PRÉSENTATION
La société « Château de Versailles Spectacles » (CVS) est une société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU), filiale à 100 % de l’Établissement public du château, du musée et du domaine de Versailles (EPV), établissement public administratif relevant du ministère de la culture et de la communication. Créée le 24 décembre 2003 à la suite d’une décision du conseil d’administration de l’EPV approuvée par un arrêté interministériel, la société CVS a pour objet principal la production et la commercialisation de spectacles et de manifestations sur les sites du château et du domaine national de Versailles, activités qui étaient auparavant confiées à une autre société au moyen d’une délégation de service public. CVS organise les « Grandes Eaux » dans les jardins du domaine, des expositions d’art contemporain, la saison musicale de l’Opéra Royal ainsi que diverses autres manifestations, essentiellement en extérieur.
En 2009 et 2010, l’EPV et sa filiale CVS ont fait l’objet d’un contrôle de la Cour qui a donné lieu à un référé1 portant sur la gestion de CVS et sur ses relations avec l’EPV. La Cour y relevait les limites de l’externalisation d’une mission statutaire et les irrégularités afférentes au recueil, par CVS, des recettes de mécénat et à la rémunération accessoire des agents de l’EPV intervenant au profit de cette société. Dans le contexte de l’époque, elle estimait souhaitable une évolution de l’organisation de l’établissement public et de sa filiale, et mentionnait à cet effet plusieurs pistes possibles de réflexion, comme la transformation du premier en un établissement public à caractère industriel et commercial, appelé à reprendre les activités de la seconde, ou la création d’une fondation nationale.
La nouvelle enquête réalisée par la Cour pour les exercices 2010 à 2013 montre qu’au regard des critiques formulées dans son référé de 2010, des progrès significatifs ont été accomplis (I), même si des fragilités demeurent (II).
Dans un contexte marqué par la forte progression du nombre de visiteurs du château et du domaine de Versailles, CVS a su, au cours des dernières années, développer et diversifier ses activités, tout en améliorant ses procédures de gestion et en renforçant sa gouvernance.
De 2003 à 2009, les activités de CVS se sont limitées pour l’essentiel à la gestion des « Grandes Eaux »2, ce qui a conduit la Cour à s’interroger sur l’utilité de créer une filiale dans ce seul but, d’autant que cette activité semblait pouvoir être assurée tout aussi bien par l’EPV et ses agents. Depuis lors, conformément à ses statuts qui mentionnent la possibilité d’organiser des spectacles musicaux, de théâtre, d’opéra ou de ballet, CVS est parvenue avec un certain succès à dynamiser son activité traditionnelle autour des « Grandes Eaux », tout en développant les manifestations dans les domaines de l’art contemporain et du spectacle musical. À partir des ressources propres qui l’alimentent, elle a contribué ainsi à enrichir la programmation culturelle développée au Château de Versailles.
Les « Grandes Eaux » constituent une activité structurellement bénéficiaire dont la rentabilité a été accrue au cours des quatre dernières années, par l’augmentation du nombre de spectacles donnés, par la création d’activités connexes telles que les « sérénades musicales », par une certaine augmentation des tarifs et par la progression du nombre de visiteurs. Le bénéfice net (en coûts directs3) tiré des « grandes eaux musicales » a progressé de 33 % de 2010 à 2013 et celui des « grandes eaux nocturnes » de 67 %. Il atteint 6,9 M€ en 2013, soit une augmentation de 1,8 M€ en quatre ans. Si des marges de progression existent sans doute encore, CVS doit tenir compte de la nécessité de maintenir un niveau de prix abordable pour le public habituel qui voit dans les « grandes eaux » le complément logique d’une visite du château et du domaine, mais aussi pour les visiteurs internationaux, compte tenu de la variété et de la richesse de l’offre culturelle à Paris et en Île-de-France.
Par ailleurs, après une première manifestation consacrée en 2008 à l’artiste américain Jeff Koons, le principe de l’organisation d’une exposition d’art contemporain chaque année a été reconduit4. Ces expositions constituent désormais un rendez-vous de portée internationale, même si leur impact sur la fréquentation du Château peut difficilement être établi en raison même de leur gratuité5. Ces manifestations dégagent un résultat proche de l’équilibre grâce à l’importance des recettes de mécénat qu’elles permettent de collecter et n’ont donc pas pesé sur l’équilibre financier de l’EPV et de sa filiale.
Longtemps marginale, l’activité musicale s’est considérablement développée avec l’organisation d’une saison orientée vers la musique baroque et du début du XIXe siècle, dont la qualité est reconnue et qui rencontre un certain succès auprès du public, avec un taux moyen de remplissage des salles d’environ 80 %. Le nombre annuel de représentations est passé de 13 en 2009 à 74 en 2013. CVS intervient principalement en tant qu’organisateur de spectacles produits par des structures publiques ou privées extérieures, ce qui limite les coûts et les risques budgétaires. Les relations financières entre l’EPV, CVS et le Centre de musique baroque de Versailles (CMBV), association dont l’objet est centré sur la recherche et la production de spectacles dans le domaine de la musique classique, qui avaient alourdi à l’excès la charge pesant sur CVS certaines années, ont été clarifiées en 2011. La diversification des publics, qui doit constituer un des objectifs de cette programmation musicale, reste difficile à évaluer, en l’absence d’étude ou de collecte de données précises.
Le développement et la diversification de l’activité de CVS depuis 2010 se sont traduites par une croissance significative de la société dont le chiffre d’affaires est passé de 10,5 M€ en 2009 à 14,5 M€ en 2013, et les effectifs de 46,9 équivalent temps plein travaillé (ETPT) à 82 ETPT pendant la même période, dont la majorité est constituée d’agents en contrat à durée déterminée qui travaillent directement sur les spectacles et les manifestations. Cette évolution des effectifs apparaît cohérente avec celle de l’activité et du chiffre d’affaires qui en résulte.
Au-delà de l’activité alors peu développée de CVS, la Cour avait relevé, lors de son précédent contrôle, plusieurs faiblesses dans la gestion et la gouvernance qui ont fait l’objet depuis lors d’une prise en compte par l’établissement public et sa filiale.
Alors que le résultat de CVS avait été plusieurs fois déficitaire au cours de la période 2003-2009, la situation s’est stabilisée au cours de la période 2010-2013 avec un résultat net annuel proche de l’équilibre6. S’il a été décidé une légère diminution de la redevance annuelle due par CVS à l’établissement public, celle-ci ne modifie pas de manière significative le cadre des relations financières réciproques entre l’EPV et sa filiale.
Des progrès ont été récemment accomplis dans la gestion des ressources humaines avec la formalisation en 2013 de la politique salariale de la société et de la grille des salaires. De même, l’existence d’une comptabilité analytique, même limitée aux coûts directs, constitue un aspect positif de la gestion.
Concernant la capacité juridique de la filiale à recevoir du mécénat de la part d’entreprises, la Cour avait relevé lors de son précédent contrôle que CVS ne respectait pas l’ensemble des critères fixés par la législation fiscale pour considérer que sa gestion était désintéressée, en particulier parce que la rémunération de son directeur avait dépassé le plafond prévu par les textes. Les recommandations de la Cour ont conduit la société à faire réexaminer sa situation au regard du code général des impôts par la direction générale des finances publiques (DGFiP). La réponse favorable de celle-ci en avril 2013 a permis de sécuriser les ressources de CVS provenant du mécénat des entreprises, qui ont représenté plus de 2 M€7 en 2010 et entre 0,1 et 0,4 M€ de 2011 à 2013.
La Cour avait aussi relevé la faiblesse des instances internes de direction et des moyens de contrôle de l’EPV sur sa filiale, constatation qui doit être aujourd’hui atténuée au regard des améliorations relevées au cours de l’instruction.
La mise en place en avril 2014 d’un comité d’orientation susceptible d’être consulté sur de nombreux sujets, tels que la programmation annuelle des spectacles et manifestations, le budget annuel prévisionnel ou la politique tarifaire, permet à la société de disposer d’un regard extérieur utile sur son activité, au-delà du cercle habituel de ses dirigeants. De même, la formalisation, en juin 2010, des modalités du contrôle exercé par le service du contrôle général économique et financier sur CVS et les relations régulières qu’il entretient avec la direction de la société contribuent à étoffer la gouvernance de la société.
Le rôle du conseil d’administration de l’EPV vis-à-vis de CVS s’est quelque peu renforcé, même s’il demeure encore insuffisant (cf. infra). Lorsque lui est soumise la programmation des activités culturelles et scientifiques de l’EPV pour l’année à venir, celle de CVS y est incluse. Sur le plan comptable, les comptes annuels de CVS sont consolidés annuellement avec ceux de l’EPV et font désormais l’objet en annexe d’une présentation spécifique. Ils sont certifiés sans réserve. Enfin, dans le sens des recommandations formulées par la Cour, la nouvelle convention d’occupation temporaire du domaine public signée le 17 décembre 2013 prévoit la transmission à l’EPV d’un rapport annuel présentant les principales caractéristiques de la gestion achevée.
Les évolutions positives observées depuis 2010 rendent aujourd’hui la question d’un changement du statut de l’EPV moins urgente à trancher. L’éventuelle modification des structures juridiques des opérateurs culturels de l’État mérite un examen d’ensemble en fonction des statuts des personnels, de leur capacité à attirer des recettes commerciales et de leurs perspectives de développement à long terme. Il ressort en outre des observations de la Cour qu’un tel changement serait difficile à mettre en œuvre à brève échéance, du fait des modalités actuelles de fonctionnement de l’EPV, en particulier de la gestion de la majeure partie de ses agents par le ministère de la culture et de la communication.
En dépit des progrès importants réalisés depuis 2010, des zones de fragilité demeurent, liées aux conditions de financement d’activités telles que les expositions d’art contemporain et la saison musicale, ainsi qu’aux procédures administratives et financières. Le recours par CVS aux agents de l’EPV au titre du dispositif des « heures mécénat » doit, pour sa part, faire l’objet d’un encadrement plus rigoureux.
Le changement de dimension de CVS depuis 2010, lié au développement de son activité, rend indispensables de nouvelles avancées en matière de gestion et de gouvernance et une meilleure appréhension des risques économiques et financiers.
Les règles de gestion, parfois empiriques, qui ont été mises en œuvre durant les premières années de fonctionnement de la société, doivent être désormais mieux formalisées, comme le régime de remboursement des frais de mission qui n’est consigné dans aucun document écrit. De même, CVS a tardé à se mettre en conformité avec l’ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, les démarches en vue de corriger cette situation ne datant que de 2014. Ces dernières doivent être menées à bien sans délai.
L’importance prise par certaines activités appelle aussi une amélioration de leur organisation et de leur gestion. Si la nature particulière des expositions d’art contemporain peut justifier l’implication conjointe de l’EPV et de CVS, il importe que le rôle et les responsabilités de chacun soient clarifiés, au sein des conventions organisant les expositions comme lors de l’affectation des ressources du mécénat. De même, l’impossibilité de rapprocher, pour des postes de charges identiques, les bilans des expositions des données de la comptabilité analytique de CVS, nuit à la fiabilité des résultats financiers annoncés. Dans un souci de transparence, l’EPV et CVS doivent à l’avenir s’attacher à produire des bilans en état d’être contrôlés.
Si la situation financière de CVS s’est améliorée depuis 2010 avec des résultats annuels proches de l’équilibre, le développement et la diversification des activités font apparaître certaines fragilités qu’il convient de bien appréhender et de maîtriser, d’autant plus que le report à nouveau comptable de la société reste négatif.
Une première fragilité tient au montage financier des expositions d’art contemporain dans la mesure où celles-ci présentent des structures de coûts très variables selon les artistes présentés et reposent presque exclusivement sur des ressources provenant du mécénat.
Une seconde fragilité résulte du développement de la saison musicale et de l’accroissement du déficit qu’elle engendre, les recettes de billetterie ne couvrant que très partiellement les frais d’acquisition et d’organisation des spectacles. Ce déficit est ainsi passé de 0,5 M€ en 2010 à environ 2 M€ en 2013, sur la base de la comptabilité en coûts directs de CVS8 même s’il semble, sur la base des derniers exercices, circonscrit à ce niveau. Les perspectives de redressement des résultats financiers de cette activité sont réduites : le mécénat reste modeste et les marges de progression des recettes de billetterie limitées du fait de taux de fréquentation déjà satisfaisants, d’un prix des places relativement élevé et de la jauge réduite de l’Opéra Royal ou de la Chapelle Royale (environ 600 places chacun).
Plus généralement, le schéma financier qui prévalait dans les premières années de fonctionnement de CVS selon lequel ses activités structurellement excédentaires financent ses autres activités déficitaires, n’a pas été remis en cause par l’accroissement de son activité. Les expositions d’art contemporain se sont autofinancées jusqu’à présent grâce à des ressources importantes provenant du mécénat, tandis que l’accroissement du déficit afférent aux spectacles musicaux a pu être en grande partie couvert par une gestion plus dynamique des « Grandes Eaux ». Il importe néanmoins de réévaluer régulièrement ce schéma en fonction de l’évolution des activités, des charges et des produits de l’ensemble constitué de l’établissement public et de ses structures rattachées, a fortiori dans un contexte de plus grande tension budgétaire pour les opérateurs de l’État, et de définir en conséquence le niveau attendu de rentabilité de CVS.
Ces enjeux financiers justifient un renforcement de la gouvernance de CVS. En dépit des progrès enregistrés récemment, le conseil d’administration de l’EPV semble, dans la pratique, porter principalement son intérêt sur la programmation, sans entrer dans une démarche d’anticipation où seraient examinés le coût prévisionnel des différentes activités de CVS, leur financement, l’éventuelle contribution de l’EPV aux ressources de sa filiale, voire des arbitrages au sein de l’ensemble EPV-CVS. Il est souhaitable que cette instance soit mieux informée des caractéristiques principales de la gestion écoulée de CVS et exerce un rôle plus actif de surveillance sur le financement prévisionnel de ses activités.
Le dispositif des « heures mécénat » aujourd’hui régi par le décret du 15 février 2010 fixant les modalités de rétribution des personnels relevant du ministère de la culture et de la communication et de ses établissements publics participant à l'organisation de manifestations au profit de tiers, a été conçu pour permettre aux organismes publics relevant du ministère chargé de la culture de répondre à des demandes de manifestations privées dans leurs locaux, en contrepartie de mécénat ou dans le cadre d’une location payante d’espace. À cette fin, il autorise et encadre la mise à disposition de leurs agents en dehors des heures de service, en faisant supporter le coût des rémunérations par les structures organisatrices de ces manifestations.
Les conventions régissant les relations entre l’EPV et CVS prévoyant que cette dernière devait obligatoirement faire appel aux agents de l’établissement (agents fontainiers, agents de sécurité et de surveillance des salles) pour certaines de ses activités, dont la plupart se déroulent en dehors des heures d’ouverture du Château, les deux organismes ont décidé, dès 2003, de recourir au dispositif des « heures mécénat ». CVS rembourse à l’EPV les heures supplémentaires assurées par ses agents sur la base des barèmes spécifiques prévus par arrêté ministériel. Ce dispositif a bénéficié, en 2013, à 417 agents de l’EPV9, leur procurant un complément de rémunération allant de quelques dizaines d’euros à près de 10 000 € par an.
Lors de son précédent contrôle, la Cour avait critiqué une interprétation particulièrement extensive, voire juridiquement irrecevable, du dispositif pour les activités de CVS. Si l’EPV a mis en œuvre, ces dernières années, quelques mesures internes pour clarifier les modalités d’application des « heures mécénat » à ses agents, celles-ci laissent demeurer la question du fondement réglementaire.
En effet, le décret restreint l’utilisation des « heures mécénat » à « la tenue de manifestations en faveur de personnes physiques ou morales extérieures aux établissements ou services ». Si CVS est une personne morale distincte de l’EPV, elle est une filiale à 100 % de ce dernier, qui en assure la présidence et y prend les principales décisions de gestion. En outre, les comptes annuels consolidés de l’EPV intègrent ceux de CVS. Il paraît par conséquent difficile d’affirmer que CVS est une personne morale « extérieure » à l’EPV. Le recours aux « heures mécénat » semble dès lors dénué de fondement juridique.
À défaut d’une modification des conditions réglementaires du recours aux « heures mécénat »10, la société CVS est tenue de se conformer aux textes en vigueur. La société doit renforcer son autonomie par rapport à l’EPV. Cette évolution devrait donc avoir pour contrepartie un contrôle plus étroit exercé par l’EPV sur sa filiale.
Des efforts de rationalisation pour limiter et encadrer la pratique des « heures mécénat » doivent d’ores et déjà être engagés. Divers motifs en renforcent la nécessité. Même s’il a diminué au cours des dernières années, le coût de cette mesure pour CVS reste élevé puisqu’il a représenté près de 850 000 € en 2013. Or, les barèmes définis par la règlementation relative aux « heures mécénat » sont supérieurs à ceux en vigueur dans le secteur public pour des travaux réalisés en dehors des heures normales de service. Par ailleurs, l’EPV doit tenir compte du contexte de maîtrise de la dépense imposée aux opérateurs de l’État, qui pourrait conduire à l’avenir à une diminution du nombre d’agents susceptibles d’assurer les « heures mécénat ». Afin de préserver la réalisation de ses missions statutaires et l’organisation du travail qu’elles supposent, il serait alors contraint de réduire, à due concurrence, le volume annuel « d’heures mécénat » (plus de 50 000 en 2013) effectuées au profit de l’établissement lui-même ou de sa filiale.
En conséquence, il est demandé à l’EPV et à CVS de ne recourir aux « heures mécénat » que dans les cas où aucune autre solution n’est possible pour assurer les prestations concernées.
À cet effet, comme d’ailleurs l’EPV et CVS s’y sont récemment engagés, il importe de limiter au strict nécessaire le nombre d’agents de l’EPV appelés à contribuer à chacune des activités de CVS et de définir, de manière plus restrictive, les postes de travail pour lesquels CVS est tenue de faire appel à des agents de l’EPV. En outre, il convient d’identifier les cas où la rémunération complémentaire des agents de l’EPV pourrait être versée par celui-ci au titre des indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS), étant observé que les limites de ce régime excluent d’en généraliser l’usage : ces indemnités sont plafonnées à 25 heures mensuelles et ne peuvent pas bénéficier à certaines catégories d’agents ayant des tâches spécialisées ou d’encadrement.
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
La création par des établissements publics du secteur culturel de filiales prenant la forme de sociétés relève plus d’un contexte historique ou d’un besoin ponctuel que d’une doctrine clairement établie au sein du ministère de la culture et de la communication. Les cas demeurent rares11 à ce jour ; l’objet de ces sociétés est très variable de même que leur volume financier.
Le choix de l’EPV, avec l’accord de l’État, de créer la société CVS en 2003 pour prendre en charge l’organisation des « Grandes Eaux » et quelques manifestations marginales, paraissait, pour sa part, surtout motivé par la plus grande souplesse de gestion qu’elle procurait, notamment en termes d’emploi, eu égard à la saisonnalité de certaines activités. Sa montée en charge a été lente durant la décennie écoulée alors que des lacunes sérieuses dans la gestion et dans la gouvernance se faisaient jour.
Le contrôle réalisé en 2014 sur la période 2010-2013 conduit la Cour à actualiser son appréciation sur le fonctionnement de cette structure. L’activité de CVS a pris de l’ampleur en même temps qu’elle se diversifiait. L’EPV comme sa filiale se sont aussi efforcés de prendre en compte les recommandations formulées par la Cour en 2010 afin de renforcer la gouvernance et d’améliorer la gestion.
L’organisation retenue semble enfin avoir trouvé un point d’équilibre qu’il convient désormais de consolider. CVS doit rapidement corriger certaines faiblesses persistantes de son fonctionnement administratif et financier, dans le sens des préconisations nouvelles de la Cour. Elle doit aussi, dans le respect de son autonomie de gestion, sortir d’un certain cloisonnement qui conduisait les instances de l’EPV, notamment son conseil d’administration, à n’en percevoir le fonctionnement et l’activité qu’au regard de quelques informations sommaires sur sa programmation annuelle. Ses activités et le modèle économique qui les sous-tend doivent désormais être envisagés de manière plus large au sein de l’ensemble constitué par l’EPV et CVS.
Au regard des constats résultant de son récent contrôle, la Cour formule les recommandations suivantes :
1. rendre le recours par CVS au dispositif des « heures mécénat » conforme à la règlementation, tout en s’employant à développer des solutions alternatives ;
2. appliquer les procédures de mise en concurrence en matière d’achats, conformément aux dispositions de l’ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics ;
3. améliorer la gestion et l’organisation des expositions d’art contemporain en clarifiant les responsabilités respectives de l’EPV et de CVS et en fiabilisant les bilans financiers ;
4. renforcer le rôle de surveillance du conseil d’administration de l’EPV par une meilleure information sur le coût des activités de CVS, en particulier de sa saison musicale, et sur leur incidence sur les équilibres financiers.
Réponse commune du ministre des finances et des comptes publics et du secrétaire d’État chargé du budget
Nous partageons vos constats, et notamment le fait que la filiale a trouvé un point d’équilibre, ainsi que vos quatre recommandations ; votre rapport n’appelle pas d’autre remarque particulière de notre part.
Réponse de
la ministre de la culture
et de la communication
Je me réjouis de constater en premier lieu que ce rapport délivre, dans ses grandes lignes, un satisfecit sur les activités, les comptes et la gestion de CVS, filiale à 100 % à l’Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles (EPV), pour la période examinée. Je relève ainsi l'appréciation positive du rapport sur le développement et la diversification des activités de CVS, élément d'enrichissement de la programmation culturelle du château de Versailles, qui s'est accompagné d'une augmentation proportionnée des budgets et des moyens humains de la filiale, et les améliorations constatées dans sa gestion et sa gouvernance, notamment l'équilibre de ses comptes, la clarification de sa capacité juridique à recevoir des mécénats d'entreprises, la création en 2014 d'un conseil d'orientation, et le renforcement de l'information du conseil d'administration de l'EPV sur ses activités et ses comptes annuels. Cela m'apparaît témoigner, sous réserve de quelques ajustements, de la bonne adéquation du dispositif mis en place en 2003 avec les missions confiées à cette société.
La Cour souligne néanmoins la persistance d'un certain nombre de fragilités et formule plusieurs recommandations pour y remédier.
La première recommandation de la Cour concerne le recours par CVS au dispositif des « heures-mécénats », qui doit être rendu conforme réglementation, parallèlement au développement de solutions alternatives.
La Cour demande ainsi que soit renforcée l'autonomie de CVS par rapport à l'EPV, afin de rendre régulier l'utilisation faite par CVS du décret n° 2010-147 du 15 février 2010, fixant les modalités de rétribution des personnels relevant du ministère de la Culture et de la Communication et des établissements publics participant à l'organisation de manifestations au profit de tiers, qui réserve ce dispositif aux « personnes morales ou physiques extérieures aux établissements ou services ».
Le ministère confirme l'analyse qu'il a déjà eu l'occasion d'exprimer auprès de la Cour sur l'extériorité juridique de CVS par rapport à l'EPV. Cette société dispose, juridiquement, de la personnalité morale en tant que société par action simplifiée unipersonnelle, bénéficie de ressources propres qui lui garantissent une autonomie budgétaire vis-à-vis de l'EPV, son directeur propose à son actionnaire unique la programmation culturelle.
Le ministère entend néanmoins l'objection de la Cour sur l'insuffisante autonomie de CVS par rapport à l'EPV.
Il a l'intention d'examiner en lien avec la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) la possibilité d'une modification de la rédaction du décret n ° 2010-147, en étendant son application aux personnes morales « distinctes » des établissements ou services, et non plus seulement « extérieures ».
Concernant le renforcement de l'autonomie de CVS, il ne paraît pas envisageable, s'agissant d'une société sous statut de société par actions simplifiées à actionnaire unique, de revenir sur le principe d'une présidence assurée par l'EPV. Le ministère de la Culture et de la Communication demandera en revanche à l'EPV de revoir les seuils des délégations accordées au directeur de CVS, dans le sens d'une plus grande autonomie, mais dans des limites compatibles avec le nécessaire contrôle par l'établissement des activités de sa filiale.
Le ministère confirme par ailleurs son engagement à opérer une révision de l'arrêté du 18 mai 2010, portant application du décret n° 2010-147 du 15 février 2010, sur deux plans :
en supprimant la référence à la période d'ouverture des établissements au public ;
en retenant deux taux horaires distincts pour une amplitude de 24 heures : de 7 h du matin à minuit, et de 0 h à 7 h.
Afin de mieux encadrer le recours à ce dispositif, le ministère prévoit, lorsque le décret et l'arrêté susmentionnés auront été modifiés, la diffusion d'une instruction rappelant aux établissements que les « heures-mécénat » doivent être réparties entre les agents volontaires au regard de leur disponibilité, les heures de service dû et supplémentaires restant prioritaires, et que leur répartition entre les agents doit être équitable.
Le ministère de la Culture et de la Communication partage les autres recommandations de la Cour concernant l'application des procédures de mise en concurrence en matière d'achats, la clarification des responsabilités respectives de l'EPV et de CVS dans l'organisation des expositions d'art contemporain, et une meilleure information du conseil d'administration de l'EPV qui devrait porter, au-delà de la seule programmation culturelle de CVS, sur le coût de ses activités, la structure et l'évolution de son budget au regard des équilibres financiers de l'ensemble formé par l'établissement et sa filiale dans un contexte contraint.
Concernant les expositions d'art contemporain, le ministère veillera notamment en tant que tutelle de l'EPV à une meilleure distinction des subventions de l'EPV à CVS pour l'organisation des expositions d'art contemporain, suivant l'origine des fonds (ressources propres de l'établissement ou transfert de mécénats).
Concernant les développements du rapport de la Cour sur la persistance de risques économiques et financiers à maîtriser, entraînant sa recommandation d'une meilleure information du conseil d'administration de l'EPV sur le financement des activités de la filiale, le ministère est bien entendu conscient de la nécessité d'une vigilance de l'établissement et de la tutelle sur le maintien de l'équilibre des comptes de la filiale.
Le ministère prend néanmoins acte que l'existence de CVS, filiale de l'EPV, établissement public administratif, et le modèle économique sur lequel est fondé son activité (le bénéfice des « grandes eaux » compensant le déficit des spectacles) ne sont pas remis en cause par la Cour. Ce modèle lui paraît devoir être reconduit dans les prochaines années, sous réserve de quelques ajustements et d'une meilleure surveillance, compte tenu de l'apport de ces activités à la fréquentation et à l'animation culturelle du domaine confié à l'EPV.
Réponse de la présidente de l’Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles, présidente de « Château de Versailles Spectacles »
La société Château de Versailles Spectacles (CVS) a pris connaissance avec le plus grand intérêt des recommandations qui résultent du contrôle effectué par la Cour des comptes sur les exercices 2010 à 2013.
Outre le développement des activités de la société dans un schéma économique et financier sain et stabilisé, la Cour a bien voulu reconnaître la qualité de la saison artistique de CVS, marquée par un taux de fréquentation très satisfaisant, qui fait de l'Opéra royal de Versailles un lieu de rendez-vous désormais incontournable, dans le paysage culturel national et international, de la musique baroque et du début du XIXe siècle.
CVS souhaite apporter les commentaires suivants aux recommandations de la Cour :
1 - « Renforcer le rôle de surveillance du conseil d'administration de PEPV par une meilleure information sur les coût des activités de CVS, en particulier de sa saison musicale, et sur leur incidence sur les équilibres financiers ».
CVS s'est attachée depuis 2012 à prendre en compte les recommandations antérieures de la Cour et à les traduire par la mise en œuvre de mesures nouvelles, telles que la formalisation écrite de sa politique salariale en 2013, la création en 2014 d'un comité d'orientation à vocation tant culturelle que financière ou tarifaire, la présentation spécifique de ses comptes au conseil d'administration de l'Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles (EPV) ou encore la soumission pour information à cette même instance de son rapport annuel d'activité, conformément aux termes de la convention d'occupation temporaire signée le 17 décembre 2013. La recommandation de la Cour visant le coût des activités de CVS et ses incidences s'inscrit donc en parfaite cohérence avec les actions déjà entreprises. À titre préparatoire, les budgets prévisionnels seront étudiés à l'occasion d'une réunion supplémentaire du conseil d'administration de CVS, organisée chaque année et qui viendra utilement compléter les examens réguliers effectués avec le contrôleur financier et ceux prévus dans le cadre des séances du comité d'orientation.
2 - « Améliorer la gestion et l'organisation des expositions d'art contemporain en clarifiant les responsabilités respectives de l'EPV et de CVS et en fiabilisant les bilans financiers »
La Cour a souhaité souligner le succès public et la portée internationale des expositions d'art contemporain. Elle est également convenue du bien-fondé de l'implication conjointe de l'EPV et de CVS pour leur organisation. Enfin, la Cour a constaté que le soutien d'importants mécénats permettait d'inscrire ces manifestations majeures dans un équilibre financier qui ne pèse sur le budget d'aucune des deux structures.
À l'identique des clarifications nouvelles observées par la Cour dans la convention d'occupation précaire permettant le déploiement de la saison musicale dans certains espaces du château, l'EPV et CVS apporteront au sein des conventions organisant les expositions les améliorations techniques et qualitatives nécessaires à une répartition plus efficace et lisible de leurs responsabilités respectives.
S'agissant de la fiabilisation des données financières, la comptabilité analytique de CVS est établie en coûts directs. La rédaction des bilans financiers complets des expositions, dont le schéma de montage et la maquette budgétaire diffèrent chaque année, nécessite de ce fait un traitement extracomptable afin d'inclure les dépenses proratisées ou les quotes-parts de dépenses partagées avec d'autres activités. Au maximum de ses possibilités compte tenu de ces contraintes, CVS fera en sorte de relier les coûts se rapportant aux expositions aux comptes analytiques correspondants pour une meilleure lisibilité entre comptabilité analytique et bilans financiers extracomptables.
3 - « Rendre le recours par CVS au dispositif des « heures de mécénat » conforme à la règlementation, tout en s'employant à développer des solutions alternatives ».
Dans la cadre du contrôle opéré par la Cour en 2010 et du référé consécutif, l'EPV a présenté divers éléments tendant à démontrer l'extériorité de droit de CVS qui dispose notamment de la personnalité juridique et d'un budget propre soumis à un contrôle budgétaire particulier ; et son extériorité de fait, le directeur général de la société prenant au quotidien toutes les décisions de gestion et assumant les orientations de programmation artistique comme leur réalisation.
L'élargissement des activités culturelles, le développement conséquent du budget et des ressources humaines, les améliorations de la gouvernance, notamment la création du comité d'orientation, ont concouru à asseoir un caractère extérieur de plus en plus affirmé à mesure que la société est parvenue à maturité.
À cet égard, la mise en œuvre de la recommandation de la Cour visant à renforcer l'autonomie de CVS sous la réserve d'un contrôle plus étroit exercé par l'EPV participe de cette approche et viendrait consolider le fondement juridique du recours aux « heures de mécénat ».
Comme l'instruction a pu s'en assurer, le nombre d' « heures de mécénat » a diminué sur la période sous revue.
Le recours aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires en solution alternative au dispositif actuel s'avère limité par leur applicabilité à une fraction seulement du personnel employé, par le seuil réglementaire maximal fixé à 25 heures mensuelles et par l'incapacité de rétribuer les agents selon deux méthodes différentes pour un même événement.
Si l'emploi d'agents de l'EPV pour la surveillance des montages d'exposition d'art contemporain par exemple pourrait être réduit à l'avenir, la présence de ces agents demeurera requise pour l'accès au domaine et aux espaces muséographiques, dans le respect des missions statutaires de l'établissement public et des dispositions relatives à la prévention des risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public.
4 - « Appliquer les procédures de mise en concurrence en matière d’achats, conformément aux dispositions de l’ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics »
Le travail préalable à la rédaction d'un guide d'application des règlements de marché pour CVS et à sa mise en application est en cours depuis avril 2014. En particulier, la mise en œuvre actuelle de l'ordonnance du 6 juin 2005 par plusieurs théâtres ou entreprises de spectacle d'activité similaire à CVS a été comparée de sorte de profiter des expériences acquises et définir des seuils de gestion pertinents. L'entrée en vigueur du règlement pour CVS sera effective en 2015.
1 Cour des comptes, Référé, La gestion de l’établissement public du musée et du domaine national de Versailles et de sa filiale Château de Versailles Spectacles. 24 septembre 2010, 6 p., disponible sur www.ccomptes.fr
2 Spectacles permettant de voir les jets d’eau des fontaines du parc au son d’une musique baroque avec accompagnement de feux d’artifice pendant les représentations nocturnes.
3 Sans tenir compte de la quote-part des frais généraux de la société qui pourrait être imputée à cette activité pour déterminer son coût complet.
4 Consacrées à Takashi Murakami en 2010, à Bernar Venet en 2011, à Joana Vasconceslos en 2012 et Giuseppe Penone en 2013, puis à Lee Ufan en 2014.
5 L’accès à ces expositions est inclus dans les billets normaux d’accès au Château et aux jardins.
6 Le résultat net annuel a été compris entre 10 000 et 60 000 € pendant la période 2010-2013.
7 Ce montant exceptionnel s’explique par un mécénat important pour l’exposition Murakami reçu par directement CVS alors que les principales ressources de mécénat liée aux expositions d’art contemporain ont été perçues par l’EPV les trois années suivantes.
8 Le déficit serait encore supérieur selon une méthode en coûts complets.
9 En majorité pour des manifestations organisées par CVS mais aussi dans le cadre de locations d’espaces ou d’opérations de mécénat.
10 En l’état actuel, la révision du décret et de son arrêté d’application à l’étude au ministère de la culture et de la communication ne porte pas sur cet aspect.
11 Les principaux sont la société par actions simplifiée (SAS) Pleyel, créée par la Cité de la musique pour gérer la salle Pleyel, les sociétés anonymes du Théâtre du Vieux Colombier et du Studio-Théâtres, rattachées à la Comédie française, la société Opéra de Paris Production créée récemment par l’Opéra de paris pour gérer ses activités de production audiovisuelle, ou l’Agence France-Muséums, filiale de douze établissements publics culturels nationaux pour mener à bien le projet du Louvre-Abou Dabi.