PRÉSENTATION

En 2013, 16 662 chercheurs statutaires sont en activité dans les huit établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST)1, contre 17 005 en 2006, pour une masse salariale de 1,67 Md€. S’y ajoutent près de 4 300 chercheurs contractuels, hors doctorants. Le CNRS concentre à lui seul les deux tiers de l'effectif.

La recherche publique en France est attractive et largement internationalisée : au 31 décembre 2012, plus de 2 200 chercheurs permanents, soit près de 14 %, étaient de nationalité étrangère pour les seuls CNRS, INSERM, INRA et IRD. En 2012, la France se situe au 6e rang mondial des publications scientifiques, avec 3,6 % de celles-ci2, un indice d’impact des publications3 en hausse régulière (passant de 0,91 en 1993 à 1,10 en 2012) et le plus fort taux de collaboration internationale (plus de 48 % des publications associant au moins un laboratoire à l'étranger). Enfin, depuis 2002, le prix Nobel a été attribué à sept chercheurs français et la médaille Fields à cinq d’entre eux.

À la suite des travaux qu’elle a conduits depuis 2003 sur la recherche publique4, la Cour revient sur les enjeux de la gestion des carrières de chercheurs. Elle avait relevé notamment une insuffisante traduction des priorités nationales dans la gestion prévisionnelle des emplois scientifiques, l’absence de prise en compte des responsabilités et de la performance dans le déroulement de carrière, une faible mobilité des chercheurs, une évaluation individuelle sans réel impact sur la rémunération ainsi que, plus récemment, les problèmes soulevés par le recours croissant aux chercheurs contractuels.

L’enquête de suivi réalisée sur les exercices 2006 à 2013 a porté sur la gestion des corps de chercheurs (chargés de recherche et directeurs de recherche) des huit EPST.

Les mesures récentes ont permis d’améliorer les conditions d’accueil des post-doctorants (I) mais le recrutement des chercheurs statutaires est toujours déconnecté des priorités stratégiques nationales (II). Elles n’ont eu qu’un faible impact sur le déroulement de carrière des chercheurs (III) et ont produit des résultats contrastés sur leur rémunération (IV).

I -Une amélioration de l’accueil des jeunes chercheurs

Dans son rapport de 2003 sur la gestion des personnels des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST), la Cour avait relevé la faiblesse de l’effectif de post-doctorants5 au sein des laboratoires français, alors même que leur rôle était particulièrement important au sein des laboratoires étrangers. Elle considérait que les difficultés que rencontraient les EPST pour accueillir ces personnels amenaient les laboratoires à se priver d’un potentiel intellectuel essentiel pour la production scientifique.

Par ailleurs, elle relevait que les informations des EPST sur cette population étaient parcellaires. La plupart des post-doctorants actifs au sein des laboratoires n’étaient pas recensés, car ils bénéficiaient de bourses ou d’allocations provenant de financements externes ne transitant pas par le budget de l’établissement. Le CNRS, par exemple, en comptabilisait seulement 80 en 2000 pour 11 409 chercheurs titulaires.

A -Une augmentation du nombre des post-doctorants

Les réformes successives ont clarifié la situation juridique des jeunes chercheurs.

À partir de 2003, les EPST ont été autorisés à recruter des post-doctorants en contrat à durée déterminée sur subvention d’État, puis sur « ressources propres »6.

À partir de 2006, le développement du financement de la recherche sur projet a permis d’accroître les capacités de financement de jeunes chercheurs contractuels, notamment des post-doctorants.

En 2009, la création du contrat doctoral a homogénéisé le statut juridique, la rémunération de base et les droits des doctorants, en se substituant aux multiples dispositifs existants et en mettant fin, notamment, aux libéralités dont ils pouvaient disposer.

L’ensemble de ces facteurs explique la forte croissance des effectifs de chercheurs contractuels dans les EPST (+ 22 % entre 2008 et 2013). Alors qu’ils représentaient en moyenne un chercheur sur cinq en 2006, leur part, doctorants compris, atteint un sur trois en 2013, soit un effectif de 7 800 contractuels.

B -Des postes statutaires en nombre limité

En 2013, les postes de chargés de recherche ouverts par les EPST (461) étaient en nombre neuf fois inférieur à ceux de chercheurs contractuels (hors doctorants) rémunérés par ces EPST (4 274). Ces établissements ne pourront donc pas recruter l’ensemble du personnel engagé dans une carrière de chercheur en leur sein.

Certains EPST, comme l’INRIA, l’INSERM et l’IFSTTAR, mènent des études de suivi du devenir des jeunes chercheurs formés et employés dans l’établissement. Leur situation et leurs perspectives ne sont pas identiques selon les disciplines. Les études menées par l'INRIA montrent ainsi que ses jeunes chercheurs ne rencontrent pas de difficultés d'insertion professionnelle, compte tenu du dynamisme de la recherche dans le domaine du numérique.

Ces études de suivi de cohortes constituent de bonnes pratiques et méritent d’être généralisées afin d'améliorer la connaissance de la population des chercheurs contractuels et de leur devenir professionnel.

C -Un risque de précarisation à maîtriser

À la suite du contrôle de l'INSERM, la Cour a alerté, dans un référé du 1er août 20127, sur les risques liés à la gestion des personnels contractuels dans la recherche publique. Elle avait identifié, en effet, la très forte croissance des effectifs contractuels et des modalités de gestion « au fil de l'eau ». Les personnels pouvaient être recrutés pour des durées très courtes, rémunérés au titre de plusieurs contrats de recherche successifs et parfois de plusieurs employeurs successifs, sans pour autant avoir des perspectives professionnelles clairement définies.

Prenant conscience de ce risque de précarisation, plusieurs EPST (CNRS, INSERM, INRIA, INRA, IRD) ont élaboré des chartes de gestion en se fixant l’objectif de mieux réguler cette catégorie de personnel contractuel et de renforcer la responsabilité sociale des employeurs. Ces documents définissent les différents statuts (contrat doctoral, post-doctorat, chercheur expérimenté) ainsi que les barèmes de rémunérations, qui prennent en compte par exemple l'ancienneté ou le niveau d'expérience internationale. Certains EPST ont établi des contrats spécifiques comportant une rémunération attractive sur le plan international pour les jeunes chercheurs les plus prometteurs (contrat « Atip-Avenir » de l'INSERM et du CNRS, « starter grant » de l'INRIA par exemple). Les chartes définissent les règles de recrutement des agents et de renouvellement des contrats ainsi que des procédures d'accompagnement des agents en cours et en fin de contrat.

Ces chartes constituent de bonnes pratiques et doivent être encouragées. Il importe néanmoins que les établissements s'assurent du respect de ces règles par les recruteurs, c’est-à-dire le plus souvent les laboratoires eux-mêmes.

Il appartient aux directeurs d'unité de veiller particulièrement à la qualité et à la cohérence des parcours des candidats au post-doctorat, au regard de leurs objectifs d’insertion professionnelle.

II -Un recrutement des chercheurs statutaires sans lien avec les priorités nationales

Entre 2006 et 2013, près de 4 000 chercheurs sont partis à la retraite, soit plus de 20 % de l’effectif en activité en 2006. En 2003, la Cour avait alerté le ministère sur cette évolution prévisible, considérant que les recrutements à venir constituaient à la fois un défi par leur ampleur et une opportunité de redéploiement des moyens vers les orientations stratégiques nationales. Elle craignait cependant que la prise en compte de ces priorités dans la gestion prévisionnelle des emplois scientifiques soit mal assurée.

A -Une répartition par discipline relativement stable

En 2009, la stratégie nationale de recherche et d’innovation (SNRI) a confirmé les trois axes prioritaires définis depuis 2000 : la santé, le bien-être, l’alimentation et les biotechnologies ; l’urgence environne-mentale et les écotechnologies ; l’information, la communication et les nanotechnologies. Or la répartition des effectifs titulaires par discipline sur la période examinée reste relativement stable.

En dépit de difficultés rencontrées dans sa confection8, il ressort du tableau ci-dessous que si la médecine et les sciences de la vie représentent toujours plus du tiers des chercheurs, leur effectif a diminué en volume. L’informatique, les statistiques et les mathématiques ont connu, en revanche, une légère augmentation de leur effectif et de leur poids dans le total des chercheurs. L’axe « développement durable » étant par nature pluridisciplinaire, l’évolution de l’effectif est plus difficile à mesurer.

Tableau n° 1 : répartition des chercheurs titulaires par grande discipline9

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Ce constat ne tient cependant pas compte des effectifs de chercheurs contractuels pour lesquels les EPST ne publient pas tous des données permettant une ventilation par grande discipline. Or cet effectif a fortement augmenté durant la période avec la multiplication des appels à projets, lesquels s’inscrivent, en général, dans les priorités stratégiques.

La capacité d’affecter des chercheurs aux axes prioritaires de la SNRI repose ainsi majoritairement sur les contractuels, recrutés pour des durées déterminées et régulièrement renouvelés, en contradiction avec la durée des projets.

La Cour considère que, pour être efficace, la politique de recrutement doit appréhender globalement les chercheurs statutaires et contractuels, au regard des priorités stratégiques de la SNRI.

B -L’absence de gestion prévisionnelle des emplois

Depuis 2006, le rythme des recrutements a sensiblement baissé et l’effectif de chercheurs statutaires s’est contracté, en grande partie du fait du CNRS, dont les recrutements de chargés de recherche ont diminué de 23 % entre 2006 et 2013. Deux facteurs laissent présager la poursuite de cette tendance :

la chute des départs à la retraite dans les prochaines années ;

la poursuite de la maîtrise de la masse salariale amorcée en 201010.

Graphique n° 1 : départs à la retraite : réalisation 20062013, prévisions 20142019

[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf Joint].

Comme la Cour l’avait déjà constaté en 2003, bien que les EPST soient responsables de leur stratégie de gestion des ressources humaines, le ministère ne peut se contenter d’un simple rôle d’accompagnement. Il est pleinement légitime s’il s’attache à consolider et à partager la connaissance des effectifs statutaires et contractuels, à anticiper les évolutions, à inciter les établissements à mettre en place une gestion prévisionnelle et transversale des emplois et des compétences.

Dans ce contexte, afin de répondre aux priorités scientifiques, d’anticiper et de lisser les évolutions, le ministère doit, conjointement avec les établissements, et sur la base des capacités budgétaires libérées par les départs, définir un plan pluriannuel de recrutement par discipline. Cette initiative est d’autant plus nécessaire que le vivier constitué par les post-doctorants s’est largement étoffé, contrairement à la situation qui prévalait en 2003.

III -Des parcours de carrière à favoriser

En 2003, la Cour avait relevé une augmentation de l’âge moyen de recrutement statutaire, un déroulement de la carrière peu fluide, l’avancement d’échelon se faisant exclusivement à l’ancienneté et l’évaluation n’ayant d’impact que sur le changement de grade. Elle observait aussi une mobilité très faible des chercheurs.

Le « plan en faveur de l'attractivité des métiers et des carrières dans l'enseignement supérieur et la recherche » ou « plan carrières », annoncé par la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche en octobre 2008, a porté notamment sur la revalorisation indemnitaire avec la création de la prime d'excellence scientifique (PES), la création de chaires universités-organismes et l’accélération des taux de promotion. Diversement appliqué dans les EPST (uniquement la PES à l’INED, la PES et les chaires mixtes à l’IFSTTAR, les trois composantes pour le CNRS, l’INSERM, l’INRA et l’INRIA), il a ainsi pu ponctuellement accélérer les promotions, mais la plupart des constats de 2003 perdurent.

A -Une entrée dans la carrière de plus en plus sélective et tardive

Entre 2006 et 2013, le nombre de recrutements de chargés de recherche a baissé de 22 %. Cette diminution a été particulièrement marquée à l'INRIA (- 44 %), à l'IRD (- 42 %) et au CNRS (- 23 %). À l’INSERM, la situation n’est guère plus favorable, les campagnes de recrutement des chargés de recherche étant relativement stables, bien que le secteur des sciences du vivant ait bénéficié d’un accroissement sensible de crédits.

Par ailleurs, les candidatures aux concours de chargés de recherche sont de plus en plus nombreuses depuis 2009, ce qui a pour conséquence une plus grande sélectivité à l'entrée des EPST. Signe de l’attractivité de la carrière et gage d’une grande qualité des recrutements, cette situation entraîne une augmentation sensible de l'âge moyen au recrutement et des passages plus tardifs aux grades et corps supérieurs.

Tableau n° 2 : campagnes de recrutement 2006-2013 des chargés de recherche des EPST

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf Joint].

La sélectivité à l'entrée des EPST est forte, par l'effet conjugué de la baisse des postes ouverts et d’une augmentation du nombre de candidatures en fin de période. Elle est particulièrement élevée pour le concours de recrutement des chargés de recherche de deuxième classe du CNRS, de l'IRD et de l'INSERM, où en moyenne plus de 20 candidatures sont présentées par poste ouvert.

Parallèlement, selon le ministère, l’âge moyen des admis est proche d’un organisme à l’autre, situé entre 30 et 34 ans. Le nombre moyen d'années de post-doctorat effectuées se situe entre 2 et 5,5 ans, la durée la plus longue étant enregistrée à l’INSERM. Au CNRS, des différences notables selon les disciplines sont observées. En mathématiques et en physique, les candidats sont recrutés en moyenne plus jeunes qu'en sciences du vivant ou en sciences humaines et sociales.

L'analyse de l'évolution de l'âge moyen de recrutement des chargés de recherche de deuxième classe11 confirme une tendance à l'allongement de la période post-doctorale (au CNRS, 30,8 ans en 2006 et 32 ans en 2013 ; à l’INSERM, 32,4 ans en 2006 et 34 ans en 2013).

Tableau n° 3 : âge moyen des lauréats aux concours de chargés de recherche de deuxième classe de 2006 à 2013

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf Joint].

L’entrée tardive dans les corps de chercheurs a plusieurs conséquences :

sur le niveau de rémunération des chargés de recherche de deuxième classe au regard de leur âge et du niveau de qualification demandé ;

sur les passages aux grades et corps supérieurs ;

sur la constitution des droits à la retraite, qui ne tiennent pas compte de certaines situations (études longues, doctorat sans contrat doctoral, lauréats étrangers).

La Cour appelle les établissements à contenir ce recul de l’entrée dans le corps.

B -Un avancement toujours discontinu

Les taux de promotion12 par grade enregistrent une amélioration à compter de 2008-2009, du fait de l’application du « plan carrières », puis un tassement à partir de 2012.

Tableau n° 4 : évolution des taux de promotion entre 2006 et 201313

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf Joint]

Le « plan carrières » a par ailleurs légèrement infléchi la répartition entre chargés de recherche et directeurs de recherche au profit de ces derniers (ceux-ci représentent 41 % des chercheurs statutaires en 2013 contre 39 % en 2007).

L’avancement des chercheurs se caractérise par une difficulté à accéder au grade supérieur. En 2012, seuls 2 % des chercheurs sont directeurs de recherche de classe exceptionnelle.

Un déroulement-type de carrière

En 2013, tous EPST confondus, les chargés de recherche de deuxième classe ont été en moyenne recrutés à 32 ans et 1 mois contre 31 ans et 2 mois en 2006. Ils sont promus au grade de chargé de recherche de première classe en moyenne entre 34 et 36 ans, à l’exception notable de l’INRIA qui promeut plus jeune, entre 32 et 34 ans.

70 % à 75 % d’entre eux sont ensuite recrutés dans le corps des directeurs de recherche, en moyenne à 46 ans et 8 mois en 2013 contre 46 ans et 2 mois en 2006. Ils sont promus au grade de première classe dans une fourchette d’âge beaucoup plus large, en général entre 52 et 56 ans, mais parfois à 60 ans, ou à l’INRIA entre 41 et 47 ans. Les directeurs de recherche de classe exceptionnelle sont promus à plus de 60 ans.

Enfin, selon une étude de la direction des affaires financières du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, 70,7 % des directeurs de recherche sont directeurs de recherche de deuxième classe, 24,4 % sont directeurs de recherche de première classe et 4,8 % ont atteint la classe exceptionnelle.

Étant donné les conditions de prise en compte de l’expérience post-doctorale, les chargés de recherche de deuxième classe sont fréquemment bloqués aux deux derniers échelons du grade pendant quatre ans et obtiennent quelques points d’indice supplémentaires lorsqu’ils accèdent au grade de première classe.

25 % à 30 % d’entre eux restent au dernier échelon de chargé de recherche de première classe. Ainsi, sur la période examinée, sur les 34 chercheurs de l’IFSTTAR partis à la retraite, 10 étaient chargés de recherche de première classe ; à l’INRA, en moyenne, 25 % des chercheurs admis à faire valoir leurs droits à la retraite sont chargés de recherche de première classe ; à l'INSERM, 41 % des chercheurs ne sont pas promus directeurs de recherche. La baisse des recrutements dans le corps des directeurs de recherche, conséquence de la stagnation des effectifs et du report de l’âge de départ à la retraite, ne fait que renforcer ce goulet d’étranglement.

Tableau n° 6 : répartition des chercheurs* au dernier échelon de chaque grade

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Cette situation est d'autant plus paradoxale que les exigences en termes de qualité scientifique et d'expérience au moment du recrutement sont croissantes. En outre, les conditions de reprise d'ancienneté et de reclassement dans le corps tiennent imparfaitement compte des expériences antérieures, ce qui se répercute sur le niveau de liquidation de la retraite. Ces règles de gestion statutaire risquent de nuire à terme à l’attractivité de la carrière.

C -Une faible mobilité

En dépit de nombreux outils statutaires et de dispositifs spécifiques, le nombre de chercheurs en mobilité à l’extérieur de leur établissement est faible : 663 en 2012, soit moins de 4 %.

La nature du métier de chercheur explique ce constat. En effet, la période de post-doctorat s’allongeant, la plupart des chercheurs bénéficient d’une expérience à l’étranger ou dans un autre organisme avant leur recrutement statutaire. De plus, l’activité de recherche étant souvent effectuée dans des unités mixtes et étant largement internationalisée, la mobilité externe n’est pas toujours considérée comme nécessaire pour nouer et consolider des relations de travail avec d’autres unités de recherche.

La plupart des EPST affichent une volonté d’inciter leurs chercheurs à la mobilité, mais des résistances en limitent le recours. La charge d’enseignement des enseignants-chercheurs (192 heures équivalent travaux dirigés par an) est mise en avant comme frein principal au détachement vers l’enseignement supérieur, lequel est pourtant considéré comme le débouché naturel. En outre, la prise de risque associée à la mobilité sur des fonctions plus éloignées de la recherche comme l’administration est dissuasive, en raison d’un retour difficile après une période sans production ni publication.

Dès lors, les parcours des chercheurs sont très linéaires. En effet, les missions évoluent peu au cours de la carrière, même si les chercheurs plus expérimentés sont amenés à consacrer un temps croissant aux activités d’administration, d’encadrement et d’évaluation. Les passerelles, en particulier vers l’enseignement supérieur, sont peu utilisées.

Il appartient donc au ministère d’étudier toutes les pistes susceptibles d’améliorer la valorisation et la diversification des carrières et d’inciter encore plus à la mobilité des chercheurs, en priorité vers l’enseignement supérieur14. Cela passe notamment par la mise en place de procédures harmonisées de gestion des corps de chercheurs et d’enseignants-chercheurs et par la valorisation de la fonction d’enseignement afin de renforcer l’attractivité de la carrière à l’université. À l’instar de la procédure dite de détachement/intégration des personnels militaires15, il serait souhaitable de réserver des contingents d’emplois de professeur ou de maître de conférences des universités à un nombre limité de chercheurs avec possibilité d’intégration. Outre qu’elle autoriserait une reconversion dans un corps réputé plus attractif pour la seconde moitié de carrière, cette procédure permettrait de libérer des postes dans le corps des chargés de recherche et d’offrir plus de débouchés aux jeunes docteurs. Ayant pour effet de limiter les possibilités de promotion des enseignants-chercheurs, elle ne pourrait être acceptée que si les possibilités d’accueil des enseignants-chercheurs dans les EPST étaient également facilitées.

IV -Une politique de rémunération manquant de cohérence

La rémunération des chercheurs est constituée du traitement indiciaire et du régime indemnitaire. La grille de rémunération indiciaire est similaire à celles des corps de catégorie A+ de la fonction publique, les indices terminaux atteignant le niveau hors échelle E.

Dans son rapport de 2003, la Cour avait montré que le régime indemnitaire des chercheurs n’offrait pas suffisamment de possibilités pour rémunérer la prise de responsabilité et la performance.

A -Une rémunération moyenne en hausse

La rémunération moyenne brute16 des chercheurs, traitement indiciaire et toutes primes incluses, a progressé entre 2009 et 2013. Les progressions les plus importantes sont celles de l'INRIA (+ 8,7 % pour les chargés de recherche, + 8,3 % pour les directeurs de recherche) et celles du CNRS (+ 4,1 % pour les chargés de recherche et + 5,7 % pour les directeurs de recherche jusqu'en 2012). La moyenne des rémunérations brutes des chercheurs des EPST se situe entre 48 667 € pour l'IFSTTAR et 55 087 € pour l'INRIA. Compte tenu de son volume, l'indemnité liée au compte épargne-temps représente également un facteur d'évolution significatif.

Tous les corps de chercheurs relevant des mêmes grilles indiciaires, les évolutions et les différences de rémunération moyenne sont essentiellement liées au pyramidage des corps des établissements, au positionnement des chercheurs dans les échelons et à leur politique indemnitaire.

Tableau n° 7 : évolution de la rémunération brute des chercheurs en euros (moyenne annuelle par corps)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Les chercheurs des EPST peuvent par ailleurs bénéficier de rémunérations complémentaires au titre du cumul d'activités (notamment enseignement et consultance). Seuls l'INED et l'IFSTTAR sont en mesure d'en produire un bilan. Les exemples rencontrés dans les travaux antérieurs de la Cour montrent que, pour les chercheurs qui en bénéficient, certaines rémunérations complémentaires correspondent à une part importante de la rémunération et sont parfois fondées sur des bases juridiques fragiles.

B -Un régime indemnitaire en partie rénové

Le régime indemnitaire des chercheurs est constitué de la prime de recherche, de la prime d’excellence scientifique (PES), créée en 2009 puis renommée en 2014 prime d’encadrement doctoral et de recherche (PEDR) du nom de la prime en usage avant 2009 pour les enseignants-chercheurs, et de l’indemnité spécifique pour fonctions d’intérêt collectif (ISFIC). Les chercheurs peuvent également percevoir des indemnités de jury s’ils participent à des jurys d’évaluation ou de concours. Enfin, ceux déclarés comme inventeurs de brevets qui génèrent des revenus perçoivent également une prime d’intéressement.

Selon le dernier rapport annuel réalisé par la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), ce régime indemnitaire est inférieur, en proportion de la rémunération indiciaire, à celui des autres corps de l’État de niveau comparable. Le taux de primes en 2011 pour l’ensemble « enseignement supérieur, recherche et assimilés » était de 13 %, alors qu’il était de 53 % pour l’ensemble des corps de catégorie A+. Ainsi, alors que le traitement indiciaire annuel moyen de cette catégorie est inférieur de 2 000 € au traitement indiciaire moyen des corps de catégorie A+, la rémunération totale est inférieure de plus de 21 000 € à la rémunération moyenne compte tenu de l’écart très important induit par les primes. En outre, comme la Cour l’observait déjà en 2003, l'évaluation individuelle des chercheurs, dont le principe est largement admis au sein de la communauté scientifique, continue à n’avoir un effet qu’au moment des changements de grade, peu nombreux au demeurant au cours de la carrière.

1 -Une meilleure valorisation des responsabilités

La prime de recherche n'est pas modulée à la performance et son montant reste relativement faible17, en pourcentage de la rémunération principale.

En revanche, l’ISFIC, qui peut être attribuée aux personnels de catégorie A, chargés de responsabilités particulières de direction, de coordination ou d'animation, a été réformée en 2006.

Jusqu’en 2006, elle était encadrée par des textes ministériels qui fixaient, pour chaque EPST, la liste des fonctions qui ouvraient droit à l’indemnité ainsi que les montants maximaux. Dans son rapport de 2003, la Cour avait estimé que le nombre d'indemnités autorisées était nettement inférieur au nombre de fonctions de responsabilité et ne permettait pas d’indemniser suffisamment la fonction essentielle de direction d’une unité de recherche.

Le décret du 26 avril 2006 instituant une indemnité spécifique pour fonctions d'intérêt collectif dans les établissements publics à caractère scientifique et technologique et l’arrêté du 26 avril 2006 ont modifié ces dispositions. Le montant des crédits affectés à l'ISFIC, ainsi que la liste des fonctions susceptibles d’y ouvrir droit au sein de chaque établissement, sont désormais fixés par le conseil d'administration. Les décisions individuelles d'attribution, ainsi que les montants individuels, sont arrêtés par le directeur de l'établissement dans une limite fixée par les textes ministériels18.

La majorité des EPST a utilisé ce décloisonnement pour augmenter le nombre de bénéficiaires et le montant moyen de cette indemnité. L’enveloppe globale a ainsi augmenté, entre 2009 et 2013, de 62 % à l’IRSTEA, de 54 % à l’INSERM, de 35 % à l’IFSTTAR et de 24 % à l’INRIA. En revanche, l'enveloppe est demeurée très stable à l'INRA et à l'INED. La comparaison entre établissements montre la diversité de la politique indemnitaire mise en œuvre : l'IFSTTAR, l'INSERM et l'IRD versent cette indemnité à une proportion plus forte de bénéficiaires et avec un montant moyen plus élevé que les autres EPST ; l'INRIA distribue beaucoup plus largement cette indemnité mais avec un niveau moyen moins élevé.

La réforme de l'ISFIC a donc permis d'améliorer la rémunération de certains postes de responsabilité. Certains EPST considèrent cependant que l'ISFIC est encore trop limitée et demandent une augmentation du pourcentage possible de bénéficiaires ainsi que le relèvement du plafond de 18 000 € pour rendre réellement attractifs certains postes. La transparence des procédures d’attribution mises en œuvre, notamment par la cotation des postes y ouvrant droit par le conseil d’administration, rendrait envisageable ce nouveau décloisonnement.

2 -La difficile mise en œuvre d’une rémunération à la performance

La prime d’excellence scientifique19 (PES) a été créée en 2009 dans le cadre du « plan carrières ». Son principe avait été proposé en 2008 par le rapport de l’Académie des sciences sur l’attractivité des carrières de la recherche. Nouvelle prime destinée à récompenser la performance scientifique des chercheurs, elle pouvait également être attribuée aux enseignants-chercheurs, remplaçant ainsi la prime d’encadrement doctoral et de recherche.

Les textes distinguent trois types de bénéficiaires : les chercheurs lauréats d’une distinction scientifique nationale ou internationale ; les chercheurs apportant une contribution exceptionnelle à la recherche, selon des critères à définir par chaque établissement ; les chercheurs dont l’activité est jugée d’un niveau élevé par les instances d’évaluation et qui s’engagent à accomplir un service d’enseignement équivalent à 64 heures de travaux dirigés par an.

L'objectif initial était que cette nouvelle prime puisse profiter à environ 20 % des chercheurs d'un établissement. L'arrêté du 30 novembre 2009 fixait le montant annuel plancher de la PES à 3 500 € et le plafond à 15 000 €, une prime exceptionnelle de 25 000 € pouvant cependant être attribuée aux scientifiques ayant apporté une contribution exceptionnelle à la recherche (lauréats de distinction internationale).

Chaque EPST a défini sa propre politique d'attribution de la PES dans les limites fixées par le décret.

Les taux moyens s'établissent entre 3 500 € pour l'IFSTTAR, qui ne module pas les taux de primes, et 8 612 € pour l'INRA en 2013. Plusieurs EPST versent un taux moyen de prime autour de 7 000 € (INRIA, IRD, IRSTEA), tandis qu'un autre groupe se situe plutôt autour de 5 000 € par an (INSERM, INED).

Le CNRS, l'INRIA et l'INED servent la PES à environ 20 % des chercheurs. L'INRIA dépasse même cet objectif en 2013 (23,6 %). Au sein des autres EPST, l’affectation est restée très limitée, notamment, en 2013, à l'INRA (7,6 % des chercheurs), à l'IRSTEA (6,7 %), à l'IFSTTAR (7,1 %) et à l'IRD (8,7 %).

Cette situation est principalement liée à l’opposition qu’a suscitée cette nouvelle prime de la part de chercheurs qui ont fait valoir le caractère collectif des travaux de recherche, jugé incompatible avec une rémunération de leur performance individuelle. Ainsi, au CNRS par exemple, plusieurs sections du comité national ont refusé de participer à l'évaluation en vue de l'attribution de la PES, et une commission spécifique de substitution a dû être mise en place.

Les difficultés auxquelles s’est heurtée la mise en place de cette nouvelle prime en soulignent le paradoxe : elle offre aux chercheurs une amélioration sensible de leur régime indemnitaire dans un contexte où la communauté scientifique dénonce les départs à l’étranger ; elle est fondée sur une évaluation individuelle des travaux scientifiques, dont les chercheurs ont pourtant de longue date la culture et sur laquelle s’appuient les promotions de grade.

Par décret du 28 mai 2014, la prime d’excellence scientifique a retrouvé la dénomination antérieure de prime d’encadrement doctoral et de recherche, sans modification substantielle de ses modalités d’attribution. Cependant, la situation actuelle appelle à une véritable réforme de cette prime. Son rythme d'attribution pourrait être calé sur celui des évaluations individuelles. Les appels à candidatures et les commissions dédiées pourraient être supprimés, et la responsabilité de son attribution pourrait être confiée à l’encadrement, qui s'appuierait sur les résultats de l'évaluation. Cette réforme contribuerait ainsi à renforcer le lien entre évaluation et rémunération.

C -Une utilisation abusive du compte épargne-temps

Le compte épargne-temps (CET) dans la fonction publique de l’État a connu plusieurs régimes depuis sa mise en place en avril 200220. Au cours des premières années, il ne représentait pas de charge financière pour les établissements, les jours épargnés n’ouvrant pas droit à rémunération. Depuis 2009, le nouveau régime ouvre droit à indemnisation, chaque année, des jours épargnés à partir du 21ème21.

Cette réforme est à l’origine d’une charge financière croissante pour les EPST. L’indemnisation moyenne est supérieure à 1 500 € par an pour les bénéficiaires et pour un taux de bénéficiaires supérieur à 25 % des chercheurs. L’indemnisation moyenne apparaît la plus importante à l'IRSTEA, à l'IRD et à l'INSERM où elle atteint même 2 300 € pour plus de 57 % des chercheurs22. À titre de comparaison, cette indemnité représente par personne plus d'un mois de salaire mensuel net d'un chargé de recherche de deuxième classe.

En 2013, la charge du CET pèse lourdement sur la masse salariale. Pour plusieurs EPST (CNRS, INED, IRD), elle dépasse largement le montant des crédits affectés à l'ISFIC, votés en conseil d'administration et attribués pour des fonctions de responsabilité. Pour d'autres (INRA, IFSTTAR, IRSTEA), elle dépasse les crédits affectés à la PES. Pour l'INSERM, elle dépasse ces deux enveloppes.

Mis à part l'INRA dont certaines unités de recherche ont mis en place un système de contrôle des horaires, les procédures mises en œuvre pour gérer les congés reposent sur la déclaration des congés par les agents et la validation par le supérieur hiérarchique.

Dans un contexte où les chercheurs sont rémunérés au forfait, dans une organisation peu hiérarchisée et sans contrôle du temps de travail, le risque d’abus impose la mise en place d'un système de contrôle plus rigoureux.

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Au terme de cette enquête sur la gestion des chercheurs, quatre conclusions principales peuvent être dégagées.

La montée en puissance du financement de la recherche sur projet depuis 2006 a résorbé les carences de financement des années post-doctorales, en s’alignant sur le modèle international. Cette amélioration, très positive pour l’attractivité de la recherche française, pose néanmoins pour la gestion des jeunes chercheurs de nouveaux problèmes dont la prise de conscience par les EPST est récente.

L’opportunité qu’offrait la grande vague de départs à la retraite des années 2000 pour orienter les recrutements vers les grandes priorités de recherche n’a pas été saisie. La diminution prévue des départs à la retraite au cours des prochaines années, conjuguée à la nécessité de maîtriser l'augmentation de la masse salariale, laisse présager une diminution sensible des recrutements de chercheurs statutaires. Dans ce contexte, afin de mieux répondre aux priorités scientifiques et de mieux anticiper les évolutions, la définition d’un plan pluriannuel de recrutement par discipline s’impose, sur la base des capacités budgétaires libérées par les départs.

Le « plan carrières » lancé en 2009 a ponctuellement amélioré le déroulement de carrière des chercheurs, mais a laissé subsister les principaux problèmes identifiés en 2003, tels que la difficulté à accéder aux grades les plus élevés, la faible mobilité des personnels, notamment dans les établissements d’enseignement supérieur, et l’impact limité de l’évaluation individuelle sur le déroulement de la carrière et sur la rémunération. L’augmentation sensible de l’âge moyen de recrutement, dans un contexte de très forte sélectivité au concours, doit être contenue compte tenu de ses conséquences sur la carrière.

Principalement sous l’effet du « plan carrières », les rémunérations moyennes des chargés de recherche et directeurs de recherche ont globalement augmenté entre 2009 et 2013. Les évolutions du régime indemnitaire permettent aujourd’hui de prendre partiellement en compte la prise de responsabilité et la performance individuelle. Cependant, les modalités d’attribution de la prime d’encadrement doctoral et de recherche, qui a succédé à la prime d’excellence scientifique, n’apparaissent pas pleinement satisfaisantes et devraient prendre mieux en compte les résultats des évaluations individuelles. Par ailleurs, il est anormal que, dans un contexte insuffisamment contrôlé, l’indemnité relative au compte épargne-temps pèse autant sur la masse salariale des établissements, en dépassant parfois les enveloppes affectées aux primes de responsabilité ou de performance.

En conséquence, la Cour formule les recommandations suivantes :

Au ministère chargé de la recherche :

1. organiser la remontée des informations et améliorer la coordination des schémas stratégiques des EPST (recommandation réitérée) ;

2. favoriser l’intégration des chercheurs statutaires dans le corps des enseignants-chercheurs (recommandation réitérée) ;

3. réformer les modalités d'attribution de la prime d'encadrement doctoral et de recherche en l’articulant avec l’évaluation individuelle.

Au ministère et aux EPST :

4. définir conjointement un plan pluriannuel de recrutement par discipline et compétence en fonction des priorités stratégiques ;

5. améliorer la connaissance de la population des chercheurs contractuels et de leur devenir professionnel en menant des études de suivi de cohortes ;

6. contrôler strictement la mise en œuvre du compte épargne-temps et en limiter l'impact budgétaire.

Aux EPST :

7. mieux sélectionner les candidats au post-doctorat afin de les inscrire dans une véritable perspective professionnelle.

Réponses

Destinataires n’ayant pas répondu

Président de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA)

Président-directeur général de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Président de l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA)

Réponse du ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Les sept recommandations formulées par la Cour appellent de ma part les observations suivantes.

S’agissant de « l’organisation de la remontée des informations et de l’amélioration de la coordination des schémas stratégiques des EPST », le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche (MENESR) travaille à améliorer le système de remontée d’informations relatif aux ressources humaines ainsi que la qualité des informations disponibles.

Afin d’optimiser la gestion des ressources humaines, il est en effet nécessaire de permettre les comparaisons de données entre les organismes de recherche et les établissements d’enseignement supérieur, mais aussi de disposer d’une vision consolidée de l’ensemble des personnels travaillant au sein des laboratoires, et notamment des unités mixtes de recherche, sans se limiter aux seuls agents rémunérés par l'organisme.

Le MENESR envisage ainsi plusieurs démarches destinées à améliorer la collecte d’informations.

Le service statistique du ministère prévoit ainsi d’intégrer dans les enquêtes régulières qu’il conduit sur la recherche publique un volet de questionnement détaillé relatif aux personnels de recherche et de soutien à la recherche, à l’instar du questionnement détaillé qui existe déjà pour la recherche dans le secteur privé et qui donne lieu à un suivi statistique de l’emploi scientifique en entreprise et à des publications tous les deux ans.

L’objectif de cette démarche est la réalisation d’une cartographie statistique précise des personnels rémunérés par les opérateurs publics, ainsi qu’un suivi dans le temps de l’emploi scientifique sur la base de plusieurs critères (âge, sexe, diplôme, statut personnel, secteur disciplinaire, etc.)

Il est également prévu de mieux exploiter les différentes sources de données administratives existantes relatives à l’emploi public dans le domaine de la recherche. Des méthodologies ont ainsi été développées dans d’autres ministères (fonction publique, notamment) pour bâtir un suivi statistique précis.

Enfin, le service statistique du ministère appuiera les départements en charge de la stratégie pour élaborer des outils de suivi par organisme plus cohérents.

Le MENESR a d’ores et déjà engagé une amélioration profonde des procédures de remontée d’informations relatives aux ressources humaines émanant des organismes de recherche et des établissements d’enseignement supérieur. À l’issue d’un appel d’offres lancé à l’été 2014, un prestataire vient ainsi d’être choisi pour accompagner la définition de normes d’interopérabilité entre les systèmes d’information déployés par les organismes et les établissements dans le domaine de la recherche. La formalisation d’un « cadre de cohérence » des systèmes d’information est un préalable indispensable. Au cœur de cette démarche se situe le référentiel national des structures de recherche, dont le ministère a engagé la consolidation avec les acteurs du secteur. Ce référentiel, centré aujourd’hui sur les structures, doit ainsi s’élargir aux moyens mis en œuvre, et notamment aux personnels.

Concernant « l’intégration des chercheurs statutaires dans le corps des enseignants-chercheurs » et « la réforme des modalités d'attribution de la prime d'encadrement doctoral et de recherche en l’articulant avec l’évaluation individuelle », le MENESR engagera au début de l’année 2015 une mise à jour des textes statutaires relatifs aux chercheurs, en concertation avec les partenaires sociaux, dans le cadre d’un agenda social de l’enseignement supérieur et de la recherche dont l’ouverture a été annoncée aux acteurs. Ces deux points ne manqueront pas de faire l’objet de discussions. Il m’apparaît indispensable de mener ces réflexions concernant les chercheurs conjointement avec celles relatives aux corps des enseignants-chercheurs, afin d’assurer un équilibre et une fluidité entre ces corps statutaires.

Malgré la mise en place de dispositifs statutaires incitatifs favorisant ce type de mobilité (chaires mixtes, prime de mobilité pédagogique, prime d’encadrement doctoral et de recherche…), force est de constater que la mobilité des chercheurs vers l’enseignement supérieur ou l’inverse demeure trop faible.

Enfin, concernant « la définition conjointe par le ministère et les EPST d’un plan pluriannuel de recrutement par discipline et compétence en fonction des priorités stratégiques », je rappelle que la Stratégie nationale de l’enseignement supérieur et la Stratégie nationale de la recherche, prévues par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, ont justement pour objectif de définir en toute transparence les priorités scientifiques de la Nation, qui ont naturellement vocation à être déclinées par les établissements d’enseignement supérieur et les organismes de recherche selon les besoins en compétences qui émergeront.

D’ores et déjà, le ministère encourage le recrutement de chercheurs sur la base de compétences (recrutement de chargés de recherche dits « blancs »), et non plus uniquement sur la base de profils précisant une priorité thématique et/ou une affectation. S’agissant de disciplines rares, le MESR assure la cohérence d’ensemble entre les universités et les organismes, au niveau national comme au niveau des sites, notamment dans le cadre de la mission diligentée sur ce sujet. Dans le cadre des nouvelles missions confiées à l’Observatoire des Sciences et des Techniques (OST), un groupe de travail associant les représentants des établissements et organismes ainsi que ceux des disciplines (CP-CNU, CoNRS) sera mis en place pour éclairer les établissements et les pouvoirs publics sur les grands axes des politiques de recrutement par disciplines, nécessairement pluriannuelles.

En réponse à la préconisation visant à « améliorer la connaissance de la population des chercheurs contractuels et de leur devenir professionnel en menant des études de suivi de cohortes », je tiens à rappeler que de nombreuses études existent déjà sur cette population, réalisées soit par des organismes, soit par des services ministériels. Ainsi, le MESR soutient les enquêtes « Génération » pilotées par le CEREQ ,dont la dernière édition a notamment organisé le suivi à 5 ans des docteurs diplômés en 2007. Malgré un contexte budgétaire contraint, cette enquête sera renouvelée.

Comme le souligne la Cour, des bonnes pratiques tendant à un meilleur exercice de la responsabilité sociale de l’employeur ont été mises en œuvre par les organismes de recherche (adoption de charte pour les personnels contractuels). Elles déclinent notamment des principes issus de la Charte européenne du chercheur et du Code de bonne conduite pour le recrutement des chercheurs, auxquels les EPST ont majoritairement adhéré. Le ministère encourage fortement ces démarches tendant à un meilleur suivi du devenir des chercheurs contractuels et de leur employabilité future dans la recherche tant publique que privée. Dans le cadre de l’agenda social précédemment évoqué, cette question sera à nouveau mise en avant et soumise à discussion avec les partenaires sociaux.

Concernant la mise en œuvre du compte épargne-temps, la question du suivi de l’activité d’un chercheur est complexe pour un EPST dans la mesure où « le temps de travail » n’est pas strictement équivalent au « temps de présence ». Cependant, les organismes ont mis en œuvre des systèmes de validation et de suivi des jours de congé de leurs personnels titulaires et contractuels tout aussi efficaces que celui déployé pour l’administration centrale. La mise en œuvre et l’évaluation de l’impact financier relèvent de leur responsabilité.

Les bonnes pratiques de gestion et de suivi des congés sont encouragées par le ministère qui assure un partage d’expériences, dans le cadre d’échanges réguliers avec ces établissements, afin de garantir une égalité de traitement entre les personnels des EPST.

Enfin, la recommandation de la Cour, adressée aux EPST, visant à « mieux sélectionner les candidats au post-doctorat afin de les inscrire dans une véritable perspective professionnelle », est à mettre en perspective avec les observations de la Cour dans le cadre de son travail relatif au doctorat et à l’insertion des docteurs.

Il revient aux écoles doctorales de permettre l’acquisition de compétences transverses pertinentes afin de favoriser l’employabilité des jeunes docteurs, à la fois dans le secteur public et dans le secteur privé, tant au niveau national qu’international, et pas uniquement pour des activités de recherche.

De son côté, le ministère favorise la responsabilité des acteurs afin que les emplois non permanents de chercheurs s’intègrent dans la politique scientifique de l’établissement et favorisent l’évolution professionnelle des personnes recrutées. Le ministère encourage notamment l’application des normes publiques concernant ces emplois non permanents : cadre contractuel, rémunération attractive, accès aux droits de l’ensemble des personnels des établissements (y compris à la formation tout au long de la vie), accompagnement spécifique pour réfléchir aux perspectives de carrières et à la recherche de l’emploi suivant…

Il valorise ainsi les bonnes pratiques développées par les organismes de recherche dans ce cadre, notamment l’élaboration et la mise en application de chartes sensibilisant les différentes parties prenantes de la contractualisation d’un post-doctorat, afin que le devenir des bénéficiaires de ces contrats ne soit pas limité à la sphère de la recherche publique.

Réponse commune du ministre des finances et des comptes publics et du secrétaire d’État chargé du budget

Nous partageons l’essentiel des constats de la Cour sur le recrutement et le déroulement de la carrière des chercheurs. Il serait notamment souhaitable que les priorités stratégiques de la recherche puissent avoir une traduction concrète en matière de recrutement d’agents titulaires. Toutefois, la recommandation de la Cour tendant à mettre en place un plan pluriannuel de recrutements par discipline ne peut recueillir notre soutien inconditionnel : la préservation de l’équilibre budgétaire des établissements implique de pouvoir ajuster annuellement le nombre d’entrées au regard notamment du nombre de sorties, tout en respectant le plafond d’emplois de la programmation budgétaire triennale.

La proposition de la Cour tendant à favoriser la mobilité des chercheurs dans le corps des enseignements-chercheurs nous paraît également devoir être soutenue. Une plus grande fluidité des parcours entre recherche et enseignement supérieur doit être recherché, dans l’intérêt tant des parcours professionnels individuels que de la souplesse de la gestion des ressources humaines des établissements de recherche et d’enseignement supérieur.

Nous partageons également les constats de la Cour relatifs aux rémunérations des chercheurs. Il nous paraît toutefois important d’insister sur la nécessité de mieux contrôler la gestion du compte épargne-temps. La question n’est en effet pas uniquement financière, dans la mesure où elle renvoie à des questions complexes d’organisation et de contrôle de temps de travail. Il revient donc aux établissements de mettre en place des systèmes de contrôle adaptés aux spécificités de l’activité des chercheurs.

Réponse de la ministre de la décentralisation
et de la fonction publique

L’analyse conduite par la Cour sur la gestion de la carrière des chercheurs souligne, notamment, la subsistance de difficultés, malgré la mise en œuvre du « plan carrières », lancé en 2009, telles que celle à accéder aux grades les plus élevés, la faible mobilité des personnels ainsi que l’impact limité de leur évaluation sur le déroulement de leur carrière et leur rémunération.

Les autres recommandations formulées par la Cour n’appellent pas d’observation particulière de ma part.

Réponse du président du Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

Des postes statutaires en nombre limité

Le rapport préconise de mener des études de suivi de cohorte des jeunes chercheurs formés et employés par l’établissement.

S’agissant du CNRS, l’observatoire des métiers de l’établissement a finalisé une étude longitudinale sur cette population. Le CNRS la tient à la disposition de la Cour des comptes.

Un recrutement des chercheurs statutaires sans lien avec les priorités nationales

S’agissant du CNRS, il convient de souligner les différents outils utilisés : « fléchage » et « coloriage » de postes, intervention des instituts dans les mobilités en cours d’année, utilisation assumée du levier que représentent les accueils en délégation, sans oublier l’essentiel : les postes sont arbitrés et ouverts par section, lesquelles représentent les spécialités disciplinaires d’intervention du CNRS. Cet arbitrage traduit également une politique d’interdisciplinarité très fine (affectation de chercheurs d’une section dans un laboratoire relevant d’un institut couvrant principalement d’autres sections). La répartition des postes par section, les outils précédemment cités traduisent clairement la définition de priorités disciplinaires et géographiques.

Une mention spéciale peut ici être faite sur la recherche en sciences du vivant. Comme l’indique le rapport, il faut prendre en compte, non seulement les fonctionnaires mais aussi les contractuels, tant sur subvention d’État que sur ressources propres, qui représentent près de 30 % des effectifs du CNRS en 2012. Or l’INSB se distingue par le dynamisme particulier de ses recrutements de contractuels : alors que ses effectifs statutaires progressent de 0,7 % entre 2009 et 2012, ses effectifs contractuels progressent de 1,2 % sur la période, soit 71 % de plus.

En outre, l’évolution des effectifs ne saurait traduire à elle seule une priorité scientifique. Selon les disciplines, il est en effet plus ou moins pertinent de recourir au vecteur des effectifs par rapport à d’autres leviers tels que les crédits de fonctionnement ou l’intensité des coopérations avec d’autres organismes. Ainsi, en sciences du vivant, l’évolution majeure des dernières années est l’acquisition d’équipements lourds et de haute technologie, faisant d’ailleurs intervenir une dimension interdisciplinaire plus marquée que dans le passé. Il convient donc d’observer l’ensemble des indicateurs pertinents pour qualifier la manière dont la priorité en sciences du vivant fixée par la SNRI est appliquée au CNRS.

Un risque de précarisation à maitriser

Le rapport précise qu’il appartient aux directeurs d’unité de veiller particulièrement à la qualité et à la cohérence des parcours des candidats au post-doctorat, au regard de leurs objectifs d’insertion professionnelle.

Le CNRS apporte une attention particulière à cette population. Les services ressources humaines des délégations apportent autant que de besoin leur soutien aux directeurs d’unité dans le conseil et le recrutement de ces populations. Par ailleurs, la charte des CDD, diffusée en 2012, formalise l’accompagnement à différentes étapes du contrat. Elle s’adresse plus particulièrement aux directeurs d’unité et aux responsables hiérarchiques dans leurs missions d’encadrement. Dans le même esprit une convention de collaboration nationale avec Pôle emploi a été signée en avril 2014 afin d’offrir un accompagnement individualisé aux agents en contrat à durée déterminée du CNRS et d’identifier les priorités d’action en amont de leur fin de contrat. Enfin, le CNRS a renouvelés a convention avec l’ABG-Intelli'agence, à laquelle il apporte une aide en moyens humains. Cette association a pour but d'encourager et de soutenir le développement et le rayonnement de la culture scientifique, la professionnalisation et l'emploi des jeunes scientifiques dans les laboratoires, les institutions publiques et les entreprises, en France et à l'étranger.

L’absence de gestion prévisionnelle des emplois

Afin de répondre aux priorités scientifiques et de lisser les évolutions statutaires, le rapport préconise que le ministère et les établissements définissent un plan pluri annuel de recrutement par discipline.

S’agissant du CNRS, deux observations peuvent être faites sur ce sujet.

Au niveau national, dans le cadre du dialogue de gestion RH, chaque institut reçoit chaque année au printemps une projection des départs à moyen terme (5 ans) extrêmement détaillée (par corps, BAP, section…) à partir de laquelle il établit, selon plusieurs scénarios, des prévisions de répartition des recrutements sur 3 ans. Un exposé littéral accompagne ce retour chiffré afin de bien préciser les priorités scientifiques et leur traduction chiffrée. Une synthèse quantitative et qualitative est présentée au collège de direction chaque année mi-juillet. Cette synthèse présente des orientations de moyen terme. Naturellement, le principe de l’annualité budgétaire ne permet pas d’en déduire un plan pluriannuel de recrutement mais le dialogue de gestion RH permet de réfléchir à froid aux priorités pluriannuelles, la fixation des chiffres de recrutement de l’année relevant alors d’une logique de curseur à positionner dans le cadre de priorités établies dans une vision à moyen terme. Ajoutons que la gestion en ETPT implique nécessairement la fixation de plafonds pluriannuels de gestion pour maîtriser les recrutements, ce qui est bien le cas au CNRS.

Par ailleurs, le CNRS développe une démarche de GPEC dans la structuration des laboratoires. Des actions de formation et sensibilisation ont été réalisées auprès des directeurs d’institut et des directeurs adjoints scientifiques. Un guide a également été élaboré et diffusé. Cette démarche connaît cependant une limite importante : en effet, les unités rassemblent des agents issus de divers partenaires institutionnels ; la diversité des employeurs rend donc très complexe toute démarche prospective. Toutefois, impulser une démarche clairement jalonnée, avec des acteurs précisément identifiés au niveau du CNRS, permet d’intégrer plus aisément les différents partenaires à des moments clés pour le devenir de l’unité. Cette démarche appuie de ce fait la politique de l’établissement qui vise à favoriser la convergence et la complémentarité des stratégies scientifiques avec les partenaires (conventions de site).

Une entrée dans la carrière de plus en plus sélective et de plus en plus tardive

Le rapport appelle les établissements à contenir l’entrée tardive dans le corps des chercheurs.

Il convient de préciser que le principe juridique de souveraineté des jurys interdit de donner toute instruction en termes d’âge au recrutement.

Dans le cas du CNRS, l’indicateur « âge moyen des lauréats » est suivi annuellement et communiqué aux différentes instances lors des bilans des campagnes de recrutement. Lors de l’accueil de la nouvelle mandature du comité national du CNRS en 2012, tous les membres des sections ont été sensibilisés à cette problématique. Après plusieurs années de hausse, l’âge moyen au recrutement a cessé d’augmenter au CNRS en 2013.

Un régime indemnitaire rénové ; 1/ Une meilleure valorisation des responsabilités

Le rapport souligne que la réforme de l’ISFIC a permis d’améliorer la rémunération de certains postes à responsabilité. Le rapport précise que le relèvement du plafond sollicité par certains EPST ne pourra être envisageable sans une transparence des procédures d’attribution et notamment la cotation des postes y ouvrant droit.

Le CNRS a réalisé ce travail de cotation des postes dès 2012, sous la forme d’un vade mecum, intitulé « La cotation des fonctions et des emplois d’encadrement du CNRS », largement diffusé au sein de l’établissement.

Un régime indemnitaire rénové ; 2/ l’instauration maladroite d’une rémunération à la performance

Le rapport propose de ne plus organiser d’appel à candidature pour l’attribution de la prime d’excellence scientifique devenue prime d’encadrement doctoral et de recherche.

S’agissant du CNRS, lors de la mise en place de la prime d’excellence scientifique en 2009, aucun appel à candidatures n’avait été organisé et la prime avait été allouée de manière automatique à tous les récipiendaires de prix ou distinctions. Cette situation a conduit plusieurs bénéficiaires à se plaindre de l’attribution de cette prime en faisant valoir qu’ils ne l’avaient pas demandée. C’est dans ce contexte qu’il a alors été décidé de procéder à des appels à candidatures.

Une utilisation abusive du compte épargne temps

Le rapport souligne que mis à part l’INRA, les procédures mises en œuvre pour gérer les congés reposent sur la déclaration des congés par les agents et la validation par le supérieur hiérarchique.

Dans le cas du CNRS, la dépense sur cette ligne est en baisse en 2013 par rapport à 2012. Le logiciel AGATE, visant à fiabiliser les procédures de déclaration et de suivi des congés, a été déployé tout au long des années 2013 et 2014.

Réponse de la directrice générale de l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR)

Je vous informe que le rapport n’appelle aucune observation de ma part.

Réponse de la directrice de l’Institut national des études démographiques (INED)

Les analyses portées par la Cour relatives à la gestion des chercheurs permettent de montrer qu’une convergence des pratiques a bien lieu, en grande partie grâce à l’application du décret cadre du 30 décembre 1983, que par ailleurs les décrets particuliers ne viennent pas amoindrir. Il est remarquable en effet qu’un tel dispositif réglementaire puisse convenir à des établissements très différents par leur taille et leurs finalités.

Néanmoins, comme le souligne le rapport de la Cour, des évolutions s’avèrent nécessaires. Si les composantes de la masse salariale sont aujourd’hui bien encadrées et si les concours nationaux de chercheurs demeurent attractifs, les modalités de rémunération des chercheurs existantes aujourd’hui sont inadaptées et ne permettent pas d’être compétitifs sur le plan international. La meilleure preuve est sans doute le très faible recrutement de DR2 provenant de l’extérieur. Pourtant d’excellents candidats potentiels, installés à l’étranger, seraient intéressés à une installation en métropole, mais le coût d’opportunité s’avère bien trop élevé. Une révision du système des primes qui permette une meilleure prise en compte des responsabilités permettrait d’approfondir des dynamiques de carrière. À plus court terme, il pourrait être judicieux de fournir davantage de souplesse à l’ISFIC, outil qui a fait ses preuves. Dans le même esprit, il serait souhaitable par une réécriture du décret cadre de supprimer la limite d’âge pour candidater aux concours de CR2, de refondre les règles de reprise d’ancienneté de service devenues obsolètes, et d’offrir de meilleures possibilités d’accès au grade de DRCE.

Nous partageons les constats réalisés par la Cour sur l’évolution de l’emploi de chercheurs contractuels qui devient comme il a été souligné, une composante essentielle dans la vie de nos unités de recherche. À ce sujet, comme le suggère une recommandation adressée directement aux EPST, l’INED a accompli un certain nombre d’actions pour mieux encadrer les post-doctorants et les suivre. Ainsi, une charte des chercheurs contractuels, établie en concertation, a été instaurée à l’INED. Notre établissement s’engage ainsi à offrir des possibilités pour les jeunes chercheurs contractuels de consacrer un temps nécessaire à la valorisation de leurs travaux et à la préparation de leur future insertion professionnelle.

Réponse du président de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA)

En ce qui concerne l’amélioration de l’accueil des jeunes chercheurs, premier sujet abordé par le rapport, je partage largement l’analyse développée par la Cour des comptes. Il est en effet crucial de développer les bonnes pratiques de gestion des chercheurs contractuels, communément appelés « post-doctorants ». C’est pourquoi l’INRA s’est impliqué dans la mise en œuvre de la charte européenne du chercheur dès 2006, ce qui lui a permis de se voir attribuer le logo « HRExcellence in research » par la commission européenne dès 2010. Je ne développerai pas dans le détail l’ensemble des actions menées par l’Institut dans ce domaine, mais je mentionnerai notre document de cadrage stratégique de la fonction RH, produit en 2014, qui intègre la problématique de l’accueil des agents contractuels au sein de l’institut ainsi que la prise en compte de l’expérience internationale dans le calcul de leur rémunération.

Le rapport aborde ensuite la question de l’équilibre des recrutements par grandes disciplines. Il déplore l’absence de stratégie nationale des recrutements des chercheurs induisant une stabilité relative de leur répartition par disciplines. Cependant, cette observation est faite à un niveau très global d’analyse des disciplines scientifiques, tous EPST confondus. Conduite à l’échelle d’un seul établissement et avec une maille plus fine de disciplines, la conclusion aurait pu être différente. À l’INRA, la politique de recrutement des chercheurs fait l’objet d’un pilotage particulièrement attentif de la part de la direction générale, dont l’objet est d’orienter les compétences scientifiques présentes à l’INRA en cohérence avec nos orientations, définies de façon contractuelle avec l’État. Notre politique de recrutement, qui s’inscrit dans une logique de gestion prévisionnelle des emplois, a permis, par exemple, d’augmenter nos capacités de recherche sur les systèmes agronomiques. Cela s’est aussi traduit par une augmentation délibérée de nos effectifs chercheurs en écologie, en économie et gestion ainsi qu’en mathématiques, au détriment de nos effectifs chercheurs en biologie cellulaire ou en nutrition.

La question du déroulement de carrière des chercheurs est ensuite abordée dans le rapport, sous ses différentes facettes. Je partage une large partie des observations qui y sont faites. Cependant, je n’observe pas que l’âge moyen du recrutement des CR2 à l’INRA ait sensiblement augmenté entre 2006 et 2013, ce dernier étant passé de 31,2 ans à 31,4 ans entre ces deux dates, avec un pic, il est vrai, de 33,2 ans en 2009. Le rapport préconise de sensibiliser les jurys au critère d’âge afin de contenir l’augmentation de l’âge moyen de recrutement. Toutefois une prise en compte explicite de l’âge par les jurys reviendrait à rompre le principe d’égalité des chances accordé aux candidats. À l’INRA, en recrutant nos CR2 sur compétences, nous accordons un poids relatif à la production scientifique (le nombre et la qualité des publications sont des critères à considérer en fonction du nombre d’années d’exercices de la recherche). De cette façon nous maintenons l’âge moyen du recrutement en CR2 à un niveau relativement bas. En revanche, nous considérons que les conditions actuelles de reprise de carrière, en particulier en ce qui concerne l’expérience des jeunes chercheurs à l’étranger, ne nous permettent pas de valoriser correctement les expériences internationales. De même, l’interdiction de réaliser des entretiens en anglais constitue un véritable frein à l’attractivité internationale des concours de recrutement de chercheurs.

L’INRA attache aussi un intérêt particulier à l’amélioration du déroulement de carrière des chercheurs. Comme le démontre clairement le rapport, leurs possibilités de promotion mériteraient d’être améliorées. La création d’une classe exceptionnelle dans le corps des chargés de recherche irait dans ce sens. La durée minimale statutaire dans le corps des CR2 pourra être réduite à 3 ou 2 ans. Enfin, les règles de plafonnement des effectifs dans le grade des DRCE mériteraient d’être assouplies.

Le rapport analyse aussi de façon très pertinente la question des mobilités des chercheurs et les raisons pour lesquelles cette mobilité pourrait être considérée comme faible en comparaison d’autres métiers. La diversification des carrières me semble aussi un point qu’il conviendrait d’améliorer, et je suis favorable à l’étude de toutes pistes permettant une meilleure fluidité entre les corps d’enseignant – chercheurs et de chercheurs, dans les deux sens, mais aussi entre les ingénieurs de recherche et les chercheurs ou enseignant – chercheurs, dans les deux sens. Je rappellerai ici qu’un des principaux freins à la mobilité entre chercheurs et ingénieurs est le différentiel des primes.

La politique de rémunération est ensuite abordée de façon très détaillée. Il y est rappelé que le régime indemnitaire des chercheurs est particulièrement peu attractif pour un emploi de catégorie A+.

Ce niveau de prime est selon moi et comme évoqué plus haut, un frein majeur à la mobilité. En particulier, la prime de recherches est fixée par arrêté du 30 novembre 1990 à 4915 F (749,29 €) et n’a pas été réévaluée depuis lors. La prime de participation à la recherche des ingénieurs de recherches est, quant à elle, environ cinq fois plus élevée.

En matière d’ISFIC, je confirme considérer que le plafond actuel reste trop limitant et devrait être relevé à 18000 € au lieu de 12000 €, avec un plafond plus élevé encore pour un très petit nombre d’emplois.

Le rapport aborde aussi les modalités d’attribution de la prime d’encadrement doctoral, en proposant de supprimer l’appel à candidatures et de lier l’attribution de cette prime aux résultats de l’évaluation. Cette solution ne nous paraît pas adaptée à l’INRA pour deux raisons. D’une part, les évaluations individuelles étant réalisées par les pairs, dans le cadre des commissions scientifiques spécialisées, et selon les termes de l’article5 du décret n° 84-1207 du 28 décembre 1984 relatif au statut particulier des corps des fonctionnaires de l’INRA, elles n’ont pas vocation à agir sur les rémunérations des chercheurs. D’autre part, l’INRA est un EPST très attaché à la dimension collective de la recherche et cette nouvelle modalité aurait pour effet de renforcer le caractère individuel d’attribution de cette prime. Nous serions donc plus enclins à disposer d’une plus grande marge de manœuvre sur les modalités d’attribution de cette prime qu’actuellement.

Le rapport aborde enfin la gestion des comptes épargne temps et propose de prendre des mesures pour mieux contrôler sa mise en œuvre et en limiter l’impact budgétaire. Je constate avec vous la forte utilisation de ce dispositif par les chercheurs. Il en résulte un impact budgétaire qui est en effet important. Toutefois son utilisation par les chercheurs me paraît légitime et traduit une forte implication professionnelle. En effet, rares sont ceux qui utilisent la totalité de leurs jours de congés et de RTT. Un nombre important d’entre eux souhaite maintenir une activité de recherche le plus longtemps possible et préfère donc profiter de ce dispositif financièrement plutôt que de se constituer une réserve de jours de congés.

Réponse du président de l’Institut de recherche pour le développement (IRD)

Au préalable, je tiens à souligner la qualité des échanges avec la Cour lors de l’enquête sur la gestion des chercheurs de 2006 à 2013 et de ses travaux dont l’utilité ne doit pas être ignorée à l’heure ou l’attractivité de la recherche française, l’évolution de ses modes de financement, les contraintes budgétaires générales que l’on ne peut ignorer sont autant d’enjeux qui impactent la définition de nos stratégies d’établissement.

Je relève, en premier lieu, que la Cour pointe une diminution importante du nombre de concours chargés de recherche (CR) ouverts à l’IRD entre 2006 et 2013. Si la tendance globale est effectivement à la baisse, elle n’est toutefois pas aussi marquée que celle calculée entre deux bornes comme le montre la courbe de tendance linéaire du graphique ci-après :

[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf Joint].

Le nombre de postes ouverts annuellement est calculé sur la base des capacités budgétaires libérées par les départs à la retraite certains ; la marge de manœuvre de l’institut varie chaque année. Ainsi on constate sur la période 2006-2013 une très grande variabilité (minimum 11 – maximum 36) d’année en année, mais en moyenne 20 recrutements par an. Cependant, avec son projet de gestion prévisionnelle des ressources humaines, inscrit dans son contrat d’objectifs, l’Institut se dotera d’un outil lui permettant d’infléchir cette tendance par une amélioration de sa vision pluriannuelle mais aussi une meilleure prise en compte des priorités scientifiques et géostratégiques.

En second lieu, la Cour des comptes souligne le fait que le nombre de candidats aux concours CR ouverts par l’IRD, ne cesse d’augmenter alors que le nombre de postes reste sensiblement le même depuis 2006 (de 2006 à 2013, l’IRD a ouvert à concours 20 postes de CR en moyenne par an).

Cette observation me permet de réaffirmer l’absolue nécessité pour l’Institut d’obtenir la possibilité réglementaire d’introduire une phase d’admissibilité sur dossier dans l’organisation de ses concours CR. Une telle phase, rendue possible pour d’autres EPST, permettrait de fluidifier l’organisation des concours à l’IRD et une efficience accrue des jurys mobilisés. Rien ne permet aujourd’hui de comprendre ni d’accepter le refus de l’administration centrale de donner suite à nos demandes répétées.

Enfin, en dernier lieu, dans son chapitre consacré à la prime d’excellence scientifique (PES, la Cour donne des statistiques sur le pourcentage de chercheurs percevant la PES dans chacun des établissements audités. Ainsi l’IRD sert la PES à 8,7 % de ses chercheurs. Je tiens à préciser que nos 300 chercheurs expatriés, en application du décret n° 67-290 du 28 mars 1967 fixant les modalité de calcul des émoluments des personnels de l’État et des établissement publics de l’État à caractère administratif en service à l’étranger, ceux-ci ne peuvent percevoir aucune prime ou indemnité en complément de l’indemnité de résidence à l’étranger.

1 Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR), Institut national des études démographiques (INED), Institut national de la recherche agronomique (INRA), Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), Institut national de recherche en informatique et automatique (INRIA), Institut de recherche pour le développement (IRD), Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA).



2 Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, L'état de l'enseignement supérieur et de la recherche en France, n° 7, mars 2014.



3 Rapport entre la part de la France dans les citations sur une période de deux ans et sa part mondiale de publications.



4 Cour des comptes, Rapport public thématique : Le financement public de la recherche, un enjeu national. La Documentation française, juin 2013, 283 p. ; Cour des comptes, Référé, Les risques liés à la gestion des personnels contractuels dans la recherche publique, 1er août 2012, 6 p., disponibles sur www.ccomptes.fr et Cour des comptes, Rapport de synthèse sur la gestion des personnels dans les établissements publics à caractère scientifique et technologique (période 1996-2003), demandé par la commission des finances du Sénat, octobre 2003, 49 p., disponible sur www.senat.fr



5 Post-doctorant : chercheur, titulaire d’un doctorat, qui n’a pas obtenu de poste statutaire dans une université ou un organisme de recherche.



6 Sont considérés comme ressources propres les contrats de recherche obtenus auprès de financeurs publics ou privés (contrats de l’Agence nationale de la recherche, contrats européens, projets des investissements d’avenir, contrats industriels notamment).



7 Cour des comptes, Référé. Risques liés à la gestion des personnels contractuels dans la recherche publique, septembre 2012, 6 p., disponible sur www.ccomptes.fr



8 Changements de nomenclatures en cours de période (CNRS), absence parfois de commission de la gestion de la recherche, domaine des sciences humaines et sociales parfois non identifié dans une commission spécifique (INSERM), existence de commissions interdisciplinaires (CNRS), etc.



9 Répartition des chercheurs titulaires en activité dans les EPST par commission d’évaluation ; CNRS : hors commissions interdisciplinaires ; INRIA : ingénieurs « recherche et développement » et « transfert et innovation » inclus.



10 Les EPST ayant été largement exonérés des normes de réduction de la dépense publique, en particulier du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, leur masse salariale a connu une croissance supérieure à 5 % par an de 2006 à 2009.



11 Ce calcul concerne les EPST dont les effectifs sont les plus importants, la statistique n’étant pas pertinente pour les autres, compte tenu du petit nombre de lauréats.



12 Rapport entre le nombre de chercheurs remplissant les conditions pour être promus et le nombre de chercheurs promus.



13 DRCE1 : directeur de recherche de classe exceptionnelle 1er échelon ; DRCE2 : directeur de recherche de classe exceptionnelle 2e échelon ; DR1 : directeur de recherche de 1ère classe ; DR2 : directeur de recherche de 2e classe ; CR1 : chargé de recherche de 1ère classe ; CR2 : chargé de recherche de 2e classe.



14 L’article 36 du décret du 2 septembre 2014 modifiant le décret du 6 juin 1984 portant statut des enseignants-chercheurs des universités permet désormais le détachement des chargés de recherche de 1ère classe, régis par le décret du 30 décembre 1983, dans le grade de maître de conférence hors classe, à condition qu’ils aient atteint le 7ème échelon de la 1ère classe et comptent cinq années de services effectifs dans le corps des chargés de recherche.



15
 Article L. 4139-2 du code de la défense (ex « 70-2 »).



16
 Rapport entre la rémunération annuelle brute versée pour un corps de chercheurs et l’effectif du corps.



17
 La détermination du montant de la prime de recherche selon le grade varie selon les EPST. Au CNRS et à l'INSERM, elle est croissante du grade de CR2 (724 € annuels) au premier échelon du grade de DR1 (1 341 €), puis diminue pour les DR1 échelle lettre et DRCE (688 €). À l'INRA, elle est plus élevée pour les chargés de recherche (987 €) que pour les directeurs de recherche (796 €). À l'IFSTTAR, elle est identique pour tous les chercheurs de l'ex-INRETS (963,36 €).



18
 Le montant annuel maximum de l’ISFIC est fixé à 12 000 €. Il peut toutefois être majoré de 50 % au maximum pour 10 % au plus des bénéficiaires. Le nombre maximum d’indemnités attribuées ne peut excéder 10 % des effectifs de personnels de catégorie A rémunérés par l’établissement.



19
 Décret du 8 juillet 2009 relatif à la prime d'excellence scientifique attribuée à certains personnels de l'enseignement supérieur et de la recherche, circulaire d’application du 24 juillet 2009, complétés par l’arrêté du 30 novembre 2009 fixant les taux de la prime d’excellence scientifique. Ce décret a été modifié par le décret du 28 mai 2014 relatif à la prime d’encadrement doctoral et de recherche, qui succède à la PES. La condition d’enseignement est assouplie, car cette prime peut également être attribuée à des chercheurs, qui exercent à l’étranger et assument « des activités pédagogiques équivalentes définies par le conseil d’administration ».



20
 Décret modifié du 29 avril 2002 portant création du compte épargne-temps dans la fonction publique de l'État.



21
 Ce nouveau cadre règlementaire du CET a élargi le droit à indemnisation pour les agents : la seule règle qui demeure est l'obligation de déposer au moins 20 jours de congés par an. Les chercheurs peuvent ainsi épargner, puis se faire indemniser à hauteur de 125 € par jour les jours de congés non pris.



22
 Selon le rapport annuel de la DGAFP, le montant annuel moyen de rachat de jours de congés des agents civils des ministères en 2011 (hors enseignants et personnels des EPA) est de 1 300 €.