alors des procédures spécifiques pour l’attribution des logements PLS. Ces logements sont ainsi majoritairement occupés par des ménages dont les ressources sont inférieures au plafond PLUS et qui pourraient donc bénéficier d’une offre de logements sociaux de cette catégorie si elle était suffisante. Enfin, le taux d’effort des locataires occupant un PLS est élevé : les loyers maximums ayant été augmentés depuis 2009, sur la base du zonage ABC, pour être désormais proches du double de ceux du PLUS en zone A bis, les éventuelles aides personnelles au logement ne parviennent pas à compenser cette différence de loyer, car elles sont assises sur un montant de loyer maximal notablement inférieur aux loyers PLS.
Le produit PLS semble donc peu adéquat par rapport à la demande enregistrée en logement social (hors foyers) en dehors de la petite couronne. Une augmentation de la production de PLAI semblerait plus opportune, mais cela nécessiterait des arbitrages financiers différents, avec une augmentation conséquente des moyens budgétaires qui ne semble pas d’actualité. Les services du ministère chargé du logement considèrent néanmoins que la programmation en PLS apparaît pertinente en zone très tendue, compte tenu de l’écart constaté entre les loyers du parc social et ceux du parc privé.
L’article 55 modifié de la loi SRU a introduit pour certaines communes l’obligation de définir un objectif de réalisation de logements locatifs sociaux, qui ne peut être inférieur au nombre nécessaire pour que la proportion de ces logements atteigne 20 % des résidences principales. La réalisation de cet objectif s’inscrivait dans le cadre de six périodes triennales débutant le 1er janvier 2002, plus deux années d’ajustement jusqu’en 2020.
Tant que l’objectif n’est pas atteint, les communes concernées sont soumises à un prélèvement dont le montant est toutefois diminué d’un certain nombre de dépenses déductibles. Dans chacune doit être mis en place un plan de rattrapage dont la non-exécution entraîne des pénalités financières supplémentaires, sauf si sont constatées des difficultés objectives manifestes à la mise en place de nouveaux logements sociaux.
Ces obligations ont été renforcées par la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social. Celle-ci a fait passer l’objectif de 20 à 25 % de logements sociaux d’ici à 202543. Elle a aussi fixé des objectifs de répartition des logements sociaux – un minimum de 30 % de PLAI, un maximum de 30 % de PLS – et a prévu que les pénalités encourues par les communes ne réalisant pas leurs objectifs pourraient être quintuplées.
L’obligation instituée par la loi SRU est de nature à augmenter le nombre des logements sociaux là où elle trouve à s’appliquer, mais ce n’est pas son objectif premier. Elle vise d’abord à modifier la répartition géographique de ces logements, afin d’accroître la mixité sociale.
L’Île-de-France est la région la plus concernée par l’application de l’article 55 de la loi SRU : de 2002 à 2012, la mise en œuvre de cette obligation y a mobilisé entre 179 et 185 communes dont la population est au moins égale à 1 500 habitants (3 500 dans les autres régions). C’est aussi celle où les objectifs ont été globalement les mieux suivis et où les services de l’État ont été particulièrement attentifs à l’examen de la situation des communes les plus éloignées du seuil de 20 %. La mise en œuvre de cette règlementation n’est cependant pas allée sans difficultés, et son renforcement conduit à s’interroger sur son articulation avec les autres objectifs de la politique du logement social en Île-de-France.
Pendant la première période triennale (2002-2004), l’objectif en Île-de-France a été de produire environ 8 000 logements sociaux par an dans les communes où l’article 55 de la loi SRU était mis en œuvre. Cet objectif a ensuite diminué au fur et à mesure de la réalisation de nouveaux logements locatifs sociaux, dont le nombre a cependant toujours été supérieur en moyenne à la programmation triennale. Au terme de la période triennale 2008/2010, les réalisations représentaient ainsi près du double des objectifs initiaux.
Il en résulte que si les logements locatifs sociaux représentaient en 2002 13,2 % des résidences principales des communes où l’article 55 a été mis en œuvre, ce pourcentage est passé à 15,9 % en 2011, en augmentation de 2,7 points. La région Île-de-France est celle qui a le plus efficacement rattrapé son retard initial. Les logements sociaux de la loi SRU y ont représenté, selon les années, entre 42 % et 64 % du total des logements sociaux financés entre 2002 et 2010.
Du 1er janvier 2002 au 1er janvier 2011, le nombre total des logements sociaux s’est accru de 22,6 % en Île-de-France dans les communes constamment soumises à l’obligation de la loi SRU : 68 870 logements supplémentaires, dont 39 651 à Paris (58 %) et 29 219 dans les communes de banlieue (42 %), à comparer aux stocks initiaux de 157 763 logements à Paris et de 146 550 en banlieue.
Une étude commandée par la DRIHL sur la situation de 166 communes ayant été soumises depuis l’origine à des obligations de rattrapage a permis de constater, entre le 1er janvier 2002 et le 1er janvier 2011 :
- à Paris, un accroissement régulier du stock de logements sociaux de 2002 à 2009, d’environ 4 000 unités supplémentaires par an, à l’exception des années 2004 et 2007 ;
- en banlieue, une augmentation du stock plus tardive, et même décroissante entre 2004 et 2006, mais qui s’élève régulièrement à partir de 2007 ;
une progression exceptionnelle de 18 000 unités en 2010 ; pour Paris, cela s’expliquerait principalement par le conventionnement, à la fin de 2010, de 7 603 logements de la Régie immobilière de la ville de Paris (RIVP) ; pour les autres communes, cette variation, deux fois plus importante qu’en 2009, est liée au conventionnement d’une partie du parc détenu par la société ICADE.
Tableau n° 21 : réalisation des objectifs triennaux
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Graphique n° 6 : progression du stock de logements sociaux dans les communes soumises à obligations triennales
[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Les communes dont le nombre total de logements sociaux n’atteint pas le seuil de 20 % des résidences principales sont soumises à un prélèvement dont les modalités de calcul sont définies à l’article L. 302-7 du CCH. Son montant est diminué d’un certain nombre de dépenses exposées par la commune pour la réalisation de logements sociaux. Il est majoré, selon un taux défini à l’article L. 302-9-1 du CCH, pour celles qui n’ont pas atteint les objectifs fixés au terme de la période triennale échue. Le taux de majoration s’applique à l’issue d’une procédure dite de constat de carence, celui-ci étant matérialisé par un arrêté préfectoral.
À l’issue de la dernière période triennale contrôlée (2008-2010), près de 70 % des communes d’Île-de-France avaient atteint les objectifs qu’elles s’étaient fixés, soit une proportion supérieure à celle constatée pour la France entière : seules 62 communes n’avaient pas rempli leurs objectifs et 57 ont été considérées en carence. La quasi-totalité des communes en deçà de leurs objectifs ont donc fait l’objet d’un arrêté de carence, soit une proportion presque deux fois supérieure à celle constatée pour la France entière.
La mise en œuvre de la procédure de carence reste complexe. Elle fait intervenir trois instances dont la saisine est confiée au préfet de département : le comité régional de l'habitat, une commission départementale et une commission nationale, qui formulent un avis ou une recommandation n’engageant pas les autorités auxquelles ils sont adressés. Les conditions d’examen, par ces commissions, des difficultés rencontrées par une commune et l'ayant empêchée de remplir la totalité de ses objectifs ne donnent pas satisfaction. Seules deux communes en Île-de-France ont eu accès à la commission nationale depuis qu’elle a été installée, et seul l’un des deux avis – favorables – a été ensuite suivi.
En 2012, les prélèvements bruts ont représenté 26,2 M€, les prélèvements majorés 29 M€, mais par le jeu des dépenses déductibles, les prélèvements nets arrêtés ont atteint seulement 4,6 M€.
Ce faible montant a pour origine la stratégie des collectivités engagées dans une logique de réalisation des objectifs fixés, qui ont utilisé toutes les ressources de la loi en termes de dépenses déductibles pour s’exonérer de leur prélèvement. Il en résulte que les prélèvements nets se concentrent sur les communes qui refusent totalement ou partiellement de remplir leurs objectifs triennaux.
Toutefois, d’un point de vue budgétaire, il est resté plus coûteux pour une commune, au moins à court terme, de se mettre en conformité avec la loi dans les délais impartis en consentant des dépenses d’investissement importantes que de subir le prélèvement plus la majoration.
Pour certaines communes examinées au cours de l’enquête, le ratio des dépenses réalisées, pour l’application de la loi SRU, en faveur du logement locatif social (prélèvement, dépenses déductibles) sur le total des dépenses de fonctionnement pouvait être de l’ordre de 4 % contre près de 1 % pour celles, très éloignées de leurs objectifs, qui se sont contentées de subir la carence et les majorations.
Le dispositif SRU, tel qu’il a fonctionné depuis 2001, n’a donc pas donné de prime aux communes qui se rapprochaient le plus des objectifs fixés par la loi. Selon le ministère chargé du logement, la faculté de multiplier jusqu’à cinq fois, à l’initiative des préfets, le prélèvement pour les communes en carence et le relèvement du plafond à 7,5 % des dépenses réelles de fonctionnement pour les communes les plus aisées, mesures introduites par la loi du 18 janvier 2013, seraient de nature à remédier à cette situation à l’avenir.
Les obstacles à la réalisation des objectifs fixés en Île-de-France peuvent tenir à la réticence des communes, des élus et des électeurs, mais aussi à l’existence de contraintes matérielles réelles, comme le caractère exigu et déjà très urbanisé du territoire, le manque de foncier et la forte densité au km². Au cours de l’enquête ont été relevés des cas de collectivités qui restent très en retrait de leurs objectifs mais qui expliquent leur situation par des circonstances sur lesquelles elles considèrent avoir peu de prise.
Dix communes ayant fait l’objet de l’enquête, en sus de Paris, restaient en deçà du seuil de 20 % de logements sociaux au début de la période de mise en œuvre de la loi SRU. Rares sont celles qui admettent que ne pas atteindre les 20 % de logements sociaux relève d’un choix sociologique assumé. Elles ont en revanche toutes fait valoir les mêmes obstacles à la réalisation de cet objectif : le caractère exigu et déjà très urbanisé du territoire, le manque de foncier et la forte densité au km². Les communes signalent aussi l’existence de recours contentieux systématiques contre les permis de construire des habitations collectives, émanant des riverains mais aussi d’associations qui s’en sont fait une spécialité.
Boulogne-Billancourt (densité : 15 000 habitants/km²) fait état de disponibilités déjà utilisées pour programmer la construction d’un nombre important de logements sociaux, mais qui sont aujourd’hui taries (ZAC Seguin Rives de Seine). Par ailleurs, expose-t-elle, la réalisation des objectifs de la loi SRU suppose de s’appuyer sur les possibilités de conventionnement du parc immobilier existant pour compléter le nombre d’agréments de logements sociaux du territoire ; or, lors de la vente du patrimoine de grands investisseurs institutionnels, on constate de très faibles ratios de conventionnement de logements, qui limitent cette possibilité de développement du parc social. Si Boulogne a jusqu’ici trouvé les moyens de répondre aux attentes de façon relativement équilibrée, puisque depuis 10 ans elle a pu augmenter de 50 % ses logements sociaux, et si la programmation de la production de logements neufs a permis d’identifier la possibilité d’en réaliser 30 % en social, dans le cadre du PLH intercommunal 2013/2018 en cours d’adoption, il risque de lui être impossible, sur la longue durée, de continuer à enregistrer de tels résultats.
Versailles, qui n’a jamais fait l’objet d’un constat de carence et qui a réalisé tous ses objectifs triennaux, fait état maintenant d’un certain essoufflement. Elle est certes l’une des communes urbaines les plus vastes de la région : elle s’étend sur 2 618 hectares et compte environ 86 979 habitants. Cependant, la ville ne peut se développer que sur un peu plus d’un tiers de son territoire, 1 640 hectares étant gérés par l’État (Domaine national du Château, forêts domaniales de Versailles et de Fausse Repose ainsi que 460 hectares affectés à la Défense nationale). Aussi, la commune affirme que la très grande majorité des terrains constructibles sont déjà bâtis, à l’exception des terrains militaires.
Même Juvisy-sur-Orge, qui a réalisé l’objectif de 20 %, reconnaît n’avoir plus de foncier disponible, sauf « à reconstruire la ville sur la ville ». Les opérations qui se développent désormais sont réalisées soit dans le cadre de la zone d’aménagement concerté (ZAC) confiée à un aménageur avec un programme de logements sociaux à respecter, soit dans le diffus, soit en maîtrise d’ouvrage directe du bailleur social, soit plus couramment en VEFA (vente en l’état futur d’achèvement), après discussion/négociation dans le cadre de l’élaboration d’un projet de permis de construire demandant de réaliser une proportion minimale de logements sociaux de 30 %. Il s’agit d’une simple discussion, le PLU actuel ne disposant pas d’outils contraignants tels que des emplacements réservés pour du logement social.
La rareté et le prix du foncier restent donc l’obstacle majeur pour la construction de nouveaux logements sociaux. Un certain nombre de communes font en outre état de contingences physiques rendant encore plus étroites leurs marges de manœuvre. Par exemple, à Nogent-sur-Marne (densité : 11 000 habitants /km² sur 3 km2), un plan de prévention du risque inondation (PPRI) affecte le territoire disponible pour la construction de logements sociaux, rendant les opérations également plus onéreuses.
Le cas de Neuilly-sur-Seine (densité : 16 556 habitants /km²) est emblématique d’une carence de logements sociaux largement médiatisée, dont les objectifs de rattrapage n’ont jamais été atteints au cours de la période, alors que ses efforts en matière de financement ont abouti à ce que jamais les constats de carence n’ont donné lieu à prélèvement du fait des sommes investies pour la construction de ces logements. La commune a atteint une proportion de 4,4 % de logements sociaux en 2013, après avoir agréé sur les trois périodes triennales 1 143 logements, alors que son objectif était de 2 335 logements, soit un taux de réalisation de 49 %.
La commune fait valoir la densité de population déjà existante, le manque de foncier disponible, la proportion d’habitat collectif (93 % dont 86 % en copropriété), le fait qu’une partie (20 %) du territoire est classée comme inondable. Elle est en litige avec l’État en ce qui concerne la fixation des objectifs, et le taux de 25 % lui paraît impossible à atteindre. En tout état de cause, le prix de revient des logements sociaux construits à Neuilly dépasse 6 000 €/m² alors que le prix moyen de la zone I bis (Paris et communes limitrophes) est de 4 000 m² environ. Pour la période 2007-2012, le montant moyen des subventions nécessaires par logement social neuf a été de 65 230 €, soit le double de la subvention moyenne constatée dans le département des Hauts-de-Seine (32 550 €).
Le ministère chargé du logement reconnaît que la densité urbaine et le manque de foncier disponible sont en effet deux des principaux obstacles à la réalisation de logements sociaux. Cependant, ces contraintes ne sauraient justifier, selon lui, un aménagement des obligations en termes de mixité sociale, compte tenu de la palette d’outils d’urbanisme et d’aménagement qui sont à la disposition des collectivités soumises au dispositif SRU. Il met en avant l’exemple de Paris qui témoignerait que, même lorsque les contraintes urbaines sont fortes, un développement soutenu du logement social est possible.
Il n’en demeure pas moins que de telles difficultés, réelles, ne peuvent que s’accentuer dans le contexte du relèvement de 20 à 25 % du quota de logements sociaux.
Une première difficulté tient à la mesure de l’adéquation entre l’objectif de mixité sociale et celui visé par l’imposition d’une proportion de logements locatifs sociaux. L’atteinte du second objectif est présumée favoriser la mise en œuvre du premier, mais le lien entre les deux demeure à vérifier. Le dispositif actuel, focalisé sur la réalisation de logements sociaux par périodes triennales successives, ne prévoit aucun indicateur permettant d’évaluer, en Île-de-France comme ailleurs, dans quelle mesure l’objectif principal de mixité sociale a été rempli.
Le décompte de logements sociaux par commune soulève par ailleurs plusieurs questions.
L’absence de différenciation suivant la taille du logement aboutit à privilégier la production de logements sociaux ayant les surfaces les plus modestes : de 2002 à 2010, moins de la moitié des logements sociaux conventionnés dans les communes d’Île-de-France avec obligation de la loi SRU ont été d’une taille supérieure à un T2, contre 60 % dans les communes non soumises à cette obligation. Le décompte des logements au sein de l’objectif à atteindre gagnerait à être pondéré suivant leur nombre de pièces, de manière à ce qu’un logement social familial ne soit pas comptabilisé à l’identique d’un studio, avec par exemple une valorisation pour les logements T3 et au-delà. Certes, la demande actuelle pour les logements de petite taille, notamment à Paris, conduit à réorienter la production des organismes, trop souvent axés sur le logement familial, mais il ne faudrait pas que, par excès inverse, les familles nombreuses aux ressources modestes ne puissent accéder à un logement dans les zones SRU.
Graphique n° 7 : répartition des logements conventionnés selon la taille des logements 2002-2010
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Les efforts déployés pour augmenter le nombre de logements sociaux ne se sont pas toujours concrétisés par une augmentation correspondante du nombre de logements neufs. D’autres méthodes ont été souvent mises en œuvre :
- l’acquisition et la réhabilitation lourde d’immeubles dégradés dont les habitants doivent être relogés, méthode que certaines collectivités comme la ville de Paris comptabilisent en construction neuve44 compte tenu de l’importance de travaux de grande ampleur, augmentent le nombre des logements locatifs sociaux mais pas celui des logements disponibles, sauf quand les logements acquis étaient vacants pour cause d’insalubrité ;
- le conventionnement de logements existants, avec des travaux légers d’amélioration ou sans travaux, transfère dans le parc locatif social de droit certains logements souvent déjà considérés comme sociaux de fait, mais non comptabilisés comme tels selon les critères d’application de la loi SRU. Il en est ainsi par exemple des logements achetés à ICADE, logements peu onéreux gérés par le groupe SCIC depuis la fin des années 1950, ou des logements issus du parc de la Régie immobilière de la ville de Paris et intégrés dans le parc social. Les habitants gardant le droit au maintien dans les lieux lors de la modification du statut des logements, le nombre de logements locatifs sociaux supplémentaires ne se traduit pas par l’ouverture d’attributions de logements à de nouveaux locataires, et le nombre de résidences principales reste stable également.
Le seul critère du pourcentage par commune est insuffisant : ainsi, à Paris45, il s’applique à la capitale tout entière et non à tel ou tel arrondissement, ce qui masque des écarts considérables.
Carte n° 4 : pourcentage de logements locatifs sociaux par arrondissement à Paris
[Carte à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
En tout état de cause, une grande partie des communes doivent continuer à investir au-delà de 2020 alors qu’elles étaient proches d’atteindre l’objectif de 20 %, et que le nouvel objectif de 25 % impliquerait de construire ou conventionner plus de 280 000 logements sur leur territoire d’ici à 2025, soit presque 15 ans de production moyenne de toute l’Île-de-France au cours des dernières années. Selon l’évaluation remise à la DRIHL en septembre 2013, atteindre un taux global de logements sociaux de 25 % en 2025 impliquerait, à compter de 2012, un accroissement de 37 % de la production, et un accroissement de 61 % dans les communes soumises à obligations triennales. Cela signifierait certainement, pour les communes ayant moins de 10 % de logements sociaux actuellement, des efforts de construction élevés et désormais consacrés à 100 % au logement social, ce qui semble difficile à réaliser sur une période d’une douzaine d’années.
À rythme d’accroissement constant du taux de logements sociaux, la moyenne de 20 % aurait pu être atteinte globalement en Île-de-France en 2022. La mise en œuvre du nouvel objectif de 25 % doit se dérouler en quatre périodes triennales à compter du 1er janvier 2014. Alors que les contraintes physiques auxquelles s’était heurtée la réalisation de l’objectif précédent demeurent inchangées, cette élévation immédiate de l’obligation de production de logement social (estimée à 280 000 unités d’ici à 2025 en Île-de-France), sans dispositif transitoire, a pour conséquence une sensible augmentation des prélèvements des collectivités locales concernées, qui risque de peser lourdement sur leurs finances. Pour un certain nombre de communes examinées au cours de l’enquête et qui se rapprochaient de la réalisation de l’objectif de 20 %, le prélèvement et les dépenses déductibles représentaient déjà plus de 10 % des dépenses d’investissement.
Dans le contexte actuel des finances publiques locales, cette orientation croissante des ressources des communes vers le logement social, en fonctionnement et en investissement, qu’il s’agisse de perte de ressources fiscales par le biais du prélèvement ou de dépenses d’investissement éventuellement déductibles de ce même prélèvement, peut poser pour certaines communes la question de la soutenabilité budgétaire du nouvel objectif de 25 %. Cette préoccupation est encore renforcée par le fait que la réalisation de logements sociaux supplémentaires aura pour conséquence d’accroître la demande de services publics locaux (crèches, écoles, terrains de sports et gymnases, cantines scolaires, centres de loisirs, accueil de personnes âgées, etc.).
La plupart des communes concernées, dont Paris et certaines communes de première couronne, se situent dans la zone la plus tendue de la région. Cette orientation aboutira à solliciter les finances publiques locales pour la construction ou la conversion de logements dans les zones les plus chères d’Île-de-France alors que dans les zones moins tendues et moins coûteuses, des dépenses d’un montant équivalent permettraient de financer beaucoup plus de logements sociaux.
Le maintien d’objectifs très élevés de logements sociaux aux marges de l’agglomération, dans des communes rurales de 1 500 habitants, agrégées à des EPCI de villes moyennes, et dans lesquelles on constate aujourd’hui des taux de 70 à 80 % de propriétaires occupants, peut, de même, être mis en question : cela conduirait à ne plus y autoriser que la construction de logements locatifs sociaux, alors que les offices ou sociétés HLM ont peu d’appétence pour les très petits programmes de quelques logements. Un seuil de 3 500 habitants pour l’application de la loi SRU, comme en province, semblerait mieux adapté.
Enfin, on peut constater une contradiction d’objectifs entre l’incitation renouvelée à construire des logements locatifs intermédiaires, dont le loyer est réglementé et l’accès soumis à des conditions de ressources, sans pour autant les considérer comme sociaux, et l’interdiction de construire de tels logements dans les communes en situation de carence SRU. Faute de fluidité dans le parcours résidentiel, les communes soumises à l’obligation SRU pourraient à terme se retrouver dans une situation d’engorgement des logements sociaux qu’elles construisent, l’écart de loyer entre le parc social et le parc privé étant trop important pour que les locataires les plus aisés soient incités, même après application d’un loyer de solidarité, à libérer des logements sociaux. La ville de Paris, pour sa part, a indiqué poursuivre l’objectif de 25 % de logements sociaux en 2025, tout en encourageant de surcroît la production de logements intermédiaires.
On pourrait examiner la possibilité, dans ces conditions, pour favoriser à la fois le parcours résidentiel et le principe de mixité sociale porté par la loi SRU et concilier les deux objectifs de politiques publiques, de réserver au sein du nouveau quota de 25 % de logements locatifs sociaux une part limitée à des logements à loyers réglementés, ce qui faciliterait une sortie du parc social stricto sensu quand les plafonds de ressources atteignent ceux du prêts locatif intermédiaire (PLI).
En contrepartie de leur contribution au financement du logement social, les collectivités territoriales ainsi qu’Action Logement ont le droit de proposer aux bailleurs sociaux des candidats à un logement mis ou remis en location. Ils sont dits « réservataires ». De son côté, l’État dispose également de droits de réservation « au profit de personnes prioritaires, notamment mal logées ou défavorisées », ainsi que pour ses propres agents (à hauteur de 5 %).
La quasi-totalité du parc social francilien est soumis à réservation. Compte tenu de la très forte pression de la demande de logement social, l’attribution des logements sociaux dépend donc de la manière dont les différents réservataires (État, collectivités locales, Action Logement, organismes d’HLM) conçoivent leurs critères de désignation des candidats.
Les textes relatifs aux mécanismes d’attribution des logements sociaux mentionnent à la fois l’objectif de logement des ménages prioritaires et la nécessité de préserver la mixité sociale. Ainsi, le premier article du chapitre du code de la construction et de l’habitation (CCH) relatif à l’attribution des logements HLM dispose :
« L'attribution des logements locatifs sociaux participe à la mise en œuvre du droit au logement, afin de satisfaire les besoins des personnes de ressources modestes et des personnes défavorisées, ainsi que des réservations pour ses propres agents.
L'attribution des logements locatifs sociaux doit notamment prendre en compte la diversité de la demande constatée localement ; elle doit favoriser l'égalité des chances des demandeurs et la mixité sociale des villes et des quartiers ».
Ces deux objectifs apparaissent difficilement conciliables dans les zones très tendues, comme c’est le cas dans une grande partie de l’Île-de-France.
Les demandeurs de logements sociaux doivent renouveler chaque année leur inscription dans un système qui a vocation à devenir unique. En pratique, plusieurs leviers peuvent être mobilisés, directement auprès d’un bailleur, par l’intermédiaire d’un comité d’entreprise pour les logements réservés par l’emploi de la participation des employeurs à l’effort de construction, ou en s’adressant au service du logement d’une commune ou d’un EPCI. Enfin les bénéficiaires d’une décision favorable au titre du droit au logement opposable (DALO) sont logés en priorité.
Le droit au logement opposable (DALO)
Il fait obligation à l’État de faire une offre de logement adaptée à toute personne qui en est privée. Entre décembre 2008 et fin 2011, la condamnation de l’État pouvait avoir lieu en cas d’absence de solution de logement pour les demandeurs prioritaires reconnus DALO par une commission de médiation (il s’agissait principalement de personnes sans abri, sans domicile, ou mal logées). Depuis le début de 2012, cette possibilité concerne aussi les personnes demandeuses d’un logement social qui n’ont pas reçu de réponse après un délai « anormalement long », ce qui accroît fortement le nombre de ménages potentiellement concernés dans une région aussi tendue que l’Île-de-France. Le « délai anormalement long », fixé par département, est de trois ans en Seine-et-Marne, Yvelines, Essonne, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne et Val-d’Oise, quatre ans pour les Hauts-de-Seine et de six à dix ans selon le type de logement à Paris.
Action Logement doit également consacrer 25 % des attributions sur son contingent aux demandes prioritaires du DALO.
La région Île-de-France concentre une part très importante des ménages DALO, avec plus de 4 000 recours par mois, soit 59 % des recours nationaux, et les relogements effectifs représentent environ la moitié des décisions favorables. En 2013, 52 799 recours DALO ont été déposés en Île-de-France, contre 49 253 en 2012 (+ 7,2 %) et 48 562 en 2010 (+ 8,7 %).
Ce sont les réservations de l’État (25 % des droits de réservation des logements agréés) qui sont le plus mobilisées pour les attributions DALO, mais cette utilisation est variable selon les départements : à Paris, 81 % des logements disponibles du contingent préfectoral sont proposés à des prioritaires DALO, cette proportion est de 57 % pour l’Île-de-France et de 42 % pour l’ensemble de la région.
Le pourcentage de ménages se situant en dessous des plafonds autorisant l’accès au logement social s’est accru au cours de la période en Île-de-France. La part de ceux dont les revenus sont inférieurs aux plafonds les plus bas (c'est-à-dire les plafonds PLAI) n’a cessé d’augmenter : alors qu’il s’agissait d’un peu plus de la moitié des ménages concernés en 2000, il s’agit désormais des deux tiers. À l’inverse, la part des ménages dont les revenus sont compris entre les plafonds PLUS et les plafonds PLS, qui n’était déjà que de 14 %, a été divisée par deux.
Graphique n° 8 répartition des revenus des ménages d’Île-de-France éligibles au logement social
[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Cette donnée, collectée en Île-de-France, se vérifie également dans Paris intra-muros : un récent rapport de la Mission d’information et d’évaluation sur les modes et méthodes d’attribution des logements sociaux à Paris (MIE)46 indique que les deux tiers des ménages parisiens se situent au-dessous des plafonds exigés pour obtenir un logement social au sens de la loi SRU (PLAI, PLUS, PLS et assimilés). Une comparaison entre la répartition des revenus de l’ensemble des ménages parisiens et celle des revenus des demandeurs de logement social montre que si un quart des ménages dispose de revenus sous le plafond des PLAI, près de 70 % des demandeurs se trouvent dans ce cas.
Graphique n° 9 : répartition des ménages demandeurs de logement social et des ménages parisiens selon les plafonds de ressources du logement social
[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Si le nombre de PLAI produits dans la période récente ne permet pas de répondre à cette attente, le stock de logements sociaux conventionnés reste très majoritairement classé dans la catégorie PLUS, où sont reclassés la majorité des logements financés avant 1977 – HLM /O, HBM, ILM – soit près de 130 000 logements. Parmi ceux-ci, toute une catégorie offre des loyers comparables à ceux des PLAI construits plus récemment et 30 % des logements agréés en PLUS ont vocation à être attribués à des ménages présentant des revenus inférieurs aux plafonds PLAI.
Autant la mise en place, encore perfectible, d’un système de demande unique47 permet de recenser dans un système partagé avec les bailleurs et les mairies les dossiers des demandeurs, bien que les formalités ne soient pas encore totalement dématérialisées, autant les procédures d’attribution restent peu transparentes.
Il n’existe pas de relation formelle entre le niveau des financements apportés et le niveau des droits de réservation, qui font donc l’objet de négociation au-delà du contingent préfectoral. Les réservataires peuvent définir librement selon quels critères ils souhaitent sélectionner les candidats qu’ils proposent aux organismes HLM.
Alors qu’existe la règle d’examen de trois candidatures pour une attribution de logement, cette pratique n’est pas toujours respectée dans les faits. Le logement est alors attribué au seul candidat proposé par le réservataire.
Il est nécessaire de renforcer la cohérence des politiques d’attribution exercées sur un bassin de vie, une première traduction étant donnée par la loi ALUR qui prévoit des mesures permettant d’accroître la connaissance et la gestion de la demande au niveau intercommunal : un plan partenarial de gestion de la demande de logement social et d’information des demandeurs serait ainsi élaboré par tout EPCI doté d’un PLH approuvé. La mise en œuvre de ces dispositions devrait faire l’objet de conventions entre l’EPCI, les bailleurs, l’État et les autres réservataires.
À compter du 1er octobre 2014, la ville de Paris a mis en place un système de cotation de toutes les demandes figurant dans son fichier, comprenant 25 critères correspondant aux priorités du code de la construction et de l’habitation. Certains critères sociaux et familiaux sont assortis de notes pondérées, les dossiers réunissant le plus grand nombre de points étant prioritaires pour être examinés par les commissions d’attribution. Une très forte priorité est donnée à des critères de mal-logement, surpeuplement et risque d’expulsion, dont on peut penser qu’ils sont assez proches des critères retenus pour le droit au logement opposable. Il semble donc que certains demandeurs seront en tout état de cause attributaires d’une réservation à ce second titre. Pour estimer leur probabilité d’être éligibles, les demandeurs peuvent évaluer leur situation par rapport à ces critères sur le site Internet de la ville, les demandes définitives devant être accompagnées de pièces justificatives et examinées, après notation, par la commission d’attribution.
Un exemple de système de notation aux Pays-Bas
Un système d’attribution à partir du choix des usagers (Choice-Based Lettings), lancé pour la première fois à Delft à la fin des années 1980, est désormais largement répandu aux Pays-Bas et également en vigueur en Angleterre (2000). Il en résulte de fortes différenciations de règles d’attribution selon les territoires. Les logements vacants sont présentés sur Internet ou dans la presse locale. Les demandeurs choisissent ceux qu’ils préfèrent. Chaque candidat reçoit un nombre de points, calculés selon des critères explicités par le bailleur. Le logement est attribué à celui qui a le plus grand nombre de points. Dans les zones tendues toutefois, la mise en œuvre peut être difficile et les critères d’attribution des points par les bailleurs peuvent être contestés. Les critères les plus fréquemment employés sont les suivants : la préférence locale pour les ménages liés au territoire (région, municipalité, district), d’un point de vue social ou économique (cas des communes d’Arnhem et de Nimègue) ; la durée sur la liste d’attente : avec dix ans, c’est à Amsterdam qu’elle est la plus élevée ; la durée de résidence : le logement est attribué au ménage resté le plus longtemps dans sa précédente résidence dans la commune. Dans certains cas, aucun critère n’est retenu et le choix se fait par tirage au sort (Rotterdam). Dans de nombreux cas, les critères sont défavorables aux ménages pauvres.
Prenant acte des différentes mesures en préparation, la Cour recommande de renforcer la transparence des procédures d’attribution des logements sociaux, en invitant l’ensemble des réservataires à rendre plus homogènes les critères de sélection des bénéficiaires.
Même si un nombre important de logements complémentaires étaient construits, la tension sur la demande de logements sociaux aura tendance à rester vive pendant de nombreuses années, car le taux de rotation des logements diminue sans cesse en zone tendue. S’il est proche de 9 % en grande couronne, il est tombé à 4,9 % à Paris en 2012.
Dans ces conditions, le fait que des locataires bénéficiant de revenus supérieurs aux plafonds réglementaires aient droit au maintien dans les lieux en payant le même montant de loyer que les ménages éligibles est apparu abusif depuis de nombreuses années, et des dispositions législatives successives ont mis en place un supplément de loyer de solidarité (SLS) dont le montant croissant devait rejoindre le prix du marché et inciter les locataires les plus aisés à libérer des logements, soit qu’ils aillent dans le parc privé, soit qu’ils accèdent à la propriété.
Si les conditions semblent donc a priori favorables à une mise en œuvre du SLS en Île-de-France, son effectivité reste sujette à caution. En théorie, le loyer maximal de la zone A pouvait atteindre, avec le SLS, 22,86 € par m², soit le niveau moyen constaté dans le parc privé à Paris ; en pratique, cependant, son montant est plafonné à 25 % de taux d’effort, alors que dans le secteur locatif libre, ce taux est souvent dépassé dans les zones tendues telles que l’Île-de- France ; surtout, de nombreuses exceptions ont été introduites, notamment dans certains PLH ou dans les zones urbaines sensibles (ZUS).
Les logements HLM situés en ZUS sont en effet exonérés de SLS, quels que soient les revenus des ménages concernés. On peut comprendre une telle exonération, qui est susceptible de favoriser la mise en œuvre de l’objectif de mixité sociale. Lors du contrôle par la Cour de la société France Habitation, le ministère chargé du logement a indiqué à ce propos que, « pour l’équilibre de ces quartiers et le maintien d’une certaine mixité sociale », il jugeait nécessaire d’exonérer de SLS les ménages dépassant les plafonds de ressources et qui, sur d’autres territoires, seraient susceptibles d’en être redevables. Encore faudrait-il, en ce cas, faire évoluer les classements en ZUS en fonction de l’évolution des quartiers : il est par exemple difficilement compréhensible que la partie sud du 10ème arrondissement de Paris reste à l’heure actuelle classée en ZUS, alors que ce classement se justifiait lorsqu’il a été fait au milieu des années 1990 ; l’éventuelle rente dont bénéficient les locataires aisés des HLM d’une telle zone est susceptible d’être importante, sans que la contrepartie en soit de favoriser la mixité sociale dans ce quartier où elle existe de toute façon à l’heure actuelle.
Par ailleurs les bailleurs ont souvent souhaité conserver dans leur parc des locataires dont le profil et les revenus ne présentaient pas de risque d’impayés de loyer. Dès lors que le bailleur concluait avec l’État une convention d’utilité sociale, avec des engagements sur la construction de logements et sur la mixité du peuplement de son parc, il lui a été offert d’appliquer le SLS à des taux inférieurs au droit commun.
Selon l’analyse des CUS signées, une telle modulation est applicable à 68 % des logements du parc locatif social d’Île-de-France, 760 000 logements bénéficiant de SLS à taux réduit. Elle a été en effet rendue possible chez la plupart des plus gros bailleurs sociaux de la région, notamment les quatre plus importants : Paris Habitat (près de 120 000 logements), I3F (105 300 logements), l’OPIEVOY (47 500 logements) et France Habitation (43 000 logements), qui rassemblent plus du quart du parc des 150 à 160 organismes concernés.
L’ampleur des dépassements de plafonds de ressources et les enjeux du SLS peuvent être illustrés par les données suivantes, relatives à France Habitation, qui gère à l’heure actuelle un parc de 43 000 logements familiaux situés en région parisienne.
Plafonds de ressources et SLS dans la SA d’HLM France Habitation
* Selon l’enquête annuelle SLS 2011 du ministère chargé du logement et les calculs de la Cour, 10 % des ménages logés par France Habitation dépassaient les plafonds de ressources en 2009 (mais ils étaient 16 % dans les logements classés « A », c’est-à-dire ceux de la meilleure qualité) ; 5 % de ménages (12 % à Paris) dépassaient les plafonds de plus de 20 % et étaient donc soumis à SLS.
* 76 ménages avaient déclaré des ressources supérieures au double du plafond : ces 0,2 % des ménages sont sous-estimés, compte tenu du nombre de ceux qui n’avaient pas répondu à l’enquête (ils étaient par exemple 6 % à Paris) et du nombre des ménages habitant en ZUS.
* Parmi ces 76 ménages, le dépassement maximum atteignait 545 % ; 54 ménages avaient eu en 2009 des revenus supérieurs à 75 000 € et 10 des revenus supérieurs à 100 000 €.
* Les dix ménages disposant des plus hauts revenus (de 99 000 à 256 000 € en 2009) étaient présents dans le parc HLM de France Habitation depuis 8 à 35 ans.
* Parmi les situations les plus emblématiques avaient été relevés ces quatre cas parisiens :
- une personne seule louait 17 m² dans le 15e arrondissement de Paris avec des revenus de 108 000 €, soit + 384 % de dépassement ;
- un couple louait 82 m² dans le 20e arrondissement avec des revenus de 118 000 €, soit + 253 % de dépassement ;
- un couple louait 35 m² dans le 5e arrondissement avec des revenus de 100 000 € par an, soit un dépassement de + 200 % ;
- le ménage soumis au plus fort SLS (2 324 €, soit au total un loyer global d’environ 3 000 € par mois) était un ménage de deux personnes disposant de 134 m² dans le 15e arrondissement, qui n’a pas accepté de déclarer ses revenus. Dans ce dernier cas, le loyer final est proche de celui du marché privé.
La fréquence significative des dépassements de ressources des occupants du parc HLM francilien, illustrée par cet exemple, rend d’autant plus nécessaire, dans le contexte spécifique d’une région caractérisée par de grandes tensions sur le marché locatif privé, que les décideurs publics aient une claire vision de ces dépassements et de l’impact de leur correction par le SLS. Cela ne semble pas encore être le cas en Île-de-France. Selon l’article L. 441-10 du code de la construction et de l’habitation, « les organismes d'habitations à loyer modéré communiquent au représentant de l'État dans le département du lieu de situation des logements les renseignements statistiques et financiers permettant l'établissement d'un rapport annuel sur l'application du supplément de loyer dans le département. Ce rapport est soumis pour avis au comité régional de l'habitat ». Or ledit rapport n’est pas produit en Île-de-France et n’est donc pas soumis au comité régional de l'habitat (devenu en Île-de-France le « comité régional de l’hébergement et du logement »). Compte tenu de l’importance de ces données, la loi doit être pleinement appliquée et ce rapport élaboré sans délai.
La Cour préconise ci-dessous un changement d’ampleur quant à la fixation des loyers des logements locatifs sociaux, pour tenir compte de leur qualité et du revenu des locataires. Mais elle recommande de modifier dès maintenant les règles du supplément de loyer de solidarité afin de supprimer le plafond de taux d’effort de 25 % dans son application, alors que ce taux d’effort peut être nettement plus élevé dans le parc privé.
Les conventions d’utilité sociale (CUS) ont introduit un nouveau cadre de contractualisation, dans lequel une remise en ordre des loyers maximums est prévue. Jusqu’à maintenant, ces loyers étaient fixés en référence au plan de financement des logements agréés, les plus anciens, construits sur du foncier moins cher qu’aujourd’hui, pouvant présenter des loyers bien plus modérés.
Il paraît ainsi désormais possible d’inclure dans les CUS un découplage du loyer de sa base historique correspondant au coût de mise en place du logement et de le faire évoluer selon des critères liés à l’attractivité du quartier, au niveau des prix du marché et au niveau de revenu du locataire. Si le ministère chargé du logement rappelle que le gouvernement n’entend pas augmenter les loyers des logements sociaux, il est ouvert au passage progressif d’une logique loyer/financement à une logique loyer/service rendu, le bailleur pouvant prévoir des péréquations au sein de son parc pour hausser le loyer de certains logements et en baisser d’autres, tout en respectant une enveloppe globale.
Il conviendrait de même d’intégrer dans les CUS – ce qui est pour le moment possible à titre expérimental48 – une modulation du loyer en fonction du revenu des locataires, nonobstant les plafonds de loyer fixés par les conventions APL. Cette disposition qui n’a pas encore été appliquée pourrait donc se substituer au SLS et préfigurer une réforme de plus grande ampleur.
La réforme des règles de maintien dans les lieux serait aussi à envisager. Ce droit pour tout locataire de logement HLM, quelle que soit l’évolution de sa situation financière au fil des ans, de rester dans son logement s’est manifestement traduit par le fait que certains ménages ont bénéficié d’avantages parfois élevés, payés par la collectivité. Cela a contribué au blocage progressif de la possibilité de parcours résidentiel du parc social vers le parc privé, phénomène particulièrement répandu en Île-de-France.
Certes, la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (MOLLE) a ouvert la possibilité de supprimer le maintien dans les lieux de locataires dont les revenus seraient du double du plafond, mais les personnes de plus de 65 ans ou atteintes d’un handicap ne sont pas concernées. Autant il est compréhensible qu’une personne ayant besoin d’un logement adapté puisse bénéficier durablement d’aménagements particuliers, autant la condition d’âge ne devrait pas être une exception, après un délai permettant d’apprécier le niveau des revenus réels après une mise à la retraite49. De même doit-on poser la question de la garantie du maintien de ménages vivant dans des lieux en état de sous-occupation aggravée, ou disposant par ailleurs d’un patrimoine immobilier, dans le parc locatif privé ou en résidence secondaire, d’une importance significative.
Il paraît donc nécessaire, dans la situation de pénurie durable de logements locatifs sociaux en Île-de-France, de procéder à une remise en ordre des loyers, afin de passer des loyers maximums réglementaires à des loyers fixés en fonction du service rendu au locataire, cette évolution pouvant être liée à un conventionnement global pour la seconde génération des CUS.
Le système des surloyers restant trop peu appliqué, et leur montant étant souvent trop faible pour compenser une part significative de l’avantage de loyer, spécialement en Île-de-France, il pourrait être également envisagé de mettre en œuvre une progressivité des loyers en fonction des revenus, comme alternative ou complément à un système plus robuste de supplément de loyer de solidarité.
Conclusion et recommandations
L’examen de la mise en œuvre des politiques du logement social en Île-de-France fait ressortir trois difficultés majeures, toutes liées à la forte tension sur le marché immobilier qui caractérise cette région.
En premier lieu, cette situation tendue complique sensiblement la réalisation des objectifs de production de logements sociaux dans la région. Le coût de production plus élevé de ces logements rend plus difficiles l’établissement de leurs plans de financement. Des aides plus importantes doivent ainsi leur être allouées, ce qui ne va pas de soi dans le contexte budgétaire actuel des finances publiques. Les collectivités publiques et les bailleurs sociaux sont alors incités à produire des logements sociaux dont l’équilibre financier pourra plus facilement être trouvé, tels que les PLS, ce qui entre en contradiction avec la structure de la demande desdits logements sociaux et avec leur vocation à accueillir les plus démunis.
En deuxième lieu, il est particulièrement difficile, en Île-de-France, de concilier l’objectif de mixité sociale avec celui de loger les plus démunis. La loi SRU, principal vecteur de cette recherche de la mixité, y a certes produit des résultats significatifs, mais cette action rencontre des limites et des difficultés qui risquent de considérablement s’aggraver avec l’élévation de 20 % à 25 % du quota communal de logements sociaux. Le moment semble venu d’opérer, en Île-de-France, l’arbitrage politique entre une mixité sociale accrue en zone tendue, avec les surcoûts qu’elle implique pour les finances publiques, et une production plus abondante de logements sociaux à moindre coût.
En troisième lieu, dans le contexte actuel de blocage du parc social francilien – faible mobilité, d’où une pénurie de logements face à une demande toujours plus forte, il devient de plus en plus difficile de justifier le maintien, pour ceux des occupants dont la situation n’est pas la plus modeste, de l’avantage lié à la jouissance d’un logement à plus faible loyer sans limite de durée et plus souvent insuffisamment occupé que le logement locatif libre.
La Cour formule en conséquence les recommandations suivantes :
7- remonter le seuil d’application de l’obligation de réaliser un nombre de logements locatifs sociaux atteignant 25 % des résidences principales aux communes de 3 500 habitants en Île-de-France, comme c’est le cas dans les autres régions ;
8- renforcer la transparence des procédures d’attribution des logements sociaux, en invitant l’ensemble des réservataires à rendre plus homogènes les critères de sélection des bénéficiaires ;
9- appliquer sans dérogation ni plafonnement les suppléments de loyer de solidarité, et présenter régulièrement les bilans prévus par la loi ;
10- proposer, dans le cadre des nouvelles conventions d’utilité sociale, des règles de fixation des loyers des logements sociaux, en tenant compte de leur localisation, des prix du marché local et de la qualité intrinsèque du bâti ;
11- moduler le loyer à l’entrée dans le logement social et pendant toute sa durée d’occupation, en fonction du revenu des locataires ;
12- réexaminer les conditions de maintien dans les lieux des locataires des logements sociaux, notamment la condition d’âge, en prenant en compte non seulement les revenus, mais aussi le patrimoine de l’occupant et le taux d’occupation du logement.
Le parc privé représente une part très majoritaire des résidences principales en Île-de-France (78 % en 2011), avec un poids particulier du parc locatif privé à Paris (44 %), et une prédominance des propriétaires occupants en grande couronne (60 %). Il se trouve confronté à des enjeux majeurs en termes d’accès au logement et de qualité de l’habitat. Si la mobilisation du parc locatif privé a une grande importance en zone tendue, car il concourt grandement à la fluidité du marché malgré son prix élevé, l’aspiration à l’accession à la propriété reste forte. Les modalités d’intervention des pouvoirs publics sur le parc privé sont diverses : la Cour ne revient pas dans ce chapitre sur le volet de la rénovation urbaine ni sur celui de la lutte contre la précarité énergétique et notamment le programme d’aides à la rénovation thermique, comme indiqué dans l’introduction. Le bilan des autres politiques publiques en direction du parc privé apparaît contrasté, qu’il s’agisse de la lutte contre la vacance des logements et de la reconversion de bureaux en logements (I) ou des actions de rénovation et de mobilisation sociale du parc (II), de l’enjeu des copropriétés dégradées (III) et des politiques plus traditionnelles d’aides fiscales à la construction de logements locatifs (IV) et de prêts bonifiés pour l’acquisition de résidences principales (V).
Lors de l’enquête logement de 1999, le nombre de logements vacants en Île-de-France était apparu comme particulièrement élevé (410 000 logements) et en hausse continue depuis la fin des années 1960. Dans ce contexte, la réduction de la vacance et la remise sur le marché des logements inoccupés sont devenues des axes prioritaires de la politique régionale du logement. Selon la dernière enquête logement réalisée en 2006, le nombre de logements vacants était de 329 000 en Île-de-France, en baisse de 20 % depuis 1999. Sur la base du fichier FILOCOM, il s’établissait, en 2011, à 347 000 logements mais selon le recensement de l’INSEE, à 328 000 logements seulement. Le phénomène de la vacance reste difficile à estimer avec précision, pour des raisons qui tiennent à la multiplicité des sources et aux différentes approches utilisées50.
À Paris, on comptabilisait en 2006 plus de 122 000 logements vacants, pour un parc d’environ 1,33 million de logements. Le taux de vacance était donc de 9,2 %, supérieur de trois points à la moyenne nationale (6,2 %). L’autre département francilien le plus concerné par la vacance était celui des Hauts-de-Seine, avec près de 48 000 logements vacants, soit un taux de 6,4 %, légèrement supérieur à la moyenne nationale. En revanche, dans tous les autres départements, le taux de vacance apparaissait faible, et nettement inférieur à la moyenne nationale : 5,1 % dans les départements de la petite couronne et entre 4,1 % et 4,8 % dans les départements de la grande couronne. Seule la Seine-et-Marne faisait exception avec un taux de vacance de 5,6 %, en raison de la situation de certaines communes (Fontainebleau, Melun).
Selon les interlocuteurs de terrain rencontrés durant l’enquête, comme pour les services de l’INSEE et de l’IAU51, le niveau de vacance constaté à Paris est directement lié à la prédominance du secteur locatif privé dans la capitale. Dans ce secteur, la mobilité des ménages est beaucoup plus importante que dans les autres segments du parc, ce qui génère une forte rotation des locataires, entrainant une vacance dite « frictionnelle », liée à l’intervalle pendant lequel l’appartement reste vide entre le départ des anciens locataires et l’arrivée des nouveaux. Il s’agit en fait d’une vacance temporaire, qui reflète le fonctionnement du marché et est indispensable à sa fluidité.
Une autre forme de vacance est liée à la mise en vente du bien, qui peut être proposé à un prix trop élevé par rapport à la conjoncture du marché, le vendeur attendant qu’un acheteur accepte le prix demandé. L’examen des durées de vacance confirme que la vacance francilienne est en grande partie frictionnelle : alors qu’au niveau national, 37 % des logements vacants sont inoccupés depuis plus de deux ans, cette proportion n’est que de 21 % à Paris, et de 18 % dans les Hauts-de-Seine.
La vacance structurelle (supérieure à deux ans) est donc assez faible en proportion des logements vacants en Île-de-France, même si elle reste relativement importante en volume (environ 66 000 logements). Selon l’enquête logement de l’INSEE, elle serait le plus souvent liée à des facteurs d’ordre technique ou juridique : réhabilitation, changement d’usage, difficultés successorales. Le gisement de logements facilement mobilisables à court terme ne doit pas être de ce fait surestimé.
Le développement de la location saisonnière
Le développement de la location saisonnière, ou « location touristique », consistant pour les bailleurs à mettre leur logement à disposition d’une clientèle de passage pour une période de courte durée est assez récent et tient à la montée en puissance de sites de mise en relation directe par internet. Les logements proposés peuvent être des résidences secondaires (91 835 à Paris selon le recensement de 2011) ou des logements déclarés vacants (98 698 dans la même ville). Ce phénomène est en forte augmentation et le nombre de logements concernés pourrait aujourd’hui atteindre 20 000 selon la ville de Paris. Cette forme de location favorise une occupation occasionnelle du parc et donc une sous-occupation des logements dans la durée. Par ailleurs, ces derniers se trouvent soustraits au marché locatif traditionnel, ce qui tend donc à réduire l’offre de logements en résidence principale.
Sur le plan juridique, ces modalités de location sont encadrées par une réglementation stricte. En effet, la location meublée de courte durée, lorsqu’il ne s’agit pas de la résidence principale, correspond à un changement d’usage du logement soumis à une autorisation préalable. La ville de Paris subordonne son autorisation à des conditions de compensation : présentation d’une opération inverse de transformation en logement dans le même arrondissement, le plus souvent par un tiers. Cela permet d’acquérir auprès de ce tiers de la « commercialité » dont le prix moyen, variable selon les arrondissements, atteint 1 600 € le m².
Afin d’assurer le respect de cette procédure, la ville a fortement renforcé ses contrôles, qui sont passés de 187 en 2011 à 302 en 2012, et à plus de 500 en 2013. Ces procédures ont abouti à ce jour à une centaine de condamnations à des peines d’amende, assorties d’astreintes jusqu’au retour effectif des logements à un usage de résidence principale.
Depuis 1999, les principales communes de l’agglomération parisienne sont soumises à la taxe sur les logements vacants, instituée par la loi du 29 juillet 1998 de lutte contre l’exclusion, et codifiée à l’article 232 du code général des impôts. Son assiette est constituée de la valeur locative du logement, et son taux varie en fonction de la durée d’inoccupation. Sont exclus du champ de la taxe les locaux vacants pour une raison indépendante de la volonté du propriétaire (remise en état nécessitant des travaux d’ampleur importante, mise en vente ou en location au prix du marché). Sa mise en œuvre s’est avérée d’une grande complexité, en raison de l’importance des réclamations adressées aux services fiscaux sur la base des exclusions du champ d’application. Les motifs de dégrèvement sont en effet nombreux, et au total, les dégrèvements accordés par l’administration fiscale (13 M€) représentaient en 2012, pour l’Île-de-France, 45,3 % des montants mis en recouvrement (28,7 M€). Depuis 2013, la taxe sur les logements vacants a vu ses modalités d’application modifiées et son champ d’application élargi. Désormais, elle s’applique à toutes les villes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, et la durée de vacance à partir de laquelle la taxe s’applique a été réduite à un an. Le taux de la taxe a également été augmenté : il est désormais de 12,5 % la première année et de 25 % la deuxième année (contre 10 % et 12,5 % précédemment). Enfin, les conditions d’occupation temporaire ont été revues : le logement doit désormais avoir été occupé plus de 90 jours consécutifs dans l’année pour être exonéré de la taxe.
Il est regrettable qu’aucune étude d’impact de cette réforme ne soit engagée pour évaluer le coût de la collecte, la mise en œuvre des mesures de dégrèvement et l’efficacité du nouveau dispositif en matière de remise des logements sur le marché.
À Londres, une action réussie contre la vacance des logements
Le programme « Empty homes » vise une proportion de logements vides pendant plus de six mois réduite à 1 %. Il y parvient par une meilleure information sur les logements et par la fin des incitations financières à leur inoccupation. Depuis 2008, 12 000 logements vides ont été remis sur le marché. Encore de près de 4 % au début des années quatre-vingt-dix, la proportion est aujourd’hui d’un peu plus de 2 %.
À partir de 2005, l’État, dans le cadre de la mise en place du plan de cohésion sociale, a cherché à donner une nouvelle impulsion à la lutte contre la vacance en fixant un objectif ambitieux à l’échelle de la région de 11 000 logements à remettre sur le marché en 5 ans et en liant plus directement la politique de rénovation du parc à des objectifs de résorption de la vacance. Dans ce cadre, la prime de sortie de vacance instaurée par l’ANAH a été augmentée et portée en 2003 de 3 000 € à 5 000 €. Il a été également prévu une exonération de la contribution sur les revenus locatifs pendant trois ans pour les propriétaires remettant en location des logements vacants. Enfin, la loi portant engagement national pour le logement du 13 juillet 2006 a permis aux communes non concernées par la taxe sur les logements vacants de soumettre à la taxe d’habitation les logements restés vacants depuis plus de cinq ans. Parallèlement, les services déconcentrés de l’État ont été mobilisés pour identifier les logements vacants. Malgré cette forte mobilisation, les résultats atteints ont été très en deçà des objectifs. Au total, sur la période 2005-2009, seulement 2 126 logements ont été remis sur le marché en Île-de-France sur les 11 000 attendus, soit moins de 20 % de l’objectif. En outre, la prime de l’ANAH a été peu sollicitée : seulement 1 058 logements en ont effectivement bénéficié pour un objectif de 3 772, soit 28 %.
Par ailleurs, des campagnes de réquisition ont été lancées à deux reprises lors des quinze dernières années, en 2001 et en 2012. La campagne de 2001, portant en priorité sur l’Île-de-France, était orientée vers des logements appartenant à des personnes morales et des immeubles comprenant plus de dix logements vacants. Sur les 104 immeubles identifiés, un grand nombre se sont avérés occupés, démolis, ou utilisés par des commerces. Aussi cette campagne s’est soldée par le rachat de certains logements par un organisme d’HLM, mais n’a donné lieu à aucune réquisition.
En 2012 une nouvelle campagne a permis de « cibler » en Île-de-France 7 800 logements vacants réquisitionnables. À la fin de 2013, le bilan de l’opération a permis d’établir que 5 600 logements avaient été remis en location ou étaient sur le point de l'être, que 1 200 logements avaient été démolis ou s’étaient révélés être des commerces ou des bureaux occupés et que 500 logements étaient trop vétustes et impropres à l'habitation. La cible potentielle pour une intervention volontariste de l’État a donc été réduite de 7 800 à 497 logements. Ces 497 logements font aujourd’hui l’objet d’un suivi, mais une procédure de réquisition a été lancée pour 26 seulement d’entre eux, puis suspendue à la suite des démarches engagées par les propriétaires.
Force est de constater l’absence de résultats de ces mesures incitatives et coercitives, qu’il faut en outre mettre en regard de la forte mobilisation des services déconcentrés de l’État, au cours de l’hiver 2012-2013.
Sur un stock de 16 millions de m² de bureaux parisiens (chiffres de 2009), les transformations autorisées ont porté, de 2001 à 2012, sur 393 328 m² soit 2,4 %. La majorité des opérations a concerné des immeubles anciens de faible surface, voire des appartements transformés en bureaux dans les années 1960 ou 1970, qui ont donc retrouvé leur vocation d’origine. Deux obstacles principaux affectent ces opérations :
- à Paris et en proche banlieue, le loyer mensuel est toujours plus élevé pour les bureaux que pour les logements, ce qui n’incite pas les propriétaires à une démarche immédiate en cas de vacance ;
- le coût de transformation est onéreux, autour de 2 000 € le m² quand des opérations sont nécessaires en gros œuvre et dans l’environnement immédiat (création de places de stationnement, par exemple).
Tableau n° 22 : changements de destination de bureaux en logements selon la taille des opérations, Paris, 2001-2002
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Néanmoins selon l’ORIE (Observatoire régional de l’immobilier d’entreprise), 7,2 % des surfaces tertiaires seraient actuellement vacantes, soit 3,6 millions de mètres carrés. Les bureaux vacants depuis plus de 4 ans représenteraient environ 500 000 m2. Cette situation serait liée à l’implantation géographique de ces bureaux (souvent en grande couronne) ou à leur structure inadaptée aux besoins des entreprises. À ce stock devrait s’ajouter progressivement un nouveau flux lié à l’application des nouvelles réglementations environnementales, qui pourraient accélérer l’obsolescence d’une partie du parc à l’horizon 2030. Selon l’ORIE, sous l’effet de ces règles, entre 140 000 m² et 240 000 m² de bureaux pourraient chaque année devenir définitivement inadaptés à la demande. Ils pourraient accroître les possibilités de transformation dans une fourchette de 2 000 à 4 000 logements par an. Renchérie notamment par les contraintes de stationnement et les règles de gabarit des immeubles d’habitation, la reconversion de bureaux en logements a bénéficié récemment d’assouplissements réglementaires et de mesures fiscales pour exonérer les plus-values résultant de la cession de droits de surélévation : l’article 210 F du Code général des impôts prévoit l’application d’un taux réduit aux cessions d’immeubles de bureaux ou commerciaux que l’entreprise cessionnaire s’engage à transformer en logements.
Reconduites pour la période 2015-2017, ces différentes mesures fiscales devront être rapidement évaluées au regard des résultats obtenus en nombre de logements issus de ces reconversions.
Les aides au parc locatif existant ne visent pas à accroître l’offre de logement, mais à éviter qu’elle se dégrade et qu’elle diminue. Pour une petite partie, elles ont concerné aussi le parc social puisque des aides à la réhabilitation puis au conventionnement dans le secteur locatif social de logements privés ont été mises en œuvre.
Le parc locatif privé comporte 1,4 million de logements en Île-de-France, loin derrière les propriétaires occupants (2,4 millions de logements) mais devant le parc social. Il est très inégalement réparti selon les départements mais a un rôle très important à Paris et dans les Hauts-de-Seine. Dans la capitale, le secteur locatif privé constitue le mode d’occupation dominant : 42 % des ménages parisiens y sont locataires, pour 35 % de propriétaires occupants et 16 % de ménages logés dans le parc HLM. En petite couronne, la propriété occupante représente le premier secteur d’occupation (43 %), mais les ménages locataires du privé représentent également un poids important : 30 % des ménages dans les Hauts-de-Seine, 26 % dans le Val-de-Marne et 23 % en Seine-Saint-Denis.
Graphique n° 10 : répartition des ménages selon les secteurs d’occupation
[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Le secteur locatif privé joue un rôle clé dans le marché immobilier francilien. En effet, parmi les trois secteurs d’occupation, il est celui qui génère, en flux, l’offre annuelle de logements la plus importante. En raison de son taux de rotation élevé, il produit chaque année une offre de près de 300 000 logements, alors que le parc social en propose moins de 80 000, en raison notamment de la baisse de la rotation en son sein.
Cela tend à renforcer les enjeux pesant sur le parc locatif privé, qui permet de répondre aux besoins de mobilité des ménages. Il loge chaque année 47 % des nouveaux emménagés, contre 19 % pour le parc social et 27 % pour la propriété occupante.
Le parc locatif privé joue également un rôle social croissant, en raison de la pénurie de logements HLM dans la région : on a constaté, dans l’intervalle entre deux enquêtes logement, un accroissement de la proportion de ménages modestes logés dans le parc locatif privé. En 2013, 40 % des locataires du privé étaient en effet éligibles à un logement très social de type PLAI.
Cependant, le parc privé est très segmenté entre un parc social de fait, de mauvaise qualité mais en diminution, un parc intermédiaire institutionnel en déclin et un parc possédé en plus grande partie par des propriétaires bailleurs individuels qui tentent de louer leur bien au prix du marché. Les aides directes et incitations fiscales mises en place se sont quasiment toutes orientées vers ces propriétaires bailleurs individuels.
La rénovation du parc ancien constitue une priorité de longue date au sein de la région. Appuyée sur le dispositif des opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH), mais aussi sur des conventions avec les bailleurs institutionnels, elle a bénéficié de crédits renforcés dans le cadre du plan de cohésion sociale. Entre 2005 et 2010, 180 M€ ont été engagés dans la région au profit des bailleurs. Tous logements confondus, 66 M€ ont été consacrés en Île-de-France chaque année par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) à l’amélioration de 200 000 logements au total. Sur la même période, l’ANAH a subventionné des travaux d’amélioration des logements locatifs privés à hauteur de 23 M€ par an en moyenne pour près de 90 000 logements rénovés. Le pourcentage de logements aidés appartenant à des bailleurs institutionnels a atteint 70 %, alors qu’ils sont très minoritaires dans la répartition du parc, contre 30 % pour les bailleurs privés ; mais en valeur, 80 % des aides ont été attribuées aux bailleurs privés dont les travaux bénéficiaient de subventions beaucoup plus importantes : en 2010, le montant moyen de la subvention reçue par les bailleurs institutionnels était de 537 € par logement, contre 5 659 € pour les bailleurs individuels. Ce différentiel tend cependant à montrer que les travaux réalisés sur ce parc relevaient davantage de l’entretien (peinture, fenêtres) que d’une réelle politique de rénovation. En outre, un ciblage insuffisant des aides de l’ANAH sur les territoires à enjeux, comme la Seine-Saint-Denis, a pu être noté.
L’ANAH a engagé en 2010 une réforme en profondeur de son dispositif d’aide pour concentrer les moyens de l’agence sur un certain nombre de priorités et passer d’une logique de guichet à une logique de projet. Les aides ont été réorientées selon trois axes : la lutte contre l’habitat indigne, la rénovation énergétique, l’adaptation du logement à la perte d’autonomie. Cette réforme a également cherché à rééquilibrer l’action de l’agence au profit des propriétaires occupants, en ciblant plus étroitement les aides aux propriétaires bailleurs, qui voient la rentabilité de leurs opérations se dégrader.
Cette réforme n’a pas produit les effets attendus en Île-de-France, faute d’une adaptation de son calibrage aux spécificités de la région. Le nombre des bénéficiaires s’est trouvé fortement réduit par l’effet cumulé de la forte baisse du niveau des aides, de l’obligation de conventionnement, qui implique un engagement de maîtrise des loyers au sortir des travaux, et du renforcement de l’éco-conditionnalité. Ces difficultés ont conduit à un véritable effondrement des subventions accordées aux propriétaires bailleurs en Île-de-France depuis 2010. Le nombre annuel de logements rénovés est ainsi passé de près de 17 972 en 2007 à 307 en 2012 et 249 en 2013. Si le recentrage des aides de l’ANAH était nécessaire, force est de constater qu’il a conduit à rendre cette politique publique quasiment inopérante en Île-de-France. Faute de bailleurs disposés à s’engager dans un dispositif assorti des contraintes de loyer maîtrisé qui en sont la condition, l’objectif de développer des formules de loyer privatif inférieur aux prix du marché afin de diversifier l’offre de logements sociaux n’est pas atteint.
Dans l’objectif de pallier l’insuffisance de logements sociaux en favorisant le développement d’une offre de logements abordables au sein du parc privé, le plan de cohésion sociale de 2005 avait également cherché à dynamiser le dispositif de conventionnement de l’ANAH : à partir de 2005, les conventionnements ont porté d’une part sur les loyers sociaux ouvrant droit à l’APL, d’autre part sur des loyers intermédiaires ciblés entre ceux des PLS et ceux du marché (- 15 % minimum par rapport au prix du marché). Pour la région Île-de-France, l’objectif était de produire 75 000 logements en cinq ans, dont 64 000 logements intermédiaires et 11 000 logements sociaux et très sociaux. Au niveau quantitatif, les objectifs du plan ont été globalement atteints sur l’ensemble de la région Île-de-France. Au total, 69 102 logements à loyers maîtrisés ont été produits pendant la période 2005-2009, soit un taux de réalisation de 92 %.
Toutefois, ce chiffre global masque des contrastes importants, tant en ce qui concerne la nature des logements conventionnés que leur répartition géographique. Tout d’abord, ces objectifs ont été essentiellement atteints grâce aux logements intermédiaires : 63 373 logements à loyer intermédiaire ont été aidés sur la période, soit un taux de réalisation de l’objectif de 99 %. En revanche, les objectifs en matière de logements sociaux et très sociaux ont été beaucoup plus difficiles à atteindre. Seulement 5 729 logements ont été conventionnés en loyer social ou très social sur 11 000, soit 53 % de l’objectif. En termes géographiques, ces aides ont porté essentiellement sur des logements situés en petite couronne, notamment en Seine-Saint-Denis et dans le Val-de-Marne. Or la plus grande part des besoins en logements intermédiaires sont situés dans la capitale, où 23 % des ménages sont éligibles à cette catégorie de logements.
Enfin, ces résultats ont surtout été atteints grâce au conventionnement du parc des bailleurs institutionnels. Les conventionnements ont souvent moins eu pour effet de produire une offre supplémentaire de logements à loyer maitrisé que de pérenniser une situation existante sur un parc institutionnel social « de fait » ; dès lors, ils ont pu induire des effets d’aubaine en permettant de financer des travaux dans ces logements, sans réelle contrepartie en termes de baisse de loyer.
Il n’en reste pas moins que le parc des investisseurs institutionnels, souvent filiales non HLM de groupes constitués autour des organismes collecteurs de la PEEC, joue un rôle important dans la constitution d’un parc intermédiaire et qu’il faudrait à l’avenir soutenir, si les dispositions dissuadant les constructions en prêt locatif intermédiaire (PLI) dans les zones SRU étaient modifiées (cf. supra, chapitre III).
Le parc intermédiaire
Les logements intermédiaires sont caractérisés par un loyer réglementé et un plafond de ressources pour les locataires, ces données ayant varié dans le temps. En pratique, les loyers constatés se situent entre les loyers du parc social et ceux du parc privé libre. Ils peuvent être financés par les PLI ou par des financements anciens de même type, comme par des dépenses fiscales pour les logements mis en location par des personnes physiques.
Certains de ces logements peuvent être gérés par des organismes HLM (environ 50 000 logements en Île-de-France, dans la limite de 10 % du parc de chaque organisme), ou par des filiales privées des organismes de collecte de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC, dite 1 % logement).
Ces filiales de collecteurs possèdent environ 45 000 logements en Île-de-France, souvent attribués à l’origine à des salariés d’entreprises cotisantes, notamment des personnels d’encadrement dont les revenus étaient situés au-dessus du plafond HLM. La société OGIF, filiale du collecteur Astria, possède à elle seule 57 % du parc des filiales.
En pratique, les loyers fixés pour ce patrimoine ancien (44 ans en moyenne pour l’OGIF) sont inférieurs aux loyers des PLI récents à Paris, voire proches du loyer PLS pour certains logements, et équivalents au loyer PLS moyen de petite et grande couronne. Dans les zones très tendues, le parc intermédiaire a un intérêt certain, permettant la sortie du parc HLM des locataires aux revenus les plus élevés, mais dont le taux d’effort serait trop important dans le parc privé.
L’ordonnance du 20 février 2014 permet désormais la création de filiales d'organismes HLM, de façon à permettre à ceux d'entre eux ayant atteint leur quota de 10 % de logements intermédiaires en PLI de poursuivre la construction de tels logements en garantissant l'étanchéité des fonds du logement social vers le logement intermédiaire. Les nouvelles filiales auront donc pour activité exclusive la construction et la gestion de logements intermédiaires.
La Cour souligne cependant le risque de contradiction existant entre l’incitation à construire des logements intermédiaires dans les zones les plus tendues et la désincitation à en construire dans les communes en carence au titre de l’article 55 de la loi SRU : les collectivités qui devront poursuivre l’objectif de rattrapage de 25 % de logements sociaux (voir chapitre III) n’auront aucun intérêt à favoriser le logement intermédiaire en complément des logements sociaux PLS, puisque les PLI ne peuvent être pris en compte dans leur quota de logements sociaux et qu’ils sont même interdits dans les communes en carence.
Défini par le plan de cohésion sociale, l’habitat indigne concerne « l’ensemble des situations d’habitat qui sont un déni au droit au logement et portent ainsi atteinte à la dignité humaine : logements, immeubles et locaux insalubres, locaux où le plomb est accessible, immeubles menaçant ruine, hôtels meublés dangereux, habitats précaires », l’insalubrité étant elle-même explicitée par le code de la santé publique. Les situations les plus graves font l’objet de mesures réglementaires pouvant comprendre l’interdiction d’habiter et/ou l’obligation faite au propriétaire d’entreprendre des travaux de remise en conformité. La puissance publique peut décider d’effectuer des travaux d’office et de les facturer au propriétaire.
Selon des informations issues du fichier des logements par communes (FILOCOM) croisées avec des sources locales, notamment le recueil des arrêtés d’insalubrité ou encore les demandes d’HLM motivées par l’état du logement, les logements en risque d’indignité s’élevaient à 180 000 en 2007 en Île-de-France – soit 4,7 % du parc des résidences principales privées à cette même date –, contre 225 000 en 2003. Paris et les départements de la petite couronne en comptaient près de 79 %, alors qu’ils ne représentent que 60 % des résidences principales de la région.
Malgré la priorité affirmée en faveur de la lutte contre l’habitat indigne, le bilan en Île-de-France du volet incitatif de cette politique est resté limité. Entre 2005 et 2010, près de 100 M € y ont été affectés dans cette région par l’État, via les subventions de l’ANAH, au titre du plan de cohésion sociale et du plan de relance. Cette somme a permis le traitement de 28 400 logements au cours de la période. Cet effort n’est pas négligeable, mais il reste modeste au regard des enjeux franciliens. Et en 2011 et 2012, les résultats franciliens ont fortement chuté, en raison de la baisse des taux de subvention de l’ANAH, y compris pour les logements très dégradés et insalubres, qui ne sont plus suffisamment incitatifs pour les bailleurs.
L’implication inégale des acteurs locaux, tant dans l’utilisation des dispositifs incitatifs que dans la mise en œuvre de mesures coercitives, est l’une des raisons du bilan mitigé de la lutte contre l’habitat insalubre en Île-de-France. Ces disparités s’expliquent en partie par la diversité des situations des services communaux d’hygiène et de santé ; elles tiennent aussi à leur inégale volonté d’exercer pleinement leur responsabilité dans ce domaine.
L’action du département de la Seine-Saint-Denis
En Seine-Saint-Denis, près de 18 % du parc locatif privé serait potentiellement indigne et près de 4 % du parc occupé en propriété, ce qui représente environ 34 000 logements. Le département a engagé deux types d’actions :
1- Les Fonds d’intervention de quartier (FIQ)
Il s’agit d’une intervention croisée avec les communes ou les intercommunalités. Des copropriétés incluses dans une OPAH ou un plan de sauvegarde, en voie de dégradation mais pas encore en situation dramatique, obtiennent une aide pour financer les travaux de rénovation, l’objectif étant qu’elles ne basculent pas dans la catégorie des copropriétés dégradées. En général, entre 0,5 et 1 M€ de subvention sont affectés par opération. En 2012, 16 FIQ étaient en cours dans quinze communes. Depuis 2008, le conseil général a engagé un investissement près de 7,6 M€, ce qui a permis de traiter 9 300 logements. 202 immeubles étaient aidés dans ce cadre en 2012, contre 120 en 2010.
2- Le projet départemental de lutte contre l’habitat indigne (LHI)
Il s’agit d’une expérimentation sur six communes dont l’expérience et l’implication en matière de LHI sont très hétérogènes. Ce projet, d’une durée initiale de cinq ans, doté d’une autorisation de programme de 6 M€, devait prendre fin au 31 décembre 2013. Il devrait être reconduit, car en septembre 2013, seules deux conventions sur les six prévues avaient été signées. Il était prévu de décaisser des fonds à hauteur de 20 % du montant total à la signature de la convention et 50 % au démarrage des travaux. En novembre 2014, quatre conventions sur les six prévues ont été signées et 1,16 M€ engagés en investissement sur l’ensemble du programme.
Dans ce contexte, certaines actions ont permis d’aboutir à des résultats probants grâce à une forte implication financière, l’utilisation combinée des outils incitatifs et coercitifs et la mobilisation du parc social pour assurer le relogement, comme c’est le cas à Paris : le programme d’éradication de l’habitat indigne ayant arrêté en 2005 une liste de 1 030 immeubles était quasiment achevé en août 2013 (1 000 immeubles traités) et a permis de réaliser 5 000 logements sociaux. Pendant la période 2005-2012, 41 600 logements insalubres ou très dégradés ont été aidés, dont 24 300 dans le cadre du programme d’intérêt général d’éradication de l’habitat indigne (PIG EHI). 89 M € ont été versés par l’ANAH, dont 59 pour le PIG EHI, tandis que la ville de Paris versait 35 M€ de subventions complémentaires, dont 22,4 M€ au titre du programme d’intérêt général.
Le chapitre de la loi ALUR consacré au renforcement de la lutte contre l’habitat indigne comprend, en plus des dispositions visant les marchands de sommeil, plusieurs mesures tendant à rendre plus efficaces les procédures coercitives. Ainsi, un régime d’astreinte administrative est créé, pesant sur les propriétaires réticents ou défaillants à engager les travaux prescrits dans le cadre des arrêtés d’insalubrité ou de péril, afin de les inciter à réaliser les travaux dans les délais imposés, et en tout état de cause plus rapidement qu’aujourd’hui. Les autorités compétentes en matière de LHI peuvent décider d’une astreinte d’un montant maximal de 1 000 € par jour de retard.
Cette mesure vise à remédier au fait qu’une majeure partie des nouveaux arrêtés pris chaque année - en moyenne, pour la région Île-de-France, 513 par an depuis 2008 - n’est pas suivie d’effet ; le stock des arrêtés échus et non suivis d’effet y a en effet progressé de 12 % depuis 2009 pour atteindre 6 500 arrêtés fin 2012. Il convient de veiller à sa mise en œuvre effective.
Outre l’habitat indigne, qui renvoie aux situations les plus graves, la région doit également faire face à une situation propre aux immeubles collectifs : celle des copropriétés dégradées, qui se multiplient sous l’effet de difficultés financières et de problèmes de gouvernance.
En Île-de-France, les logements en immeubles collectifs privés représentent 47 % des résidences principales, contre 28 % en France métropolitaine. Parmi eux, 87 % se situent dans une copropriété – taux supérieur de 11 points au taux national. L’Île-de-France compte environ 160 000 copropriétés pour 3,3 millions de logement (un peu plus de 20 logements par copropriété) mais Paris compte autant de copropriétés que ses trois départements limitrophes, soit 42 869 copropriétés correspondant à plus d’un million de logements. 97 % des copropriétaires sont des personnes physiques, et le parc regroupe 57 % de propriétaires occupants pour 43 % de propriétaires bailleurs.
La dégradation d’une copropriété peut tenir à des dommages physiques et matériels, à des problèmes de fonctionnement interne et de gestion, ou à des difficultés financières. Les conséquences seront la baisse de la valeur marchande des logements pouvant induire une arrivée de nouveaux propriétaires de revenus inférieurs à ceux des sortants, des pratiques spéculatives d’investissement locatif, voire le rachat de logements par des marchands de sommeil et l’apparition de phénomènes de surpeuplement.
Le nombre de copropriétés dégradées ou même fragiles est difficile à préciser mais selon la DRIHL pourraient être concernées 22 500 copropriétés pour 400 000 logements, pour un quart situés à Paris, un tiers en petite couronne et le reste en grande couronne. La Seine-Saint-Denis est le département francilien le plus touché, mais la grande couronne comporte de très grandes copropriétés dégradées dans certaines communes comme par exemple Grigny, Évry, Sarcelles, Les Mureaux, ou encore Mantes-la-Jolie.
Si les sommes déjà engagées sont conséquentes, le traitement des copropriétés dégradées pourrait représenter à terme des montants financiers considérables52.
L’ANAH a déjà engagé 291 M€ de subventions en Île-de-France entre 2006 et 2012 au titre du financement des travaux dans des copropriétés pour 148 048 logements : en extrapolant, le besoin total de subventions de l’ANAH serait donc d’environ 786 M€ pour les 400 000 logements recensés des copropriétés signalées fragiles. Cette estimation est cohérente avec celle effectuée par la DRIHL, qui chiffre ce besoin à environ 800 M€, pour les seules subventions aux travaux, et sans compter les éventuelles copropriétés qui pourraient basculer de « fragiles » à « dégradées ». Pour limiter ces coûts, la question du repérage et de l’intervention préventive semble donc centrale.
Le financement de l’ANAH pour les copropriétés en difficulté vise le redressement de leur gestion et la réalisation des travaux nécessaires. Avec la création de l’aide aux syndicats de copropriété, l’ANAH subventionne des travaux sur les parties communes, les travaux éventuels sur les parties privatives pour les copropriétaires (bailleurs puis occupants) étaient aidés au cas par cas.
Tableau n° 23 :
montant des subventions accordées au titre du financement des
travaux dans les copropriétés en difficulté
2006-2012
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Au cours de cette période, 47 % des syndicats de copropriété ayant bénéficié d’une aide de l’ANAH se situaient à Paris, 22 % en Seine-Saint-Denis. Les syndicats parisiens ont reçu entre 2006 et 2011 près de 55 M€ (soit le tiers des subventions versées) suivis par ceux situés en Seine-Saint-Denis, avec 44 M€ (soit 29 %). Tous dispositifs opérationnels confondus, la Seine-Saint-Denis a bénéficié en moyenne de 45 % des subventions totales entre 2006 et 2011.
Une étude réalisée pour le compte de l’ANAH auprès des syndics et des opérateurs montre que l’action publique jugée la plus efficace porte sur le fonctionnement des instances de gestion. En ce qui concerne l’amélioration de la situation financière, l’efficacité apparaît plus limitée car à l’issue des travaux, les charges de copropriété augmentent, alors qu’elles diminuent en province, et le taux d’impayés augmente de trois points dans la région. La réhabilitation qualitative des logements paraît donc entraîner un appauvrissement des propriétaires.
Au moment de l’intervention, la copropriété est souvent lourdement endettée et les impayés de charges entraînent l’arrêt de la fourniture de services essentiels. Par la suite les valeurs des copropriétés dégradées sont en net décrochement par rapport aux marchés locaux. Ces prix bas peuvent attirer des marchands de sommeil qui achètent des lots pour les louer clandestinement.
Dans ces conditions, le vote des travaux lors des assemblées générales est rendu difficile, et selon l’étude, à l’issue des opérations, seuls 44 % des travaux de sécurité avaient été réalisés en totalité, ¼ ayant été réalisé partiellement ; environ 13 % n’avaient pas débuté. Pour les travaux d’amélioration, la moitié a été réalisée, un quart est en cours et un quart reste encore à réaliser.
La loi ALUR a modifié les modalités de vote en assemblée générale des copropriétés afin de favoriser la prise de décision d’engagement de travaux lourds et d’empêcher les « acquéreurs déstabilisateurs », tels que les marchands de sommeil, de nuire à la copropriété. Elle prévoit aussi la constitution d’un « fonds de travaux » destiné à faire face aux dépenses résultant des travaux prescrits par les lois et règlements ainsi que des gros travaux votés par l’assemblée générale des copropriétaires. Plusieurs mesures sont prévues pour faciliter l’intervention des pouvoirs publics ou de personnalités ad hoc (mandataire, administrateur provisoire, etc.) dans le fonctionnement d’une copropriété et permettre son redressement.
Une expérimentation est mise en œuvre depuis 2012 par l’ANAH : afin d’aider les collectivités à affiner les résultats obtenus par l’outil d’aide au repérage des copropriétés fragiles, un dispositif expérimental de veille et d’observation locale est proposé. L’intérêt de ce dispositif permet d’intervenir sur une double échelle : veille et observation locale, et programme opérationnel de prévention et d’accompagnement des copropriétés (POPAC). Un outil statistique d’aide au repérage des copropriétés fragiles a été diffusé au cours du 1er semestre 2013, élaboré à partir de plusieurs indicateurs issus de FILOCOM. Toutefois, cet outil donne une vision insuffisamment précise dans des secteurs denses comme le cœur de l’agglomération francilienne. L’expérience montre en effet qu’il convient de suivre l’évolution de la situation immeuble par immeuble.
Le suivi des copropriétés dégradées à Paris
La ville a mis en place en 2009 un observatoire de la prévention de la dégradation du bâti qui a permis, grâce à des indicateurs précis, de détecter systématiquement les immeubles à risque parmi les 50 000 immeubles d’habitat privé construits avant l’année 2000. Toutes les adresses repérées sont visitées par le service technique de l’habitat de la ville (235 adresses en 2010, 328 en 2011 dont 190 nouvelles).
Compte tenu du coût potentiel du traitement des copropriétés dégradées en Île-de-France, l’action des pouvoirs publics ne saurait être uniquement curative. Un soutien public en amont, sous forme d’appui technique le cas échéant, permettrait de freiner voire de stopper, lorsque cela est encore possible, la spirale de la dégradation. Il s’avèrerait sans doute beaucoup moins coûteux pour les finances publiques. La Cour recommande de promouvoir ces modalités d’interventions préventives au niveau local à travers la diffusion d’outils de repérage tels les observatoires locaux des copropriétés et le réel déploiement d’outils permettant une intervention dès les premiers signes de fragilité, tels les dispositifs expérimentaux mis en œuvre par l’ANAH.
Depuis 1996, huit dispositifs d’aide fiscale à l’investissement locatif privé neuf se sont succédé53 . Ils reposent soit sur le principe d’une réduction d’impôt sur le revenu plafonnée, soit sur le principe d’un amortissement du bien. La réduction d’impôt ou l’amortissement représentent, dans les deux cas, un pourcentage du montant total de l’investissement (le prix d’acquisition du logement) et sont étalés, linéairement ou non, sur la durée de l’engagement de mise en location (9, 12 ou 15 ans).
Ces dispositifs sont assortis d’un engagement de location du bien pendant une période déterminée alignée, sauf exception (dispositif Périssol), sur la durée pendant laquelle l’avantage fiscal est perçu. Ils sont également assortis ou non, selon les cas, de contreparties dites « sociales », sous forme d’un plafonnement des loyers pratiqués et des ressources du locataire. Ces loyers plafonds et plafonds de ressources du locataire diffèrent selon le territoire (zonage A, B, C). L’avantage fiscal lui-même, en revanche, n’est pas modulé directement selon la localisation.
Ces dispositifs ont été conçus comme des dispositifs à guichet ouvert, assortis d’un zonage géographique grossier ; ils ne permettent pas de prendre en compte la situation locale du marché du logement, par exemple en réservant le bénéfice de l’avantage fiscal aux logements situés dans les communes où un déficit en logements locatifs privés est documenté par le PLH, ou encore dans les communes où sont mises en place des politiques de développement de l’offre foncière. Ces aides fiscales présentent un coût unitaire élevé : le coût unitaire moyen actualisé pour l’État est de 18 700 € pour un Scellier libre 2012, 31 000 € pour un Scellier intermédiaire 2012, 25 900 € pour un Duflot. Ils induisent une forte rigidité en termes de finances publiques : ils les engagent sur des périodes de 9 à 15 ans, voire davantage, pour chaque investissement réalisé et ils représentent des dépenses de plusieurs milliards d’euros sur leur durée de vie : le coût de la génération des investissements Scellier réalisés en 2010 s’élève ainsi à 3,9 Md€, pour 80 000 logements. Ces dispositifs sont en outre difficiles à évaluer dans leurs effets sur l’offre de logement, et insuffisamment contrôlés.
Le respect des contreparties attachées à l’avantage fiscal, variables selon le dispositif (engagement de location effective pendant une durée minimale correspondant à la durée pendant laquelle le contribuable bénéficie de l’avantage fiscal, respect d’un plafond de loyer, respect d’un plafond de ressources du locataire) ne fait l’objet d’aucun autre contrôle que le contrôle fiscal de droit commun, sans stratégie spécifique de contrôle sur pièces.
Enfin, la succession de dispositifs différents, variables dans leurs modalités, a nui à la visibilité des investisseurs, favorisé les à-coups dans les ventes de logements et accoutumé le secteur de la promotion immobilière à une stimulation fiscale de la demande de logements locatifs.
Sur la période 1996-2009, les investissements locatifs se sont répartis à hauteur de 12 % en zone A, 51 % en zone B et 37 % en zone C. La seule zone A bis, couvrant Paris et les communes limitrophes, n’a accueilli que 2 % de ces investissements. Les aides fiscales n’ont donc que très minoritairement bénéficié aux zones A et A bis. Elles ont surtout concerné des territoires moyennement tendus, correspondant à la zone B, en particulier les villes moyennes, mais aussi, dans une moindre mesure, des zones détendues54. Le recentrage géographique de ces dispositifs a été tardif et partiel. La loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (MOLLE) du 25 mars 2009 a limité l’éligibilité du dispositif Scellier aux logements situés dans les zones A à B2, à l’exclusion de la zone C. Ce recentrage territorial par exclusion de la zone C n’a guère profité à la zone A, mais plutôt à la zone B, selon les travaux menés par le comité d’évaluation des dépenses fiscales et sociales. Le dispositif Duflot a été recentré sur les zones A et B1, à l’exclusion de la zone B2.
L’impact quantitatif de ces aides sur la construction de logements locatifs neufs a été moindre, en termes relatifs, en Île-de-France que dans les autres régions. Les investissements locatifs en Île-de-France n’ont représenté, sur la période 1996-2009, que 10,8 % du total des investissements locatifs réalisés en France, alors que l’Île-de-France représente près de 19 % de la population française et 19,3 % du parc locatif privé national. En outre, la part des investissements locatifs dans le total des logements neufs produits en Île-de-France a été un peu plus faible que sur le reste du territoire (20 % contre 23 %).
Cette moindre efficacité relative des aides fiscales en Île-de-France se double d’une moindre efficience, dans la mesure où le montant moyen de l’aide fiscale par logement y est plus élevé, même si ce montant ne peut être reconstitué de façon exhaustive au moyen des données fiscales. En effet, le prix des logements, qui détermine l’assiette fiscale de l’aide, est en moyenne sensiblement supérieur en région Île-de-France.
En revanche, contrairement à d’autres régions, l’Île-de-France n’a pas connu de cas avéré de surproduction de logements locatifs, déconnectée des besoins, se traduisant par une vacance prolongée. La carte des investissements locatifs réalisés en Île-de-France correspond à des territoires où la demande de logements est forte : communes limitrophes de Paris, ou accessibles en transports en commun. Sur la période 1996-2009, les investissements locatifs se sont concentrés à près de 90 % dans les zones A bis (26 %) et A (63 %) de la région. Néanmoins l’impact positif de ces dispositifs sur la production de logements locatifs neufs n’a pas permis d’accroître le parc privé locatif francilien, et a seulement compensé la diminution du parc privé locatif résidentiel possédé par les investisseurs institutionnels en Île-de-France. Les analyses de l’OLAP montrent ainsi que le parc privé locatif francilien a reculé de près de 11 000 unités au cours de la période 2000-2011.
La modération des loyers du parc locatif privé constitue l’un des objectifs poursuivis par les dispositifs d’aide à l’investissement locatif privé, selon deux voies différentes : indirectement, par l’accroissement quantitatif du parc, à des loyers de marché maîtrisés, s’agissant des dispositifs Robien et Scellier libre ; directement, en favorisant la construction de logements à loyer intermédiaire, s’agissant des dispositifs Besson, Borloo, Scellier intermédiaire et, dernièrement, Duflot. L’accroissement de l’offre locative imputable aux dispositifs fiscaux a été trop limité en Île-de-France, au regard du parc locatif, pour qu’un effet indirect de détente sur les loyers puisse être perceptible. Aucun effet de modération du rythme d’augmentation des loyers n’a été constaté par l’OLAP sur l’agglomération parisienne, contrairement à ce qui a pu être relevé par l’Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL) dans certaines villes moyennes où les investissements ont été particulièrement soutenus.
Par ailleurs, le niveau auquel ont été fixés les loyers plafonds des dispositifs visant à favoriser les logements intermédiaires, dont les loyers sont inférieurs de l’ordre de 20 % aux loyers de marché, a vidé ces dispositifs d’une grande partie de leur efficacité. Les loyers plafonds relatifs au dispositif Scellier intermédiaire étaient ainsi en 2009, dans de nombreuses villes d’Île-de-France, proches ou supérieurs aux loyers de marché observés, selon les données de l’observatoire Clameur. Cette situation n’a été que partiellement corrigée en 2011 avec la création de la zone A bis et la baisse des loyers plafonds de la zone A.
L’administration apparaît avoir été confrontée à un dilemme : la fixation des loyers plafonds à un niveau réellement contraignant par rapport aux loyers de marché risquait de se traduire par une rentabilité insuffisamment attractive pour les investisseurs, rendant le dispositif inopérant, sauf à augmenter le taux de la réduction d’impôt, qui aurait alors eu pour effet d’alourdir le coût par logement du dispositif pour les finances de l’État. Le dispositif Duflot a dû composer à son tour avec cette contradiction : les loyers plafonds ont été abaissés de seulement 6 % par rapport à ceux du Scellier intermédiaire 2012, pour les zones A et A bis comme pour la zone B1. De même, les modulations de loyers à la baisse décidées par le préfet d’Île-de-France55 n’ont concerné que sept communes de la zone A bis et 39 communes de zone A.
Au cours des années 2000, certains éléments permettent de présumer que les dispositifs d’incitation à l’investissement locatif privé ont donné lieu à des effets d’aubaine, notamment en Île-de-France :
- la période de hausse de l’investissement locatif y a coïncidé avec une phase de forte hausse des prix immobiliers qui, indépendamment des dispositifs fiscaux, a accru l’attractivité du placement immobilier ; si la hausse des prix immobiliers a pu dégrader le rendement locatif brut (loyers rapportés au prix d’acquisition), dès lors que les loyers n’ont pas augmenté au même rythme que les prix, elle a aussi alimenté les anticipations de plus-value à la revente des biens ;
- s’agissant du dispositif Scellier intermédiaire, l’effet d’aubaine est avéré : les loyers plafonds franciliens n’ayant pas été fixés à un niveau significativement inférieur aux loyers de marché, les investisseurs ont eu tout intérêt à opter pour le Scellier intermédiaire, plus avantageux fiscalement que le Scellier libre.
Dans une période où, après un recalibrage des loyers et des durées de possession, l’État semble vouloir donner une nouvelle impulsion à ce dispositif56, par exemple en autorisant la location des logements aidés à la propre famille des propriétaires bailleurs, il importe que l’impact social et fiscal des mesures précédentes fasse enfin l’objet d’une évaluation exhaustive et d’un contrôle de l’effectivité des loyers pratiqués. Ce type de mesure engage les finances publiques pour une très longue période et l’on ne saurait se satisfaire du seul effet de la construction de logements sans s’interroger sur leur localisation et leur occupation. Il est donc nécessaire non seulement de veiller à ce que les mesures destinées à favoriser l’investissement locatif à loyer intermédiaire restent bien réservées aux zones vraiment tendues, mais aussi de procéder à des bilans et évaluations de façon régulière pour ajuster au mieux les dispositifs.
Depuis la suppression en 1995 du prêt aidé à l’accession à la propriété (PAP), l’outil principal de cette politique publique en Île-de-France a été le prêt à taux zéro (PTZ) qui, au contraire du dispositif précédent, est un prêt complémentaire à un financement bancaire de droit commun.
A contrario, les dispositifs plus contraignants, en termes de conditions de ressources, comme le prêt d’accession sociale (PAS), le prêt social de location-accession (PSLA) ou l’aide personnelle au logement (APL) accession, sont relativement moins utilisés qu’en province car, aux niveaux de prix franciliens, l’accession sociale, même aidée, demeure quasiment impossible pour ces catégories.
Deux dispositifs d’accession à la propriété néerlandais
La copropriété en société civile immobilière solidaire (Koopgarant)
Selon ce système expérimenté en 1978 à Rotterdam, le bailleur social est propriétaire du foncier, le ménage acquiert le logement avec un bail emphytéotique. L’achat se fait à un prix réduit avec une clause de revente au bailleur et une valeur de rachat garantie pour la répartition des plus ou moins-values. Seuls 3 000 logements sont concernés.
L’acheter louer (Koophur)
Le ménage est locataire du bâti et propriétaire de l’intérieur du logement. Le bailleur est propriétaire du gros œuvre et des parties communes qu’il loue au prix du loyer antérieur diminué de la part du loyer de l’intérieur acquis par le propriétaire-locataire. Il ne s’agit pas d’un régime d’accession mais d’un nouveau système locatif permettant une certaine appropriation. À la fin du contrat, en cas de départ du locataire-propriétaire, le bailleur rachète ses droits. Jusqu’en 2000, l’acheter-louer ouvrait droit à des déductions d’intérêt identiques à celles de la construction, ce qui entraînait l’inconvénient que la collectivité publique payait ainsi à nouveau pour un logement déjà construit.
Le coût du PTZ pour les finances publiques est lié aux crédits d’impôt dont bénéficient les établissements financiers qui le distribuent. Entre 2005 et 2012, ces crédits d’impôt cumulés ont représenté 2 571 M€ en Île-de-France, soit 20 % des 12 709 M€ constatés au niveau national, chaque opération en Île-de-France bénéficiant en moyenne d’une aide de 9 000 € environ, portée à 11 200 € en 2011.
Tableau n° 24 : prêts à taux zéro et crédits d’impôt associés
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Au cours de la période 2005-2012, les prêts ont été utilisés à Paris à hauteur de 9,3 % du total, en petite couronne à hauteur de 37,7 % et en grande couronne à hauteur de 53 %. Le PTZ a financé en moyenne annuelle 36 000 opérations, soit nettement plus que les mises en première location de logements sociaux durant la période, mais n’a que très peu soutenu la construction neuve. Ainsi, en moyenne, 80 % des opérations en Île-de-France ont concerné des logements anciens. De ce fait, le PTZ n’a eu qu’une action très marginale jusqu’en 2011 sur la construction de nouveaux logements, alors même que les objectifs d’augmentation quantitative du parc n’ont jamais été atteints dans la période et qu’en soutenant les transactions dans le parc existant, il a pu contribuer au maintien de prix élevés.
Plusieurs études ont en outre montré les limites du produit, relevant des effets d’aubaine évalués à 85 % du champ des bénéficiaires : ceux-ci auraient décidé de déménager pour devenir propriétaires en réalisant un achat, indépendamment de l’existence du PTZ.
Tableau n° 25 : répartition des PTZ entre le neuf, l’acquisition avec amélioration et l’achat dans l’ancien57
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
À partir de 2010, le doublement des aides dans le neuf et plus récemment, les recentrages successifs des aides vers le neuf ont eu un effet bénéfique sur la construction neuve ; la dernière génération d’aide écarte l’accession dans l’ancien et restreint l’éligibilité du PTZ afin de limiter les effets d’aubaine, ce qui répond mieux aux besoins et concourt aux objectifs du SDRIF.
Conclusion et recommandations
Les politiques en direction du parc privé ont connu un renforcement de leurs moyens et une évolution de leurs modalités, depuis le milieu des années 2000, dans une perspective de développement et d’amélioration de l’offre locative. Toutefois le bilan des actions engagées apparait contrasté au regard des enjeux de la région Île-de-France.
Les mesures visant à remettre sur le marché des logements vacants, dans leurs différentes modalités, ont connu des résultats décevants qui s’expliquent par les caractéristiques du marché régional du logement.
Après avoir été insuffisamment ciblés, les outils d’intervention pour la rénovation du parc ancien sont aujourd’hui très contraints par les nouvelles modalités d’aides de l’ANAH, mais la priorité donnée aux copropriétés dégradées permet de contribuer à des solutions aussi bien pour des propriétaires occupants que pour des bailleurs confrontés à une dégradation du parc, faute de paiement des charges par des ménages appauvris ou indélicats.
Enfin, face aux difficultés d’accès au logement, les actions visant à développer des logements à loyers maîtrisés dans le parc privé ont obtenu des résultats contrastés : si elles permettent de produire des logements immédiatement disponibles et de favoriser la mixité sociale, leurs résultats restent quantitativement modestes pour un coût souvent élevé et encore insuffisamment évalué, notamment s’agissant des dépenses fiscales.
Trois conclusions se dégagent de l’examen de ces politiques. Tout d’abord celles-ci souffrent d’une connaissance insuffisante du parc privé et de l’impact des mesures mises en œuvre. Ensuite l’adaptation de certains dispositifs nationaux aux spécificités de la région Île-de-France apparait perfectible. Enfin le bilan des actions engagées montre que les politiques orientées vers le parc existant ne seront pas suffisantes pour résorber la crise du logement en Île-de-France. Leur impact quantitatif en matière d’offre demeure limité et le développement substantiel de logements privés à loyers maîtrisés semble difficile et potentiellement coûteux.
Les aides fiscales à l’investissement locatif privé présentent des inconvénients importants, dont celui, majeur, d’engager les finances publiques, à hauteur de plusieurs milliards d’euros sur leur durée de vie de 9 à 15 ans. Si elles ont eu un impact réel sur l’offre nouvelle de logements en Île-de-France, c’est à un coût unitaire élevé ; et elles sont restées sans incidence sur la modération des loyers avec des risques inflationnistes et des effets d’aubaine.
De même, les dispositifs d’État destinés à faciliter la solvabilité des ménages d’accédants à la propriété ne touchent un public large que sous une configuration d’éligibilité universelle qui peut induire des effets d’aubaine, du fait de la composition sociale de la région et des caractéristiques de son parc de logements.
Plus généralement, la mise en œuvre d’interventions publiques en direction du parc privé, visant à développer une offre de logements « abordables », moins chers que ceux disponibles sur le marché, dans une zone tendue comme l’Île-de-France fait apparaître des contradictions :
- si les prix ou les loyers plafonds des logements privés abordables sont fixés à un niveau proche de ceux du marché, le montant de l’aide par logement n’a pas besoin d’être important ; cela limite le coût global pour les finances publiques mais cela risque de se traduire par des effets d’aubaine massifs sans que la modération des prix soit jugée suffisante ;
- si ces plafonds sont significativement inférieurs aux prix du marché et que l’aide par logement reste faible, il n’y a guère d’intérêt à demander l’aide et, dès lors, l’offre espérée de logement abordable risque de demeurer virtuelle ;
- si, au contraire, l’aide est suffisamment substantielle pour qu’il vaille la peine de la demander, une offre de logement privé abordable va apparaître, mais son coût risque d’être jugé prohibitif.
La Cour formule en conséquence les recommandations suivantes :
13- poursuivre la réhabilitation des copropriétés dégradées en orientant l’action publique en faveur des démarches préventives de difficultés ;
14- accentuer le ciblage des aides fiscales à l’investissement locatif privé de loyer intermédiaire sur les zones les plus tendues, en évaluant régulièrement leurs effets et en contrôlant l’effectivité des loyers pratiqués.
L’examen des politiques du logement en Île-de-France montre une relative inadaptation des actions menées, pour un coût évaluable à 6 Md€ selon une totalisation partielle, afin d’améliorer la situation très particulière du marché du logement francilien. Le rythme de construction de logements dans cette région est demeuré très inférieur aux objectifs affichés. La densification du tissu urbain se heurte à des limites. La complexité de la gouvernance dans l’agglomération parisienne n’a pas facilité l’effort de construction. Les actions d’aménagement et de régulation foncière ont manqué de vigueur. L’effort en faveur du logement social n’a pas remédié à la segmentation du parc privé et du parc social francilien. Les politiques de mobilisation de l’offre de logement dans le parc privé ont été fluctuantes et leur résultats mitigés.
Cette efficacité limitée tient d’abord à une raison de fond : pour maintenir et accroître, dans une zone géographique de prix très élevés comme l’Île-de-France, un parc de logements de prix beaucoup plus abordables en location comme en accession à la propriété, il faut consentir un effort financier considérable. Cet effort est potentiellement infini car la demande de tels logements est d’autant plus vigoureuse et difficile à satisfaire que les écarts avec les prix du marché sont importants. De surcroît, plus l’aide est forte, plus le risque est grand qu’elle se traduise, au moins en partie, par une hausse des prix immobiliers et des loyers, renforçant les difficultés auxquelles les politiques du logement sont censées remédier.
Les acteurs, publics ou privés, de ces politiques – État, collectivités territoriales franciliennes, Action Logement, bailleurs sociaux – ne semblent collectivement pas en mesure, dans le contexte budgétaire actuel, de pousser très loin un tel effort, même en accroissant le recentrage vers l’Île-de-France des aides publiques au logement, amorcé en 2010 pour le financement par l’État des logements sociaux. Ces limites devraient conduire les décideurs publics à rechercher d’autres voies d’amélioration plus économes en ressources et plus efficaces.
Trois messages principaux se dégagent de l’enquête de la Cour et structurent les recommandations.
En premier lieu, la cohérence de l’action publique doit particulièrement être recherchée en Île-de-France. Cette cohérence y est souhaitable tant dans la délimitation des périmètres de planification et de programmation que dans la détermination des compétences en matière d’urbanisme et de logement. Elle est aussi nécessaire dans la formulation et la coordination des multiples objectifs de la politique du logement. Ainsi, l’objectif de mixité sociale qui s’exprime notamment par les dispositions de la loi SRU ne se concilie pas aisément, en Île-de-France, avec celui de maximiser la production de logements sociaux, ni avec celui de développer le logement intermédiaire, ni avec les contraintes des budgets publics. Cette cohérence doit enfin se conjuguer avec une plus grande sélectivité de l’action publique en matière de logement. S’agissant des aides au logement privé notamment, l’effort de rationalisation et de meilleur calibrage des interventions doit être poursuivi.
En deuxième lieu, la situation du marché du logement francilien est, sans doute plus qu’ailleurs, fortement influencée par celle du marché foncier. Les récentes orientations visant à donner un nouveau dynamisme aux opérations d’aménagement et aux interventions foncières publiques en Île-de-France sont donc particulièrement bienvenues. D’autres outils, de nature fiscale, pourraient être réformés pour contribuer à faciliter la mobilisation des terrains constructibles.
Enfin, un levier de progrès majeur en Île-de-France concerne la gestion du parc locatif social, tant la segmentation entre celui-ci et le parc locatif privé y apparaît profonde, porteuse d’inéquités et générant un blocage du marché locatif dans son ensemble. Une action résolue pour rationaliser l’occupation du parc social francilien et la rendre plus conforme à sa vocation mérite d’être menée en ce qui concerne, notamment, l’attribution des logements, la fixation des loyers et l’assouplissement des règles de maintien dans les lieux. Un parc locatif social avec une occupation plus mobile, mieux centré sur ceux qui en ont le plus besoin et mieux connecté au logement intermédiaire pourrait contribuer de façon substantielle à développer la mixité sociale en Île-de-France et à y réduire les tensions du marché.
1- élaborer en Île-de-France un répertoire statistique de l’ensemble des logements, contenant des informations détaillées par logement et accessible à l’ensemble des décideurs publics du secteur ;
2- stabiliser et faire coïncider les périmètres d’intervention retenus pour la planification, la programmation et la contractualisation de l’offre de logement sur la base des nouveaux contours des intercommunalités ;
3- confier aux établissements publics de coopération intercommunale, après la responsabilité des plans locaux d’urbanisme et des programmes locaux de l’habitat, la délivrance des autorisations de construire ;
4- favoriser la mise à disposition des terrains publics pour la construction de logements locatifs sociaux par le biais de baux emphytéotiques ou à construction plutôt que par des cessions à titre gratuit ;
5- décourager la rétention foncière en taxant les plus-values immobilières réelles sans condition de durée de détention, mais en tenant compte de l’érosion monétaire ;
6- modifier l’assiette de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, en tenant compte de la valeur vénale des terrains à bâtir ;
7- remonter le seuil d’application de l’obligation de réaliser un nombre de logements locatifs sociaux atteignant 25 % des résidences principales aux communes de 3 500 habitants en Île-de-France, comme c’est le cas dans les autres régions ;
8- renforcer la transparence des procédures d’attribution des logements sociaux, en invitant l’ensemble des réservataires à rendre plus homogènes les critères de sélection des bénéficiaires ;
9- appliquer sans dérogation ni plafonnement les suppléments de loyer de solidarité, et présenter régulièrement les bilans prévus par la loi ;
10- proposer, dans le cadre des nouvelles conventions d’utilité sociale, des règles de fixation des loyers des logements sociaux, en tenant compte de leur localisation, des prix du marché local et de la qualité intrinsèque du bâti ;
11 -moduler le loyer à l’entrée dans le logement social et pendant toute sa durée d’occupation, en fonction du revenu des locataires ;
12- réexaminer les conditions de maintien dans les lieux des locataires des logements sociaux, notamment la condition d’âge, en prenant en compte non seulement les revenus mais aussi le patrimoine de l’occupant et le taux d’occupation du logement ;
13- poursuivre la réhabilitation des copropriétés dégradées en orientant l’action publique en faveur des démarches préventives de difficultés ;
14- accentuer le ciblage des aides fiscales à l’investissement locatif privé de loyer intermédiaire sur les zones les plus tendues, en évaluant régulièrement leurs effets et en contrôlant l’effectivité des loyers pratiqués.
Annexe n° 1
Calcul de l’avantage lié à l’occupation de logements sociaux assortis de loyers inférieurs à ceux du marché
Cet avantage est évalué, pour chaque zone géographique, par la différence entre les estimations, par m2, du loyer moyen de marché des logements locatifs privés et du loyer moyen des logements du secteur social. Il est converti en avantage annuel par logement, sur la base du nombre moyen de m2 des logements HLM de la zone. Le montant global annuel de l’avantage est obtenu en multipliant l’avantage annuel par le nombre de logements HLM de la zone.
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Annexe n° 2 : géographie administrative de l’Île-de-France et disparités en matière de logement
Région Île-de-France et agglomération parisienne
L’agglomération parisienne, ou unité urbaine de Paris, figure sous forme d’un trait continu rouge. Elle regroupe 412 des 1 281 communes de la région Île-de-France, dès lors que le bâti se situe en continuité (200 mètres) et qu’elles ont plus de 2 000 habitants. La densité de population est figurée par une échelle de couleur bistre.
[Carte à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Projet de transport du Grand Paris
Le projet de transport du Grand Paris a été antérieur à la création de la métropole mais reste encore sujet à des ajustements de détail.
[Carte à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Les schémas de cohérence territoriale (SCOT)
Le retard pris dans la conclusion des SCOT en Île-de-France s’explique par les changements introduits par la nouvelle répartition territoriale qui sera générée par la mise en place de la métropole du Grand Paris.
[Carte à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Prix médians des appartements anciens en Île-de-France
Le prix est indiqué par commune et pour les transactions 2012, dès lors que le nombre des ventes permet de donner une information fiable.
[Carte à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
On constate une forte hétérogénéité spatiale des prix immobiliers franciliens, plus accusée que dans les autres régions. Les prix de marché sont maximaux dans quelques arrondissements parisiens centraux riverains de la Seine. Ils décroissent ensuite sur un axe nord-ouest/sud-est en fonction de l’éloignement du centre. Quelques communes ou fractions de communes dont l’attractivité est forte font exception. Entre l’unité cadastrale où les prix sont les plus élevés (Saint-Germain-des-Prés, 15 000 €/m2) et celles où ils sont les plus faibles, inférieurs à 2 500 €/m2, comme dans l’agglomération de Melun (Seine-et-Marne) ou aux Mureaux (Yvelines), le rapport est d’un à plus de six.
Les disparités de l’habitat francilien sont attribuables à de multiples causes. Elles correspondent tout d’abord aux différentes phases de la croissance planifiée de l’agglomération : urbanisme haussmannien et agrandissement de Paris ; grands ensembles ; villes nouvelles. Des développements moins maîtrisés s’y sont superposés : ce fut le cas de la croissance des banlieues et des lotissements au XIXe et au début du XXe siècle ; surgissent aujourd’hui les problèmes liés à la dégradation d’habitats collectifs construits pendant les années 1950-1970 ou à l’achat de parts de copropriétés par des propriétaires abusifs (qualifiés parfois de « marchands de sommeil »). De forts écarts de revenus et de statuts sociaux subsistent d’un département ou d’une commune à l’autre. Des traditions politiques locales ont joué leur rôle, par exemple, en faveur du logement social dans certaines communes à population jadis fortement ouvrière.
Ces divers éléments, couplés aux tensions et aux déséquilibres du marché régional du logement, génèrent de sensibles différences géographiques. Il en va ainsi pour le statut d’occupation : la situation de Paris et de la petite couronne, où le logement collectif et locatif est prépondérant, contraste avec celle de la grande couronne, où se développent la propriété et la maison individuelle. On assiste en outre à l’émergence d’un parc de résidences secondaires en zone très tendue, notamment à Paris.
Les disparités ne sont pas moindres en matière de qualité du logement. Les logements plus petits se concentrent surtout à Paris. Les phénomènes de sur-occupation sont plus fréquents dans la capitale et en petite couronne, la sous-occupation se manifeste au contraire surtout en grande couronne.
Annexe
n° 3
Liste des principaux sigles
AFTRP : Agence foncière et technique de la région parisienne
ALUR : (Loi pour l’) Accès au logement et un urbanisme rénové
ANAH : Agence nationale de l’habitat
ANIL : Agence nationale pour l’information sur le logement
ANRU : Agence nationale pour la rénovation urbaine
APL : Aide personnalisée au logement
APUR : Atelier parisien d’urbanisme
CA : Communauté d’agglomération
CCH : Code de la construction et de l’habitation
CDT : Contrat de développement territorial
CUS : Convention d’utilité sociale
DALO : Droit au logement opposable
DRIEA : Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’aménagement
DRIHL : Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement
ENL : Enquête nationale sur le logement
EPA : Établissement public d’aménagement
EPCI : Établissement public de coopération intercommunale
EPF : Établissement public foncier
FILOCOM : Fichier des logements à l’échelle communale
HLM : Habitations à loyer modéré
IAU IdF : Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Île-de-France
INSEE : Institut national de la statistique et des études économiques
MAPTAM : (Loi de) Modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles
MOLLE : (Loi de) Mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion
OIN : Opération d’intérêt national
OLAP : Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne
OPAH : Opération programmée d’amélioration de l’habitat
PAS : Prêt d’accession sociale
PEEC : Participation des employeurs à l’effort de construction
PMHH : Plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement
PLAI : Prêt locatif aidé d’intégration
PLH : Programme local de l’habitat
PLI : Prêt locatif intermédiaire
PLU : Plan local d’urbanisme
PLUS : Prêt locatif à usage social
PLS : Prêt locatif social
PSLA : Prêt social de location accession
PTZ : Prêt à taux zéro
RPLS : Répertoire du parc locatif social
SCOT : Schéma de cohérence territoriale
SDRIF : Schéma directeur de la région d’Île-de-France
SHON : Surface hors d’œuvre nette
SLS : Supplément de loyer de solidarité
SRU : Solidarité et renouvellement urbains
TFPB : Taxe foncière sur les propriétés bâties
TFPNB : Taxe foncière sur les propriétés non bâties
TOL : Territorialisation de l’offre de logement
UESL : Union des entreprises et des salariés pour le logement
USH : Union sociale pour l’habitat
ZAC : Zone d’aménagement concerté
ZUS : Zone urbaine sensible
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS CONCERNÉS
RÉPONSE COMMUNE DU MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS ET DU SECRÉTAIRE D’ÉTAT CHARGÉ DU BUDGET
Nous souscrivons à un grand nombre des recommandations formulées dans le rapport, dont certaines appellent des remarques de notre part.
Recommandations relatives aux politiques d'aménagement
Nous partageons le diagnostic établi par la Cour, qui souligne notamment la segmentation très prononcée de l'offre de logement entre le secteur social et le secteur privé et constate l'efficacité limitée des politiques publiques mises en œuvre au cours des vingt dernières années pour réduire les déséquilibres du marché du logement en Île-de-France.
Les propositions de la Cour visant à décourager la rétention foncière nous paraissent effectivement de nature à stimuler efficacement l'offre de logements.
De même que dans notre réponse à l'insertion au rapport public annuel 2015 intitulée « Les opérateurs publics locaux d'aménagement en Île-de-France : un avenir à conforter », nous tenons à souligner que les objectifs gouvernementaux en matière de production de logements en Île-de-France ne pourront être sûrement et durablement atteints qu'à travers des établissements publics foncier et d'aménagement économiquement sains, dont l'équilibre financier est préservé. C'est pourquoi il importe de veiller à la viabilité du modèle économique des opérations envisagées et à la soutenabilité budgétaire des établissements. À cet égard, nous appelons tout particulièrement l'attention de la Cour sur le travail d'optimisation et de rapprochement à l'œuvre au niveau des établissements publics d'aménagement, notamment avec la constitution du Grand Paris Aménagement.
Recommandations relatives au logement locatif social
La Cour recommande d'appliquer sans dérogation ni plafonnement les suppléments de loyer de solidarité, et de moduler le loyer à l'entrée dans le logement social et pendant toute sa durée d'occupation en fonction du revenu des locataires. Elle propose également de réexaminer les conditions de maintien dans les lieux des locataires des logements sociaux, notamment en abrogeant la condition d'âge et en prenant en compte les revenus mais aussi le patrimoine de l'occupant et le taux d'occupation du logement. Nous prenons bonne note de ces recommandations, qui pourront contribuer à alimenter la réflexion du gouvernement dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2016.
RÉPONSE DU MINISTRE DE L’INTÉRIEUR
Ce document suscite de ma part un certain nombre de remarques dont je souhaite vous faire part sur les points suivants :
1) L’impact des politiques d’aménagement en Île-de-France
Le projet de rapport indique que les politiques d’aménagement en Île-de-France ont un impact limité sur la production de logements en raison d’une planification peu contraignante, de la multiplication d’échelons de programmation insuffisamment articulés et de la faiblesse des intercommunalités, incapables d’assurer la cohérence des politiques de l’habitat.
Afin de répondre à certaines difficultés que vous pointez, le législateur a, avec la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM), créé de meilleures conditions pour mener une politique de l’habitat plus cohérente et efficace. À cet effet, la loi MAPTAM a modifié le cadre institutionnel de la programmation du logement en Île-de-France et prévu une profonde réforme de la carte intercommunale dans l’aire urbaine de Paris.
S’agissant du cadre institutionnel de la programmation du logement, parmi les instruments de planification qui seraient insuffisamment contraignants, vous évoquez le schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF), la territorialisation de l’offre de logements (TOL) et les contrats de développement territorial (CDT).
Les documents portant sur l’aménagement de l’espace, tels que le SDRIF ou les CDT, incluent certes des développements concernant l’habitat, mais aucun d’entre eux n’est pour autant dédié à la thématique de l’habitat en Île-de-France. Un consensus a émergé sur le fait que la situation particulièrement tendue du logement justifiait d’y consacrer un dispositif spécifique.
À cet effet, l’article 16 de la loi MAPTAM a institué pour l’Île-de-France un schéma régional de l’habitat et de l’hébergement (SRHH), ayant vocation à devenir dans ces domaines un outil de référence et le garant des grands équilibres régionaux. Pris en compte par les programmes locaux de l’habitat (PLH) élaborés par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de la grande couronne ainsi que par le plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement (PMHH) de la métropole du Grand Paris (tenant lieu de PLH), ce schéma comportera une déclinaison territoriale des différents objectifs au niveau de chaque EPCI et sera plus ambitieux que la TOL à laquelle il se substitue.
La création de ce schéma doit en outre permettre de renforcer l’articulation, jusque-là insatisfaisante, entre les volets de l’urbanisme et du logement. En effet, le SRHH respectera les orientations du SDRIF et il sera doté d’un pouvoir prescriptif, par la mise en place d’un lien de prise en compte, sur les documents consacrés à l’aménagement et à l’urbanisme tels que les schémas de cohérence territoriale (SCOT), les plans locaux d’urbanisme (PLU) et les CDT. Cette cohérence sera également améliorée au niveau de la métropole du Grand Paris (MGP), les PLU sur son territoire devant être compatibles avec le PMHH.
S’agissant de la refonte de la carte intercommunale, la loi MAPTAM permet de créer des EPCI d’une taille conséquente, dotés de larges compétences en matière de logement, pour assurer la cohérence des politiques locales de l’habitat et leur articulation avec le SRHH.
En premier lieu, l’article 12 de la loi MAPTAM crée la MGP qui se substituera en 2016 aux 19 EPCI à fiscalité propre et 42 communes « isolées » de la petite couronne. Si le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) revoit l’architecture initialement prévue pour la MGP afin de permettre une plus grande autonomie de ses territoires, dotés de compétences propres et dirigés par des établissements publics territoriaux, les orientations fondamentales de la loi MAPTAM sont préservées en matière d’habitat.
Par ailleurs, les articles 10 et 11 de la loi MAPTAM ont prévu que les EPCI à fiscalité propre de la grande couronne dont le siège est situé dans l’aire urbaine de Paris devront former un ensemble d’au moins 200 000 habitants au 1er janvier 2016. À cet effet, le projet de schéma régional de coopération intercommunale, présenté par le préfet de région d'Île-de-France à la Commission régionale de la coopération intercommunale le 28 août 2014, a proposé une diminution de 41 à 11 du nombre d’EPCI de la grande couronne appartenant à l’aire urbaine de Paris. Ces nouveaux EPCI, dotés d’attributions importantes dans le domaine du logement, seront tous compétents en matière de programmation locale de l’habitat sur leur territoire.
S’agissant de l’amélioration de l’action publique en matière d’offre foncière et d’aménagement, la mise en place d’un établissement public foncier unique en Île-de-France – dont le décret devrait être pris prochainement à l’initiative de la ministre en charge du logement – va permettre de simplifier et de mieux coordonner l’action de l’État et des collectivités territoriales dans la maîtrise du foncier, condition indispensable à l’émergence de nouveaux projets de logements. Par ailleurs, un projet de décret transformant l’Agence foncière et technique de la région parisienne en établissement public Grand Paris Aménagement est en cours d’élaboration par les services du ministère chargé du logement. Cet établissement pourra participer activement à la mise en œuvre du plan de mobilisation pour le logement et la mise en place du Grand Paris.
Enfin, s’agissant de l’intervention des EPCI en matière d’actes d’autorisation et d’occupation du sol, il me semble qu’une éventuelle extension des compétences intercommunales en la matière ne pourrait être envisagée qu’à l’issue d’une période suffisante d’exercice des compétences dévolues à ces structures en matière de planification urbaine (SCOT, PLU), afin de pouvoir en tirer les enseignements nécessaires.
2) Le bilan de la mise en œuvre de l’article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi SRU)
Après avoir rappelé que loi SRU avait eu un effet significatif sur la production de logements sociaux dans certaines communes en deçà du seuil légal, la Cour pointe la complexité de la procédure de carence, le faible montant des pénalités qui seraient peu incitatives au regard du coût de construction d’un logement social, ainsi que l’impossibilité pour les communes sans foncier disponible d’atteindre le taux de 25 % de logements sociaux prévu par la loi.
La complexité de la procédure de carence est réelle mais elle est en grande partie la conséquence de la décision du Conseil constitutionnel n° 2000-436 DC du 7 décembre 2000, qui a invalidé le mécanisme de sanction initialement prévu par la loi SRU, en raison de son caractère automatique, estimant que celui-ci violait le principe de libre administration des collectivités territoriales. Le législateur a donc conçu une procédure plus complexe pour répondre aux exigences constitutionnelles (procédure contradictoire, avis du comité régional de l’habitat, possibilité de moduler la sanction en fonction de plusieurs critères …).
S’agissant du caractère peu incitatif des pénalités SRU, la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social permet désormais au préfet de multiplier par 5 le montant du prélèvement majoré des communes frappées par arrêté de carence. Ainsi, tout comme le ministère du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité, je considère qu’une telle mesure est de nature à encourager la construction de logements sociaux dans ces communes compte tenu du montant beaucoup plus élevé des pénalités qu’elles encourent.
Au surplus, la loi n°2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) a introduit plusieurs évolutions destinées à rendre plus opérationnel l'exercice des missions attribuées au préfet dans les communes frappées par un arrêté de carence. Elle a notamment autorisé le préfet à délivrer des autorisations d’utilisation et d’occupation du sol pour des constructions à usage de logements.
S’agissant des communes dépourvues de foncier, il existe, dans les cas objectivement les plus complexes, une possibilité pour le ministre chargé du logement d’aménager les obligations triennales de construction de logements après le passage de la commune devant la commission nationale prévue à l’article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l’habitation.
Enfin, j’ai pris connaissance avec intérêt de vos pistes de réflexion pour améliorer certains aspects de l’article 55 de la loi SRU (introduction d’un indicateur pour mesurer son effet en matière de mixité sociale ou prise en compte de la taille du logement dans le dénombrement des logements sociaux).
Toutefois il me paraît souhaitable, sur l’ensemble de ces points, d’éprouver d’abord le dispositif applicable, qui a été profondément revu par la loi du 18 janvier 2013 après une décennie de fonctionnement, avant de s’engager dans de nouvelles réformes de fond.
RÉPONSE DE LA MINISTRE DU LOGEMENT, DE L’ÉGALITÉ DES TERRITOIRES ET DE LA RURALITÉ
La Cour propose d’élaborer en Île-de-France un répertoire statistique de l’ensemble des logements contenant des informations détaillées par logement et accessible à l’ensemble des décideurs publics du secteur (recommandation 1).
Je vois également tout l’intérêt d’un tel répertoire dont l’élaboration pourrait être intégrée dans le projet, à échéance de 2018, de « répertoire statistique des logements (RSL) » conduit par l’INSEE, en coordination avec le service statistique du ministère chargé du logement, et en faisant appel à des bases de données émanant de la direction générale des finances publiques. À ce titre, je souhaite que ces données puissent être accessibles facilement et à bonne échelle à l’ensemble des décideurs publics, voire plus largement pour les données générales, en conformité avec la politique de mise à disposition gratuite de données publiques (Open data).
La Cour recommande de stabiliser et de faire coïncider les périmètres d’intervention retenus pour la planification, la programmation et la contractualisation de l’offre de logement sur la base des nouveaux contours des intercommunalités (recommandation 2).
En matière de logement, les lois MAPTAM et ALUR visent à assurer la cohérence de cette politique en permettant une meilleure articulation entre les outils de programmation de l’offre de logement. Comme le souligne la Cour, des remises en cause et des demandes de modifications se manifestent, postérieurement au vote de ces deux lois.
Le ministère chargé du logement ne peut préjuger du vote du Parlement mais considère que le chemin de l’intercommunalité étant encore très peu emprunté en Île-de-France, il semble préférable de préparer l’instauration de la Métropole du Grand Paris par un renforcement de l’intercommunalité de droit commun dans la région, et donc par le recours au programme local de l’habitat (PLH) en grande couronne, et au plan métropolitain (PMHH) valant PLH sur le territoire métropolitain, sur la base le cas échéant, des travaux menés dans le cadre de l’élaboration de PLH préexistants à sa création sur le périmètre des territoires.
Si tel n’était pas le cas, les processus opérationnels (élaboration des documents programmatiques, décision sur les grandes opérations d’urbanisme, etc.) courraient le risque d’être, sinon bloqués, du moins fortement ralentis du fait des incertitudes institutionnelles. Ce ne sont donc pas vraiment de nouveaux instruments de programmation dont l’Île-de-France a besoin, car ces instruments existent, mais d’une stabilisation des périmètres de l’intercommunalité qui permettront aux groupements de communes de « s’affirmer » par rapport aux compétences communales.
En matière de document d’urbanisme opérationnel (plan local d’urbanisme), la loi ALUR a introduit un mécanisme de transfert automatique de la compétence PLU aux EPCI, ouvrant la voie vers des documents d’urbanisme plus qualitatifs et opérationnels. L’échelle intercommunale pour l’élaboration de ces documents est l'échelle pertinente pour mettre en cohérence les politiques sectorielles notamment d’urbanisme, d’habitat, de déplacements mais également pour gérer les disponibilités foncières ou la prise en compte des risques. Le Gouvernement accompagne pleinement cette évolution avec des appels à projets lancés par mon ministère et le fonctionnement du CLUB PLUi. Par ailleurs, si la loi précitée rend facultatif le dispositif du PLU tenant lieu de PLH, dont le contenu est modernisé, il n’en demeure pas moins que des EPCI peuvent décider de s’en saisir.
La Cour préconise de confier aux établissements publics de coopération intercommunale, après la responsabilité des plans locaux d’urbanisme et des programmes locaux de l’habitat, la délivrance des autorisations de construire (recommandation 3).
La délivrance des autorisations de construire par le président d’un EPCI est une possibilité prévue à l’article L. 422-3 du code de l’urbanisme. Il s’agit pour les maires de déléguer leur compétence en matière de délivrance des autorisations d’urbanisme au président de l’EPCI. C’est sans doute la généralisation de l’élaboration des PLUi qui incitera les élus à rechercher la cohérence du niveau décisionnel entre l’élaboration des documents d’urbanisme et la délivrance des autorisations d’urbanisme.
Le Gouvernement n'a pas souhaité à ce stade imposer une telle mesure, mais la faciliter et l'accompagner. Une première étape fortement accompagnée par mon ministère est la création de centres d’instruction mutualisés.
La Cour souhaite favoriser la mise à disposition des terrains publics pour la construction de logements locatifs sociaux par le biais de baux emphytéotiques ou à construction plutôt que par des cessions à titre gratuit (recommandation 4).
Le bail emphytéotique et le bail à construction sont des outils qui sont déjà à la disposition des pouvoirs publics. Il a été décidé, face aux besoins de logements sociaux et à la difficulté de remplir les objectifs de construction au vu des prix du foncier de mettre en place un dispositif de cession à prix décotés pouvant aller jusqu'à la gratuité. Il s'agit là d'une volonté politique pour permettre de développer le logement social dans les territoires tendus. C'est ensuite localement que le meilleur instrument (décote, gratuité, bail emphytéotique, bail à construction) est choisi par les acteurs de terrain au vu du contexte technique et local.
La Cour propose de décourager la rétention foncière en taxant les plus-values immobilières réelles en tenant compte de l’érosion monétaire, mais sans aucune condition de durée de détention (recommandation 5).
La réforme du régime fiscal des plus-values immobilières, prévue par la loi de finances pour 2014, supprimant l’abattement pour durée de détention applicable au calcul des plus-values des cessions de terrains à bâtir, a été censurée par le Conseil constitutionnel. Par la suite, l’article 4 de la loi de finances pour 2015 a aligné le régime d’imposition des cessions de terrains à bâtir sur celui des autres biens immobiliers. Cette mesure a pour avantage de simplifier la fiscalité applicable aux cessions de biens immobiliers et de réduire la durée de détention nécessaire pour que les plus-values de cessions de terrains à bâtir soient exonérées. De plus, pour libérer immédiatement des terrains, il est accordé temporairement un abattement exceptionnel de 30 % pour la détermination de l’assiette imposable, tant fiscale que sociale, des plus-values résultant de la cession de terrains à bâtir. Il ne paraît pas évident qu’une imposition, à la cession des biens, sur les plus-values immobilières ne tenant compte que de l’érosion monétaire soit de nature, à elle seule, à décourager la rétention foncière.
La Cour suggère de modifier l’assiette de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB), en tenant compte de la valeur vénale des terrains à bâtir (recommandation 6).
L’assiette de la taxe foncière sur les propriétés bâties ou non bâties est aujourd’hui basée sur la valeur locative des biens, comme celle de la taxe d’habitation ou de la taxe spéciale d’équipement. Il paraîtrait peu lisible et coûteux en gestion d’avoir des assiettes distinctes sur ces différentes taxes. Par ailleurs, s’agissant de l’évaluation des valeurs vénales de propriétés non bâties, celle-ci est sujette à des difficultés similaires à l’évaluation des valeurs locatives, en particulier, sur les types de bâti dont le nombre de transaction –et donc la connaissance de la valeur vénale- reste limité.
En outre, comme le relève la Cour, le processus de révision des valeurs locatives est enclenché. Il a débuté avec les locaux professionnels, se poursuit actuellement sur les locaux d’habitation et devrait également porter par la suite sur les terrains nus. Une telle réforme pourrait induire des hausses considérables de TFPNB sur certains terrains, notamment les terrains agricoles constructibles, sur tout le territoire français et pas uniquement dans certaines zones géographiques marquées par un déséquilibre entre l’offre et la demande de logements. C’est pourquoi, dans l’attente de la réforme des valeurs locatives, le Gouvernement a institué (article 1396 du CGI) une majoration de plein droit de la valeur locative sur les terrains constructibles situés dans les communes appartenant à une zone géographique cumulant les critères de la zone A du dispositif d’investissement locatif et de la zone d’application de la taxe sur les logements vacants (modification de zonage issue de la loi de finances rectificative pour 2014). Dans les autres communes, le conseil municipal peut opter pour une majoration facultative de la valeur locative des terrains constructibles situés en zone urbaine ou à urbaniser.
La formation commune recommande de remonter le seuil d’application de l’obligation de réaliser un nombre de logements locatifs sociaux atteignant 25 % des résidences principales aux communes de 3 500 habitants en Île-de-France, comme c’est le cas dans d’autres régions (recommandation 7).
Le seuil d’application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) aux communes de plus de 1 500 habitants en Île-de-France (et non de plus de 3 500 comme en province) se justifie par le caractère aggloméré de l’urbanisation en Île-de-France, pour lequel les limites administratives des communes ne constituent pas un critère pertinent pour répondre aux besoins de logements sociaux ainsi que par la pression très élevée de la demande de logements sociaux. Cependant, le territoire francilien n’est pas entièrement compris dans la zone agglomérée. Il pourrait être justifié dans ces conditions que le seuil de 1 500 habitants ne soit applicable qu’aux communes faisant partie de l’unité urbaine de Paris au sens de l’INSEE, tandis que les communes soumises à l’article L. 3025 du code de la construction et de l’habitation (CCH) en dehors de cette unité verraient leur seuil relevé à 3 500 habitants, c'est-à-dire au même niveau que celui de la province. Dans cette hypothèse, au vu du dernier inventaire au 1er janvier 2014, seulement 17 communes dont la population est comprise entre 1 500 habitants et 3 500 habitants, situées en dehors de l’unité urbaine de Paris ne se verraient plus soumises à l’obligation de disposer de 25 % de logements sociaux en 2025. En conséquence, il ne me semble pas opportun de rouvrir un débat sur ces obligations SRU, dont la dernière révision date du 18 janvier 2013.
La Cour demande le renforcement de la transparence des procédures d’attribution des logements sociaux, en invitant l’ensemble des réservataires à rendre plus homogènes les critères de sélection des bénéficiaires (recommandation 8).
Le Gouvernement a décidé de réformer en profondeur les attributions de logements sociaux. Les EPCI disposant d’un PLH seront chargés de mettre en place une politique intercommunale des attributions, dont les prescriptions, adoptées sur proposition d’une conférence intercommunale du logement et avec l’accord du préfet, s’imposeront à l’ensemble des partenaires. Cette politique s’appuiera sur des outils permettant de classer les demandes et de qualifier les logements disponibles en fonction de données objectives et d’indicateurs partagés.
Elle visera à garantir une répartition plus équilibrée de l’occupation du parc social entre les territoires, ce que l’échelle intercommunale et la collaboration entre les bailleurs et avec les réservataires rendront possible. Elle visera enfin à rendre les demandeurs actifs dans le processus d’attribution via l’expérimentation de dispositifs de type location choisie leur permettant de se positionner directement sur des logements disponibles dont la disponibilité et les caractéristiques seront publiées.
La Cour propose d’appliquer sans dérogation ni plafonnement les suppléments de loyer de solidarité, et présenter régulièrement les bilans prévus par la loi. La Cour propose également de moduler le loyer à l’entrée dans le logement social et pendant toute sa durée d’occupation, en fonction du revenu des locataires (recommandations 9 et 11).
Les articles L. 445-4 et R. 445-11-1 du CCH prévoient la possibilité à titre expérimental, dans le cadre d’une convention d'utilité sociale (CUS), de moduler les loyers en fonction des revenus des locataires, nonobstant les plafonds de loyers fixées par les conventions APL. Ce dispositif n'a toutefois pas été appliqué et envisager la généralisation d’un dispositif qui permettrait de moduler les loyers en fonction des revenus du ménage nécessiterait une réforme d’une grande ampleur. Moduler les loyers en fonction des revenus pendant toute la durée d’occupation présente l’inconvénient majeur de rendre imprévisible sur le long terme le montant du loyer, ce qui poserait aux bailleurs sociaux un problème de gestion.
Cependant, dans un objectif de mixité sociale, le Gouvernement a décidé d’accorder de la souplesse aux bailleurs sociaux pour la détermination de leurs loyers. L’objectif est de fixer le loyer en fonction du revenu de la personne qu’on souhaite accueillir, et de créer ainsi une offre de logements très sociaux en dehors des quartiers de la politique de la ville. Les modalités précises de cet assouplissement font l’objet d’échanges avec l’USH.
Enfin, malgré la possibilité d’appliquer un supplément de loyer de solidarité (SLS) pour les locataires dont les ressources dépassent de plus de 20 % les plafonds de ressources (loi du 4 mars 1996 relative au supplément de loyer de solidarité permet aux organismes HLM) et de recourir à la disposition contenue dans la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, favorisant la rotation dans le parc social par la diminution de 10,3 % du plafond de ressources pour accéder à un logement social et par la remise en cause du maintien dans les lieux, l’écart de prix entre le parc social et le parc privé est devenu tel dans certains territoires que les ménages renoncent à déménager. Afin de favoriser la mobilité et tout en préservant la mixité de peuplement du parc public, plusieurs propositions sont à l’étude et en concertation avec le secteur HLM, dans le cadre notamment de l’agenda HLM 2015-2018.
La Cour propose, dans le cadre des nouvelles conventions d’utilité sociale, des règles de fixation des loyers des logements sociaux, en tenant compte de leur localisation, des prix du marché local et de la qualité intrinsèque du bâti (recommandation 10).
Les CUS, régies par les articles L. 445-1 et suivants du CCH, et la Remise en Ordre des Loyers Maximum (ROLM) prévue dans ce cadre, permettent, conventionnellement, le passage progressif d'une logique loyer/financement vers une logique loyer/service rendu, et donc une déconnexion elle aussi progressive du loyer d'équilibre résultant des conditions initiales de chaque opération. Les CUS visent à permettre aux bailleurs sociaux d'intégrer, dans leur stratégie patrimoniale, la recherche d'une plus grande efficacité de la politique des loyers du patrimoine existant. La prochaine génération de CUS devrait permettre de progresser dans la poursuite de cet objectif. La Remise en Ordre des Loyers Maximum fait par ailleurs l’objet de réflexions visant à la concilier avec l’objectif, prioritaire, de promotion de la mixité sociale.
La Cour souhaite réexaminer les conditions de maintien dans les lieux des locataires des logements sociaux, notamment en abrogeant la condition d’âge et en prenant en compte non seulement les revenus, mais aussi le patrimoine de l’occupant et le taux d’occupation du logement (recommandation 12).
Il convient d’observer que la remise en cause de la protection des personnes de plus de 65 ans ne serait pas cohérente avec la position retenue récemment par le législateur qui, dans le cadre de la modification de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs par la loi du 24 mars 2014, dite loi ALUR, a décidé d'accentuer la protection de ces personnes au sein du parc privé (article 15, abaissement de l'âge des locataires protégés de 70 à 65 ans).
La Cour propose de poursuivre la réhabilitation des copropriétés dégradées en orientant l’action publique en faveur des démarches préventives de difficultés (recommandation 13).
La loi ALUR a d’ores et déjà fortement orienté l’action publique vers les démarches préventives de difficultés par une réforme du régime de la copropriété (fonds de travaux, ou réforme des règles de décision en assemblée générale), une politique préventive consistant d’abord à faciliter une bonne gestion patrimoniale et financière dans les syndicats de copropriétaires sans intervention publique et la révision du contenu du programme local de l’habitat, les collectivités locales devant dorénavant préciser les actions à destination des copropriétés en difficulté et prévoir un repérage des copropriétés dégradées.
L’efficacité d’une politique de prévention repose également sur la volonté des copropriétaires d’améliorer la gestion de leur immeuble. La loi ALUR a développé à cet effet des outils qui permettront aux pouvoirs publics en Île-de-France de favoriser en amont la prise de conscience des difficultés par les copropriétaires. L’action publique est donc d’ores et déjà orientée en faveur des politiques préventives dans toute la France, et a fortiori en Île-de-France. À court terme, l’action curative reste cependant incontournable en Île-de-France pour traiter les copropriétés en grande difficulté notamment à Clichy-sous-Bois ou à Grigny.
La Cour propose d’accentuer le ciblage des aides fiscales à l’investissement locatif privé de loyer intermédiaire sur les zones les plus tendues, en évaluant régulièrement leurs effets et en contrôlant l’effectivité des loyers pratiqués (recommandation 14).
Les dispositifs d’aide à l’investissement locatif ont évolué, mais cette évolution avait pour objet de les améliorer afin de les rendre plus efficients et d’optimiser la dépense publique. En outre, le dernier dispositif a été calibré pour être la contrepartie de loyers situés à un niveau « intermédiaire » entre le parc social et le parc privé, équivalant au niveau des loyers de marché minorés de 20 %. Les préfets de région peuvent ainsi moduler à la baisse les plafonds fixés par zone géographique, afin de s’assurer du caractère réellement intermédiaire des plafonds de loyer s’appliquant localement. Par ailleurs, le dispositif a fait l’objet d’un recentrage par rapport au précédent. Dans un souci d’efficacité et de protection des investisseurs, il ne peut être mobilisé que dans les communes où le besoin de logements intermédiaires est avéré (commune de zones A et B1, ainsi que dans les communes de zone B2 ayant reçu un agrément dérogatoire des préfets de région). Je tiens enfin à préciser que le contrôle de l’effectivité des loyers pratiqués est lié à la nature de l’aide ; ajouter une instance de contrôle supplémentaire introduirait des coûts de gestion supplémentaires ainsi qu’une complexification et des contraintes qui nuiraient à l’efficacité du dispositif.
RÉPONSE DE LA MINISTRE DE LA DÉCENTRALISATION ET DE LA FONCTION PUBLIQUE
La Cour, dans son rapport, souligne l’importance de pouvoir mettre en cohérence l’action publique dans le domaine du logement en Île-de-France afin de répondre à la situation actuelle de grande tension. Pour ce faire, elle préconise de renforcer l’intégration des politiques publiques dans le domaine, au travers notamment d’une plus grande structuration de l’intercommunalité ; elle juge en effet que la faiblesse de l’intercommunalité a freiné la concrétisation des objectifs fixés par la puissance publique et a grevé l’efficacité des instruments de planification et d’aménagement.
À cet égard, la Cour souligne l’avancée que constitue la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) du 27 janvier 2014, ce dont je me félicite. C’est en effet, en partant du même constat et pour répondre en priorité à cet enjeu du logement dans la région francilienne, que le gouvernement a souhaité mettre en place une nouvelle gouvernance, articulant Métropole du Grand Paris en petite couronne et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) renforcés en grande couronne.
La loi MAPTAM va ainsi permettre, à partir du 1er Janvier 2016, la création d’une intercommunalité dotée d’un statut particulier – la Métropole du Grand Paris - regroupant Paris et l’ensemble des communes des départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. La mission première de ce nouveau groupement de collectivités sera la politique du logement et de l’habitat. Il s’agira de répondre aux besoins de production et d'entretien, de garantir à la fois un accroissement et un rééquilibrage de l’offre de logement sur son territoire ; le déséquilibre actuel générant de nombreux problèmes identifiés de longue date mais qui n’ont pas été résolus jusqu’à présent (concentration de populations en difficultés sociales, pertes de temps dans les transports très conséquents entre lieux de travail et lieux d'hébergement...). La métropole sera dotée progressivement de la totalité des compétences de la chaîne du logement : programmation, production, mise en œuvre du droit au logement, accompagnement des personnes mal logées, constitution de réserves foncières. Elle établira – comme le préconise la Cour des Comptes – un Schéma de Cohérence Territoriale. Elle aura la responsabilité de réaliser un plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement qui fixera des grandes orientations stratégiques à partir d’un diagnostic précis des besoins. Elle interviendra également dans l’amélioration du parc immobilier bâti et des conditions de logement.
De manière simultanée, les intercommunalités seront rationalisées et renforcées en grande couronne : au 31 décembre 2015, elles formeront – à l’échelle de territoires de projets ambitieux – des ensembles de plus de 200 000 habitants, sauf rares dérogations aux franges de l’unité urbaine. Conformément à la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), ces EPCI seront en charge de plans locaux de l’habitat et – d’ici un peu plus de deux ans - de la réalisation du plan local d’urbanisme (sauf exercice d’une éventuelle capacité de blocage par les communes). Ceci devrait permettre une meilleure prise en compte des besoins et des objectifs de construction de logements par ces documents de planification régissant les droits d’utilisation des sols.
Par ailleurs la loi MAPTAM permettra de mieux coordonner les politiques au niveau régional grâce au renforcement du rôle de la région Île-de-France. Depuis juillet 2014, un comité régional de l’habitat et de l’hébergement, regroupant l’ensemble des acteurs du logement dans la région, se réunit régulièrement. Il élabore le schéma régional de l’habitat et de l’hébergement et coordonne les interventions de l’État, de la région d’Île-de-France, des départements, de la métropole du Grand Paris et des EPCI compétents en matière de programme local de l’habitat pour favoriser la mise en œuvre de ce schéma. C’est une disposition importante de la loi. Elle permettra précisément de répondre à certains enjeux pointés par la Cour, notamment celui d’une meilleure coordination des politiques ainsi que d’une meilleure connaissance du parc francilien et de son évolution.
Si la Cour souligne les avancées introduites par la loi MAPTAM, elle s’inquiète des incertitudes qui pèsent sur certaines dispositions du fait des débats parlementaires en cours. Ces inquiétudes semblent aujourd’hui pouvoir être dissipées, dans la mesure où les incertitudes sur le périmètre et les dates de transfert effectifs des compétences logement, aménagement et urbanisme ont pu être levées dans les débats qui se sont déroulés à ce jour. Il s’agissait – pour le législateur – en lien avec les élus locaux et les acteurs du territoire, de garantir la mise en place effective de la métropole. Il fallait également renforcer certaines dynamiques territoriales actuelles en créant des territoires d’au moins 300 000 habitants à même de porter les compétences de proximité tout en assurant une forte mutualisation. C’est par exemple, pour la quarantaine d’OPH actuels qui leur sera rattachée au plus tard au 1er janvier 2018.
Sur le volet institutionnel, la Cour préconise par ailleurs – pour répondre aux enjeux de planification et de logement en Île-de-France - des dispositions, qui n’ont pas vocation à s’appliquer spécifiquement à cette région et à sa situation particulière. Ainsi, elle recommande que la délivrance des permis de construire se fasse, à l’avenir - par souci de cohérence - à l’échelle intercommunale.
Cette recommandation ne semble pas de nature à répondre aux spécificités des enjeux de logement en Île-de-France puisqu’il s’agit d’une remarque générale sur la compétence « délivrance des permis de construire ». De plus, elle est justifiée par la Cour sur la base qu’« il serait paradoxal qu’une commune, après une période de concertation et de négociation des objectifs, garde le pouvoir de refuser de délivrer des permis de construire pour des opérations qui auraient été décidées au niveau intercommunal. ».
Pourtant, une fois que le PLU est réalisé à l’échelle intercommunale, les services municipaux en charge de la délivrance des permis ont simplement à vérifier la conformité du permis de construire avec le plan local d'urbanisme ; le maire ne peut pas refuser un permis de construire si celui-ci est régulier. Par ailleurs, l’ensemble des mesures que prend le gouvernement en faveur de la mutualisation peut également concerner l’instruction des permis de construire, à défaut du transfert de leur signature, la question étant plus celle des capacités d’ingénierie des différentes structures que celle de la responsabilité politique du signataire du permis.
Il est important d’ajouter enfin que les ralentissements dans les constructions nouvelles semblent davantage trouver leurs sources dans les recours abusifs contre les permis de construire que dans le fait que ceux-ci ne sont pas signés alors qu’ils sont conformes aux PLU. Sur ce point, les mesures de simplification que prend le gouvernement sont sans doute plus urgentes pour répondre aux problèmes des délais pour la délivrance des permis de construire et pour leur exécution, qu’un transfert de la compétence aux intercommunalités. Par ailleurs, en l’état actuel des modes d’élection des différents échelons, le Maire garde une légitimité politique forte, à même de susciter une plus forte adhésion locale aux projets de construction menés.
RÉPONSE DU PRÉFET DE LA RÉGION ÎLE-DE-FRANCE
Vous retrouverez ci-dessous les observations que je souhaite formuler à la lecture de ce rapport, lesquelles sont présentées dans l’ordre du document.
Chapitre I
Dans un souci d’exactitude, il faut préciser que la note de bas de page sur la définition de la sur-occupation correspond surtout aux pratiques des bailleurs sociaux dans les processus d’attribution du logement et concerne plutôt le surpeuplement. Ces règles conduisent, de fait, à écarter certains ménages de l’accès au logement social (équilibre impossible entre loyer et capacités contributives des ménages). La définition de la sur-occupation est juridiquement définie par le Code de la Sécurité Sociale, Art. D542-14-2°). Elle s’évalue exclusivement à partir d’une norme de surface minimale par personne. Le surpeuplement est effectivement un indicateur fondé sur le nombre de pièces nécessaires compte tenu de la composition du ménage. La distinction pourrait utilement être mentionnée.
Le rapport recommande pour la région Île-de-France la création d’une base de données permanente des logements sur le modèle de RPLS. Les fichiers fonciers (Dgfip) constituent déjà une base de données permanente des logements pour l’ensemble de la France métropolitaine. On y retrouve un identifiant unique pour chaque local à usage d’habitation et suffisamment d’éléments sur les caractéristiques des locaux (au titre de la comparaison avec RPLS). Sauf à y inclure des éléments sur l’occupation de ces logements, la création de cette base pourrait être redondante avec des bases existantes.
Sur RPLS, il convient de souligner qu’il pourrait être encore mieux rempli par les bailleurs, pour qui c’est une obligation, afin de fournir un état des lieux plus fin et actualisé du parc social et notamment des réalisations de programmes suite aux financements publics.
Chapitre II
À plusieurs reprises, le rapport porte un regard critique sur la densification prônée par le SDRIF, compte tenu du coût élevé du foncier qu’elle implique. Or, le SDRIF vise un urbanisme plus durable, concentré autour de transports en commun performants et notamment des gares existantes et de celles prévues dans le plan de mobilisation pour les transports d'Île-de-France, qui formeront à terme un réseau maillé à l'échelle de la métropole.
Aussi, s’il est pleinement légitime de souligner certaines conséquences économiques négatives du choix de la densification, il semble dommageable de n’aborder que ces aspects, la densité faisant par ailleurs débat au niveau des populations et des élus locaux sous l'angle de la qualité du cadre de vie. En effet, sur un plan strictement économique, les arbitrages relatifs à la localisation des logements comme des activités prennent trop souvent en compte les coûts immédiats – dont celui du foncier – mais insuffisamment les coûts indirects et notamment ceux des services (transports, réseaux, équipements, services de gestion urbaine), qui pourtant se cumulent dans la durée.
Par ailleurs, en ce qui concerne le suivi annuel de la construction de logements, il faut indiquer qu’à compter de fin février 2015, une nouvelle série dite « en dates réelles estimées » permettra un meilleur suivi conjoncturel de la construction de logements au niveau régional.
Chapitre III
En matière d’attribution de logements sociaux, les précisions suivantes semblent utiles.
Le système d’inscription de la demande de logement social mentionné est le système national d’enregistrement, outil du numéro unique de la demande de logement. Chaque demandeur francilien ne doit donc avoir qu’une seule demande de logement sur la région Île-de-France.
Il est indiqué que « le logement est alors attribué au seul candidat proposé par le réservataire ». Tout ménage proposé au bailleur par un réservataire n’est pas forcément retenu par la commission d’attribution de logement du bailleur (refus de la CAL) et, en outre, le candidat peut également refuser la proposition de logement qui lui est faite (refus du candidat). Les deux décisions aboutissent à un non relogement pour le candidat et souvent à une reprise du logement pour un tour par le bailleur. Par ailleurs, les réservataires État et Action Logement (dans le cadre de son obligation légale de consacrer 25 % des attributions sur son contingent aux ménages prioritaires DALO) ne proposent un seul candidat que dans des cas de désignation au bailleur au titre du DALO. Dans les autres cas, ils proposent les trois candidatures prévues par les textes, sauf en cas d’insuffisance de candidats potentiels.
Chapitre IV
Sur le manque de ciblage des moyens financiers de l’Anah mentionné également, il faut indiquer que, si la dotation accordée à Paris entre 2006 et 2010 représentait plus de 30 % de la dotation régionale, ce poids prédominant se justifiait : en effet, l’action très volontariste de la Ville de Paris à travers son plan d’intervention et de réhabilitation lourde à destination de 1 000 immeubles a enclenché une dynamique qui s’est notamment traduite par des travaux et des engagements d’aides de l’Anah massifs jusqu’en 2010. Depuis cette année-là, la Ville de Paris estime avoir rempli son engagement de 2001 et intervient désormais de manière plus ciblée et diffuse sur des immeubles dégradés. À l’inverse, la Seine-Saint-Denis a vu son enveloppe augmenter nettement depuis 2006 pour prendre en compte les nombreux enjeux de ce département. Ainsi, en 2014, les engagements de crédits Anah sur la Seine-Saint-Denis ont représenté plus de 29 % des engagements régionaux.
Suite à la réforme des aides de l’Anah en 2010, l’action en faveur des copropriétés (redressement des copropriétés en difficulté et prévention des copropriétés fragiles) constitue une priorité à part entière, aux côtés de la lutte contre l’habitat indigne, de la rénovation énergétique et de l’adaptation des logements à la perte d’autonomie. Outre des interventions lourdes, par exemple dans les copropriétés du Bas-Clichy en préparation de l’opération de requalification des copropriétés dégradées d’intérêt national (ORCOD-IN) en création sur ce secteur suite à la loi ALUR (3,5 M€ de l’Anah sur ce secteur en 2014), de nombreuses collectivités d’Île-de-France développent leur politique de prévention et de repérage des copropriétés dégradées, à travers la mise en place de deux dispositifs expérimentaux financés en partie par l’Anah dès 2012 : les programmes opérationnel de prévention et d’accompagnement des copropriétés (POPAC) et les dispositifs de veille et d’observation des copropriétés (VOC). À ce jour, 8 POPAC et 2 VOC sont en cours sur la région Île-de-France, et plusieurs autres collectivités sont en train de mener des études pour mettre en place une démarche similaire.
Sur la perte d’attractivité des aides de l’Anah pour les propriétaires bailleurs, il faut mentionner que l’Anah a réalisé en 2013 70 fiches sur des simulations précises de montages financiers dédiés à ces bénéficiaires. Cette étude met en avant le fait que le conventionnement social voire très social peut, dans certains cas, être favorable pour le propriétaire même en zone tendue et dans le cadre de travaux lourds.
Lutte contre l’habitat indigne
En matière de lutte contre l’habitat indigne, il convient de préciser que la première définition en a été donnée par la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion : « Constituent un habitat indigne les locaux ou installations utilisés aux fins d’habitation et impropres par nature à cet usage, ainsi que les logements dont l’état, ou celui du bâtiment dans lequel ils sont situés, expose les occupants à des risques manifestes pouvant porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé ».
En outre, il convient de préciser que, contrairement à ce qu’indique la Cour, les données PPPI (Parc Privé Potentiellement Indigne) issues de FILOCOM ne sont pas croisées avec des sources locales : dans cette analyse, les catégories cadastrales 6, 7 et 8 (les logements les plus médiocres) ont été croisées avec les ménages à bas revenus, ce qui permet de repérer une forte probabilité de logements indignes. Il ne s’agit donc pas d’un recensement.
Au titre de la lutte contre l’habitat indigne à l’échelle urbaine, le travail conduit par l’État en 2012 et 2013 pour définir une géographie d’intervention validée par l’ensemble des partenaires du CRH a abouti à un appel à projets lancé fin 2013 et à la sélection de 19 territoires de projets qui font aujourd’hui l’objet d’un suivi spécifique par l’État, l’ARS et l’Anah.
La contraction des aides de l’Anah en 2011 et 2012 au titre de l’habitat indigne et dégradé, soulignée par le rapport, mérite d’être mise en regard de l’augmentation des aides à ce titre en 2013 (12,5 M€) et 2014 (15,7 M€).
En matière de flux des mesures de police prises par l’État dans la région, les données recensées par l’État font apparaître en moyenne entre 2011 et 2014, 1 060 procédures par an au titre du code de la santé publique. 2 311 de ces arrêtés n’auraient pas été suivis d’effet en 2013 (contre 6 145 en 2012).
Intermédiation locative
Enfin, ce chapitre n’évoque pas les dispositifs d’intermédiation locative dédiés aux ménages en cours d’insertion et qui, via la captation de logements dans le parc privé diffus, permettent de trouver des solutions transitoires de logement pour favoriser le processus d’insertion des ménages en assurant une gestion locative adaptée et un accompagnement social effectués par des opérateurs associatifs, tout en garantissant aux propriétaires un loyer régulier (payé par les opérateurs avec le financement public), un entretien du logement (au regard des charges pesant de ce point de vue sur le locataire) et, lorsque le logement est conventionné par l’Anah des avantages fiscaux.
Je souhaitais rappeler que trois dispositifs de ce type existent en Île-de-France :
- Louez Solidaire, piloté et financé par la Ville de Paris sur son territoire et qui représente environ 1 000 logements ;
- Solibail, piloté et financé par l’État sur l’ensemble du territoire francilien hors ville de Paris, lequel environ 3 350 logements fin 2014. La Cour a été amenée à enquêter sur le dispositif au sein des services de la DRIHL ;
- Solizen piloté et financé par le Conseil Régional, dédié aux publics jeunes en voie d’insertion professionnelle.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL D’ÎLE-DE-FRANCE
Au préalable, je tiens à rappeler, élément d’information qui ne figure pas dans le rapport, qu’en vertu de la loi MAPTAM, le comité régional de l’habitat et de l’hébergement est désormais co-présidé par le préfet de région et le président du conseil régional, ce qui devrait contribuer à l’amélioration de la gouvernance des questions de logement.
En évoquant les locataires du parc social francilien, le rapport insiste sur le fait que « la mise à disposition d’un logement à faible loyer dans un secteur géographique très convoité, (...) procure à celui qui en bénéficie un avantage économique (….) particulièrement substantiel » et que « des questions d’équité se trouvent posées, tant au regard de la situation des locataires sociaux de province qu’au regard des locataires privés franciliens éligibles au logement social ».
Une telle approche de l’avantage financier qui serait induit par l’occupation d’un logement social en Île-de-France pose question. En effet, l’Île-de-France est marquée par un marché du logement très tendu et par la cherté reconnue du coût de la vie, éléments qui expliquent notamment certaines différences de salaires par rapport à la province. Aucun élément n’est fourni sur ces points. Si une question doit être posée, c’est bien celle de l’insuffisance d’un parc de logements accessibles et non celle de la stigmatisation de ménages pour lesquels l’accès au parc social existant relève de la nécessité et non de la mise en œuvre d’une stratégie de capitalisation d’un avantage financier quelconque.
De fait, cette affirmation n’apporte rien en termes d’analyse. Au contraire, elle ne peut qu’aboutir à mettre en cause le modèle du logement social comme générateur d’abus.
L’une des principales explications de la crise du logement en Île-de-France est bien la dichotomie existant entre un État responsable de la politique du logement, et des collectivités territoriales qui demeurent maîtresses de l’urbanisme, du droit des sols et de l’habitat. Dès lors, aucun programme national de production de logements, aussi volontaire soit-il, ne peut aboutir sans l’adhésion des élus locaux pour sa mise en œuvre. En outre, compte tenu de leur imbrication étroite avec les enjeux de transports et d’emploi qui dépassent largement le périmètre communal, les questions de logement ne peuvent plus être appréhendées valablement à cet échelon.
En conséquence de ce constat, la proposition formulée dans le chapitre II « de confier aux EPCI (...) les autorisations de construire » ne peut qu’être soutenue par la Région.
Sur le potentiel foncier non mobilisé des villes nouvelles, la Région partage l’analyse de l’existence d’un tel gisement et de la nécessité de relancer la construction dans ces sites, compte tenu notamment de leur desserte. Cette position a déjà été exprimée à l’occasion de précédentes contributions au rapport Pommellet de 2005 sur la relance du logement en Île-de-France, puis aux État généraux du logement en Île-de-France de 2008.
En matière de logement, il est crucial de développer des actions et des politiques publiques dans la durée. La création d’un établissement public foncier en Île-de-France résulte ainsi, ce que l’analyse de la Cour pourrait préciser, de la volonté de la Région de doter l’Île-de-France d’un outil foncier dont elle était dépourvue paradoxalement, par rapport à d’autres régions.
Le rapport pourrait utilement rappeler que la création d’un établissement public foncier en Île-de-France a été demandée par la Région dès 2001, puis réitérée en 2004. Cette demande a abouti en 2006, à la création toutefois de quatre EPF du fait de la volonté des conseils généraux des Yvelines, des Hauts-de-Seine et du Val d’Oise de ne pas mutualiser la ressource fiscale dédiée liée à cette création.
Deux éléments ont été omis dans les moyens dont dispose l’établissement public foncier pour son action et pour peser sur les prix. D’une part, il peut être délégataire du droit de préemption urbain, et d’autre part, il peut tout à fait mettre en place des dispositifs de minoration foncière, permettant de revendre les terrains achetés à des prix inférieurs à ceux du marché. La mise en œuvre des fonds perçus depuis 2013 au titre du prélèvement SRU en faveur d’opérations de logement social relève de cette logique.
Le rapport indique que c’est surtout Paris qui bénéficie des aides à la pierre. Or, et d’une part, la ville de Paris est soumise elle-même au respect de la loi SRU. D’autre part, elle s’est engagée de manière très volontaire dans la création de logements sociaux ce qui n’est pas forcément le cas de nombreuses autres communes d’Île-de-France. Enfin, si elle mobilise une part importante des aides à la pierre, c’est plutôt en raison de la baisse régulière des dotations de l’État qui, une fois déduites les enveloppes prévues contractuellement au titre des délégations permettent de financer le reste du territoire régional.
Il en résulte, dans de nombreux secteurs de l’Île-de-France, que la subvention de l’État en faveur du PLUS est réduite à quelques euros pour déclencher l’obtention du prêt correspondant de la part de la Caisse des dépôts et consignations. Dès lors, l’affirmation selon laquelle « Une répartition plus favorable aux autres territoires, ayant pour contrepartie, de la part des communes, l'effort de construction correspondant, permettrait de produire au même coût un nombre de logements supérieur » méconnaît clairement cette évolution.
L’analyse du coût pour l’État de l’effort en faveur du logement social, direct et indirect (fiscal) mériterait d’être complétée car, de fait, elle est trop schématique. En premier lieu, il conviendrait de rappeler que l’effort direct de l’État est financé par Action Logement, donc par les entreprises, et non plus par des dotations budgétaires. En second lieu, en regard des dépenses induites par le soutien au logement social, il conviendrait également de rappeler ce que ce secteur rapporte à l’État.
Le bilan dressé par la Cour des diverses contributions financières en matière d’aides à la pierre porte pour l’essentiel sur les crédits de l’État, les efforts des délégataires et ceux d’Action Logement. Or, il aurait été plus complet si les apports de l’ensemble des collectivités territoriales, qui ont progressivement atteint un niveau deux fois supérieur à celui des aides de l’État, avaient pu y être détaillés. Cet élément est essentiel à plus d’un titre car il illustre non seulement les efforts faits par ces collectivités, mais aussi, d’une certaine façon, la fragilité du système de financement actuel.
En effet, du fait des contraintes croissantes pesant sur les budgets des collectivités et des réformes en cours, ces apports ne peuvent être considérés comme garantis dans la durée ; par exemple, divers départements d’Île-de-France ont déjà sensiblement et progressivement réduit leurs interventions dans ce domaine.
S’agissant de la Région Île-de-France, il eût été légitime qu’un éclairage plus approfondi soit donné sur son implication car celle-ci a pris sa part de l’effort collectif. En effet, sur la période étudiée de 2005 à 2013, la Région a affecté 1 468,5 millions d’euros au logement social, intervention purement facultative.
La question de la typologie de la production de logements sociaux financés ou agréés est centrale car elle témoigne du décalage existant entre les objectifs nationaux et les besoins effectifs des Franciliens. La Région partage l’analyse de la Cour sur :
- l’inadéquation de la répartition des objectifs entre logements PLUS-PLAI et logements PLS,
- la nécessité d’augmenter la production de logements PLAI,
- la limitation de la production de logements PLS (qui concernent 12 % seulement des ménages franciliens) à la proche couronne,
- la nécessité de veiller à ce que, faute de financement État suffisant en faveur du PLUS, les bailleurs sociaux ne soient pas tentés, par pure ingénierie financière, de monter des programmes PLS plutôt que PLUS
Dès 2005, la Région a pris le parti, par sa délibération cadre n° CR 64-05 du 14 décembre 2005, de retenir un objectif de financement de 82 % de logements PLUS et PLAI et de 18 % de logements PLS, là où l’État retenait des objectifs PLS de l’ordre de 40 % de la production totale de logements sociaux.
Ces orientations ont été renforcées en 2011 (délibération n° CR 09-11 du 10 février 2011), par la mise en place de critères fondés sur le taux d’équipement en logements locatifs sociaux (LLS) des communes concernées, subordonnant le financement de PLS à la production concomitante de PLUS et PLAI. La loi Duflot du 18 janvier 2013 a pu s’inspirer de ce système en posant le principe que pour les communes en déficit de logement social, la part de logements PLS à produire ne peut excéder 30 % et celle des logements PLAI ne peut être inférieure à 30 %.
Le dispositif de la loi Duflot est indispensable dans la mesure, comme le montre le tableau figurant au A du II du chapitre III, où de nombreuses communes contournent l’application de la loi SRU et de son esprit en s’appuyant sur la réalisation de programmes PLS et en résidences spécifiques.
En matière de mise en œuvre de la loi SRU, la procédure du constat de carence et de fixation du prélèvement demeure non seulement complexe comme le souligne le rapport de la Cour, mais elle est également opaque.
Ainsi, le dernier bilan examiné lors de la séance du Comité régional de l’habitat et de l’hébergement du 17 février 2014 a permis de constater, à titre d’exemple, que :
- dans le département de Seine-Saint-Denis, les trois communes identifiées comme n’ayant pas atteint leurs objectifs sont toutes traitées comme relevant d’une majoration simple, alors que leurs taux de réalisation sont de 0 % ; ou compris entre 1 et 30 % et entre 30 et 50 %.
- dans le département de Seine-et-Marne, où l’on compte neuf communes en infraction, dont deux avec un taux de réalisation de 0%, et une dont le taux de réalisation est compris entre 1 et 30%, toutes ont cependant fait l’objet d’une majoration simple du prélèvement.
Dans un souci de clarté et d’efficacité, la Région propose depuis de nombreuses années que la compétence des préfets de départements en matière de constat de carence et de taux de prélèvement soit exercée par le préfet de région, après avis du CRHH.
Quant à l’argument du manque de foncier ou des contraintes résultant du caractère urbanisé de certaines communes, les exemples donnés ne sont pas probants au regard de deux éléments. D’une part, certaines communes parviennent à réaliser des efforts remarquables comme la ville de Paris qui, bien que confrontée à de réelles contraintes en termes de densité, a assumé une part notable du rattrapage de la région au titre de la loi SRU.
D’autre part, aucun élément circonstancié ou objectif ne vient démontrer le manque de foncier disponible. Par exemple, pourquoi ne dispose-t-on pas d’éléments décrivant sur longue période les volumes de logements sociaux produits au regard des volumes dédiés à des programmes en accession à la propriété ou locatifs libres ?
Comment apporter du crédit aux affirmations de certaines communes quand l’examen comparatif des logements sociaux financés et de la base Sitadel montre que, sur la période 2003-2007, les collectivités moins bien dotées en logements sociaux, qui invoquent le plus fréquemment l’argument de la contrainte urbaine, sont parvenues néanmoins à produire des logements, mais en veillant à ne contribuer que de façon minime à leurs obligations.
Ainsi, et à titre d’exemple, on peut constater que :
- 77 logements ont été autorisés à Vaucresson et aucun logement social financé sur la période ;
- 401 logements ont été autorisés à Vaujours au regard de 33 logements sociaux financés sur la période ;
- 1 126 logements ont été autorisés à Saint-Maur-des-Fossés au regard de 34 logements sociaux financés sur la période ;
- 861 logements ont été autorisés au Perreux-sur-Marne au regard de 102 logements sociaux financés sur la période ;
- 180 logements ont été autorisés à Ormesson-sur-Marne au regard de 12 logements sociaux financés sur la période.
Sur ce sujet, et malheureusement, on ne peut procéder que par la technique du faisceau d’indices dans la mesure où il n’existe pas de système d’observation permettant de consolider ce type d’information, l’alimentation de la base Sitadel sur la nature du financement (social ou non) des logements n’étant pas prévue.
La question de la taille des logements est déterminante à plusieurs titres. Elle permet de jouer sur le peuplement de certains immeubles ou quartiers par son effet sur la composition des ménages et sur le montant de la quittance.
Le risque de déficit de logements pour les familles, au-dessus de la typologie du T3, a donné lieu de la part de la Région, à l’obligation pour les demandeurs de subventions, de prévoir un nombre minimal de grands logements de 4 pièces et plus dès lors que le programme dépasse le seuil de 10 logements (minimum de 25 % pour les programmes PLUS et PLS, 20 % pour les PLAI).
Il convient également de signaler la diminution du nombre de petits logements créés dans les programmes ordinaires de logements sociaux, qui aboutit à exclure de fait un nombre croissant de jeunes du logement social (entre 1973 et 2006, la part des jeunes de moins de 30 ans dans le parc social est passée de 25 % à 11 %). À cet égard, la Région impose aux bailleurs qu’elle finance de réserver au moins 5 % des logements créés à des jeunes de moins de trente ans.
En matière de respect de la loi SRU par arrondissement pour ce qui concerne Paris, la Région a intégré cette préoccupation depuis 2005, en prenant en compte cette donnée pour l’octroi de ses aides.
Le rapport de la Cour propose, en raison des charges de fonctionnement qui peuvent en résulter pour les communes concernées, en secteur rural notamment, de relever de 1 500 à 3 500, comme en province, le seuil de population justifiant l’application de la loi SRU.
Cette proposition ne reçoit pas l’assentiment de la Région. En effet, et d’une part, si le statut de l’Île-de-France est particulier en l’espèce, c’est bien en raison des dynamiques du marché du logement que l’on peut constater au niveau du territoire régional.
En outre, alors que le Législateur tend à favoriser le regroupement des communes existantes au sein d’intercommunalités permettant de mutualiser les compétences et les moyens d’intervention, et de permettre d’appréhender la politique du logement à un échelon plus pertinent que celui de la commune, l’alignement de l’Île-de-France sur la province contribuerait indirectement à freiner cette évolution essentielle.
Enfin, alors que le rapport évoque le peu d’appétence que pourraient avoir des offices et sociétés HLM pour produire des très petits programmes, il y a lieu de signaler qu’existent des opérateurs spécialisés dans la maîtrise d’ouvrage d’insertion qui interviennent déjà en secteur rural, parfois dans le cadre de MOUS financées par des départements ou par l’État, et le plus souvent sur sollicitation des communes, et qui contribuent, notamment, à la transformation de bâtiments communaux et au maintien d’une architecture vernaculaire dans le cadre de baux à réhabilitation.
Le rapport évoque la possibilité d’intégrer les logements PLI dans le nouveau quota de 25 % de logements sociaux pris en compte par la loi SRU pour favoriser le parcours résidentiel des ménages.
Cette hypothèse ne saurait être favorablement appréciée par la Région. D’une part, les débats parlementaires à l’occasion de l’examen de la loi du 18 janvier 2013 ont tranché cette question qui relève de la compétence exclusive du Législateur. En outre, on ne peut, au vu du niveau de ressources donnant accès à ces logements les assimiler aux logements sociaux. Il convient enfin de rappeler que l’objectif principal de la loi SRU est bien que chaque ville dispose d’un nombre minimum de logements sociaux accessibles aux ménages les plus modestes. Il s’agit de la mise en œuvre d’une obligation de solidarité. La question du parcours résidentiel relève des stratégies à inclure dans un PLH.
Sur la question de la contribution du contingent préfectoral au relogement des ménages DALO, il y a lieu d’actualiser les données fournies par celles communiquées par l’État au CRHH, pour 2014 : Paris (87 %), 77 (58 %), 78 (41 %), 91 (41 %), 92 (47 %), 93 (80 %), 94 (70 %), 95 (42 %), Île-de-France (61 %).
Dans les Hauts-de-Seine, le taux de mobilisation s’explique dans la mesure où la quasi-totalité des communes ont obtenu la délégation de la gestion dudit contingent 32 sur 36), celui-ci est mis à contribution pour des ménages DALO et pour des ménages non prioritaires. Dans les communes où ce contingent n’a pas été délégué, le taux de mobilisation en faveur de ménages relevant du DALO est de 80 %.
La Cour souligne que, malgré l’obligation qui en est faite par la loi, aucun rapport annuel sur l’application du SLS n’est rédigé en Île-de-France, ni soumis au CRHH et demande à veiller à ce qu’il soit élaboré effectivement. Cette proposition peut être portée par le Président du conseil régional, dans le cadre de sa co-présidence du CRHH.
L’effondrement de la mobilisation des aides de l’ANAH en Île-de-France signalé par la Cour vient en écho au constat fait préalablement de la sous dotation relative de l’Île-de-France. Les deux phénomènes se cumulent donc. Outre l’inadaptation du dispositif de conventionnement ANAH social et très social mis en avant par le rapport, on peut également signaler la baisse du nombre de procédures publiques initiées par les collectivités (OPAH, etc.), et le déficit relatif en ingénierie d’un grand nombre de ces dernières.
Sur l’habitat indigne, deux difficultés sont à signaler permettant d’expliquer le bilan relatif établi par la Cour : une difficulté liée au manque de moyens que les collectivités peuvent mobiliser pour recruter les personnels dédiés à la lutte contre l’insalubrité ; une difficulté, quand ces moyens sont disponibles, à effectuer les recrutements correspondants.
En matière de copropriétés dégradées, et au regard de l’enjeu qu’elles constituent en Île-de-France, le rapport de la Cour nécessiterait d’être complété sur les points suivants :
- d’une part, la Région Île-de-France a fait de ce sujet un enjeu central de ses interventions en faveur du logement. Elle y a non seulement consacré des moyens importants (64,605 millions d’euros de 2005 à 2013), mais a également contribué à la mise en place de nouveaux outils, en inspirant pour les avoir mis en place elle-même dès 2001 ou 2005 des instruments tels que l’aide au syndicat de copropriétaires, ou le financement d’aides à la gestion et aux procédures, ainsi qu’à la formation des copropriétaires ;
- d’autre part, aucune amélioration sensible ne pourra être constatée sans une évolution du système de l’administration judiciaire, les manquements ne pouvant être mis en cause et aucune évaluation ne pouvant être faite de l’action des administrateurs nommés.
Pour conclure, à l’exception de la recommandation n° 7 concernant le relèvement de 1 500 à 3 500 habitants du seuil d’application de la loi SRU, les propositions de la Cour font l’objet d’une appréciation favorable de la part de la Région.
La Région propose en outre à la Cour d’étudier les propositions suivantes :
- Faire évoluer la base Sitadel pour permettre d’identifier le caractère social des logements dont le permis de construire est recensé.
- Soumettre chaque année au CRHH un rapport sur l’application du SLS.
- Transférer au préfet de région la compétence en matière de constat de carence.
- Faire évoluer le système de l’administration judiciaire, dans la mesure où rien ne permet dans le cadre actuel, d’évaluer et de mettre en cause la responsabilité des administrateurs judiciaires.
Dans le chapitre III, vous indiquez : « la répartition des aides aux sein de la région favorise surtout Paris, à hauteur de 30 à 45% du total selon les années. Cela se traduit à la fois par l'accroissement du nombre des logements sociaux sur le territoire de la capitale et leur coût élevé. Une répartition plus favorable aux autres territoires, ayant pour contrepartie, de la part des communes, l’effort de construction correspondant, permettrait de produire au même coût un nombre de logements supérieur. »
Par ailleurs vous indiquez : « La plupart des communes concernées, dont Paris et certaines autres communes de première couronne, se situant dans la zone la plus tendue de la région, un tel effort reviendra à ce que les finances publiques aident à la construction ou à la conversion de logements dans les zones les plus chères d’Île-de-France, alors que dans les zones moins tendues et coûteuses de la région, le même niveau de dépense permettrait de financer beaucoup plus de logements sociaux. »
Paris contribue considérablement à la production de logement locatif social, tant au niveau régional qu’au niveau national, malgré de fortes contraintes foncières : en 2013, la production parisienne a représenté 23% de la production francilienne et 6% de la production nationale (source : bilan des logements aidés 2013, Min. du Lgt).
Les objectifs fixés par la loi SRU s’appliquent à Paris qui ne peut s’y dérober sous prétexte du coût élevé de la production de logements sociaux sur son territoire. Pour atteindre l’objectif règlementaire de 25% de logements sociaux en 2025, l’effort à fournir est en effet d’autant plus important que Paris est la commune la plus peuplée de France, et que le coût du foncier y est particulièrement élevé.
Par ailleurs, il ne s’agit pas uniquement de chercher à construire le plus de logements sociaux au moindre coût possible : la loi SRU vise un objectif de mixité sociale et de lutte contre l’exclusion en imposant sur l’ensemble des communes qui y sont soumises un seuil minimal de 25% de logements sociaux afin d’éviter la concentration de populations en difficulté dans certaines zones et le cumul des facteurs d’exclusion (en termes d’activité économique, de desserte par les transports en communs, d’accès à la culture, …).
Sur son propre territoire, la politique du logement à Paris vise à rééquilibrer l’implantation géographique des logements sociaux.
L’enveloppe de crédits délégués par l’État à la collectivité parisienne a connu une baisse constante, de l’ordre 22% entre 2011 (année de signature de la seconde convention de délégation de compétence) et 2014, passant de 100 M€ à 78,8 M€, alors que l’objectif de production a lui augmenté de 14 % sur la même période (de 6 000 à 7 000 logements). Pour mémoire, les objectifs annuels de production ont toujours été dépassés par le délégataire parisien.
Préconiser une nouvelle baisse de l’enveloppe allouée à Paris fragiliserait donc l’effort considérable en faveur du logement social que fournit depuis plusieurs années la collectivité parisienne pour respecter la loi SRU. Il est primordial de souligner que soutenir la production de logements sociaux à Paris sert un important objectif de mixité sociale.
Par ailleurs vous indiquez : « l’offre nouvelle de logements sociaux (hors logements-foyers) a été limitée par l’importance des opérations d’acquisition, réhabilitation et surtout les conventionnements réalisés pour des logements possédés par des organismes liés à la ville, mais considérés comme logements intermédiaires avant leur transformation en logements sociaux, sans pour autant que le maintien dans les lieux des locataires n’en soit affecté. »
Face à la rareté des opportunités foncières, le conventionnement de logements existants constitue un levier alternatif permettant de pérenniser l’offre locative à bas loyer, notamment dans les quartiers déficitaires en logement social.
Par ailleurs les logements ainsi conventionnés n’étaient pas nécessairement des logements intermédiaires au sens de la règlementation applicable : il s’agissait pour beaucoup de logements non conventionnés des bailleurs, dits à « loyers libres » et sur lesquels les niveaux de loyers pratiqués pouvaient être assez disparates mais se situaient rarement au niveau du loyer intermédiaire, le plus souvent à un niveau réel significativement inférieur, lui donnant donc plutôt une vocation sociale « de fait ». Une large partie des occupants de ce parc est généralement déjà éligible au logement social et, en cas de dépassement des plafonds de ressources, la règlementation en vigueur s’applique. En outre, à leur libération, qui intervient tôt ou tard, ces logements sont alors loués à un ménage respectant pleinement les plafonds de ressources.
Vous écrivez également : « A Paris, les programmes PLS ont pu remplir une double fonction d’offre substitutive au parc locatif social PLAI et PLUS, et de parc intermédiaire, dont l’offre s’est raréfiée »
Les logements PLS ne constituent pas une « offre substitutive » aux logements PLUS et PLAI. Le PLS est un produit répondant aux besoins non négligeables de la classe moyenne compte tenu du niveau des loyers du parc privé à Paris.
Par ailleurs, le PLS contribue à la mixité sociale tout en facilitant l’équilibre des programmes et en permettant donc la réalisation de certaines opérations mixtes.
D’autre part, aucune donnée chiffrée ne permet d’affirmer la raréfaction du logement intermédiaire à Paris, puisque celui-là n’avait pas de définition unifiée avant 2014. La Ville de Paris s’est par ailleurs engagée à développer ce type de logements, en prévoyant notamment dans le PLH de réserver 20 % des surfaces affectées au logement des nouvelles opérations d’aménagement à la création de logements locatifs intermédiaires.
Les spécificités du parc parisien et la forte contrainte foncière nécessitent de mobiliser des leviers de production alternatifs à la construction neuve.
Concernant le conventionnement de logements existants, il peut sembler contradictoire de louer les efforts faits par Paris dans un contexte de forte contrainte foncière et de pointer du doigt les moyens alternatifs à la construction neuve mobilisés pour augmenter le nombre de logements sociaux et se conformer à la loi SRU. L’acquisition-amélioration permet de créer et pérenniser une offre de logement social qui n’aurait pas pu être créée par construction neuve, faute de foncier disponible. De plus, ces acquisitions concernent dans une large partie les zones de déficit en logement social, et participent ainsi de l’objectif de mixité sociale.
Le conventionnement de logements existants, s’il ne permet pas en effet d’attribuer massivement de nouveaux logements comme le permettrait la livraison d’un immeuble neuf, permet cependant à moyen terme, au gré de la libération des logements, de les affecter à des ménages demandeurs de logement et d’agir ainsi durablement sur le rééquilibrage des différents quartiers parisiens en matière d’accueil des populations modestes.
Par ailleurs le rapport mentionne : « Le seul critère du pourcentage par commune est insuffisant : ainsi, à Paris, il s’applique à la capitale et non à tel ou tel arrondissement, ce qui induit des écarts considérables. »
L’application du taux SRU au niveau communal est un principe inscrit dans la loi SRU et régulièrement débattu au Parlement. Il serait impossible de l’appliquer au niveau de l’arrondissement, car les mairies d’arrondissement n’ont pas de budget propre pour payer les pénalités. Malgré le coût du foncier particulièrement élevé et les contraintes patrimoniales fortes dans certains arrondissements, la collectivité parisienne s’attache à mobiliser tous les outils en faveur du rééquilibrage géographique du parc social : préemption d’immeubles, conventionnement du parc à loyer libre des bailleurs situés dans les arrondissements déficitaires, prescriptions du PLU spécifiques à la zone de déficit en logement social, emplacements réservés pour le logement…
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL GÉNÉRAL DES HAUTS-DE-SEINE
Ce document n’appelle pas d’observations de ma part.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL GÉNÉRAL DE LA SEINE-SAINT-DENIS
Ce document n’appelle pas d'observations de ma part.
RÉPONSE DU MAIRE DE BOULOGNE-BILLANCOURT
Vous rappelez à juste titre que, bien qu’ils soient soumis à des plafonds de ressources et de loyers, les logements à financement prêt PLI ne sont pas comptabilisés dans l’article 55 de la loi SRU. Ils sont pourtant facteurs de mixité sociale, objectif principal de la loi SRU. Ces logements intermédiaires qui permettent de réduire les effets de seuil existants entre le parc social et le parc privé sont par ailleurs promus par la loi Macron, qui prévoit d’autoriser les organismes HLM à construire, gérer ou acquérir ces logements intermédiaires, via des filiales. Les logements intermédiaires représentent à ce jour 2 % des résidences principales boulonnaises, leur intégration dans le décompte SRU est par conséquent un véritable enjeu.
Les conclusions de votre rapport tendant à « donner de la cohérence à l’action publique » devraient à mon sens insister sur l’incohérence actuelle, consistant à considérer à un niveau intercommunal le financement des opérations engagées pour atteindre les objectifs de rattrapages des logements sociaux manquants et à considérer, à l’inverse, à un niveau communal l’obligation sous amende d’atteindre ces mêmes objectifs de rattrapages. Il me parait effectivement incohérent que le financement du logement social par la Communauté d’Agglomération Grand Paris Seine Ouest ne vienne pas en déduction du prélèvement SRU.
Par ailleurs, votre rapport le développe très bien, il convient d’annoncer la très grande difficulté pour beaucoup de villes notamment Boulogne-Billancourt d’atteindre à l’horizon de 2025 le taux de 25 % de logements sociaux, alors même que les moyens mis en place pour atteindre 20 % de logements sociaux en 2020 ont été colossaux. Boulogne-Billancourt, qui a augmenté son taux SRU de 60 % et affiche une ambition supérieure aux objectifs qui lui ont été fixés par le Préfet, puisque qu’elle a réussi à dépasser de 50 % les objectifs triennaux d’agrément des logements manquants, ne pourra pas produire les 635 nouveaux logements sociaux par an pour atteindre le taux de 25 %.
RÉPONSE DU MAIRE DE NEUILLY-SUR-SEINE
Je prends acte des éléments que vous portez à ma connaissance et constate, avec satisfaction, que sont repris plusieurs constats objectifs sur les contraintes spécifiques du territoire de la commune de Neuilly-sur-Seine qui contraignent très fortement la construction de logements sociaux sur son territoire.
Toutefois, la Ville de Neuilly-sur-Seine, devenue emblématique malgré elle et étant systématiquement qualifiée « de mauvais élève du logement social », je profite de la présente réponse pour réaffirmer un certain nombre d’éléments purement factuels qui montrent le très grand écart existant entre cette image et la réalité.
En premier lieu, Neuilly-sur-Seine est souvent comparée à la Ville de Paris saluée quant à elle pour ses efforts à se rapprocher progressivement des objectifs fixés par l’article 55 de la loi SRU. Comparons ce qui est comparable : il y a 1 356 074 logements à Paris ; 35 000 à Neuilly. Comparons celle-ci avec ses arrondissements limitrophes et ceux qui ont les mêmes caractéristiques urbaines : le taux de Neuilly (4,1 %) est supérieur (ex : 3,7% dans le XVIè, 1,3% dans le VIIè, 2,7 % dans le VIIIè). Convenons que les marges de manœuvre sont directement proportionnelles à la taille des périmètres.
Car je voudrais insister sur le fait qu’il n’y a aucune opposition de principe de la Ville de Neuilly-sur-Seine à l’augmentation du nombre de logements sociaux, contrairement à ce qui est régulièrement prétendu.
C’est pour des raisons factuelles que Neuilly-sur-Seine se trouve dans l’incapacité d’atteindre les objectifs fixés, hier de 20 %, et désormais de 25 % de logements sociaux.
Ce n’est pas un choix ; c’est un fait.
Quelques exemples des caractéristiques urbaines de la ville suffisent à le prouver :
- 20 % du territoire est en zone inondable ;
- la densité de population y est de 16 134 hab./km² quand elle est de 8 824 hab./km² dans le reste des Hauts-de-Seine, département déjà dense de première couronne parisienne ;
- la pénurie d’offre foncière : il n’y a plus de foncier disponible et l’État n’est propriétaire d’aucun terrain à céder, comme cela peut être le cas dans d’autres communes ;
- moins de 10 immeubles en totalité sont vendus par an et 86 % des logements sont en copropriété, ce qui limite les opportunités de préemption d’immeubles, dont le droit ressort d’ailleurs à l’État ;
- le potentiel de densification est quasi-nul, la densité d’habitation est très élevée à Neuilly : 259 logements par hectare pour les parcelles d’habitation, 354 pour les parcelles de logements sociaux et 98 % de l’ensemble des logements étant en habitat collectif ;
- le taux de renouvellement du bâti (nb de logements démolis / nb de logements total) est de 0,004 % par an ;
- seulement 78 logements par an ont été construits en moyenne entre 1999 et 2009 ; 78 % de ces nouvelles constructions étaient des logements sociaux sur la période 2011/2013.
Preuve de sa bonne volonté, la mobilisation de la Ville s’est traduite par un taux de réalisation de 60 % de l’objectif triennal sur la période 2011 – 2013, au cours de laquelle 10,7 M€ de subventions ont été apportées par la commune pour la réalisation d’opérations sociales.
Dans la pénalisation des communes n’atteignant pas les objectifs, la bonne foi n’est ni reconnue, ni prise en compte. La mauvaise foi peut aggraver la pénalisation financière des communes récalcitrantes ; la bonne foi ne l’atténue pas.
Ne pas tenir compte des caractéristiques spécifiques des communes dans la mise en œuvre des pénalités pour non-respect de l’article 55 de la loi SRU est non seulement injuste mais aboutit aussi à des prélèvements confiscatoires sur les recettes de fonctionnement de la Ville et déséquilibre profondément le budget communal. Il est par ailleurs doublement pénalisant pour les habitants puisque leur potentiel fiscal entre dans la formule de calcul.
Déraisonnablement coûteux pour les finances communales, le coût est exorbitant pour les finances publiques en raison de la surcharge foncière dont la valeur est, à Neuilly, supérieure à 2 500 € par m2 alors que, en Île-de-France, la valeur foncière de référence de l’État prise en compte pour le calcul des subventions pour surcharge foncière est limitée à 400€/m² de surface utile créée.
En moyenne, sur la dernière période (2011/2013) un logement social à Neuilly est financé à hauteur de 55 455€ par la Ville, 6 819€ par le Conseil général des Hauts-de-Seine et 15 798€ par l’État. Les montants sont donc très importants au regard du nombre de logements construits.
Dans le cadre des débats parlementaires sur la loi ALUR en 2013, j’avais fait un certain nombre de propositions, non pour exonérer quiconque des obligations imposées par la loi SRU, mais pour les adapter aux réalités des territoires.
Ainsi, j’ai soumis l’idée de calculer un « indice de potentiel foncier » : fonction du foncier disponible, dont celui de l’État, du taux de renouvellement du bâti, des opportunités de préemption d’immeubles en totalité et de la valeur moyenne du foncier, il permettrait de moduler les objectifs et les pénalités au regard des capacités réelles du territoire.
J’avais également proposé un nouveau mode de décompte du nombre de logements sociaux afin de ne plus les comptabiliser sans aucune référence à leur surface. La mise en œuvre de la notion d’unité-logement permettrait qu’un « 4 pièces » vaille davantage qu’un studio.
Enfin, j’avais insisté sur le fait que, s’il était nécessaire de produire davantage de logements sociaux, donc d’agir sur les flux, il convenait également de mieux valoriser le stock en clarifiant les modes d’attribution, en tenant compte de l’évolution de la composition du foyer et de ses revenus.
Dans le cadre des prochains débats parlementaires sur la loi dite « NOTRe », je serai amené à proposer que dans un évident souci de cohérence, les objectifs de l’article 55 de la loi SRU soient fixés aux échelons qui détiendront, à court ou moyen terme, les leviers pour les atteindre : le plan local d’urbanisme et le programme local de l’habitat semblent à cet égard déterminants.
RÉPONSE DU MAIRE DE NOGENT-SUR-MARNE
Ce document n’appelle pas d’observation de ma part.
RÉPONSE DU MAIRE DE VERSAILLES
Le document que vous avez bien voulu me communiquer appelle de ma part les observations suivantes :
Fiscalité (chapitre II, II-E)
La Cour estime que le dispositif fiscal actuel, bien qu’amendé par les lois de finances pour 2013 et 2014, maintient la TFPNB à un niveau trop faible pour inciter les propriétaires à céder du foncier, notamment en zone tendue.
Il n’en reste pas moins que la révision des valeurs locatives actuellement lancée par l’État va profondément modifier ces équilibres, en augmentant fortement le coût de la propriété de logements par les propriétaires privés, ce qui ne renforcera pas l’attrait de l’accession à la propriété.
Application de la loi SRU (chapitre III, II-C)
La Cour souligne que le Ville de Versailles, bien qu’affichant un taux de logements sociaux inférieur à 20 %, n’a jamais fait l’objet d’un constat de carence et a toujours tenu ses objectifs triennaux, mais estime que le rythme de construction ferait état d’un certain essoufflement. Plusieurs constatations doivent venir tempérer ces affirmations :
- Un certain nombre de grandes opérations urbaines en cours ou à venir (réhabilitation de l’hôpital Richaud, pôle urbain de la gare de Versailles Chantiers, caserne Pion) montrent que la Ville continue de travailler sur des opérations de construction d’envergure, malgré la rareté de terrains constructibles spécifique à son territoire. Au cours des dernières années, la Ville a également souhaité favoriser fortement l’offre de logements sociaux à destination des étudiants, qui faisaient jusque-là cruellement défaut alors que Versailles est l’un des pôles de l’OIN Paris-Saclay.
- La ZAC de Satory-Ouest, dont l’Etablissement Public Paris-Saclay (EPPS) a pris l’initiative, doit développer plusieurs milliers de logements sur des terrains aujourd’hui maîtrisés par le ministère de la Défense. Pour autant, ce nouveau développement urbain ne peut être raisonnablement envisagé que si les infrastructures de desserte de cette nouvelle zone et de couture avec le tissu urbain existant sont au rendez-vous. Ce sont les enjeux du Contrat de Développement Territorial (CDT) actuellement soumis à enquête publique, et force est de constater qu’aujourd’hui, aucun chiffre de financement de ces infrastructures n’est défini, alors que la desserte du territoire par la ligne 18 du Grand Paris Express ne sera effective qu’en 2030 au mieux.
- Il est regrettable que l’Etat, dans sa politique de cessions foncières, ne se soit pas appliqué à lui-même les règles concernant les pourcentages de logements sociaux, dégradant de fait le taux de logements sociaux de la collectivité ; tel a notamment été le cas lors de la cession de l’Hôtel « R » en 2013 ;
- Les logements de la Gendarmerie Nationale (casernes Delpal et Koufra à Satory par exemple) répondent à tous les critères de logements sociaux, tant par le standing que par le niveau de revenu de leurs habitants. Il convient de noter que Versailles est la plus grosse garnison de Gendarmerie de France (1700 gendarmes) ; le seul plateau de Satory est ainsi composé de 1258 logements attribués par nécessité absolue de service, soit environ 4000 personnes répondant en majorité aux critères financiers du logement social. En outre, Versailles compte également un parc de 918 logements, relevant du Ministère de la Défense et gérés par le groupe SNI. Ces logements représentent environ 3200 personnes qui peuvent également répondre globalement aux critères financiers du logement social. La non prise en compte de ces logements dans les critères du logement social entraîne un déséquilibre et une inégalité qu’il convient de corriger, en intégrant ces logements dans la comptabilisation des logements sociaux communaux. Par ailleurs, l’état de délabrement des logements des gendarmes sur Satory est anormal. J’ai récemment proposé au ministre de l’intérieur que des crédits ANRU soient mobilisés pour entamer leur réhabilitation, urgente au regard de leur état de vétusté.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE L’UNION DES ENTREPRISES ET DES SALARIÉS POUR LE LOGEMENT (UESL)
Ce document n’appelle pas d’observation de ma part.
RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’ÉTABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D’ÎLE-DE-FRANCE
La fusion des quatre établissements publics fonciers existants en Île-de-France en un seul établissement, inscrite dans la loi ALUR, et qui sera effective au 31 décembre 2015, répond à un enjeu de cohérence, de solidarité, et d’efficacité.
Le travail de préfiguration de ce Grand EPF a veillé à définir une nouvelle organisation répondant à ces enjeux tout en conservant un lien fort avec les collectivités et territoires desservis :
en termes de réactivité et de proximité opérationnelle, en maintenant les équipes opérationnelles avec leur portefeuille de conventions inchangé ;
en termes de gouvernance et de stratégie, en créant des commissions territoriales qui permettront de maintenir un lien avec les territoires, au-delà de la représentation formelle de ceux-ci au Conseil d’Administration de l’Établissement.
RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’ÉTABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DES YVELINES
Ce document n’appelle pas d’observation de ma part.
RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’ÉTABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DES HAUTS-DE-SEINE
Ce document n’appelle pas d’observation de ma part.
RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’ÉTABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DU VAL D’OISE
Je n’ai pas de remarque à formuler sur le rapport public « Le logement en Île-de-France : donner de la cohérence à l’action publique », dont vous avez bien voulu me faire adresser la partie consacrée aux Établissements Fonciers et à leur fusion prochaine.
RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’ÉTABLISSEMENT PUBLIC D’AMÉNAGEMENT DE LA VILLE NOUVELLE DE MARNE-LA-VALLÉE
Je tiens, par la présente, à vous apporter deux précisions quant au paragraphe sur la Ville Nouvelle de Marne-la-Vallée.
D’une part, il existe un potentiel d’environ 45 000 logements aujourd’hui développable sur l’ensemble de la Ville Nouvelle (logements aujourd’hui inscrits dans les documents d’urbanisme approuvés).
D’autre part, le développement du secteur IV de Marne-la-Vallée appelé Val d’Europe, s’organise, depuis 1987, par phases successives contractualisées avec the Walt Disney Compagny. La Phase IV couvrant la période 2014-2020 se traduira par la création de 3 545 logements, 95 000 m² de bureaux, 3 900 chambres d’hôtels.
Dans la même période EPAFRANCE développera dans le Val d’Europe, hors périmètre Disney, un programme complémentaire de 1 600 logements, 200 000 m² d’activités et 16 000 m² de commerces.
Ainsi, le Val d’Europe contribue autant au dynamisme économique de l’Île-de-France à travers la destination touristique qu’au développement d’une offre de logements pour tous.
Réponse du directeur général de l’établissement public d’aménagement du Mantois Seine Aval
Vous mentionnez un axe de développement pour l’Épamsa consistant à mettre ses capacités d’ingénierie au service des bourgs, villages et hameaux du territoire afin d’y favoriser la création de mini-ZAC denses qui contribueraient à une extension raisonnée et maîtrisée. Cet axe de développement est actuellement mis en œuvre sur 5 communes de Seine Aval : Bonnières, où une opération d’aménagement est engagée, Chapet et Epône-Mézières (des études de programmation urbaines sont réalisées), et Ecquevilly (une proposition d’étude est en cours de finalisation).
RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’ÉTABLISSEMENT PUBLIC D’AMÉNAGEMENT DE LA VILLE NOUVELLE DE SÉNART
L’introduction n’appelle pas de remarque de ma part.
En ce qui concerne l’extrait du chapitre 2, la phrase concernant les transports en commun ne reflète qu’une partie de la réalité. Le réseau est en effet insuffisant si l’on considère les défaillances récurrentes et reconnues du RER D. La ville nouvelle bénéficie par contre d’un réseau de bus performant, complété par une ligne de transport en site propre à haut niveau de service (T Zen) entre Lieusaint et Corbeil (est-ouest), mise en service en 2011, à laquelle s’ajoutera une autre ligne aux mêmes caractéristiques entre Lieusaint et Melun (nord-sud) à partir de 2020.
RÉPONSE DE LA DIRECTRICE GÉNÉRALE DE L’AGENCE NATIONALE DE L’HABITAT (ANAH)
Ce document appelle de ma part les observations suivantes :
1) Les politiques de soutien aux propriétaires bailleurs
Le rapport analyse l’évolution des interventions de l’Anah en faveur des propriétaires bailleurs depuis 2005, constatant la diminution du nombre de logements aidés depuis la réforme entrée en vigueur au 1er janvier 2011.
L’évolution des aides de l’Anah aux propriétaires bailleurs depuis 2005 repose sur l’exigence croissante d’une contrepartie sociale à l’octroi de la subvention : le conventionnement (loyer conventionné social, loyer conventionné très social) ou le loyer maîtrisé (loyer intermédiaire) devient progressivement le corollaire de l’aide. Ce conventionnement s’accompagne en outre d’un avantage fiscal.
Amorcée à partir du début des années 2000 (où 70 % des logements de propriétaires bailleurs financés n’étaient pas conventionnés), cette orientation est accentuée avec la mise en œuvre du Plan de Cohésion Sociale, qui fixe à l’Anah, à partir de 2005, des objectifs chiffrés de loyers maîtrisés, au sens large. Elle produit ses effets, avec, comme vous le notez, une réussite quantitative en termes de nombre de logements conventionnés et surtout – ce qui était le premier objectif recherché – une diminution très importante du nombre de logements subventionnés sans contrepartie sociale. De 2005 à 2010, le pourcentage de logements aidés sans contrepartie de loyers maîtrisés passe de 32 à 9 %.
Une part importante des logements financés appartenaient à un bailleur institutionnel, l’OGIF, avec lequel l’Anah avait passé plusieurs conventions. Ces conventions prévoyaient des taux de subvention moyen de 15 à 25 % plus faibles que pour les propriétaires privés. En contrepartie, les loyers ont été maintenus à un niveau bas pendant toute la durée du conventionnement, alors qu’ils auraient pu être revalorisés de façon importante sans le conventionnement avec l’Anah.
Avec la réforme des aides entrée en vigueur au 1er janvier 2011, l’exigence de contrepartie sociale est devenue le corollaire obligatoire de l’octroi de l’aide, sauf situation exceptionnelle. L’objectif était de mettre fin aux effets d’aubaine dont pouvaient bénéficier les propriétaires bailleurs, du fait notamment de la pratique de loyers libres. À compter de cette date, l'Anah a profondément modifié son champ d'intervention pour, d'une part, favoriser la réhabilitation du bâti dans une logique de prise en compte de l’état de dégradation et, d'autre part, intégrer dans l'équilibre économique des opérations de réhabilitation les avantages fiscaux proposés aux bailleurs qui pratiquent des loyers maîtrisés.
Cette réforme a été guidée par la nécessité d’utiliser au mieux les fonds publics pour garantir une intervention ciblée sur les enjeux les plus lourds : les logements indignes, insalubres ou fortement dégradés. Cette orientation cumulée à celles évoquées dans le rapport de la Cour a fortement réduit le nombre potentiel de logements éligibles aux aides de l’Agence. Ainsi, avant la réforme de 2011, la cible potentielle de logements détenus par des propriétaires bailleurs représentait 1,4 million de logements et 6 500 logements étaient financés par an si l’on exceptait les bailleurs institutionnels. Depuis 2011, cette cible est de l’ordre de 170 000 logements potentiellement indignes, insalubres ou fortement dégradés et 300 logements environ sont subventionnés chaque année.
La réforme a également introduit la nécessité pour le bailleur d’analyser l’équilibre économique de son opération sur 9 ans, en cumulant aides directes et aides fiscales, ce qui n’était pas nécessaire auparavant, étant donné les taux élevés de subvention. L’effet d’aubaine est donc supprimé tout en garantissant au propriétaire un gain financier intéressant, en comparaison avec une opération de travaux réalisée sans aide de l’Anah.
Le régime d’aides a été conçu de manière suffisamment souple pour s’adapter aux différents contextes de marché du logement. Pour prendre en compte la spécificité des marchés tendus, a été ajoutée la possibilité de bénéficier de primes complémentaires qui majorent le montant global de la subvention (prime de réduction de loyer, appliquée en cas de cofinancement par la collectivité locale, prime de réservation au profit de publics prioritaires).
Des difficultés persistent dans la diffusion de ces aides en Île-de-France où, dans un contexte de forte tension, des logements dégradés trouvent preneurs alors que toute l’action de l’Agence consiste à inviter les propriétaires à louer, à des niveaux de loyer modérés, des logements de qualité.
En zone très tendue, l’écart entre le loyer libre et loyer maîtrisé est tel que les taux de subvention qu’il faudrait mettre en place pour que l’opération soit attractive sont très élevés et se heurtent aux limites de capacité financière de l’agence, dont le budget est fortement contraint par ailleurs par le développement des interventions de lutte contre la précarité énergétique, et ce, alors même que sa ressource principale, assise sur le produit des enchères des quotas carbone, est marquée par son caractère instable et un rendement largement en deçà des prévisions initiales, ainsi que la Cour l’a relevé récemment dans son référé du 22 novembre 2013.
En outre, on constate que le développement de cette intervention se heurte à plusieurs obstacles :
- la communication auprès des propriétaires bailleurs est complexe : ainsi la présentation de l'équilibre économique des opérations tient compte des déductions fiscales sur l’ensemble de la période du conventionnement ;
- la gestion locative constitue un risque aux yeux des propriétaires bailleurs individuels et les mécanismes de sécurisation (recours aux agences immobilières à vocation sociale, intermédiation locative) ne sont pas suffisamment valorisés par les acteurs locaux ;
- les mesures coercitives qui pourraient contraindre les propriétaires à engager des travaux sont quantitativement insuffisantes ; complexes, elles peuvent être mal maîtrisées par les communes qui ne disposent pas toutes des compétences suffisantes. En outre l’absence d’acteur unique dilue la responsabilité des autorités publiques en ce domaine.
L'action de soutien de l'Anah aux propriétaires bailleurs reste, malgré ces limites, essentielle car elle contribue à la lutte contre l'habitat indigne ou très dégradé. Sa programmation sur les territoires « à enjeux » doit pouvoir être affinée localement, que ces territoires relèvent des obligations de la loi SRU, le conventionnement dans le parc privé concourant à une vraie mixité de l’offre, ou qu’ils se caractérisent par une prégnance forte de l’habitat indigne.
La production de logements à loyers intermédiaires constitue également un enjeu au niveau régional car elle répond à une demande croissante de ménages qui peinent à accéder au marché libre, sans pour autant être éligibles ou prioritaires pour l’accès au parc social.
Pour améliorer l’attractivité de l’action en faveur des propriétaires bailleurs, il paraît nécessaire de construire une offre complète de sécurisation, en s’appuyant davantage sur les outils de gestion locative, tels que Solibail ou les agences immobilières à vocation sociale, pour simplifier la démarche du propriétaire.
Il convient enfin de noter que l’extension du programme « Habiter mieux », dédié à la lutte contre la précarité énergétique, aux propriétaires bailleurs à compter de mi-2013 a permis d’améliorer l’équilibre des opérations en Île-de-France.
2) La programmation régionale des aides
La Cour estime par ailleurs que le ciblage géographique des aides de l’Anah vers la Seine-Saint-Denis est insuffisant.
L’analyse des dotations engagées au bénéfice de ce département sur la période montre pourtant que la Seine-Saint-Denis a bénéficié de 105 M€ (entre 2006 et 2011 soit 25 % de l’enveloppe régionale, et donc d’un investissement important pour accompagner les actions coercitives et incitatives de lutte contre l’habitat indigne.
Il faut souligner que la répartition des moyens entre les territoires de gestion a été effectuée en prenant en compte la localisation des logements des propriétaires bailleurs nécessitant une réhabilitation, les territoires de l’Ouest parisien étant également concernés notamment du fait d’une plus grande concentration de communes soumises aux obligations de la loi SRU et donc, de la nécessité de produire une offre à vocation sociale y compris dans le parc privé.
L’analyse de la répartition des dotations doit également prendre en compte les obstacles ou les dynamiques locales qui impactent directement la mise en œuvre des politiques et en particulier :
- l’implication des collectivités locales dans le champ de la réhabilitation du parc privé, notamment par le biais de dispositifs programmés. Or, cette implication est variable en fonction des choix des politiques publiques, des capacités budgétaires des collectivités et des priorités définies par celles-ci ;
- les moyens financiers des propriétaires ;
- la présence d’opérateurs mobilisés et performants.
Le niveau élevé des engagements de la Ville de Paris peut ainsi être corrélé avec la mise en place de dispositifs très efficaces par la Ville sur cette période, complétés par les moyens financiers conséquents de la collectivité (Opération d’Amélioration de l’Habitat Dégradé entre autres). Cette action décrite dans votre rapport a motivé la mobilisation de dotations importantes.
3) La lutte contre l'habitat indigne
L'Anah a un rôle opérationnel essentiel dans cette politique publique aux côtés des pouvoirs publics (Etat, collectivités locales). L’intervention de l'Agence en la matière se décline selon trois axes :
- l'aide aux travaux de réhabilitation ou de restructuration lourde à destination des propriétaires occupants ;
- l'aide aux travaux de réhabilitation ou de restructuration lourde à destination des propriétaires bailleurs ;
- le financement de la résorption de l'habitat insalubre (RHI) et le traitement de l'habitat insalubre remédiable ou dangereux et des opérations de restauration immobilière (THIRORI), opérations lourdes de recyclage dont la compétence a été transférée de l’Etat à l’Agence en 2009.
Le nombre de logements privés potentiellement indignes en Île-de-France a connu l’évolution suivante entre 2003 et 2011 : de 201 000 logements58 en 2003 (dont 57 051 propriétaires occupants et 127 579 propriétaires bailleurs) représentant 5.4 % du parc de logements, ce chiffre est passé en 2011 à 169 044 logements (dont 43 681 propriétaires occupants et 115 187 propriétaires bailleurs), soit 4.4 % du parc. Il a donc baissé d’environ 20 %. L’action de l’Anah a contribué pour une grande part à l’obtention de ce résultat. Entre 2005 et 2010, l’Agence a en effet financé (hors opérations de requalification des îlots dégradés) environ 37 600 logements au titre de la lutte contre l’habitat indigne. Sur la période 2005-2012, ce chiffre est porté à près de 47 600 logements. En 2013, ce sont 4 415 logements qui ont été financés en Île-de-France par l’Agence au titre de la lutte contre l’habitat indigne.
Cette action se développe aussi depuis 2009 dans le cadre du Programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD), également soutenu par l’Anah. Cinq opérations sont en cours dans la région : à Aubervilliers, Meaux, Saint-Denis, Villeneuve-Saint-Georges et Montreuil-Bagnolet. Par ailleurs, les opérations de RHI-THIRORI constituent une autre modalité d’intervention largement mobilisée par les collectivités locales. Elles permettent de lutter contre l’insalubrité et la forte dégradation du bâti existant, en soutenant les collectivités locales qui engagent des actions d’acquisition, puis de démolition ou de restructuration lourde d’immeubles. Une fois le foncier libéré ou le bâti assaini, la collectivité le cède à un bailleur social qui produit un logement locatif social.
Entre 2009 et 2014, 29 opérations de RHI et de THIRORI ont été financées par l’Agence en Île-de-France. Les montants de subventions, qui portent sur des études, de l’accompagnement social et du financement de déficit d’opérations de démolition ou de restructuration, s’élèvent à 13 509 101 €, soit un montant moyen de 466 000 € par opération. 342 logements dégradés ou indignes sont ainsi détruits ou réhabilités dans le périmètre de ces opérations.
Pour renforcer l’efficacité des actions de lutte contre l’habitat indigne, l’Etat et l'Anah ont mis en place des outils d'animation qui devraient porter leurs fruits en 2015, 2016 et 2017. La Direction Régionale et Interdépartementale de Hébergement et du Logement (DRIHL) a ainsi lancé en 2014 un appel à projets auprès des collectivités disposant d'un parc de logements potentiellement indignes. Il s’agit de soutenir les communes qui souhaitent bénéficier des dispositifs proposés par l'État et l'Anah. 17 communes ont été distinguées dans le cadre de cet appel à projets et des conventions d’études ou opérationnelles sont en cours de négociation afin de mobiliser les moyens des partenaires.
D’une façon générale, je considère que, pour donner leur pleine efficacité aux interventions de l’Agence en matière de requalification de l’habitat ancien dégradé, il convient de les inscrire dans des projets urbains plus larges portés les collectivités associant d’autres outils. Par exemple, les opérations d’aménagement ou celles d’acquisition-amélioration portées par des bailleurs sociaux constituent aussi des leviers essentiels pour résorber l’habitat indigne. Il me semble également que le niveau intercommunal constituerait une échelle pertinente pour piloter ces opérations, mais sa généralisation rencontre en Île-de-France des difficultés politiques et opérationnelles.
4) Les actions en faveur des copropriétés dégradées
La Cour souligne à juste titre l’enjeu majeur que représente le redressement des copropriétés dégradées en Île-de-France. En effet, il existe aujourd'hui dans cette région un nombre important de copropriétés potentiellement fragiles, du fait de la dégradation du bâti et du manque d'investissement des propriétaires bailleurs (propriétaires indélicats, voire marchands de sommeil dans certains cas) et des occupants à faible ressources.
Les études réalisées par l’Agence sur l’impact des opérations de redressement des copropriétés dégradées montrent au niveau national que 2/3 de ces copropriétés sont redressées durablement à l’issue des opérations financées par l’Anah. Ces opérations sont néanmoins extrêmement longues, coûteuses et complexes.
Ces constats ont amené l’Anah à développer des outils permettant d’affiner l’identification et la connaissance du phénomène afin de favoriser des politiques préventives. Un outil de repérage statistique a ainsi été élaboré en 2012. L’Agence a également lancé à la même période un dispositif expérimental de financement d’observatoires des copropriétés par les collectivités (Veille et observation des copropriétés – VOC), reconduit jusqu’à la fin de l’année 2015. La palette d’outil a par ailleurs été renforcée par la possibilité ouverte aux collectivités de monter des Programmes Opérationnels de Prévention et d’Accompagnement des Copropriétés (POPAC). L’objectif de ces programmes est de prévenir l’apparition de difficultés lourdes par de l’accompagnement et de l’aide à la gestion de copropriétés fragiles préalablement identifiées. 10 VOC et POPAC ont ainsi été conclus en Île-de-France depuis 2012, sur les 26 conclus sur l’ensemble du territoire national. Ces dispositifs englobent 144 copropriétés, qui représentent plus de 7 000 logements.
Le traitement des copropriétés dégradées constitue ainsi un axe prioritaire d’intervention de l’Agence, qui est amené à se développer grâce aux nouveaux outils prévus par la loi ALUR du 24 mars 2014 et dans le cadre de la nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville. Le décret en Conseil d’État n°2015-99 du 28 janvier 2015 a déclaré d'intérêt national l'opération de requalification des copropriétés dégradées (ORCOD) sur le quartier dit du « Bas Clichy » à Clichy-sous-Bois. La mise en place d’une telle opération est décisive pour le quartier. Il s'agit de la première ORCOD d'intérêt national (OIN) au sens de la loi ALUR.
J’ajouterai enfin que, sur la période considérée par votre rapport, l’action de l’Anah s’est étendue aux propriétaires occupants, sous condition de ressources. Cet élargissement du public éligible, décidé en 2002, a contribué à l’amélioration de la qualité de l’habitat privé dans la région et représente, sur la période courant de 2002 à 2012, entre 15 et 20 % du nombre de logements aidés chaque année. Ces aides ont favorisé la qualité de l’habitat de leurs occupants et leur maintien à domicile. Elles ont également permis d’intensifier la lutte contre la précarité énergétique, à travers le programme Habiter Mieux. Si son démarrage a en effet pris du temps, comme vous le soulignez en introduction, depuis mi-2013 en revanche la montée en puissance s’effectue selon un rythme très rapide puisqu’en 2014 près de 50 000 logements ont été rénovés au niveau national, portant ainsi le nombre total de logements rénovés à 100 000 depuis le lancement du programme.
1 Levallois-Perret, Le Pré-Saint-Gervais, Vincennes, Saint-Mandé, Montrouge.
2 En 2013, les prix moyens au m2 dans l’ancien étaient de l’ordre de 8 000 € à Paris, mais plus de 1,5 fois plus élevés à Manhattan et plus de deux fois en Centre Londres. Les prix de Tokyo centre étaient en revanche globalement plus faibles qu’à Paris Centre. Les comparaisons de prix sont tributaires des parités monétaires.
3 Cour des comptes, Rapport public annuel 2007. Les aides personnelles au logement. p. 485-302. La Documentation française, février 2007, 332 p., disponible sur www.ccomptes.fr. Cf. III B 1 : « Un zonage insuffisamment fin pour assurer l’équité entre allocataires au plan national ».
4 Cour des comptes, Rapport public annuel 2012, Tome I. Le logement social : les priorités géographiques, p. 487-529. La Documentation française, février 2012, 1 073 p., disponible sur www.ccomptes.fr
5 Dans la suite du rapport, il sera fait référence à la Cour des comptes.
6 Étude d’impact annexée au projet de loi relatif au Grand Paris, p. 31.
7 Cour des comptes, Communication au président de l’Assemblée nationale pour le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques : La politique publique de l’hébergement des personnes sans domicile, novembre 2011, 505 p., disponible sur www.ccomptes.fr.
8 Cour des comptes, Enquête demandée par la commission des finances du Sénat, L’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), juin 2014, 122 p., disponible sur www.ccomptes.fr
9 L’Île-de-France est, après les Canaries, la deuxième région d’Europe par le nombre de nuits passées par les touristes, tous types de logement confondus (78 millions en 2011).
10 Depuis le second semestre 2011, les prix se sont stabilisés puis ont un peu décru.
11 Un logement est dit surpeuplé selon l’INSEE lorsqu’il manque au moins une pièce par rapport à l’occupation « normale », définie comme suit : une pièce de séjour ; une pièce par personne ou, pour les moins de 19 ans, une pièce pour deux enfants s’ils sont de même sexe ou ont moins de sept ans.
12 Selon la définition de l’INSEE, le taux d’effort se calcule en rapportant la dépense pour le logement d’un ménage à ses revenus (revenus d’activité et de remplacement, retraites et prestations sociales en espèces, revenus des placements financiers). Il est dit brut si l’aide au logement n’est pas défalquée de la dépense et du revenu, net dans le cas contraire.
13 Selon les statistiques plus récentes, mais non comparables publiées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de régulation (« Le financement de l’habitat en 2013 », juillet 2014), le taux d’effort des accédants franciliens, en décembre 2013, était supérieur d’environ 1,2 point à celui des accédants provinciaux.
14 Zone I bis : Paris et 29 communes franciliennes limitrophes.
15 Zone III : communes de province, hors agglomérations de plus de 100 000 habitants et hors zones d’urbanisation et villes nouvelles.
16 Zone A bis : Paris, 34 communes des Hauts-de-Seine sur 36, 42 autres communes des Yvelines, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et du Val-d’Oise (zonage applicable depuis le 1er octobre 2014).
17 DRIHL et ADIL, Le logement et l’hébergement en Seine-Saint-Denis (2012), p. 10.
18 IAU IdF (2013), Géographie sociale et habitat en Île-de-France. Évolution 2001-2011, p. 11-12.
19 IAU IdF (2009), Les conditions de logement en Île-de-France en 2006, p. 33-34, d’après les données des enquêtes nationales logement.
20 64 % des locataires du parc privé francilien sont éligibles à occuper un logement social PLAI ou PLUS (cf. tableau n° 10 ci-dessus). On sait d’autre part qu’en 2006, le taux d’effort médian des ménages franciliens du secteur social était de sept points plus faible que celui des ménages du secteur libre.
21 CGDD (décembre 2012), Compte du logement 2011. Premiers résultats 2012, « Économie, en termes de loyers, des locataires du parc social à travers la mesure du service de logement du parc social au prix de marché ». INSEE (février 2013), Corentin Trévien, « Habiter en HLM : quel avantage monétaire et quel impact sur les conditions de logement ? ».
22 16 000 € pour le dispositif « Robien », 34 000 € pour le dispositif « Scellier » et 46 000 € pour le dispositif « Scellier » intermédiaire pour des montants respectifs prévus de dépenses fiscales de 270, 660 et 330 M€ en 2014 (source : rapport évaluant l’efficacité des dépenses fiscales en faveur du développement et de l’amélioration de l’offre de logements, annexé au projet de loi de finances pour 2014). La moyenne de ces montants par opération, pondérée par la part de chaque dispositif dans le total des dépenses fiscales des trois dispositifs, est égale à 33 000 €.
23 Selon le rapport de septembre 2014 préfigurant le futur schéma régional de l’habitat et de l’hébergement prévu en matière de logement par les lois MAPTAM et ALUR précitées et qui doit être compatible avec le SDRIF, cet objectif global correspondrait en fait à une création nette de 53 000 logements par an, 17 000 logements venant compenser la disparition de logements pour renouveler une partie du parc.
24 IAU IdF, Note rapide n° 577, Comment décliner les objectifs de construction à l’échelle locale ?, octobre 2011.
25 Voir carte en annexe n° 2.
26 Cela retarde l’engagement de l’opération, d’autant plus que les collectivités vont chercher à s’assurer de l’acquisition des terrains préalablement à son lancement, l’aménageur risquant, une fois le droit des sols modifié, de devoir acquérir les terrains à aménager au prix correspondant à la nouvelle destination des sols.
27 L’EPA Seine Arche a fusionné en 2010 avec l’EPAD pour créer l’EPADESA.
28 La jurisprudence, dans le cas de transmission à titre gratuit ou de remploi à titre onéreux, n’admet ainsi une clause d’inaliénabilité que si elle est limitée dans le temps et justifiée par un intérêt sérieux et légitime.
29 Dans une commune telle que Versailles, où le prix du terrain constructible est de l’ordre de 500 €/m2 et le taux de la TFPNB de l’ordre de 14 %, un calcul sommaire, tenant compte de l’abattement de 20 % à pratiquer sur la valeur locative, permet d’estimer l’incidence de la majoration de 10 €/m2 de cette valeur à 1,12 €/m2 de taxe en plus par an, soit environ 0,2 % de la valeur du terrain.
30 Conseil des prélèvements obligatoires, La fiscalité locale, mai 2010, p. 49.
31 Cour des comptes, Rapport public thématique : Les finances publiques locales. La Documentation française, octobre 2014, 402 p., disponible sur www.ccomptes.fr. Cf. chapitre 2 page 65, « Le préalable de la révision des valeurs locatives ».
32 D’autres ménages, non solvables ou demeurant en France après un refus d’asile sans être reconduits, sont par ailleurs hébergés à l’hôtel ou en centre d’accueil, ce qui occasionne en Île-de-France une dépense de l’État de 470 M € en 2013 et de 560 M€ en 2014.
33 51 000 logements des bailleurs sociaux (4 % du parc qu’ils gèrent) ne sont pas conventionnés ; ils sont donc assimilables à des logements intermédiaires, même si leur niveau de loyer est le plus souvent très proche de celui du parc locatif social.
34 Les chiffres du tableau n° 15- diffèrent du décompte des logements retenus pour l’application de la loi SRU (voir infra) puisqu’ils intègrent des logements non conventionnés ou intermédiaires et qu’ils ne comprennent pas certains logements en foyer, d’où la dénomination courante de « logements familiaux ».
35 Filiale de la Caisse des dépôts et consignations, qui avait repris le patrimoine de la SCIC.
36 Les crédits du programme 135 ne doivent pas financer l’acquisition, la construction, la reconstitution de l’offre ou la démolition de logements ordinaires sur le périmètre d’intervention du programme national pour la rénovation urbaine (PNRU).
37 Hors crédits pour l’accueil des gens du voyage et pour la lutte contre l’habitat indigne.
38 Bien que les communes ne puissent se voir déléguer les aides à la pierre, la ville de Paris, qui exerce aussi des compétences départementales, a pu bénéficier de cette procédure.
39 Paris acquiert des immeubles ou des logements par préemption, expropriation ou de gré à gré et les transfère à des bailleurs sociaux par un bail emphytéotique ou par vente. Le compte foncier est l’outil sur lequel s’appuie cette politique.
40 La surface utile est égale à la surface habitable du logement, telle que définie à l’article R. 111-2 du CCH, augmentée de la moitié de la surface des annexes définie par un arrêté du ministre chargé du logement.
41 Quatre personnes ou une personne seule avec deux personnes à charge. Revenu fiscal de référence de 2011.
42 Voir encadré infra chapitre IV, partie II-B.
43 Des décrets du 24 juillet 2013 ont précisé les modalités d’application et publié la liste des communes et EPCI qui conservent l’objectif initial de 20 %, liste actualisée par le décret du 1er août 2014.
44 Les restructurations lourdes s’assimilent fiscalement à de la construction neuve, il en est de même lors de la transformation de locaux d’activité en logements.
45 Comme à Lyon et Marseille.
46 Rapport sur Les modes et méthodes d'attribution des logements sociaux à Paris : état des lieux et mise en perspective, juillet 2012.
47 La nouvelle procédure régionale permet de demander un logement dans plusieurs communes par une seule demande, y compris à Paris quand on réside en banlieue.
48 Articles L. 445-4 et R 445-11-1 du code de la construction et de l’habitation.
49 Il conviendrait, comme le souligne le ministère chargé du logement, de veiller à la cohérence des règles en matière de maintien dans les lieux entre le secteur social et le secteur locatif privé, où ce maintien est aussi accordé à des locataires âgés - la limite d’âge permettant d’en bénéficier y a été récemment abaissée de 70 à 65 ans. Tout en respectant cette cohérence, il serait néanmoins possible d’assouplir sensiblement la règle de maintien dans les lieux applicable au logement social car, dans le privé, le locataire de plus de 65 ans ne bénéficie de ce maintien que si ses ressources annuelles sont inférieures à un plafond de l’ordre de 1,5 fois le montant du SMIC ; en outre, le bailleur privé peut lever cette contrainte en proposant au locataire un relogement correspondant à ses besoins et possibilités dans la même zone géographique.
50 Il existe des biais statistiques pour évaluer cette vacance : l’INSEE identifie un logement comme vacant si les enquêteurs ne peuvent recueillir de preuves d’occupation au moment de leur enquête sur place ; pour FILOCOM, un logement vacant correspond à un logement vide, inhabité au 1er janvier de l’année considérée.
51 Notes rapides Habitat, INSEE-IAU, n° 506 mai 2010 et 586 janvier 2012.
52 Selon l’étude d’impact annexée au projet de loi ALUR, qui s’appuie sur les données de l’ANAH, les besoins au niveau national pourraient atteindre 40 à 70 Md€ dans les dix ans à venir pour financer les travaux de rénovation des parties communes des immeubles construits entre 1945 et 1985 (soit environ 20 000 euros par logement).
53 Les dispositifs dits Périssol (1996-1999), Besson (1999-2003), Robien (2003-2006), Robien recentré et Borloo populaire (2006-2009), Scellier libre et Scellier intermédiaire (2009-2012), enfin Duflot depuis 2013.
54 À compter de 2003 et de l’entrée en vigueur du dispositif Robien, on constate un déport progressif des investissements vers la zone C, qui recouvre les territoires sans tension particulière sur le marché du logement. Il en est résulté, dans les régions les moins tendues, une surproduction locative, se traduisant par l’apparition de phénomènes de vacance prolongée ou structurelle (et donc, potentiellement, de perte du bénéfice de l’avantage fiscal) ou par la nécessité, pour les investisseurs bailleurs, de baisser fortement les loyers, au risque de dégrader l’équilibre financier de leur opération d’investissement.
55 Arrêté du 28 mars 2014 : 14,21 €/m2 en zone A bis, et 11,27 €/m2 en zone A.
56 Pour favoriser le développement du logement intermédiaire, le dispositif fiscal « Duflot », rebaptisé « Pinel », a été assoupli avec trois durées d'investissement (6, 9 ou 12 ans) au lieu d'une (9 ans), tout en faisant varier les taux de la réduction d'impôt entre 12 et 21 % en métropole (au lieu de 18 %). Le Gouvernement vise avec ces aménagements un objectif de 40 000 logements en 2014 et 50 000 en 2015 et 2016, au lieu de 35 000 en 2013.
57 Le nombre d’opérations retracées dans le tableau 30 est inférieur à celui du tableau 29 du fait que le premier tableau inclut également l’achat de terrains nus.
58 Le nombre total de logements privés potentiellement indignes ne correspond pas à la somme de ces logements appartenant à des propriétaires occupants et à des propriétaires bailleurs. Ce nombre comprend également les logements d'hébergement privé (hôtels meublés par exemple).