La Cour a procédé, en application de l’article L. 111-3 du code des juridictions financières, au contrôle de la direction des résidents à l’étranger et des services généraux (DRESG), service à compétence nationale de la direction générale des finances publiques (DGFIP) qui a pour mission notamment de gérer, recouvrer et contrôler les impôts dus en France par les personnes physiques et morales non-résidentes, qu’elles soient françaises ou étrangères.
La DRESG recouvre, pour un montant total de 1,1 Md€ en 2013, les impôts1 et certains prélèvements sociaux dus par environ 200 000 foyers fiscaux qui résident à l’étranger et perçoivent des revenus ou détiennent des actifs en France. Elle recouvre également, pour un total de 1,0 Md€, les impôts2 dus par un peu plus de 20 000 entreprises étrangères sans établissement stable en France3. La DRESG rembourse enfin à des entreprises étrangères la TVA payée au titre de leurs activités en France (3,6 Md€ en 2013) et des impôts que la France doit leur reverser en application de décisions judiciaires (0,4 Md€ en 2013).
Au terme de ses investigations, la Cour m’a demandé, en application des dispositions de l’article R. 143-1 du code des juridictions financières, d’appeler votre attention sur la faible qualité des services rendus aux non-résidents et sur l’insuffisance du recouvrement et des contrôles réalisés sur les impôts dus par ces contribuables. Cette situation résulte d’une législation complexe et fragile dont les modalités d’application sont précisées trop tardivement. Elle découle également de l’insuffisante professionnalisation et spécialisation du service en charge de la fiscalité des non-résidents. La Cour recommande que la DGFiP attache désormais un degré de priorité important à la réorganisation et à la montée en puissance d’un service à bien des égards aujourd’hui délaissé et qui n’est pas à la hauteur des enjeux croissants qui s’attachent à la gestion de ce secteur de la fiscalité.
Les Français qui résident à l’étranger et payent des impôts en France sont, pour beaucoup d’entre eux, partis pour des raisons professionnelles et le respect de leurs obligations fiscales devrait être facilité par l’administration.
Les Français
établis hors de France
Le nombre de Français
inscrits sur le registre des Français établis hors de
France tenu par les services consulaires était supérieur
à 1 640 000 au 31 décembre 2013 et a augmenté
en moyenne de 3,0 % par an au cours des dix précédentes
années. Ce mouvement, qui traduit notamment
l’internationalisation croissante de l’économie
française, va très probablement se poursuivre dans les
prochaines années.
Les données fiscales que la
DGFIP collecte en exploitant les déclarations des
contribuables ne permettent pas de connaître le motif de leur
départ à l’étranger.
Selon une
enquête de la Maison des Français de l’étranger
citée dans un rapport parlementaire4,
ce motif est de nature professionnelle pour 57 % de ceux dont l’âge
est compris entre 26 et 59 ans, qui représentent 50 % des
Français établis à l’étranger.
Seule
une minorité d’entre eux déclarent à la
DRESG percevoir des revenus ou détenir des actifs en France.
La DRESG reçoit aussi les déclarations de personnes
étrangères qui résident hors de France mais y
perçoivent des revenus ou y détiennent des actifs. Au
total, la DRESG a reçu 199 000 déclarations
d’impôt sur le revenu et 6 000 déclarations
d’impôt de solidarité sur la fortune en 2013 sans
qu’il soit possible de les ventiler selon la nationalité
des déclarants.
Or la qualité des services que la DRESG leur rend, ainsi qu’aux personnes étrangères redevables d’impôts en France, est faible, notamment en matière d’information sur la réglementation, souvent très complexe, qui leur est applicable.
Les Français établis à l’étranger doivent procéder à de nombreuses démarches administratives, en France et dans leur pays d’accueil. La DRESG devrait en conséquence faciliter le respect de leurs obligations fiscales en leur apportant l’information nécessaire par des voies adaptées à une résidence dans des pays où les modes de communication traditionnels, le courrier notamment, fonctionnent parfois difficilement.
Or l’information fournie par le site impots.gouv.fr est insuffisante et actualisée trop tardivement. Beaucoup de contribuables ont ainsi découvert en août 2013, en examinant leurs avis d’imposition, la soumission nouvelle de leurs revenus fonciers et plus-values immobilières aux prélèvements sociaux et ont cru y déceler une erreur de la DRESG. Celle-ci a ainsi reçu 60 000 appels téléphoniques de plus que les années précédentes en septembre et octobre. Sa demande, début septembre, d’une mention sur le site impots.gouv.fr pour informer les contribuables n’a été satisfaite par la DGFIP qu’au bout de trois semaines.
L’accueil téléphonique de la DRESG est fréquemment saturé. Seulement 25 % des appels (soit environ 100 000 sur 400 000) ont été traités, en moyenne sur les années 2011 à 2013, et ce taux n’a jamais dépassé 50 % sur un mois. En outre, les plages d’ouverture de l’accueil téléphonique sont inadaptées aux décalages horaires et la procédure de rappel téléphonique est très peu utilisée. La DRESG a la réputation de « ne pas répondre au téléphone » chez les français de l’étranger.
La DRESG reçoit environ 100 000 courriers électroniques par an (140 000 en 2013 en raison de la réforme des prélèvements sociaux sur les revenus et plus-values immobiliers). Moins d’un sur deux est traité dans les cinq jours (référence retenue pour l’ensemble des services de la DGFIP) et le stock de courriels non traités dépasse parfois 10 000. En outre, la boîte aux lettres électronique utilisée par la DGFIP est inadaptée à l’envoi de documents volumineux.
Les contribuables non-résidents ont naturellement plus recours que les résidents aux télé-procédures pour déclarer leurs revenus et payer leurs impôts, mais des obstacles techniques s’y sont longtemps opposés et s’y opposent parfois encore. Ainsi, le revenu fiscal de référence, nécessaire pour ouvrir un compte personnel sur impots.gouv.fr, n’était pas indiqué sur les avis d’imposition des non-résidents jusqu’à 2012. L’adhésion au prélèvement à échéance ou mensuel suppose d’avoir un compte bancaire en France.
Pour inciter les non-résidents à remplir spontanément leurs obligations fiscales, un programme d’amélioration de la qualité des services rendus aux non-résidents, passant par une modernisation des outils d’information et de communication et des gains de productivité, doit être rapidement mis en place.
Même si le contrôle et le recouvrement des impôts français peuvent présenter de réelles difficultés dans beaucoup de pays étrangers, la relance des contribuables qui ne remplissent pas leurs obligations, le contrôle des déclarations reçues, l’efficacité du recouvrement des impôts et l’examen des demandes de remboursement de TVA présentent d’importantes défaillances.
Les procédures françaises de taxation d’office étant difficiles à mettre en œuvre dans des pays étrangers, la relance amiable des contribuables qui ne remplissent pas leurs obligations déclaratives est particulièrement importante dans le cas des non-résidents.
Pour identifier ceux qui devraient envoyer une déclaration et n’ont pas respecté cette obligation, la DRESG dispose d’informations, transmises par d’autres services de la DGFIP, sur les personnes non-résidentes, physiques ou morales, qui ont des revenus, des activités commerciales ou des actifs en France, par exemple par l’intermédiaire des organismes qui versent ces revenus ou par la consultation de ses fichiers sur les biens immobiliers.
Les moyens utilisés en France (lettres recommandées notamment) ont certes moins d’efficacité dans certains pays, mais la DRESG pourrait développer cette activité de relance. S’agissant de l’impôt sur le revenu, la relance des contribuables défaillants a été concentrée sur un ensemble limité de huit pays, où elle est plus facile, jusqu’à 2013. S’agissant de l’impôt de solidarité sur la fortune, elle n’a été organisée qu’à partir de 2012. La relance des contribuables assujettis à l’impôt sur les sociétés est surtout axée sur les entreprises qui détiennent des biens immobiliers et perçoivent des revenus fonciers en France alors que beaucoup ont une activité commerciale sans posséder de tels biens. Enfin les contribuables qui n’ont pas transmis leurs déclarations relatives à l’exit tax n’ont été relancés pour la première fois qu’en 2014.
La programmation des contrôles fiscaux repose sur des outils d’analyse des risques présentés par les déclarations reçues des contribuables et sur la collecte d’autres informations.
Les outils d’analyse des risques de la DGFIP permettent notamment d’identifier automatiquement les déclarations qui présentent des incohérences ou des caractéristiques semblables à celles des déclarations ayant déjà fait l’objet de redressements. Construits pour analyser les revenus et les patrimoines des résidents, ils ne sont pas nécessairement adaptés aux spécificités des déclarations et du régime fiscal des non-résidents5.
La DRESG dispose d’une brigade de recherche et de programmation et reçoit des informations des autres services de la DGFIP, notamment des directions nationales d’enquête et de contrôle fiscal, auxquels elle transmet ses propres informations6. Les partenariats engagés avec celles-ci pourraient toutefois être plus dynamiques : le nombre de dossiers transmis par ces directions à la DRESG est en diminution constante et la DRESG connaît rarement les suites données aux informations qu’elle leur transmet.
Le contrôle des déclarations peut prendre la forme d’un « contrôle externe », s’il est approfondi, et d’un « contrôle sur pièces », s’il est plus léger.
Les contrôles externes sur les non-résidents sont difficiles car ils supposent des contacts étroits avec les contribuables concernés7. La DRESG en réalise seulement un peu plus de 60 par an, dont une demi-douzaine sur des particuliers. Elle propose toutefois les contrôles les plus complexes à la direction nationale des vérifications nationales et internationales (DVNI), pour les entreprises, et à la direction nationale des vérifications de situation fiscale (DNVSF), pour les particuliers. Les droits rappelés sont très variables d’une année à l’autre mais assez limités (de 15 à 45 M€ par an).
Les contrôles sur pièces sont nettement plus nombreux que les contrôles externes pour les particuliers (près de 4 000 en 2013, soit 2 % des contribuables particuliers) et un peu plus nombreux pour les professionnels (près de 200, soit 1 % des contribuables professionnels). Les redressements notifiés restent aussi limités : entre 30 et 45 M€ par an (particuliers et professionnels).
Alors qu’une approche globale est souvent indispensable, l’analyse des impôts dus par les particuliers sur leurs revenus et leur patrimoine et par les entrepreneurs individuels reste encore trop fréquemment réalisée dans des services différents et cloisonnés. En outre, les personnels affectés au contrôle sur pièces sont souvent mobilisés par des fonctions de gestion de l’impôt, notamment dans les « périodes de pointe » (entre la réception et le dépôt des déclarations par les contribuables puis entre la réception des avis d’imposition et le paiement).
Les contribuables sont inégalement contrôlés selon leur lieu de résidence et les relances sont encore trop souvent limitées aux contribuables résidant dans un nombre restreint de pays. Il en est de même selon les impôts : les contrôles de la taxe de 3 % sur les immeubles détenus par les non-résidents sont ainsi très rares et le contrôle des déclarations relatives à l’exit tax n’a été mis en place qu’à la fin de 2014.
La relance des non-résidents qui ont omis de déclarer leurs revenus ayant une efficacité limitée, le recouvrement porte essentiellement sur les impôts des contribuables qui les ont spontanément déclarés. Le taux de recouvrement à l’échéance des impôts des particuliers devrait, dans ces conditions, être relativement élevé, mais il est seulement de 91 % contre une moyenne de 98 % pour l’ensemble de la DGFIP.
Le taux de recouvrement au bout de deux ans des créances issues d’un contrôle fiscal externe est quant à lui de 55 % pour la DRESG en 2013, contre 75 % pour l’ensemble de la DGFIP.
À la fin de 2013, un stock de près de 15 000 créances restaient à recouvrer au titre des années 2013 et antérieures, pour un montant de presque 500 M€, soit une année de produit de l’impôt sur le revenu des non-résidents.
Les obstacles au recouvrement de l’impôt dû en France sont multiples dans certains pays étrangers : lourdeur des procédures de notification, erreurs d’adressage, impossibilité de mise en œuvre de moyens tels que l’avis à tiers détenteur ; absence de biens saisissables en France… S’il existe une procédure internationale d’assistance au recouvrement des créances des États, beaucoup de pays hors de l’Union européenne n’y adhèrent pas. Elle ne peut, de plus, être utilisée que pour des créances supérieures à un certain montant et la direction des créances spéciales du Trésor qui la met en œuvre pour la France n’a pas les moyens de prendre en charge toutes les créances de la DRESG supérieures à ce seuil.
Les impôts dus peuvent être recouvrés au retour des contribuables en France mais encore faut-il qu’ils aient pu être notifiés selon les règles françaises et que les délais de prescription n’aient pas été dépassés. En outre, les procédures d’information entre la DRESG et les services territoriaux qui reçoivent les déclarations des nouveaux arrivants ne sont pas toujours efficaces.
Si les obstacles au recouvrement sont réels, la DRESG pourrait néanmoins améliorer l’efficacité des unités qui en sont chargés, notamment par le recrutement d’agents ayant un profil professionnel adapté à ces difficultés.
Les remboursements de TVA effectués par la DRESG concernent d’abord des entreprises non domiciliées et sans établissement stable en France qui y exercent néanmoins des activités commerciales et sont assujetties à la TVA. Elles collectent la TVA sur leurs ventes et se font rembourser la TVA sur leurs achats si elle dépasse le montant collecté (2,3 Md€ pour environ 6 600 demandes de remboursements en 2013).
Ces remboursements concernent aussi des entreprises qui n’ont aucune activité commerciale en France, ou une activité insuffisante pour être assujettie, qui ne collectent donc pas de TVA mais qui peuvent se faire rembourser la TVA payée sur leurs achats en France en application d’une directive européenne (1,3 Md€ pour 124 000 demandes). Il s’agit surtout de sociétés de transport dont les camions traversent la France en payant du carburant et des péages.
Ces très nombreuses demandes de remboursements présentées par des sociétés qui n’ont aucune présence en France et sont assujetties à la TVA dans leur pays de domiciliation peuvent faire l’objet de fraudes multiples : non assujettissement à la TVA en réalité, fausses factures, remboursement de dépenses non éligibles…
Depuis 2010, les administrations fiscales européennes mettent à la disposition des entreprises domiciliées dans leur pays un portail Internet où elles déposent leurs demandes de remboursement. Elles doivent vérifier que les entreprises concernées sont assujetties à la TVA et disposent d’un numéro de TVA intracommunautaire valide, ce qui contribue à renforcer le contrôle par rapport à la situation antérieure où elles ne procédaient à aucune vérification, puis elles transmettent leur demande par Internet aux services fiscaux du pays qui doit rembourser la TVA (la DRESG pour la France).
Ce système facilite les démarches et réduit les délais de traitement mais, selon un rapport d’un groupe de travail réunissant 11 administrations fiscales, il contribue à aggraver les risques de fraude malgré les vérifications opérées par l’administration du pays de domiciliation de l’entreprise : la dématérialisation rend plus difficile le repérage des fausses factures ; dans certains pays, des entreprises peuvent très rapidement être créées, recevoir un numéro provisoire d’assujettissement à la TVA, obtenir un remboursement indu puis disparaître. En outre, l’assujettissement du demandeur à la TVA est inégalement vérifié selon les États.
Au regard des risques qui s’y attachent, les contrôles préalables exercés par la DRESG sur les remboursements effectués en France sont insuffisants : en 2012, la France représentait 27 % des demandes et 23 % des remboursements de l’Union européenne (hors Allemagne et Hongrie) mais seulement 11 % des demandes rejetées et 7 % du montant des remboursements refusés.
Les demandes de remboursement de TVA reçues par la DRESG peuvent être traitées, comme dans les autres services de la DGFIP, en « circuit court », et faire alors l’objet d’un contrôle très allégé, ou en « circuit long », et faire l’objet d’un contrôle approfondi. Pour éviter une accumulation de dossiers en attente, la DRESG ne traite que le quart des demandes des transporteurs en circuit long.
La Cour considère que la part des demandes traitées en circuit long doit augmenter significativement et que les premières demandes de remboursement et celles supérieures à 50 000 € devraient l’être systématiquement.
La législation fiscale applicable aux non-résidents est souvent complexe et fragile. Elle doit faire l’objet de décrets d’application et d’instructions des services fiscaux permettant d’en préciser et d’en clarifier les modalités. Or des exemples récents montrent que ces instructions sont parfois publiées trop tardivement.
Les revenus perçus, les ventes réalisées et les actifs détenus en France par des non-résidents sont soumis aux mêmes prélèvements obligatoires que ceux des résidents, mais selon des modalités d’applications particulières qui introduisent une complexité supplémentaire par rapport à la législation applicable aux résidents8. Des conventions fiscales bilatérales entre la France et les autres pays permettent d’éviter les doubles impositions, mais les modalités retenues diffèrent souvent d’une convention à l’autre ce qui introduit des éléments supplémentaires de complexité.
Les non-résidents sont par ailleurs soumis à des impôts spécifiques comme l’exit tax due sur les plus-values mobilières latentes au moment du départ à l’étranger. Elle a été créée par la loi de finances pour 1999, condamnée par la Cour de justice des communautés européennes en 2004 puis rétablie sous une autre forme dans une loi de finances rectificative de 2011.
Cet exemple montre que la fiscalité des non-résidents présente des risques particuliers de non-conformité au droit européen. Elle peut en effet, si elle est mal conçue, introduire des discriminations entre résidents et non-résidents et faire obstacle à la libre circulation des personnes, des marchandises et des capitaux au sein de l’Union européenne, ce que prohibe la réglementation européenne.
Le contentieux dont l’enjeu pour les finances publiques est actuellement le plus lourd concerne ainsi une retenue à la source sur les dividendes versés par les sociétés françaises à des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) non-résidents. La loi de programmation des finances publiques du 29 décembre 2014 prévoit à ce titre près de 5 Md€ de remboursements sur les années 2014 à 2017 et la gestion des 11 500 réclamations enregistrées au printemps 2014 mobilise une partie non négligeable des moyens de la DRESG.
Des contentieux ont été perdus récemment, comme sur la majoration spécifique aux nonrésidents du taux d’imposition des plus-values immobilières. D’autres sont en cours et pourraient connaître une issue défavorable aux finances publiques françaises : tel est le cas notamment de l’application aux non-résidents des prélèvements sociaux, perçus par la DRESG, sur les revenus fonciers et les plus-values immobilières.
Des exemples récents montrent que les délais entre l’adoption des textes législatifs et la publication des décrets et des instructions nécessaires pour en préciser les modalités d’applications sont parfois excessivement longs.
L’exit tax est un impôt sur les plus-values mobilières latentes des contribuables qui transfèrent leur domicile fiscal hors de France. S’il s’installe dans un pays de l’Union européenne, le contribuable bénéficie d’un sursis de paiement automatique, jusqu’à la cession des titres concernés ; s’il s’installe dans un autre pays, il peut obtenir un tel sursis, sous réserve de l’apport de garanties.
Alors que la nouvelle version de l’exit tax, préparée par l’administration et proposée au vote du Parlement en juillet 2011, est applicable aux personnes transférant leur domicile fiscal à l’étranger à partir du 3 mars 2011, le décret d’application n’a été publié que le 7 avril 2012, le formulaire (17 pages) a été mis en ligne le 12 juin 2012 et l’instruction de la DGFIP (90 pages) a été publiée le 31 octobre 2012 puis modifiée à plusieurs reprises.
La DRESG a été obligée de saisir plusieurs fois, de septembre 2012 à avril 2013, les services centraux de la DGFIP pour obtenir des réponses sur ses modalités d’application. Certaines difficultés d’interprétation de la réglementation, concernant notamment les garanties nécessaires en cas de sursis de paiement, n’étaient toujours pas résolues fin 2014.
Un arrêt du 10 mai 2012 de la Cour de justice des communautés européennes ayant condamné la France à l’issue d’un long contentieux, la loi de finances rectificative du 16 août 2012 a exonéré de retenue à la source, sur proposition du Gouvernement, les dividendes versés à des OPCVM étrangers sous certaines conditions, notamment de « présenter des caractéristiques similaires à celles d’OPCVM de droit français ».
Bien que la DRESG ait signalé dès le 5 octobre 2012 à l’administration centrale de la DGFIP les interrogations des établissements bancaires sur l’interprétation à donner à ce texte et la nécessité de préciser très rapidement les critères de comparabilité des OPCVM, une réponse, qui a dû être ensuite complétée, n’a été apportée que le 6 août 2013 par une publication au bulletin officiel des finances publiques.
Ce retard est d’autant plus critiquable que, comme la DRESG l’avait indiqué dès octobre 2012 à son administration centrale, les banques ont continué à prélever la retenue à la source jusqu’à août 2013, dans l’attente de ces éclaircissements. L’État s’expose donc au remboursement des retenues prélevées à tort, dont l’administration a répondu à la Cour qu’elle n’était pas en mesure d’estimer le montant.
La fiscalité des non-résidents est complexe et le contrôle comme le recouvrement des impôts dus par des personnes domiciliées à l’étranger est naturellement difficile. Mais compte tenu des enjeux croissants qui s’attachent à ce secteur de la fiscalité et des marges de redéploiement interne dont dispose la DGFiP du fait de l’étendue de ses missions et des gains de productivité mobilisables dans l’ensemble de son réseau, la DGFIP devrait affirmer sa volonté de réforme pour améliorer cette situation. Cela doit passer par une spécialisation de la DRESG sur ses seules missions fiscales en direction des non-résidents et par une professionnalisation de son recrutement, de ses méthodes et de ses outils.
L’organisation et le pilotage de la DRESG doivent être profondément revus. Cette direction assure aujourd’hui des fonctions très hétérogènes, ce qui ne peut que nuire à la nécessaire mobilisation de son directeur et de ses autorités de rattachement sur l’amélioration de la gestion des impôts dus par les non-résidents.
En effet, outre la gestion et le contrôle des impôts des non-résidents, la DRESG recouvre les prélèvements fiscaux et sociaux retenus à la source sur les revenus de capitaux mobiliers (14,9 Md€ en 2013), qui concernent principalement les résidents. Elle assure également des services généraux (gestion de la paye…) au profit de l’administration centrale ou de l’ensemble de la DGFIP qui mobilisent le tiers de ses effectifs (soit environ 160 personnes sur un total de 480). Pour cette raison, la DRESG est d’ailleurs placée sous l’autorité du chef du service des ressources humaines de la DGFIP et non du chef du service de la gestion fiscale.
Il serait plus logique et plus efficace de faire gérer les fonctions de support de l’administration centrale par celle-ci ou par le secrétaire général du ministère des finances, comme c’est habituellement le cas dans les ministères, et de faire de la DRESG un service à compétence nationale ayant pour seule fonction la gestion et le contrôle de la fiscalité des non-résidents et de la rattacher au chef du service de la gestion fiscale de la DGFIP.
La fiscalité des non-résidents présente d’importantes différences par rapport à la législation fiscale de droit commun ; de plus, la gestion et le contrôle des impôts dus par des personnes domiciliées à l’étranger sont naturellement plus difficiles. La DRESG devrait en conséquence pouvoir choisir des agents qualifiés ayant un profil adapté à ces particularités.
Le recrutement interne à la DGFIP se fait soit à l’ancienneté - c’est alors l’agent qui choisit son service d’affectation -, soit « au profil » : c’est alors le service d’affectation qui choisit l’agent en fonction de son profil professionnel. S’agissant de la DRESG, son directeur ne peut recruter au profil qu’un nombre très limité de cadres supérieurs alors que les directions nationales d’enquête et de contrôle de la DGFIP choisissent elles-mêmes la plupart de leurs cadres. Il est donc nécessaire d’élargir les possibilités de recrutement au profil de la DRESG.
La gestion de la fiscalité des non-résidents impose de créer des applications informatiques spécifiques ou d’adapter les applications utilisées par les autres services de la DGFIP pour gérer la fiscalité des résidents. La DGFIP considère que ses contraintes budgétaires ne lui permettent pas d’envisager une informatisation des processus aussi complète pour la DRESG que pour les autres services fiscaux. En conséquence, la DRESG doit souvent développer ses propres applications dans des conditions non satisfaisantes en termes de fiabilité et de sécurité, voire s’en tenir à une gestion manuelle.
Le directeur de la DGFIP doit inciter ses services informatiques à soutenir plus fortement la DRESG en lui apportant l’assistance et les moyens nécessaires.
La mise à niveau des systèmes d’information de la DRESG doit s’accompagner d’un renforcement des dispositifs de contrôle et d’audit internes permettant de donner une assurance suffisante de maîtrise des risques.
Au terme de son enquête, la Cour estime qu’une action vigoureuse de réforme doit être engagée sans retard pour améliorer significativement la gestion de la fiscalité des non-résidents. À cette fin, elle formule les recommandations suivantes :
Recommandation n° 1 : Mettre en œuvre rapidement un programme d’amélioration de la qualité des services rendus aux non-résidents reposant sur une modernisation des outils d’information et de communication.
Recommandation n° 2 : Raccourcir les délais de publication des décrets d’application et des instructions qui précisent les nouvelles règles fiscales concernant les non-résidents.
Recommandation n° 3 : Spécialiser la DRESG dans la gestion de la fiscalité des non-résidents, la rattacher au service de la gestion fiscale de la DGFIP, et transférer à l’administration centrale de la DGFIP, ou au secrétariat général du ministère des finances, les fonctions de support administratif qu’elle exerce actuellement
Recommandation n° 4 : Affecter aux fonctions de recouvrement et de contrôle des agents ayant un profil adapté aux spécificités de la fiscalité des non-résidents et mettre à niveau les outils informatiques.
-=o0o=-
Je vous serais obligé de me faire connaître, dans le délai de deux mois prévu à l’article L. 143-5 du code des juridictions financières, la réponse que vous aurez donnée à la présente communication9.
Je vous rappelle qu’en application des dispositions du même code :
- deux mois après son envoi, le présent référé sera transmis aux commissions des finances, et, dans leur domaine de compétence, aux autres commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Il sera accompagné de votre réponse si elle est parvenue à la Cour dans ce délai. À défaut, votre réponse leur sera transmise dès sa réception par la Cour (article L. 143-5) ;
- dans le respect des secrets protégés par la loi, la Cour pourra mettre en ligne sur son site internet le présent référé, accompagné de votre réponse (article L. 143-1) ;
- l’article L. 143-10-1 prévoit que, en tant que destinataire du présent référé, vous fournissiez à la Cour un compte rendu des suites données à ses observations, en vue de leur présentation dans son rapport public annuel. Ce compte rendu doit être adressé à la Cour, selon les modalités de la procédure de suivi annuel coordonné, convenue entre elle et votre administration.
Didier Migaud
1 Impôt sur le revenu et impôt de solidarité sur la fortune pour l’essentiel.
2 TVA et impôt sur les sociétés pour l’essentiel.
3 Par exemple, des entreprises étrangères qui vendent leurs produits dans des foires ou salons en France.
4 Rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur « l’exil des forces vives de France » présenté le 8 octobre 2014 par MM. L. Chatel, président, et Y. Galut, rapporteur.
5 Par exemple, les réductions et crédits d’impôts ne sont pas soumis aux mêmes conditions ; les déclarations des non-résidents peuvent ne porter que sur des revenus de capitaux mobiliers très variables d’une année à l’autre.
6 La DRESG gère la fiscalité des personnes non domiciliées en France, mais la vérification de la réalité de cette domiciliation relève surtout de la direction nationale des enquêtes fiscales et des services territoriaux de la DGFIP.
7 Ils sont d’ailleurs souvent désignés par l’appellation « contrôles sur place » bien que, pour les particuliers, ils n’aient pas lieu à leur domicile mais dans les bureaux de l’administration.
8 Par exemple, les revenus de source française des ménages non-résidents sont soumis au barème de l’impôt sur le revenu, mais avec un taux minimal de 20 % sauf s’ils peuvent prouver que l’application du barème à l’ensemble de leurs revenus, d’origine française ou étrangère, est plus favorable. Une retenue à la source est prélevée dans certains cas sur les revenus d’origine française et elle peut avoir un caractère libératoire, mais dans certaines conditions.
9 La Cour vous remercie de lui faire parvenir votre réponse, sous votre signature personnelle exclusivement, sous forme dématérialisée (un fichier PDF comprenant la signature et un fichier Word) à l’adresse électronique suivante : greffepresidence@ccomptes.fr.