Un rapport sur les résultats de la revue annuelle de suivi des recommandations est établi chaque année par les chambres de la Cour pour leurs domaines respectifs de compétences.

Ce rapport concerne l’ensemble des recommandations formulées par la Cour et ayant fait l’objet d’une publication au cours des trois dernières années.

Ce périmètre recouvre plus de 1 900 recommandations à suivre chaque année, selon une procédure de suivi groupé expérimentée pour la première fois en 2013 avec les administrations et organismes concernés.

La Cour s’adresse essentiellement aux secrétaires généraux des ministères, désignés comme correspondants de la Cour pour le suivi de toutes les recommandations figurant dans les communications définitives adressées aux ministères de leur ressort. Par ailleurs, la transmission et la collecte d’informations sur le suivi des recommandations s’appuient désormais sur des plateformes d’échanges dématérialisées reliant la Cour aux ministères.

Les recommandations concernées par le suivi 2014 sont celles qui ont été formulées dans les communications définitives rendues publiques par la Cour au cours des trois dernières années, soit entre le 1er mars 2011 et le 28 février 2014, le rapport public 2014 étant inclus.

Ainsi, le suivi 2014 des recommandations a porté sur 1 924 recommandations.

I -L’évolution de l’indicateur de suivi

Le degré de mise en œuvre des recommandations formulées par la Cour constitue le principal indicateur de performance du programme du budget de l’État (programme 164 – Cour des comptes et autres juridictions financières) relatif aux juridictions financières.

Cet indicateur synthétique rend compte du suivi des recommandations les plus significatives formulées par la Cour dans ses communications publiées : les rapports publics annuels et thématiques et les rapports sur les finances et les comptes publics prévus par les lois organiques du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) et du 2 août 2005 aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS), ainsi que dans ses communications au Premier ministre ou aux ministres (les référés).

Les recommandations formulées par les chambres régionales et territoriales des comptes sont intégrées à ce suivi lorsqu’elles ont figuré dans une publication de la Cour, notamment dans ses rapports publics.

L’indicateur est défini comme la part, dans les recommandations les plus significatives formulées au cours de la période, de celles qui ont été suivies d’une mise en œuvre effective. Pour être considérée comme effective, la mise en œuvre ne doit pas nécessairement être totale ; elle peut n’être que partielle.

Tableau n° 15 : évolution de l’indicateur de suivi des recommandations pour les trois dernières années

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

En raison de l’augmentation du nombre de publications de la Cour, le nombre de recommandations formulées et suivies a nettement progressé en 2014 (1 924 recommandations suivies en 2014 contre 1 671 en 2013 et 1 213 en 2012). En effet, les années 2012 et 2013 sont toutes les deux marquées par un niveau important de publications, avec un impact fort sur le nombre de recommandations à suivre en 2014. Par ailleurs, depuis 2012, la publication des référés et des recommandations en découlant est quasi systématique1.

L’indicateur de suivi des recommandations progresse de 7,8 points passant de 62 % en 2013 à 69,8 % en 2014. Ainsi sur 1 924 recommandations suivies en 2014, le nombre de recommandations partiellement ou totalement suivies est de 1 343.

La hausse de l’indicateur en 2014 s’explique par deux facteurs : un plus fort taux de réalisation globale en 2014, notamment pour les recommandations émises en 2011 et 2012, et l’amélioration de la qualité du suivi des recommandations désormais systématisé.

II -La prise en compte des recommandations

Le suivi systématique assuré par la Cour permet de vérifier la mise en œuvre d’une recommandation sur une période de trois ans, un délai souvent nécessaire à la conduite de réformes.

Parmi les 1 343 recommandations totalement ou partiellement suivies et les 119 recommandations que les ministères ou les établissements ont refusé de mettre en œuvre, quelques exemples qui ont une portée symbolique forte ou qui ont fait l’objet de débats dans l’opinion publique peuvent être cités.

A -Des rythmes différents de mises en œuvre

Si les effets des interventions de la Cour sont généralement progressifs, le suivi fait apparaître que des évolutions sont parfois engagées rapidement à la suite de la formulation de ses recommandations. En effet, certaines recommandations concernent des aspects techniques, pratiques et mesurables qui ne nécessitent pas de délais longs de mise en œuvre.

Inversement, d’autres recommandations, nécessitant des réformes structurelles, sont plus longues à mettre en œuvre.

1 -Des recommandations d’amélioration de la gestion souvent rapidement mises en œuvre
a)La réorganisation de TRACFIN

Dans son rapport public annuel 20122, la Cour avait recommandé plusieurs améliorations dans le fonctionnement de TRACFIN, organisme interministériel de lutte contre la blanchiment notamment en matière de stratégie, d’organisation et de ressources humaines. Ces recommandations ont été totalement mises en œuvre. Ainsi une note exposant la trajectoire stratégique de TRACFIN pour la période 2014-2017 a été validée par le ministre des finances et présentée aux personnels. Un compte-rendu au ministre sur la mise en œuvre de cette note est désormais prévu au moins une fois par an.

Parallèlement, le plafond d’emplois 2014 de TRACFIN a été augmenté à hauteur de 10 emplois et une quatrième division d’enquêtes a vu le jour afin de mieux répondre aux objectifs assignés à l’organisme.

b)La garde républicaine

Parmi les recommandations totalement mises en œuvre du référé de février 2013 relatif à la Garde Républicaine3, on relève la facturation aux personnes privées des prestations des formations spéciales de la garde républicaine à hauteur des coûts complets correspondants. Cette recommandation a conduit à la révision des tarifs des différentes prestations des formations spéciales dans une instruction ministérielle du 26 février 2014 relative aux conditions administratives et financières de la participation des formations spéciales de la gendarmerie nationale à des activités ne relevant pas de leurs missions spécifiques.

c)Le remboursement des sommes dues par les élèves et anciens élèves des écoles normales supérieures en cas de rupture de leur engagement décennal

Dans l’insertion au rapport public annuel 2012 consacrée aux écoles normales supérieures (ENS)4, la Cour demandait aux écoles d’« assurer un meilleur suivi des élèves après leur scolarité » et au ministère de « procéder à la dévolution intégrale des responsabilités de suivi de l’engagement décennal aux écoles normales supérieures ».

Le ministère a procédé en 2014 à la révision de l’arrêté du 3 mars 1967 fixant les modalités de remboursement des sommes dues par les élèves et anciens élèves des ENS en cas de rupture de leur engagement décennal. Le nouvel arrêté en date du 6 juin 2014 prévoit l’obligation pour les anciens élèves d’informer chaque année l’établissement de leur situation professionnelle. En cas de défaut d’information, ils seront considérés comme démissionnaires et la mise en œuvre de la procédure individuelle de demande de remboursement sera automatiquement lancée. La dévolution de la responsabilité du suivi des élèves aux écoles est effective depuis l’entrée en vigueur de l’arrêté.

d)Les accidents du travail et maladies professionnelles : les faiblesses de la politique de prévention du régime général de sécurité sociale

Dans le rapport public annuel 20135, la Cour avait recommandé de concentrer les efforts des caisses d’assurance retraite et de santé au travail sur les entreprises connaissant de nombreux sinistres (à l’instar de la démarche « Points noirs et gris » mise en œuvre à la caisse d’assurance retraite et de santé au travail de Midi-Pyrénées). Comme le préconisait la Cour, un programme de la convention d’objectifs et de gestion relative aux accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) 2014-2017 prévoit de concentrer les efforts de prévention de la branche sur un nombre restreint de risques ou de secteurs d'activité (troubles musculo-squelettiques, chutes dans le BTP, exposition à certains cancérogènes, etc.) et de développer une méthode d'évaluation des actions pour en mesurer les résultats et leur impact, notamment sur la sinistralité. Cette dimension inclut un ciblage au niveau local des établissements les plus à risque et un ciblage au niveau national de certaines populations telles que les seniors, les nouveaux embauchés, les salariés des TPE et ceux exposés à l'amiante.

e)Le rôle des sages-femmes dans le système de soins

La Cour avait recommandé, dans le RAFLSS 20116, de permettre l’expérimentation des maisons de naissance et procéder à leur évaluation médico-économique dans des conditions méthodologiquement rigoureuses. À la suite de la promulgation de la loi du 7 décembre 2013 autorisant l’expérimentation des maisons de naissance, le ministère de la santé a saisi la Haute autorité de santé (HAS) pour l’élaboration du cahier des charges prévu par le texte qui a été publié au mois de septembre 2014. Ce cahier des charges précise notamment les conditions de l’évaluation de l’expérimentation. Sur la base de ce document, un décret sera soumis au Conseil d’État. Un appel à candidature devrait être lancé début 2015 et la liste des sites autorisés pourrait ainsi être publiée par arrêté avant la fin du premier semestre 2015.

f)Les terres agricoles et les conflits d’usage

La Cour avait recommandé dans un référé de 20137 d’améliorer l’action publique conduite en matière d’usage des sols économe en terres agricoles et respectueux de l’environnement. Elle préconisait d’améliorer les outils de mesure de l’artificialisation des sols, de conforter les dispositifs de protection et enfin de rendre le système fiscal sur les plus-values plus cohérent quant aux objectifs poursuivis.

Or, cinq des six recommandations préconisées par ce référé ont d’ores et déjà été mises en œuvre. Ainsi, le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt adopté par le Sénat le 24 juillet 2014 prévoit l’élargissement de la mission de l’observatoire national de la consommation des espaces agricoles au suivi de la consommation des espaces naturels et forestiers. Par ailleurs, cet observatoire a remis au ministre de l’agriculture un rapport chiffré sur la consommation nationale d’espaces. Enfin, le rôle du niveau régional en matière d’aménagement des territoires a été renforcé par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale le rendant chef de file dans l’aménagement et le développement durable du territoire.

2 -Des recommandations nécessitant des réformes structurelles plus lentes à mettre en œuvre

L’analyse statistique permet de constater que le taux de suivi varie souvent en fonction de l’ancienneté des recommandations. Plusieurs années peuvent en effet être nécessaires pour la mise en œuvre effective de certaines recommandations.

Ainsi, au-delà de l’instantané que donne le calcul d’un taux de mise en œuvre, il a paru intéressant d’illustrer les recommandations « partiellement mises en œuvre ». Certaines évolutions en cours sont annonciatrices de mesures plus concrètes, comme le montrent les sept cas détaillés ci-après.

a)Le service de santé des armées

Dans son rapport annuel 20128, la Cour avait examiné les suites données au rapport public thématique de 2010 sur le service de santé des armées. Bien qu’initialement le ministère de la défense avait indiqué ne pas partager les constats et recommandations de la Cour, il a fait en 2014 l’objet d’une mise en œuvre de la plupart des recommandations qu’il préconisait, notamment à partir du lancement du projet de réforme du service en juin 2011. Ces recommandations visaient notamment à réduire le déficit financier du service de santé. Restait la question du renforcement de l’autonomie des directeurs d’hôpitaux qui doit intervenir en 2015 sur la base du projet de service qui a été validé par le ministre de la défense le 25 novembre 2013. Il est notamment prévu d’accroître l’autonomie des directeurs d’hôpitaux dans leurs relations avec les hôpitaux civils et les agences régionales de santé.

b)Les achats de maintenance des armées

Depuis 20139, le ministère de la défense a progressé dans la mise en œuvre de la recommandation formulée dans le RPA 2013 et réaffirmée dans un RPT sur le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels militaires en 2014, portant sur le renforcement par redéploiement et la professionnalisation des acheteurs : un référentiel ministériel des emplois et compétences de la « famille achat » a été créé à la fin de 2013 ; la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences a été confiée à la direction générale de l’armement, afin de construire des carrières pour les spécialistes des achats.

De même il a progressé dans la prise en compte du MCO dès la conception des matériels, notamment pour les nouveaux programmes régis par l’instruction 1516 de conduite des programmes d’armement.

Néanmoins, bien qu’étant d’accord sur le principe, le ministère de la défense n’a pas pris les mesures législatives et règlementaires pour renforcer les prérogatives des enquêteurs de coûts lors de l’examen des devis des nouveaux marchés fournis par des industriels en situation de monopole. Il a également refusé de rattacher directement au délégué général à l’armement le bureau enquête de coûts et de créer une contre-expertise en la matière.

c)La révision des décrets statutaires sur le métier enseignant

Dans plusieurs de ses publications successives, la Cour avait insisté sur la nécessité de réviser les décrets statutaires définissant les obligations réglementaires de service et les missions des enseignants, qui n’avaient pas évolué depuis 1950. Le rapport à la commission des finances de l’Assemblée nationale consacré à « L’orientation à la fin du collège : la diversité des destins scolaires selon les académies »10 avait, par exemple, recommandé l’inclusion de la mission d’orientation dans les missions des enseignants. Le rapport public thématique « Gérer les enseignants autrement »11 avait également recommandé l’élargissement des obligations de service des enseignants à l’ensemble des activités effectuées au sein de l’établissement.

Le décret du 20 août 2014 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public d’enseignement du second degré prend en compte ces recommandations et prévoit, outre la mission d’enseignement, des missions directement liées au service d’enseignement (temps de préparation, activités de suivi, d’évaluation et d’aide à l’orientation des élèves, le travail en équipe pédagogique) et des missions complémentaires exercées par certains enseignants. Pour la première fois, les décrets de 1950 ont donc été révisés. Si cette avancée doit être saluée, elle peut également être considérée comme un premier pas pour la mise en œuvre des recommandations du rapport « Gérer les enseignants autrement ».

d)La politique d’hébergement des personnes sans domicile

Pour un même rapport sur la politique publique de l'hébergement des personnes sans domicile12, le degré de mise en œuvre des recommandations est variable : 19 des 25 recommandations sont totalement ou partiellement mises en œuvre.

Ainsi, la recommandation demandant des enquêtes locales annuelles et l’actualisation plus fréquente des enquêtes nationales est partiellement suivie, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du ministère en charge des affaires sociales et de la santé menant plus régulièrement des enquêtes thématiques au niveau national ; il en est de même concernant la mise en place d’une base de données dans la mesure où la direction générale de la cohésion sociale a engagé un chantier en vue de la mise en service d'une application dénommée BDOS (Base de données d'observation sociale) alimentée par les données de gestion des services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO). Cette application a vocation à fournir des statistiques de pilotage du dispositif d'accueil, d'hébergement et d'accompagnement vers l'insertion et le logement de façon anonymisée, en particulier des indicateurs relatifs aux publics accueillis et à leurs parcours. Dans le cadre des travaux préparatoires à cette application, un groupe de travail a été mis en place sur le sujet des nomenclatures et définitions. Par ailleurs, la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) du 24 mars 2014 prévoit qu'un décret en Conseil d'État pris après avis de la CNIL précisera les données et informations que l'État et les personnes morales chargées de la prise en charge des personnes peuvent s'échanger. L'objectif de publication de ce décret est fixé au dernier trimestre 2015.

En outre, la recommandation visant à ramener le délai de traitement des demandes d’asile à 9 mois est partiellement suivie d’effets puisque les délais ont été sensiblement réduits mais n’atteignent pas encore l’objectif.

Enfin, 10 recommandations ont été totalement mises en œuvre comme par exemple la mise en œuvre effective d’un système d’information auprès de la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) permettant d’améliorer les statistiques sur les impayés de loyer.

La Cour a l’intention de réaliser de nouveaux contrôles sur ce sujet prochainement.

e)La permanence des soins

La mise en œuvre des cinq recommandations émises en 201313 dans le chapitre du RALFSS sur la permanence des soins était examinée cette année pour la 1ère fois. Quatre n’ont pas été mises en œuvre et une seulement partiellement.

En dépit de ce résultat insatisfaisant, on note une prise de conscience sur plusieurs des questions que la Cour a soulevées. Le projet de loi de santé déposé au Parlement au mois d’octobre dernier contient en effet deux projets de mesures qui devraient permettre, si elles sont adoptées puis correctement mises en œuvre, d’apporter une suite aux remarques de la Cour sur l’obscurité, la rareté et la confusion de l’information apportée au public. La création d’un service public de l’information en santé devrait tout d’abord conduire à la mise en place d’une base de renseignements unique, gratuite et à jour sur les informations relatives à la permanence des soins, y compris les pharmacies de garde. La définition d’un numéro d’appel national pour joindre un médecin aux heures de fermeture des cabinets médicaux devrait ensuite mettre fin, à terme, à l’extrême complexité du système actuel dénoncée par la Cour, où existent des numéros d’appel différents dans presque tous les départements.

f)La lutte contre le tabagisme

L’évaluation des politiques de lutte contre le tabagisme14 a fait l’objet d’un rapport au Parlement en 2012 assorti de 32 recommandations.

Le premier examen de leur mise en œuvre en 2013 s’était avéré décevant : 23 recommandations n’étaient pas mises en œuvre ; 19 ne le sont toujours pas en 2014. Cependant, l'annonce en septembre 2014 du lancement d'un « programme national de réduction du tabagisme » dans le cadre du projet de loi de santé doit être soulignée, car il comporte de nombreuses mesures qui étaient évoquées dans les travaux de la Cour : la fixation d'objectifs clairs de réduction du tabagisme à horizon de 5 et 10 ans, la mise en place du paquet neutre, l'amélioration de la prise en charge des substituts nicotiniques, la lutte contre le commerce illicite, notamment sur internet. La création d'un fonds dédié aux actions de lutte contre le tabagisme est aussi envisagée, même si son financement n'est pas encore assuré.

La Cour a l’intention de réaliser de nouveaux contrôles sur ce sujet prochainement.

3 -Les refus de mise en œuvre

Certaines recommandations formulées par la Cour des comptes peuvent donner lieu à des refus explicites de mise en œuvre par les administrations concernées.

Dans ce cas, la Cour peut réaliser des contrôles de suivi qui peuvent se traduire par une insertion de suite dans le rapport public annuel (voir chapitres 2 à 4 infra) ayant vocation à alerter sur un dysfonctionnement pérenne.

Elle peut aussi adresser un référé du Premier président de la Cour au Premier ministre ou à un ministre pour lui faire part des observations et recommandations formulées à l’issue d’un contrôle. Ce référé est ensuite transmis à toutes les commissions concernées de l’Assemblée nationale et du Sénat, accompagné des réponses des ministres concernés, puis rendu public.

a)La suppression de la chancellerie des universités de Paris

Depuis plusieurs décennies, la Cour préconisait la suppression des chancelleries des universités, tout en s’interrogeant sur le sort à réserver aux trois plus importantes d’entre elles, notamment celle de Paris. Dans son rapport public annuel 201415, la Cour a recommandé la suppression de la chancellerie des universités de Paris.

Dans sa réponse à la Cour, le ministère a clairement indiqué qu’il ne souhaitait pas donner suite à cette recommandation mais qu’il s’engageait à mettre en œuvre les autres recommandations.

La suppression de la chancellerie des universités de Paris, pour laquelle le soutien total de l’État s’est élevé en 2012 à 1,52 M€ permettrait de réaliser une économie immédiate de 0,24 M€ (subvention pour charges de service public) et indirecte de 1,28 M€ (remise à disposition de personnel au ministère), sans compter les recettes apportées par la vente de biens gérés par l’établissement préconisée par ailleurs, selon les estimations de la Cour.

b)Le référé relatif à la gestion des ouvriers de l’État au ministère de la défense

La Cour des comptes dans son rapport public annuel 201216 recommandait de ne plus recruter d’ouvriers de l’État et préconisait de recourir à d’autres voies pour pourvoir aux besoins dans les métiers techniques. Or, une décision de 2013 permettait le recrutement de 105 ouvriers de l’État en 2014. Face à cette décision de rouvrir le recrutement d’ouvriers de l’État, la Cour des comptes a transmis un référé au Premier ministre pour l’alerter sur les risques que cette mesure faisait courir sur la masse salariale en raison notamment des surcoûts futurs dus au régime de retraite.

c)Le réexamen des justifications de l’abattement pour frais professionnels des journalistes

Cette recommandation figure dans le rapport à la commission des finances du Sénat relatif aux aides à la presse écrite transmis au Parlement en septembre 2013. L’administration justifie le refus de mise en œuvre en indiquant à la Cour que « […] le dispositif répond à une réalité de la profession de journalistes (l’engagement de frais non remboursés) et contribue ainsi à compenser la faiblesse des rémunérations dans le secteur […] ».

B -Le chiffrage des économies potentielles

Au stade de sa formulation, dès lors qu’une recommandation vise à réduire la dépense publique, les économies réalisables doivent, dans la mesure du possible, être chiffrées.

Le suivi annuel permet à la Cour, lorsqu’une recommandation s’y prête, de chiffrer les effets plus ou moins directs de ses interventions antérieures. Dans certains cas, la Cour peut ainsi apprécier les économies potentielles ou effectivement réalisées résultant de la mise en œuvre d’une recommandation qu’elle a formulée. Ces estimations se révèlent difficiles à réaliser et doivent donc être appréciées avec prudence, dans la mesure où un chiffrage fiable suppose souvent un recul de plusieurs années.

Des exemples tirés de rapports récents illustrent les économies réalisables à la suite des recommandations de la Cour.

1 -Les recommandations formulées dans le cadre du rapport public thématique relatif au sport pour tous et au sport de haut niveau

L’analyse des réponses de l’administration au rapport public thématique relatif au développement du sport « Sport pour tous et sport de haut niveau : pour une réorientation de l’action de l’État »17 (2013) révèle une volonté de suivre les recommandations de la Cour. Sur onze recommandations restant à mettre en œuvre (une recommandation a déjà été totalement mise en œuvre en 2013), sept sont en cours de mise en œuvre. Les autres recommandations demandent du temps, soit en raison des actions nombreuses qu’elles nécessitent, soit parce que leur mise en œuvre ne pourra être effective que dans plusieurs années, notamment à l’occasion des prochaines olympiades (en 2016). Seule une recommandation, portant sur la mise en place d’outils de mesure et d’analyse des dépenses sportives et des effets de la pratique du sport sur la santé, l’employabilité et la cohésion sociale n’a pas donné lieu à une réponse formelle du ministre.

Des pistes d’économies potentielles, qu’il n’est pas encore possible de chiffrer précisément, pourraient résulter de la mise en œuvre de ces recommandations :

d’un meilleur ciblage des aides financières personnalisées et des aides à l’insertion professionnelle (1,8 M€ d’aides financées en 2011) ;

de la diminution du nombre de disciplines soutenues par l’État, de la redéfinition des critères d’allocation aux fédérations des moyens financiers (96 M€ de subventions accordés en 2011 à 77 fédérations sportives) et humains (1 680 conseillers techniques placés en 2011 auprès des fédérations pour un coût total de 110 M€), et de la conclusion de conventions d’objectifs pluriannuelles comportant des objectifs partagés et précis.

2 -Les recommandations relatives à l’assurance maladie formulées dans le cadre des rapports sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale

Pour se limiter au seul champ de l’assurance maladie, la Cour a rendu publiques dans ses récents rapports sur la sécurité sociale de multiples recommandations à même de dégager des économies importantes, sans porter atteinte à la qualité des soins, qu’elle a cherché à quantifier comme le montrent les exemples suivants, non exhaustifs.

En matière hospitalière, la Cour a relevé l’importance des économies à attendre d’une amplification de la pratique de la chirurgie ambulatoire, très nettement moins développée dans notre pays qu’à l’étranger. En faire la pratique de référence comme c’est le cas chez nos voisins permettrait par la pleine utilisation des capacités de chirurgie ambulatoire existantes, couplée avec la fermeture des lits conventionnels, dont un tiers ne sont pas occupés, permettrait au terme de réorganisations à conduire plus vigoureusement et plus complètement jusqu’à 5 Md€ d’économies par an.

S’agissant des urgences hospitalières, la Cour a relevé l’importance des passages susceptibles d’être considérés comme relevant en fait d’une consultation en médecine de ville. La réorientation de ces patients vers des médecins libéraux permettrait une économie potentielle de 500 M€ par an.

Dans le domaine du médicament, un recours accru aux médicaments génériques, dont la part de marché est beaucoup plus faible que chez nos voisins, la révision de leur prix, plus élevé qu’à l’étranger, la modification des modalités de rémunération des pharmaciens, très généreuses, autoriserait une économie de 2 Md€ par an. Pour ce qui est des dispositifs médicaux, dont la dépense connaît une croissance très vive, la Cour a identifié différents leviers à même de ralentir substantiellement cette dynamique et de dégager à terme de trois ans 250 M€ d’économies.

En matière de dépenses d’analyses médicales, la Cour estime qu’une action faisant bénéficier l’assurance maladie de façon beaucoup plus déterminée les gains considérables de productivité du secteur, notamment par un regroupement accru des plateaux techniques, permettrait de dégager rapidement 500 M€ d’économies, portant pour moitié sur les dépenses de ville et pour l'autre moitié sur les dépenses de biologie hospitalière.

Dans le domaine des dépenses de transports de patients à la charge de l’assurance maladie qui augmentent systématiquement à un rythme plus soutenu que les autres postes, une action plus ferme sur la prescription, notamment hospitalière, une redéfinition plus stricte de certaines modalités de prise en charge, un contingentement global de l’offre d’ambulances, de véhicules sanitaires et de taxis conventionnés plus rigoureux une lutte contre les abus et les fraudes plus décidés, une réorganisation du système de garde permettrait de réaliser au minimum 450 M€ par an d’économies.

Pour ce qui est des dépenses de gestion administrative, la dématérialisation des feuilles de soins et ordonnances représente un gisement de productivité considérable, qui devrait être beaucoup plus activement et rapidement mobilisé par la caisse nationale d’assurance maladie. La seule généralisation de la feuille de soins électronique permettrait un gain de 4 000 emplois, soit une économie de l’ordre de 200 M€.

S’agissant enfin des délégations de gestion aux mutuelles des prestations d’assurance maladie obligatoire, la Cour a constaté que la qualité de service des mutuelles de fonctionnaires demeure inégale et globalement insuffisante pour une rémunération d’un niveau élevé, en net décalage avec les coûts de gestion des caisses primaires d’assurance maladie. Une reprise en gestion directe par les caisses primaires d’assurance maladie permettrait une économie de l’ordre de 270 M€. S’agissant de la sécurité sociale des étudiants, au regard des profondes difficultés de gestion et du coût de ce dispositif, la reprise de la gestion de la population étudiante par l’assurance maladie autoriserait une économie de près de 70 M€ tout en assurant un bien meilleur service aux étudiants.

Les économies ainsi documentées par la Cour apportent une contribution substantielle au respect de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie et au resserrement progressif de son taux d’évolution au cours des dernières années, en illustrant la diversité des leviers et des options ouvertes pour une maîtrise plus rigoureuse de ces dépenses. Ces pistes ont été en effet toutes reprises par les pouvoirs publics au fil des lois de financement de la sécurité sociale successives, même si toutes les préconisations de la Cour n’ont pas été à ce stade mises en œuvre ou ne le sont encore que partiellement selon une approche progressive et par étapes.

1 41 référés en 2013



2 Cour des comptes, Rapport public annuel 2012, Tome 1, Tracfin et la lutte contre le blanchiment d’argent, p. 197-228. La Documentation française, février 2012, 1 079 p., disponible sur www.ccomptes.fr



3 Cour des comptes, Référé, La Garde républicaine, 7 mai 2013, 3 p., disponible sur www.ccomptes.fr



4 Cour des comptes, Rapport public annuel, 2012, Tome 1. Où vont les écoles normales supérieures ?, p. 553-598. La Documentation française, février 2012, 1 079 p., disponible sur www.ccomptes.fr



5 Cour des comptes, Rapport public annuel 2013, Tome II. Les accidents du travail et maladies professionnelles : les faiblesses de la politique de préhension du régime général de sécurité sociale, p. 338-362. La Documentation française, février 2013, 605 p., disponible sur www.ccomptes.fr



6 Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, Chapitre IV : Le rôle de sages-femmes dans le système de soins, p.173-198. La Documentation française, septembre 2011, 579 p., disponible sur www.ccomptes.fr



7 Cour des comptes, Référé, Les terres agricoles et les conflits d’usage, 16 octobre 2013, 5 p., disponible sur www.comptes.fr



8 Cour des comptes, Rapport public annuel 2012. Tome I, Le service de santé des armées, p.17-43. La Documentation française, février 2012, 1 079 p., disponible sur www.ccomptes.fr



9 Cour des comptes, Rapport public annuel 2013, Tome I, Les achats de maintenance du ministère de la défense : un fort potentiel d’économies, p 9-35. La Documentation française, février 2013, 547 p., disponible sur www.ccomptes.fr



10 Cour des comptes, Communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale : L’orientation à la fin du collège : la diversité des destins scolaires selon les académies, septembre 2012, 243 p., disponible sur www.ccomptes.fr



11 Cour des comptes, Rapport public thématique : Gérer les enseignants autrement. La Documentation française, mai 2013, 211 p., disponible sur www.ccomptes.fr



12 Cour des comptes, Rapport d’évaluation au comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale : La politique publique d’hébergement des personnes sans domicile, novembre 2011, 505 p., disponible sur www.ccomptes.fr



13 Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, Chapitre XII : La permanence des soins, p. 335-363. La Documentation française, septembre 2013, 631 p., disponible sur www.ccomptes.fr



14 Cour des comptes, Rapport au Parlement, Les politiques de lutte contre le tabagisme, décembre 2012, disponible sur www.ccomptes.fr



15 Cour des Comptes, Rapport public annuel 2014, Tome II. La chancellerie des universités de Paris : un établissent public à supprimer, p. 375-428, La Documentation française, février 2014, 428 p., disponible sur www.ccomptes.fr



16 Cour des comptes, Référé, La gestion d’ouvriers de l’État au ministère de la Défense, 7 janvier 2014, 5 p., disponible sur www.ccomptes.fr



17 Cour des comptes, Rapport public thématique, Sport pour tous et sport de haut niveau : pour une réorientation de l’action de l’État. La Documentation française janvier 2013, 230 p., disponible sur www.ccomptes.fr