PRESENTATION

Les systèmes de retraites français et allemands, nés à des époques différentes et inégalement développés par la suite selon des logiques de capitalisation, ont été entièrement réorganisés en adoptant le principe de la répartition respectivement en 1945 et en 1957, de sorte qu’ils sont aujourd’hui comparables dans leur conception d’ensemble.

Ils le sont aussi par les enjeux auxquels ils sont confrontés. Ainsi, au début des années 90, en Allemagne comme en France, leurs difficultés de soutenabilité financière sont apparues avec évidence avec la perspective de l’arrivée à l’âge de la retraite de la génération du « baby-boom ». Ces défis se posent de manière encore plus marquée en Allemagne en raison d’un contexte démographique plus défavorable et se sont doublés, dans ce pays, de l’intégration des Länder de l’Est à des conditions proches des régimes de retraite de l’Ouest. Dans les deux pays, différentes réformes se sont ainsi succédé depuis 25 ans, visant à assurer la pérennité des régimes en jouant sur les différents leviers possibles : bornes d’âge, durée d’assurance requise, taux de cotisation, affectation de nouvelles ressources, modes de calcul et d’indexation des pensions.

Ces univers très proches rendent pertinente une comparaison détaillée, dès lors que sont pris en considération l’ensemble des éléments de contexte, y compris la démographie et les différences de structure des régimes de retraite. Une telle démarche comparative permet de mettre en lumière les choix explicites ou implicites opérés lors des évolutions du système français de retraites, s’agissant en particulier de la répartition des efforts demandés aux parties prenantes et aux différentes générations. Elle souligne aussi la hiérarchie différente des objectifs du pilotage des systèmes de retraites dans les deux pays.

Proches dans leur conception générale, ces derniers n’en présentent pas moins des différences significatives dans leur étendue et leur financement (I). Ils ont été réformés en recourant aux mêmes leviers, mais de manière plus forte en Allemagne, de sorte que le système français est dans l’ensemble plus avantageux et solidaire (II). Les deux pays, dont les modalités de pilotage de leurs systèmes de retraites diffèrent, devront l’un comme l’autre, bien que confrontés à des enjeux démographiques contrastés, consentir de nouveaux efforts pour assurer leur soutenabilité à long terme (III).

Approche méthodologique

Les travaux de la Cour ont été réalisés sur la base de données publiques nationales et internationales.

Du côté allemand, ont été utilisées les données du rapport annuel du ministère des affaires sociales sur la retraite légale1, du rapport quadriennal sur les retraites2, les séries statistiques de la retraite légale3, le rapport annuel de la Deutsche Rentenversicherung, principal régime de retraites allemand (DRV) et le Sozialbudget (document budgétaire annuel décrivant les crédits et les emplois du budget fédéral dans le domaine social).

Du côté français, ont été principalement mobilisés les données de l’INSEE, les travaux du conseil d’orientation des retraites (COR) et ceux de la direction générale du Trésor, les données du rapport sur les retraites de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère des affaires sociales (DREES)4, les rapports de la commission des comptes de la sécurité sociale et les états financiers des principaux régimes de retraite.

S’agissant des données internationales compilées par Eurostat et l’OCDE utilisées dans cette comparaison, elles doivent le plus souvent être considérées avec précaution en raison de conventions et de différences de périmètre. Ont été utilisés notamment le rapport de la Commission européenne et du Comité économique et social « Ageing report 2015 », qui établit des projections de long terme et les rapports « Pensions at a glance » (2013) et « Pension Outlook » (2014) de l’OCDE.

Pour compléter cette approche par des échanges directs, plusieurs réunions ont par ailleurs été tenues avec les administrations allemandes compétentes (ministère des finances, Bundesministerium der Finanzen ( ), ministère des affaires sociales, Bundesministerium für Arbeit und Soziales (BMAS) et la DRV) et plusieurs sources d’expertise (fédération des assureurs, Bundesbank, Institut économique de Cologne, Sozialbeirat5).

I - Des systèmes proches dans leur conception, des différences significatives dans leur étendue

A - Des systèmes de retraites à trois étages, mais d’inégale importance

En France comme en Allemagne, la pension de retraite a un caractère principalement contributif : les actifs versent des cotisations qui, en finançant les pensions des retraités, leur ouvrent en retour des droits à pension. Les retraites constituent dans les deux pays un enjeu financier majeur, supérieur à 10 points de PIB.

1 - Dans les deux pays, des régimes organisés sur une base professionnelle, mais selon des périmètres différents

Il est courant de distinguer un premier étage composé des régimes de base obligatoires, un second formé des régimes complémentaires d’entreprise et un troisième correspondant à de l’épargne retraite individuelle par capitalisation. Toutefois, certains régimes dits « complets » fusionnent régime de base et régime complémentaire. Enfin, aux côtés d’un régime général qui joue un rôle prépondérant, existent des régimes dits spéciaux qui concernent des professions particulières.

Ces distinctions se retrouvent dans les deux pays, mais selon des contours différents et avec des différences substantielles qui sont résumées dans les deux schémas ci-dessous.

Schéma n° 2 :représentation du système de retraites français

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Dans le système français, les régimes de base (fonctionnant pour l’essentiel par annuités) - 24 au total - couvrent l’ensemble des actifs, qui y sont obligatoirement affiliés en fonction de leur activité professionnelle.

Si le régime général des salariés du secteur privé, géré par la caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), est le plus important, réglant près de deux retraites sur trois des régimes de base, il ne verse que 35 % du montant total des pensions. Les principaux autres régimes de base concernent les fonctionnaires de l’État et des collectivités locales, les salariés des entreprises de transport (SNCF, RATP), du secteur maritime et des mines et les travailleurs indépendants : professions libérales, artisans, commerçants et exploitants agricoles.

Hors le cas des régimes « complets » (fonction publique notamment), les régimes de base sont pratiquement toujours assortis de régimes complémentaires, pour la plupart gérés par répartition, dont les plus importants sont ceux gérés pour les salariés par l’AGIRC et l’ARRCO. Les régimes de droit commun des salariés (régime général et régimes complémentaires AGIRC-ARRCO) représentent un peu plus de 60 % du montant total des pensions versées.

Schéma n° 3 : représentation du système de retraites allemand

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

En Allemagne, on retrouve comme en France un régime de base des salariés et des régimes organisés sur une base professionnelle, mais qui se résument plus étroitement à ceux des fonctionnaires d’État, des mineurs, cheminots et marins (Knappschaft-Bahn-See, intégré administrativement au régime général mais présentant des spécificités), des professions libérales6 et des exploitants agricoles.

Le principal régime de base allemand (Deutsche Rentenversicherung, DRV), dit aussi « retraite légale », joue un rôle véritablement central puisqu’il verse à lui seul les trois quarts des prestations de retraite. Au-delà des seuls salariés du secteur privé, il couvre également les contractuels de la fonction publique, les artisans et les artistes (avec des conditions particulières).

Le régime légal allemand, un régime par points

Comme le régime général en France, le « régime légal » allemand est un régime par répartition. En revanche, il fonctionne non pas en annuités, mais par points (comme les régimes complémentaires de salariés AGIRC-ARRCO en France). Une année de cotisation sur une assiette correspondant au salaire moyen donne droit à un point et deux points peuvent être acquis par an au maximum. En 2015, un point équivaut à une retraite mensuelle de 28,61 € dans les Länder de l’Ouest et de 26,39 € dans ceux de l’Est. Toutefois, une affiliation minimale de cinq années est nécessaire pour pouvoir prétendre à une retraite de ce régime, condition qui n’a pas d’équivalent en France.

S’agissant des autres travailleurs indépendants, le régime des professions libérales (1 % des prestations) fonctionne intégralement par capitalisation. Celui des agriculteurs (1 % des prestations) est un régime par répartition largement subventionné.

Par ailleurs, les retraites des fonctionnaires (13 % des prestations) sont payées directement par les employeurs publics concernés (Bund, Länder et communes).

La gouvernance des principaux régimes est identique en France et en Allemagne : la DRV, comme le régime général, relève des pouvoirs publics, tandis que les retraites complémentaires relèvent dans les deux pays des partenaires sociaux.

2 - Une affiliation à un régime de base et des conditions de constitution des droits qui n’ont pas le même caractère d’universalité

En France, l’affiliation à un régime de base est universelle et obligatoire dès lors qu’on exerce une activité professionnelle. Tel n’est pas entièrement le cas en Allemagne. En pratique, les artisans et les principales professions libérales sont soumis à une obligation d’affiliation, mais les autres travailleurs indépendants - commerçants et chefs d’entreprises - en sont dispensés et n’ont donc pas de régime de retraite. Leur nombre est évalué à 3,3 millions de personnes sur les 4,4 millions de travailleurs indépendants, soit 8 % de la population active occupée, alors qu’en France les commerçants et les chefs d’entreprise sont couverts par le régime social des indépendants (RSI, 2,8 millions de cotisants au total). Selon le BMAS, 3 % des personnes de 65 ans et plus (1 % des hommes et 5 % des femmes) ne perçoivent de retraite d’aucune régime (certains pouvant alors bénéficier du minimum social vieillesse
Grundsicherung im Alter, voir infra), tandis qu’en France, les personnes qui bénéficient uniquement de prestations du minimum vieillesse, en l’absence de tous droits contributifs, représentent 0,4 % des retraités (soit 70 000 personnes).

Une autre partie de la population ne bénéficie que d’une couverture partielle. Ainsi, les salaires inférieurs à 450 € (« mini-jobs »), qui concernent cinq millions d’actifs à titre exclusif, donnent lieu dans la plupart des cas à des cotisations réduites, ouvrant elles-mêmes des prestations de moindre niveau7.

En France à l’inverse, tous les actifs sont, en principe, assurés. Certains cotisants n’acquièrent toutefois pas de droits s’ils n’ont travaillé qu’une faible durée. Selon la direction de la sécurité sociale, un million de personnes est concerné par ce type de situation, que la réforme des retraites de 2014 a tendu à limiter en réduisant le montant annuel des salaires nécessaire à l’acquisition d’un trimestre à l’équivalent de 150 heures au SMIC sur l’année contre 200 auparavant.

3 - Des retraites complémentaires généralisées à l’ensemble des salariés du secteur privé en France, mais qui ne bénéficient qu’à une fraction de ces derniers en Allemagne

En France, les régimes complémentaires revêtent pour les salariés du secteur privé un caractère obligatoire et sont de nature interprofessionnelle dans le cadre de l’AGIRC et de l’ARRCO8.

En Allemagne, ce sont principalement les salariés du privé et les contractuels de la fonction publique qui peuvent bénéficier d’une retraite complémentaire. Pour les contractuels de la fonction publique, elle est obligatoire. Pour les salariés du secteur privé, elle ne l’est que dans certaines branches en application de conventions collectives (métallurgie, chimie). Dans les autres cas, il s’agit d’une possibilité à la discrétion de l’employeur. Chaque entreprise définit si et dans quelle mesure, elle contribue à une couverture retraite complémentaire pour ses salariés9. Seule la moitié environ des salariés du privé concernés acquiert des droits au titre d’une retraite complémentaire10.

Compte tenu de la montée en charge de ces dispositifs dans le temps, les retraités actuels du secteur privé n’en bénéficient qu’à hauteur de 25 % pour les hommes et de 11 % pour les femmes. Pour les salariés de l’industrie, des grandes entreprises et des collectivités locales, les couvertures retraite complémentaires sont plus fréquentes. Pour ceux des services et des petites entreprises, elles sont plus rares11. En outre, la retraite complémentaire ne peut être perçue qu’à l’issue de cinq années d’affiliation dans le régime concerné.

Au total, les retraites complémentaires d’entreprise allemandes des salariés du secteur privé représentent un poids financier limité (de l’ordre de 23 Md€12 de prestations et de 35 Md€ de cotisations), tant au regard des régimes complémentaires français de salariés (71,5 Md€ en 2013) que du total des pensions en Allemagne. Ces régimes complémentaires d’entreprise sont gérés par capitalisation (avec différentes variantes en termes de niveau de garantie des prestations et de responsabilité respective de l’entreprise et de l’éventuel prestataire13) et non par répartition, comme c’est le cas en France pour les régimes AGIRC-ARRCO. Près de 500 Md€ de provisions mathématiques seraient constituées en Allemagne à ce titre14.

Les régimes complémentaires sont donc de nature très différente dans les deux pays, obligatoires et généralisés en France au même titre que le régime de base, facultatifs et relevant d’accords de branche ou d’entreprise en Allemagne où l’existence et le niveau des retraites complémentaires en faveur des salariés sont fonction de la situation propre des différentes branches et entreprises.

Le régime allemand se distingue ainsi par un moindre degré de généralisation de la couverture du risque vieillesse, au niveau du régime de base et plus encore des régimes complémentaires.

L’interprétation des données relatives à la part des retraites dans le PIB

Compte tenu des différences de couverture des régimes et de facteurs démographiques, les données agrégées suivantes doivent être interprétées avec précaution. De surcroît, elles couvrent des champs différents et portent sur des années également distinctes.

Un premier agrégat, calculé par l’OCDE, évalue la part dans le PIB des « dépenses publiques de pension », définies comme les dépenses afférentes aux prestations de retraite (hors invalidité) servies par des régimes applicables à la grande majorité de la population concernée et pour lesquelles le gestionnaire n’est pas mis en concurrence. Selon cette définition, en 2009, la France consacrait 13,7 % de son PIB aux retraites et l’Allemagne 11,3 %. Mais ces données, par construction, ne tiennent pas compte des prestations versées par les régimes complémentaires allemands (environ 1,3 % du PIB) alors qu’elles intègrent celles des régimes complémentaires français (environ 4 % du PIB).

Un second agrégat, calculé par Eurostat, mesure la part dans le PIB de l’ensemble des dépenses de pension de retraite (et d’invalidité) non seulement publiques, mais aussi privées. Il s’élevait en 2012 à 15,2 % du PIB en France (308 Md€) et 12,3 % du PIB (328 Md€) en Allemagne15.

Exception faite des retraites complémentaires (généralisées en France, couvrant un champ partiel en Allemagne), les dépenses de retraite ont donc un poids comparable dans les deux pays, voisin de 11 % de PIB. Les écarts usuellement observés tiennent donc principalement soit à l’absence de prise en compte des retraites complémentaires allemandes, soit à leur attribution à une partie seulement des retraités en Allemagne.

4 - Des tentatives de généralisation de l’épargne individuelle dans les deux pays

a)En Allemagne : les plans « Riester »

L’Allemagne a développé un « troisième étage » d’épargne individuelle. En effet, la réforme du système de retraites de 2002 a introduit un nouveau type de dispositif, le plan « Riester » 16, qui bénéficie à la fois d’un régime fiscal avantageux et d’une subvention budgétaire17.

Les plans Riester en Allemagne

Si plusieurs enveloppes juridiques sont possibles18, les dispositifs d’épargne doivent cependant tous offrir une sortie principalement en rente (avec un maximum de 30 % de sortie en capital possible, sauf lorsque les montants investis sont trop faibles pour justifier une sortie en rente), en cohérence avec leur vocation à procurer un revenu de remplacement. Ils doivent également faire en sorte que le capital accumulé au moment du départ en retraite préserve les montants investis et les subventions accordées, diminués des frais de gestion. Ils peuvent présenter des profils de risque différents, au choix du souscripteur, sous réserve de respecter ces conditions.

Depuis leur introduction, les plans Riester ont été souscrits par près de 16 millions de personnes, soit près de 33 % de la population active. Le coût global du dispositif est de l’ordre de 4 Md€ par an (1,1 Md€ par an du fait des montants déduits du revenu imposable19 et 2,7 Md€ par an d’aide directe20). Les montants investis s’élevaient à 48 Md€ fin 201321.

En Allemagne, plusieurs études ont critiqué un manque de clarté dans les produits proposés aux assurés22, les hypothèses actuarielles retenues et le niveau des frais de gestion23. La crise financière de 2008-2009 et désormais la faiblesse des taux d’intérêt (le taux garanti des plans Riester est désormais de 1,25 % alors que les frais de gestion atteignent eux-mêmes 1 % par an) affectent aussi l’attractivité du produit. Le taux de contrats non alimentés est passé de 15 % à près de 20 % entre 2011 et 2014. Le nombre de contrats stagne depuis plusieurs années et moins de 3 % du revenu est investi en moyenne par les bénéficiaires, ce qui est inférieur à l’hypothèse initialement retenue.

b)En France : les dispositifs d’épargne retraite par capitalisation

En France, les dispositifs d’épargne par capitalisation destinés explicitement au financement d’un complément de retraite ont visé successivement des catégories de population spécifiques et se sont superposés au fil du temps24.

S’agissant des dispositifs individuels, l’offre a longtemps été limitée à certaines professions25. Pour les dispositifs collectifs, différentes formules étaient prévues par le code général des impôts (dits des articles 39, 82 et 83), mais connaissaient une diffusion limitée.

L’introduction dans le cadre de la réforme des retraites de 2003 du plan d’épargne retraite populaire (PERP) dans le cadre individuel et du plan d’épargne pour la retraite collectif (PERCO) dans le cadre professionnel et collectif a marqué la volonté de généraliser ce type de produit, dans le sillage de l’introduction des plans Riester en Allemagne. Ces dispositifs bénéficient d’incitations fiscales (déductibilité des versements, fiscalité dérogatoire sur les plus-values réalisées), mais pas de subventions budgétaires. Leur coût budgétaire serait de l’ordre de 2 Md€26, soit la moitié environ du coût budgétaire des plans Riester.

Les dispositifs de retraite supplémentaire facultatifs en France dans le cadre professionnel 

Cinq types de contrats d’épargne retraite peuvent être distingués :

- les contrats d’entreprise dits de l’« article 39 » du code général des impôts (CGI) : ils sont à prestations définies, l’entreprise s’engageant soit à verser une somme donnée, soit à compléter les pensions perçues par ailleurs jusqu’à un niveau donné (retraite « chapeau »). Le nombre d’adhérents n’est pas connu. Les provisions mathématiques à ce titre atteignaient 36 Md€ en 201227 ;

- les contrats dits de l’« article 82 » du CGI, à cotisations définies, à adhésion facultative, abondés par l’employeur et dont les cotisations sont imposables au titre de l’impôt sur le revenu. On compte en 2012 entre 150 000 et 200 000 adhérents à des tels contrats pour des provisions mathématiques de 3,6 Md€ ;

- les contrats dits de l’« article 83 » du CGI, à cotisations définies, à adhésion obligatoire, dont les cotisations sont exonérées de l’impôt sur le revenu et des charges sociales. Il s’agit du dispositif le plus important, avec 51 Md€ de provisions et près de 4 millions de bénéficiaires ;

- les plans d’épargne retraite entreprise, adossés à un « article 83 », permettant d’épargner des sommes volontairement en sus des cotisations prévues par le plan de l’article 83 (135 000 adhérents, 500 M€ de provisions) ;

- les plans permettant au salarié d’investir dans différents supports, avec un abondement de l’entreprise (1,25 million de contrats, 6,7 Md€ de provisions), les versements issus de la participation et de l’intéressement étant déductibles des revenus (PERCO).

Les réformes de 2003 ont ainsi eu l’ambition de poser les bases d’un « troisième étage » pour une large partie de la population, dans le contexte d’une réforme plus globale du système de retraites. Pour autant, cet objectif a été encore moins atteint qu’en Allemagne. En effet, le nombre de contrats PERCO ou de PERP ouverts (2,2 millions de contrats pour 8,2 Md€ investis) demeure modeste par rapport à celui de la population concernée et les montants capitalisés à ce titre restent assez réduits. Toutefois, au titre de l’ensemble des dispositifs, les provisions mathématiques accumulées en France demeurent supérieures à celles des contrats Riester, du fait de la plus grande maturité de certains d’entre eux.

La Cour28 a eu l’occasion de mettre en évidence les limites de ces dispositifs pour la France. L’information fournie aux épargnants sur les niveaux de risque pris au travers de ces produits est parfois insuffisante, alors même qu’ils sont parfois élevés. En raison de la nature de leur exposition, ces produits ont pu être sensiblement affectés par les crises financières. Par ailleurs, le défaut de ciblage des dispositifs se traduit par des effets d’aubaine. Ce sont les catégories socio-professionnelles les plus favorisées qui recourent le plus à ces dispositifs. Des limites de nature identique ont été observées en Allemagne au titre des plans « Riester ».

Toutefois, comparer la diffusion des placements spécifiquement destinés à la préparation de la retraite ne peut fournir qu’une image partielle du « troisième pilier ». En effet, les comportements d’épargne en vue de la retraite ne se manifestent pas seulement au travers des produits explicitement destinés à assurer un complément de pension, mais aussi de nombreux autres placements - immobilier, assurance-vie… - dont certains peuvent aussi bénéficier d’incitations fiscales. Selon les enquêtes29, la préparation de la retraite est de fait le principal motif de souscription d’une assurance-vie. À cet égard, les provisions mathématiques des contrats d’assurance-vie français dépassent 1 500 Md€30 alors qu’elles sont de l’ordre de 850 Md€ en Allemagne et au total, le patrimoine financier par tête est plus élevé en France qu’en Allemagne31. Le « troisième pilier » allemand n’est donc pas véritablement plus substantiel qu’en France. Il est seulement plus explicite et davantage porté par un produit-phare d’introduction récente.

B - Une application différenciée des principes de contributivité et de solidarité

1 - Un poids des cotisations retraite dans le coût du travail équivalent dans les deux pays pour des situations comparables

En France, pour le régime de base, une partie de la cotisation est calculée sur le salaire déplafonné (1,80 % de cotisation patronale et 0,30 % de cotisation salarié) et l’essentiel sur le salaire plafonné (le plafond de la sécurité sociale s’élevant à 3 170 € par mois en 2015), au taux de 8,50 % pour la part patronale et 6,85 % pour la part salariale. Le taux de cotisation total du régime de base est donc, sous le plafond, de 17,45 %.

Pour le régime de base DRV, en Allemagne, le taux global de cotisation à l’assurance légale sur la rémunération brute (sous un plafond équivalent au double du salaire moyen, soit 6 050 € mensuels) était au 1er janvier 2015 de 18,7 % (donc voisin du taux français), réparti à parité entre les employeurs et les salariés, selon une clé de répartition inchangée depuis l’origine.

S’agissant des retraites complémentaires, le calcul des cotisations des régimes AGIRC-ARRCO fait intervenir plusieurs taux selon les tranches de revenus et le régime concerné. Au total, pour l’ensemble des pensions versées (base et complémentaire), dans le cas-type d’un non-cadre du secteur privé32, le taux de cotisation effectif global, cotisations patronales et cotisations patronales confondues, est selon le Conseil d’orientation des retraites de 25,5 %33 (hors AGFF34) et de 27,5 % en l’incluant. Dans le cas d’un cadre au maximum de cotisation, soit une rémunération de 8 plafonds de la sécurité sociale, le taux de cotisation total s’établit à 24,3 % et à 25,2 % (hors AGFF) pour une rémunération atteignant quatre fois le plafond.

En Allemagne, lorsqu’une retraite complémentaire existe, le taux de cotisation des employeurs varie avec chaque entreprise, l’employeur assurant l’essentiel du financement. Selon le Sozialbudget 2013, les salariés du secteur privé contribuaient à hauteur de 4,5 Md€ seulement sur un total de 35 Md€ de cotisations ; les contractuels de la fonction publique cotisaient à leur régime spécifique à hauteur de 1 Md€ seulement sur un total de 17 Md€ de cotisations.

Une étude de l’Institut d’économie de Cologne35 évalue le surcroît de coût correspondant, dans l’industrie, à 5,6 % des salaires des entreprises à l’Ouest et à 2,6 % à l’Est, soit au total à 5,3 % en moyenne en Allemagne. Un salarié du secteur privé sur deux acquérant des droits à une couverture complémentaire, cette estimation suggère que celle-ci appelle en moyenne un prélèvement de l’ordre de 10 % sur le salaire brut.

En Allemagne, si la cotisation totale acquittée est de 18,7 % lorsque les entreprises n’offrent pas de complémentaire à leurs salariés, ce taux étant inférieur à celui constaté en France, elle atteindrait ainsi de l’ordre de 28 % si elles l’ont fait (notamment dans l’industrie et les grandes entreprises), ce niveau étant alors équivalent au taux français.

Ces comparaisons ont toutefois une limite : les taux de cotisation ne sont pas forcément représentatifs de la pression exercée par le financement des retraites sur la compétitivité de l’économie du point de vue de l’entreprise, dans la mesure où interviennent, particulièrement en France, des mesures d’allègement de charges sur les salaires jusqu’à 1,6 SMIC36, alors qu’ils sont concentrés en Allemagne sur les « mini » et « midi-jobs » (jusqu’à 850 € mensuels).

2 - Une part plus importante en France qu’en Allemagne des prélèvements assis sur les salaires pour financer les retraites du secteur privé

S’agissant du régime général des salariés du secteur privé, les cotisations représentent 63 % des 105 Md€ de recettes des régimes de base et complémentaires, comme le montre le tableau ci-après. Le solde est constitué de prises en charge de cotisations et de prestations par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), de transferts de la branche famille et d’autres régimes de sécurité sociale, de contributions sociales et d’autres impôts et taxes affectés, sans pour autant équilibrer le régime, son déficit représentant 9 % des recettes. Si l’on étend le périmètre aux retraites complémentaires AGIRC-ARRCO, les cotisations représentent alors 77 % des ressources des régimes de retraite des salariés.

Schéma n° 4 : financement de la retraite des salariés du secteur privé en France (2013)

[Schéma à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Une analyse de nature plus économique est possible en prenant en compte l’assiette sur laquelle sont prélevées les contributions sociales et les concours financiers du FSV, de la branche famille et d’autres régimes. Une part prépondérante de ces ressources est assise sur une assiette salariale37. Après prise en compte de celle-ci, le financement de la branche vieillesse du régime général de sécurité sociale repose à 79 % sur les salaires38. Pour l’ensemble des retraites - base et complémentaires - des salariés du secteur privé, cette part atteint 88 %.

Sur un plan économique, la part du financement des retraites des salariés du secteur privé par des ressources assises sur une assiette non salariale est d’autant plus faible en France, qu’une part prépondérante des impôts et taxes a été affectée au régime général afin de compenser des allègements de cotisations sociales, même si le lien juridique de cette affectation a été par la suite rompu (2011). Pour 2014, l’ACOSS estime à 8,2 Md€ le coût des allègements de cotisations sociales d’assurance vieillesse, historiquement compensés par des impôts et taxes affectés, soit un montant supérieur à ces derniers (7,1 Md€).

Dans le régime légal allemand des concours publics assurent comme en France la prise en charge de prestations ne relevant pas directement de l’assurance, ou correspondent à des contributions acquittées par l’État lui-même. On distingue d’une part :

les subventions de l’État fédéral (Bundeszuschüsse), représentant en 2014 près de 60 Md€, qui correspondent à la prise en charge de différentes dépenses relevant de la solidarité : validation de périodes de maladie, départs à la retraite avant 65 ans sans décote. Depuis la fin des années 1990, cet apport de la puissance publique s’est accru d’une subvention dite additionnelle, provenant d’un point de TVA affecté, auquel s’est ajouté en 2000 le produit d’une taxe sur l’énergie acquittée par les entreprises les plus polluantes. Chacune de ces deux composantes représente en 2014 environ 10 Md€ ;

des « compensations spécifiques » (20 Md€ environ) : subvention d’équilibre à hauteur de 5,5 Md€ en 2014 aux régimes spéciaux intégrés à l’assurance légale (cheminots, mineurs, marins etc.39), compensation des points attribués aux mères pour compenser l’effet de l’éducation des enfants sur leur vie professionnelle (11,5 Md€ en 2014), prise en charge de diverses dépenses liées à la réunification40 (4 Md€ en 2014).

Schéma n° 5 :financement de la retraite des salariés du secteur privé en Allemagne (2013)

[Schéma à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

La DRV est financée à 69 % par des cotisations et à 31 % par des concours publics. Si l’on prend en compte la retraite complémentaire (Betriebsrente), le taux de financement du système par les cotisations atteint 72 %.

Dans la mesure où les recettes du budget fédéral allemand ne pèsent pas substantiellement sur le coût du travail, ces taux apparents sont vraisemblablement proches de la proportion du financement pesant effectivement sur le coût du travail en Allemagne41. Ils sont nettement inférieurs à ceux observés en France.

Par ailleurs, les coûts de gestion sont assez comparables dans les deux pays entre le régime général français (où ils se montent à 1,2 % des dépenses) et la DRV (1,4 % des dépenses). Les coûts de l’AGIRC ARRCO sont plus élevés (1,7 % des cotisations).

3 - En Allemagne, des transferts moins importants qu’en France au bénéfice des autres régimes de base

Dans les deux pays, l’existence de régimes particuliers aux côtés du régime général soulève des questions spécifiques de financement, lorsque ces derniers font face à une démographie particulièrement défavorable. Des transferts et des mécanismes de solidarité inter-régimes ont ainsi été mis en place.

En 2013, les transferts de compensation entre régimes de base en France ont représenté près de 8 Md€ (essentiellement au bénéfice des régimes agricoles et à partir du régime général). Les subventions de l’État aux régimes spéciaux ont atteint 7,6 Md€, bénéficiant selon les données du COR principalement aux régimes de la SNCF (43,6 %), des ouvriers d’État (17,4 %), des mines (17,4 %), des marins (11 %) et de la RATP (8,2 %), qui servent une pension à environ 900 000 personnes au total.

En Allemagne, selon le rapport de la DRV pour l’année 2013, des pensions d’un total de 7,6 Md€ ont été versées au titre du régime spécial intégré des mineurs, cheminots et marins, dont un peu plus de 70 % du montant global est financé par une subvention de l’État fédéral (soit 5,5 Md€) et environ 20 % par un transfert de compensation inter-régimes. Les retraites du régime spécial des entrepreneurs agricoles - 2,8 Md€ en 2011 - ne sont pas non plus couvertes par les cotisations et bénéficient d’une subvention de l’État fédéral d’un montant de 2,2 Md€. Ainsi, les subventions aux régimes spéciaux sont du même ordre de grandeur en France et en Allemagne, mais les transferts de compensation sont plus élevés dans notre pays, sous l’effet principalement d’un nombre de bénéficiaires plus important dans les régimes agricoles.

Tableau n° 90 : transferts de l’État et des régimes de sécurité sociale vers d’autres régimes en 2013

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Les retraites des fonctionnaires en France et en Allemagne

La fonction publique d’État42 constitue dans les deux pays un enjeu financier comparable en montant (44 Md€ de prestations en Allemagne en 2013 pour 1,7 million de pensionnés, 47 Md€ en France pour 2,2 millions de pensionnés), alors même que les fonctionnaires allemands sous statut sont moins nombreux.

Le droit allemand établit une différence de principe entre les retraites de droit commun, qui n’ont pas pour objectif un maintien relatif du niveau de vie et la retraite des fonctionnaires, qui conserve cet objectif dans une certaine mesure (Alimentationsprinzip). Ainsi, les fonctionnaires d’État allemands (Beamten) obtiennent pour chaque année de carrière 1,79375 % de la rémunération correspondant à leur dernier poste (assiette : traitement de base + une partie des primes variable selon les professions), avec un maximum de 71,75 % (correspondant à 40 ans d’activité), mais leur durée minimale d’affiliation s’accroît dans l’ensemble en cohérence avec celle du régime légal43. Ce calcul ne fait pas intervenir de plafond, à la différence de celui de la DRV. Selon une récente étude, les taux de remplacement nets effectifs s’étageraient entre 65 % et 74 %44. Depuis un changement constitutionnel survenu en 2006, les paramètres du régime allemand pour les futurs retraités peuvent donc varier selon que leur employeur est l’État fédéral, tel ou tel Land, ou telle ou telle commune.

Le budget fédéral allemand assure entièrement la charge des pensions des fonctionnaires retraités, les fonctionnaires allemands ne versant pas de cotisations. À l’inverse, les fonctionnaires français acquittent une cotisation (9,54 % en 2015, avec un alignement progressif en cours sur celles du secteur privé jusqu’à 10,80 % en 2020), qui complète celle de l’État employeur. Si 35 Md€ sont effectivement directement supportés par l’État employeur, les cotisations des fonctionnaires apportent au régime des pensions 12 Md€.

Pour les fonctionnaires français, au terme de la durée de cotisation du droit commun, un taux de 75 % s’applique, mais au dernier traitement indiciaire brut hors primes, celles-ci pouvant représenter un niveau substantiel de la rémunération. Comme en Allemagne, il n’existe pas de plafond. Il en résulte, en France, une grande disparité de taux de remplacement selon les types de profil, de 50 % à 75 %45.

L’âge effectif de départ des fonctionnaires allemands n’est pas significativement différent de celui des autres actifs selon le BMAS. En France au contraire, un écart de deux ans est à relever au bénéfice des fonctionnaires46. Compte tenu d’une proportion plus forte d’emplois à rémunération élevée dans la fonction publique allemande par rapport à la fonction publique française, la pension moyenne y est supérieure de près d’un quart (de l’ordre de 2 300 € par mois en Allemagne47 contre 1 900 € par mois en France). La pension des fonctionnaires allemands est intégralement fiscalisée, à la différence de celles des retraités de la DRV (voir infra) ; le régime français n’opère quant à lui pas de distinction avec les autres retraités, toutes les pensions étant soumises à l’impôt sur le revenu.

II - Des réformes d’intensité différente, une situation contrastée des retraités

A - Des réformes qui ont mobilisé tous les leviers dans les deux pays, mais selon un rythme et une ampleur différents48

1 - En France, une succession de réformes paramétriques avec un objectif de soutenabilité accrue

En France, le Livre blanc sur les retraites a mis publiquement en lumière pour la première fois en 1991 le constat des grandes difficultés prévisionnelles de soutenabilité du système de retraites du fait des évolutions démographiques. Les premières réformes de grande ampleur sont intervenues en 1993, sans attendre l’apparition de déficits : changement des règles de calcul des pensions (indexation des salaires portés au compte de carrière sur les prix et non plus sur les salaires, prise en compte de la moyenne des salaires des 25 meilleures années au lieu des 10 meilleures), modification des modalités de revalorisation des retraites (indexation sur les prix au lieu des salaires), augmentation de la durée d’assurance de 37,5 à 40 ans.

Par la suite, des ajustements paramétriques sont intervenus régulièrement, portant sur un champ diversifié :

- poursuite de l’accroissement progressif de la durée d’assurance, passant de 40 à 41,5 ans (réforme de 2003), puis à 43 ans pour la génération née en 1973 (réforme de 2014) ;

- recul progressif, mais rapide, de l’âge de la retraite, passant sur six années de 60 à 62 ans en 2017. L’âge d’obtention du taux plein a reculé parallèlement de 65 à 67 ans (loi du 9 novembre 2010 et loi de financement de la sécurité sociale pour 2012) ;

- modifications temporaires du mode d’indexation des pensions (depuis le changement intervenu en 1993) : gel d’un an en 2014 (dans un contexte de faible inflation) et accords de sous-indexation portant sur certaines années à l’AGIRC-ARRCO (notamment en 1996 et en 2014) ;

- hausses de cotisations, tant à l’AGIRC-ARRCO que dans le régime général, assez sensibles au début des années 1990, plus modérées ensuite.

Par ailleurs, comme déjà indiqué, le développement de l’épargne retraite individuelle a été encouragé en 2003, avec un succès limité.

En termes de répartition de la charge des réformes entre les parties prenantes, c’est la réforme des modalités d’indexation intervenue en 1993 qui a eu les effets les plus massifs49. Ceux-ci ont été supportés à la fois par les assurés déjà retraités (au titre de l’indexation des pensions) et par les retraités futurs (au titre de l’indexation des salaires portés au compte de carrière). Par la suite, les réformes du régime de base ont peu mis à contribution les retraités et ont fait porter l’essentiel de l’effort sur les actifs par le recul des bornes d’âge50.

2 - En Allemagne, des réformes visant plus explicitement à préserver la compétitivité des entreprises

À la fin des années 80, les prévisions ont fait apparaître que, compte tenu de ses paramètres, pour certains sans équivalent en France51, le régime légal n’était pas viable, sauf à porter le taux de cotisation à 40 % à horizon de 2030 pour le financer52. La réunification a toutefois différé la réforme jusqu’en 1992, si bien que les deux pays ont adopté au même moment de premières mesures de grande ampleur d’adaptation de leurs systèmes de retraites.

Soumise à des perspectives démographiques nettement plus dégradées que la France (voir infra), l’Allemagne a fait d’emblée, en 1992, le choix de reculer à compter de 2001 l’âge de départ en retraite sans décote de 60 ans pour les femmes et 63 ans pour les hommes (avec 35 ans de cotisation) à 65 ans dans le cas général53.

À partir de la fin des années 1990, dans un contexte économique dégradé, l’Allemagne a fait un ensemble de choix économiques plaçant la préservation de la compétitivité des entreprises au premier rang des priorités, y compris en matière de niveau et de financement des retraites. Cette évolution est intervenue en trois étapes :

- tout d’abord, la réforme Blüm de la fin des années 1990 a mis en œuvre une forte hausse des concours de l’État à la DRV dans le but de baisser le taux de cotisation à la retraite légale (lesquels ont été alors plafonnés à 24 %) et a mis fin à l’indexation sur les salaires bruts au profit d’une indexation sur les salaires nets, référence moins favorable compte tenu de l’évolution des taux de cotisation ;

- depuis la réforme Riester de 2001, les pensions ont été revalorisées à nouveau en fonction des salaires bruts, mais aussi des dépenses des salariés au titre de leur plan Riester54. En contrepartie, un soutien à la capitalisation privée a été mis en œuvre. Les plans Riester sont ainsi apparus comme appelés à contrebalancer la quasi-totalité de la baisse anticipée du taux de remplacement dans le régime légal (baisse évaluée alors à 10 points à l’horizon 2030, 12 à 13 points à l’horizon 204055), sous réserve que les bénéficiaires y investissent le montant cible (1 % en 2001, porté progressivement à 4 % à partir de 2008) ;

- en dernier lieu, le mode d’indexation a à nouveau été modifié en 2004 afin de prendre en compte également l’évolution du rapport entre actifs et retraités (Nachhaltigkeitsfaktor).

Avec ces deux dernières réformes, l’Allemagne a assumé ouvertement que la retraite légale n’avait plus pour objectif de maintenir un niveau de revenus proche de celui obtenu pendant la vie active (un taux de remplacement de l’ordre de 70 % constituait jusqu’alors une référence implicite)56. Les principes fondamentaux du régime n’ont pas été modifiés (régime obligatoire financé par répartition sur la base de cotisations et de subventions de l’État), mais la préservation du pouvoir d’achat des retraités actuels et futurs a été considérée comme un objectif moins prioritaire que celui de compétitivité économique.

Par la suite, les réformes ont joué de nouveau sur les bornes d’âge, avec en 2007 le recul progressif à 67 ans de l’âge de départ à taux plein et le passage de 43 à 45 ans de la durée d’assurance pour une retraite sans décote. Ce recul des bornes d’âge de deux ans (de 65 à 67 ans pour l’âge légal du taux plein, de 43 à 45 ans pour la durée d’assurance) ne prendra toutefois effet que pour la génération 1964.

Les travaux statistiques de la DRV montrent que ce sont les réformes de 1992 consistant à reculer progressivement l’âge de la retraite à taux plein à 65 ans à compter de 2001 (et donc portant sur les actifs partant en retraite après cette même année) qui ont eu l’impact le plus important en matière de soutenabilité. Pour autant, les retraités allemands ont été très significativement mis à contribution dans les réformes successives : changement de mode d’indexation qui a entraîné une baisse en termes réels du montant de leurs pensions, report sur les retraités de la totalité de la cotisation dépendance, report du paiement des pensions des nouveaux entrants en fin de mois. En outre, il est mis fin de manière progressive à leur régime fiscal privilégié.

En définitive, soumise à des perspectives démographiques nettement moins favorables et cherchant à réduire la charge du financement des retraites sur le coût du travail, l’Allemagne a joué sur les mêmes paramètres que la France (bornes d’âge, indexation) et dans un calendrier comparable, mais de manière sensiblement plus appuyée.

Dans les deux pays, des formes récentes et ciblées d’assouplissement des conditions d’âge

Dans les deux pays, les conditions d’âge ont été assouplies de manière ciblée au début des années 2010.

En Allemagne, ces assouplissements pouvaient se fonder sur près de dix ans d’excédents de l’assurance légale. Le Rentenpaket, d’un coût annuel de 9 Md€ dès 2015 pour atteindre jusqu’à 11 Md€ en 2030, a consisté à abaisser l’âge plancher de liquidation au taux plein pour les assurés totalisant 45 années de cotisation, cet âge étant ramené de 65 à 63 ans (pour la génération 1953), puis appelé à remonter progressivement (pour atteindre de nouveau 65 ans pour la génération 1964) et à attribuer un point supplémentaire par enfant aux femmes ayant élevé des enfants (Mütterrente) nés avant 1992, cette seconde mesure étant la plus coûteuse.

Les deux mesures n’ont que des effets transitoires, afin de ne pas dégrader la soutenabilité de long terme du régime.

En France, le décret de juillet 2012, d’un coût estimé à 3 Md€ pour les régimes de base en cumul jusqu’en 2017, a élargi le dispositif « carrières longues » introduit par la réforme de 2003 et ouvrant des possibilités de départ à la retraite avant l’âge légal, mais, à la différence de l’Allemagne, dans un contexte de déficit récurrent et non d’excédent. À terme, cette dépense supplémentaire devrait toutefois voir son incidence contrebalancée par la réforme de 2014 augmentant les cotisations et poursuivant l’augmentation de la durée d’assurance.

B - Des conditions d’accès et des prestations souvent plus favorables en France

Le régime de base français est moins avantageux que le régime légal allemand sur le point important du niveau des plafonds. Il apparaît en revanche plus favorable sur plusieurs points déterminants : âge de départ à la retraite à taux plein, prise en compte du chômage, existence de minima.

1 - Des retraites de base plafonnées à un niveau inférieur
en France

Le calcul de la retraite légale allemande fait intervenir un plafond au niveau du double du salaire moyen, qui revient à plafonner les pensions à 2 645 € par mois (en 2015, Länder de l’Ouest). Par comparaison, la retraite de base française est plafonnée à un demi-plafond de la sécurité sociale, soit 1 585 € par mois (en 2015).

2 - Des possibilités de départ plus précoces en France, mais un avantage appelé à se réduire

Là où en France le débat sur les retraites se concentre sur un âge de départ en retraite relativement bas (62 ans dès 2017), alors même qu’une partie significative des assurés devra accepter une décote pour liquider ses droits à cet âge, l’Allemagne a longtemps préféré communiquer sur un âge de départ sans décote tardif au terme des réformes en cours (67 ans en 2031).

Bien que l’âge de départ à la retraite soit relativement bas en France, les situations sont en réalité plus proches qu’il n’en paraît au premier abord. En outre, les bornes d’âge et la durée d’assurance n’interagissent pas de la même manière dans les deux systèmes.

En France, dans le régime général, la pension peut être liquidée dès l’atteinte de l’âge minimum de départ (61 ans et 7 mois pour la génération 1954, 62 ans pour la génération 1955) sur la base de la rémunération moyenne perçue au cours des 25 meilleures années de la carrière. Si la durée d’assurance est inférieure à la durée de référence maximale (qui augmente de 165 trimestres pour la génération 1954 à 172 pour la génération 1973), une décote57 de 5 % par année d’assurance manquante est appliquée au taux de liquidation, sauf lorsque l’âge du « taux plein » est atteint (67 ans pour la génération 1955). Pour le calcul de la pension, le montant obtenu est ensuite affecté d’un coefficient rapportant la durée d’assurance effective à la durée d’assurance maximale. Un départ à 60 ans est possible dans certains cas (carrière longue commencée jeune).

En Allemagne, à l’issue des dernières réformes, les conditions d’âge interagissent de manière différente comme le montre le tableau ci-après.

Tableau n° 91 : les conditions d’âge dans le régime légal allemand

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Au total, les statistiques relatives à l’âge effectif de départ à la retraite font apparaître un écart de l’ordre de deux années entre les deux pays : selon les données du COR, les retraités du régime général nés entre 1938 et 1946 ont en moyenne liquidé leurs droits à 61,5 ans ; cet âge a atteint 62 ans en 2013. Le dernier rapport annuel de la DRV montre que la majorité des assurés allemands liquide ses droits à 65 ans et que la moyenne est de l’ordre de 64 ans.

Les simulations effectuées par le COR58 sur la base d’une carrière complète mettent en évidence qu’à l’issue des réformes en cours dans les deux pays (à l’échéance plus proche en Allemagne qu’en France car portant sur la génération née en 1964 au lieu de 1973), seules les personnes ayant commencé à travailler de manière précoce bénéficieront encore en France d’un avantage significatif.

Graphique n° 36 : âge de départ à taux plein possible en fonction de celui de début d’activité ; génération partant à la retraite actuellement et au terme des réformes en cours

[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Cet écart en faveur des retraités français, dans il est vrai un contexte démographique plus favorable, tend cependant à se resserrer, ce que corrobore le « Ageing report 2015 » de la Commission européenne, qui prend en compte un indicateur d’âge de sortie du marché du travail59.

Tableau n° 92 : âge effectif de sortie du marché du travail, 2014 et projection 2040

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

3 - Des dispositifs de solidarité dans l’ensemble plus marqués en France au niveau des régimes de base

Dans le système français de retraites, la dimension de solidarité de la retraite est principalement assurée par le régime de base, les régimes complémentaires étant de nature essentiellement contributive. Il en va de même dans les régimes allemands, où la retraite légale concentre l’essentiel des dispositifs relevant de la solidarité.

En France, les périodes de chômage non indemnisé sont prises en compte dans le régime général dans la limite d’un an et demi pour la première période (d’un an ensuite, pour peu qu’elle soit suivie d’une période de cotisation), alors qu’elles ne le sont pas du tout en Allemagne. Les périodes de chômage indemnisé ouvrent droit à la retraite dans les deux pays, mais la durée maximale d’indemnisation est plus longue en France60, ce qui accroît les droits susceptibles d’être acquis durant une période de chômage prolongé. En outre, en France, le montant de l’allocation chômage n’a pas d’incidence sur le calcul de la retraite, alors qu’en Allemagne, les points acquis au cours des périodes de chômage font l‘objet d’un abattement de 20 % qui se répercute donc in fine sur la pension versée.

S’agissant des minima de pension, il existe en Allemagne uniquement un minimum social vieillesse (Grundsicherung im Alter), de même montant que les minima sociaux attribués aux demandeurs d’emploi ayant épuisé leurs droits à indemnisation61, attribué aux personnes dont les revenus mensuels sont inférieurs à 773 €62. Son montant prend en compte, à la différence des prestations françaises, la situation du bénéficiaire au regard du logement63, ce qui conduit fréquemment à le réduire. En France, il existe deux dispositifs de soutien aux petites pensions : un minimum de pension contributif, permettant d’élever le niveau des pensions à taux plein jusqu’à une valeur plancher de 629 € par mois64, ainsi qu’un minimum vieillesse (allocation de soutien aux personnes âgées et dispositifs antérieurs), attribué indépendamment de la carrière des affiliés. Fortement revalorisé, il atteint 800 € par mois pour une personne seule en 201465. L’ensemble constitue un filet de sécurité plus substantiel qu’en Allemagne.

Avantages familiaux et droits conjugaux

En France, selon le rapport66 réalisé, en application de la loi de janvier 2014, sur les droits familiaux conçus pour compenser l’effet sur la retraite des femmes des périodes liées à la naissance et à l’éducation des enfants, la majoration de pension de 10 % à partir du troisième enfant coûte à elle seule 9 Md€ et bénéficie paradoxalement en grande partie aux hommes. En prenant en compte les autres avantages que sont la validation des trimestres des périodes de congé maternité et l’octroi de deux années de durée d’assurance par enfant, le coût total des droits familiaux atteint 14,7 Md€ par an (hors coût des départs à la retraite anticipés pour famille nombreuse).

En Allemagne, il n’existe pas d’équivalent à la majoration de 10 % des pensions, mais des points gratuits sont attribués aux femmes au titre de l’éducation des enfants67 et des années validées à cette occasion pour la retraite (trois années contre deux en France), pour un coût annuel comparable, de l’ordre de 11,5 Md€.

Dans les deux pays, le conjoint survivant a accès, sous condition de ressources dans le régime de base, à une pension de réversion comparable, quoique versée à un âge inférieur en Allemagne : de 54 % en France après 55 ans (le cas échéant avec des majorations) et de 55 % à 60 % selon les cas en Allemagne, après 47 ans (25 % avant 47 ans). Dans les deux pays, les régimes complémentaires reproduisent un schéma analogue, quoique sans condition de ressources en France, ce qui n’est pas systématiquement le cas en Allemagne68.

Le coût total des pensions de réversion est évalué par Eurostat à 35 Md€ en France (soit 11 % des dépenses de pensions de retraites) et à 54 Md€ en Allemagne (soit 16 % de ces mêmes dépenses). Côté allemand, cet écart est dû à un moindre taux d’activité des femmes des générations anciennes, à la possibilité de percevoir plus tôt la pension et à un écart plus important entre les retraites des hommes et des femmes, qui conduit à verser, dans le cas général où le conjoint survivant est féminin et compte tenu de la condition de ressources, une pension de réversion plus élevée.

4 - Un mécanisme d’indexation dans les faits plus favorable aux retraités en France

En France, les retraites du régime général sont indexées sur l’inflation (hors tabac). L’indexation des retraites complémentaires se fait elle aussi en règle générale sur les prix, hormis le cas où des accords spécifiques prévoient une revalorisation moindre (comme pour 2014 et 2015).

En Allemagne, les retraites de base de la DRV évoluent en fonction des salaires bruts, selon une formule qui prend également en compte, depuis 2004, la dégradation du rapport démographique (Nachhaltigkeitsfaktor) et a pris en considération entre 2001 et 2013 le développement des dispositifs d’épargne retraite par capitalisation (Riester Faktor)69.

Ce mode de revalorisation des pensions du régime de base a eu un très fort effet de modération dans un contexte de faible progression nominale des salaires bruts.

Les pouvoirs publics ont souhaité en atténuer les conséquences par l’adoption du principe selon lequel les pensions ne pouvaient baisser en termes nominaux, ce qui n’empêchait pas qu’elles diminuent en termes réels. Ainsi, entre 2004 et 2011, les retraités ont connu quatre années de gel des pensions et trois années de revalorisations nettement inférieures à l’inflation. En prenant 1991 comme base 100 (régime de base en France, régime légal en Allemagne), il apparaît, comme le montre le graphique suivant, que les retraités allemands ont perdu près de 10 % de pouvoir d’achat, tandis que celui des retraités français était préservé.

Graphique n° 37 : évolution comparée des pensions en termes réels en France et en Allemagne (1991-2013)

[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Cette évolution est d’abord le reflet d’une stratégie de compétitivité plus générale qui a conduit les entreprises allemandes à comprimer leurs salaires réels bien davantage que leurs homologues françaises entre 2001 et 2008, avec un effet mécanique sur l’indexation des retraites. Ainsi, les salaires réels ont augmenté de près de 10 % en France sur la période, alors qu’ils ont légèrement baissé en Allemagne (-2 %) au cours de la même période70. Les retraites ont progressé encore moins vite que les salaires, d’au moins 5 %71.

La situation des retraités en matière de prélèvements fiscaux et sociaux

En Allemagne, les pensions du régime légal ont longtemps été exonérées d’impôt sur le revenu à hauteur de 73 %. En contrepartie, une proportion symétrique des sommes versées au titre des cotisations salariales étaient imposables au titre de l’impôt sur le revenu (bien qu’elles ne fassent plus partie du revenu disponible). Depuis 2005, la proportion exonérée de la retraite décroît pour chaque nouvelle génération de retraités avec pour objectif une imposition complète en 204072.

Les pensionnés de l’assurance légale acquittent sur leur pension la part salariale des cotisations sociales de l’assurance-maladie (directement prélevée et payée par la DRV), ce qui représente 7,3 % de prélèvement sur leur retraite. Les retraités acquittent par ailleurs, seuls, l’intégralité d’une cotisation à l’assurance dépendance de 2,3 % pour les retraités ayant des enfants et de 2,6 % pour ceux qui n’en ont pas. Ces conditions s’appliquent également aux complémentaires d’entreprise.

En France, les retraités disposent de nombreux dispositifs favorables : exemption de l’impôt sur le revenu de certaines prestations (minimum vieillesse) sous condition de ressources, exonération de taxe d’habitation et de contribution au financement de l’audiovisuel public pour les plus de 60 ans, sous condition de ressources, abattement de 10 % pour la détermination de l’assiette de l’impôt sur le revenu…

À la différence des actifs, les retraités acquittent des contributions sociales dont les taux sont modulés en fonction de leurs ressources. Un tiers des retraités est ainsi exonéré de CSG et de CRDS, 13 % d’entre eux acquitte la CSG au taux réduit. Seule une moitié des retraités supporte les taux maximum cumulés de 7,4 % sur la retraite de base et de 8,4 % sur la retraite complémentaire, qui sont inférieurs aux contributions (de 9,6 % à 9,9 %) acquittées par tous les retraités allemands.

C - Des pensions d’un montant comparable pour les femmes, différent pour les hommes

Si l’on compare les seules prestations de droit direct versées par les seuls régimes de base aux retraités du secteur privé, elles apparaissent comparables en Allemagne et en France pour ce qui concerne les femmes, mais supérieures outre-Rhin s’agissant des hommes. L’effet d’un plafond plus élevé en Allemagne qu’en France apparaît ici déterminant.

Tableau n° 93 : retraite moyenne brute de droit direct,
régime général français et régime légal allemand en 2013

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

L’écart des pensions de droit direct entre hommes et femmes est très marqué en Allemagne : +74 % contre +29 % en France. En Allemagne, les femmes bénéficient de retraites plus élevées à l’Est, en raison de carrières plus complètes ; c’est l’inverse pour les hommes, le montant du salaire devenant ici déterminant.

Compte tenu des régimes complémentaires obligatoires73 et de l’incidence des régimes spéciaux, le montant des pensions de droits directs tous régimes confondus74 était en 2012 en France selon la DREES de 1 598 € pour les hommes de plus de 65 ans et de 811 € pour les femmes de plus de 65 ans 75, la pension moyenne pouvant être estimée pour l’ensemble des retraités de plus de 65 ans à environ 1 250 € d’après les données de la DREES.

En Allemagne en revanche, on peut évaluer pour les plus de 65 ans le montant moyen des pensions de droit direct tous régimes confondus à 1071 €, avec un écart très important entre hommes (1 599 €) et femmes (643 €), comme l’indique le tableau suivant. Ce tableau reprend les pensions de droit direct dans les principaux régimes, les correspondances pour la France étant fournies pour la même année à titre indicatif (tous âges de retraités confondus).

Tableau n° 94 : retraite moyenne brute de droit direct versée par les principaux régimes en Allemagne en 2011

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

L’effet de la réversion atténue les écarts entre hommes et femmes, d’une même proportion de 37 % dans les deux pays. La retraite moyenne totale tous régimes passe ainsi en France à 1 702 € pour les hommes et à 1 179 € pour les femmes, soit un montant moyen porté à 1 412 €. En Allemagne, les hommes perçoivent en moyenne une retraite de 1 659 €, les femmes de 1 026 €, la moyenne des deux sexes s’élevant à 1 306 € (pour les plus de 65 ans, données 2012).

Si les pensions des hommes sont ainsi très comparables dans les deux pays, se marque un écart important (de l’ordre de 15 %) entre celles des femmes, dans un sens favorable aux retraitées françaises. Cet écart s’explique pour l’essentiel par des carrières féminines moins complètes en Allemagne qu’en France dans les décennies précédentes. Cette situation est en partie transitoire : dans la période récente, le taux d’activité professionnelle des femmes Outre-Rhin a rejoint et dépassé celui constaté en France. L’introduction de la Mütterrente devrait aussi contribuer à une convergence. Ce constat doit toutefois être nuancé par un recours des femmes au temps partiel qui demeure plus marqué en Allemagne (47 % contre 31 % en France) et qui se répercute sur les droits à retraite.

Des travaux de l’INSEE établissent que cet écart de pensions est le principal facteur d’explication de l’écart de niveau de vie constaté entre retraités français et allemands au bénéfice des premiers76.

Le niveau de vie des personnes âgées en France et en Allemagne

Le revenu équivalent77 médian net après impôt et cotisations sociales des personnes de plus de 65 ans (2013, Eurostat) est plus élevé de 19 % en France (21 345 €) qu’en Allemagne (17 904 €).

Le niveau de vie médian des personnes âgées de 65 ans et plus, par rapport à celui des personnes âgées de moins de 65 ans, est de 88 % en Allemagne contre 96 % en France (2011).

Le taux de pauvreté des personnes âgées de plus de 65 ans (2013), de 8,7 % en France, est très inférieur au taux allemand (14,9 %). La situation est inverse pour les jeunes (22,7 % en France contre 18,4 % en Allemagne).

Différents facteurs dont la pondération est délicate conduisent toutefois à nuancer sensiblement les écarts entre la condition des retraités français et allemands. L’OCDE applique ainsi un coefficient de parité de pouvoir d’achat qui conduit à estimer que le même panier de biens et services peut être acheté en Allemagne à un coût inférieur de 5 % à celui constaté en France. En outre, le coût de l’immobilier, qui pèse lourdement en France sur le budget des personnes âgées locataires (ou en cours de remboursement d’un emprunt), est très nettement inférieur en Allemagne.

Ainsi, les taux de pauvreté matérielle, définis comme la privation d’un nombre significatif des biens et services qui assurent la qualité de vie, sont en réalité, selon Eurostat, comparables dans les deux pays (2,7 % en France, 3,2 % en Allemagne).

III - Des modalités de pilotage inégalement contraignantes, de nouveaux ajustements à terme

A - Un mode de pilotage allemand en grande partie automatique, un dispositif français moins strict, mais récemment affiné

1 - Un mode de pilotage allemand en grande partie automatique et garant de l’équilibre du régime

En Allemagne, le pilotage du régime de retraite légal résulte de dispositions qui lient entre elles les évolutions des paramètres du système. Comme indiqué, le mode d’indexation des retraites intègre la contrainte démographique puisque l’évolution des salaires bruts qui lui sert de base est affectée d’un coefficient qui reflète la dégradation du nombre de cotisants par rapport au nombre de retraités.

En outre, le taux de cotisation pour l’année, la revalorisation des retraites et la subvention de l’État sont fixés de manière interdépendante, en visant l’équilibre du régime.

Le mécanisme autorégulateur du financement de la retraite légale allemande

La subvention de l’État à la DRV est en grande partie actualisée en fonction de l’évolution des salaires et du taux de cotisation. Il ne s’agit donc pas stricto sensu d’une subvention d’équilibre78, puisqu’elle ne dépend pas directement du niveau des dépenses, mais évolue avec les autres recettes.

Le taux de cotisation applicable chaque année est lui-même simultanément fixé de façon à ce que les recettes estimées a priori (dont la subvention de l’État) couvrent les dépenses, tout en respectant un objectif de réserves équivalentes à au moins 0,2 mois et au plus 1,5 mois de dépenses. Il doit respecter un plafond fixé à 20 % jusqu’en 2020 et à 22 % jusqu’en 2030.

Ainsi, lorsqu’une hausse de cotisation est nécessaire, elle est mécaniquement atténuée par la hausse de la subvention et par la baisse des pensions (indexées en partie sur le salaire brut, qui diminue d’autant), dans une forme de rétroaction. La force de ce mécanisme est la mise en place d’une adaptation des paramètres du système en continu.

Par ailleurs, le taux de remplacement après paiement des cotisations sociales (y compris contributions à un plan Riester pour les salariés), mais avant impôt, doit être au minimum de 46 % jusqu’en 2020 et de 43 % jusqu’en 2030 (contre 50,5 % en 2008).

En cas de non-respect des bornes de taux de remplacement et de taux de cotisation, non seulement dans la projection pour l’année suivante, mais aussi tout au long de la projection à moyen terme (à 15 ans) réalisée annuellement, le gouvernement fédéral est contraint par la loi de proposer des mesures correctrices79.

Ces mécanismes automatiques rencontrent cependant certaines limites dans leur application effective : à de nombreuses reprises, la loi a été modifiée pour en modérer les conséquences, jugées trop lourdes pour les retraités80.

Ces dispositifs donnent de facto la priorité au respect d’un plafond de taux de cotisation et permettent d’éviter sur la durée la formation de déficits, au prix assumé d’une modération des pensions.

Comme l’indique le graphique ci-après, ces objectifs n’ont pu être atteints qu’au prix d’un renforcement sans équivalent en France, à partir de la réforme de 1992 et plus encore entre 1998 et 2003, des subventions et compensations de l’État fédéral au financement des retraites : « subvention additionnelle » assise sur l’octroi d’un point de TVA, « complément à la subvention additionnelle » constitué d’une partie des recettes de l’impôt écologique (« Ôkosteuer »), prise en charge accrue de prestations ne relevant pas de l’assurance (points accordés au titre de l’éducation des enfants). Après 2003, ces concours publics sont demeurés relativement stables. En 2012, ils ont atteint 81,9 Md€ au total.

Graphique n° 38 : financement du régime de retraite légale (DRV)
(1992-2013)

[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Dans ce contexte, cet apport de ressources a permis de réduire le taux de cotisation dans les années 1998-2003. Ce dernier est ensuite légèrement remonté, avant de s’engager à nouveau à partir de 2012 dans une phase de baisse sous l’effet d’une conjoncture favorable, d’une forme de « pause démographique » dans le flux de nouveaux retraités et de l’impact cumulatif d’une indexation modérée des pensions pendant plusieurs années.

Graphique n° 39 : évolution du taux de cotisation à l’assurance légale allemande (DRV) (1990-2015)

[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Le jeu de ces différents facteurs, résultant pour partie de mécanismes automatiques et d’une conjoncture favorable, a permis qu’à l’apparition de déficits dans les années 2001-2004 succède la constitution d’excédents dans le régime légal à partir de 2006 (voir infra).

2 - Un mode de pilotage français affiné, mais encore peu contraignant

En France, la loi de 2003 avait jeté les bases d’un système de pilotage fondé d’une part sur la mise en œuvre d’un processus d'adaptation progressive à l’horizon 2020 du système d'assurance vieillesse à l’allongement de l’espérance de vie, par le biais de l’augmentation de la durée d’assurance, d’autre part sur le principe de rendez-vous quadriennaux alimentés par les travaux du Conseil d’orientation des retraites.

Ce mode de pilotage est demeuré cependant imprécis et peu encadré, faute que les objectifs assignés au système de retraites soient précisément définis et a fortiori hiérarchisés.

La loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites a apporté à cet égard un progrès significatif. Elle a précisé les indicateurs à suivre : taux de remplacement, durée projetée de versement de la pension, rapport interdécile81, niveau de vie des retraités rapporté à celui de la population, solde prévisionnel des régimes sur 25 ans. Elle a également renforcé le volet institutionnel du pilotage en créant un comité de suivi des retraites, chargé de faire des recommandations en cas d’évolution défavorable de ces indicateurs.

Le décret du 20 juin 2014 relatif au comité de suivi des retraites a fixé, pour la première fois, des bornes chiffrées pour certains paramètres : ainsi, les recommandations du comité de suivi des retraites ne peuvent tendre à augmenter au-delà de 28 % les cotisations, ni à diminuer en deçà des deux tiers le taux de remplacement. Ce dispositif ne met cependant pas en place un système de correction automatique des déséquilibres, qui supposerait de fixer des règles contraignantes s’appliquant en toute hypothèse. Seul le pouvoir de recommandation du comité est borné, non la liberté de décision des pouvoirs publics. Il ne s’agit ainsi que d’un premier pas, encore très mesuré, vers un mode de pilotage plus affirmé. Les bornes retenues n’ont pas conduit au demeurant, à ce stade, à mettre en œuvre la responsabilité de recommandation du comité de suivi82.

En France, le taux de cotisation effectif recalculé par le COR (cas-type d’un non-cadre sous le plafond) a connu une évolution orientée à la hausse avant 2000, puis une longue période de quasi-stabilité de 2000 à 2012. Toutefois, les décisions prises depuis ont marqué l’acceptation d’une hausse83 du niveau des cotisations.

Une augmentation pourrait également survenir en Allemagne : le BMAS estime qu’afin de respecter les exigences en matière de niveau des réserves, le taux de cotisation, après être demeuré stable jusqu’en 2018 (à 18,7 %), devrait augmenter au cours des années suivantes (19,5 % en 2020, 21,4 % en 2028). Cependant, des mesures alternatives sont susceptibles d’être retenues, là où les mesures d’augmentation des cotisations mentionnées ci-dessus pour la France sont acquises.

Graphique n° 40 : évolution du taux de cotisation84 au régime général et à l’ARRCO en France (1991-2020)

[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Par ailleurs, l’examen sur longue période de la structure du financement du système de retraites français montre qu’il n’a pas connu d’accroissement de la part des concours publics comparable à ce qui se constate en Allemagne, où cette part a augmenté de près de 70 % entre 1995 et 2003. La part de ces financements est en fait restée relativement stable en France ; ainsi les impôts et taxes affectés sont passés de 9 % à 11 % des financements entre 2002 et 2013, les transferts tels que ceux en provenance du FSV de 5 % à 6 % et les subventions diverses sont restées stables à 2 %, au cours d’une période par ailleurs marquée par une importante augmentation des allègements de cotisations.

Graphique n° 41 : financement du système de retraites français (2002-2013)

[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

En tout état de cause, le pilotage du système de retraites n’a pas permis d’éviter l’apparition de déficits récurrents, dès avant la survenue de la crise économique pour le régime général, puis amplifiés par celle-ci. Cette situation contraste avec les excédents dégagés par le régime de base allemand à partir de 2006.

Graphique n° 42 : soldes des régimes français et allemand de retraite des salariés du secteur privé (1998-2013)

[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

En définitive, en partie du fait d’une contrainte démographique moindre, la France a fait le choix de préserver davantage le niveau des pensions que l’Allemagne, sans pour autant augmenter fortement les cotisations.

Depuis 2006, l’assurance vieillesse des salariés en Allemagne dégage des excédents, contrairement à son homologue en France qui connaît des déficits depuis 2005. Entre 2000 et 2014, elle a enregistré 16 Md€ d’excédents en cumul, contre la constitution de 65 Md€ de dette sociale en cumul pour l’ensemble constitué de la branche vieillesse et du FSV.

L’Allemagne, en reportant davantage le maintien des taux de remplacement vers des dispositifs d’épargne retraite par capitalisation, en adoptant un mode d’indexation rigoureux des pensions de retraite et en augmentant la place de l’impôt dans leur financement, a maintenu la compétitivité de ses entreprises et restauré l’équilibre financier du régime légal de retraites.

B - Des perspectives démographiques différentes, des enjeux de soutenabilité dans les deux cas

1 - La dégradation de la démographie allemande

Dans le passé récent, le contexte économique a été plus favorable à la soutenabilité des régimes de retraite en Allemagne qu’en France :

- voisins tous deux de 7 % en 2008, les taux de chômage ont divergé dans les deux pays, celui de la France s’établissant à 10 % alors que celui de l’Allemagne tend vers 5 % ;

- le taux de participation au marché du travail est supérieur en Allemagne de 7 % pour les hommes et de 5 % pour les femmes ;

- la croissance allemande a systématiquement été légèrement plus élevée que la croissance française (sauf en 2009) depuis dix ans.

En outre, si l’espérance de vie à la naissance est identique pour les hommes dans les deux pays, elle est de deux ans plus courte pour les femmes en Allemagne qu’en France. S’agissant de l’espérance de vie à 65 ans, le même écart de deux ans est observé au bénéfice des femmes en France et un écart d’un an est cette fois constaté au bénéfice des hommes en France. Il en résulte une pression accrue sur les coûts du système de retraite français.

Enfin, la dégradation de la démographie allemande n’a jusqu’ici manifesté ses effets qu’à la marge : le ratio dit de dépendance85 est encore peu différent entre les deux pays (28 % en 2013 en France, 32 % en Allemagne).

Pour l’avenir toutefois, son incidence est appelée à jouer un rôle majeur.

Les projections démographiques en France et en Allemagne

En France, le taux de fécondité a retrouvé dès 1993 son niveau de 1973 (2 enfants par femme). En Allemagne, il est inférieur à 2 depuis 1960 et stable à un bas niveau (autour de 1,4) depuis 1997. En outre, sur longue période, le solde migratoire allemand n’a pas été significativement différent du solde français.

Dans ce contexte, les ratios de dépendance sont appelés à diverger rapidement au-delà de 2025, plaçant le système de retraites allemand sous une contrainte beaucoup plus forte que son homologue français.

Graphique n° 43 : évolution passée et projetée du ratio de dépendance

[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf Joint].

La population allemande décroîtrait de 80,8 millions en 2013 jusqu’à un niveau situé entre à 67,6 millions (Destatis, 2015, scénario bas de migration) et 73,1 millions (scénario haut) en 2060, tandis que la France compterait 73,6 millions d’habitants à cette même date selon le scénario central de l’INSEE, contre 66,3 millions actuellement.

2 - De nouveaux ajustements prévisibles dans les deux pays

Dans les deux pays, les projections réalisées mettent en lumière les difficultés relatives à la soutenabilité des systèmes de retraites.

Les prévisions en matière de retraites en France et en Allemagne

Les deux pays abordent les exercices de prévision de manière différente, mais dans les deux cas avec le souci d’objectiver les enjeux avec l’intervention d’organismes indépendants (au travers des travaux du COR en France et, en Allemagne, du contrôle exercé par le Sozialberat sur les projections du BMAS). La France est surtout attentive au niveau de déficit des régimes et examine par ailleurs les différents scénarios possibles pour le combler86. L’Allemagne met l’accent sur le respect de bornes en matière de taux de cotisation et de taux de remplacement.

Les horizons de projection diffèrent : 15 ans pour l’Allemagne ; jusqu’en 2060, soit 45 ans, en France. Ils présentent chacun des avantages et des inconvénients. Certes, se fixer un horizon court comme le régime de retraite légal allemand peut conduire à occulter des tendances longues moins favorables : en Allemagne, l’horizon de prévision officiel fait débat. A l’opposé, se donner un horizon lointain, comme le fait le COR, peut conduire à retarder les décisions de court terme en donnant le sentiment que le temps disponible pour l’action est infini, ce qui apparaît encore plus problématique.

En outre, dans les deux pays, les résultats sont évidemment sensibles au niveau retenu pour certains des paramètres démographiques ou économiques. Ces hypothèses sont parfois contestées : ainsi, en France pour le taux de chômage de 7 % retenu dans le scénario central du COR ; s’agissant des projections du BMAS, des interrogations sont soulevées sur la validité des hypothèses d’investissement dans les plans Riester et de leur rendement, sur le niveau de progression des salaires retenus et sur l’évolution du taux d’activité.

En France, les dernières projections du COR87 montrent que le système de retraites reste déficitaire dans tous les scénarios au moins jusqu’en 2025, pour un montant cumulé compris entre -2,8 et -4 points de PIB courant. Par la suite, il n’est équilibré que dans les scénarios favorables (A’, A et B), dans lesquels le taux de chômage est de 4,5 % de la population active sur toute la période (et les revenus d’activité augmenteraient respectivement de 2 %, de 1,8 % et de 1,5 % par an). Il reste déficitaire dans les scénarios (C et C’) où le chômage est de 7 % (et dans lesquels l’augmentation des revenus d’activité en termes réels est de 1,3 % ou de 1 % par an). Selon le COR, à un horizon de 20 ans, un surcroît de cotisation compris entre 1 point et 2,5 points serait nécessaire pour parvenir à l’équilibre financier dans les scénarios où le taux de chômage est de 7 %.

Graphique n° 44 : prévisions d’évolution du solde du système de retraites en fonction des différents scénarios

[Graphique à consulter dans le fichier Word ou pdf Joint].

Pour leur part, les projections du BMAS font apparaître que le régime de retraite légal reste à l’horizon de 15 ans dans les bornes imposées (taux de cotisation inférieur à 22 %, taux de remplacement supérieur à 43 %) dans le scénario central. Si plusieurs variantes d’évolution de la population active occupée affiliée à la DRV sont analysées, allant notamment de la stabilité à une diminution de 30,6 à 28,1 millions de personnes à l’Ouest (baisse à 29,3 millions dans le scénario central), les projections tablent toutes sur un niveau élevé de progression des revenus à l’Ouest (3 % en termes nominaux), qui fait débat outre-Rhin, les variantes portant uniquement sur leur augmentation à l’Est. Ces projections ne font pas apparaître de déficit car elles intègrent l’incidence des mécanismes automatiques d’ajustement et, ce faisant, la hausse des concours budgétaires de l’État et la remontée des cotisations ; dans le scénario central, ces dernières augmentent ainsi de 2,7 % à horizon de 2028.

D’autres travaux sous l’égide du Sachverstaendigenrat88 montrent en outre que le taux de cotisation maximal de 22 % serait dépassé dans les années 2030 et atteindrait 26 % dans les années 206089. À moyen terme, de nouvelles réformes seront donc nécessaires si cette augmentation n’est pas jugée souhaitable, telles qu’un nouveau recul de l’âge légal de départ à la retraite (à 68 ou 69 ans au lieu de 67 ans), perspective soulevée par le Sachverstaendigenrat.

Au-delà de ces projections effectuées dans le cadre national, pour effectuer des comparaisons, il est utile de se référer au « Ageing report » de la Commission européenne qui impose une méthodologie de projection validée conjointement90.

Les projections effectuées en 2015, après les dernières mesures prises dans les deux pays, font apparaître pour 2060 une dépense de retraite inférieure en France (12,1 % du PIB) à ce qu’elle serait en Allemagne (12,7 %)91. Pour une part, cette inversion reflèterait une baisse plus prononcée du taux de remplacement en France (-12,4 % entre 2013 et 2060) qu’en Allemagne (-7,3 % au cours de la période) ; l’écart de situation aujourd’hui favorable aux retraités français serait ainsi appelé à se réduire à terme. Elle repose sur une hypothèse d’évolution du taux de chômage français, - 8 % en 2035 et 7,5 % à partir de 2040 - qui resterait sensiblement plus élevé qu’en Allemagne (5,3 % à partir de 2025).

En définitive, l’équilibre des régimes de retraite dans les deux pays n’est atteint sur le moyen/long terme que dans des hypothèses relativement favorables, ce qui rend très probable la nécessité de nouveaux efforts. En France, les déficits continueraient à s’accumuler en toute hypothèse au moins dans les dix prochaines années, en alourdissant encore la dette sociale constituée depuis dix ans.

conclusion

Les deux systèmes de retraites français et allemand ont en commun une semblable architecture des régimes de base. Ils sont organisés par champ professionnel et comportent un régime obligatoire par répartition pour les salariés du secteur privé, financé principalement par des cotisations patronales et salariales assises sur les rémunérations selon une logique contributive et des régimes spéciaux, notamment pour la fonction publique, les professions libérales et certaines professions en attrition.

Les dispositifs de solidarité tiennent une place plus importante dans l’organisation du régime de base français des salariés que dans celle de son homologue allemand, qui a un caractère plus fortement contributif. En effet, le régime français prend plus largement en compte les faibles durées d’activité salariée et les périodes de chômage et comporte par ailleurs des majorations sans équivalent : minimum contributif améliorant la retraite des salariés ayant une carrière complète et majoration de 10 % à partir du troisième enfant.

Au-delà de l’absence de régime de base pour certaines professions en Allemagne (commerçants, chefs d’entreprise), les systèmes français et allemand de retraites différent très sensiblement par la place donnée aux régimes complémentaires. En France, ces derniers ont été progressivement généralisés, notamment pour les salariés du secteur privé dans un cadre interprofessionnel, là où, en Allemagne, le régime de base sert une pension dont le montant maximal est plus élevé, mais où seule une partie des retraités bénéficie d’une retraite complémentaire dans le cadre de la branche ou de l’entreprise.

Les retraités français perçoivent, pendant une durée plus longue du fait d’un départ en retraite plus précoce de l’ordre de deux ans et d’une espérance de vie plus élevée, un montant de pension de retraites (retraite de base et retraite complémentaire confondues) supérieur de 8 % en moyenne à celui de leurs homologues allemands. Cet écart est presque entièrement attribuable aux moindres droits à retraite dont disposent les retraitées allemandes par rapport à leurs homologues françaises, dont l’activité professionnelle historiquement plus répandue leur a permis d’acquérir plus souvent des droits propres. Compte tenu d’une participation des femmes au marché du travail désormais homogène dans les deux pays, il est appelé à se réduire à l’avenir.

L’un et l’autre pays ont cherché au cours des années 2000 à instituer un « troisième pilier » d’épargne retraite par capitalisation, de manière plus explicite et plus forte en Allemagne qu’en France, mais dans les deux cas avec des résultats limités à ce stade.

La priorité plus marquée donnée aux objectifs de compétitivité économique et d’équilibre financier du système de retraites et le caractère encore plus significatif des enjeux démographiques ont conduit l’Allemagne à mettre en œuvre des réformes plus rapides et plus profondes que celles menées par la France.

D’une part, les conditions d’âge de départ à la retraite à taux plein ont été plus fortement durcies dans le régime allemand que dans le régime français. Sur ce point, les réformes en cours en France conduiront à terme à appliquer des conditions en grande partie comparables à celles en vigueur en Allemagne : alors que les salariés français partent en moyenne en retraite deux ans plus tôt que leurs homologues allemands, seuls pourront continuer à partir plus tôt en retraite à taux plein ceux ayant commencé à travailler avant 22 ans.

Cependant, ces réformes sont intervenues dans notre pays de manière plus tardive et avec des effets plus progressifs dans le temps pour les nouveaux retraités. Par ailleurs, l’avantage pour l’équilibre des régimes que constitue le taux de natalité élevé en France est amoindri par l’incidence du chômage sur les produits de prélèvements sociaux, une espérance de vie plus longue et un âge de départ en retraite plus précoce.

D’autre part, les évolutions apportées au mode d’indexation des retraites ont eu pour conséquence, en Allemagne, une importante baisse de leur montant en termes réels, là où leur pouvoir d’achat était globalement préservé en France.

Enfin, le régime de base des salariés en Allemagne bénéficie d’un financement substantiel par l’impôt, par l’intermédiaire des concours du budget fédéral, quand son homologue français demeure essentiellement financé par des prélèvements sociaux (cotisations et contributions sociales) assis sur les revenus du travail.

Le mode de pilotage du système de retraites allemand comporte des mécanismes automatiques qui permettent par des ajustements réguliers d’en garantir l’équilibre, mais supposent d’être très attentifs à leurs conséquences éventuelles quand ils jouent sur la situation des retraités. Par comparaison, celui du système de retraites français, s’il vient d’être renforcé dans des conditions qui marquent un progrès, ne préjuge pas aussi nettement de la hiérarchie des objectifs poursuivis. Il laisse aux pouvoirs publics toute latitude pour agir ou non selon des leviers qu’il leur appartient de définir. Cette latitude peut conduire à reporter des efforts nécessaires jusqu’à ce qu’ils deviennent inévitables sous forme d’une réforme de grande ampleur, à la pédagogie difficile, là où notre système de retraites gagnerait à s’inscrire dans un mouvement d’adaptations en continu.

Contrairement à son homologue allemand, il n’a pas conduit à préserver le régime de retraite de base des salariés de notre pays contre un déficit à caractère récurrent depuis 2005 et d’un endettement spécifique porté par la caisse d’amortissement de la dette sociale.

En dépit d’un contexte démographique très différent, la France pourrait ainsi gagner à s’inspirer du dispositif de pilotage allemand, qui conjugue :

- une priorité plus grande donnée à l’équilibre permanent du système de retraites et donc davantage respectueuse de l’intérêt des générations futures ;

- un horizon de prévision de plus court terme, plus propice à la mobilisation des leviers permettant d’assurer cet équilibre ;

- un mode d’ajustement automatique de certains paramètres en fonction d’indicateurs objectivés, qui évite la succession de réformes d’autant plus conflictuelles qu’elles sont présentées comme définitives.

Annexe : principales réformes des systèmes de retraites en Allemagne et en France (1990-2015)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf Joint].

1Rentenversicherungsbericht, BMAS.



2Alterssicherungssbericht. Ce document, le plus complet, n’est réalisé que tous les quatre ans, la dernière version date de 2012.



3Rentenversicherung in Zeitreihen.



4Les retraites et les retraités en 2014.



5. Composé de 12 experts et fondé en 1958, il se prononce sur la validité des données et projections fournies dans le rapport annuel du BMAS.



6. Organisé par profession et par Land, avec 89 caisses indépendantes. Il existe par ailleurs quelques petits régimes (régime des parlementaires fédéraux et des Länder, régime des membres de gouvernement, régime complémentaire des salariés agricoles, régime des mineurs de la Sarre).



7. L’employeur d’un salarié dont le salaire est inférieur à 450 € par mois paie 5 % pour les emplois à domicile, 15 % pour les autres emplois. Le salarié acquiert des droits réduits à due proportion, sauf s’il verse le complément de cotisation pour atteindre le taux de droit commun de 18,7 %, ce qu’il ne fait que très rarement. Surtout, le versement de cette cotisation additionnelle permet aux durées d’affiliation correspondantes d’être prises en compte à 100 % à différents niveaux pour différents calculs d’ouverture de droits, ne serait-ce que pour l’appréciation de la durée minimale d’assurance de 5 ans. Depuis le 1er janvier 2013, une réforme prévoit que les nouveaux salariés embauchés en « mini-jobs » devront par principe verser le complément de cotisation, sauf à demander leur radiation, alors qu’auparavant il leur fallait effectuer une démarche active pour s’affilier. Pour autant, cette réforme n’a porté le ratio d’affiliation des « mini-jobs » que de 5 % à 20 %.



8. Les travailleurs indépendants (artisans, commerçants, professions libérales et exploitants agricoles) bénéficient également de régimes complémentaires à caractère légalement obligatoire.



9. La loi fait seulement obligation aux entreprises, depuis 2001, de mettre en place à la demande des salariés une possibilité de conversion de leur salaire en droits à la retraite (Entgeltumwandlung).



10. À défaut de centralisation des données, les estimations reposent sur des sondages dont les résultats sont affectés d’incertitudes importantes. Le rapport Alterssicherungsbericht 2012 fondé sur ces sondages évalue à 60 % la proportion d’affiliés à la DRV qui bénéficie d’une complémentaire, ce chiffre faisant en fait la moyenne d’un taux de 50 % dans le secteur privé et de 100 % parmi les contractuels de la fonction publique.



11. La « Betriebsrente » est à 84 % présente dans les entreprises de plus de 1 000 salariés, mais seulement à 30 % dans celles de moins de dix salariés. Elle est trois à quatre fois plus répandue dans les Länder de l’Ouest que ceux de l’Est.



12Alterssicherungsbericht, 2012. La retraite complémentaire obligatoire des contractuels de la fonction publique verse quant à elle environ 11 Md€ de prestations et recueille 17 milliards de cotisations. Les cotisations sont supérieures aux prestations s’agissant de régimes par capitalisation en cours de montée en charge.



13. Les montants investis doivent cependant toujours être garantis et l’entreprise conserve une responsabilité ultime à cet égard.



14Arbeitsgemeinschaft für betriebliche Versorgung.



15. À la différence du précédent, il inclut pour la France les prestations versées par les régimes de retraite complémentaire et par les dispositifs d’épargne individuelle et pour l’Allemagne, les prestations des régimes de retraite complémentaire et les prestations des plans Riester.



16. De Walter Riester, ministre fédéral du travail à l’origine de leur introduction.



17. L’investissement est déductible du revenu imposable dans la limite de 2 100 € par an et peut donner lieu à crédit d’impôt. Ce seuil n’a pas été revu depuis près de 15 ans, ce qui constitue implicitement une baisse du soutien de l’État. Une prime de base de 154 € maximum est accordée par l’État fédéral, augmentée de 185 € par enfant né avant 2008, de 300 € par enfant né après cette date et majorée pour les personnes à faibles revenus. Le taux moyen de subvention est ainsi de 30 %.



18. La grande majorité prend la forme de contrats d'assurance prévoyance vieillesse pris en charge par un assureur, mais la souscription à des fonds de retraite gérés par des sociétés d'investissement est également possible et représente environ 1/6ème des encours, l’alimentation de livrets bancaires, dernière option, jouant un rôle marginal. Au sein de certains types de produit (contrats d’assurance et fonds d’investissement, les livrets bancaires étant quant à eux totalement sécurisés et rémunérés sur la base de taux prédéfinis), l’investisseur peut prendre différents niveaux de risque, dont le profil peut varier au cours du temps à mesure que l’on se rapproche du départ en retraite.



19. Subventionsbericht 2014.



20Staatliche Förderung der Riester-Rente, Destatis, 2010.



21Zentrale für Altersvermögen, BMAS.



22. Par exemple celles réalisées par les instituts Oekotest et Stiftung Warentest en 2011 et 2012. Des réformes ont été introduites depuis lors en matière de présentation des caractéristiques des contrats.



23. Voir l’étude du DIW : « Zehn Jahre Riester-Rente, kein Grund zum feiern », 2011. Les prestataires mettent en avant la complexité du produit et les nombreuses exigences réglementaires pour justifier le niveau des frais.



24. Pour une analyse détaillée de ces dispositifs, voir Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2011, chapitre XII : les aides publiques à l’épargne retraite, p. 347-371, septembre 2011, la Documentation française, disponible sur www.ccomptes.fr.



25. PREFON créé en 1967, dispositifs FONPEL/CAREM-MUDEL introduits en 1993 pour les élus locaux, COREM et CRH (complémentaire retraite des hospitaliers) pour les instituteurs et le personnel hospitalier, dispositif des exploitants agricoles.



26. Pour une analyse détaillée de ces dispositifs, voir Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2011, chapitre XII : les aides publiques à l’épargne retraite, p. 347-371, septembre 2011, la Documentation française, disponible sur www.ccomptes.fr.



27. DREES, « Les retraités et les retraites », 2014.



28. Cf. note précédente.



29. Enquête de la FFSA et du GEMA sur les motivations de souscription en assurance-vie, mars 2014.



30. Les provisions mathématiques relatives aux différents supports d’assurance-vie sont estimées par la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA), (« L’assurance vie en mars 2015 »).



31. Étude Allianz, Global Wealth report 2014 : 68 890 € par habitant en France contre 63 851 € par habitant en Allemagne.



32. Cas type n° 2 du COR rémunéré à 0,9 fois le salaire moyen par tête.



33. Rapport annuel du COR, juin 2014, page 46. Le calcul intègre les parts patronales et salariales du régime général (CNAVTS) et de l’ARRCO, hors AGFF.



34. L'association pour la gestion du fonds de financement (AGFF) est un organisme gérant les fonds servant à financer les départs en retraite de salariés n'ayant pas atteint l'âge suffisant pour bénéficier d'une retraite complémentaire à taux plein, mais ayant cotisé le nombre de trimestres requis.



35Die Struktur der Arbeitskosten in der deutschen Wirtschaft, Christoph Schröder, mai 2014.



36. Voir chapitre IV du présent rapport : les cotisations sociales : une place prépondérante mais en déclin dans le financement de la sécurité sociale, une cohérence et une lisibilité à rétablir.



37. À titre principal, le FSV est financé par la CSG, dont une part prépondérante est assise sur les revenus d’activité (salaires et revenus professionnels des travailleurs indépendants). La branche famille est principalement financée par des cotisations sociales et par la CSG. Les cotisations sont la principale ressource des autres régimes.



38. Ce pourcentage n’intègre pas la taxe sur les salaires affectée à la CNAVTS de manière directe et indirecte (par l’intermédiaire du FSV), car elle constitue un substitut à la TVA pour certains secteurs d’activité économique.



39. Le régime de base allemand des exploitants agricoles, qui n’est pas intégré au régime de base, fait aussi l’objet d’un transfert budgétaire de la part de l’État fédéral.



40. Paiement de pensions acquises au titre de régimes spéciaux de l’ex-République démocratique d’Allemagne (RDA).



41. Le budget fédéral est principalement alimenté par l’impôt sur le revenu, la TVA et l’impôt sur les sociétés, sans recettes substantielles assises sur une assiette salariale.



42. En Allemagne, seule une minorité de salariés du secteur public (1,7 million) a le statut de fonctionnaire. Les fonctionnaires peuvent être employés aussi bien par l’État fédéral que par des collectivités locales ; leur régime de retraite inclut aussi les juges et les militaires qui relèvent par ailleurs d’un statut spécifique. La majorité des postes du secteur public sont occupés par des contractuels (environ 5 millions de personnes).



43. Les fonctionnaires d’État allemands doivent en règle générale se voir appliquer les réformes du régime légal, telles que le recul des bornes d’âge et les minorations pour départ anticipé de droit commun décidées en 2004, « ou des mesures équivalentes ». Or, la mise en œuvre de ce principe ne s’est concrétisée qu’inégalement et avec retard, en particulier du fait qu’il appartient parfois aux Länder ou aux communes, employeurs de la grande majorité des fonctionnaires, de le faire. La possibilité d’anticiper à 63 ans le départ en retraite n’a pas été transposée aux fonctionnaires.



44Reformen der Beamtenversorgung aus ökonomischer Perspektive, DRV, janvier 2015, S.Walther.



45. « Hétérogénéité des taux de remplacement dans la fonction publique d’État », document du COR examiné lors de sa séance du 21 novembre 2012.



46. Notamment en raison des spécificités des agents dits « actifs ». Ces spécificités existent aussi en Allemagne, où elles sont progressivement réduites, mais ne s’appliquent qu’à un cercle plus restreint (policiers, militaires), le personnel hospitalier ne bénéficiant généralement pas du statut de fonctionnaire.



47Fachserie 14, Reihe 6.1, Statistisches Bundesamt.



48. Un tableau détaillé des réformes intervenues dans les deux pays est présenté en annexe.



49. INSEE, Vingt ans de réforme des retraites, quelle contribution des règles d’indexation ?, avril 2014. Selon le modèle DESTINIE, dans un scénario macroéconomique médian, en l’absence de réformes, les retraites auraient représenté 15,6 % du PIB en 2010 et 20,5 % du PIB en 2060. La réforme des modalités d’indexation des salaires et des pensions versées de 1993, à elle seule, aurait permis de ramener cette part à 14,4 % en 2010 et 15,6 % en 2060. Les autres réformes auraient permis de la limiter à 13,8 % en 2010 et à 13 % en 2060.



50. À l’exception des plus récentes intervenues en 2014 : gel des retraites, fiscalisation de la majoration de 10 % et modification du calcul du taux de CSG applicable.



51. Les années d’école et de formation au-delà de 16 ans étaient prises en compte dans le calcul de la durée d’assurance, à concurrence de treize années.



52. Pr. B. Rürup, in Les réformes de la protection sociale en Allemagne, 2013, DREES-CIRAC.



53. Cette borne ne jouant toutefois pas un rôle identique dans les deux pays (voir infra).



54. Ce facteur qui conduisait à réduire la retraite légale au fur et à mesure que progresserait la capitalisation privée est abandonné depuis 2013.



55. Évaluation du Sachverstaendigenrat, 2004.



56. Une présentation actualisée des perspectives d’évolution du taux de remplacement, avec et sans effet de la capitalisation Riester théorique de 4 % par an, est fournie chaque année par le BMAS dans un rapport public.



57. Les décotes et surcotes du régime général ne fonctionnent pas de la même manière dans les deux pays. En France, décote et surcote sont symétriques (une décote de 5 % par année manquante s’appliquant au taux de liquidation, une surcote de 5 % par année supplémentaire au montant de la pension). En Allemagne, la décote est de 3,6 % par année manquante, tandis que la surcote est de 6 % par année supplémentaire, ce qui est dans les deux cas plus avantageux qu’en France.



58Les facteurs de modulation du montant de la pension selon l’âge de départ à la retraite et la durée validée en France et à l’étranger, COR, 25 novembre 2014. Ces simulations reposent sur l’hypothèse de carrières complètes.



59. L’âge de sortie du marché du travail est estimé d’après la variation des taux d’activité et ne coïncide donc pas nécessairement avec l’âge de la liquidation.



60. La durée maximale de chômage indemnisé est de 12 mois en Allemagne pour les moins de 50 ans et jusqu’à 24 mois au-delà. Elle est en France de 24 mois pour les moins de 50 ans et jusqu’à 36 mois au-delà.



61. L’accord de coalition actuel prévoit d’examiner dans la législature l’opportunité d’instaurer un minimum de pension plus élevé que le minimum social actuel, dont le bénéfice serait réservé aux personnes ayant une durée minimale d’assurance.



62. En 2010, cette allocation concernait 412 000 bénéficiaires.



63. Il repose sur un forfait de 391 € censé couvrir certaines dépenses de base (alimentation, habillement etc.), auquel sont ajoutées les dépenses hors forfait (principalement chauffage et loyer dans le cas d’un locataire) et retranchés les revenus perçus (dont l’allocation logement, alors qu’en France, l’aide au logement social se cumule avec le minimum contributif). Une personne âgée propriétaire de son logement et percevant déjà 300 € de pension de réversion recevra ainsi 126 € de complément au titre de la « Grundsicherung » ; si elle est locataire et paie 300 € de loyer, elle recevra 426 €. Un Français dans la même situation recevrait environ 500 € dans les deux cas.



64. Au 31 décembre 2013, près de 5 millions de retraités percevaient un complément au titre du minimum contributif, soit 38,7 % du total.



65. L’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et les dispositifs qui l’ont précédée (et subsistent pour partie) bénéficiaient en 2012 à près de 564 000 retraités.



66. Rapport au Parlement : Les droits familiaux de retraite, B Fragonard, Haut Conseil de la famille, mars 2015.



67. Un point par enfant né avant 1992 (porté à deux en 2014 par la réforme de la Müterrente, 3 points par enfant né après cette date).



68. La complémentaire des contractuels de la fonction publique accorde ainsi une réversion sous conditions de ressources.



69. Par ailleurs, les retraites d’entreprise allemandes évoluent au moins comme l’inflation, mais cette condition est réputée remplie si une revalorisation de 1 % par an est effectuée ; l’entreprise peut s’y soustraire en fonction de sa situation financière.



70. Eurostat.



71. Rapprochement des données Eurostat et DRV.



72. Ainsi, pour les retraités percevant déjà une retraite avant 2005, le taux d’exonération n’est plus que de 50 % et par la suite, jusqu’en 2040, la part de la retraite soumise à impôt sur le revenu augmente de 2 % par an pour chaque nouvelle génération de retraités. La part des cotisations salariales soumises à cet impôt diminue en parallèle, d’ici 2025, de 40 % à 0 %.



73. En France, pour une carrière rémunérée au niveau du salaire médian, soit 2 160 € brut par mois, la pension de retraite complémentaire représente 360 € par mois, soit près d’un quart de la pension globale servie par les régimes obligatoires. Cf. Cour des comptes, Rapport public thématique « Garantir l’avenir des retraites complémentaires des salariés (AGIRC-ARRCO) », décembre 2014, la Documentation française, disponible sur www.ccomptes.fr.



74. Sans l’effet de la majoration de 10 % pour enfants qui n’est pas considérée comme un droit direct.



75. Champ : tous retraités d’un droit direct ou indirect, source EIR 2012. Le choix de retenir ici les plus de 65 ans est dicté par le souci de comparabilité avec les données allemandes.



76Une décomposition des différences de niveaux de vie des actifs et des retraités en Europe, Carole Bonnet, Olivier Bontout et AnneJuliette Lecour, 2014. S’y ajoute l’impact d’un patrimoine moyen plus élevé en France et davantage concentré dans notre pays au profit des générations plus âgées.



77. La notion de revenu équivalent prend en compte la taille du ménage.



78. À l’exception de la part qui couvre le déficit de la retraite des mineurs, cheminots et marins (Knappschaft-Bahn-See).



79. Selon le dernier rapport annuel, le taux de remplacement avant impôt (pour un retraité à carrière complète au salaire médian) s’établirait à 48 % en 2014, avec une baisse prévue jusqu’à 44,4 % en 2028. Le niveau des cotisations atteindrait 21,4 % en 2028. Les bornes légales sont donc à ce stade respectées jusqu’à l’horizon de prévision tel que fixé par la loi-cadre de 2001, ce qui a d’ailleurs toujours été le cas à ce jour, le cas échéant au prix de réformes. 



80. L’effet du « facteur Riester » a ainsi été reporté, une règle selon laquelle les pensions ne peuvent baisser en termes nominaux a été ajoutée, le taux de cotisation qui aurait dû selon la formule de calcul être abaissé dernièrement à 18,3 % ne l’a été qu’à 18,7 %. À chaque fois, ces ajustements ont requis l’intervention d’une loi. Par ailleurs, dans le passé, le gouvernement allemand a dû recourir à certaines dispositions telles que la baisse du montant de la réserve obligatoire de la DRV ou l’accélération des paiements des cotisations par les entreprises.



81. Il s’agit du rapport entre la pension perçue au 1er décile et au dernier décile.



82. Dans ses deux premiers avis (15 juillet 2014 et 15 juillet 2015), le comité de suivi des retraites a estimé que, au vu de ces indicateurs et des autres analyses fournies par le COR, la situation du système de retraites au regard des objectifs fixés par la loi n’appelait pas à ce stade de recommandations de sa part.



83. Le décret du 2 juillet 2012 relatif aux carrières longues a prévu une hausse de 0,3 point des cotisations patronales et salariales sur la période 2013-2016. La loi du 20 janvier 2014 a programmé par la suite une hausse de 0,3 point des cotisations patronales et salariales sur la période 2014-2017. L’accord AGIRC-ARRCO du 13 mars 2013 prévoit une augmentation totale de 0,2 point des cotisations, répartie entre part patronale et part salariale, en 2014 et en 2015.



84. Comme indiqué supra, le taux de cotisation ne reflète pas la réalité de l’incidence des cotisations sur le coût du travail tel qu’elle peut être ressentie par les entreprises, en raison des allègements généraux de charges en France jusqu’à 1,6 SMIC, qui n’a pas d’équivalent en Allemagne. Dans ce dernier pays, seuls les « mini » et les « midi-jobs » (jusqu’à 850 €) sont soumis à des taux de cotisation dérogatoires, selon une logique différente puisque les droits sont affectés à due proportion.



85. Rapport de la population de plus de 65 ans sur celle des 15 à 64 ans, qui est une approximation du nombre de cotisants sur le nombre de retraités, lequel constitue l’indicateur-clé de la soutenabilité des systèmes de retraites.



86. Rapport annuel du COR, juin 2015.



87. Rapport annuel juin 2015.



88. Littéralement « conseil des experts », ce conseil d’experts économiques publie annuellement un rapport très commenté en Allemagne.



89Werding, 2014, Demographischer Wandel und öffentliche Finanzen.



90. Elles reposent cependant in fine sur un scénario de convergence entre États européens pour ce qui est de certains paramètres et non pas sur la simple continuation des tendances passées. Ainsi, pour l’Allemagne, elles supposent un rebond de la fécondité qui n’est pas observable en tendance et, de même pour la France, une baisse du chômage. Par construction, elles tendent donc à favoriser la prédiction d’un rapprochement des situations. Par ailleurs, le rapport n’a pas pour objet d’évaluer si les systèmes de retraites seront équilibrés à terme, mais seulement d’estimer le niveau tendanciel des dépenses et l’évolution des retraites servies en fonction des réformes déjà adoptées.



91. D’autant que la comparaison de ces ratios est perturbée en défaveur de la France par la non-prise en compte des complémentaires dans les données allemandes et de certains régimes spéciaux (avec un effet de l’ordre de 1 % à 1,3 % du PIB).