Sommaire
DELIBERE 7
INTRODUCTION 9
CHAPITRE I - L’INDIVIDUALISATION DE L’ENSEIGNEMENT, UNE DEMARCHE ENCORE HESITANTE 21
I - L’individualisation du suivi des élèves au cœur des politiques éducatives actuelles 21
A - Un engagement tardif de la France dans la démarche 22
B - Des exemples étrangers intéressants 25
II - Un ensemble hétéroclite de mesures 28
A - Les dispositifs centrés sur les élèves en difficulté 31
B - Les dispositifs fondés sur le volontariat des élèves 38
C - Les dispositifs d’individualisation destinés à tous les élèves 41
III - Une vision stratégique incertaine 45
A - De multiples hésitations 46
B - Une démarche encore marginale 48
CHAPITRE II - UN PILOTAGE DEFAILLANT 55
I - Un suivi dispersé et lacunaire par l’administration centrale 55
II - Un coût largement méconnu 58
A - Un coût sous-évalué 59
B - Des dispositifs ignorés ou partiellement pris en compte 61
III - Des capacités d’évaluation encore peu utilisées 63
A - Des inspections générales en retrait 64
B - Une direction de l’évaluation peu mobilisée 65
C - Des réserves de principe à lever 66
D - Un renouveau récent de l’évaluation : le CNESCO 70
CHAPITRE III - DES OBSTACLES DE FOND A SURMONTER 75
I - Adapter le cadre de gestion 75
A - Une organisation de l’enseignement à repenser 76
B - Alléger les contraintes liées aux obligations réglementaires de service 82
II - Mieux préparer les enseignants 87
A - Placer le suivi individualisé des élèves au cœur de la formation des enseignants 87
B - Des outils insuffisants à la disposition des enseignants pour détecter les besoins des élèves 92
III - Améliorer la conduite du changement 94
A - L’insuffisante préparation des réformes 94
B - Des délais trop brefs de mise en œuvre 95
C - Une communication interne insuffisante 96
CONCLUSION GENERALE 101
RECAPITULATIF DES RECOMMANDATIONS 107
ANNEXES 109
GLOSSAIRE 157
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 163
Les rapports publics de la Cour des comptes
- élaboration et publication -
La Cour publie, chaque année, un rapport public annuel et des rapports publics thématiques.
Le présent rapport est un rapport public thématique.
Les rapports publics de la Cour s’appuient sur les contrôles et les enquêtes conduits par la Cour des comptes ou les chambres régionales des comptes et, pour certains, conjointement entre la Cour et les chambres régionales ou entre les chambres. En tant que de besoin, il est fait appel au concours d’experts extérieurs, et des consultations et des auditions sont organisées pour bénéficier d’éclairages larges et variés.
Au sein de la Cour, ces travaux et leurs suites, notamment la préparation des projets de texte destinés à un rapport public, sont réalisés par l’une des sept chambres que comprend la Cour ou par une formation associant plusieurs chambres.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité de la Cour des comptes, ainsi que des chambres régionales des comptes, et donc aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration des rapports publics : l’indépendance, la contradiction et la collégialité.
L’indépendance institutionnelle des juridictions financières et statutaire de leurs membres garantit que les contrôles effectués et les conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La contradiction implique que toutes les constatations et appréciations ressortant d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes les observations et recommandations formulées ensuite, sont systématiquement soumises aux responsables des administrations ou organismes concernés ; elles ne peuvent être rendues définitives qu’après prise en compte des réponses reçues et, s’il y a lieu, après audition des responsables concernés.
La publication d’un rapport public est nécessairement précédée par la communication du projet de texte que la Cour se propose de publier aux ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres personnes morales ou physiques directement intéressées. Dans le rapport publié, leurs réponses accompagnent toujours le texte de la Cour.
La collégialité intervient pour conclure les principales étapes des procédures de contrôle et de publication.
Tout contrôle ou enquête est confié à un ou plusieurs rapporteurs. Leur rapport d’instruction, comme leurs projets ultérieurs d’observations et de recommandations, provisoires et définitives, sont examinés et délibérés de façon collégiale, par une chambre ou une autre formation comprenant au moins trois magistrats, dont l’un assure le rôle de contre-rapporteur, chargé notamment de veiller à la qualité des contrôles. Il en va de même pour les projets de rapport public.
Le contenu des projets de rapport public est défini, et leur élaboration est suivie, par le comité du rapport public et des programmes, constitué du premier président, du procureur général et des présidents de chambre de la Cour, dont l’un exerce la fonction de rapporteur général.
Enfin, les projets de rapport public sont soumis, pour adoption, à la chambre du conseil où siègent en formation plénière ou ordinaire, sous la présidence du premier président et en présence du procureur général, les présidents de chambre de la Cour, les conseillers maîtres et les conseillers maîtres en service extraordinaire.
Ne prennent pas part aux délibérations des formations collégiales, quelles qu’elles soient, les magistrats tenus de s’abstenir en raison des fonctions qu’ils exercent ou ont exercées, ou pour tout autre motif déontologique.
Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne sur le site internet de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes : www.ccomptes.fr. Ils sont diffusés par La Documentation Française.
La Cour des comptes, délibérant en chambre du conseil en formation ordinaire, a adopté le présent rapport sur Le suivi individualisé des élèves : une ambition à concilier avec l’organisation du système éducatif.
Le rapport a été arrêté au vu du projet communiqué au préalable aux administrations et aux organismes concernés et des réponses adressées en retour à la Cour. Les réponses sont publiées à la suite du rapport. Elles engagent la seule responsabilité de leurs auteurs.
Ont participé au délibéré : M. Migaud, Premier président, MM. Durrleman, Briet, Mme Ratte, MM. Vachia, Paul, Duchadeuil, Piolé, Mme Moati, présidents de chambre, MM. Babusiaux, Descheemaeker, Bayle, Levy, Mme Froment-Meurice, M. Lefas, présidents de chambre maintenus en activité, MM. Rémond, Pannier, Lafaure, Mme Françoise Saliou, MM. Barbé, Tournier, Vivet, Maistre, Hayez, Mme Froment-Védrine, MM. Vialla, Sépulchre, Mousson, Chouvet, Viola, Le Mer, Rousselot, Glimet, Mme Latare, MM. de la Guéronnière, Brunner, Cahuzac, Basset, Mmes Coudurier, Périgord, M. Appia, conseillers maîtres, M. Jouanneau, conseiller maître en service extraordinaire.
Ont été entendus :
- en sa présentation, Mme Moati, présidente de la chambre chargée des travaux sur lesquels le rapport est fondé et de la préparation du projet de rapport ;
- en son rapport, M. Paul, rapporteur du projet devant la chambre du conseil, assisté de Mme Régis, conseillère référendaire, Mme Costes, rapporteure extérieure, rapporteures devant la chambre chargée de le préparer, et de M. Barbé, conseiller maître, contre-rapporteur devant cette même chambre ;
- en ses conclusions, sans avoir pris part au délibéré, M. Johanet, Procureur général. Il était accompagné de M. Miller, avocat général.
M. Lefort, secrétaire général adjoint, assurait le secrétariat de la chambre du conseil.
Fait à la Cour, le 24 février 2015.
Le projet de rapport soumis à la chambre du conseil a été préparé puis délibéré le 6 novembre 2014, par la troisième chambre de la Cour des comptes, présidée par M. Lefas, président de chambre, et composée de MM. Bayle, président de chambre maintenu, Frangialli, Barbé, Tournier, Mme Moati, MM. Sabbe, Guibert, Mme Dardayrol, conseillers maîtres et M. Blairon, conseiller maître en service extraordinaire, ainsi que, en tant que rapporteures, Mmes Régis, conseillère référendaire, Costes, rapporteure extérieure et, en tant que contre-rapporteure, Mme Seyvet, conseillère maître.
Le projet de rapport a été examiné et approuvé, le 25 novembre 2014, par le comité du rapport public et des programmes de la Cour des comptes, composé de M. Migaud, Premier président, MM. Durrleman, Lefas, Briet, Mme Ratte, MM. Vachia, Paul, rapporteur général du comité, Duchadeuil, Piolé, présidents de chambre, et M. Johanet, procureur général, entendu en ses avis.
De longue date, des objectifs ambitieux ont été assignés au système éducatif. La loi d’orientation du 10 juillet 1989 sur l’éducation lui a ainsi fixé pour cible d’amener 80 % des élèves au niveau du baccalauréat, tandis que la stratégie de Lisbonne lancée en 2000 a demandé aux États membres de l’Union européenne de porter à 50 % d’une génération la part de diplômés de l’enseignement supérieur.
La loi du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école franchit une étape supplémentaire en fixant à l’école un objectif de réussite de tous les élèves : elle consacre en effet l’objectif de conduire 100 % des élèves d’une classe d’âge au niveau du socle commun de compétences et de connaissances à l’issue de la scolarité obligatoire, objectif réaffirmé par la dernière loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013.
Face à l’hétérogénéité croissante des publics scolaires révélée par l’instauration du collège unique, la France, comme de nombreux autres pays confrontés à une situation comparable, a cherché à individualiser son enseignement, c’est-à-dire à l’adapter aux besoins de chaque élève. La loi du 11 juillet 1975 relative à l’éducation, dite « Haby », fondatrice du collège unique, est le premier texte à évoquer la problématique d’individualisation en France1. Le rapport de la Commission du débat national sur l’avenir de l’école de 2004 en fait également sa préconisation centrale.
Une situation préoccupante
Les résultats obtenus par la France lors de la dernière enquête PISA2 de l’organisation de coopération et de développement économique (OCDE), publiés en fin d’année 2013, témoignent de l’incapacité du système éducatif actuel à atteindre les objectifs qui lui ont été fixés :
- le score en mathématiques a diminué de 16 points entre PISA 2003 et PISA 2012, ce qui fait passer la France du groupe des pays dont la performance est supérieure à la moyenne de l’OCDE à ceux dont la performance est dans la moyenne de l’OCDE ;
- surtout, la France compte beaucoup plus d’élèves en difficulté, la part d’élèves en échec scolaire progressant selon l’OCDE de 17 % en 2003 à 22 % en 2012. En outre, les 10 % d’élèves les moins performants ont vu leurs résultats aux tests PISA se dégrader de 23 points sur la même période ;
- enfin, les 10 % d’élèves les plus performants ont eux aussi vu leurs résultats baisser de 6 points entre 2003 et 2012, signe que l’élite scolaire régresse également, même si le recul est nettement moindre que la progression de l’échec scolaire.
Par ailleurs, 15 % des 677 000 jeunes sortis du système éducatif en France métropolitaine n’ont obtenu aucun diplôme de fin d’enseignement secondaire du second cycle3, en moyenne chaque année entre 2010 et 2012. Or, comme le montrent les études4 du centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq), l’absence de tout diplôme se traduit par des difficultés beaucoup plus grandes sur le marché du travail en période conjoncturelle tendue. Moins souvent en emploi, ils restent aussi plus longtemps au chômage.
L’éducation nationale est loin d’atteindre ses objectifs alors même que l’État y consacre des moyens importants, avec près de 65 Md€ en 20145. Dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, la question de l’adéquation de l’organisation du système éducatif avec les objectifs qui lui sont assignés ne peut être éludée, comme la Cour a eu l’occasion de l’exposer dans ses travaux antérieurs.
Ainsi, dans son rapport de mai 2010 sur la réussite de tous les élèves6, la Cour avait étudié dans quelle mesure le système éducatif était bien « conçu et organisé en fonction des élèves », comme le prévoit le code de l’éducation, et se demandait s’il était de nature à favoriser la réussite de chaque élève, quelle que soit son origine sociale, culturelle ou géographique. Elle concluait notamment que l’enseignement scolaire n’avait « pas su réellement intégrer les missions de suivi et d’aide des élèves » et que les réformes successives engagées par le ministère avaient vite montré leurs limites, car elles « s’inscrivaient dans une organisation scolaire inchangée ».
Ce rapport, qui dressait un panorama du système éducatif, a été suivi d’un ensemble de travaux visant à approfondir certaines des problématiques soulevées :
- la question de l’allocation des moyens dans l’éducation nationale : dans deux référés de juillet 20127, adressés l’un au ministre de l’éducation nationale, et l’autre au Premier ministre, la Cour constatait que les inégalités dans la réussite scolaire observées sur le terrain étaient insuffisamment prises en compte dans l’attribution des moyens aux académies et aux établissements ;
- la gestion des enseignants : dans un rapport public thématique de mai 20138, la Cour observait que les principes guidant la gestion des ressources humaines du ministère « n’[avaient] pas évolué depuis le milieu du XXe siècle et ne permett[ai]ent pas au système éducatif de relever les nouveaux défis auxquels il est confronté ». Ce rapport soulignait en particulier l’absence de prise en compte du suivi individualisé des élèves dans les obligations de service des enseignants ainsi que la faiblesse de la dimension collective du métier d’enseignant, de nature pourtant à améliorer la réussite des élèves.
Le présent rapport, consacré aux dispositifs mis en place pour répondre à l’hétérogénéité des besoins des élèves, se propose de déterminer dans quelle mesure l’organisation actuelle du système éducatif est cohérente avec l’objectif d’individualisation de l’enseignement que se sont fixé les gouvernements successifs depuis l’avènement du collège unique.
La problématique de l’individualisation, objet de l’enquête
Selon une étude de la direction de l’évaluation et de la prospective de 20039, l’aide individualisée peut se caractériser comme « un ensemble de dispositifs et d’actions aux contours flous qui permettent de s’adapter à la diversité des élèves et de répondre à leurs besoins spécifiques de façon différenciée. Ces besoins ne relèvent pas tous de la difficulté scolaire, ils peuvent simplement relever de la singularité de chacun ».
Il existe deux conceptions différentes de l’enseignement individualisé : la première est celle de la « remédiation » pure, c’est-à-dire de la seule aide aux élèves en difficulté, tandis que la seconde prône une individualisation pour tous. La France ne s’est engagée que très récemment dans la seconde voie et a longtemps accordé une place prééminente à la remédiation, par le biais de dispositifs le plus souvent extérieurs à la classe et en marge du temps scolaire. D’autres systèmes scolaires poussent au contraire très loin la logique de prise en charge de tous les élèves dans le dispositif d’enseignement commun – dans des proportions bien sûr variables en fonction des besoins de chacun.
Les inspections générales donnent pour leur part la définition suivante de l’aide et de l’accompagnement individualisés des élèves dans un rapport de 201010 : ce sont des organisations visant à mettre en œuvre des actions « au bénéfice de l’individu-élève, en fonction de ses aptitudes et besoins individuels. (…) [C]es actions se distinguent de l’enseignement collectif ou frontal qui consiste à dispenser le même enseignement, de la même façon et en même temps, à un groupe d’élèves (classe) ».
On peut donc déduire de ces deux définitions que le suivi individualisé se définit à la fois par opposition à l’enseignement uniforme en classe entière et par son objectif d’adaptation à la spécificité des besoins des élèves – sans que ceux-ci ne se résument à la difficulté scolaire. L’enseignement différencié que chaque enseignant peut pratiquer au sein de sa classe constitue, bien entendu, la première démarche de personnalisation de l’enseignement ; il n’est toutefois pas inclus dans le champ du présent rapport car il relève de considérations purement pédagogiques qui échappent à la compétence de la Cour.
Seuls les dispositifs spécifiques d’individualisation mis en œuvre au sein des établissements seront donc étudiés ici, et uniquement sous l’angle de leur organisation, de leur coût, de leur gestion et des conditions de leur mise en œuvre.
Le périmètre de l’enquête
L’enquête s’est intéressée au premier comme au second degré, à la voie générale et technologique comme à la voie professionnelle, au secteur de l’enseignement public comme à celui de l’enseignement privé sous contrat. Seuls sont toutefois examinés les dispositifs relevant de la sphère de l’éducation nationale11. Sont ainsi exclus du périmètre de la présente enquête :
- les dispositifs portés par les collectivités territoriales, relevant ou non de la politique de la ville ;
- et le soutien scolaire privé.
Les dispositifs situés hors du périmètre de l’enquête
Au-delà des dispositifs de suivi individualisé des élèves institués par l’éducation nationale, il existe de nombreuses initiatives s’inscrivant dans le cadre de la politique de la ville ou émanant d’entreprises privées.
Ainsi, l’accompagnement à la scolarité, mis en place dans le cadre de la politique de la ville, propose une prise en charge globale de l’éducation du jeune et apporte une aide aux parents, incités à participer aux côtés de leurs enfants. Les intervenants sont nombreux et leur implication varie d’un département ou d’une commune à l’autre. En plus du ministère de l’éducation nationale, peuvent être associés le ministère de la ville, de la jeunesse et des sports, le ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, ou encore celui de la culture et de la communication, ainsi que les collectivités territoriales, les caisses d’allocations familiales, ou encore diverses agences gouvernementales et associations. À titre d’exemple, on peut citer les actions suivantes :
- les contrats locaux d’accompagnement à la scolarité (CLAS) s’articulant dans certains cas, avec le dispositif d’accompagnement éducatif des écoles élémentaires et des collèges. Ce dispositif interministériel et contractuel est encadré par un comité de pilotage national et se décline au niveau départemental ;
- le contrat éducatif local (CEL), qui est un projet permettant l’accès des jeunes à des activités culturelles, artistiques, sportives et éducatives variées, favorisant l’amélioration des résultats scolaires et l’apprentissage de la citoyenneté.
De nombreuses familles ont par ailleurs recours au soutien scolaire privé. Le marché privé des cours particuliers se répartit entre l’emploi direct et déclaré à domicile, l’emploi déclaré dans les entreprises de soutien scolaire et le travail non déclaré. Les personnes dispensant un soutien scolaire privé sont avant tout des étudiants et des enseignants. Le marché du soutien scolaire représentait, en 2011-2012, environ 1,5 Md€. Il touche un million d’élèves et mobilise 40 millions d’heures de cours. Les entreprises privées qui délivrent 5 millions d’heures ont une part de marché qui atteint 12,5 %.
D’après la Note d’analyse du CAS, « Quelle organisation pour le soutien scolaire ? », n° 315, janvier 2013
Au total, le présent rapport couvre les dispositifs suivants12, que l’on regroupera dans la suite du rapport sous l’expression « dispositifs de suivi individualisé des élèves » :
- les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) créés en 1990 ;
- les programmes personnalisés de réussite éducative (PPRE) créés par la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école de 2005 ;
- l’aide personnalisée et les stages de remise à niveau introduits dans le cadre de la réforme de l’école primaire en 2008 (l’aide personnalisée ayant été supprimée à la rentrée 2013) ;
- l’accompagnement personnalisé en 6e mis en place à la rentrée 2011 ;
- l’accompagnement éducatif instauré en 2008 dans les écoles de l’éducation prioritaire et la totalité des collèges ;
- l’accompagnement personnalisé, le tutorat, les stages de remise à niveau, stages passerelles et stages de langues, introduits au lycée professionnel dans le cadre de la rénovation de la voie professionnelle initiée en 2009, puis étendus à la voie générale et technologique par la réforme du lycée en 2010.
Au sein de l’éducation nationale, seul est pris en compte le champ des élèves relevant de l’« école unique », c’est-à-dire celle qui regroupe jusqu’à la fin de la 3e la quasi-totalité d’une génération au sein d’une même structure d’enseignement. Sont donc exclues du champ de l’enquête les structures spécialisées, destinées à répondre à des situations de handicap ou d’inadaptation, telles que les classes pour l'inclusion scolaire (CLIS) et les unités spécialisées pour l’intégration scolaire (ULIS) qui accueillent dans les écoles, collèges et lycées ordinaires des élèves présentant un handicap, physique ou mental, les sections d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) et les établissements régionaux d'enseignement adapté (EREA), destinés pour leur part aux élèves ayant des difficultés graves et durables ou présentant un handicap.
La démarche de la Cour
La Cour a fait le constat de la faiblesse de l’information disponible sur le sujet, autant administrative que scientifique. En effet, s’il existe bien des rapports sur ce thème, en particulier en provenance des inspections générales du ministère, ils n’étudient le plus souvent que la toute première mise en place des dispositifs, ne comportent pas d’évaluation de leur efficacité, ou bien sont ciblés sur un seul dispositif, ce qui empêche d’avoir une vision d’ensemble du sujet. Le seul rapport dont le champ d’étude est comparable à celui de la Cour est le rapport précité des inspections d’octobre 2010, mais sa date de publication ne lui permet pas de prendre en compte les changements majeurs introduits par la réforme du lycée à compter de la rentrée scolaire 2010. Quant aux travaux de recherche en sciences de l’éducation, ce thème fait encore peu l’objet d’études documentées.
Ce constat a conduit la Cour à mettre en place une double démarche, visant à produire des données et à faire ressortir des constats nouveaux. Les travaux ont été conduits en administration centrale et dans quatre académies : Amiens, Créteil, Grenoble et Strasbourg.
Amiens, Créteil, Grenoble et Strasbourg : un échantillon de quatre académies pour illustrer la diversité des pratiques en France
La Cour a sélectionné les quatre académies de son échantillon sur la base d’un arbitrage raisonné visant à limiter les biais de l’observation. Les quatre académies retenues représentent au total près de 20 % de la population scolarisée en France métropolitaine ; elles offrent des caractéristiques territoriales, socio-économiques et éducatives très diverses ; la combinaison de leurs caractéristiques est très proche de celles existant au plan national, ainsi que l’illustre le graphique n°1.
Graphique n°1 : principales caractéristiques de l’ensemble formé par les quatre académies et de la France métropolitaine
[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf Joint].
Des investigations de terrain dans 21 établissements ont permis de dresser de premiers constats. Cette démarche a été prolongée par une enquête statistique en ligne, conduite auprès de directeurs d’école et de chefs d’établissement des quatre académies concernées. Pour ce faire, un échantillon aléatoire d’écoles, de collèges, de lycées d’enseignement général et technologique et de lycées professionnels de ces quatre académies a été constitué à la demande de la Cour par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) et mis à sa disposition le 27 septembre 201313. Cet échantillon regroupe au total 880 établissements publics et privés sous contrat (400 écoles, 250 collèges et 230 lycées).
Méthodologie mise en œuvre
L’échantillon de 880 écoles et établissements a été tiré à partir des données du constat de rentrée 2011-2012 de la DEPP dans le premier et second degré, à l’aide de la macro CUBE de l’INSEE, en prenant en compte les contraintes suivantes :
- appartenance ou non au secteur privé ;
- appartenance à une commune de type INSEE « rural » ;
- appartenance à un réseau d’éducation prioritaire (ECLAIR, RRS) ;
- présence de classes élémentaires ou préélémentaires pour les écoles.
La Cour tient à souligner la grande réactivité de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance et à la remercier pour sa collaboration dans la constitution de cet échantillon, dont la fiabilité est ainsi garantie.
La gamme des dispositifs possibles variant en fonction du type d'établissement (école, collège ou lycée), trois questionnaires-types différents ont dû être élaborés : l'un pour les écoles primaires (questionnaire unique pour les niveaux maternelle et élémentaire), l’autre pour les collèges et le troisième pour les lycées (questionnaire unique en deux volets pour la voie professionnelle d’une part et la voie générale et technologique d’autre part). La Cour a utilisé un outil d’enquête statistique en ligne, Sphinx, afin de collecter les réponses aux enquêtes et d’assurer leur gestion (relances, vérifications quotidiennes, apurements).
Les trois enquêtes se sont déroulées d’octobre 2013 à février 2014. Les taux de réponse à chacune des enquêtes sont très satisfaisants : 68 % pour les écoles maternelles, 69 % pour les écoles élémentaires, 86 % pour les collèges, 81 % pour les lycées d’enseignement général et technologique et 77 % pour les lycées d’enseignement professionnel. La Cour souligne la participation active des services des rectorats ainsi que de l’ensemble des directeurs d’école et des chefs d’établissement sollicités. Les résultats de l’enquête statistique n’infirment aucun des constats établis lors des déplacements en académie mais permettent, au travers des réponses collectées, de les enrichir qualitativement et de les étayer en raison du nombre d’écoles et d’établissements inclus dans l’enquête. Les taux élevés de réponse obtenus in fine garantissent la valeur probante des enseignements tirés de l’enquête statistique. Il convient néanmoins de préciser que ces éléments ne peuvent en aucun cas être considérés comme une évaluation scientifique.
Sur la base de l’ensemble de ces constats, la Cour a engagé une large contradiction avec les responsables administratifs du ministère de l’éducation nationale ainsi qu’avec l’ensemble des autres acteurs du système éducatif (des enseignants des premier et second degrés, des directeurs d’école et chefs d’établissement, des représentants des corps d’inspection des premier et second degrés, des organisations syndicales, des associations d’élèves et de parents d’élèves, des experts en sciences de l’éducation), auxquels elle a soumis son diagnostic et ses propositions.
La Cour a également souhaité compléter ses travaux par une analyse de la situation dans trois pays étrangers : l’Autriche (Land de Vienne), le Canada (province de l’Ontario) et la Finlande. Ces pays ou territoires ont été choisis en raison des résultats de leurs élèves selon les études internationales ou pour les réformes récemment entreprises dans le domaine de l’individualisation de l’enseignement. Ils sont intéressants non en tant que modèles mais pour comprendre les motivations propres à chacun des systèmes éducatifs étudiés.
Le présent rapport est divisé en trois chapitres qui analysent successivement :
les hésitations entourant la démarche d’individualisation en France (I) ;
le pilotage défaillant des dispositifs de suivi individualisé des élèves (II) ;
les obstacles de fond à surmonter pour pouvoir réussir cette démarche (III).
Chapitre I
L’individualisation de l’enseignement, une démarche encore hésitante
Après avoir relevé avec succès le défi quantitatif, c’est-à-dire scolariser l’ensemble des classes d’âge de 6 à 16 ans, le système éducatif français est désormais confronté au défi qualitatif, à savoir celui de faire réussir l’ensemble des élèves concernés. Tel est en effet l’objectif que lui assignent les textes législatifs depuis la loi d’orientation et de programme du 23 avril 2005.
Pour ce faire, la France s’est lancée dans une démarche d’individualisation de l’enseignement, plus tardivement toutefois que d’autres pays membres de l’OCDE confrontés au même enjeu (I). Elle a multiplié durant la dernière décennie les dispositifs de suivi individualisé des élèves, qui constituent aujourd’hui un ensemble hétéroclite (II), témoignant d’une vision stratégique incertaine (III).
La nécessité d’individualiser l’enseignement est apparue avec l’instauration du collège unique et l’hétérogénéité des publics scolaires qui en a résulté. La démocratisation de l’accès à l’enseignement impose, en effet, un changement de modèle par rapport à l’organisation antérieure qui ne visait que la réussite scolaire d’un petit nombre d’élèves. Dans son rapport public thématique de mai 2010 portant sur la réussite de tous les élèves, la Cour en dressait déjà le constat : « le mode d’enseignement traditionnel, dispensé de façon uniforme par un enseignant délivrant un cours devant un groupe considéré comme scolairement homogène, n’est pas adapté à un système qui fixe des objectifs de réussite pour tous les élèves, quelle que soit l’hétérogénéité de leurs profils individuels ».
Nos partenaires de l’OCDE l’ont bien compris et ont développé des dispositifs de suivi individualisé des élèves, afin de faire face à la « massification » de l’enseignement. La France se caractérise, pour sa part, par son retard aussi bien à mettre en place l’école unique qu’à se lancer dans une démarche d’individualisation.
La France fait partie des derniers pays développés qui ont adopté le système du collège unique de 6 à 16 ans. Elle le fait avec la loi Haby du 11 juillet 197514.
Ce texte, fondateur du collège unique, est aussi le premier à évoquer la problématique de l’individualisation en France. Il faut attendre 1989 pour qu’elle s’adresse à l’ensemble du système éducatif.
Le lent démarrage du collège unique en France
Les États-Unis, précurseurs en la matière, ont fait ce choix dès les années 1920 (la common school est une création américaine). C’est plus tardivement que l’Europe occidentale adopte progressivement l’école unique, les pays scandinaves étant les pionniers de cette réforme. Dans le monde latin, le collège unique n’est adopté que dans les années 70. La France ne s’engage à son tour dans cette voie qu’avec la réforme Haby de 1975.
En outre, même après cette date, l’école unique reste en France largement en trompe-l’œil. En effet, le tronc commun – qui caractérise le collège unique – ne couvrait encore à cette époque que les deux premières années, c’est-à-dire la 6e et la 5e. Jusqu’à la fin des années 1970, un élève sur quatre ne poursuivait pas en 4e générale et était orienté vers des voies préparant à l’enseignement professionnel.
La classe de 5e cesse d’être une étape d’orientation en 1991. Toutefois, d’autres dispositifs prennent le relais (comme les 4e et 3e technologiques ou d’insertion) et, selon une étude de la DEPP de 2001, ce n’est qu’à la toute fin des années 1990 que la quasi-totalité d’une classe d’âge (97 %) atteint la classe de 3e et que l’on peut donc parler d’école unique, même si dans les faits les choix d’établissement ou d’options effectués par les familles peuvent toujours limiter l’hétérogénéité des publics scolaires.
L’apparition tardive de l’école unique en France explique qu’ait persisté longtemps un enseignement collectif et frontal, excluant toute forme d’individualisation, alors que de nombreux autres pays étrangers avaient déjà initié cette démarche. La chercheuse en sociologie Nathalie Mons15 le rappelle dans son ouvrage de 2007 : « alors que la France louvoyait pendant plus de deux décennies, créant et détruisant en continu des filières de relégation au sein de son collège supposé unique, à partir des années 1980, dans l’OCDE, certains pays, en particulier les pays scandinaves, mettaient en œuvre des réformes d’envergure pour moderniser leur école unique. Des plans ambitieux d’enseignement individualisé étaient adoptés pour permettre la suppression des classes de niveau ».
Source : Les nouvelles politiques éducatives, Nathalie Mons, PUF, 2007
La loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989 constitue le véritable tournant. Elle engage une nouvelle dynamique en imposant un objectif de 80 % d’une génération au niveau du bac et en déclarant dans son article 1er : « L’éducation est la première priorité nationale. Le service public de l’éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants ». Plaçant l’élève « au centre du système éducatif »16, cette loi encourage de facto l’individualisation de l’enseignement. Cette orientation ne sera pas démentie par les gouvernements successifs, tout au moins dans les textes.
Le rapport de la Commission du débat national sur l’avenir de l’école de 2004 va encore plus loin puisqu’il assigne clairement au système éducatif l’objectif de la réussite de tous les élèves et que l’une de ses recommandations pour y parvenir est de « personnaliser les apprentissages pour que tous les élèves maîtrisent le socle commun (…) »17.
La loi d’orientation et de programme du 23 avril 2005, qui fait suite au débat national sur l’avenir de l’école de l’année précédente, poursuit dans la même direction. Elle crée le socle commun de connaissances et de compétences indispensables à chaque élève et fixe pour objectif au système éducatif de conduire 100 % des élèves d’une classe d’âge jusqu’à ce niveau à l’issue de la scolarité obligatoire18. Elle est également à l’origine des programmes personnalisés de réussite éducative (PPRE), dispositif de pure remédiation qui vise à prendre en charge la difficulté scolaire et qui sera évoqué plus loin en détail.
La loi de refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013 officialise le changement de modèle d’individualisation qui avait commencé à apparaître avec la réforme du lycée conduite en 2010, à savoir le passage de l’aide aux seuls élèves en difficulté à l’accompagnement pour tous. Le rapport au Premier ministre qui l’accompagne indique ainsi que cette loi « consacr[e] le principe d’une école qui ne stigmatise plus les difficultés mais accompagne tous les élèves dans leur parcours scolaire ». Le principe de l’« inclusion » est explicitement reconnu dans son article 219. Le récent décret relatif au suivi et à l'accompagnement pédagogique des élèves20 pris en application de cette loi, confirme ce changement de paradigme.
De nombreux pays étrangers se sont engagés dans la démarche d’individualisation de l’enseignement avant la France, cette orientation ayant le plus souvent été précédée par la mise en place de l’école unique.
Ainsi, en Finlande, la loi sur l'enseignement obligatoire en 1983, puis le New comprehensive school national core curriculum en 1985, ont confirmé un principe établi de longue date, à savoir celui de l'intégration dans un système éducatif où tous les élèves sont scolarisés dans le même type d’établissement au sein de « l’école fondamentale » (qui regroupe l’école primaire et le collège français), tout en bénéficiant d’un enseignement différencié et d'une aide individualisée. Cette grande réforme a été complétée, entre 2007 et 2011, par celle du « soutien pédagogique » qui devient un droit pour l’élève. Son principe repose sur une identification précoce des difficultés afin d’y répondre rapidement, le système d’aide devant être flexible, envisagé sur le long terme et adapté aux besoins de l’élève.
L’individualisation de l’enseignement en Finlande
L’enseignement y est d’abord dispensé par un maître polyvalent (« class teacher », pour les niveaux 1 à 6 – l’équivalent du CP à la classe de 6e dans le système scolaire français), puis par des maîtres disciplinaires plurivalents, enseignant deux ou trois matières (« subject teachers », pour les niveaux 7 à 9 – l’équivalent de la classe de 5e à la classe de 3e dans le système scolaire français) dans une structure unique formant « l’école fondamentale » (peruskoulu). Les enseignants doivent aider les enfants et les adolescents à progresser en fonction de leurs capacités individuelles.
Des enseignants spécialisés (« specialized teachers ») sont spécifiquement chargés de la détection des difficultés d’apprentissage et peuvent être mobilisés dans la réponse à apporter, même si l’enseignant titulaire est le premier concerné.
Tous les élèves en âge de scolarité obligatoire ont droit à un soutien général, à savoir un enseignement différencié en classe et le soutien scolaire, auxquels peuvent s’ajouter des séances de travail avec l’enseignant spécialisé. Un soutien intensif est accordé aux élèves qui ont besoin d’un soutien régulier ou de plusieurs formes de soutien simultanément, l’objectif étant d’empêcher que les difficultés détectées ne s’aggravent. Enfin, les enfants qui ne sont pas en mesure de suivre l’enseignement régulier, alors qu’ils bénéficient d’un soutien général ou intensif, doivent recevoir un soutien spécial. Cette dernière forme de soutien a pour objectif principal de fournir aux élèves une aide plus ample et plus systématique, afin qu’ils puissent achever l’école fondamentale dans de bonnes conditions et accéder au secondaire supérieur.
Les actions de soutien sont tout d’abord assurées dans la classe par l’enseignant titulaire. Les maîtres spécialisés n’interviennent que dans un deuxième temps. Ils sont en permanence présents dans les établissements (sauf dans les zones rurales très isolées). Ils planifient et choisissent les formes adéquates de soutien pour les élèves qui en ont besoin et coopèrent avec les professeurs titulaires et les parents. Ils peuvent intervenir sous forme de co-intervention dans la classe ou auprès d’un petit groupe d’élèves en lieu et place d’un cours. À cette fin, ils assistent régulièrement aux cours des enseignants en charge de la classe, sont informés des devoirs et maintiennent un contact étroit avec l’enseignant titulaire, de manière à assurer la continuité de l’enseignement pour les élèves concernés.
L’assistant social scolaire, le psychologue scolaire, l’infirmier scolaire et le conseiller d’orientation sont les autres membres du « groupe d’encadrement des élèves » animé par le chef d’établissement. Ils interviennent régulièrement auprès des élèves et des enseignants.
De la même façon, l’Ontario a conduit à partir de 2003 une réforme éducative de grande ampleur, visant à améliorer les résultats jugés insuffisants de l’enseignement primaire et secondaire. Le texte de référence date de 2008 et se fixe pour objectif principal « d’appuyer chaque élève, quelles que soient ses circonstances personnelles »21. Cela passe notamment par « une aide et un soutien plus personnalisés aux élèves », grâce en particulier à la création dans le secondaire d’équipes « responsables de la réussite des élèves », venues renforcer les personnels en place, avec la tâche de « fournir une attention et un soutien supplémentaires à des élèves individuels ». Cette réforme d’ensemble s’est traduite par un redressement spectaculaire des résultats obtenus22.
En dernier lieu, l’exemple autrichien, bien plus tardif, est particulièrement intéressant, car il illustre en quoi les deux trajectoires du collège unique et de l’individualisation sont liées. L’Autriche vit en effet une double évolution dans les années récentes, consistant à la fois à assouplir son système d’enseignement dual (autrement dit, à se rapprocher du système de l’école unique) et à encourager une plus grande individualisation de l’enseignement, l’un allant de pair avec l’autre.
L’individualisation de l’enseignement en Autriche
Le système éducatif autrichien est historiquement un système dit « de séparation ». La scolarité obligatoire commence à l’âge de six ans et dure neuf ans. La dualité du système scolaire est introduite dès le premier cycle du secondaire. Les élèves ont le choix entre deux types d’écoles d’une durée de quatre ans : le collège (Hauptschule), orientant principalement vers une poursuite d’études en voie professionnelle, ou le premier cycle d’une école secondaire d’enseignement général (allgemein bildende höhere Schule-AHS Unterstufe).
L’une des plus importantes innovations récentes dans le système éducatif autrichien est la réforme du nouveau collège (Neue Mittelschule-NMS). Il s’agit d’un collège unique pour les élèves de 10 à 14 ans. Existant depuis l’année scolaire 2008-2009 sous la forme d’un projet pilote, le « nouveau collège » a le statut d’établissement d’enseignement général depuis le 1er septembre 2012. À la rentrée scolaire 2014, on comptait déjà 1 073 « nouveaux collèges », et le gouvernement autrichien souhaite couvrir la totalité des collèges d’ici la rentrée 2016.
Les caractéristiques principales du nouveau collège consistent à ne plus diriger les enfants prématurément dans des voies scolaires différentes, et à diffuser largement la nouvelle culture de l’enseignement, fondée sur l’individualisation et l’enseignement différencié dans la classe. L’objectif est de laisser les élèves acquérir les connaissances à leur propre rythme et de leur prodiguer par ailleurs très tôt l’assistance supplémentaire dont ils auraient besoin pour développer leurs talents particuliers. Les cours au nouveau collège sont dispensés conjointement par des équipes d’enseignants des collèges, des écoles secondaires d’enseignement général et des lycées professionnels.
La création du nouveau collège s’inscrit dans le cadre plus global d’une réforme sur l’individualisation de l’enseignement démarrée en 2007.
Encore en cours de déploiement, la réforme autrichienne présente l’intérêt de conditionner l’introduction du collège unique à l’individualisation. Elle met en place un important accompagnement des acteurs concernés sur le terrain.
Au total, la démarche d’individualisation de l’enseignement est apparue plus tardivement en France qu’à l’étranger. Inscrite néanmoins avec constance dans les textes depuis plus de vingt ans, elle y prend une forme particulièrement foisonnante et éclatée.
La France se distingue des pays les plus avancés dans la démarche d’individualisation (pays scandinaves, province d’Ontario, parmi ceux que la Cour a eu l’occasion d’étudier) par la place prééminente accordée aux dispositifs extérieurs à la classe et en marge du temps scolaire, visant à traiter la difficulté scolaire.
Les réformes successives ont conduit à une véritable stratification de dispositifs de suivi individualisé des élèves mis en œuvre par le ministère, qui en rend difficile la compréhension par les élèves et leurs familles. Ces dispositifs peuvent être classés en trois catégories :
les dispositifs centrés sur les élèves en difficulté, autrement dit les dispositifs de remédiation, en direction desquels la France s’est historiquement d’abord engagée (A) ;
les dispositifs fondés sur le volontariat des élèves, sans prise en compte spécifique ni systématique de la difficulté scolaire (B) ;
les dispositifs d’individualisation destinés à tous les élèves et figurant obligatoirement dans leur emploi du temps, d’inspiration plus récente (C).
Si le ministère considère que c’est avant tout au sein de la classe, pendant les cours habituels, que sont mis en œuvre par les enseignants les moyens de répondre aux besoins de leurs élèves, il n’en a pas moins multiplié les dispositifs de prise en charge extérieure de la difficulté scolaire, là où d’autres systèmes scolaires poussent au contraire très loin la logique de prise en charge de tous les élèves dans le dispositif d’enseignement commun.
Les dispositifs de suivi individualisé des élèves forment au total un ensemble particulièrement peu lisible, comme en témoigne le tableau n° 1.
Tableau n° 1 : les dispositifs étudiés selon le niveau scolaire et leur nature
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
La France est entrée historiquement dans la démarche d’individualisation de l’enseignement par le biais de la remédiation, autrement dit de l’aide aux élèves en difficulté. Le principe d’une telle aide est consacré par plusieurs dispositions du code de l’éducation. Ainsi, l’article L. 311-7 prévoit dans son deuxième alinéa qu’« au terme de chaque année scolaire (…), le conseil des maîtres dans le premier degré ou le conseil de classe présidé par le chef d’établissement dans le second degré se prononce sur les conditions dans lesquelles se poursuit la scolarité de l’élève. S’il l’estime nécessaire, il propose la mise en place d’un dispositif de soutien (…) ». L’article L. 311-3-1 dispose pour sa part qu’ « à tout moment de la scolarité obligatoire, lorsqu’il apparaît qu’un élève risque de ne pas maîtriser les connaissances et les compétences indispensables à la fin d’un cycle, le directeur d’école ou le chef d’établissement met en place (…) des dispositifs d’aide qui peuvent prendre la forme d’un programme personnalisé de réussite éducative ».
Les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) sont, par ordre chronologique, le premier dispositif visant à traiter la difficulté scolaire dans le premier degré (si l’on exclut le travail quotidien de l’enseignant dans sa classe). Créés en 199023, ils réunissent des psychologues scolaires et des enseignants spécialisés (« maîtres E » et « maîtres G »)24 : ils interviennent, hors de la classe (le plus souvent) ou en son sein, lorsque des élèves éprouvent des difficultés particulières dans l’acquisition et la maîtrise des apprentissages fondamentaux25. La circulaire du 17 juillet 200926 redéfinit les fonctions des personnels spécialisés des RASED en renforçant leur lien avec les enseignants titulaires de la classe27, mouvement confirmé et prolongé par la nouvelle circulaire de 201428.
Les emplois implantés dans les RASED sont en forte baisse depuis 2008. Selon les chiffres cités par un récent rapport de l’IGEN29, leur nombre a été ramené de 15 028 en 2007 à 10 152 à la rentrée 2012, soit une baisse de 4 876 emplois (32,4 %) en cinq ans.
Dans l’enseignement privé, il existe aussi des enseignants spécialisés et des psychologues intervenant auprès d’élèves à besoins éducatifs particuliers poursuivant leur scolarité dans des classes ordinaires. Ils travaillent en réseau dans un ou plusieurs établissements scolaires sous la responsabilité des chefs d’établissement. Ainsi, on dénombre 1 610 emplois de maîtres spécialisés (en ETP) alloués par l’État aux établissements catholiques sous contrat, et environ 200 psychologues de l’éducation rémunérés par les établissements ou les directions diocésaines30.
Sur le terrain, nombreuses sont les écoles à bénéficier du soutien des RASED, même si, d’après les observations de la Cour lors de ses déplacements, leurs interventions sont très ponctuelles dans chaque école, un membre de RASED étant le plus souvent compétent pour plusieurs d’entre elles. Selon l’enquête statistique de la Cour, 71 % des écoles élémentaires et 68 % des écoles maternelles disent bénéficier de l'intervention d'un RASED, avec une plus forte représentation du psychologue scolaire (qui est intervenu dans quasiment toutes les écoles bénéficiaires) et du maître E (cité par 55 % des écoles élémentaires et 44 % des écoles maternelles bénéficiaires) que du maître G (évoqué par seulement 25 % des écoles élémentaires et 34 % des écoles maternelles bénéficiaires).
Les inspections générales du ministère se montrent cependant très critiques, dans leurs rapports successifs, sur le mode d’intervention des RASED, qui est jugé le plus souvent « soustractif » ou « extractif », car il revient à sortir de la classe le ou les élèves concernés. Dans un rapport de mai 201331, l’IGEN réitère le constat d’inadéquation du dispositif aux besoins de l’école d’aujourd’hui : « l’écart entre le cercle encore fermé que constituent le RASED et l’équipe enseignante, le caractère “ soustractif ” de l’aide spécialisée, l’insuffisance des informations échangées ou le processus formel de traitement de la demande ne peuvent être maintenus en l’état ». La circulaire précitée d’août 2014 vise précisément à y remédier.
À la faveur de la réforme de l’enseignement primaire, sont créés en 2008 deux nouveaux dispositifs d’aide aux élèves en difficulté : l’aide personnalisée et les stages de remise à niveau, tous deux situés en-dehors de la classe et s’ajoutant au temps scolaire.
L’aide personnalisée, supprimée à la rentrée 2013 qui voit apparaître les activités pédagogiques complémentaires, était dispensée en petits groupes par l’enseignant titulaire de la classe. Elle s’adressait aux élèves sélectionnés par leur enseignant, pour lesquels l’enseignement différencié conduit dans la classe ne suffisait pas à lever une difficulté d’apprentissage. L’aide personnalisée était officiellement intégrée dans le service des enseignants du premier degré. Son instauration est en effet liée au passage à la semaine de quatre jours en 2008, qui supprimait trois heures d’enseignement le samedi matin, soit 108 heures sur l’année. Sur ces 108 heures, 60 étaient dédiées à l’aide personnalisée, soit un peu moins de deux heures par semaine sur l’année32.
Au moment de sa suppression, ce dispositif était bien implanté dans les écoles publiques et privées, alors qu’il avait pu être contesté à ses débuts. Les résultats de l’enquête statistique de la Cour et les données de la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) sont convergents et indiquent que les écoles le pratiquaient dans leur quasi-totalité, un tiers en moyenne des élèves étant concernés. Trois défauts étaient cependant reprochés à l’aide personnalisée : elle aboutissait à un allongement de la journée des élèves ; elle pouvait être stigmatisante pour les élèves qui en bénéficiaient ; enfin, ses modalités d’action étaient insuffisamment diversifiées, puisqu’elle se traduisait par deux heures hebdomadaires sur tout le territoire. À cela s’ajoute une difficulté majeure identifiée par les inspections générales dans une note de synthèse sur la réforme de l’école primaire : l’aide personnalisée répondait surtout à des besoins ou difficultés ponctuels mais ne permettait pas, selon les enseignants, de compenser les difficultés lourdes.
Les activités pédagogiques complémentaires ont été instaurées à la rentrée 2013 dans le cadre de la réforme sur les rythmes scolaires et visent à répondre à certaines de ces critiques, même si elles soulèvent d’autres problèmes par ailleurs (cf. infra).
Les activités pédagogiques complémentaires
Les activités pédagogiques complémentaires sont introduites par la circulaire du 4 février 2013. Dispensées, elles aussi, en groupe restreint d’élèves, elles se distinguent de l’aide personnalisée d’au moins quatre façons :
- le volume horaire qui leur est consacré diminue considérablement, puisqu’il passe de 60 heures pour l’aide personnalisée à 36 heures pour les activités pédagogiques complémentaires. Les 24 heures de différence sont dédiées à de la concertation pédagogique ;
- le public n’est pas le même puisque les activités pédagogiques complémentaires s’adressent potentiellement « à tous les élèves en fonction des besoins identifiés par l’enseignant » ;
- le contenu en est différent puisque les activités pédagogiques complémentaires doivent permettre : « une aide aux élèves rencontrant des difficultés dans leurs apprentissages », « une aide au travail personnel », ou « la mise en œuvre d'une activité prévue par le projet d'école », y compris dans les domaines artistique, culturel ou sportif. Elles ne constituent donc pas uniquement un dispositif de remédiation comme l’aide personnalisée ;
- enfin, l’adjectif « personnalisé » disparaît au profit de celui de « complémentaire », de sorte que l’on peut douter que les activités pédagogiques complémentaires aient la même ambition de personnalisation que le dispositif antérieur. Toutefois, la circulaire de rentrée 2014 du 22 mai 2014 précise qu’elles « contribuent à la réussite de tous grâce à un accompagnement différencié favorisant le plaisir d’apprendre ».
Les stages de remise à niveau relèvent d’une logique différente, puisque les élèves doivent être volontaires et qu’ils ne sont pas assurés par l’enseignant titulaire de la classe mais par des enseignants du premier degré, volontaires et rémunérés en heures supplémentaires. Ils se déroulent pendant les vacances scolaires (trois heures par jour sur cinq jours) et s’adressent aux élèves de CM1 et de CM2 présentant des lacunes importantes en français et en mathématiques. Comme dans l’aide personnalisée, le travail est effectué en petits groupes. Dans les quatre académies observées par la Cour, 58 % des écoles publiques et privées organisent des stages de remise à niveau - mais ces stages ne concernent en moyenne que 5 à 8 % des élèves d'une école33.
On peut regretter que la note ministérielle qui institue les stages de remise à niveau34 fixe un objectif quantitatif uniforme sur tout le territoire en termes de capacité d’accueil (10 % en moyenne des élèves des cours moyens de chaque département), car cela suppose que la difficulté scolaire soit identique sur tout le territoire. En outre, le recrutement des enseignants sur la base du volontariat peut conduire, selon les inspections générales dans la note de synthèse sur la réforme de l’école primaire précitée, à une offre de stages insuffisante dans les endroits où les besoins sont les plus grands. Selon l’enquête statistique de la Cour, l’indisponibilité des enseignants est la première raison pour laquelle les écoles n’organisent pas de stages (la moitié des écoles invoquant ce motif).
Il existait jusqu’en 2010 un double dispositif de remédiation au lycée : l’aide individualisée et les modules, tous deux créés en 1999. Ce système, qui a été en vigueur pendant plus de dix ans, avant d’être remplacé par l’accompagnement personnalisé, se caractérisait par la juxtaposition d’un volet obligatoire pour tous les élèves (les modules) et d’un volet optionnel (l’aide individualisée), réservé en théorie aux élèves en difficulté.
- L’enseignement en modules était ancré sur quatre disciplines (l’horaire dédié aux modules étant intégré dans l’horaire de la discipline) et devait permettre aux enseignants de travailler les méthodes des disciplines concernées, tout en favorisant une approche différente de celle des cours traditionnels. L’enseignement était dispensé en sous-groupes différenciés et évolutifs. Selon le bilan tiré de ce dispositif par la DGESCO, « de nombreux enseignants utilisaient la plage horaire du module pour rattraper le programme non réalisé en classe entière » et les objectifs initiaux n’ont pas été atteints.
- L’aide individualisée concernait environ 20 % des élèves. Cette aide portait sur le français et les mathématiques et se déroulait dans le cadre de petits groupes, redéfinis régulièrement. La DGESCO a relevé de multiples dysfonctionnements de l’aide individualisée, qui l’ont conduite à lui substituer l’accompagnement personnalisé en 2010. Elle notait en particulier : des modalités pratiques peu abouties, une efficacité pédagogique limitée du fait de l’hétérogénéité du niveau des élèves ; une insuffisante adaptation du contenu de l’aide aux besoins des élèves ; un mauvais ciblage du dispositif qui bénéficiait davantage à des élèves de niveau moyen qu’à des élèves « faibles » ; l’universalité, voire l’uniformité dans l’attribution des moyens aux établissements ; un manque de formation des enseignants ; enfin, les difficultés de repérage des besoins des élèves par les enseignants. Les inspections générales concluent pour leur part que « l’expérience de plus de dix ans des modules et de l’aide individualisée ne semble pas avoir eu d’effets significatifs sur les pratiques des professeurs, démunis sur les stratégies et démarches d’aide aux élèves ».
La Cour a pu observer dans certains établissements que les défauts qui caractérisaient l’aide individualisée pouvaient se retrouver aujourd’hui dans l’accompagnement personnalisé, qui lui a succédé.
Il faut enfin relever qu’un certain nombre de collèges et de lycées ont mis en place de leur propre initiative des dispositifs de remédiation en sus des prescriptions réglementaires35.
Il s’agit du seul dispositif d’individualisation prévu par une loi, en l’occurrence la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005. Il est mis en place à tous les niveaux d’enseignement de l’école primaire et du collège depuis la rentrée 2007 et a vu son existence confortée par la loi du 8 juillet 2013 portant refondation de l’école.
Le PPRE se présente comme un plan coordonné d’actions qui se déroulent pendant la classe comme en dehors. Il s’adresse aux « élèves rencontrant des difficultés importantes ou moyennes (…) susceptibles de compromettre (…) leurs apprentissages ». Un PPRE est également mis en place lors d’un redoublement pour en assurer « l’efficacité pédagogique ». Le PPRE est élaboré par l’équipe enseignante et discuté avec les familles ; il se traduit par un engagement formalisé et mutuel de l’école ou du collège et de la famille, voire de l’élève. Afin de faciliter la transition école-collège, le dispositif est complété en 2011 par le « PPRE-passerelle » entre le CM2 et la 6e : il vise à assurer une continuité des aides engagées à l’école primaire dès le début de la 6e.
PPRE, l’exemple d’un collège visité par la Cour
Le PPRE est conçu dans ce collège comme un outil privilégié pour atteindre l’objectif prioritaire du projet d’établissement 2012-2016 d’être le lieu de réussite des élèves grâce à l’accompagnement à la scolarité et à la personnalisation des parcours.
Dans le cadre du PPRE, l’équipe enseignante dresse un état des lieux détaillé de l’ensemble des difficultés qui peuvent affecter l’élève concerné : difficultés d’apprentissage (en référence aux sept compétences du socle36), difficultés dans la relation aux autres ou à l’autorité, problèmes socio-culturels, problèmes médicaux (troubles spécifiques des apprentissages du type dyslexie, dysorthographie ou handicap, etc.). Ce document permet de partager les difficultés dont souffre l’élève, l’idée étant que la famille, les enseignants et l’élève soient d’accord sur le constat et sur les actions envisageables. Le document sert par la suite d’outil de suivi des interventions mises en place, dans et hors la classe, et de leurs effets.
Le PPRE comprend à la fois le travail de diagnostic de l’équipe locale, la concertation avec l’élève et sa famille, les dispositions mises en œuvre dans ce cadre et le document élaboré. En janvier 2013, 8 % des élèves du collège bénéficiaient d’un PPRE.
La part des élèves pris en charge dans le cadre d’un PPRE varie considérablement sur le territoire, en fonction du type d’école ou d’établissement. En moyenne, selon les données de la DGESCO, près de 8 % des élèves d’école élémentaire et 6,5 % des collégiens bénéficient d’un PPRE sur l’année scolaire 2012-2013. Cette part est bien plus grande dans l’enseignement public (8,4 % en école et 7,4 % au collège) que dans l’enseignement privé (respectivement 4,3 % et 2,3 %). En outre, si ce dispositif est largement implanté sur le terrain, puisque 86 % des écoles élémentaires et 83 % des collèges le pratiquent37, il recouvre des réalités et un investissement des enseignants très variables selon le contexte local38. Enfin, alors qu’il est supposé être obligatoire en cas de redoublement, en pratique, il n’est proposé selon les données de la DGESCO qu’à six élèves sur dix de l’école élémentaire se trouvant dans cette situation. Le phénomène est accentué au collège, où un PPRE n’est proposé qu’à 27 % des collégiens qui redoublent.
À côté de ces dispositifs ciblant spécifiquement les élèves en difficulté, la France a également mis en place des dispositifs visant uniquement les élèves volontaires.
L’accompagnement éducatif est créé en 200739 dans les collèges de l’éducation prioritaire et étendu l’année suivante à tous les collèges, puis aux écoles élémentaires de l’éducation prioritaire, afin de répondre à une demande sociale de prise en charge des élèves après les cours. Il comprend quatre domaines d’activité : l’aide au travail scolaire pour le niveau élémentaire et l’aide aux devoirs et aux leçons pour le niveau du collège ; la pratique sportive ; la pratique artistique et culturelle ; et l’anglais oral. Les activités sont assurées par des enseignants volontaires, des assistants pédagogiques ou d’éducation, des personnels non enseignants ou des intervenants extérieurs, tous rémunérés en heures supplémentaires effectives ou en vacations, selon leur statut. Sa durée indicative est de deux heures par semaine, qui s’ajoutent à l’horaire normal de classe et sont positionnées le plus souvent en fin de journée.
Selon les données de la DGESCO, ce dispositif est implanté dans la quasi-totalité des collèges et touche un tiers des collégiens. Dans les écoles relevant de l’éducation prioritaire, un tiers des élèves sont également concernés. Toutefois, l’accompagnement éducatif s’adressant aux élèves volontaires de l’établissement, rien ne garantit qu’il bénéficie aux élèves qui en ont le plus besoin : les publics les plus éloignés de l’école sont en effet rarement motivés par un allongement de leur journée scolaire.
En termes de contenu, l’aide aux devoirs est très majoritairement représentée (60 % des heures d'accompagnement éducatif y étant affectées en 2012-2013 selon la DGESCO). La Cour avait déjà noté dans son rapport public thématique de mai 2010 sur l’éducation nationale face à l’objectif de la réussite de tous les élèves : « l’aide aux devoirs (…) ne devrait pas, si elle est nécessaire pour la réussite de l’élève, reposer sur le principe du volontariat ; en outre, elle devrait, pour être efficace, être assurée ou bien étroitement coordonnée par les enseignants de l’élève ». Elle réitère son observation à l’issue de cette enquête.
Certes, dans certains établissements en 2012-2013, l’accompagnement éducatif s’inscrit bien dans la démarche de personnalisation du suivi des élèves : les élèves le suivent sur recommandation de leur enseignant40. Cependant, la Cour regrette que, dans la majorité des écoles et des collèges, cet accompagnement relève de la seule initiative des élèves et de leur famille.
Le dispositif d’accompagnement éducatif n’existe pas au lycée. La réforme du lycée de 2010 a, en revanche, institué une série de dispositifs visant à mettre en œuvre un suivi personnalisé des élèves : le tutorat par un adulte, les stages de remise à niveau, les stages passerelles et les stages de langues. Ces dispositifs, qui concernent autant la voie générale et technologique que la voie professionnelle, sont fondés sur le volontariat des élèves et s’ajoutent au temps d’enseignement commun. Ils se caractérisent tous par une assez faible implantation dans les lycées.
Dans le cadre du tutorat par un adulte référent, le tuteur comme l’élève doivent être volontaires. Le tuteur est un enseignant, un documentaliste ou un conseiller principal d’éducation volontaire ; il perçoit une rémunération spécifique au titre de cette fonction. Ce dispositif, tel qu’il est défini dans la réforme du lycée, est toutefois très peu mis en œuvre sur le terrain, ainsi que le soulignent tant la DGESCO que les inspections générales dans leurs rapports de suivi de la réforme du lycée, en raison principalement de l’insuffisance du nombre d’enseignants volontaires.
Les stages de remise à niveau et stages passerelles sont organisés pendant les vacances scolaires ou pendant l’année scolaire, hors temps d’enseignement. Les premiers visent à prévenir les redoublements et sont centrés sur l'acquisition de compétences, de méthodes et de contenus disciplinaires, tandis que les seconds ont pour but de permettre un changement de voie (entre la voie professionnelle et la voie générale et technologique) ou un changement de série afin de favoriser les changements d’orientation. Selon la DGESCO41, « les premières données disponibles laiss[ai]ent à penser que ces dispositifs n’[avaient] pas encore trouvé leur vitesse croisière et ne concern[ai]ent qu’un nombre restreint d’établissements », mais des données plus récentes (concernant le début d’année scolaire 2013-2014) « laissent entrevoir une forte progression ».
Selon l’enquête statistique de la Cour, les stages de remise à niveau bénéficient en moyenne à 17 % des élèves de la voie générale et technologique et à 15 % des élèves de la voie professionnelle. Les stages passerelles sont pour leur part beaucoup moins utilisés (ils ne concernent pas plus de 3 à 4 % des élèves), sans doute en raison de la plus faible proportion des lycéens que cible ce dispositif. En outre, la « passerelle » ne fonctionne que dans un sens, puisque les stages passerelles sont surtout utilisés dans le cadre d’une réorientation d’élèves de la voie générale et technologique vers la voie professionnelle, l’inverse ne se produisant quasiment jamais.
Les stages de langues sont proposés aux lycéens volontaires pendant les vacances d’hiver, de printemps et d’été. Ils sont encadrés par des enseignants eux aussi volontaires, rémunérés en heures supplémentaires effectives, ou par des assistants de langues rémunérés en vacations s’ils n’interviennent pas pendant leur temps de service. Les stages de langues sont davantage utilisés par les lycées d'enseignement général et technologique (25 % des lycées) que par ceux de la voie professionnelle (7 % seulement)42.
La troisième catégorie de dispositifs est la plus récente : il s’agit des dispositifs d’individualisation destinés à tous les élèves.
L’introduction de l’accompagnement personnalisé, en 2009 pour la voie professionnelle et en 2010 pour la voie générale et technologique, introduit une rupture forte dans le modèle retenu jusque-là par le système éducatif français : il s’agit désormais d’un enseignement à part entière, qui concerne tous les élèves, ne vise pas la remédiation et a lieu sur le temps scolaire.
L’accompagnement personnalisé occupe une place majeure dans la rénovation de la voie professionnelle engagée en 2009. Selon l’arrêté du 10 février 2009, dans la voie professionnelle, « les dispositifs d’accompagnement personnalisé s’adressent aux élèves selon leurs besoins et leurs projets personnels ». 210 heures sont consacrées à cet enseignement sur les trois ans que dure la nouvelle scolarité du baccalauréat professionnel, soit environ deux heures et demie par semaine. L’ensemble des données qui suivent proviennent de l’enquête statistique auprès des lycées menée par la Cour.
En termes de périmètre, l'accompagnement personnalisé est mis en place dans 92 % des lycées (ou sections) d'enseignement professionnel (au moins à un des trois niveaux : seconde, première ou terminale), cette part étant plus faible dans les lycées de grande taille (83 %). Il est plus souvent mis en place pour les élèves de seconde que pour ceux de terminale.
En termes de moyens mobilisés, dans la voie professionnelle, les disciplines d'enseignement des professeurs qui ont assuré l'accompagnement personnalisé sont très majoritairement le français et les mathématiques. Les enseignants de disciplines de l’enseignement professionnel interviennent aussi dans 85 % des lycées.
En termes de contenu, en lycée professionnel, les projets transversaux43 sont moins souvent mis en place dans le cadre de l'accompagnement personnalisé que les activités de méthodologie et de soutien : ils concernent tout de même en seconde 44 % des lycées.
De manière surprenante, aucun accompagnement personnalisé n’est prévu par les textes pour les élèves préparant des certificats d’aptitude professionnelle (CAP), « là (où) se concentre la population scolaire la plus fragile, avec un enjeu d’insertion professionnelle mais aussi sociale » 44. L’IGAENR préconisait pourtant dans le même rapport de « renforcer l’accompagnement pédagogique de ces formations (dans l’esprit de l’accompagnement personnalisé mis en place en seconde pro) ».
Les résultats de l’enquête statistique menée par la Cour permettent toutefois de nuancer cette observation, car ils font apparaître des initiatives spécifiques des établissements concernés pour prendre en charge ce type de public. Ainsi, au cours de l’année scolaire 2012-2013, plus de la moitié des lycées professionnels ont étendu l’accompagnement personnalisé à leurs élèves de CAP, bien que cela ne soit pas prévu par les textes, et 62 % ont fait de même pour le tutorat par un adulte. Cependant, cet « oubli » des textes réglementaires a pour effet de reporter la responsabilité sur les initiatives locales.
La personnalisation des parcours constitue l’inspiration principale de la réforme du lycée général et technologique de 2010. L’accompagnement personnalisé, qui entre en vigueur en seconde à compter de la rentrée 2010, en première à compter de la rentrée 2011 et en terminale à compter de la rentrée 2012, en constitue l’un des instruments, aux côtés des stages et du tutorat évoqués supra. Ce nouvel enseignement s’organise autour de trois activités principales : le soutien, l’approfondissement et l’aide à l’orientation ; il doit être « distinct du face-à-face disciplinaire » et prendre « notamment la forme de travaux interdisciplinaires » selon la circulaire qui l’institue45. L'horaire prévu pour chaque élève est de 72 heures par an. Comme précédemment, les données exposées ci-dessous proviennent de l’enquête statistique auprès des lycées menée par la Cour.
En termes de périmètre, l'accompagnement personnalisé est mis en place dans quasiment tous les lycées (ou sections) d'enseignement général et technologique (98 %). Cependant, 7 % des lycées qui accueillent des élèves préparant un baccalauréat général ou technologique ne le pratiquent pas aux trois niveaux (seconde, première, terminale). Ce constat étonne, car contrairement à la voie professionnelle, l’accompagnement personnalisé est obligatoire pour tous les élèves dans la voie générale et technologique.
En termes de moyens mobilisés, les disciplines d'enseignement des professeurs qui ont assuré l'accompagnement personnalisé sont principalement le français et les mathématiques. Les enseignants d'histoire-géographie, éducation civique juridique et sociale interviennent aussi dans 89 % des lycées.
En termes de contenu, comme dans la voie professionnelle, les projets transversaux sont moins fréquents : ils sont tout de même mis en place en seconde dans 40 % des lycées d'enseignement général et technologique. Les activités de soutien (remédiation) restent, pour leur part, très présentes à tous les niveaux, rappelant le précédent de l’aide individualisée, qui avait montré ses limites.
Le rapport annexé à la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République de juillet 2013 en fait l’aveu : au lycée, « l’accompagnement personnalisé ne donne pas tous les résultats escomptés ».
L’accompagnement personnalisé en 6e a été mis en place en 2011, en s’inspirant de ce qui a été fait au lycée. Il succède à l’aide au travail personnel (ATP) en 6e, qui a existé entre 2002 et 2011. Comme au lycée, l’accompagnement personnalisé au collège s’adresse à tous les élèves et comprend des actions de soutien, d’approfondissement et d’aide méthodologique, mais uniquement en classe de sixième.
La DGESCO a conduit une enquête nationale46 sur l’accompagnement personnalisé en classe de 6e au cours de l’année scolaire 2012-2013. Ses résultats doivent toutefois être analysés avec prudence, selon la DGESCO elle-même, en raison de modes de collecte variables selon les académies. Selon cette enquête, l’accompagnement personnalisé en 6e n’est pas du tout mis en œuvre dans 10 % des collèges. En outre, les trois quarts des collèges fonctionnent selon une logique hebdomadaire et l’accompagnement personnalisé est surtout disciplinaire, puisque des objectifs interdisciplinaires n’ont été visés que dans 42 % des collèges interrogés.
L’enquête statistique de la Cour permet d’apporter des précisions complémentaires.
En termes de périmètre, pour l’année scolaire 2012-2013, l'accompagnement personnalisé en 6e était mis en place dans 92 % des collèges. En moyenne, 78 % seulement des élèves de 6e bénéficient de l’accompagnement personnalisé et dans un quart des collèges, il n'est proposé qu'à moins de la moitié des élèves. Ces chiffres surprennent : ils indiquent que les prescriptions réglementaires ne sont pas respectées dans la pratique dans tous les collèges, puisque ce dispositif est censé concerner tous les élèves de 6e.
En termes de modalités d’organisation, en 2012-2013, les heures d'accompagnement personnalisé en 6e ont été dispensées majoritairement par un enseignant seul face à un groupe d’élèves d’effectif inférieur à la classe entière47. En conséquence, le fait que dans les deux tiers des collèges ayant participé à l’enquête, le nombre d'heures d'enseignant devant élèves et celui figurant dans l'emploi du temps des élèves soient égaux signifie que certains élèves sont pris en charge par d’autres intervenants que des enseignants du collège, ou ne sont pas pris en charge du tout (voir supra, en moyenne seuls 78 % des élèves de 6e bénéficient de l’accompagnement personnalisé).
En termes de contenu, les activités développées en accompagnement personnalisé en 6e consistent essentiellement en actions méthodologiques et de soutien.
Enfin, au-delà des dispositifs qui viennent d’être présentés et qui répondent à des consignes nationales, l’enquête statistique de la Cour a fait apparaître l’existence d’un très grand nombre de dispositifs supplémentaires48, surtout dans les collèges, développés à l’initiative des établissements.
L’accumulation des dispositifs décrits ci-dessus conduit à s’interroger sur la vision stratégique qui sous-tend la démarche d’individualisation de l’enseignement en France.
Les hésitations de tous ordres (terminologiques, mais aussi quant à leur pérennité) qui entourent ces dispositifs comme la place marginale qu’ils occupent dans la scolarité de l’élève expliquent le décalage avec l’ambition affichée dans les textes successifs.
Le domaine de l’enseignement individualisé se caractérise par un fourmillement de dispositifs aux terminologies variées et qui évoluent sans cesse. Les inspections générales appelaient à une clarification du vocabulaire employé dans leur rapport précité d’octobre 2010 portant sur l’ensemble des dispositifs de suivi individualisé des élèves. Elles n’ont de toute évidence pas été entendues sur ce point. Dans sa réponse à la Cour, le ministère reconnaît la difficulté et se demande « si le problème réside dans la complexité du champ de l’accompagnement, qui justifie un champ sémantique riche, ou bien dans le déficit d’appropriation par les professionnels de l’éducation des problématiques, des concepts et des approches pédagogiques ».
Ainsi, les dispositifs de suivi individualisé se nomment « aide personnalisée » à l’école mais « accompagnement personnalisé » en 6e et au lycée. Pour n’évoquer que les années les plus récentes, l’aide personnalisée à l’école a été remplacée par les activités pédagogiques complémentaires à la rentrée 2013, le collège a vu se succéder l’aide au travail personnel et l’accompagnement personnalisé en 6e, tandis qu’au lycée, l’accompagnement personnalisé s’est substitué à l’aide individualisée et aux modules. Le « plan d’accompagnement personnalisé » qui doit être prochainement créé à la suite de la loi de refondation de juillet 2013 va s’ajouter au « programme personnalisé de réussite éducative », qui ne porte pas sur le même champ.
Si tous ces changements terminologiques ont peut-être un sens, ils sont de nature à perturber les acteurs de terrain comme les élèves et leurs familles. La Cour a pu observer que les écoles et les établissements s’appropriaient de manière très hétérogène les dispositifs existants. Ainsi, un collège ayant participé à l’enquête a déclaré ne pas mettre en place de PPRE mais avoir instauré une « prise en charge globalisée de l’élève », qui consistait en fait à réinventer le PPRE sous un autre nom. S’agissant des élèves, le ministère reconnaissait dans sa réponse à la Cour qu’au lycée « la diversité des mesures proposées aux élèves (…) peut à première vue induire un certain manque de lisibilité, surtout vis-à-vis des familles ».
Au-delà du vocabulaire employé, la multiplication des dispositifs crée inévitablement des effets de concurrence et des hésitations sur les publics cibles. La question de l’articulation entre aide personnalisée et RASED se posait pour les élèves en grande difficulté, certaines écoles les excluant d’emblée de l’aide personnalisée. Une note des inspections générales sur la réforme de l’enseignement primaire soulignait également la concurrence qui s’exerçait entre accompagnement éducatif et aide personnalisée, tant du point de vue de la disponibilité des élèves que de celle des enseignants. De manière générale, la plupart de ces dispositifs se positionnant au-delà du temps scolaire, la concurrence est inévitable – sans parler des dispositifs portés par les collectivités territoriales qui ne font pas partie du champ d’étude de ce rapport mais viennent se superposer aux dispositifs de l’éducation nationale.
À ce flou terminologique et conceptuel s’ajoute une grave absence de continuité entre les dispositifs, qui n’en rend que plus difficile l’appropriation par ceux qui ont à les mettre en œuvre, ainsi que par ceux qui en bénéficient.
L’exemple le plus récent – mais il en existe bien d’autres – est celui de la suppression de l’aide personnalisée en primaire, instaurée en 2008, et de son remplacement par les activités pédagogiques complémentaires depuis la rentrée 2013. Quelles qu’en aient été les motivations, la disparition de l’aide personnalisée au bout d’à peine quatre ans d’existence est très regrettable. Ainsi que la Cour a pu l’observer lors de ses déplacements sur le terrain, un véritable travail sur l’aide personnalisée avait été accompli par la plupart des écoles visitées et les acteurs rencontrés (enseignants, directeurs d’école et inspecteurs de l’éducation nationale) s’accordent quasi-unanimement à penser que l’aide personnalisée a été abrogée au moment où elle commençait à être largement intégrée dans les pratiques des équipes locales. L’effet de découragement et de déstabilisation des équipes causé par ces changements de cap répétés est indéniable : comment s’investir dans un dispositif si l’on craint qu’il n’ait que quelques années d’existence ? Cette instabilité est également perturbante pour les parents d’élèves, qui voient se succéder des dispositifs et des appellations au gré du parcours scolaire de leurs enfants, sans forcément en comprendre les raisons.
En plus de la démobilisation des équipes, un second risque associé à la succession incessante de dispositifs est celui de l’immobilisme et de la perpétuation du dispositif antérieur sous le nom du suivant. La Cour a pu observer dans certains établissements une forme d’inertie des équipes locales dans la substitution de l’accompagnement personnalisé à l’aide au travail personnel en 6e comme à l’aide individualisée au lycée.
En dernier lieu, l’absence de continuité dans la politique menée en matière d’individualisation introduit un doute sur la capacité du ministère à définir un cap et à s’y tenir.
La démarche d’individualisation ne s’applique pas à tous les niveaux d’enseignement (elle est particulièrement limitée au niveau du collège), et, là où elle est pratiquée, demeure marginale dans la scolarité de l’élève.
Le collège apparaît comme le parent pauvre des dispositifs d’individualisation développés dans les années récentes, qui ont surtout concerné le primaire et le lycée. Cette situation est d’autant plus paradoxale que le besoin d’individualisation se fait particulièrement ressentir au collège et que les toutes premières tentatives d’individualisation se sont manifestées au niveau du collège avec la loi Haby, comme évoqué plus haut. Ainsi, dans un récent rapport sur la grande difficulté49, les inspections générales rappellent que : « plus encore que pour les autres élèves, l’entrée au collège est une rupture pour l’élève en situation de grande difficulté. Il subit plus durement le passage d’un milieu proche et sécurisant à un environnement complexe dans lequel il peine à trouver sa place. L’organisation du collège est mal adaptée (et peu adaptable) à la spécificité des élèves les plus fragiles ».
En France, hormis les PPRE et l’accompagnement éducatif qui ne concernent pas tous les élèves, le seul dispositif officiellement prévu au collège est l’accompagnement personnalisé en 6e. Il est difficile de comprendre pourquoi cet enseignement est limité à la classe de 6e, alors que l’aide personnalisée en primaire et l’accompagnement personnalisé au lycée concernent toutes les classes de leurs niveaux d’enseignement respectifs. Ce choix présuppose qu’il ne subsiste pas de besoins comparables dans les classes ultérieures. Dans leur rapport précédemment cité, les inspections générales insistent au contraire sur le niveau de la classe de cinquième, particulièrement délaissé.
D’autres pays font des choix opposés. En Finlande par exemple, la compétence des enseignants spécialisés ne s’arrête pas au primaire comme en France, mais s’étend à l’équivalent du collège français (7e, 8e et 9e classes). Dans le même esprit, dans chaque école secondaire de l’Ontario (de la 7e à la 12e année, c’est-à-dire là aussi au niveau du collège en France), des équipes responsables de la réussite des élèves sont mises sur pied pour accorder une attention supplémentaire aux élèves qui en ont besoin. Elles sont composées du directeur de l'école, d'un enseignant pour la réussite des élèves, d'un conseiller en orientation, d'un enseignant spécialiste de l'enfance en difficulté et d'autres éducateurs. Ces choix paraissent particulièrement pertinents pour parvenir à la réussite de tous les élèves.
En France, une évolution en ce sens pourrait cependant se produire à moyen terme. Selon sa réponse à la Cour, le ministère envisage en effet d’introduire dans le cadre de la réforme du collège des « modules d’accompagnement pédagogique » obligatoires pour tous les élèves à tous les niveaux du collège. La Cour ne peut que l’encourager à agir dans cette direction.
L’enseignement individualisé demeure, dans la plupart des cas, périphérique à la classe et se voit attribuer un volume horaire faible.
Certes, les dispositifs énumérés ci-dessus ne prennent pas en compte le travail individuel effectué dans la classe sous forme d’enseignement différencié. Cependant, bien que l’individualisation de l’enseignement pendant la classe ait été préconisée dès la loi d'orientation sur l'éducation de 198950, la récente enquête internationale de l’OCDE sur les enseignants, l’enseignement et l’apprentissage (TALIS51) montre qu’en 2013, cette pratique n’était pas encore mise en place de manière systématique dans toutes les classes de France. Ainsi un nombre limité d’enseignants en France déclarent donner des travaux différents aux élèves qui ont des difficultés d’apprentissage et à ceux qui peuvent progresser plus vite (22 % en France, contre 44 % en moyenne dans les pays de l’enquête TALIS, ou encore 63 % en Angleterre)52.
Les dispositifs conçus spécifiquement à des fins d’individualisation, même lorsqu’ils sont intégrés au temps d’enseignement commun comme l’accompagnement personnalisé, constituent une séquence non notée, qui n’est de ce fait pas forcément prise au sérieux par les élèves, voire par certains enseignants. Il en résulte un risque d’absentéisme des élèves – ou d’engagement inégal des enseignants. Les inspections générales l’avaient souligné dans leur rapport précité d’octobre 2010 consacré à l’ensemble des dispositifs d’aide et d’accompagnement des élèves53.
De manière plus générale, il paraît illusoire d’attendre des bénéfices de dispositifs d’individualisation si le paradigme général de l’enseignement demeure celui de l’uniformité : les programmes sont identiques pour tous et le rythme d’avancement est le même pour tous les élèves. Ainsi que la Cour avait déjà eu l’occasion de le souligner dans son rapport public thématique précité de 2010 : « l’organisation du temps scolaire n’est pas prioritairement conçue en fonction des élèves, dont les rythmes d’apprentissage sont hétérogènes et variables au cours d’une année scolaire ». Dans un récent rapport précédemment cité54, les inspections générales parvenaient à un constat similaire à propos de l’élève en difficulté au collège : « L’emploi du temps de l’élève en grande difficulté, pour l’essentiel (de 90 à 100 % de l’horaire), est le même que celui des autres élèves (…). Le collège, tel qu’il est aujourd’hui, ne favorise aucune véritable différenciation de rythme ou de répartition des contenus sur la semaine, l’année ou la scolarité ».
D’autres pays étudiés par la Cour font tout autrement et accordent une place primordiale à l’adaptation de l’enseignement aux spécificités des besoins des élèves. L’Ontario constitue un exemple de cette volonté d’adaptation permanente à la diversité des besoins des élèves.
L’exemple de l’Ontario55
Afin de répondre à des besoins diversifiés en matière d’apprentissage, l’équipe enseignante de chaque école secondaire met en œuvre des stratégies visant les élèves qui pourraient être en difficulté pour suivre le programme. Ces stratégies consistent notamment à :
- créer pour chaque élève un profil qui indique ses points forts et ses champs d’intérêt ainsi que ses besoins en matière d’apprentissage et ses besoins sur les plans social et affectif ;
- fournir un horaire personnalisé et mettre en place des stratégies d’appui et des interventions appropriées selon les points forts et les besoins de l’élève ;
- reporter certains cours à l’année suivante ;
- programmer des cours additionnels de mathématiques, de français ou de sciences afin de donner plus de temps aux élèves pour atteindre les attentes de ces cours.
Au total, les fluctuations terminologiques comme les changements très rapides de dispositifs témoignent d’une hésitation de fond quant à la stratégie à adopter dans le domaine de l’individualisation. Plusieurs modèles d’individualisation coexistent à l’heure actuelle dans le système éducatif français, comme si le ministère ne voulait pas choisir entre le modèle de la remédiation pure par le biais de dispositifs hors de la classe et celui de l’individualisation pour tous les élèves, pratiquée de manière systématique dans le temps d’enseignement commun, comme en Finlande.
L’aide personnalisée à l’école, l’accompagnement éducatif et les PPRE à l’école ou au collège, ainsi que les stages de remise à niveau dans le primaire comme au lycée relèvent de la logique de remédiation, tandis que l’accompagnement personnalisé au lycée ou en 6e relève de la seconde. La réforme du lycée de 2010 est symptomatique à cet égard car elle introduit simultanément les deux logiques (le tutorat et les stages de remise à niveau pour la première, l’accompagnement personnalisé pour la seconde).
La loi de refondation de l’école du 8 juillet 2013 effectue cependant un choix clair, au moins dans les textes, en rompant avec la logique de remédiation, ainsi qu’évoqué plus haut : selon le rapport au premier ministre, « les modalités d’accompagnement sont proposées à tous les élèves : il ne s’agit plus seulement de répondre aux difficultés de quelques-uns mais de donner à tous les moyens de progresser ». Le tout récent décret précité relatif au suivi et à l'accompagnement pédagogique des élèves devrait conforter ce changement, en promouvant l’usage au collège de « pratiques pédagogiques diversifiées et différenciées qui visent à permettre à tous les élèves de progresser dans leurs apprentissages ».
D’autres développements récents vont dans le même sens. Ainsi, les activités pédagogiques complémentaires, qui remplacent l’aide personnalisée en primaire, s’adressent potentiellement à tous les élèves et ne se concentrent pas sur les élèves en difficulté. Enfin, le dispositif « plus de maîtres que de classes », mis en œuvre en primaire depuis la rentrée 2013, entend rompre avec la logique extractive qui caractérisait l’intervention des RASED et prône au contraire la co-intervention au sein de la classe, comme le préconisent les inspections générales dans leur rapport précité de 201356.
Si ces différentes orientations semblent dessiner une inflexion nette en faveur de l’un des deux modèles, il est trop tôt pour en mesurer les effets. Il reste au ministère à mener à son terme cette mutation, et à la traduire sur le terrain, pas seulement dans les textes, ce qui implique de l’inscrire dans le temps long.
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
Alors que la loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989 avait posé les principes d’une démarche d’individualisation du suivi des élèves, en plaçant l’élève « au centre du système éducatif », la France ne s’y est engagée de manière volontariste que depuis 2005, et plus encore depuis 2008, soit bien plus tard que la plupart des pays membres de l’OCDE.
La France se singularise également par la place prééminente accordée aux dispositifs extérieurs à la classe et en marge du temps scolaire, visant à répondre à la difficulté scolaire. Le panorama des dispositifs existants frappe par son foisonnement et son absence de lisibilité. Deux modèles d’individualisation y coexistent : celui de la remédiation pour les seuls élèves en difficulté et celui de l’accompagnement pour tous. Si de très récentes évolutions depuis 2013 vont dans le sens du second modèle, de nombreux dispositifs de pure remédiation (stages de remise à niveau dans le premier et le second degré, PPRE à l’école et au collège, tutorat, stages de langue, accompagnement éducatif dans certains cas, etc.) subsistent officiellement à côté de ceux nouvellement institués. Les pratiques restent souvent encore largement ancrées dans la remédiation, loin des objectifs fixés dans la loi. Les revirements incessants dans ce domaine (création et suppression de dispositifs) confirment l’impression d’hésitation du ministère quant à la stratégie à suivre.
Enfin, il est regrettable que la démarche d’individualisation ne s’applique pas à tous les niveaux de classe (au collège) et à toutes les formations (au CAP).
La Cour émet en conséquence les recommandations suivantes :
stabiliser les dispositifs ainsi que le vocabulaire employé pour chacun d’entre eux ;
généraliser la démarche d’individualisation au collège et pour les élèves en CAP.
Chapitre II
Un pilotage défaillant
Alors que le suivi individualisé des élèves constitue une orientation affirmée de manière récurrente par les textes législatifs, le ministère n’a pas adapté son organisation et son mode de pilotage à cette ambition. Ainsi, le suivi des dispositifs d’aides et d’accompagnement individualisés est dispersé et lacunaire (I), l’estimation de leur coût est très approximative et fortement minorée (II), tandis que l’évaluation de leur efficacité est insuffisante (III).
Le ministère ne s’est donc pas mis en capacité d’exercer de façon éclairée le pilotage de cette politique éducative : c’est le signe que celle-ci ne constitue une priorité que dans les textes mais pas dans le fonctionnement interne du ministère.
Il n’existe pas, au sein de l’administration centrale, de structure dédiée au suivi d’ensemble de cette politique. La direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO), chargée de l’élaboration de la politique éducative et pédagogique ainsi que de la mise en œuvre des programmes d'enseignement des écoles, des collèges, des lycées et des lycées professionnels, suit les différents dispositifs d’aide et d’accompagnement individualisés au moyen d’enquêtes de gestion propres à chacun d’entre eux. Un bureau de la DGESCO se consacre à la personnalisation des parcours scolaires et à la scolarisation des élèves handicapés, mais ne traite pas de la politique de suivi individualisé des élèves en général.
Dans ces conditions, chaque dispositif est suivi par les bureaux du niveau scolaire dont il relève, au sein du service de l’instruction publique et de l’action pédagogique (service A) de la DGESCO : ainsi, l’aide personnalisée, les stages de remise à niveau et les PPRE sont suivis par le bureau des écoles, l’accompagnement personnalisé en 6e par le bureau des collèges et l’accompagnement personnalisé au lycée par la sous-direction des lycées et de la formation professionnelle tout au long de la vie. Une exception existe toutefois : l’accompagnement éducatif, qui est suivi au sein du service du budget, de la performance et des établissements (service B) par la sous-direction de la vie scolaire, des établissements et des actions socio-éducatives. Cette séparation par niveau empêche toute vision d’ensemble du sujet, ainsi que l’illustre l’organigramme figurant en tableau n°2 :
Tableau n° 2 : Organigramme simplifié de la DGESCO
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Les données quantitatives recueillies par la Cour auprès de ces différents bureaux et sous-directions constituent les données officielles fournies par le ministère. Or elles souffrent de multiples lacunes qui les rendent particulièrement peu fiables et témoignent du faible intérêt que leur accorde l’administration centrale.
En premier lieu, ces données sont rarement exhaustives au niveau national. Ainsi, trois académies n’ont pas renseigné l’enquête « réforme des lycées 2011-2012 », qui retrace les principaux éléments recueillis sur le tutorat au lycée. De la même façon, six académies, dont les plus importantes, n’ont pas répondu à l’enquête de la DGESCO sur les PPRE en 2009-2010. Dans ces conditions, il paraît difficile d’établir des dénombrements d’élèves bénéficiaires. Les chiffrages nationaux apparaissent trop souvent comme la compilation brute des données académiques remontées à la DGESCO, avec la simple mention des académies manquantes.
En second lieu, au niveau académique, les données ne sont pas toutes exhaustives, les taux de réponse ne figurent pas dans les tableaux remontés et aucun redressement des réponses académiques n’est opéré. Ces lacunes rendent non pertinentes les comparaisons d’une année à l’autre.
En troisième lieu, la collecte des informations concernant l’enseignement privé est partielle et souvent inexploitable, comme c’est le cas pour l’accompagnement éducatif ou l’aide personnalisée à l’école en 2012.
En dernier lieu, le protocole d’interrogation des écoles ou des établissements du second degré n’est pas systématiquement encadré par la DGESCO, de sorte que les académies répondent de manière hétérogène et non normée. Dans ce domaine, l’initiative est souvent laissée aux rectorats. Certains d’entre eux s’investissent pour accompagner les tableaux à renseigner de consignes et de définitions, comme dans l’académie d’Amiens, mais c’est loin d’être le cas partout. Quand bien même ce le serait, rien ne garantirait que les consignes données dans les différentes académies seraient identiques. Cette tâche relève clairement du niveau national.
Le ministère a bien conscience de la fragilité de ces données. Il estime ainsi, concernant les stages au lycée, que « la qualité des réponses peut encore être améliorée », ou bien, concernant le tutorat au lycée, que « la fiabilité scientifique des remontées académiques n’[a] pu être établie ». Il évoque encore le manque de « (…) fiabilité scientifique des remontées académiques » au sujet des heures d’accompagnement personnalisé au lycée. Dans sa réponse à la Cour, la DGESCO indique qu’elle a mené ces dernières années « des actions de rationalisation » de ses enquêtes (« ainsi, de 150 en 2010, le nombre d’enquêtes de la DGESCO est passé à 70 en 2013 »), et a mis en place un outil d’enquête, le portail ORQUESTRA, accompagné d’une charte qualité. Ces efforts, qui se traduiraient, selon le ministère, par une récente amélioration des taux de réponse des académies en 2013-2014, vont dans le bon sens.
Les lacunes observées dans les données chiffrées du ministère sur les dispositifs d’aide et d’accompagnement individualisés constituent une première illustration des difficultés de pilotage de cette politique publique, puisque le simple dénombrement de l’existant est problématique. Cette situation est préoccupante car c’est sur la base de ces données très imparfaites que seront prises des décisions.
Par ailleurs, ces enquêtes exhaustives représentent une charge de travail très lourde pour les rectorats qui les relaient et, in fine, pour les écoles et les établissements du second degré qui les remplissent : il est d’autant plus regrettable que l’administration centrale ait tardé à faire preuve de rigueur dans la collecte des données et d’attention dans leur traitement. Du reste, une réflexion devrait aussi être engagée sur les systèmes d’information du ministère avec l’appui du secrétariat général, afin de les améliorer ou de les compléter, dans le but de limiter les collectes d’information exhaustives par la DGESCO.
L'architecture retenue pour le découpage des programmes de la MIES ne permet toujours pas la mise en relation des objectifs de l'enseignement scolaire avec le coût des actions mises en œuvre pour les atteindre, comme la Cour le relevait déjà dans son rapport de 2010. En l'espèce, le peu d'intérêt du ministère à dénombrer l'existant se prolonge d'une faiblesse du suivi extra budgétaire. Le ministère a produit, à la demande expresse de la Cour, une estimation globale du coût de l’ensemble des dispositifs étudiés. Quelles que soient ses limites, ce calcul met en évidence que le coût de la politique d’individualisation est mal connu mais aussi largement sous-estimé. En particulier, le ministère n’est en mesure de chiffrer le coût réel que d’un très petit nombre de dispositifs (les stages de remise à niveau dans le premier et le second degré) ; il ignore, sous-estime ou connaît de manière approximative le coût des autres dispositifs. Plus largement, il ne cherche à en affiner le contenu ni pour ses propres besoins de pilotage ni pour la bonne information du Parlement.
Dans les documents budgétaires transmis au Parlement, il n’est fait mention que des dotations au titre de l’accompagnement éducatif, pour un montant total de 112,4 M€57.
Le total des crédits consommés identifiés dans les bases de gestion du ministère58 s’élève pour sa part à 131 M€. Dans sa réponse à la Cour, le ministère estime le coût global de l’ensemble des dispositifs étudiés à un montant bien supérieur : 1,9 Md€.
Le tableau n° 3 montre l’ampleur du décalage entre les crédits consommés identifiés et les dépenses estimées par le ministère à la demande de la Cour.
Tableau n° 3 : crédits consommés identifiés et estimation globale du coût des dispositifs de personnalisation en 2013 (en M€)
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
La situation n’est pas meilleure au niveau académique. Le chiffrage des crédits consommés au titre des dispositifs de personnalisation effectué à la demande de la Cour par les quatre rectorats interrogés (Amiens, Créteil, Grenoble et Strasbourg) est cohérent avec celui de l’administration centrale, ce qui montre que l’échelon académique sous-estime le coût de la politique d’individualisation autant que le niveau national. Ainsi, pour les quatre académies, ce chiffrage s’élève au total à 23,4 M€, soit 18 % des 131 M€ identifiés par la direction des affaires financières du ministère – c’est-à-dire à peu près le poids que représentent ces académies en termes d’élèves.
Ce décalage flagrant entre les dotations budgétaires affichées, les crédits consommés retracés par la direction des affaires financières et le coût global estimé traduit la méconnaissance du coût de la politique de suivi individualisé des élèves par les décideurs publics. Le budget alloué à cette politique n’est donc pas affiché, comme si elle n’était pas complétement assumée par le ministère.
La difficulté rencontrée par la direction des affaires financières du ministère pour estimer le coût global de la politique d’individualisation tient au fait que certains dispositifs sont purement et simplement ignorés, tandis que d’autres ne sont que très partiellement pris en compte.
Trois dispositifs ne font en effet l’objet d’aucune comptabilisation car ils sont réputés « ne rien coûter » : l’aide personnalisée en primaire supprimée depuis, les programmes personnalisés de réussite éducative (PPRE) et l’accompagnement personnalisé en 6e. Le ministère considère en effet qu’ils ne « coûtent rien » puisqu’ils ont lieu sur le temps de service normal (c’est-à-dire hors heures supplémentaires) des enseignants.
Il en va ainsi des deux heures d’aide personnalisée hebdomadaires en primaire (supprimées en 2013), qui étaient incluses dans les obligations réglementaires de service des enseignants du premier degré.
Il en est de même pour les PPRE, le ministère considérant dans sa réponse à la Cour que leurs coûts « ne sont pas cumulatifs avec ceux des autres dispositifs », « puisqu’ils sont directement liés au suivi individualisé des élèves pendant le temps scolaire ». En effet, les aides prodiguées dans le cadre d’un PPRE sont mises en œuvre :
soit pendant le temps d’enseignement en classe et/ou pendant celui de l’aide personnalisée dans le premier degré, donc dans les deux cas, le temps consacré est inclus dans les obligations de service des enseignants ;
soit en prenant appui sur les dispositifs existants comme les stages de remise à niveau ou les RASED, dont le coût est décompté par ailleurs ;
soit hors temps d’enseignement, qu’elles prennent la forme de concertation avec les autres enseignants ou adultes intervenant auprès de l’élève, d’explicitation auprès de l’élève et sa famille, de constitution du dossier rassemblant les éléments de diagnostic et de bilan des actions, etc. Dans certains cas, ce temps est loin d’être négligeable : il est ainsi supérieur à 20 heures par an et par élève dans un quart des écoles59.
Enfin, le cas de l’accompagnement personnalisé en 6e est légèrement différent mais le résultat est le même. En effet, le ministère reconnaît que ce dispositif peut donner lieu au versement d’heures supplémentaires lorsque les heures d’accompagnement personnalisé sont réalisées au-delà des obligations réglementaires de service des enseignants. Cependant, en l’absence de code spécifique dédié à ce dispositif, la dépense associée ne peut être isolée des autres heures supplémentaires.
Cette position de principe du ministère, qui consiste à considérer comme « gratuit » l’enseignement prodigué à l’intérieur du cadre des obligations de service des enseignants est regrettable, car elle conduit à minorer significativement le coût réel d’une politique publique pourtant présentée comme fondamentale.
Le ministère n’est capable de mesurer qu’une partie du coût de deux autres dispositifs majeurs de la politique d’individualisation : l’accompagnement personnalisé au lycée et l’accompagnement éducatif.
S’agissant tout d’abord de l’accompagnement personnalisé au lycée, il faut rappeler qu’il peut être effectué de deux manières par les enseignants : soit dans la limite de leurs obligations réglementaires de service (ORS), en « heures-postes » ; soit en heures supplémentaires qui donnent lieu à indemnisation spécifique. Or seules les heures supplémentaires font l’objet d’un suivi budgétaire par la direction des affaires financières, les heures-postes n’étant pas comptabilisées. Le chiffre de 8,7 M€ de crédits consommés en 2013 au titre de l’accompagnement personnalisé au lycée dans l’enseignement public ne recouvre donc qu’une partie des coûts réels occasionnés par ce dispositif et ignore les heures d’accompagnement personnalisé effectuées en heures-postes, dans le cadre des ORS des enseignants.
L’accompagnement éducatif voit lui aussi son coût partiellement ignoré. Parmi les quatre types de dépenses occasionnées par ce dispositif (la rémunération en heures supplémentaires effectives des enseignants, la rémunération des assistants d’éducation, la rémunération en vacations des intervenants extérieurs et les subventions versées aux associations impliquées), le poste des assistants d’éducation (AED) n’est pas du tout pris en compte dans le suivi budgétaire de la DAF. En effet, l’estimation du coût qu’ils représentent se heurte à deux obstacles :
la part des assistants d’éducation qui interviennent dans l’accompagnement éducatif ne peut être isolée dans le total des assistants d’éducation (tous n’étant pas mobilisés par ce dispositif) ;
en outre, parmi ceux qui y participent, il est impossible d’identifier la part de leur temps de service qu’ils consacrent spécifiquement à l’accompagnement éducatif puisqu’ils sont polyvalents (surveillance des élèves, aide aux devoirs, pratique sportive, etc.).
De ce fait, les crédits consommés identifiés par la DAF au titre de l’accompagnement éducatif dans l’enseignement public et dans l’enseignement privé, qui s’élèvent à plus de 103 M€ pour l’année 2013, n’intègrent pas le coût représenté par les assistants d’éducation.
Au total, le ministère ne se met pas en mesure d’afficher le coût de la politique de suivi individualisé des élèves qu’il a déployée et s’interdit de procéder en connaissance de cause à des arbitrages avec d’autres volets de la politique éducative. Cette situation est d’autant plus regrettable qu’il s’agit d’une orientation majeure depuis dix ans.
Aux incertitudes du suivi quantitatif et aux insuffisances du pilotage budgétaire s’ajoute la quasi-inexistence d’évaluation des effets de la politique d’individualisation. Les acteurs auxquels revient ce rôle d’évaluation, à savoir les inspections générales et la DEPP, ne s’emparent que de manière très limitée de la thématique de suivi individualisé des élèves. Cette situation traduit l’absence de volonté du ministère en ce domaine : il ne se met pas (et, pour des raisons qui seront explicitées plus loin, ne souhaite pas se mettre) dans une configuration permettant d’évaluer les effets des dispositifs de suivi individualisé des élèves. La création récente du Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO) laisse entrevoir une possible amélioration dans ce domaine mais ne pourra pas à elle seule inverser la tendance.
Le ministère est doté de deux inspections générales ayant une mission d’évaluation du système éducatif : l’inspection générale de l’éducation nationale (IGEN) et l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR). La première est chargée d’évaluer « les types de formation, les contenus d’enseignement, les programmes, les méthodes pédagogiques, les procédures et les moyens mis en œuvre »60, tandis que la seconde « assure une mission permanente de contrôle, d’étude, d’information, de conseil et d’évaluation »61.
En pratique, les deux inspections générales du ministère voient leurs interventions prioritairement investies dans l’accompagnement et le suivi de la mise en œuvre des réformes, sans aller jusqu’à l’analyse de leurs effets, qu’il s’agisse du premier ou du second degré. Les rapports sont d’ailleurs fréquemment intitulés « suivi de la réforme de l’enseignement primaire », « suivi de la mise en œuvre de la réforme du lycée » ou encore « suivi de la mise en œuvre de la rénovation de la voie professionnelle ».
S’agissant des effets des dispositifs de suivi individualisé des élèves, les inspections générales dressent un constat particulièrement pessimiste de la situation dans leur rapport d’octobre 2010 précité. Elles notent en effet que l’évaluation de la portée de ces dispositifs se trouve « entre désert théorique et désarroi pratique ». Qu’il s’agisse de l’aide personnalisée, des stages de remise à niveau ou de l’accompagnement éducatif – autant de dispositifs étudiés par les inspections générales –, leur effet sur l’apprentissage des élèves demeure inconnu.
Les propos tenus par les inspections générales au sujet de l’évaluation de l’accompagnement éducatif dans leur rapport de juillet 2008 sont particulièrement éclairants : « cette partie du rapport sera malheureusement assez brève, tant les formes d’évaluation ont peiné à se mettre en place et à se développer. (…) Certes, on peut expliquer ce flou et ces difficultés par la nouveauté ou le manque de temps. On doit aussi trouver leurs origines dans une tendance lourde de notre système éducatif qui maîtrise mal et envisage toujours tardivement cet aspect pourtant essentiel de ses tâches. (…). On en reste donc à des formes de constat, généralement positives (…), mais ces éléments ne s’accompagnent ni de données chiffrées ni de bilans comparés des résultats des élèves fréquentant ou ne fréquentant pas l’accompagnement éducatif. Des formes d’évaluation plus systématiques devront être envisagées ».
Les inspections générales, selon leurs propres dires, sont démunies à évaluer les effets des dispositifs de suivi individualisé des élèves.
Aux termes du décret du 17 février 201462 fixant l’organisation de l'administration centrale de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) « est chargée de la conception, de la gestion et de l'exploitation du système d'information statistique en matière d'enseignement ». Elle conçoit et met à disposition des acteurs du système éducatif des outils d'aide à l'évaluation, au pilotage et à la décision et participe aux projets internationaux destinés à comparer les performances et les modes de fonctionnement des différents systèmes éducatifs.
La DEPP dispose des outils d’évaluation qui mesurent la façon dont évoluent les compétences des élèves de manière globale. Ainsi, les évaluations-bilans nationales menées par la DEPP sur échantillon (le cycle des évaluations disciplinaires réalisées sur échantillon CEDRE) établissent des bilans nationaux des acquis des élèves en fin d’école primaire et en fin de collège. Elles couvrent les compétences des élèves dans la plupart des domaines disciplinaires en référence aux programmes. Renouvelées tous les six ans, ces évaluations permettent de répondre à la question de l’évolution du « niveau des élèves » au fil du temps (ainsi les compétences en histoire-géographie ont été évaluées en 2006 et en 2012).
La DEPP est également capable de participer à l’évaluation d’expérimentations de dispositifs ponctuels, comme cela a été le cas pour « Cours le matin, sport l’après-midi », « Coup de Pouce Clé » ou le livret de compétences expérimental (LCEx)63.
Cependant, aucun des dispositifs de suivi individualisé des élèves n’a fait l’objet d’une évaluation de ce type : interrogés par la Cour, le ministère comme les académies reconnaissent ne disposer d’aucun élément d’évaluation des effets de ces dispositifs sur les élèves qui en bénéficient. Une étude fait toutefois exception, même si on ne peut la qualifier d’évaluation à proprement parler : il s’agit de celle visant à apprécier le fonctionnement du dispositif d’accompagnement éducatif dans les collèges publics à l’occasion de la première année de sa généralisation64. Pour ce faire, des informations de diverse nature ont été collectées sur la base d’un échantillon national d’établissements et d’intervenants.
Si aussi peu d’évaluations sont disponibles s’agissant des dispositifs de suivi individualisé des élèves, c’est qu’en réalité le ministère ne se met pas en position d’évaluer ce champ.
Le ministère invoque en effet de manière récurrente dans ses échanges avec la Cour deux obstacles qui condamneraient à l’avance toute démarche évaluative dans le domaine du suivi individualisé des élèves.
Le premier est celui de l’exhaustivité à laquelle s’oblige le ministère dans la mise en œuvre de ces dispositifs : autrement dit, les réformes sont applicables immédiatement à l’ensemble des élèves sur le territoire national, sans possibilité d’expérimentation préalable sur un groupe restreint. Cette position de principe empêche de mesurer directement la plus-value d’un nouveau dispositif puisqu’il n’y a pas de comparaison possible entre les bénéficiaires et les non-bénéficiaires de la mesure.
La Cour relève cependant que le ministère a lui-même dérogé par le passé à cette règle non écrite. Une expérimentation des programmes personnalisés de réussite éducative à l’école et au collège a ainsi été conduite au cours de l’année scolaire 2005-2006 dans quelques établissements65 et les inspections générales en ont dressé le bilan66. Les PPRE ont ensuite été généralisés aux classes de CE1 et de 6e à la rentrée 2006, avant d’être étendus à tous les niveaux de l’enseignement à l’école élémentaire, ainsi qu’au collège à la rentrée scolaire 2007.
Par ailleurs, nombre de pays étrangers ne s’obligent pas à l’exhaustivité, ce qui leur permet de procéder à des évaluations ponctuelles. On peut citer ainsi deux évaluations, l’une aux États-Unis (le programme STAR de l’État du Tennessee en 1985) et l’autre au Danemark (expérimentation « Deux enseignants dans la classe » en 2012-2013) qui reposent sur des expériences contrôlées, c’est-à-dire comparant les résultats des élèves d’écoles-tests et d’écoles-témoins.
Deux exemples d’évaluation d’expérimentation
En 1985, le programme STAR (Student/Teacher Achievement Ratio), dans l’État du Tennessee, était une expérimentation pilote portant sur la réduction des effectifs par classe dans la scolarité primaire. Afin de se situer dans une démarche d’évaluation comparative, trois types de classes sont constituées dès la première année de l’expérimentation : des classes à effectif réduit dotées d’un enseignant à temps plein, des classes « normales » dotées d’un enseignant à temps plein auquel s’adjoint, ou non, un assistant. Ce programme a concerné 6 000 élèves à l’origine et s’est élargi à 12 000 élèves.
Ces élèves ont bénéficié du programme durant quatre années successives au maximum. L’ensemble des élèves a participé à des tests visant à mesurer une amélioration éventuelle des résultats.
Au Danemark, le co-enseignement a fait l’objet d’une expérimentation (« Deux enseignants dans la classe ») en 2012-2013. Les 105 écoles choisies pour y participer forment trois groupes de 35 écoles chacun. Deux groupes d’écoles bénéficient soit d’un enseignant supplémentaire, soit d’une autre « personne-ressource ». Le troisième groupe ne reçoit aucun complément en personnel d’enseignement. Les élèves ont fait l’objet des mêmes tests disciplinaires en début d’expérimentation, et ont répondu à des questionnaires sur le climat scolaire. Le gouvernement danois souhaitant avoir des certitudes sur l’intérêt du maintien du dispositif, un premier bilan a été publié en avril 2014 sous la forme d’une note fondée sur les résultats aux tests nationaux prévus par l’expérimentation.
Source : Rapport n° 2014-031 des inspections générales « Le dispositif “plus de maîtres que de classes” : projet et mise en œuvre pédagogique ».
Le second obstacle invoqué par le ministère réside dans l’impossibilité d’isoler les effets d’un dispositif par rapport à un autre, voire par rapport à l’enseignement en classe. La situation est rendue encore plus difficile en France par la simultanéité et la multiplicité des réformes entreprises dans ce domaine. Il suffit de rappeler que les PPRE ont été créés en 2005, que l’accompagnement éducatif a été introduit en 2007, que l’aide personnalisée a été en vigueur dans les écoles de 2008 à 2013, avant d’être remplacée par les activités pédagogiques complémentaires, ou encore qu’ont été introduits en même temps par la réforme du lycée l’accompagnement personnalisé, les stages de remise à niveau, les stages de langue, les stages passerelles et le tutorat.
Il ne tient toutefois qu’au ministère de limiter le nombre de réformes conduites simultanément dans un même niveau d’enseignement. Leur compréhension par la communauté éducative comme par les familles s’en trouvera facilitée et leur efficacité renforcée.
Par ailleurs, la difficulté à discerner les effets de tel ou tel dispositif n’empêche pas pour autant d’évaluer les effets d’une politique éducative dans son ensemble. Les exemples étrangers le démontrent, tel celui de l’Ontario, qui s’est engagé dans une réforme éducative globale en 2003 et a souhaité en évaluer les effets quelques années après.
Évaluer les effets de la « Stratégie éducative ontarienne »
En 2003, le ministère de l’éducation de l’Ontario a mis en place une stratégie globale destinée à améliorer les performances des élèves à l’école secondaire, la « Stratégie visant la réussite des élèves et l’apprentissage jusqu’à l’âge de 18 ans ». Dans ce cadre, le ministère de l'éducation de l'Ontario a modifié sa politique et a accordé des financements et des ressources supplémentaires ainsi que des formations.
En 2007, le Conseil canadien sur l'apprentissage (CCA) a été chargé d'évaluer dans quelle mesure cette stratégie, telle qu'elle était mise en œuvre, permettait d’atteindre les objectifs du ministère. Le CCA a opté pour une combinaison de méthodes quantitatives et qualitatives : il a mené plusieurs centaines d'entrevues sur le terrain, approfondies et semi‐dirigées auprès de tous les acteurs, de décideurs institutionnels, de parents et d’élèves ; il a procédé à l’analyse des données biographiques et scolaires des élèves de la 9e à la 12e année pour les années scolaires 2000-2001 à 2006-2007 ; et exploité les réponses de sondages en ligne auxquels plus de 14 000 élèves du secondaire et membres du personnel scolaire ont répondu.
Cette évaluation n'a pas débuté au moment du lancement de l'initiative du ministère, mais quatre ans après le début de sa mise en œuvre. Il n’était donc pas possible de recueillir des « mesures initiales » du système scolaire à examiner de nouveau au fil des ans, ni de déterminer des relations causales claires et définitives entre les composantes de la stratégie et la réussite ou l'engagement des élèves.
Elle a cependant permis de dresser un premier constat de mise en œuvre de la stratégie et de donner un cadre d'évolution pour les années à venir.
Sur ce modèle, la France aurait pu par exemple engager une évaluation de la politique d’individualisation du suivi des élèves, fortement relancée depuis 2005. Or il n’en est rien. Plus grave encore, rien n’est prévu pour l’avenir. Interrogé par la Cour sur la stratégie d’évaluation qu’il envisage de mettre en place pour les dispositifs de suivi individualisé des élèves nouvellement introduits, le ministère répond qu’il n’y a pas de projet en cours pour l’évaluation spécifique des dispositifs et continue de se retrancher derrière les deux obstacles susmentionnés.
Le Haut Conseil de l’évaluation de l’école (HCéé), instance chargée d’« évaluer les évaluations » du système éducatif, en place entre 2000 et 200567, recommandait pourtant, dans son avis n° 3 d’octobre 2001, que « toute politique ou toute mesure nouvelle envisagée dans le système éducatif soit explicitement articulée avec un ou des dispositifs d’évaluation, et que ses conditions de mise en œuvre précisent l’usage qui doit être fait de ces dispositifs, notamment de ceux existant déjà ». Dans un avis ultérieur (avis n° 9 d’octobre 2003), le HCéé estimait que « le ministère devrait développer une politique systématique d’expérimentations contrôlées. Seules de telles expérimentations sont susceptibles, à condition de prendre le temps nécessaire à leur évaluation objective, de permettre de faire des choix motivés et efficients et d’arrêter des priorités de politique éducative ». Force est de constater, plus de dix ans après, que ces recommandations du HCéé n’ont pas été suivies d’effet. La Cour ne peut que le regretter.
Ce ne sont ni les outils ni les compétences qui manquent au niveau du ministère, mais la volonté de les mobiliser dans le champ des dispositifs de suivi individualisé des élèves. Dans ce contexte, si la création du Conseil national d'évaluation du système scolaire (CNESCO) témoigne d’une volonté nouvelle en matière d’évaluation, il faut attendre de voir de quelle façon cette instance surmontera les obstacles évoqués ci-dessus et quelle sera sa marge de manœuvre pour remplir sa mission.
Créé par la loi du 8 juillet 2013 et installé le 28 janvier 2014 auprès du ministre chargé de l'éducation nationale, le Conseil national d'évaluation du système scolaire a une triple mission : évaluer le fonctionnement et les résultats du système scolaire, notamment dans une perspective internationale ; expertiser la méthodologie des évaluations existantes ; et promouvoir la culture de l’évaluation en direction des professionnels de l’éducation et du grand public. Il est chargé d’« évaluer en toute indépendance l'organisation et les résultats de l'enseignement scolaire » et de remettre « chaque année un rapport sur ses travaux ». Il comprend huit membres qualifiés, qui sont des chercheurs issus de disciplines complémentaires dans le champ des sciences de l’éducation. Il compte également une cinquantaine de chercheurs associés et de partenaires scientifiques (laboratoires de recherches, etc.).
La création du CNESCO intervient dans un contexte de faiblesse de l’évaluation des politiques éducatives depuis 2005, à laquelle elle entend remédier. Ce Conseil succède en effet à deux instances qui ont préexisté dans le champ de l’évaluation des politiques éducatives : le Haut Conseil de l’évaluation de l’école (HCéé), mentionné ci-dessus, et le Haut conseil de l’éducation, créé par la loi du 23 avril 2005 et abrogé par la loi du 8 juillet 2013. Alors que le premier avait démontré sa capacité à identifier les lacunes du dispositif d’évaluation du système éducatif, le second ne s’était pas vu confier la même mission d’ « évaluation de l’évaluation ». Ceci faisait dire à la Cour dans son rapport public thématique de 201068 que « l’évaluation indépendante et régulière du système éducatif [avait connu] un recul au cours des dernières années ».
Le CNESCO entend pour sa part jouer un rôle fédérateur, en coordonnant les approches et les travaux des – nombreux – acteurs déjà engagés sur le terrain de l’évaluation : inspections générales du ministère, DEPP, chercheurs, observateurs internationaux tels que l’OCDE, etc. S’il parvient à décloisonner les démarches existantes, il pourra jouer un rôle central et innovant dans le domaine de l’évaluation des politiques éducatives.
La Cour note avec intérêt que, parmi les thèmes que le CNESCO a décidé d’explorer au cours de son programme d’activités 2014-2017, figure le suivi individualisé des élèves, ce qui témoigne de l’importance que cette politique revêt à ses yeux ; cette étude serait programmée pour l’année 2016.
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
Le ministère n’a adapté ni son organisation ni son mode de pilotage à l’ambition nouvelle d’individualisation affichée dans les textes successifs depuis 1989, alors même que cette politique éducative constituait une véritable priorité pour lui.
Au sein de la DGESCO, aucune structure n’est chargée des dispositifs de suivi individualisé des élèves de manière transversale : ceux-ci sont suivis par les bureaux correspondant au niveau scolaire dont ils relèvent, empêchant toute vision d’ensemble sur la question.
En outre, bien qu’il déploie chaque année de nombreuses enquêtes de gestion spécifiques à chacun d’entre eux, et en dépit des progrès en cours sur ce terrain, le ministère ne dispose pas de données quantitatives fiables sur les effectifs d’élèves ou d’enseignants concernés ni sur les volumes horaires correspondants. Le simple dénombrement de l’existant constitue la première difficulté de pilotage de cette politique publique.
Celle-ci ne fait pas l’objet d’un suivi budgétaire particulier, ce qui aboutit à une sous-estimation importante du coût des dispositifs dans les documents budgétaires transmis au Parlement, les heures réalisées au titre du suivi individualisé des élèves étant considérées comme gratuites lorsqu'elles sont incluses dans les obligations réglementaires de service des enseignants. Ainsi, l’estimation de l’ensemble des dispositifs étudiés réalisée par le ministère à la demande de la Cour s’élève à près de 2 Md€ alors que les dotations figurant spécifiquement à ce titre dans les documents budgétaires transmis au Parlement ne correspondent qu’à une centaine de millions d’euros.
Enfin, bien que les compétences existent au ministère, ces dispositifs ne font l’objet d’aucune forme d’évaluation de leurs effets sur les élèves. Les deux obstacles, invoqués par le ministère, qui condamneraient à l’avance toute démarche évaluative dans le domaine du suivi individualisé des élèves, à savoir l’exhaustivité immédiate à laquelle il s’oblige dans la mise en œuvre des dispositifs et l’impossibilité d’isoler les effets d’un dispositif par rapport à un autre, voire par rapport à l’enseignement en classe, pourraient être contournés. Des exemples étrangers le démontrent. La création récente du Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO) laisse entrevoir une possible amélioration dans ce domaine mais ne pourra pas à elle seule inverser la tendance.
Il résulte de tous ces éléments que le ministère se prive lui-même de toute capacité d'effectuer des arbitrages raisonnés concernant les dispositifs de suivi individualisé des élèves, puisqu'il n'en connaît ni les effets sur les élèves ni le coût réel.
La Cour émet en conséquence, ou réitère pour certaines, les recommandations suivantes :
3 améliorer le suivi statistique régulier par la DGESCO de la mise en œuvre des dispositifs ;
4 mettre en place des outils d’évaluation des dispositifs de suivi individualisé des élèves, afin d’être en mesure de déterminer lesquels doivent être modifiés, maintenus ou supprimés (recommandation réitérée) ;
5 chiffrer annuellement pour le Parlement le coût des dispositifs de suivi individualisé des élèves.
Chapitre III
Des obstacles de fond à surmonter
La Cour a pu observer, tant au cours de ses déplacements en académie que dans le cadre de son enquête statistique, à quel point la communauté enseignante, comme les équipes de direction, savent et peuvent se mobiliser en faveur du suivi individualisé des élèves, lorsqu’un véritable projet d’école ou d’établissement parvient à fédérer l’ensemble des acteurs concernés autour de cet objectif.
Cette situation, que la Cour a rencontrée plus d’une fois sur le terrain, ne constitue toutefois pas la norme. Y parvenir suppose en effet de surmonter l’ensemble des dysfonctionnements du système éducatif dont les dispositifs de suivi individualisé des élèves ne sont que le révélateur : l’inadaptation du cadre de gestion (I), l’insuffisance de la formation et des outils à la disposition des enseignants (II), ainsi que les défaillances dans la conduite du changement (III). Cela implique de tels efforts de la part de l’ensemble des acteurs, enseignants comme chefs d’établissement et corps d’inspection, que la démarche en devient impossible à généraliser sur le territoire, hors exploit collectif et bonne volonté exceptionnelle des équipes locales.
Le suivi individualisé des élèves constitue pour les enseignants une transformation profonde de leur métier. Les rapports successifs des inspections générales consacrés au suivi de la réforme du lycée en témoignent.
Ainsi, dans leur rapport de suivi de la réforme de février 2011, les inspections rappellent que la réforme touche « le cœur de la culture et des pratiques professionnelles des enseignants ». Selon leur rapport de suivi de la réforme de mars 2012, « l’accompagnement personnalisé renouvelle profondément la définition même du métier d’enseignant. Il a été à ce titre déstabilisant pour beaucoup des professeurs en difficulté pour investir pleinement ce nouvel espace qui va au-delà du face-à-face pédagogique traditionnel ».
Les exigences d’un mode d’enseignement fondé sur l’individualisation sont en décalage avec l’organisation classique de l’enseignement, dans le premier comme dans le second degré – la situation étant encore plus préoccupante dans le second cas.
L’individualisation de l’enseignement suppose, en premier lieu, d’accorder moins de poids dans le second degré à la discipline enseignée. La circulaire de rentrée de 2010 rappelle ainsi que « tous les enseignants sont potentiellement concernés par l'accompagnement personnalisé, qui a vocation à être inscrit dans leur service. À cet effet, ils devront développer le travail en interdisciplinarité. (…) L'accompagnement personnalisé ne doit pas se limiter à du soutien dans une ou deux disciplines ».
Des initiatives, comme les itinéraires de découverte (IDD)69 au collège, ou plus récemment les travaux personnels encadrés (TPE)70, ont été prises pour proposer aux élèves des « activités distinctes des heures de cours traditionnelles permettant une approche des savoirs privilégiant la pluridisciplinarité ». Il reste que les enseignants du second degré sont très attachés à leur discipline. Les dispositifs de suivi individualisé des élèves ont du mal à s’imposer, dans ce contexte.
Ainsi a-t-on pu constater :
une réticence au travail pluridisciplinaire nécessaire dans le cadre de dispositifs transversaux comme l’accompagnement personnalisé, ainsi qu’exposé au chapitre I ;
une réticence par rapport à la dimension « orientation des élèves », ou de façon générale, non disciplinaire, de dispositifs tels que le tutorat ou l’accompagnement personnalisé, par exemple ;
la priorité donnée à l’achèvement du programme de la discipline, qui explique certaines dérives observées dans les heures d’accompagnement personnalisé (utiliser les heures d’accompagnement personnalisé pour « finir le programme », comme cela a pu être observé par la Cour aussi bien par le biais de son enquête statistique que par ses déplacements de terrain, par exemple dans un lycée visité, essentiellement en français et en mathématiques).
Ce phénomène est confirmé par le rapport précité des inspections générales d’octobre 2010 : « les dispositifs d’aide et d’accompagnement des élèves mobilisent inégalement les enseignants. Dans le second degré, quel que soit l’établissement visité, il y a toujours une part plus ou moins importante des professeurs qui ne s’investit pas dans des dispositifs considérés comme périphériques. Les réticences de ces enseignants relèvent de positions de principe, d’un manque d’intérêt pour ce qui est hors de leur champ d’intervention habituel mais aussi, pour certains d’entre eux, d’un déni de la difficulté inhérente à l’apprentissage scolaire, difficulté qui n’est pas perçue comme légitime ».
Les commentaires apportés par les chefs d’établissement dans le cadre de l’enquête statistique de la Cour le confirment également71.
Dans sa réponse, le ministère indique avoir conscience de cette difficulté. Il essaie actuellement d’insuffler une nouvelle dynamique à l’accompagnement personnalisé, « sur la base du constat de l’inadéquation entre la volonté politique de faire évoluer le système vers une personnalisation de la pédagogie et l’utilisation pédagogique “classique” des heures ainsi accordées ».
Le succès de la démarche d’individualisation du suivi des élèves nécessite, en second lieu, une importante collaboration entre les enseignants concernés. Cela implique donc un travail d’équipe, éloigné de l’organisation traditionnelle des activités d’enseignement. La situation est certes un peu moins préoccupante dans le premier degré où des temps de concertation sont explicitement prévus, contrairement au second degré. Toutefois, même dans les écoles, l’existence de temps de concertation officiels ne suffit pas à elle seule à garantir la diffusion d’une culture du travail en équipe, sans compter que ces plages dédiées sont unanimement jugées insuffisantes, tant par les enseignants que par les directeurs d’école.
Si le ministère indique que « l’évolution des pratiques des enseignants impliqués est une des conséquences de l’accompagnement personnalisé puisqu’il permet de sortir du contexte strictement disciplinaire, de s’affranchir du groupe classe et de travailler autrement sur les compétences transversales ou disciplinaires des élèves », cette description ne recouvre pas la réalité de tous les établissements scolaires.
À cet égard, l’enquête statistique menée par la Cour confirme les difficultés liées à la concertation entre les enseignants. Ainsi, près de 60 % des collèges et des lycées inclus dans le champ de l’enquête estiment que la coordination entre les enseignants est une source de difficulté. Les commentaires déposés par les proviseurs évoquent notamment « la difficulté de trouver un temps contraint de travail et de concertation pour faire travailler les enseignants en équipe et un temps de régulation obligatoire en équipe » ou leur volonté d’instaurer s’ils le pouvaient « un temps (une heure hebdomadaire) de régulation par équipe de classe (…) dans l'emploi du temps de la classe et de l'équipe de classe pour un débriefing du travail d'équipe ».
Les instances collectives telles que le conseil pédagogique des établissements devraient en théorie être particulièrement mobilisées par la démarche d’individualisation. Cela peut certes arriver, comme cela a été observé au cours de la visite d’un lycée professionnel dont le proviseur indiquait réunir le conseil pédagogique au moins toutes les six semaines et l’impliquer en particulier dans l’accompagnement personnalisé. Mais cela reste l’exception. Ainsi que le notent les inspections générales dans leur rapport d’octobre 2010, « le conseil pédagogique est loin de jouer un rôle central dans l’accompagnement des élèves ».
L’existence d’une dynamique collective est pourtant la clé du succès. Comme l’analyse un doyen des Inspecteurs de l’éducation nationale des enseignements techniques et des enseignements généraux (IEN-ET-EG), « il est patent que dans les établissements où un véritable pilotage pédagogique a été impulsé pour s’emparer de la marge d’autonomie laissée maintenant aux équipes pour les choix de nouvelles organisations pédagogiques (notamment pour l’accompagnement personnalisé), des pratiques nouvelles ont pu être observées. (…) Là où cette réflexion a véritablement été impulsée par l’équipe de direction et où les équipes et le conseil pédagogique ont été force de proposition, on constate la mise en place d’une organisation moins individuelle, moins disciplinaire et plus coordonnée ».
Il faut ici souligner le rôle fondamental joué par le directeur d’école ou le chef d’établissement (principal ou proviseur) pour impulser la dynamique d’équipe et la démarche d’individualisation dans l’établissement. S’il ne s’implique pas dans ce processus, les conséquences se font sentir immédiatement. L’enquête de la Cour dans les établissements a illustré les deux configurations possibles. Dans un lycée visité, le chef d’établissement ne jouait pas ce rôle d’impulsion ; l’équipe enseignante était dans sa très grande majorité rétive à l’accompagnement personnalisé et exprimait de manière unanime sa nostalgie de l’aide individualisée. L’accompagnement personnalisé y prenait souvent la forme d’un dédoublement des heures pour finir le programme. Dans un collège visité par la Cour, à l’inverse, le principal, particulièrement impliqué, avait fédéré l’équipe enseignante autour de projets d’accompagnement personnalisé en 6e transdisciplinaires et novateurs.
L’enquête TALIS de l’OCDE fait, elle aussi, apparaître la faiblesse du travail en équipe parmi les enseignants français.
Le métier d’enseignant en France s’exerce essentiellement de manière individuelle (TALIS 2013)
Si les enseignants de collège en France déclarent volontiers discuter des progrès faits par certains élèves avec leurs collègues ou échanger avec eux du matériel pédagogique, d’autres pratiques collaboratives, comme observer le travail d’autres enseignants et faire cours à plusieurs, sont encore rares, quel que soit le secteur d’enseignement (public en éducation prioritaire ou non, ou privé).
Ainsi, plus des trois quarts des enseignants en France (78 %) disent ne jamais observer le travail de leurs collègues en classe, contre 45 % en moyenne TALIS. Participer en groupe à une action de formation professionnelle, utiliser des barèmes communs d’évaluation sont des pratiques un peu plus répandues, mais elles le sont moins en général que dans les autres pays.
La répartition du temps de travail des enseignants confirme, pour la France, l’image d’un métier solitaire, dont l’exercice est essentiellement centré sur la classe (enseignement, préparation des cours et correction des copies). À l’étranger, d’autres pays mettent l’accent sur les relations avec la communauté éducative (parents, collègues, vie de l’établissement ou activités extrascolaires), comme le Royaume-Uni ou la Suède.
Source : « TALIS 2013, Enseignant en France : un métier solitaire ? », DEPP, Note d’information, n° 23 de juin 2014
En Finlande, à l’opposé de la France, le travail en équipe est la règle et les enseignants collaborent quotidiennement. Au cours de ses visites, la Cour a pu observer que l’enseignant finlandais ne travaille pas seul : il peut partager ses observations avec les autres enseignants, le psychologue scolaire, l’enseignant spécialisé pour les élèves à besoins spécifiques ou le conseiller d’orientation qui l’aident à trouver des réponses adaptées à chaque cas.
L’isolement de l’enseignant français est une difficulté supplémentaire dans l’appropriation de la démarche d’individualisation du suivi des élèves.
Les séquences de suivi individualisé des élèves sont beaucoup moins prises en compte par les corps d’inspection que les séquences d’enseignement devant la classe. Dans le premier degré certes, les inspecteurs de l’éducation nationale consultent généralement les cahiers d’aide personnalisée des élèves concernés, voire dans certains cas, assistent aux séances d’aide personnalisée. Cette pratique est, en revanche, beaucoup moins répandue dans le second degré, sans doute en raison du poids de la discipline, les inspecteurs du second degré étant spécialisés par discipline, contrairement au premier degré. Un rectorat indique dans sa réponse que « pour beaucoup, la volonté [des inspecteurs] était de ne pas mettre les enseignants dans l’embarras, et peut-être aussi de ne pas être pris eux-mêmes en défaut sur certains aspects ou mises en œuvre des différents dispositifs ».
Les inspections générales confirment cette observation et s’interrogent dans leur rapport précité de 2010 sur « la vision du métier d’enseignant qu’ont les corps d’inspection et sur la place qu’ils accordent à la dimension “accompagnement des élèves”, en particulier dans le second degré où l’exercice d’un métier porte avant tout sur un champ disciplinaire. (…) La majorité des enseignants rencontrés évoque aussi un manque d’intérêt des inspecteurs pour cette dimension de l’aide et de l’accompagnement, apparemment tout aussi périphérique pour les inspecteurs qu’elle l’est pour les professeurs ».
Le dernier rapport des inspections générales en date sur le sujet72 ne fait pas état de progrès en ce domaine depuis 2010 : « la lecture de rapports d’inspection montre que les inspections individuelles prennent peu en compte les travaux qui ne sont pas des séquences classiques d’enseignement ou, plus largement, les enjeux de la réforme du lycée ».
Les résultats de l’enquête statistique de la Cour vont dans le même sens. Ainsi, dans 80 % des écoles élémentaires et dans 88 % des écoles maternelles incluses dans le champ de l’enquête, aucun enseignant concerné par l’aide personnalisée n'a été inspecté pendant une de ses séances depuis la mise en œuvre du dispositif. Certaines écoles ont toutefois signalé la pratique d’inspection collective sur la thématique de l’aide personnalisée.
De la même manière, dans 87 % des collèges ayant participé à l’enquête, aucun enseignant intervenant dans l’accompagnement personnalisé n'a été inspecté pendant ces séances depuis la mise en œuvre du dispositif. Certains principaux précisent toutefois que « les enseignants ne sont pas inspectés pendant les heures d'accompagnement personnalisé, mais quand ils sont inspectés sur leur discipline, on les interroge sur l'accompagnement personnalisé ».
Dans les lycées, le constat est un peu moins sévère mais reste préoccupant : dans la voie générale et technologique, 59 % des proviseurs déclarent qu'aucun de leurs enseignants concernés n'a été observé dans une séance d’accompagnement personnalisé depuis sa mise en place ; ce chiffre est de 69 % dans la voie professionnelle.
Il est d’autant plus urgent d’intégrer la dimension de l’individualisation dans l’inspection des enseignants que le « référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation »73 identifie désormais parmi les compétences attendues des enseignants l’adaptation de l’enseignement et de l’action éducative à la diversité des élèves, ainsi que la détection des signes du décrochage scolaire (item 4). Faute de quoi, ce nouveau référentiel risque de rester lettre morte.
Une triple évolution dans la conception du métier enseignant est donc nécessaire pour faciliter l’appropriation de la démarche d’individualisation dans le système éducatif français. Elle touche la tradition disciplinaire (dans le second degré uniquement), le travail en équipe et les pratiques d’inspection des enseignants.
Une autre évolution, qui concerne les textes régissant le statut des enseignants, est elle aussi indispensable.
La définition actuelle des obligations de service des enseignants pose un double problème : d’une part, celui de la logique hebdomadaire du temps de travail des enseignants ; d’autre part, celui de l’absence de prise en compte dans les maxima horaires de la dimension liée au suivi individualisé des élèves. Si l’on ne fait pas évoluer cette double contrainte, la réforme en cours ne pourra jamais s’imposer sur le territoire, ni surtout répondre efficacement aux besoins des élèves.
Le temps de service des enseignants est défini de manière hebdomadaire dans le second degré. Il l’est aussi en très grande partie dans le premier, excepté 108 heures annualisées.
Or cette définition conduit à considérer que les emplois du temps des enseignants sont fixes d’une semaine sur l’autre et à ignorer le rythme variable des besoins des élèves tout au long de l’année scolaire. Ainsi que le faisait déjà remarquer la Cour dans son rapport public thématique de 2013 sur la gestion des enseignants, « la réalité des besoins des élèves n’est pas uniforme sur toute l’année scolaire et se concilie difficilement avec cette organisation hebdomadaire (…) ». Certes, la Cour a pu observer qu’une forme d’annualisation pouvait être mise en place, en particulier pour les heures d’accompagnement personnalisé au lycée (et plus rarement, au collège). Mais ces situations relèvent de l’exception et sont soumises à la bonne volonté des enseignants, qui sont en droit, au regard des textes actuellement en vigueur, de refuser une telle pratique.
Selon les résultats de l’enquête statistique de la Cour, l'annualisation, ne serait-ce que d'une partie, des heures d'accompagnement personnalisé est pratiquée dans seulement 30 % des collèges et dans moins de la moitié des lycées répondant à l'enquête.
Ainsi que le remarquait la Cour dans son rapport public thématique de 2013, la définition du service des enseignants du primaire est plus complète que celle des enseignants du secondaire. Outre les heures de cours, le service intègre en effet d’autres activités, notamment certaines relevant du suivi individualisé des élèves. Ainsi, depuis la rentrée 2013, le service des enseignants comprend 36 heures annuelles consacrées aux activités pédagogiques complémentaires, 24 heures annuelles affectées à « l’identification des besoins des élèves, à l’organisation des activités pédagogiques complémentaires et à leur articulation avec les autres moyens mis en œuvre dans le cadre du projet d’école pour aider les élèves »74, et vingt-quatre heures consacrées aux travaux en équipes pédagogiques, aux relations avec les parents, etc.
En dépit de cette prise en compte – propre au premier degré – d’activités autres que les strictes heures de cours, les directeurs d’école interrogés par la Cour75 ont souvent rappelé que les volumes horaires prévus par les textes ne suffisaient pas à couvrir les besoins. Ainsi, l’un d’eux estime que « toutes ces réunions et équipes éducatives demandent un important investissement personnel, dans le temps de préparation de classe en différenciant les activités plus que de raison et en temps personnel, en dehors des heures de cours. Tout ceci est chronophage, heureusement que nous ne comptons pas nos heures ! ».
Le manque de temps est évoqué particulièrement à trois titres : pour articuler les dispositifs (« coopération de toute l'équipe pour construire des parcours adaptés à chacun (y compris RASED, CMPP, CAMSP76... selon les cas) »), pour partager des méthodes de travail (« temps pour le travail d'équipe et l'analyse de la pratique ») et pour rencontrer les intervenants extérieurs à l’école (« plus de temps pour la communication avec les professionnels qui suivent les enfants à l'extérieur de l'école »). Les directeurs d’école rappellent en outre qu’ils n’ont pas les moyens de rémunérer spécifiquement ces temps de travail (exemple : « les enseignants ne touchent aucune rémunération pour la mise en place des dispositifs de personnalisation »).
Dans le second degré, les missions légales des enseignants recouvrent, au-delà des heures de cours au sens strict, un ensemble d’activités individuelles et collectives, dont font partie l’aide et l’accompagnement individualisés77. Cependant, la diversité de ces missions n’est pas reflétée dans leurs obligations réglementaires de service (ORS) qui comptabilisent les seules heures de cours en vertu des décrets régissant le statut des enseignants78.
Ces textes ont certes été revus par un décret du 20 août 2014, qui reconnaît dans le décret statutaire l’ensemble des missions inhérentes au métier enseignant, et notamment « l’aide et le suivi du travail personnel des élèves, leur évaluation, le conseil aux élèves dans le choix de leur projet d’orientation »79. Toutefois, la seule obligation chiffrée à laquelle sont tenus les enseignants en vertu de ces décrets demeure d’assurer le nombre d’heures de cours hebdomadaires correspondant à leur statut, comme par le passé. Or tel est précisément le point qui pose problème aux principaux de collège et proviseurs de lycée interrogés par la Cour80.
C’est donc bien l’intégration dans les volumes horaires eux-mêmes qui est explicitement souhaitée par les chefs d’établissement : cette réforme reste à engager. Tel est par exemple le cas en Ontario, visité par la Cour, mais il existe de nombreux autres exemples étrangers.
Le temps de travail des enseignants en Ontario
Dans l’enseignement primaire comme dans l’enseignement secondaire, les journées comportent quatre séquences d’enseignement de 75 minutes chacune. Le temps de travail des enseignants ontariens fonctionne sur une base hebdomadaire, mais va au-delà des seules heures d’enseignement :
- dans l’élémentaire, le temps de travail s’élève au total à 1 500 minutes par semaine, qui se décomposent en 1 260 minutes de « temps d’enseignement » et 240 minutes de « temps de préparation » par cycle de cinq jours. L’enseignant est laissé libre par la convention collective « d’accomplir des tâches pédagogiques de son choix » pendant ce temps de préparation ;
- dans le secondaire, les enseignants sont chargés de trois périodes de 75 minutes d’enseignement par jour et peuvent en plus être affectés à des « tâches pédagogiques complémentaires », définies par la convention collective comme « suppléance interne, surveillance, mentorat ». La fréquence et la durée de ces tâches complémentaires sont précisément fixées par convention collective. Le temps consacré au mentorat, qui s’élève à 15 minutes hebdomadaires, est annualisable : « le temps de mentorat ainsi accumulé peut être réparti au cours de l’année scolaire pour répondre aux besoins de l’école ».
Au total, les propos de la Cour dans son rapport public thématique précité « Gérer les enseignants autrement » demeurent d’actualité malgré la réforme intervenue à l’été 2014 : « tout travail de l’enseignant autre que celui de “faire cours” n’est pas identifié dans son temps de service, ce qui est doublement dommageable, pour l’enseignant qui ne peut pas voir son implication pleinement reconnue, et pour le chef d’établissement qui est tributaire de la bonne volonté des enseignants ».
Il apparaît dans ces conditions illusoire de vouloir mettre en œuvre une démarche d’individualisation du suivi des élèves sans modifier les obligations de service des enseignants. Cela revient en fait à limiter le succès de la démarche aux établissements dont l’équipe enseignante est motivée par ce type de dispositifs et prête à dépasser le strict cadre de ses obligations de service.
Cette situation peut expliquer que le temps effectivement dispensé aux élèves en accompagnement personnalisé soit parfois inférieur au volume horaire prévu par les textes (72 heures annuelles). Ainsi, selon le rapport de la mission d’accompagnement de la réforme du lycée de mars 2012, « certains proviseurs ont fait le choix de “financer” sur l’enveloppe de l’accompagnement personnalisé les heures de coordination des enseignants en charge de l’accompagnement personnalisé (…). Le problème de la reconnaissance de ce temps de coordination a régulièrement été posé par les chefs d’établissement et pointé comme un facteur de démotivation des enseignants ». L’enquête de la Cour a permis d’observer que les chefs d’établissement y recouraient pour contourner l’obstacle des obligations réglementaires de service et motiver leurs équipes enseignantes à participer aux dispositifs d’individualisation.
Par ailleurs, la contrainte du temps de service peut avoir un autre type de conséquence : il peut arriver que l’accompagnement personnalisé soit utilisé pour compléter les services d’enseignants, de sorte que ce ne sont pas toujours les enseignants les plus motivés qui y participent. Ce risque est explicitement visé par les inspections générales dans leur rapport précité d’octobre 2010 : « il peut se faire aussi que l’accompagnement personnalisé soit confié à des enseignants pour compléter leur service et ainsi sauver leurs postes, sans égard pour les besoins réels et les attentes des élèves ». L’enquête de la DGESCO effectuée sur l’accompagnement personnalisé en 6e le confirme : « les enseignants rencontrent de nombreux obstacles : services partagés, manque de formation ou d’information, concertation non planifiée… l’AP a pu servir de variable d’ajustement des services ». Ce phénomène a également été relevé lors des déplacements de terrain de la Cour.
Il ressort des éléments qui précèdent que la démarche d’individualisation suppose une véritable évolution de l’organisation des activités d’enseignement. Elle nécessite aussi que les enseignants y soient correctement préparés. Or tel n’est pas le cas actuellement.
Les enseignants sont à l’heure actuelle mal préparés au suivi individualisé des élèves. Ce constat vaut tant pour la formation dont ils bénéficient que pour les outils de détection des besoins des élèves mis à leur disposition. La faible place qu’occupe la démarche d’individualisation de l’enseignement dans ces deux domaines est une preuve supplémentaire du peu d’importance qui lui est accordée en pratique, contrairement à ce qui est affiché dans les textes.
Le besoin de formation à la démarche de suivi individualisé des élèves est largement exprimé par les enseignants mais aussi par les chefs d’établissement, tant en formation initiale qu’en formation continue.
L’enquête TALIS de l’OCDE réalisée en 2013 fait ainsi apparaître la singularité du besoin de formation des enseignants français dans le domaine du suivi individualisé des élèves.
Les enseignements de l’enquête TALIS 2013
En France, l’immense majorité des enseignants (90 % contre 93 % en moyenne TALIS) se déclarent bien ou très bien préparés dans leur discipline, mais, contrairement à leurs collègues de la grande majorité des pays participants, ils sont nettement moins nombreux à estimer que c’est le cas sur le plan pédagogique, qu’il s’agisse des contenus à enseigner (60 % contre 89 %) ou des pratiques de classe (58 % contre 89 %).
Les plus forts besoins de formation exprimés concernent la prise en charge d’élèves à besoins spécifiques (27 %), les approches pédagogiques individualisées (19 %) et l’enseignement en milieu multiculturel ou plurilingue (11 %).
Source : « TALIS 2013, La formation professionnelle des enseignants est moins développée en France que dans les autres pays », DEPP, Note d’information, n° 22 de juin 2014
Les résultats de l’enquête statistique conduite par la Cour81 confirment les constats de l’enquête TALIS, que l’on se situe dans le premier ou dans le second degré.
Dans les écoles, 54 % des directeurs d’école élémentaire et 60 % des directeurs d’école maternelle estiment que l’absence de formation continue des enseignants est une source de difficulté. L’un d’entre eux exprime ainsi le besoin de formation pour « travailler sur les blocages de l'enfant, comprendre pourquoi l'enfant est confronté à certaines difficultés et comment faire pour l'aider au mieux dès le plus jeune âge. Formation sur du plus long terme pour certaines disciplines et plus de conférences sur des sujets ayant trait à l'enfant ».
Dans les collèges, la moitié des principaux interrogés sur les difficultés auxquelles se heurte la mise en place des dispositifs de suivi individualisé des élèves évoquent la formation continue. Les commentaires suivants déposés par les chefs d’établissement sur le site d’enquête de la Cour illustrent leurs propos :
« Les enseignants n'ont aucune formation adaptée à l'aide personnalisée ».
« beaucoup d'imprécision dans les pratiques enseignantes et donc peu d'efficacité pour les élèves en difficulté : les enseignants ne sont pas formés ni informés, si bien que même les plus compétents, expérimentés et volontaires sont démunis (ma remarque vaut surtout en français, les mathématiques étant plus outillées) »,
« nous avons mis en place une formation d’établissement (pour 12 enseignants) sur la différenciation des apprentissages en classe. Il y a une nécessité d'accompagnement des équipes par les inspecteurs indispensable pour une évolution des pratiques plutôt que l'inspection individuelle (analyse, mutualisation, liens avec compétences, encourager et rassurer car prise de risque importante du changement...) ».
De fait, dans 55 % des collèges ayant participé à l’enquête, aucun enseignant n'a été formé à l'accompagnement personnalisé en 6e.
Dans les lycées, le constat est aussi peu satisfaisant. Dans plus des trois quarts des lycées ayant fait l’objet d’une enquête, que ce soit dans la voie générale et technologique ou la voie professionnelle, seule une minorité des enseignants est formée à l'accompagnement personnalisé (sachant que dans un tiers des lycées, aucun enseignant n'a été formé). La moitié des proviseurs de lycées estime que l’absence de formation initiale et continue a constitué une difficulté pour la mise en place des dispositifs. La lecture des commentaires déposés par les chefs d’établissement sur le site d’enquête de la Cour traduit les fortes attentes en la matière :
- « L'accompagnement personnalisé pose encore de grandes difficultés à certains enseignants jeunes et moins jeunes, en particulier au lycée professionnel. Il semble nécessaire que les corps d'inspection s'impliquent davantage dans la mise en place de ce dispositif qui montre quelques signes d’essoufflement. La mise en place pédagogique, y compris dans son contenu, repose de façon trop importante sur l'investissement des chefs d’établissement ».
- « Il faut une alliance plus importante avec les Inspecteurs d’académie – inspecteurs pédagogiques régionaux (IA-IPR) et les chercheurs, les Écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE), l’EFE...82 pour davantage d'accompagnement des équipes pédagogiques sur des pratiques différenciées, qui permettent à chaque élève de se mettre "à la tâche" et de progresser en confiance dans le cadre de la classe (il est indispensable de développer une pratique réflexive des enseignants) ».
- « Je diminuerais les formations externes sur temps de travail et ferais vivre la formation continue ensemble dans le lycée ; je ferais venir des intervenants en recherche pédagogique sur les élèves en grande difficulté scolaire pour amener à trouver des méthodes pédagogiques différentes ».
Enfin, les chefs d’établissement font état de leur propre besoin de formation en matière de suivi individualisé des élèves. À titre d’exemple, un principal de collège évoque le « besoin d'une réelle formation continue des personnels de direction qui n'existe plus dans [l’] académie (échange de pratiques porteuses, management des équipes favorisant l'implication, la réflexion, l'évolution des pratiques, etc.), indispensable à l'organisation de la prise en charge plus performante de la difficulté scolaire », tandis qu’un proviseur de lycée souhaiterait « des moyens supplémentaires pour l'animation des équipes pédagogiques sur les contenus des dispositifs d'accompagnement. Une équipe de deux personnels de direction ne peut à elle seule impulser une telle dynamique, même si elle est régulièrement épaulée par le corps d'inspection ».
Les corps d’inspection de certaines académies ont évoqué des pistes d’amélioration des pratiques de formation dans ce domaine qui permettraient de rompre l’isolement des enseignants ou des chefs d’établissement. Ont ainsi été mentionnées les formations menées par bassin d’éducation, les inspections d’établissement, l’observation du travail d’autres enseignants dans leur classe, initiatives qui conduisent les enseignants à se rencontrer et à échanger sur leurs pratiques.
De manière générale cependant, la démarche de formation aux dispositifs de suivi individualisé des élèves mise en place par le ministère ne permet pas de répondre aux besoins observés sur le terrain.
La Cour n’a pas examiné la réforme en cours de la formation initiale des enseignants mais il lui paraît crucial que le ministère saisisse l’opportunité de la mise en place des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE) pour répondre au besoin de formation exprimé par les enseignants.
S’agissant de la formation continue, seul domaine étudié dans ce rapport, l’administration centrale comme les académies ont déployé un certain nombre d’efforts. Ceux-ci demeurent toutefois extrêmement parcellaires car ils concernent quasi-exclusivement la réforme du lycée, et encore plus précisément, l’accompagnement personnalisé au lycée, au détriment des autres dispositifs et des autres niveaux.
En outre, quel que soit le dispositif concerné (l’aide personnalisée en primaire, l’accompagnement personnalisé en 6e ou l’accompagnement personnalisé au lycée), les démarches de formation ont toujours été engagées tardivement par rapport à la date de création du dispositif :
au lycée, alors que l’accompagnement personnalisé avait démarré en septembre 2009 dans la voie professionnelle et en septembre 2010 dans la voie générale et technologique, ce n’est que fin mai 2011 qu’un séminaire sur l’accompagnement personnalisé a été organisé, et en septembre 2012 que des ressources pédagogiques et des modules d’auto-formation directement utilisables par les enseignants ont été mis en ligne. Une charte de l’accompagnement personnalisé synthétisant les caractéristiques essentielles de ce dispositif devait également être « prochainement finalisée » selon la réponse de la DGESCO en août 2013 ;
en primaire, alors que l’aide personnalisée avait démarré en septembre 2008, c’est au cours de l’année scolaire suivante (2009-2010) que la DGESCO a organisé en collaboration avec l’IGEN cinq séminaires inter-académiques de deux jours chacun (à Lyon, Nantes, Reims, Toulouse et Paris), à destination des corps d’inspection (tous les IEN ainsi que quelques IA-IPR chargés de la liaison entre le premier et le second degré) ;
au collège, alors que l’accompagnement personnalisé avait démarré en septembre 2011, il faut attendre le 16 mai 2012 pour qu’un séminaire national soit organisé par le ministère, destiné aux corps d’inspection, chefs d’établissement, directeurs d’école et responsables académiques de la formation. Des fiches pédagogiques ont également été mises en ligne sur le site Eduscol83.
Dans tous les cas, tout se passe comme si le dispositif de formation avait commencé à être conçu après la réforme. Les autres dispositifs de suivi individualisé des élèves n’ont pour leur part donné lieu à aucune démarche spécifique de la part du ministère.
Dans sa réponse, celui-ci précise toutefois avoir amélioré ses pratiques pour les activités pédagogiques complémentaires à l’école primaire : un groupe de travail national co-piloté par la DGESCO et l’IGEN a été installé ; il réunit « des représentants des corps d’encadrement, des conseillers pédagogiques et maîtres-formateurs, des directeurs, des professeurs des écoles et des chercheurs » et a vocation à « élaborer des repères pour aider les enseignants dans la mise en œuvre de ces activités, dont ils sont chargés depuis la rentrée scolaire 2013 ». Un document « Repères pour la mise en œuvre des activités pédagogiques complémentaires » est également en ligne sur Eduscol depuis octobre 2013. Cette démarche n’échappe pas cependant à la critique précédente, à savoir que le dispositif de formation des enseignants est mis en place au mieux en même temps que la réforme que ces derniers sont supposés appliquer.
Le même constat peut être dressé dans les académies visitées par la Cour.
Les lacunes observées dans la formation des enseignants aux dispositifs de suivi individualisé des élèves sont encore aggravées par l’insuffisance des outils mis à leur disposition pour détecter les besoins des élèves.
Alors que l’identification préalable des besoins des élèves est indispensable à leur affectation dans les dispositifs d’individualisation les plus adaptés, les enseignants français paraissent dans leur grande majorité démunis pour s’acquitter de cette tâche.
Les inspections générales le soulignent de manière répétée dans leurs rapports successifs. Le rapport de mars 2012 de la mission d’accompagnement de la réforme du lycée souligne ainsi que : « la question du diagnostic des besoins des élèves est majeure et mal résolue pour l’instant. En début d’année, les professeurs prennent les élèves comme ils arrivent (…). La prise en compte du livret de compétences du collège est encore inexistante (…) ». De même, selon leur rapport d’octobre 2010 consacré à l’ensemble des dispositifs d’accompagnement individualisé, « l’utilisation massive dans le discours scolaire, ces dernières années, du terme “diagnostic” (…) ne doit pas cacher le manque de savoir-faire des professeurs dans ce domaine (…), ils (…) ont une approche globale assimilant résultats faibles et difficultés sans plus chercher à identifier ou qualifier le problème ; faute d’un diagnostic précis, la réponse est approximative ou stéréotypée ».
Dans le second degré plus particulièrement, le diagnostic des besoins des élèves souffre d’une absence de vision globale qui nécessiterait un échange entre les différents enseignants ayant la charge de l’élève concerné. Autrement dit, cela suppose une dynamique collective des enseignants, élément qui n’est pas acquis aujourd’hui comme on vient de le voir. Ainsi, selon le rapport précité des inspections générales d’octobre 2010, « selon les établissements visités, le repérage des élèves concernés par les divers dispositifs d’aide et d’accompagnement est plus ou moins formalisé, (…) plus ou moins partagé aussi entre professeurs de différentes disciplines ou entre professeurs de classes d’un même niveau. (…) Le diagnostic en « tuyaux d’orgue », par discipline, est particulièrement observable en lycée… ».
À l’étranger, l’enseignant ne se trouve pas aussi isolé qu’en France face à ce problème. Ainsi, en Finlande ou en Ontario, il est accompagné d’enseignants spécialisés, qui l’aident à poser le diagnostic des besoins des élèves et à apporter des réponses. En France, du fait de l’organisation retenue, les maîtres spécialisés ne sont pas en mesure de remplir ce rôle et du reste, leur intervention est limitée au premier degré alors qu’en Finlande ou en Ontario, ils couvrent au moins l’équivalent du collège. Les enseignants français ont donc particulièrement besoin d’outils pour identifier de manière précise les besoins, forces et faiblesses des élèves et donc adapter l’organisation de leur enseignement aux aptitudes de chacun, en d’autres termes pour l’individualiser.
Le système d’évaluations dites « diagnostiques », tel qu’il existait de 1989 à 2002, constituait un ensemble de ressources idoine à la disposition des enseignants dans leur classe. Il mettait à la disposition des enseignants :
des protocoles d’évaluation en français et en mathématiques à chaque rentrée scolaire pour les élèves de certains niveaux ;
une banque d’outils d’aide à l’évaluation diagnostique des élèves (en ligne), couvrant tous les niveaux scolaires et un large ensemble de disciplines ;
ainsi qu’un logiciel permettant d’exploiter les réponses des élèves afin d’identifier des domaines de compétence à travailler et permettre, dans une classe, la constitution de groupes de niveau ou de besoins.
Les enseignants pouvaient y recourir à tout moment de l’année scolaire.
Or il n’existe plus d’outils de ce type, ni dans le premier ni dans le second degré, depuis l’abandon complet des évaluations nationales à visée diagnostique84. Le ministère rappelle certes dans sa réponse qu’il existe « des outils [d’évaluation] à usage local. Chaque académie en dispose, et le site national Eduscol en comporte aussi, par exemple pour l’accompagnement personnalisé en 6e ». Dans l’enquête menée par la Cour, les professeurs des écoles déclarent aussi utiliser de multiples supports d’évaluation : des « outils proposés par le maître E85 » aux anciennes évaluations (Banqoutils), en passant par des évaluations proposées par des éditeurs ou des laboratoires universitaires. Les évaluations élaborées par une circonscription ou une académie sont aussi partagées au-delà du périmètre géographique initialement prévu.
Cependant, ces outils ne sont pas forcément mis à jour régulièrement et, surtout, la charge est laissée à chaque enseignant de se constituer ses propres outils. Sans cette capacité à évaluer les besoins des élèves, la mise en place de dispositifs d’individualisation de l’enseignement ne produira pas les résultats escomptés. La formation des enseignants à l’utilisation de ces outils est fondamentale et doit être prise en compte par le ministère s’il souhaite que la démarche porte ses fruits.
La mise en place des différents dispositifs de suivi individualisé des élèves depuis 2005 a souffert, dans le premier comme dans le second degré, d’une insuffisante préparation. Le ministère ne s’est ainsi fixé aucun objectif ciblé pour l’accompagnement des élèves (résultats, nombre d’élèves pris en charge, nombre d’enseignants concernés, etc.).
De la même façon, les besoins des élèves en matière d’accompagnement personnalisé n’ont fait l’objet d’aucune étude spécifique préalable. Le ministère se borne dans sa réponse à citer le rapport d’octobre 2010 de l’IGEN sur l’ensemble des dispositifs d’aide et d’accompagnement individualisé, alors que ce rapport est postérieur à l’entrée en vigueur de la réforme.
Aucune expérimentation préalable n’a non plus été conduite, qu’il s’agisse de l’aide personnalisée dans le premier degré, de l’accompagnement éducatif ou de l’accompagnement personnalisé (au collège comme au lycée) dans le second degré.
Quand il recourt à l’expérimentation pour un dispositif, le ministère n’en tire le plus souvent aucun bilan avant de le généraliser dès l’année suivante, exception faite du PPRE.
S’agissant de la rénovation de la voie professionnelle, selon la note d’étape précitée des inspections générales de janvier 2010, « l’impression générale qui se dégage est celle de flou, de balbutiement, de tâtonnement, de professeurs désemparés devant une modalité pédagogique nouvelle (la personnalisation) imposant de façon plus aigüe une approche transversale et des processus décisionnels différents (initiative locale, décisions collectives). Les équipes enseignantes demandent un accompagnement sur place par les corps d’inspection qui jusque-là leur a fait défaut, la simple mise en ligne de guides d’accompagnement de la rénovation ayant des effets très insuffisants sur le terrain ».
Les conséquences de la mise en place d’un dispositif sont souvent sous-estimées au stade de la conception : elles ne sont même parfois appréhendées que lorsqu’il s’agit de les mettre en œuvre, ce qui met en difficulté les enseignants, les chefs d’établissement, les corps d’inspection et les académies.
Au-delà d’une préparation insuffisante des réformes, le ministère se donne trop peu de temps pour les mettre en œuvre.
Concernant l’école, la troisième note de synthèse des inspections générales sur l’enseignement primaire souligne le fait que l’année 2008, année de réforme de l’école primaire, « a été exceptionnelle aussi par la soudaineté de mise en œuvre de la réforme ».
S’agissant en particulier des stages de remise à niveau en primaire, on relève que la lettre du ministre qui les instaure est datée du 1er février 2008 et qu’elle prévoit une mise en place de ce dispositif dès les vacances de printemps 2008, ce qui laissait aux académies moins de trois mois pour s’organiser. Ces délais extrêmement courts n’ont sans doute pas contribué à faciliter l’implantation de ce dispositif sur le territoire.
La même remarque peut être faite à propos de l’accompagnement éducatif. Selon le rapport de l’IGEN de 2008 consacré à ce dispositif, « la rapidité avec laquelle la décision de mettre en œuvre l'accompagnement éducatif a été prise a fait que le pilotage pédagogique a été limité, les équipes académiques ayant inévitablement centré leurs efforts sur le bon démarrage du dispositif ».
L’un des rectorats interrogés considère que : « la mise en place de l’accompagnement éducatif s’est accompagnée de difficultés concernant les aspects organisationnels liés à l’échéancier de mise en place » et évoque notamment le « temps de mise en place trop réduit pour engager une réflexion véritablement approfondie sur les contenus et la cohérence des dispositifs ».
S’agissant de l’accompagnement personnalisé en 6e, le ministère reconnaît lui-même dans sa réponse à la Cour qu’il « a parfois souffert d’un manque de préparation et de planification : des emplois du temps ont été préparés sans en tenir compte, le dispositif n’a pas toujours été présenté à temps aux familles comme aux élèves, certains établissements le limitant à une aide aux élèves en difficulté ».
Ce mode de gestion, dans l’urgence et sans expérimentation préalable, est caractéristique de la conduite du changement au ministère de l’éducation nationale.
La communication avec les différents acteurs chargés de la mise en œuvre de la réforme est un enjeu essentiel dans tout processus de réforme.
Elle souffre pourtant de défaillances importantes à tous les échelons hiérarchiques. Les académies ne sont ainsi pas nécessairement informées des raisons pour lesquelles un dispositif est supprimé. Un rectorat déclare même n’avoir « aucune idée » des raisons pour lesquelles l’aide individualisée a été supprimée dans l’académie.
Ce défaut de communication se répercute sur les écoles et établissements avec des conséquences directes sur les élèves. La Cour a pu constater, dans deux écoles où elle s’est rendue en juin 2013, que celles-ci n’étaient pas informées de la mise en œuvre des activités pédagogiques complémentaires à la rentrée suivante et n’avaient donc élaboré aucun projet en la matière. Ceci témoigne des lacunes de la communication en provenance des inspecteurs de l’éducation nationale (IEN).
La manière de mettre en œuvre les réformes en Autriche est fondamentalement différente. Dans ce pays fortement décentralisé, les différents niveaux décisionnels (Land, circonscription, commune et établissements) élaborent, sur la base d’une recommandation nationale, la déclinaison locale adaptée, qui remontera par validations successives jusqu’au niveau national.
Comme la Cour l’avait déjà souligné lors de son enquête sur la détermination des besoins en enseignants, les calendriers trop resserrés compromettent la qualité de l’accompagnement qui peut être assuré par les différents acteurs. En effet, la précipitation qui en résulte ne permet pas de réunir les conditions pour une communication sereine et transparente à l’égard des académies, pour une adhésion des enseignants concernés au projet et pour une bonne compréhension par les élèves et leur famille.
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
L’enquête conduite par la Cour fait apparaître que le suivi individualisé des élèves ne peut réellement s’épanouir dans le système éducatif français sans des évolutions très significatives.
Tout d’abord, dans le second degré, l’organisation classique des activités d’enseignement n’englobe pas la démarche d'accompagnement individualisé des élèves : au collège et au lycée, le poids de la discipline et la faiblesse du travail en équipe constituent des obstacles importants au déploiement de ces dispositifs, et la diversité des missions des enseignants n’est pas reflétée dans leurs obligations réglementaires de service. La réforme des décrets de 1950 conduite à l’été 2014, si elle constitue une avancée sur le principe, ne résout pas concrètement le problème car elle n’intègre pas le suivi individualisé des élèves dans les obligations horaires des enseignants.
En second lieu, la formation à la démarche de suivi individualisé des élèves dispensée aux enseignants est notoirement insuffisante. Le besoin de formation des enseignants dans ce domaine distingue la France dans les comparaisons internationales. Le ministère doit saisir l’opportunité de la mise en place des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE) pour répondre à cette exigence. En outre, les outils mis à la disposition des enseignants pour détecter les besoins des élèves sont insuffisants et imparfaits depuis l’abandon des évaluations nationales à visée diagnostique.
Enfin, la multiplication des réformes, leurs calendriers toujours précipités de mise en œuvre au sein du système éducatif ainsi que les insuffisances observées dans l’accompagnement des acteurs de terrain rendent plus difficile l’appropriation de ces dispositifs par ceux qui sont chargés de les appliquer.
Ainsi, l’enseignant se trouve relativement isolé pour s’approprier la démarche d’individualisation, que ce soit dans le quotidien de son métier, dans l’évaluation des besoins de ses élèves, ou dans la formation qu’on lui propose.
La Cour émet en conséquence, ou réitère pour certaines, les recommandations suivantes :
6 mettre en place et actualiser régulièrement à l’usage des enseignants des outils d’évaluation des besoins des élèves ;
7 revoir la définition du temps de service des enseignants du second degré pour l’élargir à des plages obligatoires dédiées aux autres missions de l’enseignant et notamment aux dispositifs d’individualisation (suivi individuel des élèves, temps de concertation, évaluation des besoins des élèves, etc.) (recommandation réitérée) ;
8 donner aux directeurs d’école et aux chefs d’établissement la possibilité de moduler la répartition du temps de service des enseignants et des emplois du temps des élèves en fonction des besoins des élèves, notamment en prévoyant la mise en place sur l’année scolaire de plages horaires variables de soutien et d’accompagnement (recommandation réitérée) ;
9 pour ce faire, annualiser au moins pour partie le temps de service des enseignants du secondaire (recommandation réitérée) ;
10 systématiser la formation des enseignants à la démarche d’individualisation, y compris à l’évaluation des besoins des élèves, dans le cadre de la formation continue ; prévoir également une formation continue des personnels de direction dans ce domaine ;
11 évaluer les enseignants sur leur pratique du suivi individualisé des élèves.
Un enjeu décisif pour le système éducatif
Parvenue au terme de son enquête, la Cour estime que le suivi individualisé des élèves constitue un enjeu essentiel pour l’avenir. De la capacité – ou non – de la France à le mettre en place dans de bonnes conditions dépendent les performances futures de notre système éducatif.
En effet, l’école se trouve aujourd’hui dans l’incapacité d’atteindre les objectifs que le législateur lui a assignés : 100 % de qualification ou de diplôme au niveau de l’enseignement secondaire, 80 % d’accès au niveau du baccalauréat et 50 % de diplômés de l’enseignement supérieur. Les résultats de la France ne cessent en outre de se dégrader au sein des enquêtes internationales et notamment de l’enquête PISA. Cette situation témoigne de l’essoufflement de notre modèle éducatif : si la France a su mener à bien la démocratisation de l’accès à l’enseignement, en scolarisant au sein de l’école unique une génération entière d’élèves, elle n’a pas su transformer ce succès quantitatif en une réussite de tous les élèves.
L’adaptation de l’enseignement aux besoins de chaque élève, qui vise à répondre à l’hétérogénéité des publics scolaires, constitue bien dans ces conditions le principal défi à relever.
Le difficile chemin vers l’individualisation
La préoccupation d’individualiser l’enseignement pour prendre en compte les besoins spécifiques de chaque élève n’est pas nouvelle. En France comme à l’étranger, elle est étroitement liée à l’introduction du collège unique, qui conduit à scolariser une classe d’âge entière au sein d’une même structure, contrairement au système antérieur où seule une minorité d’élèves était concernée (en 1950, le taux de bacheliers était de 5 %). La France se caractérise par rapport à ses voisins étrangers par son retard à mettre en place le collège unique et à se lancer dans une démarche d’individualisation.
La loi Haby de 1975, qui fonde le collège unique, est aussi le premier texte à employer les termes d’individualisation et de personnalisation. Mais c’est la loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989, dite loi Jospin, qui constitue le véritable point de départ de la démarche d’individualisation du suivi des élèves, car elle place l’élève « au centre du système éducatif ». Les textes successifs ont confirmé cette orientation, qui connaît même un renouveau considérable depuis 2005 : ainsi, la loi d’orientation et de programme sur l’avenir de l’école de 2005 crée les programmes personnalisés de réussite éducative, la réforme de l’école primaire en 2008 institue l’aide personnalisée et les stages de remise à niveau, et la rénovation de la voie professionnelle en 2009 comme la réforme du lycée général et technologique en 2010, sont toutes deux clairement inspirées par le souci d’une plus grande individualisation de l’enseignement. La récente loi de refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013 conforte cette tendance.
Toutefois, le panorama des dispositifs existants à l’heure actuelle frappe par son foisonnement et son absence de lisibilité. La matière se caractérise tout d’abord par un flottement terminologique et conceptuel, les dénominations ne cessant d’évoluer sans que l’on en comprenne toujours les raisons. Cette difficulté avait été soulignée par les inspections générales dans leur rapport précité d’octobre 2010 portant sur l’ensemble des dispositifs d’aide et d’accompagnement individualisés des élèves : elles appelaient alors à une clarification du vocabulaire employé mais n’ont de toute évidence pas été entendues.
Ces hésitations de vocabulaire reflètent des incertitudes plus fondamentales. Les revirements incessants dans ce domaine, qui conduisent, comme dans le cas de l’aide personnalisée en primaire, à supprimer un dispositif au bout de quelques années d’existence et à le remplacer par un autre, confirment l’impression d’hésitations du ministère sur à la stratégie à suivre. Au fond, la France ne semble pas avoir tranché entre deux modèles : celui de la remédiation pour les seuls élèves en difficulté, par le biais de dispositifs hors la classe, vers lequel elle s’est tournée en premier ; et celui de l’accompagnement pour tous, d’inspiration beaucoup plus récente, pratiqué de manière systématique dans le temps d’enseignement commun. La réforme du lycée de 2010 est symptomatique à cet égard car elle introduit simultanément les deux logiques (le tutorat et les stages de remise à niveau pour la première, l’accompagnement personnalisé pour la seconde).
Si les évolutions observées depuis 2013 vont dans le sens du second modèle, il est encore trop tôt pour en tirer des conclusions définitives, d’autant que les dispositifs de remédiation pure continuent de subsister à côté de ceux nouvellement mis en place et qu’en tout état de cause, la modification des pratiques des enseignants n’est jamais immédiate.
La France se singularise, en outre, par la place marginale accordée aux dispositifs de suivi individualisé des élèves. Contrairement aux choix opérés par d’autres pays, ceux-ci demeurent en France le plus souvent à la périphérie de la classe et se voient attribuer un volume horaire faible. En outre, ils ne constituent manifestement pas une préoccupation centrale du ministère pour tous les élèves, puisque les classes de 5e, 4e et 3e au collège ainsi que les formations de CAP ont purement et simplement été « oubliées » de l’accompagnement personnalisé. À cela s’ajoute le fait que le paradigme général de l’enseignement demeure celui de l’uniformité : les programmes sont identiques pour tous et le rythme annuel d’avancement est le même pour tous les élèves, en contradiction avec la volonté d’individualisation.
Un pilotage défaillant
Les hésitations sur la stratégie à adopter en matière d’individualisation traduisent la faiblesse du pilotage par le ministère, qu’il s’agisse du simple dénombrement quantitatif, du suivi budgétaire ou de l’évaluation des effets des dispositifs concernés. Plus fondamentalement, le ministère n’a adapté ni son organisation ni son mode de fonctionnement à l’ambition nouvelle d’individualisation affichée dans les textes successifs depuis 1989.
Ainsi, au sein de la DGESCO, aucune structure n’est chargée de l’ensemble des dispositifs de suivi individualisé des élèves de manière transversale. Ceux-ci sont suivis par les bureaux correspondant au niveau scolaire dont ils relèvent, empêchant toute vision d’ensemble. En outre, bien qu’il déploie chaque année de nombreuses enquêtes de gestion spécifiques à chacun d’entre eux, le ministère ne dispose pas de données quantitatives fiables sur les effectifs d’élèves ou d’enseignants concernés ni sur les volumes horaires correspondants. La simple connaissance de l’existant constitue la première difficulté de pilotage de cette politique publique.
Le suivi budgétaire est lui aussi défaillant et aboutit à une sous-estimation importante du coût des dispositifs dans les documents budgétaires transmis au Parlement, les heures réalisées au titre du suivi individualisé des élèves étant considérées comme gratuites lorsqu'elles sont incluses dans les obligations réglementaires de service des enseignants. Ainsi, l’estimation globale de l’ensemble des dispositifs étudiés réalisée par le ministère à la demande de la Cour s’élève-t-elle à près de 2 Md€, alors que les dotations figurant à ce titre dans les documents budgétaires transmis au Parlement ne dépassent pas 150 millions d’euros. La représentation nationale ne dispose donc que d’une information très parcellaire sur une importante politique éducative conduite par le ministère depuis près de 30 ans, et qui connaît un renouveau important sur la dernière décennie.
Enfin, alors que les compétences existent au ministère et que d’autres pays s’y essaient, ces dispositifs ne font l’objet d’aucune forme d’évaluation de leurs effets sur les élèves. La création récente du Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO) laisse espérer une amélioration dans ce domaine mais il est trop tôt pour en juger.
Ainsi le ministère se trouve privé de toute capacité à effectuer des arbitrages fondés entre les dispositifs de suivi individualisé des élèves puisqu’il en ignore autant le coût que les effets sur les élèves.
Les leviers du changement
Enfin, l’enquête conduite par la Cour fait apparaître que la démarche d’individualisation du suivi des élèves est en complet décalage avec l’organisation actuelle de l’enseignement scolaire. Il s’agit là d’un constat partagé avec la quasi-totalité des parties prenantes entendues en audition par la Cour : corps d’inspection, chefs d’établissement et directeurs d’école, mais aussi enseignants, quels que soient le niveau (premier comme second degré), la voie (professionnelle ou générale et technologique) et le secteur (public ou privé) concernés, associations de parents d’élèves, ou encore représentants des élèves. Le ministère a décidé d’une réforme volontariste mais ne s’est pas donné les moyens de la faire entrer dans les faits. Le suivi individualisé des élèves ne pourra donc réellement s’épanouir dans le système éducatif français sans des évolutions très significatives. Sur ce point également, le consensus est grand parmi les acteurs interrogés par la Cour, tant au cours de la phase d’instruction qu’au cours de la contradiction.
En premier lieu, la conception classique du métier enseignant doit évoluer pour englober la démarche d'accompagnement individualisé des élèves. Actuellement, la logique hebdomadaire, la tradition disciplinaire dans le second degré et la faiblesse du travail en équipe constituent des obstacles importants au déploiement des dispositifs de suivi individualisé des élèves dans de bonnes conditions. La diversité des missions des enseignants n’est, en outre, toujours pas reflétée dans leurs obligations réglementaires de service, malgré la réforme des décrets de 1950 conduite à l’été 2014 : si elle constitue une avancée sur le principe en attribuant aux enseignants dans le décret statutaire d’autres missions que celle de « faire cours », elle ne résout pas concrètement le problème car elle n’inscrit pas le suivi individualisé des élèves dans les obligations de service des enseignants. Les chefs d’établissement demeurent donc tributaires de la bonne volonté des enseignants pour mettre en place des dispositifs qui excèdent leurs obligations de service, tandis que les enseignants qui s’investissent dans ce type de démarche ne peuvent bénéficier que d’une reconnaissance institutionnelle très limitée (avancement, primes, etc.). Aussi longtemps que le ministère ne s’attaquera pas à ce chantier, le suivi individualisé des élèves ne pourra s’épanouir dans la durée que dans des circonstances exceptionnelles – et demeurera un vœu pieux dans le reste des cas.
En second lieu, la formation à la démarche de suivi individualisé des élèves dispensée aux enseignants est notoirement insuffisante, alors qu’elle a un rôle essentiel à jouer pour faire évoluer les mentalités. Sur ce point également, l’enquête menée par la Cour fait ressortir un consensus des différentes parties prenantes. Il importe en outre de remettre à la disposition des enseignants des outils de détection des besoins des élèves, dont le manque se fait sentir depuis l’abandon des évaluations nationales à visée diagnostique.
Enfin, le processus de conduite du changement au ministère de l’éducation nationale doit lui aussi se transformer pour permettre une véritable appropriation des réformes par les acteurs qui doivent les appliquer. Ce constat est général mais il vaut en particulier dans le domaine du suivi individualisé des élèves. Si le ministère continue de multiplier les réformes sans se donner le temps ni les moyens de les préparer, de les expérimenter, d’accompagner les acteurs et d’en tirer le bilan, elles ne pourront avoir qu’un effet marginal sur le système éducatif et manqueront en grande partie leur but.
La Cour a pourtant observé que des écoles, des collèges et des lycées parviennent à mettre en place une véritable démarche d’individualisation de l'enseignement au profit des élèves, dans l’esprit des textes. Ces initiatives sont dues à des configurations particulières existant dans ces établissements (capacité d’entraînement de la direction, volonté et bonne entente des équipes pédagogiques, investissement exceptionnel des différents acteurs, etc.).
Il convient de développer et de généraliser ce mouvement, ce qui nécessite de réunir un consensus, de l’expliquer aux élèves et à leur famille, d’inscrire la réforme dans le temps long et de lui garantir une continuité politique. D’autres pays l’ont compris avant nous et ont réussi.
Récapitulatif des recommandations
Affermir la démarche d’individualisation en France
1, stabiliser les dispositifs ainsi que le vocabulaire employé pour chacun d’entre eux ;
2, généraliser la démarche d’individualisation au collège et pour les élèves en CAP ;
Améliorer le pilotage des dispositifs de suivi individualisé des élèves
3, améliorer le suivi statistique régulier par la DGESCO de la mise en œuvre des dispositifs ;
4, mettre en place des outils d’évaluation des dispositifs de suivi individualisé des élèves, afin d’être en mesure de déterminer lesquels doivent être modifiés, maintenus ou supprimés (recommandation réitérée) ;
5, chiffrer annuellement pour le Parlement le coût des dispositifs de suivi individualisé des élèves ;
Surmonter les obstacles de fond pour réussir cette démarche
6, mettre en place et actualiser régulièrement à l’usage des enseignants des outils d’évaluation des besoins des élèves ;
7, revoir la définition du temps de service des enseignants du second degré pour l’élargir à des plages obligatoires dédiées aux autres missions de l’enseignant et notamment aux dispositifs d’individualisation (suivi individuel des élèves, temps de concertation, évaluation des besoins des élèves, etc.) (recommandation réitérée) ;
8, donner aux directeurs d’école et aux chefs d’établissement la possibilité de moduler la répartition du temps de service des enseignants et des emplois du temps des élèves en fonction des besoins des élèves, notamment en prévoyant la mise en place sur l’année scolaire de plages horaires variables de soutien et d’accompagnement (recommandation réitérée) ;
9, pour ce faire, annualiser au moins pour partie le temps de service des enseignants du secondaire (recommandation réitérée) ;
10, systématiser la formation des enseignants à la démarche d’individualisation, y compris à l’évaluation des besoins des élèves, dans le cadre de la formation continue ; prévoir également une formation continue des personnels de direction dans ce domaine ;
11, évaluer les enseignants sur leur pratique du suivi individualisé des élèves.
1, Rappel des dispositions réglementaires applicables aux dispositifs étudiés
2, Les enseignements des enquêtes internationales menées par l’OCDE
3, Une succession d’abandons des évaluations nationales à visée diagnostique
4, La méthodologie des enquêtes statistiques de la Cour
5, La réalité de la mise en place des dispositifs selon les enquêtes statistiques de la Cour
6, Les difficultés rencontrées par les directeurs d’école, principaux de collège et proviseurs de lycée pour mettre en place les dispositifs de personnalisation selon les enquêtes statistiques de la Cour
7, Liste des personnes rencontrées ou auditionnées lors de l’enquête
Annexe n° 1 : présentation des dispositifs retenus dans le champ de l'enquête
I. Les dispositifs centrés sur les élèves en difficulté
Le principe d’une aide aux élèves rencontrant des difficultés est consacré à plusieurs reprises par le code de l’éducation.
Articles du code de l’éducation relatifs à l’aide aux élèves en difficulté
L’article L. 311-7 prévoit ainsi dans son deuxième alinéa qu’« au terme de chaque année scolaire (…), le conseil des maîtres dans le premier degré ou le conseil de classe présidé par le chef d’établissement dans le second degré se prononce sur les conditions dans lesquelles se poursuit la scolarité de l’élève. S’il l’estime nécessaire, il propose la mise en place d’un dispositif de soutien (…) ».
L’article L. 311-3-1 dispose pour sa part que : « à tout moment de la scolarité obligatoire, lorsqu’il apparaît qu’un élève risque de ne pas maîtriser les connaissances et les compétences indispensables à la fin d’un cycle, le directeur d’école ou le chef d’établissement met en place (…) des dispositifs d’aide qui peuvent prendre la forme d’un programme personnalisé de réussite éducative ».
A- Les dispositifs de remédiation réservés au premier degré
Jusqu’à la rentrée scolaire 2008, dans l’enseignement primaire, la difficulté scolaire était prise en charge de seulement deux manières non exclusives l’une de l’autre : soit directement par l’enseignant de l’élève dans sa classe dans le cadre de la pédagogie différenciée, soit par les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) hors de la classe ou en son sein.
En 2008, deux nouveaux dispositifs sont créés86 dans le cadre de la réforme de l’enseignement primaire : l’aide personnalisée effectuée par l’enseignant, au profit de ses élèves et dans le prolongement de sa classe, et les stages de remise à niveau pendant les vacances scolaires par des enseignants volontaires.
Apparue en 2008, l’aide personnalisée a été en vigueur jusqu’à la rentrée 2013, date à laquelle elle a été remplacée par un autre dispositif, celui des activités pédagogiques complémentaires.
L’aide personnalisée a été officiellement intégrée dans le service des enseignants du premier degré. Son instauration est en effet liée au passage à la semaine de quatre jours en 2008, qui supprime trois heures d’enseignement le samedi matin, soit 108 heures sur l’année. Sur ces 108 heures, 60 sont dédiées à l’aide personnalisée.
La répartition des obligations réglementaires de service des enseignants du premier degré entre 2008 et 201387Selon le décret n° 2008-775 du 30 juillet 2008, le service des professeurs des écoles comprenait :
- 24 heures hebdomadaires d'enseignement à tous les élèves ;
- et 3 heures hebdomadaires en moyenne annuelle, soit 108 heures annuelles, qui se décomposent de la façon suivante :
* 60 heures consacrées à de l'aide personnalisée ou à des interventions en groupes restreints, notamment en maternelle, auprès des élèves rencontrant des difficultés dans leurs apprentissages, et au temps d'organisation proportionné correspondant. Le temps d’organisation correspond à l’identification des élèves en difficulté et à la préparation des modalités de l’aide qui leur est destinée ;
* 24 heures consacrées aux travaux en équipes pédagogiques, aux relations avec les parents et au suivi des élèves handicapés ;
* 18 heures d’animation et de formation pédagogiques ;
* 6 heures de participation aux conseils d’école obligatoires.
L’aide personnalisée s’adresse aux élèves pour lesquels l’enseignement différencié conduit dans la classe ne suffit pas à lever une difficulté d’apprentissage. La liste des élèves bénéficiant de l’aide personnalisée peut évoluer en cours d’année scolaire, en fonction des progrès observés et des besoins de nouveaux élèves. En tout état de cause, seul un petit groupe d’élèves est concerné. Organisée au-delà du temps d’enseignement obligatoire, l’aide personnalisée est soumise à l’accord des parents.
Les stages de remise à niveau dans le premier degré sont instaurés par une note du ministre de l’éducation nationale du 1er février 2008.
Ce nouveau dispositif s’adresse aux élèves de CM1 et de CM2, volontaires et présentant des lacunes importantes en français et en mathématiques, les groupes comportant au maximum six élèves88. Il se déroule hors périodes scolaires à trois moments de l’année (une semaine lors des vacances de printemps, la première semaine de juillet et la dernière semaine d’août) et dure 15 heures (3 heures par jour sur 5 jours). Il est réalisé par des enseignants du premier degré volontaires, rémunérés en heures supplémentaires.
La note ministérielle fixe un objectif quantitatif uniforme sur tout le territoire en termes de capacité d’accueil (10 % en moyenne des élèves des cours moyens de chaque département). Cet objectif est donc fixé sans lien avec le niveau de difficulté scolaire rencontrée.
Dans l’enseignement public, les enseignants spécialisés et les psychologues scolaires, réunis au sein de réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) depuis 199089, interviennent à tout moment de la scolarité à l’école primaire lorsque des élèves éprouvent des difficultés particulières dans l’acquisition et la maîtrise des apprentissages fondamentaux, sans que ces difficultés puissent être considérées comme des handicaps avérés.
Selon la DGESCO, « les aides spécialisées des RASED postulent la nécessité d’un acte pédagogique différent de celui qu’un enseignant ‘ordinaire’ peut conduire, ce qui justifie la spécialisation des enseignants. Elles visent à remédier à des difficultés résistant aux aides apportées par le maître ».
La composition des RASED
Un RASED est constitué d’enseignants du premier degré, ayant bénéficié d’une formation complémentaire, parmi lesquels on distingue trois spécialités :
- les psychologues scolaires. Leur mission est d’observer des élèves en classe, de procéder à un examen approfondi de la situation des élèves posant des problèmes particuliers, de participer aux commissions et équipes techniques préparant des orientations vers des structures spécialisées et de suivre certains élèves.
- les enseignants spécialisés chargés de l’aide à dominante pédagogique, dits « maîtres E ». Initialement leur mission était « d’améliorer la capacité de l’élève à dépasser les difficultés qu’il éprouve dans ses apprentissages scolaires, à maîtriser ses méthodes et ses techniques de travail, à prendre conscience de ses progrès, en suscitant l’expérience de la réussite » ;
- les enseignants spécialisés chargés de l’aide à dominante rééducative dits « maîtres G ». Initialement leur rôle est de « faire que l’enfant comprenne ce qu’est l’école et ce qu’il vient y faire, ce qu’on attend de lui ; faire qu’il ait envie d’y venir, d’y travailler et d’apprendre ; et faire qu’il se mette au travail... »90.
Ces personnels sont regroupés en réseau (il y a en principe un réseau par circonscription).
La circulaire du 17 juillet 200991 redéfinit les fonctions des personnels spécialisés des RASED en renforçant leurs liens avec l’équipe locale : « Les enseignants spécialisés et les psychologues scolaires apportent leur expertise au sein de l'équipe enseignante de l'école ».
Les emplois implantés dans les RASED sont en forte baisse depuis 2008. Selon les chiffres cités par un rapport de l’IGEN92, leur nombre est passé de 15 028 en 2007 à 10 152 à la rentrée 2012, soit une baisse de 4 876 emplois (32,4 %) en cinq ans. La circulaire de rentrée du 22 mai 2014 annonce un renforcement « de l’efficacité de la cartographie des postes » de RASED.
Dans l’enseignement privé, il existe aussi des enseignants spécialisés et des psychologues intervenant auprès d’élèves à besoins éducatifs particuliers poursuivant leur scolarité dans des classes ordinaires (hors élèves en situation de handicap) dans les écoles primaires. Ils travaillent en réseau et en équipe sur un ou plusieurs établissements scolaires sous la responsabilité des chefs d’établissement. Ainsi, on dénombre 1 610 ETP de maîtres spécialisés alloués par l’État aux établissements catholiques sous contrat, et environ 200 psychologues de l’éducation rémunérés par les établissements ou les directions diocésaines93.
B- Les dispositifs de remédiation spécifiques au second degré
Il n’existe à l’heure actuelle aucun dispositif institutionnel de remédiation réservé au second degré. Il existait jusqu’en 2010 un double dispositif de remédiation au lycée : l’aide individualisée et les modules, créés en 1999 ; mais ils ont été supprimés. Ceci n’empêche bien sûr pas les collèges comme les lycées de mettre en place des dispositifs de remédiation de leur propre initiative, dans le cadre de leur marge d’autonomie.
La notion de tutorat par un adulte apparaît toutefois dans une note ministérielle de 1999 : « Le collégien peut trouver dans son établissement un adulte référent (tuteur) dès lors qu’il rencontre un besoin provisoire ou permanent de dialogue et d’accompagnement ou de recadrage de comportement ». La circulaire de rentrée de 2013 le mentionne à nouveau et précise que le tutorat peut être proposé afin « de redonner aux élèves les plus en difficulté le goût de l'école et de mieux les accompagner dans la préparation de leurs choix en matière d'orientation » et de prévenir le phénomène du décrochage.
Le tutorat en collège, s’il est mentionné, voire encouragé, repose toutefois sur le volontariat de l’équipe pédagogique et aucun moyen horaire ou budgétaire ne lui est réellement affecté. Les heures supplémentaires, permettant de rémunérer les tuteurs, sont donc prélevées sur la dotation horaire globale (DHG) de l’établissement. Les collèges sont contraints d’arbitrer entre le tutorat et un autre dispositif.
C- Un dispositif à cheval sur le premier et le second degré : le programme personnalisé de réussite éducative (PPRE)
Il s’agit du seul dispositif d’individualisation prévu par la loi, en l’occurrence la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005.
Expérimentés au cours de l’année scolaire 2005/2006, les PPRE sont généralisés aux classes de CE1 et de 6e à la rentrée scolaire 2006, avant d’être étendus à tous les niveaux de l’enseignement à l’école élémentaire (mais non en maternelle), ainsi qu’au collège à la rentrée scolaire 2007. Ils ont pour objectif de garantir l’articulation des différentes aides entre elles.
Le programme personnalisé de réussite éducative (PPRE) constituait en 2005 une démarche innovante à plusieurs titres :
il ne répond pas à une logique territoriale, que le ministère avait pratiquée dans un premier temps et que la Cour avait critiquée dans son rapport public thématique de 2010, mais à une logique centrée sur l’élève ;
il a autant pour objectif de prévenir la difficulté scolaire que de la pallier ;
il se traduit par un engagement formalisé et mutuel de l’école ou du collège et de la famille, voire de l’élève ;
outil de régulation des aides, il doit coordonner et mettre en cohérence les dispositifs de soutien mis en œuvre pendant le temps scolaire ainsi que, le cas échéant, ceux qui seront proposés à la famille en dehors du temps scolaire. Une circulaire précise que « pour en garantir l’efficacité, cette action spécifique est intensive et de courte durée ».
Les PPRE s’adressent aux « élèves rencontrant des difficultés importantes ou moyennes dont la nature laisse présager qu’elles sont susceptibles de compromettre, à court ou à moyen terme, leurs apprentissages ». Un PPRE est également mis en place lors d’un redoublement pour en assurer « l’efficacité pédagogique ». Les élèves rencontrant des difficultés graves et persistantes continuent quant à eux de relever d’aides spécialisées ou de l’enseignement adapté.
En 2011, sont institués des « PPRE-passerelle » entre le CM2 et la 6e, qui visent à prévenir les ruptures entre le passage du premier degré au second degré en assurant une continuité des aides déjà engagées à l’école primaire dès le début de la 6e. Ces aides peuvent inclure des stages de remise à niveau avant l’entrée en 6e et se poursuivre sous forme de modules d’aides individualisées en 6e et en 5e.
La loi du 8 juillet 2013 portant refondation de l’école confirme la place des PPRE, sans limiter toutefois les dispositifs d’aide individualisée à cet outil : « le directeur d’école ou le chef d’établissement met en place (…) des dispositifs d’aide qui peuvent prendre la forme d’un programme personnalisé de réussite éducative ». Le projet de décret définissant le suivi et l’accompagnement pédagogique des élèves rend possible son introduction en maternelle et au lycée et réduit le rôle des représentants légaux.
II. Les dispositifs fondés sur le volontariat des élèves
A- À l’école primaire et au collège : l’accompagnement éducatif
L’accompagnement éducatif est créé par circulaire en 200794 pour répondre à une forte demande sociale de prise en charge des élèves après les cours. Il s’agit d’une offre éducative complémentaire aux enseignements.
Ce service gratuit, mis en place à la rentrée 2007 dans les collèges de l’éducation prioritaire, avait à l’origine vocation à être généralisé à tous les collèges à la rentrée 2008 et, par la suite, à l’ensemble des écoles et des lycées. Il sera effectivement étendu l’année suivante, par deux circulaires de juin 2008, à tous les collèges, puis aux écoles élémentaires de l’éducation prioritaire95. En revanche, ce dispositif ne sera finalement pas appliqué aux écoles ne relevant pas de l’éducation prioritaire ni aux lycées. La DGESCO n’apporte aucun élément de réponse pour expliquer les raisons de cette limitation du périmètre dans le premier degré. Il est vraisemblable que des raisons de coût expliquent ce choix.
Selon les deux circulaires précitées, l’accompagnement éducatif a pour objectif « d’assurer en toute équité à chaque élève, quel que soit son milieu familial, l’encadrement de son travail personnel, l’épanouissement par la pratique du sport et l’ouverture au monde de l’art et de la culture, conditions au bon déroulement de sa scolarité. Ce dispositif contribuera ainsi à l’égalité des chances entre tous les élèves ».
Les établissements l’organisent de préférence en fin de journée, après la classe, quatre jours par semaine tout au long de l’année scolaire. D’une durée indicative de deux heures, il comprend, sans être limitatif, trois domaines éducatifs qu’il est souhaitable de proposer aux élèves :
- l’aide au travail scolaire pour le niveau élémentaire et l’aide aux devoirs et aux leçons pour le niveau collège ;
- la pratique sportive ;
- et la pratique artistique et culturelle.
Selon une circulaire de l’année suivante96, les établissements doivent proposer un quatrième domaine d’activités consacré à l’anglais oral.
L’accompagnement éducatif s’adresse à tous les élèves volontaires de l’établissement. Il n’y a donc dans les textes aucun ciblage particulier ni aucune volonté de remédiation, même si le contraire peut être observé en pratique (à savoir des écoles et collèges qui envoient en accompagnement éducatif des élèves qu’ils perçoivent comme en difficulté).
Les activités sont assurées par des enseignants volontaires, des assistants pédagogiques ou d’éducation, des personnels non enseignants ou des intervenants extérieurs (étudiants, parents d’élèves et bénévoles). Les personnels qui participent à ces activités sont rémunérés en heures supplémentaires effectives ou en vacations, selon leur statut.
B- Au lycée : le tutorat, les stages de remise à niveau, les stages passerelles et les stages de langues
La réforme du lycée de 2010 met en place pour tous les élèves qui le souhaitent un suivi personnalisé sous forme d'un tutorat et de stages de remise à niveau ou passerelles, afin de les aider à construire leur projet d'orientation et, au besoin, à le modifier en cours de route. Il convient de noter que l’ensemble des dispositifs présentés dans cette section concerne autant la voie générale et technologique que la voie professionnelle.
Le tutorat est instauré par la circulaire n° 2010-011 du 29 janvier 2010, dans les lycées d’enseignement général et technologique comme dans les lycées professionnels.
Son objectif est rappelé par le rapport de la mission d’accompagnement de la réforme du lycée de mars 2012 : « au lycée, chaque élève doit avoir la possibilité d'être conseillé par un tuteur qui l’aide à construire son parcours de formation et son projet d'orientation, assure un suivi avec l'équipe éducative, notamment avec le professeur principal et le conseiller d'orientation psychologue, et l’aide à s'informer sur les poursuites d'études dans l'enseignement supérieur. Sauf circonstances particulières, telle qu’une mutation dans un autre établissement, le tuteur suit l’élève tout au long de sa scolarité au lycée ».
Le tuteur comme l’élève doit être volontaire. Le tuteur est un enseignant, un documentaliste ou un conseiller principal d’éducation volontaire. Il devient une personne référente pour l’élève, et ce pour toute la durée du cursus au lycée. La circulaire prévoit une rémunération spécifique pour cette fonction et la mise en place d’actions de formation destinées aux personnels de direction et aux enseignants, notamment sur les différents dispositifs d’accompagnement des élèves.
La circulaire de rentrée 2013 évoque le tutorat comme un moyen de répondre aux objectifs ambitieux de réduction du décrochage scolaire, notamment en accompagnant mieux les « (…) élèves les plus en difficulté dans la préparation de leurs choix en matière d'orientation [en leur redonnant] le goût de l'école (…) ».
Une autre circulaire datée comme la précédente du 29 janvier 2010 met en place au lycée une nouvelle offre éducative97. Elle est organisée hors temps scolaire et n’est pas ciblée sur les élèves en difficulté. Elle prend la forme de stages organisés pendant les vacances scolaires (stages de remise à niveau et stages passerelle). Ces nouveaux dispositifs font partie de la réforme du lycée, au même titre que l’accompagnement personnalisé (cf. infra) et le tutorat. Ils concernent eux aussi tant les élèves volontaires de la voie générale et technologique que ceux de la voie professionnelle.
Ce type de stage existait déjà depuis la rentrée 2008 sous une forme expérimentale et portait alors le nom de dispositif expérimental de réussite scolaire dans les lycées (DERSL).
La possibilité d’organiser des stages hors temps scolaire est généralisée dans le cadre de la réforme du lycée : selon la circulaire de 2010 précitée, « des stages pourront être organisés dans l’ensemble des lycées publics et privés, pendant les vacances scolaires ou en cours d’année, chaque fois que cela paraîtra nécessaire » à compter de la rentrée 2010.
Ces stages sont de deux types :
les stages de remise à niveau visent à prévenir les redoublements, qui restent élevés notamment en classe de seconde générale et technologique. Ils sont centrés sur l'acquisition de compétences, de méthodes et de contenus disciplinaires ;
les stages passerelles visent à permettre un changement de voie (entre la voie professionnelle et la voie générale et technologique) ou un changement de série. Ils apportent les compléments d'enseignement indispensables à un changement d'orientation. Ils s’adressent en priorité aux élèves de première qui souhaitent changer de série ou de voie. L’un des objectifs de la réforme est en effet de favoriser l’orientation progressive des élèves en leur permettant de corriger leur trajectoire en cas d’erreur d’orientation, tout en évitant des redoublements inutiles.
3- Les stages de langue
Une nouvelle offre éducative en langue au lycée est mise en place avec la circulaire du 14 janvier 2009 relative au renforcement de l’apprentissage de l’anglais oral au collège et au lycée (voie générale, technologique et professionnelle). Comme le tutorat et les stages passerelles ou de remise à niveau précédemment décrits, les stages de langues concernent tant les élèves volontaires de la voie générale et technologique que ceux de la voie professionnelle.
Des stages d’anglais gratuits sont donc proposés aux lycéens volontaires pendant les vacances d’hiver, de printemps et d’été, à raison de trois heures par jour, pendant cinq jours. Ils sont encadrés par des enseignants volontaires rémunérés en heures supplémentaires effectives ou par des assistants d’anglais ou des locuteurs natifs rémunérés en vacations s’ils n’interviennent pas pendant leur temps de service ou s’ils sont vacataires.
Les stages sont organisés après une évaluation des besoins des stagiaires effectuée en début de stage. La circulaire prône des groupes de taille réduite afin de faciliter la pratique de l’anglais oral. À l’issue des stages, l’enseignant doit délivrer un relevé des compétences acquises à destination des professeurs d’anglais des lycées concernés ainsi qu’une attestation remise à chaque stagiaire.
III. Les dispositifs d’individualisation obligatoires pour tous les élèves
A- L’accompagnement personnalisé au lycée
La rentrée scolaire 2010 est marquée par l’entrée en vigueur de la réforme de la voie générale et technologique du lycée dont l’un des trois objectifs vise à « mieux accompagner chaque lycéen en lui assurant un suivi personnalisé et en lui permettant ainsi de mieux maîtriser son parcours de formation ».
Il s’agit là d’un véritable changement de paradigme par rapport aux dispositifs cités précédemment (en A et B) puisqu’il ne s’agit pas de remédiation (le dispositif vise tous les lycéens, quels que soient leurs besoins), et qu’il ne fonctionne pas sur la base du volontariat des élèves. Ce nouveau dispositif a d’abord été mis en place dans la voie professionnelle en 2009, avant d’être adopté pour la voie générale et technologique l’année suivante. Une différence importante entre les deux voies tient cependant au fait que l’accompagnement personnalisé est obligatoire pour tous les élèves dans la voie générale et technologique alors qu’au lycée professionnel, il s’adresse uniquement à une partie d’entre eux.
1 - Dans la voie professionnelle
S’inscrivant dans le cadre de la loi de 2005 fixant un objectif de réussite de tous les élèves, la rénovation de la voie professionnelle est mise en place par la circulaire n° 2009-028 du 18 février 2009 et entre en vigueur à la rentrée 2009. Cette circulaire met l’accent sur l’accompagnement personnalisé dans la rénovation de la voie professionnelle98. Selon l’arrêté du 10 février 2009, dans la voie professionnelle, « les dispositifs d’accompagnement personnalisé s’adressent aux élèves selon leurs besoins et leurs projets personnels. Il peut s’agir de soutien, d’aide individualisée, de tutorat, de modules de consolidation ou de tout autre mode de prise en charge pédagogique ». 210 heures sont consacrées à l’accompagnement personnalisé sur les trois ans que dure la nouvelle scolarité dans la voie professionnelle, soit environ 2,5 heures hebdomadaires.
2 - Dans la voie générale et technologique
La réforme du lycée général et technologique mise en place à la rentrée scolaire 2010, dans la continuité de la rénovation de la voie professionnelle, a pour axe principal la personnalisation des parcours. L’accompagnement personnalisé en constitue l’un des instruments. La circulaire n° 2010-013 du 29 janvier 2010 précise les modalités de ce nouvel enseignement au lycée d’enseignement général et technologique, qui entre en vigueur en seconde à compter de la rentrée 2010, en première à compter de la rentrée 2011 et en terminale à compter de la rentrée 2012. Selon cette circulaire, « l’accompagnement personnalisé est un temps d’enseignement intégré à l’horaire de l’élève qui s’organise autour de trois activités principales : le soutien, l’approfondissement et l’aide à l’orientation. Distinct du face-à-face disciplinaire, il s’adresse à tous les élèves tout au long de leur scolarité au lycée ».
L'horaire prévu est pour chaque élève de 72 heures par an (ce qui correspond à deux heures par semaine sur 36 semaines). La circulaire prévoit cependant des modalités d’utilisation très souples afin de préserver l’autonomie des établissements et l’adaptation aux spécificités de leur public d’élèves : « cette enveloppe annuelle, qui correspond à deux heures hebdomadaires, peut être modulée en fonction des choix pédagogiques de l'établissement ». En termes de contenu, l'accompagnement personnalisé « comprend des actions coordonnées de soutien, d'approfondissement, d'aide méthodologique et d'aide à l'orientation, pour favoriser la maîtrise progressive par l'élève de son parcours de formation et d'orientation. Il prend notamment la forme de travaux interdisciplinaires ». La circulaire insiste sur le fait que ce nouveau dispositif s'adresse à tous les élèves selon leurs besoins : ainsi, « les différentes formes et modalités de l'accompagnement personnalisé peuvent être proposées aux élèves, selon l'évolution des besoins de ces derniers, à des moments et à des rythmes différents tout au long de leur scolarité ».
La circulaire de rentrée de mai 2014 mentionne pour sa part l’accompagnement personnalisé au lycée sous le seul angle de la lutte contre le redoublement, à laquelle il doit contribuer.
3 - Le cas particulier des classes de certificat d’aptitude professionnelle (CAP)
On peut en dernier lieu s’étonner de l’absence d’accompagnement personnalisé dans les formations de CAP, « là (où) se concentre la population scolaire la plus fragile, avec un enjeu d’insertion professionnelle mais aussi sociale », relevée par l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale qui préconisait dans son rapport « Les parcours des élèves de la voie professionnelle » de décembre 2013, de « renforcer l’accompagnement pédagogique de ces formations (dans l’esprit de l’accompagnement personnalisé mis en place en seconde pro) ». Dans une note d’étape de 2010 sur le bilan de la mise en œuvre du lycée, les inspections générales relèvent ainsi ce qu’elles appellent « le paradoxe des CAP » : « beaucoup d’élèves très fragiles, l’absence d’accompagnement personnalisé ». En effet, « dans les lycées professionnels, les élèves de CAP sont plus nombreux et, plus important, les classes sont très hétérogènes, avec des élèves de 3e générale et des élèves de 3e de SEGPA. (…) Le paradoxe, fortement ressenti par les acteurs locaux, est que ces formations ne bénéficient pas de l’accompagnement personnalisé ».
Les résultats de l’enquête statistique menée par la Cour permettent toutefois de nuancer ce constat, en indiquant que si l’accompagnement personnalisé n’existe pas de manière institutionnalisée pour les élèves de CAP, cela n’empêche pas les établissements concernés de déployer des initiatives spécifiques pour prendre en charge ce public. Ainsi, au cours de l’année scolaire 2012-2013, 62 % des lycées ont étendu le tutorat par un adulte à leurs élèves de CAP et plus de la moitié ont fait de même pour l’accompagnement personnalisé, bien que cela ne soit pas prévu par les textes. Par ailleurs, certaines académies, comme celle de Grenoble, ont pris l’initiative de remédier à cette carence en prévoyant le financement d’une heure d’accompagnement personnalisé par division de première année de CAP en lycée professionnel (soit 145 heures pour l’académie).
B- L’accompagnement personnalisé au collège
L’évolution historique des dispositifs d’individualisation au collège peut schématiquement être scindée en trois étapes :
entre 1975 et 2002, les débuts de l’individualisation avec les premiers dispositifs mis en place pour gérer l’hétérogénéité des élèves suite à la création du collège unique ;
de 2002 à 2011, l’aide au travail personnel (ATP) en 6e ;
depuis 2011, l’accompagnement personnalisé en 6e dont l’ATP est en quelque sorte « l’ancêtre ».
Les deux premières étapes ont été évoquées plus haut. Les développements qui suivent sont centrés sur le dispositif actuellement en vigueur, l’accompagnement personnalisé en 6e.
La circulaire n° 2011-071 du 2 mai 2011 relative à la préparation de la rentrée 2011 prend acte des résultats des enquêtes nationales et internationales qui soulignent « d’une part, la performance moyenne de notre système éducatif et, de l’autre, des écarts importants entre les élèves, déterminés dans le cadre social et culturel ». Dès lors, l’amélioration des acquis des élèves « significativement et durablement à tous les niveaux de la société » devient la priorité.
Un ensemble de mesures nouvelles est mis en place pour y parvenir, parmi lesquelles l’accompagnement personnalisé pour tous les élèves de sixième, qui se substitue à l’aide aux élèves et à l’accompagnement de leur travail personnel (ATP). Comme au lycée, l’accompagnement personnalisé au collège s’adresse à tous les élèves et comprend des actions de soutien, d’approfondissement et d’aide méthodologique, mais uniquement en classe de sixième.
C’est donc bien un changement de logique par rapport à celle de la remédiation évoquée supra, confirmé par la DGESCO dans sa réponse à la Cour au cours de la phase d’instruction : « après le pari quantitatif de la massification et de « l’enseignement pour tous », l’école doit aujourd’hui réussir le pari quantitatif de la réussite pour chacun. Concilier la progression des apprentissages du groupe et la consolidation des savoirs de chacun, c’est tout l’enjeu de la personnalisation des parcours au sein du système éducatif. La mise en œuvre de l’accompagnement personnalisé en 6e s’inscrit dans cette perspective. Il s’agit d’aider l’élève à devenir collégien, qu’il rencontre des difficultés dans les apprentissages ou qu’il soit très performant. L’accompagnement personnalisé peut prendre diverses formes, telles que l’aide méthodologique ou l’approfondissement, sans se limiter à des séances de remise à niveau ».
L’accompagnement personnalisé au collège, qui remplace numériquement l’ATP, se veut être un dispositif plus souple et plus évolutif, adaptable au profil et aux besoins des élèves au cours de leur année scolaire.
La DGESCO a réalisé une enquête sur l’accompagnement personnalisé en 6e, et les résultats n’ont été communiqués à la Cour qu’au moment de l’achèvement de la rédaction du présent rapport.
Dès lors, l’enquête statistique menée par la Cour auprès d’un échantillon de collèges a été la principale source permettant de quantifier et qualifier la mise en œuvre de l’accompagnement personnalisé en 6e.
Annexe n° 2 : les enseignements des enquêtes internationales menées par l’OCDE
L’OCDE accorde une grande importance à la question de l’individualisation. Elle s’inscrit dans la problématique plus globale du métier d’enseignant car elle touche aussi à la formation continue et initiale, à la rémunération des enseignants ainsi qu’aux pratiques pédagogiques. À partir des résultats de l’enquête TALIS, des enseignements peuvent être tirés sur la mise en œuvre de l’individualisation en France (voir la synthèse de l’étude http://www.oecd.org/edu/school/Résultats-de-TALIS-2013-synthèse.pdf et la note par pays http://www.oecd.org/france/TALIS-2013-France-country-note-French.pdf).
L’enquête TALIS (Teaching and learning international survey) de l’OCDE
L’enquête TALIS a concerné 34 pays en 2012, contre 20 en 2008. C’est une enquête menée auprès des principaux et enseignants de collège, avec des modules supplémentaires concernant le primaire et le lycée. La France n’a participé qu’au module de base et non aux modules facultatifs.
L’enquête a été réalisée auprès d’un échantillon de collèges publics et privés : 200 établissements par pays et 20 enseignants par établissements. Elle a été effectuée en France avec la collaboration de la DEPP, des représentants des syndicats enseignants, ainsi que des représentants de chacun des pays concernés pour la rédaction du questionnaire.
Les graphiques suivants sont extraits du diaporama présenté à la Cour lors de l’audition du représentant de l’OCDE.
[Graphiques à consulter dans le fichier Word ou pdf Joint].
Annexe n° 3 : une succession d’abandons des évaluations nationales à visée diagnostique
Conçues comme exhaustives, les évaluations diagnostiques nationales en français et en mathématiques ont été organisées chaque année en CE2 (de 1989 à 2006) et en sixième (de 1989 à 2008). Instaurées parallèlement à la mise en œuvre des cycles à l’école primaire et conduites par la direction chargée de l’évaluation (DEPP aujourd’hui), elles visaient à faire le point, à l’entrée dans un nouveau cycle, sur les acquis des élèves d’une classe, en français et en mathématiques. Passées en début d’année scolaire, elles devaient permettre de mettre en place immédiatement une prise en charge adaptée aux besoins des élèves. Toutefois, selon la DGESCO, l’objectif diagnostique initial a été rapidement infléchi dans le sens d’un objectif de pilotage du système éducatif. Ces évaluations ont été supprimées à la rentrée de 2008.
À la rentrée de 2008, le nouveau dispositif d’évaluation des élèves est désormais piloté par la DGESCO. Conçues comme exhaustives, ces évaluations se déroulent en janvier pour le niveau CM2 et fin d’année pour le niveau CE1. Leur philosophie est très différente des précédentes, puisqu’elles poursuivent de manière affichée un double objectif d’évaluation-bilan et d’évaluation diagnostique. Le nouveau dispositif d’évaluations nationales a été très vivement contesté dès sa mise en place, notamment par les syndicats enseignants ainsi que par certaines fédérations de parents d’élèves. Le caractère obligatoire des évaluations nationales de CE1 et de CM2 a été supprimé pour la rentrée 2013.
La réintroduction d’évaluations nationales exhaustives au collège a été décidée en janvier 2011. En effet, depuis la suppression des évaluations en sixième que l’on vient d’évoquer, il n’existait pas d’évaluation entre la fin du primaire et le diplôme national du brevet. Une évaluation intermédiaire en cours de collège apparaissait donc nécessaire. Cette évaluation devait porter sur les compétences 1 (maîtrise de la langue française) et 3 (principaux éléments de mathématiques) du socle commun. Le modèle retenu pour ces évaluations en fin de 5e reposait sur celui des évaluations menées en primaire depuis 2009, c’est-à-dire un dispositif hybride entre évaluation-bilan et évaluation diagnostique, prévu pour être exhaustif. Une expérimentation a eu lieu en mai 2012 auprès de 1 200 collèges volontaires ou tirés au sort dans le cadre de l’échantillonnage. Cette expérience ne sera toutefois ni reconduite ni généralisée. En effet, à la rentrée 2013 ces évaluations de 5e sont devenues facultatives.
Le lycée se trouve dans la même situation d’absence d’évaluations diagnostiques exhaustives à la disposition des enseignants. Les protocoles d’évaluation diagnostique existant entre 1992 et 2002 dans toutes les disciplines pour les élèves entrant en dixième année de scolarité (seconde), ont aujourd’hui disparu.
Annexe n° 4 : la méthodologie des enquêtes statistiques de la Cour
La Cour a conduit une enquête statistique en ligne auprès de directeurs d’école et de chefs d’établissement des quatre académies concernées (Amiens, Grenoble, Créteil et Strasbourg), afin de conforter les constats de terrain établis par les rapporteurs au cours de leurs déplacements en académie. La gamme des dispositifs possibles variant en fonction du type d'établissement (école, collège ou lycée), trois questionnaires-types différents ont dû être élaborés : l'un pour les écoles primaires (questionnaire unique pour les niveaux maternelle et élémentaire), l’autre pour les collèges et le troisième pour les lycées (questionnaire unique en deux volets pour la voie professionnelle d’une part et la voie générale et technologique d’autre part).
Les trois enquêtes statistiques ont été menées respectivement dans des écoles, collèges et lycées d’enseignement général et technologique et d’enseignement professionnel des académies d’Amiens, de Grenoble, de Créteil et de Strasbourg.
Le champ d’enquête couvre l’ensemble des établissements scolaires des premier et second degrés, publics et privés sous contrat, hors établissements « spécifiques » (EREA, alternance, apprentissage, enseignement par correspondance, en milieu pénitentiaire, …) ou relevant d’autres ministères que l’éducation nationale (agriculture, défense), dans les quatre académies citées. Il est constitué de 8 910 écoles, 1 115 collèges, 431 lycées d’enseignement général et technologique et 207 lycées d’enseignement professionnel.
La direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) a constitué, en septembre 2013, un échantillon aléatoire de 880 établissements scolaires, la méthodologie de sondage utilisée assurant une représentativité de l’échantillon sur les académies notifiées, par type d’établissement et en termes d’éducation prioritaire.
L’échantillon a été tiré à partir des données du constat de rentrée 2011-2012 de la DEPP dans le premier et le second degré, à l’aide de la macro CUBE de l’INSEE, en prenant en compte les contraintes suivantes :
appartenance ou non au secteur privé ;
appartenance à une commune de type INSEE « rural » ;
appartenance à un réseau d’éducation prioritaire (ECLAIR, RRS) ;
présence de classes élémentaires ou pré-élementaires pour les écoles.
L’échantillon ainsi obtenu se compose de 400 écoles, 250 collèges, 150 lycées d’enseignement général et technologique (y compris lycées polyvalents) et 80 lycées d’enseignement professionnel.
Les tableaux ci-dessous permettent d’observer la structure des échantillons fournis en regard de celle de la population de référence sur les critères de contrôle.
Structure des échantillons par académie
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Structure des échantillons selon le critère d’appartenance à un réseau ECLAIR
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Structure des échantillons par secteur
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Structure des échantillons selon le critère d’appartenance à une commune de type INSEE « rural »
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Les trois enquêtes ont été réalisées auprès des directeurs d'école, principaux et proviseurs par internet (à l'aide de l’outil SPHINX), avec des dates de lancement échelonnées dans le temps. Les secrétaires généraux des rectorats, et dans un second temps les directeurs d’école et les chefs d’établissement ont été prévenus par message électronique de la démarche de la Cour. Le lien permettant d’accéder au site de collecte en ligne a été envoyé à la suite de ces courriers.
Calendrier des enquêtes statistiques
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
In fine les taux de réponse de chacune des enquêtes sont satisfaisants : 68 % pour les écoles maternelles, 69 % pour les écoles élémentaires, 86 % pour les collèges, 81 % pour les lycées d’enseignement général et technologique (y compris sections générales et technologiques des lycées polyvalents) et 77 % pour les lycées d’enseignement professionnel (y compris sections d’enseignement professionnel des lycées polyvalents).
Sur le plan méthodologique, il convient de préciser qu'il a été procédé à un apurement des réponses au fil des enquêtes et a posteriori, permettant d'en vérifier la cohérence.
Au total, le caractère représentatif de l’échantillon d’écoles et d’établissements, le travail d'apurement effectué et le niveau élevé des taux de réponse assurent la pertinence de l’exploitation des données d’enquête et garantissent la valeur probante des enseignements qui en sont tirés.
Annexe n° 5 : la réalité de la mise en place des dispositifs selon les enquêtes statistiques de la Cour
I. Dans les écoles
Dispositifs de personnalisation du suivi des élèves mis en place en 2012/13, dans les écoles enquêtées
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Dans les écoles, sont souvent mis en place en plus des dispositifs nationaux :
- des actions de liaison entre la grande section de maternelle et le CP ou entre le CM2 et la sixième (86 % des écoles élémentaires et 54 % des maternelles) ;
- du tutorat par un ou plusieurs autres élèves dans la classe (74 % des écoles élémentaires et 29 % des maternelles).
Dispositifs de personnalisation du suivi des élèves mis en place en 2012/13, dans différents types d’écoles enquêtées
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
II. Dans les collèges
Dispositifs de personnalisation du suivi des élèves mis en place en 2012/13, dans différents types de collèges ayant participé à l’enquête
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Dans les collèges, sont également mis en place en plus des dispositifs institutionnels :
des actions de liaison entre le CM2 et la sixième (92 % des collèges) ;
des parcours personnalisés pour l'orientation (61 % des collèges) ;
du tutorat par un adulte au sein du collège (60 % des collèges) ;
des dispositifs de lutte contre l'absentéisme ou le décrochage scolaire (58 % des collèges).
III. Dans les lycées
Dispositifs de personnalisation du suivi des élèves mis en place en 2012/13 dans les lycées ayant fait l’objet d’une enquête
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Au lycée, au-delà de l'accompagnement personnalisé et du tutorat prévus par les textes, sont fréquemment évoqués par les proviseurs au titre de leur initiative spécifique :
- les actions de liaison vers le post-baccalauréat (85 % des lycées dans la voie générale et technologique et 75 % dans la voie professionnelle) ;
- les parcours personnalisés pour l'orientation (52 % des lycées dans la voie générale et technologique et 49 % dans la voie professionnelle) ;
- les dispositifs de lutte contre l'absentéisme ou le décrochage scolaire (53 % des lycées dans la voie générale et technologique et 69 % dans la voie professionnelle).
Dispositifs de personnalisation du suivi des élèves de la voie générale et technologique, mis en place en 2012/13 dans les lycées
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Dispositifs de personnalisation du suivi des élèves de la voie professionnelle, mis en place en 2012/13 dans les lycées
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Annexe n° 6 : les difficultés rencontrées par les directeurs d’école, principaux de collège et proviseurs de lycée pour mettre en place les dispositifs de personnalisation selon les enquêtes statistiques de la Cour
L'enquête de la Cour a permis de recueillir, sur un site ouvert à fin d’étude statistique, les commentaires de chefs d’établissements et de directeurs d’école cités ci-dessous.
Ces déclarations n’engagent pas la Cour des comptes.
Les principales difficultés mentionnées par les directeurs d’école interrogés pour mettre en place les dispositifs de personnalisation du suivi des élèves dans les écoles en 2012-13 sont, par ordre d'importance :
la rémunération des enseignants, évoquées par 58 % des écoles élémentaires et 47 % des écoles maternelles ("tout-à-fait" ou "plutôt oui") ;
la formation continue des enseignants, évoquée par 54 % des écoles élémentaires et 60 % des écoles maternelles ("tout-à-fait" ou "plutôt oui") ; on observe que la formation initiale des enseignants est quant à elle moins mise en cause (citée dans 44 % des cas en élémentaire et 47 % des cas en maternelle) ;
et la disponibilité des élèves et de leur famille, problème dont font état 43 % des écoles élémentaires et 45 % des écoles maternelles.
Les difficultés rencontrées dans la mise en place des dispositifs de personnalisation du suivi des élèves dans les écoles en 2012/13 (en pourcentage des répondants)
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
En outre, 6 % des écoles enquêtées ont mentionné d'autres difficultés de mise en œuvre des dispositifs de personnalisation du suivi des élèves. La totalité des commentaires écrits, déposés par les directeurs d’école, figurent ci-dessous :
« Manque de temps pour les enseignants, ces dispositifs venant se rajouter aux tâches habituelles » ;
« Manque de temps et de personnes » ;
« Du temps et des moyens humains sont indispensables à la mise en place avec précision » ;
« Eloignement des enseignants (plus de 100 km pour certaines de leur domicile) » ;
« Le manque de temps et des dispositifs pas toujours pertinents (stage RAN par exemple) » ;
« La communication avec la famille (barrière de la langue essentiellement) » ;
« Pas de transport scolaire ; la mauvaise volonté des parents ou leur déni du problème » ;
« Pour de l'aide ponctuelle, on a des difficultés à récupérer les autorisations parentales » ;
« On fait tous les dispositifs le midi pour pouvoir libérer les enfants le soir » ;
« Compliqué de prendre les élèves au cours du temps de midi quand ils ne sont pas inscrits à la cantine » ;
« Certains enseignants aident les élèves en difficulté : ils ne deviennent pas autonomes et ne progressent pas correctement ; d'autres leur proposent des activités différentes mais qu'ils peuvent faire seuls. Cette seconde méthode permet de redonner confiance à l'élève qui avancera mieux dans les apprentissages ; la difficulté pour le suivi des élèves en difficulté réside donc dans la préparation d'un travail adapté à chacun ; le nombre d'élèves par classe et les postes fractionnés ne permettent pas toujours aux enseignants de bien préparer et de mettre en œuvre un travail adapté à chacun » ;
« L'efficacité de la remédiation n'est pas toujours mesurable, ni avérée... »
« Opposition idéologique et conviction de l'équipe pédagogique contre ces dispositifs car ce ne sont pas des enseignants spécialisés » ;
« Si l'on considère que nous aurions pris seulement des élèves en difficulté et non les élèves en grande difficulté (ceci incombant au RASED), effectivement nous n'avons pas la formation requise ! » ;
« Toutes ces réunions, équipes éducatives demandent un important investissement personnel, dans le temps de préparation de classe en différenciant les activités plus que de raison et en temps personnel, en dehors des heures de cours. Tout ceci est chronophage, heureusement que nous ne comptons pas nos heures ! » ;
« Les enseignants ne touchent aucune rémunération pour la mise en place des dispositifs de personnalisation ».
De nombreux obstacles à la démarche d'individualisation sont évoqués par les principaux de collège interrogés. La coordination entre les enseignants est la source de difficulté la plus fréquemment mentionnée (par près de 60 % des collèges). Viennent ensuite les difficultés liées à la formation des enseignants, qu'elle soit initiale (48 % des réponses "tout-à-fait" ou "plutôt oui") ou continue (51 %). La rémunération des enseignants constitue également un obstacle fréquemment rencontré (47 % des réponses "tout-à-fait" ou "plutôt oui"), ainsi que, dans une moindre mesure, la disponibilité des élèves (43 % des réponses "tout-à-fait" ou "plutôt oui") et les questions liées au transport scolaire (41 %).
Les difficultés rencontrées dans la mise en place des dispositifs de personnalisation du suivi des élèves dans les collèges en 2012/13 (en pourcentage des répondants)
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
9 % des principaux de collège ayant fait l’objet d’une enquête ont en outre mentionné d'autres difficultés pour mettre en place les dispositifs de personnalisation du suivi des élèves en 2012-2013. La totalité des commentaires écrits, déposés par les principaux de collège, figurent ci-dessous :
« Une grande majorité des jeunes que nous accueillons sur l'établissement scolaire sont placés par l'aide sociale à l'enfance et vivent en foyer (environ 65 %) » ;
« Une charge de service parfois importante pour certains enseignants. De ce fait, il est parfois difficile de les solliciter de nouveau... » ;
« L'accumulation de charges de travail au-delà de leur service freine l'investissement des enseignants" ;
« Emplois du temps : on ne connaît que très tardivement ce que seront les heures disponibles et les dispositifs » ;
« Les emplois du temps sont d'autant plus complexes à créer que dans l'établissement, les enseignants interviennent indifféremment au collège et au lycée » ;
« Contraintes dans l'élaboration des emplois du temps. Beaucoup d'enseignants manquent de disponibilités pour ces dispositifs du fait de leur charge horaire déjà élevée avec déjà plus d'heures supplémentaires que souhaitées » ;
« Il n'y a pas de disponibilité des professeurs qui sont déjà très chargés et n'ont pas de "trou" dans leur emploi du temps. Les professeurs sont timorés quand il faut formaliser. Ils ont du mal à admettre que "ce n'est pas grave de faire une sortie de cours avec un élève". Il y a un manque de souplesse. C'est moins vrai pour les plus jeunes. De plus, pour certains élèves les dispositifs sont une surcharge et ils le prennent plus comme une punition que comme une aide » ;
« La coordination des assistants pédagogiques avec les responsables pédagogiques et les équipes éducatives est très chronophage. Pourrions-nous disposer d'horaires spécifiques affectés à cette coordination ? Nous y gagnerions davantage de cohérence et de mobilisation collective » ;
« Absorption de l'équipe de direction dans les tâches de gestion » ;
« Le manque de continuité et de stabilité : 1) au sein de l'équipe de direction, 2) des effectifs qui fluctuent et donc des moyens et des équipes instables (implication dans la durée, pérennité des dispositifs et actions remises en cause fréquemment), 3) des moyens » ;
« Besoin d'une réelle formation continue des personnels de direction qui n'existe plus dans notre académie (échange de pratiques porteuses, management des équipes favorisant l'implication, la réflexion, l'évolution des pratiques, etc.), indispensable à l'organisation de la prise en charge plus performante de la difficulté scolaire » ;
« Besoin de temps pour les personnels de direction, entre autres, pour le suivi et l'évaluation des dispositifs au sein des établissements » ;
« Établissement classé en RRS depuis 2010 mais les enseignants ne perçoivent pas l'indemnité de sujetion de l'Éducation Prioritaire. De ce fait, il faut motiver les enseignants par une gestion des ressources humaines importante et un pilotage des dispositifs. L'implication des équipes face à la gestion de la difficulté scolaire des élèves permet la mise en place de ces dispositifs d'accompagnement » ;
« Le projet d'établissement date de 2001 » ;
« 1/ L'absence de travail transversal ou interdisciplinaire des enseignants ; 2/ le refus de travailler en heures supplémentaires au-delà de l'heure imposée ;3/ les consignes syndicales » ;
« Les enseignants dans ce collège sont rivés à leur discipline et à leurs élèves. Il est très difficile de faire évoluer les mentalités sur ce sujet » ;
« La politisation du corps enseignant bloque beaucoup l'avancée sur le terrain des dispositifs. Ils préfèreraient un dédoublement des heures » ;
« Les temps de coordination entre enseignants » ;
« Le manque de temps de concertation est parfois mis en avant par certains enseignants, ainsi que la difficulté à personnaliser les apprentissages au sein des classes » ;
« Établissement favorisé, peu d'élèves en difficulté de ce fait les équipes pédagogiques se sentent peu concernées ».
Les deux premières difficultés évoquées par les lycées pour la mise en place des dispositifs d'individualisation dans les lycées en 2012/13 sont d'ordre organisationnel :
l'élaboration des emplois du temps (citée dans 64 % des lycées « tout à fait » et « plutôt oui ») ;
et la coordination entre les enseignants (mentionnée par 58 % des lycées).
La difficulté liée à la coordination entre les enseignants est moins souvent signalée par des lycées accueillant des élèves de la voie professionnelle (50 % d’entre eux la citent), et plus particulièrement dans les lycées privés (moins d’un tiers la citent).
Sur la question de la formation des enseignants, les avis sont partagés : la moitié des lycées estime que la formation initiale et continue a constitué une difficulté pour mettre en place les dispositifs (somme des réponses « tout-à-fait » et « plutôt oui »), tandis que 6 à 7 % déclarent ne pas le savoir. La formation initiale est plus souvent identifiée comme une difficulté dans les lycées confrontés à une plus grande mixité sociale ou de grande taille.
Les difficultés rencontrées dans la mise en place des dispositifs de personnalisation du suivi des élèves dans les lycées en 2012/13 (en pourcentage des répondants)
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
Par ailleurs, 6 % des proviseurs des lycées ayant fait l’objet d’une enquête ont mentionné d'autres difficultés pour mettre en place les dispositifs de personnalisation du suivi des élèves. La totalité des commentaires écrits, déposés par les proviseurs de lycée, figurent ci-dessous :
« Le lycée accueille 950 élèves dans des locaux qui sont exploités au maximum » ;
« L'établissement recevant des élèves de plus de 30 communes différentes, les contraintes de transport ne sont pas négligeables » ;
« La difficulté de trouver un temps contraint de travail et de concertation pour faire travailler les enseignants en équipe et un temps de régulation obligatoire en équipe » ;
« L'AP nécessite un réel changement des pratiques pédagogiques des enseignants » ;
« La surcharge de travail pour les enseignants » ;
« Le manque de temps pour réfléchir, organiser, pour tous les types de personnels (y compris la direction) » ;
« Le manque de possibilité d'anticiper sur les moyens donnés lorsqu'on élabore les emplois du temps » ;
« Pouvoir récompenser encore davantage les CPE » ;
« Turn-over important des enseignants (35 %) et sur 52 enseignants, 19 étaient contractuels. Difficile de construire. De plus les enseignants sont pour beaucoup dans plusieurs établissements » ;
« Les entretiens menés avec les enseignants de seconde en octobre ont permis de relever les difficultés liées à un manque de formation continue et à la coordination (temps et prise en compte dans le temps de travail) » ;
« Les enseignants construisent de manière autonome leur plan de formation sans que le chef d'établissement soit consulté. C'est dommage car cela ne permet pas de constituer une palette de compétences au sein du groupe enseignant. Cela ne se passe pas comme cela dans les entreprises ».
Annexe n° 7 : liste des personnes rencontrées ou auditionnées lors de l’enquête
DGESCO : Mme ROBINE, directrice générale (reçue en audition), M. TURION, adjoint au directeur général, chef du service de l’instruction publique et de l’action pédagogique (également reçu en audition), M. WAISS, adjoint au directeur général, chef du service du budget, de la performance et des établissements (également reçu en audition), M. PAURICHE, sous-directeur de la gestion des programmes budgétaires, Mme OUANAS, sous-directrice du socle commun, de la personnalisation des parcours scolaires et de l’orientation, M. FELD, chef du bureau des collèges, M. MACRON, chef du bureau des écoles, M. VRAND, sous-directeur de la vie scolaire des établissements et des actions socio-éducatives, M. BOURDON, chef du bureau de la politique d’éducation prioritaire et des dispositifs d’accompagnement, M. HUART, sous-directeur des lycées et de la formation professionnelle tout au long de la vie, M. VANDARD, chef du bureau des lycées professionnels et de l’apprentissage, Mme RIMBERT, chargée de mission au bureau des lycées professionnels et de l’apprentissage, Mme ROBIN, chef du bureau des lycées d’enseignement général et technologique, Mme ANDRAU, adjointe au chef du bureau des lycées d’enseignement général et technologique, Mme ROBERT, chef du département recherche-développement, innovation et expérimentation, M. MULLER, adjoint au chef du département recherche-développement, innovation et expérimentation, Mme GOURMET, stagiaire IRA au département recherche-développement, innovation et expérimentation, Mme GOHIN, chef du bureau de la formation continue des enseignants, M. CAZABAN, adjoint au chef du bureau de la formation continue des enseignants.
SECRÉTARIAT GÉNÉRAL : M. GUIN, secrétaire général (reçu en audition).
DAF : M. GAUBERT directeur (reçu en audition), M. SIMONI, chef de service, adjoint au directeur administratif et financier, M. BONNOT, sous-directeur de l’enseignement privé, Mme LECOMTE, chef du bureau de la masse salariale et du suivi du plafond d'emplois, M. LEGENDRE, bureau de la masse salariale et du suivi du plafond d'emplois.
DEPP : Mme MOISAN, directrice (reçue en audition), M. QUERE, directeur (jusqu’au 3 janvier 2013), M. FOURNIER, adjoint à la directrice, chef de service (reçu en audition), M. MATTENET, adjoint au sous-directeur des évaluations et de la performance scolaire, M. CHESNE, chef du bureau de l'évaluation des actions éducatives et des expérimentations, M. TROSSEILLE, chef du bureau de l'évaluation des élèves, Mme BRIZARD, adjointe au chef du bureau des études statistiques sur les élèves, M. GASQ, chargé d’études au bureau des études statistiques sur les élèves.
Inspections générales : M. DELAUBIER et Mme BURBAN, inspecteurs généraux de l’éducation nationale (également reçus en audition), Mme ARMAND, adjointe au doyen de l’IGEN, Mme BOUYSSE et M. MICHEL, inspecteurs généraux de l’IGEN, M. CYTERMANN, chef de service à l’IGAENR (reçu en audition), M. CUISINIER et Mme LOISEL, inspecteurs généraux de l’IGAENR (reçus en audition).
M. BALMAND, secrétaire général, M. BERRUER, adjoint au secrétaire général (reçus en audition).
a. Académie d’Amiens
Rectorat : M. CHEVILLON, secrétaire général, Mme LAPORTE, DASEN de l’Oise, M. STRUGAREK, DASEN de l’Aisne, Mme MAIRE, IEN adjointe au DASEN de la Somme, Mme FACHE, secrétaire générale du DASEN de la Somme, M. DÈCLE, chef de la division de l'Évaluation, de la Prospective et du Pilotage, M. LEGRAND, coordinateur des IEN du 1er degré, Mme RANDANNE, doyen des IA-IPR, M. CAROSONE, doyen des IA-IPR (également reçu en audition), M. LANDOT, IEN, M. DOYEN, doyen des IEN ET-EG, M. SAVEY, chef du service académique d’information et d’orientation.
Directions académiques des services de l'éducation nationale : Mme DELOBELLE, IEN d’Amiens (également reçue en audition), Mme GENLIS, IEN de Méru.
Établissements : Mme DEQUERVAUVILLER, directrice et professeure des écoles, Mme JULLIEN et MM GLOESS, BECU, professeurs des écoles à l’école primaire de Saleux, Mme BLETON, rééducateur maître G (RASED), Mme GOLLIOT, psychologue scolaire (RASED), Mme LEROY, directrice et professeure des écoles, Mmes RAPAUD, BERTECHE et M. DELORY, professeurs des écoles à l’école primaire de Saint Crépin Ibouvillers, M. FOURNIER, directeur des écoles, Mmes POTENTIER, RIGAUD, DELAFONTAINE, GUERY-DEVOS, professeures des écoles à l’école élémentaire Jean Moulin à Méru, Mme GEFFLOT (également reçue en audition), chef d’établissement et enseignante, Mmes GAUTTER, FAVREAU, MEURISSE, RICARD (également reçue en audition), DOUZINEL, THIENOT, THIESSELIN, enseignantes à l’école primaire Immaculée Conception à Méru, M. VERLHAC, chef d’établissement du collège Immaculée Conception à Méru, Mme VANDENBERGHE proviseure (également reçue en audition), Mme TOPIN, proviseur-adjointe, M. HEDONT, chef de travaux, Mme BELLET, gestionnaire-comptable, Mmes LENEUTRE (également reçue en audition), DESMAREST, MUSTAFOVA et MM VIMEUX-MONTAILLE, LARRIBE, BUYSSE, PHILIPPE, ZINETTI, enseignants au lycée La Hotoie à Amiens.
b. Académie de Créteil
Rectorat : M. ALFANDARI, secrétaire général, M. DELTHEIL, secrétaire général adjoint, directeur des établissements et de la performance, M. LE PIVERT, directeur de la pédagogie, responsable de la formation, M. ERNEWEIN, chef du pôle académique de prospective et de performance, M. RENAUD, adjoint au chef du pôle académique de prospective et de performance, M. CAPILLON, chargé de mission au pôle académique de prospective et de performance, M. MOYA, DASEN du Val-de-Marne, Mme ROHEE, adjointe au DASEN chargée de l’enseignement élémentaire et pré-élémentaire, Mme AMIOT, doyenne des IA-IPR, M. GANTE, IA-IPR, conseiller 1er degré, Mmes BALLANFAT (également reçue en audition), FERRIER, IACONELLI et MM DUMERY, FRANCOIS, IA-IPR, M. FESTA, doyen des IEN ET-EG, Mmes DELOMEL et DUSSION, assesseurs du doyen des IEN ET-EG (également reçues en audition), Mme PHILIPPE, IEN ET-EG.
Directions académiques des services de l'éducation nationale : Mme DUDON, IEN (également reçue en audition) et Mme VANETTI, conseillère pédagogique (circonscription d’« Ablon-Villeneuve Saint-Georges-Villeneuve le Roi »).
Établissements : M. BENNETOT-DEVERIA, principal, Mme CATRY, professeure, Mme MEYER, professeure-documentaliste (également reçue en audition), Mme LE MEAUX, infirmière, Mme BOZOR, assistante pédagogique au collège Jules Ferry, Mme REINERS, directrice (également reçue en audition), MM SEGUIN et SAUVAGE, directeurs, Mmes DIGNEAU, AZZAB, BOUSSATA (également reçue en audition), et MM GENNERIE, DARDE, enseignants dans le groupement scolaire St Exupéry, Mme CANESTRARO, psychologue scolaire du RASED, Mme DUBOUX, maître G du RASED, M. FOURESTIER, Principal du collège Jean Jaurès à Pantin, Mme LUCAS, proviseure, M. BORDIN, proviseur-adjoint, Mmes BUGNET, TOUCHAIS, RIGHI, MAERTEN, GRABIE, MARTIAL, KHALFA et MM GODEFROY, LEBREUX, DALBY, GUYARD, YAFOY, CHOLLET, BUSSAC, OLIVE, enseignants, MM MARRO et VARNI, chefs de travaux, Amaury (BTS), Marina, Amaury (2nde), Césarine, Mariam, élèves au lycée polyvalent Léonard de Vinci à Melun, Mme DJENANI, principal-adjointe du collège Henri Wallon à Aubervilliers (reçue en audition).
c. Académie de Grenoble
Rectorat : M. MARTINY, secrétaire général, M. MARTIN, directeur des ressources humaines, Mme ARABIAN, chef du service d’études statistiques, de la performance, et de l’analyse de la gestion (SESPAG), M. FERRAND, doyen IA IPR – coordonnateur de la réforme des lycées, Mme MENISSIER, doyenne IA-IPR, Mme DEVAUJANY, doyenne IEN ET/EG, M. DIDIER, doyen IEN ET/EG (également reçu en audition).
Directions académiques des services de l'éducation nationale : Mme BRENNAN-SARDOU, DASEN de l’Ardèche, Mme HENRY, DASEN de la Drôme, Mme LESKO, DASEN de l’Isère, M. GILARDOT, DASEN de la Savoie, M. BOVIER, DASEN de la Haute-Savoie, M. SEMERARO, DASEN adjoint de Haute-Savoie. M. SEGUIN, IEN et Mme TABOUREL, conseillère pédagogique (circonscription d’Annecy-Est).
Établissements : M. NOGUERA, directeur, Mmes ATRUX-TALLAU et de SAINTE LORETTE, professeures des écoles à l’école primaire publique des Villards-sur-Thônes, Mme CHAGNON, directrice, Mmes PERRILLAT-AMEDE et BASTARD-ROSSET, enseignantes à l’école primaire privée des Villards-sur-Thônes, M. DUPAYAGE, principal du collège Jules Verne, à Varces, Mme PIERGIOVANNI, proviseure (également reçue en audition), Mme PALOMARES, proviseure-adjointe, M. FONTANET, chef de travaux, Mmes DELOBRE et MORIAME (également reçue en audition), enseignantes au lycée professionnel Jean-Jaurès à Grenoble, M. CHASSAGNE, proviseur (également reçu en audition), Mmes BERLAND et PIGAUD, proviseures-adjointes, Mme MARTINOD, enseignante, Mme RUAS, conseillère d’orientation-psychologue au lycée d’enseignement général Gabriel Fauré à Annecy.
d. Académie de Strasbourg
Rectorat : M. AYMARD, secrétaire général, M. GRUBER et BOHN, adjoints au secrétaire général, M. GUERRE, chef du bureau des crédits, des moyens spécifiques et du contrôle des emplois, Mme KNAUER, déléguée académique à la formation continue des personnels, Mmes STEIMER et MOREL, au contrôle de gestion, M. LAVILLE, conseiller académique et recherche-développement, innovation et expérimentation, Mme STRASSER, vice-doyenne des IA-IPR (également reçue en audition), M. CASPAR, doyen du collège des inspecteurs de l’enseignement professionnel, M. KOZUK, IEN.
Directions académiques des services de l'éducation nationale : Mme SAVOURET, DASEN du Haut-Rhin, M BEN, DASEN-adjoint du Bas-Rhin.
Établissements : Mme KAPP, principale, M. SANFILIPPO, principal-adjoint (reçu en audition), Mme FUHRMANN, conseillère principale d’éducation, Mmes AISSAOUI (également reçue en audition), BURGERMEISTER, GOURY et SOURIER et MM AFGOUN et GAGLIARDI, enseignants, quatre élèves du collège Louise Weiss à Strasbourg, M. NICOLAS, chef d’établissement (collège, lycée), Mme HEITZ, chef d’établissement (école), M. CAPRIOLI, adjoint au chef d’établissement, Mmes VOGEL et ANDRIAN, professeures, Mme JULLY, maître E.
a. Syndicats d’enseignants et de chefs d’établissement (reçus en audition)
Fédération syndicale unitaire : Mme ROLET, secrétaire générale, porte-parole du syndicat national des enseignements de 2nd degré (SNES-FSU), Mme BECKER, secrétaire général adjointe (SNUIPP-FSU) ;
UNSA éducation : Mme KREPPER, secrétaire nationale, Mme DE VANSSAY, conseillère technique ;
SGEN CFDT : M. TOUZE, secrétaire fédéral, Mme PAILLETTE, secrétaire nationale ;
Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale : M. TOURNIER, secrétaire général, Mme BOURHIS, secrétaire nationale de la commission éducation et pédagogie ;
Syndicat National des Lycées et Collèges : Mme HOUEL, vice-présidente, M. KAYAL, membre du bureau national.
b. Associations de parents d’élèves (reçus en audition)
Fédération de parents d’élèves de l’enseignement public : Mme MARTY, présidente ;
Association des parents d’élèves de l’enseignement libre : Mme SALIOU, présidente et M. ABRAHAM, délégué national.
c. Représentants des élèves (reçus en audition)
Fédération indépendante et démocratique lycéenne (FIDL) : Mme CHILOWICZ, Secrétaire général, M. LE CORRE-JURATIC, porte-parole.
M. CHARBONNIER, expert analyste à la direction éducation de l’OCDE (reçu en audition) ;
Mme MONS, présidente du CNESCO (également reçue en audition).
Canada (province de l’Ontario) : Mme HUNTER-PERREAULT, directrice de l’éducation, Mme GALLAGHER, directrice (ministère de l’éducation, division du rendement des élèves), Mme REID, cadre d’éducation (ministère de l’éducation, division de l’enseignement et du développement du leadership), Mme COSSAR, et M. STRACHAN, cadres d’éducation ministère de l’éducation, direction des politiques et des normes en matière d’éducation), M. LIZOTTE, coordonnateur principal, liaisons nationales et internationales (ministère de l’éducation), M. FULLAN, conseiller spécial éducation du Premier ministre et professeur émérite à l’institut des études en éducation de l’Ontario de l’université de Toronto.
Autriche (Land de Vienne) : Mme HAIDINGER, coordonnatrice bilatérale, Mme LASSELSBERGER, département de la recherche en éducation et de la qualité, Mme WINKLER-RIGLER, département des écoles et des collèges, (ministère fédéral autrichien de l’éducation et des femmes), M. LINNERT, chef d’établissement, MM. BERUSCH, BAUGR, ROTTER, ULRICH et Mme OLBRICH, enseignants, Mmes JANESCH, GASSER, élèves (College of Engineering, Arts and Crafts “Die Graphische”), M. WASCHULIN, chef d’établissement et deux enseignantes (New Secondary School 7), M JACQUEMIN, attaché de coopération éducative et linguistique (Ambassade de France à Vienne).
Finlande : Mmes KAIHARI, RINKINEN, conseillères pour l’éducation (Direction de l’enseignement), Mme BOUCHER, principale-adjointe, Mme BAYON, psychologue scolaire, Mme PIHLAJA, enseignante spécialisée (Lycée franco-finlandais de Helsinki), Mme AUVINEN, principale-adjointe, Mme MATTILA, enseignante spécialisée et formatrice et trois enseignants spécialisés en situation (Helsingin yliopiston Viikin normaalikoulu), Mmes SANTAHOLMA, HUOVO, OSAYI-EDWINS, SALOJÄRVI, NAUKKARINEN, NYLEN-HAKKALA, professeures, Mme LEJEUNE, enseignante spécialisée, Isabella et Aku, élèves (Itäkeskuksen peruskoulu), M. LEBEDEL Ambassadeur de France en Finlande, M. BONNEL, chargé d’affaires (Ambassade de France), M. DIENER, conseiller de coopération et d’action culturelle, directeur de l’Institut français, Mme CECILIA, attachée de coopération pour le français (Institut Français), Mme ANTTILA, expert à la retraite.
AED assistants d’éducation. Ils exercent des fonctions d’assistance à l’équipe éducative.
AP accompagnement personnalisé
CAP certificat d’aptitude professionnelle
CAPA-SH certificat d'aptitude professionnelle pour les aides spécialisées, les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap.
CEDRE cycle d’évaluations disciplinaires réalisées sur échantillon. Ce dispositif établit des bilans nationaux des acquis des élèves en fin d’école et en fin de collège.
CE1 cours élémentaire 1e année
CE2 cours élémentaire 2e année
CHORUS système d’information, outil de tenue de la comptabilité, de consolidation et de production des comptes de l’État.
CLIS classe de l'enseignement spécialisé permettant l’accueil dans une école primaire ordinaire d’un petit groupe d’élèves présentant un handicap.
CM1 cours moyen 1e année
CM2 cours moyen 2e année
CNESCO conseil national d’évaluation du système scolaire placé auprès du ministre de l’éducation nationale.
CP cours préparatoire
DAF direction des affaires financières du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Décrochage scolaire processus qui conduit un jeune en formation initiale à se détacher du système de formation jusqu'à le quitter avant d'avoir obtenu un diplôme.
DEPP direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
DGESCO direction générale de l'enseignement scolaire du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
DHG dotation horaire globale. Cette dotation représente le « budget » des établissements du second degré exprimé en heures d’enseignement.
ECLAIR écoles, collèges, lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite. Ce programme sera remplacé à la rentrée 2015.
EFE Edition Formation Entreprise, organisme de formation professionnelle et d’édition pour les entreprises et le secteur public.
EP éducation prioritaire. Écoles et établissements des territoires qui rencontrent les plus grandes difficultés sociales.
EPLE établissement public local d'enseignement (collège, lycée d’enseignement général et technologique, lycée professionnel, lycée polyvalent).
EREA établissement régional d'enseignement adapté dont la mission est de prendre en charge des adolescents en grande difficulté scolaire et sociales, ou présentant un handicap.
ESPE écoles supérieures du professorat et de l'éducation.
ETP équivalent temps plein.
HCE haut conseil de l'éducation.
HCéé haut conseil de l’évaluation de l’école.
Heures d'enseignement heures réellement dispensées par l’enseignant aux élèves sur une base hebdomadaire. Par rapport aux obligations règlementaires de service (voir ORS), ces heures peuvent comprendre des majorations (heures supplémentaires) ou des minorations (décharges, sous service).
HP heure poste
HSE heures supplémentaires effectives. Heures supplémentaires occasionnelles, dues à un dépassement exceptionnel du service hebdomadaire, attribuées notamment dans le cadre de l'accompagnement éducatif, des stages pendant les vacances ou des remplacements de courte durée pendant l'année scolaire dans le second degré.
IA-IPR inspecteur d'académie, inspecteur pédagogique régional.
IEN inspecteur de l'éducation nationale (pour le premier degré).
IEN-EG inspecteur de l'éducation nationale de l'enseignement général (pour le second degré).
IEN-ET inspecteur de l'éducation nationale de l'enseignement technique (pour le second degré).
IFIC indemnité pour fonctions d'intérêt collectif.
IGAENR inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche.
IGEN inspecteur général de l'éducation nationale.
INSEE institut national de la statistique et des études économiques.
LEGT lycée d'enseignement général et technologique.
LP lycée professionnel.
LOLF loi organique relative aux lois de finances.
MENESR ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
OCDE organisation de coopération et de développement économique.
ORS obligations réglementaires de service. Élément de gestion qui permet de connaître le nombre d'heures poste qu'un agent doit, au titre de son affectation.
PAP plan d’accompagnement personnalisé.
PISA programme international pour le suivi des acquis des élèves, piloté par l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). L'enquête est menée tous les trois ans auprès de jeunes de 15 ans.
PPRE programme personnalisé de réussite éducative
RASED réseau d'aides spécialisés aux élèves en difficulté
RERS repères et références statistiques. Publication du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
RRS réseau réussite scolaire
SEGPA section d'enseignement général et professionnel adapté
SGEC secrétariat général de l’enseignement catholique
TALIS enquête internationale menée par l’OCDE « Teaching and learning international survey » www.oecd.org/edu/school/talis.htm
ULIS unité localisée pour l'inclusion scolaire
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS
Sommaire
Ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche 167
Présidente du Conseil national d’évaluation du système scolaire 173
Destinataires n’ayant pas répondu
Ministre des finances et des comptes publics et secrétaire d’État chargé du budget
Réponse de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche
Si je partage la plupart des analyses de la Cour, je note que ces analyses portent en grande partie sur des dispositifs mis en œuvre antérieurement à la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, qui a déterminé une feuille de route radicalement nouvelle pour le système scolaire.
Cette feuille de route a connu une première phase de mise en œuvre considérable, comprenant :
- la restauration d'une véritable formation pour les enseignants avec la création des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE),
- la mise en œuvre d'une approche globale de la difficulté scolaire dans le premier degré avec les dispositifs du « plus de maîtres que de classe » et la rénovation des spécificités , des missions et du fonctionnement des RASED, qui s'intègrent dans une logique de complémentarité avec l'ensemble des dispositifs d'aide,
- la réforme des rythmes scolaires dans le 1er degré, qui est effective depuis la rentrée 2014 dans la totalité des écoles publiques et doit favoriser les apprentissages de tous les élèves,
- l’évolution des statuts des personnels enseignants et d’éducation,
- une évolution de la gouvernance du système scolaire avec la mise en place du Conseil supérieur des programmes et du Conseil national de l’évaluation du système scolaire.
D’ores et déjà, j’ai eu l’occasion d’annoncer la seconde étape de mise en œuvre des mesures figurant dans le rapport annexé de la loi du 8 juillet 2013 :
- la réforme de l’éducation prioritaire consistant à prendre en considération les difficultés sociales et leur concentration pour offrir plus de moyens à ceux qui en ont le plus besoin,
- une évolution du collège, que je préciserai dans les prochaines semaines, destinée à renforcer la continuité école-collège.
L’ensemble de ces mesures n’a qu’un seul objectif : la réussite de tous les élèves. La méthode que je retiens pour leur exécution diffère de celle qui a pu prévaloir lors de la mise en œuvre de certains dispositifs : dans le cadre d'orientations nationales, cette exécution repose sur l'octroi de davantage de marges de manœuvre aux acteurs territoriaux (rectorats, directions de services départementaux de l'éducation nationale, établissements), les plus aptes à développer des stratégies pertinentes d'accompagnement des élèves. Naturellement, l'utilisation de ces marges et leur efficience seront au cœur du dialogue de gestion que les services de l'administration centrale conduisent avec les académies.
S'agissant de ces services, je juge souhaitable d'atténuer la tonalité de certaines observations de la Cour, qui pourrait être interprétée comme une mise en cause de leur compétence ou de leur implication.
La Cour souligne en premier lieu la nécessité « d’affermir la démarche d’individualisation en France » et recommande notamment, à cette fin, de « stabiliser les dispositifs ainsi que le vocabulaire employé pour chacun d’entre eux » ;
La loi du 8 juillet 2013 précitée a posé les jalons pour cadrer et homogénéiser les dispositifs.
L’article L. 311-3 du code de l’éducation dispose que : « les programmes définissent, pour chaque cycle, les connaissances et les compétences qui doivent être acquises au cours du cycle et les méthodes qui doivent être assimilées. Ils constituent le cadre national au sein duquel les enseignants organisent leurs enseignements en prenant en comptes les rythmes d’apprentissage de chaque élève. »
Les dispositifs d’aide et d’accompagnement individualisés constituent une variété de moyens mis à la disposition des enseignants afin qu'ils soient en mesure d'apporter les réponses les plus adaptées à leur public scolaire en fonction de la diversité des situations rencontrées.
J'accorderai une place spécifique aux potentialités offertes par le développement du numérique dans le système scolaire : ces technologies vont clairement faire évoluer la relation entre l'enseignant et l'élève, en permettant à l'enseignant d'être plus facilement en capacité d'évaluer les acquis de chaque élève et d'adapter sa démarche pédagogique et en offrant à l'élève davantage d'autonomie dans ses apprentissages, qu'il pourra adapter à son propre rythme. S'il ne faut pas surestimer leur apport, ni méconnaître l'ampleur du chantier de leur intégration dans les pratiques pédagogiques de chaque enseignant, cette ambition est aujourd'hui clairement inscrite comme priorité ministérielle et connaît des traductions concrètes à grande échelle, parmi lesquelles je citerai, à titre d'exemple, le service D'COL, service d'accompagnement personnalisé proposé par le CNED aux élèves en difficulté de CM2 et de 6eme, combinant présentiel et à distance.
La Cour émet également plusieurs recommandations en vue « d’améliorer le pilotage des dispositifs de suivi individualisé des élèves, qu’elle estime « défaillant », pointant successivement « un suivi dispersé et lacunaire par l’administration centrale », « un coût largement méconnu » et « des capacités d'évaluation encore peu utilisées ».
Sur le premier point, en réponse à la remarque soulignant qu’«il n’existe pas, au sein de l’administration centrale de structure dédiée au suivi d’ensemble de cette politique (…)», je considère que les dispositifs de suivi individualisés ne constituent pas une politique publique, mais sont des outils au service de la réussite scolaire des élèves, dont la définition dépend du niveau d’enseignement et/ou de certaines caractéristiques des populations d’élèves considérées, et que la préoccupation de faire réussir tous les élèves doit s’imposer à toutes les structures en charge de la mise en œuvre de politiques pédagogiques, quels que soient leurs champs d’intervention. J’ajoute que la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) est précisément structurée pour organiser la transversalité qu’exigent les réformes liées à la refondation de l’École (« plus de maîtres que de classe », réforme des RASED, de l’école maternelle et du collège, des cycles, de l’éducation prioritaire…) et conduire des réflexions collectives sur la place et les modalités de l’individualisation dans le système scolaire en associant les dimensions pédagogique, organisationnelle, budgétaire et réglementaire.
En ce qui concerne le suivi quantitatif de la mise en œuvre des dispositifs, dont la Cour critique l'absence d'exhaustivité et une méthodologie mal cadrée, il convient de ne pas sous estimer la lourdeur de processus d'enquête, qui peuvent conduire à solliciter plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de contributeurs, dans les cas où il n'a pas été jugé pertinent de développer ou d'ajuster des systèmes d'information pour des considérations de délai ou de rapport coût/avantage défavorable. J'attire toutefois votre attention sur le fait que la DGESCO s'est engagée depuis 2011 dans une démarche de profonde rationalisation de ses enquêtes, d'ailleurs reconnue par la Cour, qui a conduit à en réduire le nombre, à assurer une meilleure transparence du programme d'enquête vis-à-vis des acteurs de terrain, et à formaliser par une charte l'exigence de qualité qui accompagne chaque enquête qu'elle gère.
S'agissant par ailleurs de la sous-évaluation du coût global de la politique d'individualisation mise en évidence par la Cour et qu'elle attribue pour partie au fait que « certains dispositifs sont purement et simplement » ignorés » car réputés « ne rien coûter », la « position de principe », attribuée par la Cour au ministère, qui consisterait « à considérer comme gratuit l'enseignement prodigué à l'intérieur du cadre des obligations de service des enseignants » et conduirait donc « à minorer significativement le coût réel d'une politique publique pourtant présentée comme fondamentale » relève d’une mauvaise interprétation.
Si le coût de certains « dispositifs » est aisément quantifiable (comme par exemple le coût d’intervention des enseignants en RASED, l’accompagnement éducatif…), d’autres le sont beaucoup moins car pleinement intégrés dans la pratique pédagogique des enseignants (la différenciation pédagogique, l’aide et le soutien à l’élève pendant les heures de cours…), sauf à imaginer de collecter auprès de chaque enseignant un descriptif précis de chaque séquence pédagogique.
Quand bien même, l’ «attention particulière » que pratiquent les enseignants à l’égard de certains élèves est, de toute évidence, difficilement chiffrable.
Enfin, relevant « la quasi-inexistence d’évaluation des effets de la politique d’individualisation », la Cour évoque notamment une « direction de l’évaluation peu mobilisée ».
Elle note que « le ministère invoque de manière récurrente dans ses échanges avec la Cour deux obstacles qui condamneraient à l’avance toute démarche évaluative dans le domaine du suivi individualisé des élèves ».
Tout d'abord, conformément à sa mission, la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) est essentiellement mobilisée sur des dossiers et des projets qui impliquent un temps long, mais dont les résultats amènent des interrogations de fond sur l'efficacité du système éducatif. Il en va de sa crédibilité scientifique de ne pas s'appuyer sur des modes d'évaluation trop fragiles quand il s'agit de mesurer l'efficacité d'un dispositif d'aide généralisé au bout d'un an, ou venant modifier profondément un système simplement mis en place depuis un certain temps.
Parmi les exemples cités par la Cour, à l'appui de l'idée que le ministère renoncerait un peu vite à produire des évaluations, la note d'information sur l'accompagnement éducatif publiée par la DEPP décrit la mise en œuvre du dispositif, et n'évoque pas de résultats objectifs en terme de progrès des élèves, mais s'appuie sur le ressenti des personnels de direction.
Le travail sur la mise en place des PPRE a été assuré par l'inspection générale de l'éducation nationale qui a publié un rapport (n° 2005-048) qui n'évoque à aucun moment les conséquences des PPRE sur les résultats des élèves, mais souligne les organisations et les principes pédagogiques qui pourraient se révéler efficaces.
Quant aux protocoles mis en place au Danemark et dans l'État du Tennessee (programme STAR) pour évaluer la co-intervention des maîtres dans la classe, les choix faits pour la mise en place d'une expérimentation avec groupe « d'écoles témoins » permettent, dans ces deux exemples, une évaluation basée sur une randomisation.
En France, les choix faits pour la mise en place du projet « Plus de maîtres que de classes » sont radicalement différents et rendent quasi impossible la mesure de l'effet sur les compétences acquises par les élèves.
C’est d’ailleurs pourquoi la DEPP a choisi de travailler avec deux équipes de recherche (dans les départements du Nord et du Rhône) afin d’évaluer la mise en œuvre et les pratiques des enseignants.
Afin de « réussir la démarche d'individualisation », la Cour identifie des leviers du changement pour surmonter « les obstacles de fond » qu'elle a repérés et formule une série de préconisations concernant notamment la redéfinition et la modulation du temps de service des enseignants ainsi que le renforcement de leur formation à la démarche d'individualisation.
S'agissant de la proposition de « revoir la définition du temps de service des enseignants du second degré », le décret n° 2014-940 du 20 août 2014 réformant les obligations de service et les missions des personnels enseignants du second degré, reconnaît la diversité des missions des enseignants, tout en réaffirmant le caractère primordial de la mission d'enseignement. Il consacre trois ensembles de missions :
- la mission d’enseignement proprement dite,
- l’ensemble des missions liées directement au service d'enseignement : les temps de préparation et de recherche, les activités de suivi, d'évaluation et d'aide à l'orientation des élèves inhérentes à la mission d'enseignement, le travail en équipe pédagogique ou pluriprofessionnelle ainsi que les relations avec les parents d'élèves,
- des missions complémentaires exercées par certains enseignants, qui se verront attribuer des responsabilités particulières afin de mener des actions pédagogiques dans l'intérêt des élèves, ces missions pouvant être exercées au niveau d'un établissement ou au niveau académique.
La faculté, jugée souhaitable par la Cour, de « moduler la répartition du temps de service des enseignants et des emplois du temps des élèves en fonction des besoins des élèves, notamment en prévoyant la mise en place sur l'année scolaire de plages horaires variables de soutien et d'accompagnement » constitue déjà une réalité dans le premier degré.
Le directeur d'école arrête le service des instituteurs et professeurs des écoles, dans le respect des obligations statutaires de ces personnels fixées par le décret n° 2008-775 du 30 juillet 2008 et précisées par la circulaire ministérielle n° 2013-019 du 4 février 2013.
Ces textes prévoient qu'ils consacrent, d'une part, 24 heures hebdomadaires d'enseignement à tous les élèves et, d'autre part, 108 heures annuelles à des activités autres, telles que, notamment, des activités pédagogiques complémentaires, qui peuvent être consacrées à l'aide aux élèves rencontrant des difficultés dans leurs apprentissages.
De fait, il est déjà possible au directeur d'école de moduler la répartition du temps de service des enseignants et des emplois du temps des élèves en fonction de leurs besoins, notamment en prévoyant la mise en place sur l'année scolaire de plages horaires variables concernant les activités pédagogiques complémentaires.
La Cour recommande également de « systématiser la formation des enseignants à la démarche d’individualisation (…) et prévoir également une formation continue des personnels de direction dans ce domaine ».
La formation continue des enseignants vise notamment à apporter aux équipes enseignantes, des ressources pour analyser les difficultés des élèves, adapter les réponses et mesurer les effets de 1’aide personnalisée sur les progrès des élèves ainsi que des outils pour la mise en œuvre et le pilotage.
Au-delà des divergences d’appréciation que j’ai exprimées supra, deux observations de la Cour rejoignent mes propres convictions : la nécessité d'accroître les marges d'adaptation laissées à la disposition des acteurs de « terrain » et l'amélioration des processus de conduite du changement dans le cadre de la mise en œuvre des réformes. Ces évolutions sont d'ores et déjà très largement partagées par l’ensemble des concepteurs et pilotes des futures réformes.
réponse de la Présidente du conseil national d’évaluation du système scolaire
J’ai lu avec attention votre rapport sur le suivi individualisé des élèves, particulièrement les passages qui rendent compte des activités du Conseil national d’évaluation du système scolaire.
Le Cnesco ne peut que reconnaître leur conformité avec son programme d’orientation stratégique 2014-2017 qui, notamment, indique la publication en 2016 d’un rapport sur le même thème.
1 Selon son exposé des motifs, cette réforme impose « des processus pédagogiques beaucoup plus différenciés et personnalisés que ceux qui ont cours actuellement ».
2 Le programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) est une évaluation internationale initiée par l’OCDE, qui vise à tester les compétences des élèves de 15 ans en lecture, en mathématiques et en sciences. Il s’agit d’une enquête menée tous les trois ans dans les 34 pays membres et dans 30 pays partenaires. Elle a pour objectif de fournir aux différents acteurs (décideurs politiques, autorités scolaires, enseignants, parents, élèves) des données comparatives permettant d’estimer dans quelle mesure les élèves disposent des connaissances et aptitudes que la société moderne exige. La dernière enquête PISA a eu lieu en 2012 et ses résultats ont été connus en décembre 2013.
3 Source : Ministère de l’éducation nationale, « Repères et références statistiques », 2014.
4 Source : « Quand l'École est finie. Premiers pas dans la vie active », Pascale Rouaud et Olivier Joseph (coordination), Céreq, Ouvrages, 2014.
5 Le budget 2014 du ministère de l’éducation nationale s’élève à 64,8 Md€ (source : mission interministérielle Enseignement scolaire, projets annuels de performances annexe au projet de loi de finances pour 2015).
6 Cour des comptes, Rapport public thématique : L’éducation nationale face à l’objectif de la réussite de tous les élèves. La Documentation française, mai 2010, 216 p., disponible sur www.ccomptes.fr
7 Cour des comptes, Référé sur l’égalité des chances et la répartition des moyens dans l’enseignement scolaire, 11 juillet 2012, 9 p., et Référé sur l’égalité des chances dans l’enseignement scolaire et les politiques publiques interministérielles, 11 juillet 2012, 6 p., disponibles sur www.ccomptes.fr
8 Cour des comptes, Rapport public thématique : Gérer les enseignants autrement. La Documentation française, mai 2013, 211 p., disponible sur www.ccomptes.fr
9 Jeanne Benhaïm, L’aide individualisée au collège à travers les circulaires de rentrée de 1989 à 2002, Éducation et Formations n° 65, Ministère de l’éducation nationale, janvier-juin 2003.
10 Rapport IGEN et IGAENR, Observation et évaluation de l’ensemble des dispositifs d’aide individualisée et d’accompagnement à l’école, au collège et au lycée, octobre 2010.
11 Hors établissements « spécifiques » (EREA, alternance, apprentissage, enseignement par correspondance, en milieu pénitentiaire, etc.) ou relevant d’autres ministères (agriculture, défense).
12 Dans toute la suite du rapport, les noms des dispositifs de suivi individualisé des élèves seront systématiquement écrits en italique.
13 La méthodologie des enquêtes statistiques figure en annexe n° 4.
14 Loi du 11 juillet 1975 relative à l’éducation.
15 Professeur des universités en sociologie, spécialiste des politiques publiques d’éducation dans une perspective comparatiste internationale. Elle est présidente du Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO).
16 Extrait de l’article L. 111-1 du code de l’éducation.
17 Selon ce rapport en effet, « les enfants sont différents dans leurs talents, leurs capacités, le rythme de leur progression, les ressorts de leur motivation, leur maturité. L’École aujourd’hui ne prend pas en compte, ou mal, cette diversité (…). Ceci conduit à condamner à l’échec un certain pourcentage d’élèves (…). Si l’on veut faire en sorte que les élèves, malgré leur diversité, acquièrent le socle commun des indispensables, il faut adopter une démarche opposée et personnaliser l’organisation de l’enseignement pour s’adapter aux besoins spécifiques de chaque enfant ».
18 Un nouvel article L. 122-1-1 est inséré dans le code de l’éducation : « La scolarité obligatoire doit au moins garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l’acquisition d’un socle commun constitué d’un ensemble de connaissances et de compétences qu’il est indispensable de maîtriser pour accomplir avec succès sa scolarité, poursuivre sa formation, construire son avenir personnel et professionnel et réussir sa vie en société ».
19 Selon le nouvel article L. 111-1 du code de l’éducation modifié par la loi du 8 juillet 2013, « [le service public de l’éducation] reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d'apprendre et de progresser. Il veille à l'inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction ».
20 Décret du 18 novembre 2014 relatif au suivi et à l’accompagnement pédagogique des élèves.
21 Ministère de l’éducation de l’Ontario, « Appuyer chaque élève – tonifier l’éducation en Ontario » (2008), disponible sur www.edu.gov.on.ca
22 Dans l’élémentaire, la proportion d’élèves qui atteignent ou surpassent la norme provinciale en lecture, en écriture et en mathématiques est passée de 54 % en 2003 à 67 % en 2009. Dans le secondaire, le taux d’obtention d’un diplôme en Ontario est passé de 68 % en 2003-2004 à 79 % en 2008-2009.
23 Circulaire n° 90-082 du 9 avril 1990 relative à la mise en place et l’organisation des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté scolaire et circulaire n° 90-083 du 10 avril 1990 relative aux missions des psychologues scolaires.
24 Enseignants spécialisés titulaires du certificat d’aptitude professionnelle pour les aides spécialisées, les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap (CAPA-SH) et chargés des aides spécialisées à dominante pédagogique (« maîtres E ») ou à dominante rééducative (« maîtres G »).
25 Sans que ces difficultés puissent être considérées comme des handicaps avérés.
26 Circulaire n° 2009-088 relative aux fonctions des personnels spécialisés des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) dans le traitement de la difficulté scolaire à l'école primaire.
27 Selon cette circulaire, « les enseignants spécialisés et les psychologues scolaires apportent leur expertise au sein de l'équipe enseignante de l'école ».
28 Circulaire n° 2014-107 du 18 août 2014 : « Les enseignants spécialisés apportent leur appui aux enseignants pour prévenir et analyser les difficultés d'apprentissage ou de comportement que manifestent leurs élèves, (…). Ils accompagnent les équipes enseignantes pour l'élaboration de réponses adaptées aux besoins des élèves, la construction de situations d'enseignement qui tiennent compte des stratégies d'apprentissage des élèves en difficultés et pour la mise en œuvre de pratiques pédagogiques qui favorisent la réussite de tous les élèves ».
29 IGEN, Les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté – RASED – Rôles et perspectives d’évolution, n° 2013-042, mai 2013.
30 Source : Secrétariat général de l’enseignement catholique, estimation communiquée en juin 2014.
31 Rapport « Les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté – RASED – Rôles et perspectives d’évolution », n° 2013-042, IGEN.
32 L’année scolaire dure en effet 36 semaines.
33 Source : Cour des comptes, enquête statistique auprès des écoles.
34 Note du ministre de l’éducation nationale du 1er février 2008.
35 Cf. annexe n° 5 : la réalité de la mise en place des dispositifs selon les enquêtes statistiques de la Cour.
36 Ces compétences sont les suivantes : la maîtrise de la langue française, la pratique d’une langue vivante étrangère, les principaux éléments de mathématiques et la culture scientifique et technologique, la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication, la culture humaniste, les compétences sociales et civiques, enfin, l’autonomie et l’initiative.
37 Source : Cour des comptes, enquête statistique auprès des collèges.
38 Les commentaires déposés par les écoles dans le cadre de l’enquête statistique de la Cour sont très variés, allant de « ce document est un papier administratif complètement inutile à l'enseignant » à « cela permet d'identifier et de tracer le parcours de l'élève dans ses réussites, ses difficultés et ses progrès ; de mettre des mots communs avec la famille et les éventuels partenaires ; d'établir un parcours de remédiation personnalisé ; d'éveiller quotidiennement le regard de l'enseignant pour différencier, adapter, et renforcer les compétences ciblées dans le PPRE ».
39 Circulaire n° 2007-115 du 13 juillet 2007 – Complément à la circulaire de préparation de la rentrée 2007 : mise en place de l’accompagnement éducatif dans les établissements de l’éducation prioritaire.
40 Source : Cour des comptes, enquêtes statistiques auprès des écoles et des collèges. Dans 35 % des écoles, tous les élèves inscrits à l’accompagnement éducatif le sont sur recommandation de leur enseignant. 56 % des collèges relevant de l’éducation prioritaire déclarent que plus de la moitié des élèves, voire tous, inscrits à l’accompagnement éducatif l’ont été sur recommandation de l'équipe enseignante.
41 La DGESCO indique toutefois à propos de ces données que « la qualité des réponses peut encore être améliorée ». Cet aspect sera abordé ultérieurement.
42 Source : Cour des comptes, enquête statistique auprès des lycées.
43 Les projets transversaux font appel à une équipe de professeurs enseignant des disciplines différentes.
44 Source : rapport n° 2013-110 « Les parcours des élèves de la voie professionnelle », IGAENR, décembre 2013.
45 Circulaire n° 2010-013 du 29 janvier 2010 sur l’accompagnement personnalisé au lycée d’enseignement général et technologique.
46 Enquête menée auprès de l’ensemble des collèges publics de 29 académies (3 802 réponses).
47 Dans 63 % des collèges ayant participé à l’enquête, toutes les heures d'accompagnement personnalisé en 6e se sont déroulées avec un enseignant seul dans la classe, qu’elle soit entière ou non. Dans 48 % des collèges, les élèves ne sont jamais en classe entière pour l’accompagnement personnalisé et dans 32 % des collèges les élèves sont en classe entière dans moins de la moitié des heures. (Source : Cour des comptes, enquête statistique auprès des collèges).
48 Voir annexe n° 5 : La réalité de la mise en place des dispositifs selon les enquêtes statistiques de la Cour.
49 Rapport n° 2013-095, Le traitement de la grande difficulté scolaire au cours de la scolarité obligatoire, IGEN et IGAENR, novembre 2013.
50 Rapport annexé « les missions et les objectifs fixés par la Nation » : « le collège accueille l’ensemble d’une classe d’âge (…). Il a pour mission d’approfondir les apprentissages de l’école primaire et de parfaire la maîtrise de la langue sous toutes ses formes, grâce à des démarches pédagogiques répondant à la diversité des élèves »
51 Voir annexe n° 2 : les enseignements des enquêtes internationales menées par l’OCDE.
52 Source : OCDE, enquête TALIS 2013, note France.
53 « Les dispositifs d’aide et d’accompagnement des élèves mobilisent inégalement les enseignants. Dans le second degré, quel que soit l’établissement visité, il y a toujours une part plus ou moins importante des professeurs qui ne s’investit pas dans des dispositifs considérés comme périphériques ».Voir aussi Chapitre III, I-A.
54 Rapport n° 2013-095, « Le traitement de la grande difficulté au cours de la scolarité obligatoire », novembre 2013, IGEN et IGAENR.
55 Source : « Les écoles de l'Ontario de la maternelle à la 12e année. Les exigences régissant les politiques et les programmes, 2011 », document établissant les exigences du ministère de l'éducation qui président aux politiques et programmes de toutes les écoles de langue française financées par les fonds publics de l'Ontario.
56 Rapport « Les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté – RASED – Rôles et perspectives d’évolution », n° 2013-042, IGEN.
57 Source : Projet annuel de performances 2014 de la mission « Enseignement scolaire », disponible sur www.performance-publique.budget.gouv.fr
58 Infocentre POLCA (Pilotage opérationnel de la LOLF en administration centrale et en académies).
59 Source : Cour des comptes, enquête statistique auprès des écoles.
60 Décret du 9 novembre 1989 relatif au statut particulier des inspecteurs généraux de l’éducation nationale.
61 Décret du 13 octobre 1999 relatif au statut du corps de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche.
62 Décret du 17 février 2014 fixant l’organisation de l’administration centrale des ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur et de la recherche.
63 Voir respectivement « Les effets de l’expérimentation "Cours le matin, sport l’après-midi", année 2010-2011 », Note d’information n° 11.31, le Rapport final pour le Fonds d’Expérimentation pour la jeunesse « Évaluation d’impact du dispositif Coup de Pouce Clé » en mai 2013 et le Rapport transmis au Fonds d’expérimentation pour la jeunesse (Convention du 22 avril 2010), janvier 2013.
64 Source : « L’accompagnement éducatif dans les collèges publics en 2008-2009 », DEPP, Note d’information n° 11-23, décembre 2011.
65 Voir le « guide pratique pour l’expérimentation à l’école et au collège pour l’année scolaire 2005-2006 » publié par la DGESCO.
66 Rapport n° 2005-048, de l’inspection générale de l’éducation nationale, de juin 2006 : « Programmes personnalisés de réussite éducative ».
67 Le HCéé a été institué par un décret du 27 octobre 2000 puis supprimé par un décret du 22 août 2005. Il a rendu 19 avis publics.
68 Cour des comptes, Rapport public thématique : L’éducation nationale face à l’objectif de la réussite de tous les élèves. La Documentation française, mai 2010, 216 p., disponible sur www.ccomptes.fr
69 Circulaire n° 2002-074 du 10 avril 2002 : « temps d'enseignement à part entière, les itinéraires de découverte (…) associent au moins deux disciplines articulées entre elles par une problématique ou un thème fédérateur ».
70 Note de service n° 2011-091 du 16 juin 2011 : enseignement obligatoire en classe de première générale, « Les TPE consistent en un travail pluridisciplinaire conduit par un groupe d'élèves (…). Les TPE associent au moins deux disciplines et s'appuient prioritairement, quoique non exclusivement, sur les disciplines spécifiques de chaque série ».
71 Voir annexe n° 6 : Les difficultés rencontrées par les directeurs d’école, principaux de collège et proviseurs de lycée pour mettre en place les dispositifs de personnalisation selon les enquêtes statistiques de la Cour.
72 Rapport n° 2013-098, « Le suivi de la mise en œuvre de la réforme du lycée d’enseignement général et technologique particulièrement pour la classe terminale », novembre 2013.
73 Arrêté du 1er juillet 2013 redéfinissant les compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation.
74 Selon la circulaire n° 2013-019 du 4 février 2013 relative aux « obligations de service des enseignants du premier degré ».
75 Source : Cour des comptes, enquête statistique auprès des écoles.
76 CMPP : Centre Médico-Psycho-Pédagogique ; CAMSP : Centre d’Action Médico-Social Précoce.
77 L’article L. 912-1 du code de l’éducation prévoit ainsi que « les enseignants sont responsables de l’ensemble des activités scolaires des élèves ». Il mentionne entre autres : « l’aide au travail personnel des élèves », leur « évaluation » et le « conseil dans le choix de [leurs] projets d’orientation ».
78 Décrets n° 50-581, 50-582 et 50-583 du 25 mai 1950 modifiés par le décret du 20 août 2014.
79 Article 2 du décret n° 2014-940 du 20 août 2014.
80 Voir annexe n° 6 : Les difficultés rencontrées par les directeurs d’école, principaux de collège et proviseurs de lycée pour mettre en place les dispositifs de personnalisation selon les enquêtes statistiques de la Cour.
81 Sources : Cour des comptes, enquêtes statistiques auprès des écoles, des collèges et des lycées.
82 EFE : Édition Formation Entreprise.
83 Site pédagogique du ministère de l’éducation nationale.
84 Voir annexe n° 3 : une succession d’abandons des évaluations nationales à visée diagnostique.
85 Cf. note de page de page n° 24.
86 Décret n° 2008-463 du 15 mai 2008 modifiant l’organisation et fonctionnement des écoles maternelles et élémentaires et note ministérielle du 1er février 2008 relative à l’organisation de stages de remise à niveau proposés aux élèves en fin d’école primaire présentant des difficultés en français ou mathématiques.
87 Cette répartition de l’obligation réglementaire de service des enseignants du premier degré n’est plus valable depuis l’introduction des activités pédagogiques complémentaires en lieu et place de l’aide personnalisée.
88 Des stages de remise à niveau sont également expérimentés en CE1 depuis les vacances de printemps 2011.
89 Circulaire n° 90-082 et n° 90-083 des 9 et 10 avril 1990.
90 Idem.
91 Circulaire n° 2009-088 relative aux fonctions des personnels spécialisés des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) dans le traitement de la difficulté scolaire à l'école primaire.
92 Extrait du rapport « les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté – RASED – Rôles et perspectives d’évolution », n° 2013-042, IGEN.
93 Source : Secrétariat général de l’enseignement catholique, estimation communiquée en juin 2014.
94 Circulaire n° 2007-115 du 13 juillet 2007 – Complément à la circulaire de préparation de la rentrée 2007 : mise en place de l’accompagnement éducatif dans les établissements de l’éducation prioritaire.
95 Circulaire n° 2008-080 du 5 juin 2008 sur la généralisation de l’accompagnement éducatif à compter de la rentrée 2008 et circulaire n° 2008-081 du 5 juin 2008 sur la mise en place de l’accompagnement éducatif à compter de la rentrée 2008 dans les écoles élémentaires de l’éducation prioritaire.
96 Circulaire du 14 janvier 2009.
97 Circulaire n° 2010-010 du 29 janvier 2010 relative à la mise en place des stages de remise à niveau et des stages passerelles à compter de la rentrée 2010.
98 « L'accompagnement personnalisé constitue, au sein de ces mesures, un élément majeur de la rénovation qui s'engage ».