PRÉSENTATION
Le programme de stabilité transmis par la France à la Commission européenne en avril 2014 prévoyait de ramener le déficit public de 4,3 % du PIB en 2013 à 3,8 % en 2014 et 3,0 % en 2015. Cette trajectoire était cohérente avec les recommandations formulées par le Conseil de l’Union européenne en juin 2013 et rappelées en juillet 2014. La loi de finances rectificative du 8 août 2014 a confirmé la prévision de déficit de 3,8 % du PIB pour 2014.
Le Gouvernement a fortement révisé ses prévisions économiques et de finances publiques dans les projets de loi de finances pour 2015 et de loi de programmation pour les années 2014 à 2019 : le déficit public atteindrait 4,4 % du PIB en 2014 puis 4,3 % en 2015 et ne serait ramené au-dessous de 3,0 % qu’en 2017. À la suite des demandes d’explications de la Commission européenne, il a, de nouveau, modifié sa prévision de déficit pour 2015, qui s’élève désormais à 4,1 % compte tenu de nouvelles mesures fiscales et de la prise en compte d’économies de constatation.
La Cour a examiné les raisons qui sont à l’origine de cette révision de la trajectoire de réduction du déficit en 2014 et en 2015 ainsi que les risques pesant encore sur les nouveaux objectifs de finances publiques pour 2015 et au-delà.
Les observations du présent rapport reposent sur les informations disponibles le 27 janvier 2015.
La loi de finances rectificative du 29 décembre 2014 prévoit une hausse du déficit public1 en 2014 par rapport à 2013, alors qu’une diminution était prévue dans la loi de finances rectificative du 8 août 2014. Cette situation résulte essentiellement de la révision à la baisse des prévisions de croissance du PIB et d’inflation. Ces prévisions auraient pu commencer à être révisées dès le dépôt, en juin, du projet de première loi de finances rectificative.
Tableau n° 1 : les prévisions successives de déficit public pour 2013-2014 (% du PIB)
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]
La loi de finances rectificative du 29 décembre 2014 retient un déficit public égal à 4,4 % du PIB en 2014, après 4,1 % en 2013.
S’agissant du budget de l’État, les premiers éléments d’information communiqués par le Gouvernement sur les résultats de l’exécution budgétaire en 2014, qui n’ont pas été expertisés par la Cour, font apparaître un déficit inférieur de 3,4 Md€ à celui inscrit dans cette loi de finances rectificative. Ce résultat provisoire conforte la prévision d’un déficit de 4,4 % du PIB pour l’ensemble des administrations publiques.
Cependant, à la date à laquelle le présent rapport a été arrêté, subsistent d’importantes incertitudes sur de nombreux éléments du compte des administrations publiques pour 2014 et donc sur le niveau exact du déficit public. Ce compte ne devant être publié par l’INSEE que fin mars 2015, les analyses de la Cour s’appuient sur le compte prévisionnel annexé à la dernière loi de finances rectificative pour 2014, identique à celui qui figure dans le rapport économique, social et financier annexé à la loi de finances initiale pour 2015, qui prévoit un déficit de 4,4 % du PIB.
Le déficit public augmenterait donc de 0,3 point de PIB par rapport à 2013, alors qu’il avait baissé continûment après le maximum atteint en 2009 : de 0,4 point en 2010, de 1,7 point en 2011, de 0,2 point en 2012 et de 0,8 point en 2013.
Graphique n° 1 : le solde public (en % du PIB)
[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf Joint].
Cette augmentation du déficit prévu pour 2014 intervient alors que le programme de stabilité du 23 avril 2014 et la loi de finances rectificative du 8 août 2014 prévoyaient une diminution de 0,5 point, de 4,3 % du PIB en 2013 à 3,8 % en 2014, soit un écart de 0,8 point (17 Md€).
Entre mai et novembre 2014, la Commission européenne a révisé à la baisse ses prévisions de croissance (de 0,4 point pour la zone euro et 0,3 point pour l’Union européenne) et d’inflation (de 0,4 point). Elle a aussi révisé ses prévisions d’évolution des déficits de 2013 à 2014, qui ont été dégradées de 0,2 point de PIB pour la zone euro et 0,5 point pour l’Union européenne.
La Commission prévoyait en novembre 2014, comme le Gouvernement français, que le déficit public augmente de 0,3 point de PIB en France en 2014 alors qu’il devrait diminuer de 0,3 point dans la zone euro (soit un écart de 0,6 point) et de 0,2 point dans l’Union européenne (soit un écart de 0,5 point).
La faiblesse de la croissance en France en 2014 (0,3 % selon la Commission, contre 0,8 % dans la zone euro et 1,3 % dans l’Union européenne) explique la moitié de cet écart de 0,6 point avec la moyenne de la zone euro et la totalité de cet écart de 0,5 point avec l’Union européenne.
Parmi les pays dont le déficit public était supérieur à 3,0 % du PIB en 2013, la France est le seul de l’Union européenne, avec la Croatie, où il augmente en 2014.
En Allemagne, l’excédent du compte des administrations publiques passerait de 0,1 % du PIB en 2013 à 0,2 % en 2014. Le déficit passerait de 5,8 à 5,4 % du PIB au Royaume-Uni et de 2,8 à 3,0 % en Italie.
Le déficit public de la France en 2014 (4,4 % du PIB) resterait ainsi nettement supérieur à la moyenne de la zone euro (2,6 %) et de l’Union européenne (3,0 %), de même que sa dette publique (95,5 % du PIB selon la Commission contre respectivement 94,5 % et 88,1 %).
Graphique n° 2 : les soldes publics en Europe (% du PIB)
[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf Joint].
Le Gouvernement a révisé son estimation du PIB potentiel et de la croissance potentielle à l’occasion de la présentation, en septembre 2014, du projet de loi de programmation des finances publiques pour 2014 à 2019. Ainsi, pour la période 2013-2015, la croissance potentielle a été ramenée à 1,0 % par an, alors que le programme de stabilité l’estimait à 1,5 %, ce qui tend à aggraver le déficit structurel.
Pour cette raison, il n’est pas possible de comparer les soldes conjoncturels et structurels de 2014 tels qu’ils figurent dans les lois de finances rectificatives d’août et décembre 2014.
Les composantes conjoncturelle et structurelle du solde public
Les variations annuelles du solde effectif des administrations publiques résultent, pour une part, des fluctuations de l’activité économique. Afin de mieux apprécier la situation des finances publiques, il faut corriger ce solde effectif de sa composante conjoncturelle, liée aux fluctuations du PIB, pour retenir le solde structurel calculé en suivant les étapes suivantes :
- estimation du PIB « potentiel », c’est-à-dire celui qui aurait été enregistré en l’absence de fluctuations du PIB, et de l’écart entre le PIB effectif et ce PIB potentiel ;
- estimation de la composante conjoncturelle du solde effectif, qui résulte, pour l’essentiel, du gain ou de la perte de recettes associés à cet écart, en supposant que les recettes publiques évoluent quasiment comme le PIB (élasticité2 proche de 1,0) ;
- estimation du solde structurel par différence entre le solde effectif et sa composante conjoncturelle ainsi calculée.
L’écart de 0,8 point de PIB entre les évolutions du déficit public de 2013 à 2014 prévues dans les lois de finances rectificatives d’août et décembre 2014 s’explique principalement par les effets sur le déficit d’une croissance attendue du PIB et d’une inflation nettement inférieures aux prévisions initiales du gouvernement.
Le programme de stabilité et la loi de finances rectificative d’août 2014 reposaient sur une prévision de croissance de 1,0 % en 2014, supérieure à celle prévue par la loi de finances initiale pour 2014 (0,9 %). Cette prévision a été ramenée à 0,4 % dans le projet de loi de finances pour 2015 et dans le dernier projet de loi de finances rectificative pour 2014, ce que le Haut Conseil des finances publiques a estimé réaliste.
Une croissance moins forte se traduit mécaniquement par de moindres recettes publiques, notamment au titre des prélèvements sur la consommation et sur la masse salariale, ainsi que par une hausse de certaines dépenses, notamment les indemnités de chômage. L’impact sur le déficit public de 2014 de cette révision à la baisse de 0,6 point de la croissance est d’environ 6 Md€ (0,3 point de PIB).
La faiblesse de l’activité économique en 2014 s’est accompagnée d’une inflation très basse. Le programme de stabilité et la loi de finances rectificative d’août 2014 tablaient sur une hausse des prix à la consommation de 1,2 %3 en moyenne annuelle en 2014, prévision ramenée à 0,5 % dans les rapports économiques, sociaux et financiers annexés au PLF pour 2015 puis au projet de loi de finances rectificative pour 2014.
La baisse de 0,7 point de l’inflation prévue entre le programme de stabilité et le dernier projet de loi de finances rectificative pour 2014 a entraîné une diminution d’environ 4 Md€ (0,2 point de PIB) du rendement des prélèvements obligatoires en 2014.
Certains prélèvements obligatoires ne sont pas affectés par l’évolution des prix à la consommation : ainsi le produit de la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques dépend du volume consommé ; de même, le produit des droits de mutation dépend des prix des actifs (immobiliers ou valeurs mobilières) qui peuvent évoluer à court terme différemment des prix à la consommation ; enfin, l’assiette de certains impôts est revalorisée forfaitairement (impôts fonciers locaux).
L’impact d’une révision à la baisse de l’inflation sur les autres prélèvements obligatoires est variable selon l’origine de cette moindre inflation :
- une moindre hausse des prix des produits importés a des effets uniquement sur le produit de la TVA ;
- une moindre hausse des coûts de production des entreprises françaises4 et de leurs prix de vente, outre des effets sur la TVA, conduit immédiatement à de moindres recouvrements au titre des prélèvements sur la masse salariale et, avec un décalage d’un an5, à de moindres recouvrements au titre des impôts sur les bénéfices et la valeur ajoutée des entreprises.
La révision à la baisse de l’inflation attendue pour 2014 n’a pas conduit le Gouvernement à modifier sensiblement sa prévision de croissance des dépenses publiques. Elle a été ramenée de 1,5 % dans le programme de stabilité à 1,4 % dans le rapport économique, social et financier annexé au dernier projet de loi de finances rectificative, ce qui correspond à l’économie constatée sur la charge d’intérêt des obligations indexées du Trésor6.
Les prestations sociales indexées sur les prix ayant, pour la plupart7, fait l’objet de mesures de gel dans les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2014, initiales et rectificatives, la nouvelle prévision d’inflation a très peu d’effet sur leur montant en 2014.
En revanche, d’autres dépenses publiques, sans être indexées légalement sur les prix à la consommation, en dépendent de fait pour une large part. C’est notamment le cas des achats de biens et services, y compris lorsqu’ils prennent la forme de marchés pluriannuels car ceux-ci comportent alors généralement des clauses de révision des prix. Des économies ont donc certainement été constatées sur certains postes, mais elles n’ont pas pour autant conduit le Gouvernement à réviser la croissance des dépenses en valeur.
La diminution des dépenses publiques imputable à la révision à la baisse de l’inflation dans les prévisions du Gouvernement a donc été limitée à environ 1 Md€, soit 0,1 % des dépenses et 0,05 point de PIB.
La progression en valeur des dépenses publiques étant ainsi quasiment inchangée (1,5/1,4 %), la révision à la baisse de l’inflation (de 1,2 à 0,5 %) entraîne mécaniquement un relèvement de leur prévision de croissance en volume, qui passe ainsi de 0,3 % dans le programme de stabilité8 à 0,9 % dans la dernière loi de finances rectificative9. Ce sont toutefois les dépenses en valeur, et non en volume, qui déterminent, avec les recettes, le déficit.
La révision à la baisse de la prévision d’inflation pour 2014 s’est donc traduite par une augmentation d’environ 3 Md€ (0,15 point de PIB) du déficit public dans les prévisions du Gouvernement.
L’élasticité des prélèvements obligatoires au PIB a été revue à la baisse, de 0,9 dans la loi de finances rectificative d’août à 0,7 dans celle de décembre, conduisant à une diminution des recettes prévues et à une aggravation du déficit de 3 Md€ (0,15 point de PIB).
L’INSEE applique désormais le système européen de comptes de 2010, qui a succédé à celui de 1995. Ces nouvelles normes l’ont conduit à réviser ses estimations du PIB ainsi que celles des recettes et dépenses des administrations publiques. Ces changements comptables n’ont pas eu d’effet sur l’estimation du déficit public en euros10, sauf en ce qui concerne les crédits d’impôts : l’INSEE impute désormais sur l’année considérée la totalité de la créance des entreprises sur l’État et non plus seulement le montant de la réduction ou du remboursement d’impôt effectivement décaissé. Ce changement de méthode concerne essentiellement le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui peut n’être remboursé qu’au bout de trois ans. Il entraîne une aggravation du déficit public de 0,1 point de PIB en 2014 et en 2015 par rapport au programme de stabilité.
L’écart de 0,8 point de PIB (17 Md€) entre la baisse de 0,5 point du déficit public en 2014 prévue par la loi de finances rectificative d’août 2014 et l’augmentation de 0,3 point prévue par la loi de finances rectificative de décembre résulte :
de la révision à la baisse de la prévision de croissance du PIB en volume pour 0,3 point ;
de la révision à la baisse de la prévision d’inflation (0,15 point11) ;
de la correction de l’élasticité des prélèvements obligatoires au PIB (0,15 point) ;
d’un changement de normes comptables (0,1 point)12.
La composante conjoncturelle du déficit n’est affectée que par la révision du PIB en volume. Les révisions à la baisse des prévisions d’inflation et d’élasticité des recettes, ainsi que le changement de normes comptables, ont donc eu pour effet d’aggraver le déficit structurel de 0,4 point de PIB par rapport aux prévisions du programme de stabilité. L’article liminaire de la loi de finances rectificative de décembre évalue désormais le déficit structurel à 2,4 % du PIB (un peu plus de 50 Md€) en 2014.
Dans son avis du 22 avril 2014 sur le programme de stabilité, le Haut Conseil des finances publiques avait estimé réaliste la prévision de croissance de 1,0 % du Gouvernement. Celui-ci a maintenu cette prévision lorsqu’il a présenté en juin le projet de première loi de finances rectificative mais, au vu des dernières informations alors disponibles, le Haut Conseil a considéré dans son avis du 5 juin que, sans être hors d’atteinte, elle paraissait désormais élevée.
S’agissant de l’inflation, le Haut Conseil avait estimé que la prévision de 1,2 % lui paraissait « un peu élevée » dans son avis du 22 avril, puis « manifestement élevée » dans son avis du 5 juin.
Dans son rapport de juin 2014 sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour avait noté de son côté que la prévision d’élasticité des prélèvements obligatoires au PIB inscrite pour 2014 dans le programme de stabilité lui paraissait excessive, faisant ainsi peser un risque de 2 à 3 Md€ sur les prévisions de recettes publiques.
Compte tenu des informations disponibles début juin, il aurait été souhaitable que le Gouvernement révise à la baisse les prévisions de croissance du PIB, d’inflation et d’élasticité des recettes dès le projet de loi de finances rectificative déposé à cette date. L’ampleur de la révision de la prévision de croissance du PIB n’aurait certes pas été aussi importante que celle finalement opérée en septembre, cette dernière s’appuyant notamment sur l’évolution du PIB au deuxième trimestre qui a été connue seulement le 14 août, mais elle aurait pu être significative.
Si les prévisions macroéconomiques avaient commencé à être révisées dès le mois de juin, le Gouvernement aurait pu, dans le cadre de ces lois financières rectificatives de l’été 2014, ajuster plus fortement à la baisse les crédits ouverts pour éviter un dérapage du déficit public13 ou, à défaut, afficher un déficit accru dès cette date. Fin septembre, des mesures supplémentaires de réduction des crédits étaient devenues largement inopérantes pour l’exercice en cours.
Après prise en compte des mesures annoncées le 27 octobre à la Commission européenne, l’article liminaire de la loi de finances initiale pour 2015 prévoit une réduction de seulement 0,3 point de PIB du déficit public en 2015.
Cette réduction du déficit est plus faible que prévu dans le programme de stabilité (0,8 point de PIB), ce qui tient principalement à l’impact de la révision à la baisse des prévisions de croissance et d’inflation sur les recettes et au fait que le Gouvernement a choisi de ne pas modifier son objectif de croissance des dépenses en valeur en dépit de la révision à la baisse de la prévision d’inflation. Bien que cet objectif de réduction du déficit soit limité, il n’est pas acquis qu’il soit atteint, en dépit de l’annonce d’économies d’un montant de 21 Md€, ce qui fait peser un risque sur la trajectoire d’évolution des finances publiques à l’horizon de 2017.
Les procédures communautaires
La coordination et la surveillance des politiques budgétaires font l’objet d’une procédure de coordination prévue aux articles 121 et 136 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et d’une procédure pour déficit excessif prévue à l’article 126 du même traité, dont l’origine se trouve dans le traité de Maastricht.
La procédure de coordination des politiques budgétaires a été renforcée dans les années 2011 à 2013 et, dans le cadre d’un règlement du 21 mai 2013, les États membres de la zone euro soumettent désormais, avant le 15 octobre, à la Commission européenne leurs projets de « plan budgétaire » pour l’année suivante. Après avoir reçu le 27 octobre une lettre du ministre français des finances et des comptes publics annonçant de nouvelles mesures pour réduire le déficit en 2015, le vice-président de la Commission européenne chargé des questions budgétaires a fait savoir que le projet de budget de la France pour 2015 ne présentait pas de manquement particulièrement grave aux obligations du Pacte de stabilité et de croissance qui l’aurait conduit à demander la soumission d’un nouveau « plan budgétaire ».
La Commission a publié le 28 novembre son avis sur les plans budgétaires des États membres. S’agissant de la France, elle a conclu à un risque de non-conformité avec les règles budgétaires européennes. Elle a plus particulièrement noté que, selon ses calculs et en tenant compte des mesures annoncées le 27 octobre, la réduction du déficit structurel en 2015 serait de 0,3 point de PIB, soit un montant inférieur à la recommandation formulée par le Conseil en juin 2013 et réitérée en juillet 2014 (0,8 point). La Commission a invité la France à prendre les mesures nécessaires pour se mettre en conformité avec les règles budgétaires européennes.
Dans le cadre de la procédure pour déficit public excessif, qui s’applique de nouveau à la France depuis 2009, la Commission devra saisir le Conseil pour que, soit il mette la France en demeure d’engager de nouvelles mesures, sous peine de sanctions, si elle considère que la France n’a pas tenu ses engagements, soit il admette que la France a bien pris les actions suivies d’effets attendues mais n’a pas atteint ses objectifs en raison d’une situation économique dégradée. Dans les deux cas, le Conseil formulera de nouvelles recommandations.
La Commission a annoncé qu’elle formulera en mars sa recommandation au Conseil, à la lumière des textes définitifs des lois de finances et de financement de la sécurité sociale ainsi que des réformes structurelles qui auront été engagées.
Alors que le programme de stabilité tablait sur une réduction du déficit public de 3,8 % du PIB en 2014 à 3,0 % en 2015, l’article liminaire du projet de loi de finances initiale pour 2015 prévoyait une diminution de 4,4 à 4,3 % du PIB. Au cours de la discussion du budget au Parlement et à la suite d’échanges avec la Commission européenne, une correction de 3,6 Md€ a ensuite été opérée, ramenant le déficit public prévu pour 2015 à 4,1 % du PIB. La loi de finances initiale votée pour 2015 prévoit ainsi une réduction de 0,3 point de PIB du déficit, contre une baisse de 0,8 point dans le programme de stabilité. Cet écart de 0,5 point résulte essentiellement de prévisions de croissance, d’inflation et d’élasticité moins favorables, cependant que l’évolution en valeur des dépenses est restée quasiment inchangée en dépit d’une prévision d’inflation plus faible.
La présentation détaillée de cette correction de 3,6 Md€ permettant de ramener la prévision de déficit pour 2015 de 4,3 à 4,1 % du PIB n’a été publiée que le 3 décembre, alors que l’examen du budget par le Parlement était déjà très avancé. Elle comporte :
- des mesures fiscales nouvelles pour 1,2 Md€ (suppression de la déductibilité de certaines taxes, majoration des taxes de séjour et foncières, etc.) ;
- une amélioration du produit de la lutte contre la fraude fiscale, en partie du fait de mesures nouvelles (renforcement des moyens juridiques de lutte contre la fraude à la TVA), pour 0,8 Md€ ;
- une révision du rendement de certains impôts (contribution sur la valeur ajoutée des entreprises) à législation constante, du coût de mesures fiscales déjà prises (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) et du produit des recettes non fiscales (dividendes) pour 0,9 Md€ ;
- une anticipation de moindres dépenses au titre de la charge d’intérêt et des versements à l’Union européenne pour 0,7 Md€.
Cette correction résulte donc, pour moins de la moitié, de mesures fiscales nouvelles et, pour le reste, de la réestimation à la hausse de certaines recettes et à la baisse de certaines dépenses.
Alors qu’il existe des risques d’aggravation du déficit (cf. partie B), seules les informations nouvelles favorables à la réduction du déficit, comme la baisse des taux d’intérêt de début septembre à fin octobre, ont été prises en compte.
Les économies de constatation sur les charges d’intérêt ont permis ces dernières années de compenser des dépenses imprévues en cours d’année et facilité le respect des objectifs d’évolution des dépenses publiques. Le Gouvernement s’est donc privé d’une marge de précaution.
La révision à la baisse des prévisions de recettes explique à hauteur de 0,5 point de PIB (environ 10 Md€) la correction du déficit public. Elle résulte elle-même des révisions opérées sur la croissance du PIB en volume, l’inflation, l’élasticité des prélèvements obligatoires et le montant des mesures fiscales nouvelles.
Le programme de stabilité reposait sur une prévision de croissance du PIB de 1,7 % en 2015, qui a été ramenée à 1,0 % dans le rapport économique annexé au projet de loi de finances pour 2015. Cette révision entraîne une diminution des recettes prévues et une augmentation du déficit d’environ 9 Md€ (0,4 point de PIB).
Alors que le programme de stabilité tablait sur une prévision de hausse des prix de 1,5 %, elle n’est plus que de 0,9 %. Il en résulte une diminution des recettes de l’ordre de 6 Md€ (0,3 point de PIB)14.
L’élasticité des prélèvements obligatoires au PIB a été ramenée de 1,0 dans le programme de stabilité à 0,9 dans le rapport économique annexé au projet de loi de finances pour 2015, ce qui se traduit par une baisse des recettes prévues d’environ 0,1 point de PIB.
Les mesures nouvelles relatives aux prélèvements obligatoires représentent désormais un surcroît de recettes de 0,1 point de PIB, en y incluant celles qui ont été annoncées à la Commission européenne le 27 octobre, alors que le programme de stabilité tablait sur une diminution des recettes de 0,2 point de PIB à ce titre, soit un écart de 0,3 point15.
Le Gouvernement a très légèrement modifié sa prévision de croissance des dépenses publiques en valeur entre le programme de stabilité (1,2 %) et la loi de finances initiale pour 2015 (1,1 %), ce qui contribue à réduire le déficit à hauteur de 0,1 point de PIB.
Cette révision résulte surtout de la prise en compte de moindres versements à l’Union européenne et de l’effet d’une moindre inflation sur la charge d’intérêt des obligations indexées du Trésor (celle-ci est automatiquement réduite de 1 Md€ pour une baisse de l’inflation de 0,6 point)16.
La baisse de l’inflation n’a pas d’impact sur la masse salariale publique et les prestations sociales en raison du gel de la valeur du point et de la désindexation de la plupart des prestations. Elle a toutefois pour effet une évolution du pouvoir d’achat des agents publics et des bénéficiaires de ces prestations moins défavorable que prévu dans le programme de stabilité.
La baisse de l’inflation n’a pas conduit le Gouvernement à réviser la croissance en valeur des autres dépenses publiques, notamment les achats de biens et services par les administrations, qui dépendent pourtant de l’évolution des prix, ou les références tarifaires de certaines dépenses de santé à la charge de l’assurance maladie.
Ni la norme en valeur des dépenses de l’État, hors versements à l’Union européenne, ni l’ONDAM pour 2015 n’ont en effet été modifiés par rapport à ce qui était prévu dans le programme de stabilité.
Cette absence de révision significative des objectifs d’évolution des dépenses en valeur pour 2015 résulte d’un choix du Gouvernement et non d’une impossibilité technique de les ajuster à la baisse.
Compte tenu de la révision de la prévision d’inflation de 1,5 % à 0,9 %, les dépenses publiques progresseraient de 0,2 % en volume en 2015 alors qu’une baisse de 0,3 % était prévue dans le programme de stabilité.
Dans la prévision du Gouvernement, la révision à la baisse de 0,5 point de PIB de la réduction du déficit entre 2014 et 2015 (- 0,3 au lieu de - 0,8 point) s’explique par :
- l’effet de la révision à la baisse de la prévision de croissance du PIB en volume (pour - 0,4 point) ;
- l’impact de la révision à la baisse de la prévision d’inflation sur les recettes (- 0,3 point) et les dépenses (+ 0,1 point) ;
- la correction de l’élasticité des prélèvements (- 0,1 point) ;
- les nouvelles mesures fiscales (+ 0,3 point).
Il s’y ajoute l’impact d’un changement de normes de la comptabilité nationale pour - 0,1 point.
La composante conjoncturelle du déficit n’est affectée que par la révision du PIB en volume. Les révisions à la baisse des prévisions d’inflation et d’élasticité des recettes, ainsi que le changement de normes comptables, ont eu pour effet d’aggraver le déficit structurel de 0,4 point de PIB par rapport aux prévisions du programme de stabilité.
Cette aggravation a été en partie compensée non par des économies nouvelles mais par des mesures nouvelles de hausse des prélèvements obligatoires, à hauteur de 0,3 point de PIB.
Au total, ces révisions ont donc accru de 0,1 point le déficit structurel de 2015, que l’article liminaire de la loi de finances évalue à 2,1 % du PIB (environ 45 Md€).
La réduction du déficit public, de 4,4 % du PIB en 2014 à 4,1 % en 2015 repose sur une prévision optimiste de croissance des recettes et sur un objectif d’évolution des dépenses difficile à atteindre.
Le rapport économique, social et financier annexé à la loi de finances initiale pour 2015 retient des prévisions de croissance de 1,0 % pour le PIB en volume, et 0,9 % pour les prix à la consommation.
Dans son avis du 26 septembre 2014, le Haut Conseil des finances publiques avait jugé optimiste cette prévision de croissance du PIB. Elle supposait en effet un redémarrage rapide et durable de l’activité que n’annonçaient pas les indicateurs conjoncturels. En outre, le scénario du Gouvernement présentait des fragilités touchant au dynamisme de l’environnement international et de la demande intérieure. Selon le Haut Conseil, la prévision d’inflation était plausible.
La forte baisse des prix du pétrole et la dépréciation de l’euro par rapport au dollar qui sont intervenues depuis cet avis, et qui n’étaient pas intégrées à la prévision du Gouvernement, peuvent contribuer à relancer l’activité.
Si les prévisions de croissance du PIB en volume de la Commission européenne et de l’OCDE publiées en novembre étaient de 0,7 et 0,8 % pour la France en 2015, les prévisions de l’INSEE pour le premier semestre 2015 publiées le 18 décembre permettent de considérer que la croissance pourra atteindre 1,0 % sur l’ensemble de l’année17.
La baisse du prix du pétrole conduit aussi à réviser à la baisse les prévisions d’inflation. Celles de la Commission européenne et de l’OCDE en novembre étaient de 0,9 et 0,5 % pour la France en 2015. L’INSEE prévoyait en décembre une inflation quasiment nulle au premier semestre, ce qui conduit à considérer qu’elle sera très nettement inférieure à 0,9 % en moyenne annuelle sur l’année.
Comme en 2014, cette baisse de l’inflation est de nature à entraîner une réduction significative des recettes publiques par rapport à la prévision du Gouvernement.
La croissance des prélèvements obligatoires serait de 1,7 % à législation constante, soit une élasticité de 0,9 par rapport à une croissance du PIB en valeur de 1,9 %. L’examen des prévisions relatives aux principaux impôts et aux cotisations sociales ne fait pas apparaître de risques manifestes et significatifs.
Les modifications législatives et réglementaires relatives aux prélèvements obligatoires inscrites dans le projet de loi de finances pour 2015 et les textes antérieurs ont globalement un coût net de 0,2 Md€, hors impact des contentieux fiscaux.
Celui-ci résulte, d’une part, de mesures de baisse des prélèvements telles que la montée en charge du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (3,5 Md€18), les allégements de cotisations patronales inscrites dans le pacte de responsabilité et de solidarité (4,2 Md€19) ou la baisse de l’impôt sur le revenu pour les ménages modestes (1,4 Md€20) et, d’autre part, des mesures de hausse telles que l’augmentation des prélèvements sur les produits pétroliers (2,8 Md€), des cotisations de retraite (1,8 Md€), des impôts locaux (1,4 Md€) ou de la contribution au service public de l’électricité (1,1 Md€). Le solde résulte de nombreuses mesures de plus faible rendement.
Si le chiffrage des mesures fiscales nouvelles est souvent fragile parce que les données disponibles pour le réaliser sont insuffisantes - c’est notamment le cas cette année pour le CICE -, les estimations présentées par le Gouvernement ne semblent pas présenter, globalement, un risque significatif dans un sens ou dans l’autre.
Ces mesures nouvelles ont été modifiées au cours des débats parlementaires. En particulier, dans le cadre de la correction de 3,6 Md€ annoncée à la Commission européenne ont été prises des mesures d’un rendement total estimé à 2 Md€ (y compris les mesures de lutte contre la fraude). Le péage de transit pour les poids lourds, dont le rendement escompté était de 0,5 Md€, a été supprimé et remplacé par une application à ces véhicules de la hausse des taux d’imposition des produits pétroliers, mais pour un rendement inférieur (0,3 Md€). Les taxes foncières affectées à la société du Grand Paris ont été augmentées (0,1 Md€). Au total, compte tenu d’autres mesures de moindre importance budgétaire, l’ensemble des modifications apportées depuis le dépôt du projet de loi de finances entraînent un supplément de recettes de 1,9 Md€.
Le projet de loi de finances intègre un montant de remboursements de 2,2 Md€ au titre des contentieux fiscaux communautaires de masse21. Ce montant reste incertain car l’enregistrement des remboursements en comptabilité nationale dépend de la date de la décision de justice finale et du montant qu’elle retient. Une incertitude de même nature pèse sur la comptabilisation, non prévue dans le PLF pour 2015, du remboursement de 0,4 Md€ à Vivendi auquel l’État a été condamné en première instance.
L’objectif de croissance des dépenses publiques en valeur, hors crédits d’impôts, est de 1,1 %, soit une progression en volume de 0,2 % sur la base de l’hypothèse d’inflation de 0,9 % retenue par le Gouvernement.
Il s’inscrit dans la continuité du ralentissement des dépenses publiques engagé depuis 2009 (cf. graphique suivant). Une croissance en valeur aussi faible n’a toutefois jamais été réalisée au cours des vingt dernières années et une telle progression en volume n’a été obtenue qu’en 2011 dans des conditions particulières22.
Graphique n° 3 : la croissance des dépenses publiques (%)
[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf Joint].
Pour atteindre cet objectif, il est essentiel que l’État respecte sa norme de dépenses en valeur, sans transférer de dépenses à d’autres entités publiques, que l’ONDAM soit respecté et que les dépenses des collectivités territoriales soient suffisamment contenues. Le respect de ces objectifs clés paraît aujourd’hui incertain.
Sur le champ de la norme en valeur, les dépenses sont prévues en baisse de 4,5 Md€ entre les lois de finances initiales pour 2014 et 2015 à périmètre constant. Cette baisse résulte principalement de la diminution des concours aux collectivités territoriales telle que votée par le Parlement (- 3,4 Md€), le reste des dépenses ne se réduisant que de 1,1 Md€.
Toutefois, sur ce même champ hors dotations aux collectivités territoriales, les crédits inscrits dans la dernière loi de finances rectificative pour 2014 étaient inférieurs de 1,6 Md€ à ceux qui figuraient dans la loi de finances initiale. Les crédits de la loi de finances initiale pour 2015 sont donc supérieurs de 0,5 Md€ à ceux inscrits dans la dernière loi de finances rectificative pour 2014.
Un respect de la norme en valeur facilité par des transferts de dépenses hors de son champ
Les crédits de la mission écologie, développement durable et mobilité durable sont en diminution de 0,4 Md€, notamment du fait de la suppression de la subvention de 0,3 Md€ inscrite en LFI 2014 au profit de l’agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF). Cette suppression est accompagnée de l’affectation à cette agence du produit (1,1 Md€) du relèvement de la taxe intérieure de consommation sur le gazole.
Les crédits de la mission aide publique au développement sont en diminution de 0,1 Md€, du fait de l’affectation d’une part supplémentaire de la taxe sur les transactions financières au financement de fonds dédiés à la protection de l’environnement.
Les crédits de la mission défense sont en diminution de 0,6 Md€, mais certaines dépenses, à hauteur de 2,1 Md€, seraient financées, hors du champ de la norme en valeur, sur les crédits du compte d’affectation spéciale des produits de la gestion et de la valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien.
Des risques liés à des sous-budgétisations
Les crédits affectés aux opérations extérieures des armées s’élèvent à 0,45 Md€ en LFI 2015, comme en LFI 2014 et comme prévu dans la loi de programmation militaire, alors que les dépenses ont toujours été supérieures à ce montant au cours des 10 dernières années et que les engagements de la France dans des opérations de maintien de la paix ne semblent pas devoir diminuer dans les prochains mois. En outre, pour financer le dépassement de ces crédits en 2014, le paiement de certains matériels a été reporté sur l’exercice 2015.
Les crédits de la mission travail et emploi sont en diminution de 0,2 Md€, ce qui tient principalement à une forte réduction des crédits prévus pour l’indemnisation des demandeurs d’emploi, les contrats aidés et les contrats de génération. L’exposé des motifs du PLF précise que le volume de contrats aidés diminuera progressivement en lien avec la progression de l’emploi marchand, mais celle-ci résulte d’une prévision optimiste.
Les dépenses de solidarité (minima sociaux, aide médicale d’État, hébergement en faveur des demandeurs d’asile, etc.) sont supérieures en exécution de 0,6 Md€ à la LFI en 2014 et ce dépassement se retrouvera très probablement en 2015.
Les crédits de personnel, hors contributions au compte d’affectation spéciale des pensions, augmentent de 0,4 Md€ entre les LFI de 2014 et 2015. Compte tenu de la politique salariale en vigueur (gel du point ; limitation à 0,3 Md€ du coût des mesures catégorielles) et d’une légère baisse des effectifs, l’augmentation de la masse salariale peut être limitée à 0,4 Md€ en exécution de 2014 à 2015 à condition qu’une stricte régulation des recrutements et des mesures catégorielles soit opérée en cours d’année.
Toutefois, en 2014, la masse salariale a été supérieure, en exécution, d’environ 0,3 Md€ aux crédits inscrits en LFI. Même si son augmentation de 2014 à 2015 est limitée à 0,4 Md€, son niveau en exécution en 2015 risque donc d’être supérieur de 0,3 Md€ à celui inscrit en LFI pour 2015.
Les conséquences de la résiliation du contrat avec Écomouv’
Suite à un accord conclu avec Écomouv’, chargée de collecter l’écotaxe, l’État s’est engagé à indemniser la société, pour un montant d’environ 0,8 Md€. Le règlement d’une partie de cette somme à hauteur de 0,4 Md€ interviendra en 2015, ce qui augmentera d’autant le déficit budgétaire. En comptabilité nationale, cette dépense pourrait être enregistrée sur l’exercice 2014, la décision relevant de l’INSEE. Par ailleurs, l’État reste exposé à des contentieux avec les sociétés d’autoroutes qui avaient acquis des badges pour la mise en œuvre de l’écotaxe.
Un aléa favorable
Les contributions des États membres au budget de l’Union européenne pour ces dernières années ont été recalculées sur la base des nouvelles estimations du revenu national brut, ce qui pourrait se traduire pour la France par un ajustement exceptionnel d’environ 1,0 Md€ à la baisse de ses versements. Les mesures annoncées le 27 octobre intègrent cette baisse à hauteur de seulement 0,3 Md€, car il subsiste des incertitudes sur son montant exact.
La croissance de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 est de 2,1 %, conformément aux dispositions du programme de stabilité, alors que les dépenses d’assurance maladie ont progressé de 2,6 % en 2014. Sans pour autant émettre de réserves, le comité d’alerte de l’ONDAM a souligné, dans son avis du 7 octobre 2014, que le respect de l’objectif pour 2015 serait rendu plus difficile que les années précédentes. En effet, les marges de manœuvre qui étaient dégagées chaque année par une sous-exécution de l’objectif de l’année précédente ont largement disparu en 2015 : le rebasage de l’ONDAM effectué en lois de financement initiale et rectificative et le dynamisme des dépenses de soins de ville en 2014, sous l’effet notamment des nouveaux traitements contre l’hépatite C et des indemnités journalières, font peser un risque sur le respect de l’ONDAM en 2015 et imposeront une gestion particulièrement prudente des crédits mis en réserve en début d’année.
Le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2015 prévoit une inflexion de la croissance des dépenses de fonctionnement des administrations publiques locales (1,8 % après 2,7 % en 2014 et 2,9 % en 2013). La diminution des dépenses d’investissement (- 6,0 %) serait un peu plus forte qu’en 2014 (- 5,0 % après + 5,1 % en 2013). Par rapport à 2014, cette inflexion correspond à une moindre progression du total des dépenses d’environ 2,5 Md€.
Cette inflexion est envisageable car une réduction de l’investissement public local a toujours été constatée l’année suivant les élections municipales. De plus, la baisse des concours financiers de l’État de 3,7 Md€ en 2015, ramenée à 3,4 Md€ au cours des débats parlementaires23, et sa poursuite en 2016 et 2017 devraient inciter les collectivités territoriales à réduire la progression de leurs dépenses.
Son ampleur et son rythme sont néanmoins très incertains, les collectivités locales pouvant compenser la baisse des dotations de l’État par des hausses des impôts locaux et par un accroissement de leur endettement. Selon les prévisions du Gouvernement, leurs recettes fiscales augmenteraient de 2,0 Md€.
Le Gouvernement a affiché dans le programme de stabilité d’avril 2014, puis dans l’exposé des motifs du projet de loi de finances pour 2015, un objectif d’économies de 21 Md€ pour l’ensemble des administrations publiques en 2015. L’exposé des motifs du projet de loi de finances pour 2015 le décompose en : 7,7 Md€ pour l’État (hors subventions aux collectivités locales) et ses opérateurs ; 3,7 Md€ pour les collectivités locales ; 3,2 Md€ pour l’assurance maladie ; 6,4 Md€ pour les autres administrations sociales.
Graphique n° 4 : la répartition des 21 Md€ d’économies
[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf Joint].
Ce montant d’économies de 21 Md€ correspond à l’écart entre la croissance tendancielle des dépenses en valeur estimée par le Gouvernement (2,7 %) et son objectif d’évolution de ces dépenses (1,1 % en valeur en 2015).
Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2014, la Cour a souhaité que les modalités d’estimation de la croissance tendancielle des dépenses, par nature conventionnelle pour une grande part, soient explicitées.
Le rapport annexé à la loi de programmation pour 2014-2019 précise ces modalités pour ce qui concerne l’État. Un rapport annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale présente, comme chaque année, des éléments d’informations pour ce qui concerne l’assurance maladie, mais ils demeurent très insuffisants24. De plus, la progression tendancielle des autres composantes des dépenses publiques et de leur ensemble ne figure dans aucun document budgétaire ni, a fortiori, ses modalités de calcul.
Le montant de 21 Md€, qui figurait dans le programme de stabilité d’avril 2014, a été maintenu alors même que les économies résultant du gel de la valeur du point de la fonction publique et de la désindexation de certaines prestations sociales, qui sous-tendaient ces estimations, ont diminué d’au moins 2 Md€ du fait de la baisse de l’inflation prévue en 2015.
La valeur du point de la fonction publique n’est pas légalement indexée mais le Gouvernement considère que sa progression au même rythme que l’inflation est la norme25. Dans les 21 Md€ du programme de stabilité figurent les économies sur la masse salariale des administrations publiques qui résultent du gel du point à hauteur de 2,8 Md€, en retenant cette norme et une inflation de 1,5 %. La prévision d’inflation n’étant plus que de 0,9 % dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2015, l’économie aurait dû être révisée à la baisse de 1,1 Md€ pour être ramenée à 1,7 Md€.
Le PLF pour 2015 a toutefois procédé différemment en prenant pour norme de référence une revalorisation du point égale à l’inflation moyenne prévue sur la période 2015-2017 (1,35 %), ce qui conduit à réviser à la baisse cette économie de seulement 0,3 Md€, et non 1,1 Md€, par rapport au programme de stabilité.
Parmi les 21 Md€ d’économies du programme de stabilité figurent également la non-revalorisation des retraites de base d’octobre 2014 à octobre 2015 et la sous-indexation de 1 point des retraites complémentaires, pour un montant global de 2,4 Md€26.
Le chiffrage initial de ces économies dans le programme de stabilité reposait sur une hypothèse d’inflation de 1,5 %. Le PLF pour 2015 a maintenu cette estimation alors même que la prévision d’inflation a été ramenée à 0,9 %, ce qui aurait dû conduire à réestimer cette économie à 1,4 Md€, soit une révision à la baisse de 1,0 Md€.
La correction de la prévision d’inflation aurait donc dû conduire soit à réviser à la baisse les économies attendues des mesures annoncées, soit à arrêter des mesures complémentaires d’économies de 2 Md€ pour atteindre l’objectif affiché de 21 Md€. Le Gouvernement a maintenu cet objectif sans arrêter de mesures complémentaires. Les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2015 ne font en effet que préciser des mesures dont le rendement était déjà escompté (par exemple 0,8 Md€ pour la nouvelle réforme de la politique familiale).
Selon l’exposé des motifs du projet de loi de finances pour 201527, les économies attendues sur les dépenses du budget général de l’État (hors pensions, charge de la dette, prélèvements sur recettes et autres transferts aux collectivités locales28) et sur les ressources affectées aux opérateurs s’élèvent à 7,2 Md€, ce qui permet de réduire les dépenses de l’État de 1,8 Md€ sur ce périmètre29.
Cette présentation est néanmoins trompeuse car les modalités de prise en compte des ressources affectées aux opérateurs ne sont pas les mêmes en 2014 et en 2015 : le montant de 5,1 Md€ inscrit en LFI 2015 correspond à un plafond de 5,9 Md€ pour les taxes affectées dont est déduit 0,8 Md€ de prélèvements sur les fonds de roulement de certains opérateurs (chambres consulaires et agences de l’eau), alors que le montant de 6,2 Md€ inscrit en LFI 2014 correspond au plafond des taxes affectées sans en déduire ces prélèvements qui étaient prévus à hauteur de 0,5 Md€30.
À méthode constante, la baisse des ressources affectées aux opérateurs n’est que de 0,6 Md€ et non de 1,1 Md€. Les économies sur ce poste sont donc indûment majorées de 0,5 Md€.
La baisse des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales et à ses opérateurs se traduira par des économies pour l’État.
Cependant, comme la Cour l’avait relevé dans son rapport sur les finances publiques locales d’octobre 2014, les économies réalisées par l’État sur ses concours aux collectivités territoriales ne se traduiront par un freinage de la dépense publique totale et par une réduction du déficit public en 2015 que si les collectivités territoriales répercutent la baisse des dotations de l’État sous la forme d’une diminution de leurs propres dépenses (par rapport à leur évolution tendancielle). Cette répercussion est probable mais elle ne sera vraisemblablement ni intégrale, ni immédiate, notamment parce que la loi de finances pour 2015 a permis aux collectivités locales d’augmenter le taux de certains impôts locaux, comme la taxe de séjour, et qu’elles conservent la possibilité d’augmenter le taux d’autres impôts, comme la taxe d’habitation, ou de s’endetter.
De même, les économies réalisées par l’État du fait de la baisse de ses subventions aux opérateurs (0,8 Md€) ou du plafonnement des taxes qui leur sont affectées et des prélèvements sur leurs fonds de roulement (0,6 Md€) n’entraîneront pas une économie du même montant dès 2015 pour l’ensemble des administrations publiques. En effet, si nombre d’opérateurs ne sont pas autorisés à emprunter, ceux qui subissent les prélèvements les plus importants (chambres consulaires et agences de l’eau) peuvent le faire.
Dans le champ social hors santé, les économies annoncées pour 2015 s’élèvent à 6,4 Md€ dont 4 Md€ « acquises » avant septembre 2014.
Les « économies acquises » comprennent, pour 2,4 Md€, la non-revalorisation des retraites de base d’octobre 2014 à octobre 2015 et la sous-indexation de 1 point des retraites complémentaires.
Elles comprennent aussi, pour 0,04 M€, l’amélioration prévue de la situation financière de l’Unédic par rapport aux prévisions du programme de stabilité, ce qui constitue, si elle est confirmée, une économie à comptabiliser sur l’exercice 2014 et non sur l’exercice 2015.
Les autres « économies acquises » (1,2 Md€) tiennent aux effets des réformes de la politique familiale antérieures à juin 2014 et de la nouvelle convention d’assurance chômage de mars 2014.
Les « économies nouvelles » sont de natures très diverses et, pour chacune, de portée limitée. Elles résultent des mesures concernant la branche famille inscrites dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 (0,7 Md€), de la diminution des coûts de gestion des caisses (0,5 Md€), de la réforme du capital décès (0,2 Md€), d’économies en gestion de l’Unedic (0,2 Md€), de la lutte contre la fraude (0,1 Md€), de la sous-consommation attendue des dépenses d’intervention des fonds d’action sanitaire et sociale des caisses (0,2 Md€) et du décalage de la mise en œuvre de la loi sur la dépendance (0,4 Md€).
Il est discutable d’anticiper dès à présent des économies de constatation sur les dépenses prévues par l’Unedic et les fonds d’action sanitaire et sociale des caisses (0,4 Md€) et de considérer comme une économie le fait que des dépenses nouvelles sont décalées dans le temps (0,4 Md€ pour ce qui concerne la loi sur la dépendance)31.
L’estimation, à 21 Md€, des économies attendues en 2015 repose sur des hypothèses très conventionnelles de croissance tendancielle des principales dépenses publiques, s’agissant notamment de la prise en compte de l’inflation. En outre, pour obtenir un total de 21 Md€ en 2015, sont comptées des mesures qui ne constituent pas de réelles économies en 2015 ou qui ne se traduiront pas automatiquement par des économies aussi importantes que prévu sur cet exercice.
L’objectif d’une croissance des dépenses publiques de 1,0 % en valeur en 2015 est ambitieux au regard de leur évolution passée. Son respect est essentiel et suppose de réaliser de très importantes économies. Indépendamment de la fiabilité de son chiffrage, inévitablement conventionnel, le programme d’économies qui sous-tend la prévision du Gouvernement, du fait de ses approximations et de ses imprécisions, n’apporte pas l’assurance que l’objectif de dépenses de l’ensemble des administrations publiques puisse être respecté.
Le programme de stabilité prévoyait que le déficit effectif soit ramené à 3,0 % du PIB en 2015 et que l’équilibre structurel soit quasiment atteint en 2017. La loi de programmation des finances publiques du 29 décembre 2014 pour 2014-2019 reporte le retour au-dessous du seuil de 3,0 % en 2017 et l’équilibre structurel en 2019 (compte tenu de la marge de tolérance de 0,5 point de PIB prévue par les règles communautaires).
Elle prévoit que le solde des administrations de sécurité sociale, hors CADES et FRR, sera encore déficitaire, à hauteur de 0,3 % du PIB, en 2017. Elle ne donne pas de prévision au-delà mais une annexe à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 met en évidence que le solde des régimes obligatoires de base et du FSV sera encore déficitaire en 2018 (0,2 % du PIB).
Tableau n° 2 :
la programmation des finances publiques
(2014-2019)
[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf Joint].
Si les objectifs de déficit pour 2015, effectif et structurel, ne sont pas atteints, cette trajectoire d’évolution des finances publiques sera de nouveau décalée. En outre, les prévisions de recettes et dépenses au-delà de 2015 présentent des éléments de fragilité.
Cette programmation repose en effet sur une croissance du PIB de 1,7 % en 2016, de 1,9 % en 2017 et de 2,0 % en 2018 et 2019. Or, dans son avis du 26 septembre 2014, le Haut Conseil des finances publiques, tout en notant que ce scénario est plus réaliste que celui présenté en avril 2014, a considéré qu’il repose sur des hypothèses d’environnement international et d’investissement trop favorables.
Les prévisions de croissance des dépenses pour les années 2016 et 201732 reposent largement sur le budget triennal de l’État, qui comprend une réduction des dépenses sur le champ de la norme en valeur de 1,9 Md€ en 2016 et 5,1 Md€ en 2017, et sur un ONDAM ramené à 2,0 % puis 1,9 %. Les risques de dépassement des objectifs sont plus importants pour 2016 et 2017 que pour 2015 dans la mesure où les économies nécessaires sont encore moins documentées à ce stade et où le contexte préélectoral, s’accompagnant du retour de la croissance économique dans le scénario du Gouvernement, ne facilitera pas leur mise en œuvre.
Dans la loi de programmation, la dette publique atteint un maximum fin 2016, à moins de 98 % du PIB, puis décroît. Si la croissance du PIB en valeur était inférieure de 0,5 point chaque année33 et si le rythme annuel de réduction du déficit était minoré en conséquence de 0,3 point de PIB, la dette publique serait comprise entre 99 et 100 % du PIB chacune des années 2016 à 2018.
CONCLUSION
La loi de finances rectificative de décembre 2014 prévoit un déficit public en 2014 équivalent à 4,4 % de PIB (soit 94 Md€), en hausse de 0,3 point par rapport à 2013, alors que celle du mois d’août prévoyait une réduction de 0,5 point. Cet écart de 0,8 point résulte pour l’essentiel de la révision à la baisse de la prévision de croissance du PIB, pour 0,3 point, et des révisions à la baisse des prévisions d’inflation et d’élasticité des prélèvements obligatoires pour 0,15 point chacune. Ces révisions conduisent à une appréciation plus réaliste de la situation des finances publiques, mais elles auraient pu être opérées, en partie, dès le dépôt, en juin, des projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale rectificatives.
Les prévisions de la Commission européenne pour les autres pays européens ont également été révisées, mais dans des proportions moindres. Elles montrent que la France est, avec la Croatie, le seul pays de l’Union européenne dont le déficit public était supérieur à 3,0 % du PIB en 2013 et a augmenté en 2014.
Pour 2015, le Gouvernement prévoit désormais une réduction de 0,3 point de PIB du déficit public, contre 0,8 point dans le programme de stabilité. Cet écart de 0,5 point résulte surtout (0,4 point) de la révision à la baisse de la prévision de croissance du PIB. De nouvelles mesures fiscales et une révision du chiffrage d’autres mesures ont compensé l’impact sur les recettes publiques des révisions à la baisse des prévisions relatives à leur élasticité et à l’inflation. En revanche, le Gouvernement a choisi de ne quasiment pas modifier son objectif d’évolution des dépenses publiques en valeur et de s’en tenir au programme d’économies qu’il avait annoncé en avril 2014.
Le retour du déficit public à 4,1 % du PIB (soit 89 Md€) en 2015, comme le prévoit le Gouvernement, est un objectif dont la réalisation est incertaine car il repose sur une prévision de croissance des recettes qui présente des fragilités et sur un objectif d’évolution des dépenses en valeur qui peut se révéler difficile à atteindre. Le programme d’économies de 21 Md€ repose sur des chiffrages inévitablement conventionnels et parfois contestables et ses effets sur les dépenses publiques sont affectés d’incertitudes.
Si ces risques se réalisaient, le retour du déficit public sous le seuil de 3,0 % du PIB en 2017 serait encore moins assuré et la dette publique pourrait approcher 100 % du PIB à cet horizon. L’équilibre structurel des comptes publics serait repoussé au-delà de 2019.
La situation des finances publiques, marquée par un déficit qui cesse de se réduire en 2014 et une progression toujours non maîtrisée de l’endettement, est d’autant plus préoccupante qu’elle place la France dans une situation singulière par rapport à l’ensemble des pays de l’Union européenne et affaiblit sa crédibilité à l’égard de ses partenaires.
Le rééquilibrage durable de nos finances publiques repose sur le renforcement du potentiel de croissance de l’économie française, actuellement estimé à seulement 1,0 % par an. À cette fin, avec d’autres mesures, a été programmé un allégement des charges des entreprises permettant de restaurer leur compétitivité. Pour être soutenable budgétairement, cet allégement doit s’accompagner d’une stricte maîtrise des dépenses publiques.
L’inflexion de la croissance des dépenses publiques a été engagée depuis 2010. Elle doit être renforcée afin de les stabiliser en euros constants, même s’il peut en résulter un effet négatif à court terme sur l’activité économique. C’est une condition nécessaire pour ramener effectivement le déficit en-dessous de 3,0 % du PIB en 2017 et atteindre l’équilibre structurel des comptes publics en 2019.
Cette inflexion est possible au regard du niveau des dépenses publiques de la France comparé à celui des autres pays. Elle doit reposer sur des économies clairement identifiées, partagées par l’ensemble des administrations publiques et durables. Elle implique, au-delà des mesures de compression uniforme de la dépense mises en œuvre par le Gouvernement, de s’appuyer sur des choix explicites visant une organisation plus performante de l’action publique, sur une redéfinition des missions de chacune des administrations publiques et sur une plus grande efficience des interventions économiques et sociales.
Réponse commune du ministre des finances et des comptes publics et du secrétaire d’État chargé du budget
Nous saluons les travaux de la Cour sur la situation d’ensemble des finances publiques. Leur clarté et leur pédagogie fournissent des éclairages importants.
Certaines analyses du rapport nous semblent toutefois devoir être précisées et nuancées.
1 – Constats relatifs à la situation des finances publiques en 2014
Le projet de rapport rejoint l’analyse du Gouvernement selon laquelle la dégradation du solde 2014 intervenue entre le programme de stabilité (PSTAB) et le projet de loi de finances (PLF) pour l’année 2015 relève essentiellement de l’environnement macroéconomique. Nous rappelons, à cet égard, que le déficit public structurel poursuivrait sa diminution en 2014 pour atteindre 2,4 % du PIB potentiel et serait donc quasiment divisé par deux par rapport à 2011 (où il s’établissait à 4,4 %).
Le projet de rapport estime cependant que les révisions apportées au gré des textes financiers ont été trop « tardives » et qu’une révision plus en amont du premier projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2014 aurait permis au Gouvernement de revoir « plus fortement à la baisse les crédits ouverts pour éviter un dérapage du déficit public ». Nous tenons à rappeler que la prévision de croissance de 1,0 % pour 2014 retenue dans le premier PLFR était en ligne avec le consensus des économistes ou avec les prévisions des autres organismes. La réévaluation des prévisions n’est ainsi intervenue qu’à l’occasion de la publication des chiffres de croissance du 2ème trimestre en France, ainsi que pour l’ensemble de la zone euro.
S’agissant de l’inflation, le consensus s’établissait encore à + 1,0 % au moment du premier PLFR qui a été construit sur une hypothèse d’inflation de 1,2 %, inchangée par rapport au programme de stabilité34. L’ensemble des prévisionnistes a été surpris par la réalisation d’une inflation plus basse, que le Gouvernement a actée dans le PLF 2015 en retenant une hypothèse de 0,6 %.
L’adoption de mesures d’économies supplémentaires afin de prendre en compte cette moindre inflation ne pouvait être envisagée dès lors que l’exercice était déjà largement entamé au début du mois de septembre. Une telle option était d’autant moins praticable que 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires avaient déjà été adoptées dans le cadre des textes financiers de l’été. À titre d’exemple, sur le budget de l’État, alors que le premier PLFR révisait déjà à la baisse de 1,6 Md€ l’objectif de dépenses du budget général de l’État sur le périmètre de la norme « 0 valeur » par des annulations de crédits des ministères, un nouvel abaissement de l’objectif 2014 était incompatible avec le degré d’avancement de la gestion budgétaire car il était susceptible de porter atteinte à la soutenabilité de cette gestion.
Le rapport examine également l’évolution prévisionnelle du déficit public en 2014 ainsi que la situation budgétaire française comparée à celle des autres pays européens.
Sur le premier point, les premiers résultats de l’exécution budgétaire de l’État, rendus publics le 15 janvier dernier, confortent la prévision du gouvernement d’un déficit de l’ensemble des administrations publiques de 4,4 % du produit intérieur brut (PIB) en 2014. En effet, le déficit budgétaire de l’État, qui avait été réévalué à 89,0 Md dans la dernière LFR, s’établit finalement à 85,6 Md€. D’une part, les recettes fiscales se sont élevées à un niveau légèrement supérieur à celui prévu au moment de la LFR (274,3 Md€ contre 272,4 Md€). Cette plus-value est concentrée essentiellement sur l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée, témoignant d’un dynamisme de leurs bases fiscales plus important qu’anticipé. D’autre part, il ressort de l’exécution budgétaire que la dépense a été parfaitement maîtrisée : les dépenses de l’État hors charge de la dette et pensions devraient s’élever à 276, Md€, soit 0,1 Md€ sous le niveau de la norme. Elle serait donc en baisse de 3,3 Md€, sur ce champ par rapport à l’exécution 2013. Ce résultat atteste de l’efficacité du pilotage budgétaire dans un contexte d’objectifs particulièrement ambitieux, ainsi que de la prudence dont le Gouvernement fait preuve dans les révisions des hypothèses de finances publiques.
Sur le second point, le fait que le déficit public français soit plus élevé que celui de la moyenne de la zone euro est directement lié aux conditions dans lesquelles la France est entrée dans la crise de 2008. Le déficit public structurel était, en 2007 et 2008, de l’ordre de 3,7 % du PIB potentiel, en dégradation par rapport à 2006, alors que l’Allemagne présentait alors un excédent budgétaire. Cette position relativement dégradée que la moyenne de la zone euro, en dépit d’une diminution du déficit public structurel de deux points entre 2011 et 2014.
2 – Principales remarques sur la situation des finances publiques en 2015
Concernant l’année 2015, le projet de rapport aborde les problématiques de l’environnement macroéconomique retenu dans le PLF 2015, du mode calcul des 21 Md€ d’économies et de la possibilité de respecter les cibles de dépenses fixées, des prévisions de recettes publiques ainsi que de la transparence entourant les informations et mesures supplémentaires adoptées dans le cadre du plan à 3,6 Md€.
Nous rappelons, à titre liminaire, que le rythme de l’assainissement des finances publiques doit être adapté aux conditions économiques actuelles, caractérisées par une faible croissance et une inflation basse. Pour cette raison, après avoir diminué le déficit structurel de près de moitié entre 2011 et 2014, le Gouvernement prévoit, pour 2015, une réduction du déficit public moins marquée que celle constatée les années précédentes.
S’agissant de l’environnement macroéconomique, la Cour rappelle que le Haut conseil des finance publiques (HCFP) avait, dans son avis sur le PLF 2015, jugé la prévision de croissance 2015 du PLF à 1,0 % « optimiste ». À cet égard, nous souhaitons souligner que cette prévision était en ligne avec le consensus des économistes, qui était encore de 1,1 % en septembre dernier, avant que la baisse record et non-anticipée des prix du pétrole ne se matérialise. À la suite de la publication des comptes du troisième trimestre par l’Insee, la Cour juge désormais atteignable la prévision de croissance de 1,0 % pour l’année 2015.
Le rapport s’interroge, en deuxième lieu, sur le calcul des économies à 21 Md€ pour 2015. Il pointe notamment le fait que « la progression tendancielle de l’ensemble des dépenses publiques et de ses autres composantes ne figure dans aucun document budgétaire ni, a fortiori, ses modalités de calcul ». Cette remarque doit être nuancée du fait des précisions qui ont été apportées ces dernières années afin de renforcer la transparence, au sein des différents documents budgétaires (rapport économique social et financier annexé au PLF, rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques notamment), des méthodes utilisées pour évaluer la progression tendancielle des dépenses publiques, sachant qu’une telle tâche repose par nature sur des conventions. En particulier, les hypothèses de croissance tendancielle de la dépense de l’État et de la dépense d’assurance-maladie sont présentées de manière détaillée dans la documentation budgétaire pour la première et dans le cadre de la commission des comptes de la sécurité sociale pour la seconde ; et s’agissant des collectivités territoriales, le Gouvernement anticipe un ralentissement du dynamisme de leurs dépenses à concurrence de la baisse des dotations de l’État. Dès lors, la quasi-totalité du champ couvert par les économies a fait l’objet d’explications détaillées à l’automne. Afin de formaliser l’information ainsi publiée, la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2014 à 2019 prévoit que le Gouvernement informera le Parlement sur la dynamique budgétaire des sous-secteurs et les méthodes qu’il aura retenues pour leur calcul (articles 31 et 28).
Le rapport questionne également le caractère atteignable des cibles de dépense fixée. Si l’objectif est en effet ambitieux, avec une progression des dépenses en valeur de +1,1 % en 2015, le Gouvernement a non seulement démontré sa capacité à tenir les normes de dépenses, mais également à infléchir la progression globale de la dépense. Sur l’État, les outils de pilotage en gestion, tels que la réserve de précaution dont le niveau a encore été relevé en PLF 2015, doivent permettre d’assurer le respect de la norme, comme cela a été le cas chaque année depuis 2012. S’agissant spécifiquement des coûts associés à la résiliation du contrat liant l’État à Ecomouv, ils impactent, en comptabilité nationale, uniquement l’année au cours de laquelle la décision a été prise, soit l’année 2014, et n’auront donc aucune incidence sur la dépenses publique en 2015. Sur l’ONDAM, les outils de gouvernance doivent également permettre de tenir strictement l’objectif, comme cela a été fait chaque année depuis 2012. S’agissant de la capacité des collectivités locales à diminuer leurs dépenses à due concurrence de la baisse des dotations, il convient de rappeler qu’en complément des baisses de dotations, la LPFP a renforcé les règles de gouvernance et la transparence entourant la trajectoire des collectivités locales avec l’instauration d’un objectif d’évolution de la dépense publique locale (article 11), dont le Parlement pourra assurer le suivi, et la déclinaison de cet objectif de dépense pour chacune des catégories de collectivités ainsi que pour les établissements publics de coopération intercommunale (article 30).
L’objectif de croissance de la dépense en valeur fixé pour 2015 dépend également de l’évolution de l’inflation. Le Gouvernement examine actuellement l’impact exact des variations de l’inflation sur la dépense publique, dont une partie est corrélée à l’évolution de l’indice général des prix.
Concernant l’impact de la révision des hypothèses d’inflation sur les dépenses publiques, la Cour considère, par ailleurs, que le maintien des objectifs d’évolution des dépenses en valeur pour 2015 « résulte d’un choix du Gouvernement et non d’une impossibilité technique de les ajuster à la baisse ». Cette analyse doit être nuancée. Le calendrier de la procédure budgétaire pour l’État limite, en effet, les possibilité de réviser en juin les plafonds de dépenses qui, à cette étape de l’année, sont en phase finale de négociation avec les ministères avant publication dans le rapport publié à l’occasion du débat d’orientation des finances publiques fin juin et leur notification aux ministères début juillet.
S’agissant des prévisions de recettes, le rapport estime qu’elles seraient « fondées sur des hypothèses fragiles ». Les prévisions de recettes reposent sur une hypothèse de croissance du PIB, dont la Cour estime qu’elle « pourra atteindre 1 % sur l’ensemble de l’année », ce qui est la prévision associée au budget qui a été voté. Elles sont également liées à une hypothèse d’élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance, qui ressort à 0,9 et qui découle de prévisions dépourvues, selon la Cour, de « risques manifestes et significatifs ». Les prévisions de recettes dépendent afin d’évaluations de mesures nouvelles, qui, selon la Cour, « ne semblent pas présenter, globalement, un risque significatif dans un sens ou dans l’autre ». Dès lors que l’ensemble des hypothèses les sous-tendant est considéré comme réaliste, il ne semble pas que les prévisions de recettes puissent être qualifiées de fragiles.
S’agissant des mesures complémentaires de 3,6 Md€ annoncées par le Gouvernement dans sa lettre du 27 octobre 2014 à la Commission européenne, celles-ci ont fait l’objet d’une présentation détaillée le 3 décembre dernier. Le rapport estime que « seules les informations nouvelles favorables ont été prises en compte » et que « les économies de constatation sur les charges d’intérêt ont permis ces dernières années de compenser des dépenses imprévues en cours d’année ».
Sur le premier point, il importe de rappeler que le principe de sincérité budgétaire impose de prendre en compte, y compris dans le courant de la discussion parlementaire, les informations nouvelles qui peuvent avoir une incidence sur l’équilibre défini par le projet de loi de finances. Le Gouvernement a donc proposé au Parlement d’intégrer ces informations dès qu’elles se sont matérialisées – ce qui a été fait lors de l’examen du PLF par le Sénat en première lecture. Ces informations intégrées dans le courant de la discussion parlementaire ne pouvaient être anticipées au moment de la préparation du PLF. Par exemple, s’agissant de la charge d’intérêts pour l’année 2015, les conditions de financement se sont révélées, à l’automne, bien plus favorables qu’initialement anticipé au moment de la préparation du PLF 2015. Compte tenu de l’évolution à la baisse des taux d’intérêt depuis mi-septembre, le scénario a été révisé, avec un taux à 10 ans de 1,5 % à la fin de l’année 2014 et de 2,0 % à la fin de l’année 2015 (contre respectivement des taux sous-jacents au PLF 2015 de 1,9 % et 2,4 %). Ces hypothèses, mêmes révisées, restent prudentes et légèrement supérieures aux chiffres du dernier consensus des économistes (environ 1,5 % à la fin de 2015) Cette révision a pour effet de réduire, en comptabilité nationale, de 0,4 Md€ la charge de la dette de l’État pour 2015.
Sur le second point, nous rappelons que, depuis 2012, les économies constatées, en cours d’année, sur la charge de la dette de l’État ont été systématiquement affectées à l’amélioration du solde du budget de l’État, et n’ont, en aucun cas, été utilisées pour financer de nouvelles dépenses.
Enfin, s’agissant des procédures communautaires, la Commission européenne n’a pas relevé de « manquement particulièrement grave » lors de son examen du projet de plan budgétaire (PPB) français dans les deux semaines qui ont suivi sa communication le 15 octobre, conformément à l’article 7.2 du Règlement 473/2013. Cette analyse a été confirmée le 28 novembre, lors de sa publication par la Commission d’un avis relatif aux PPB, avant que celui-ci ne fasse l’objet d’une discussion à l’Eurogroupe. Compte tenu des incertitudes entourant l’exécution 2014, une clause de rendez-vous prévoit que la situation budgétaire de la France sera réexaminée au début du mois de mars prochain. Certaines de ces incertitudes ont été levées par les résultats de l’exécution budgétaire de l’État de l’année 2014, rendue publique le 15 janvier dernier.
1 Il s’agit du déficit des administrations publiques au sens de la comptabilité nationale qui comprennent l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, les administrations de sécurité sociale ainsi que les organismes publics non marchands contrôlés par l’État ou des collectivités territoriales.
2 L’élasticité des recettes publiques au PIB est égale au rapport de leur croissance à celle du PIB en valeur.
3 Indice des prix à la consommation hors tabac.
4 Masse salariale et excédent brut d’exploitation.
5 Pour l’essentiel car le dernier acompte d’impôt sur les sociétés de l’année doit tenir compte des bénéfices de l’exercice en cours pour les grandes entreprises.
6 Des corrections ont été effectuées sur d’autres postes de dépenses, mais leurs effets sur le total des dépenses publiques se compensent.
7 C’est-à-dire à l’exception des allocations familiales, rentes d’accidents du travail et pensions d’invalidité.
8 Compte tenu d’une croissance en valeur de 1,5 % et d’une inflation de 1,2 %.
9 Compte tenu d’une croissance en valeur de 1,4 % et d’une inflation de 0,5 %
10 Le PIB ayant été révisé à la hausse, tous les ratios de finances publiques dont le PIB est le dénominateur ont été réduits.
11 Soit + 0,2 point pour les recettes et - 0,05 point pour les dépenses.
12 D’autres facteurs (recettes autres que les prélèvements obligatoires, par exemple), expliquent cet écart à hauteur d’environ 0,1 point et ne sont pas détaillés.
13 Conformément à ce que prévoyait le programme de stabilité, des mesures nouvelles ont été inscrites dans les lois de finances et de financement rectificatives de juillet et août, qui ont notamment revu à la baisse les prévisions de recettes, réduit de 1,6 Md€ les crédits sur le champ de la norme budgétaire en valeur de l’État et prévu la non-revalorisation des retraites au 1er octobre (sauf pour les petites pensions).
14 Y compris l’impact décalé, sur les impôts sur le revenu et les sociétés, de la révision de l’inflation prévue pour 2014.
15 Outre les mesures annoncées le 27 octobre, cet écart tient pour beaucoup à une révision du coût de mesures antérieures, notamment le CICE.
16 La charge d’intérêt a aussi été réduite à la suite d’une révision à la baisse des prévisions de taux. En sens inverse, les indemnités de chômage ont été revues à la hausse de 0,5 Md€.
17 L’INSEE prévoit une croissance du PIB de 0,3 % par trimestre sur la première moitié de l’année. Pour que la moyenne annuelle soit de 1,0 %, il faudrait une croissance de 0,4 % par trimestre sur la fin de l’année.
18 Son taux passant de 4 à 6 % de la masse des salaires concernés.
19 Net de l’augmentation des impôts sur les sociétés et les revenus qui en résulte.
20 Surcoût par rapport à la mesure mise en œuvre en 2014 (1,3 Md€).
21 Les remboursements au titre des contentieux fiscaux réduisent les recettes fiscales nettes.
22 L’arrêt du plan de relance de 2009-2010 et des livraisons exceptionnelles de matériels militaires de 2010 ont contribué à réduire de 0,8 point la croissance des dépenses en 2011 (cf. Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques. La documentation française, juin 2012, 255 p., disponible sur www.ccomptes.fr).
23 Les concours financiers de l’État aux collectivités territoriales ont été relevés de 0,3 Md€ par des mesures touchant notamment le fonds de compensation de la TVA.
24 Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale 2014, Chapitre VII : « L’objectif national de dépenses d’assurance maladie pour les soins de ville : une surestimation des économies, un outil à réajuster », p. 201-229. La Documentation française, septembre 2014, 663 p. disponible sur www.ccomptes.fr
25 Pour estimer la croissance tendancielle de la masse salariale (185 Md€), la Cour retient la pratique constatée dans les années 2002-2012, soit une hausse moyenne annuelle de 0,7 % qui correspond à peu près à la moitié de l’inflation.
26 Compte tenu des modalités exactes des mesures qui ont été prises : en particulier, pour le régime général, la désindexation ne concerne pas les petites pensions et une revalorisation est prévue au 1er octobre 2015.
27 Cf. page 13 de cet exposé des motifs.
28 Les 3,7 Md€ d’économies sur les dotations aux collectivités.
29 Une économie supplémentaire de 0,5 Md€ est aussi prévue sur les investissements d’avenir.
30 Ce qui apparaît plus bas dans le tableau page 13 de l’exposé des motifs du PLF.
31 Cette dépenses de 0,4 Md€ aurait dû être déduite des économies de 4 Md€ acquises au moment du programme de stabilité. Son report ne fait que relever ces économies acquises de 3,6 à 4 Md€ et il est discutable de le compter une autre fois dans les économies nouvelles.
32 La succession d’une accélération en 2016 et d’un ralentissement en 2017 tient à des dépenses ponctuelles prévues en 2016 (versements à l’Union européenne et remises de dettes à des pays en développement).
33 Soit, par exemple, 0,25 point au titre de la croissance en volume et 0,25 point au titre de l’évolution des prix.
34 Chiffres au sens de l’IPC