REPUBLIQUE FRANÇAISE
Au nom du peuple français,
La Cour de discipline BUDGÉTAIRE et financiÈre, siégeant à la Cour des comptes, en audience publique, a rendu l'arrêt suivant :
Vu le livre III du code des juridictions financières, relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la communication en date du 2 décembre 1996 transmise par le commissaire du Gouvernement près la chambre régionale des comptes d'Ile-de-France, enregistrée au parquet le 6 décembre 1996, par laquelle le président de cette juridiction a informé de la décision de la chambre régionale des comptes, prise en sa séance du 23 octobre 1996, de déférer des faits faisant présumer l'existence d'irrégularités dans la gestion du centre hospitalier spécialisé Paul Guiraud de Villejuif ;
Vu le réquisitoire du 7 octobre 1997 par lequel le Procureur général a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière des faits susmentionnés, conformément aux articles L. 314-1 et L. 314-3 du code des juridictions financières ;
Vu les décisions du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière des 15 octobre 1997, 12 avril 1999, 5 mars 2004 et 13 avril 2004, désignant successivement comme rapporteur MM. Sépulchre, Prat, Mme Pellerin, conseillers référendaires à la Cour des comptes, et M. Groper, auditeur à la Cour des comptes ;
Vu la lettre recommandée du 2 février 1998 par laquelle le Procureur général a informé M. Jacques Coz, directeur du centre hospitalier spécialisé Paul Guiraud de Villejuif au moment des faits, de l'ouverture d'une instruction dans les conditions prévues à l'article L. 314-4 du code précité, ensemble l'accusé de réception de cette lettre ;
Vu la lettre du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 18 septembre 2000, transmettant au Procureur général le dossier de l'affaire après dépôt du rapport d'instruction, conformément à l'article L. 314-4 du code précité ;
Vu la lettre du Procureur général au président de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 23 novembre 2001 l'informant de sa décision de poursuivre la procédure, en application de l'article L. 314-4 du code précité ;
Vu la lettre du 20 décembre 2001 transmettant le dossier au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre délégué chargé de la santé, en application de l'article L. 314-5 du code précité ;
Vu la décision du procureur général, en date du 12 février 2004, renvoyant M. Coz devant la Cour de discipline budgétaire et financière, en application de l'article L. 314-6 du code susvisé ;
Vu la lettre du président de la Cour de discipline budgétaire et financière, en date du 13 février 2004, transmettant le dossier au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées pour avis de la commission administrative paritaire compétente, en application de l'article L. 314-8 du code susvisé ;
Vu la lettre recommandée du 8 mars 2004 de la secrétaire générale de la Cour de discipline budgétaire et financière avisant M. Coz qu'il pouvait prendre connaissance du dossier suivant les modalités prévues par l'article L. 314-8 du code susvisé, ensemble son accusé de réception ;
Vu la lettre recommandée du 9 mars 2004 par laquelle le Procureur général a cité M. Coz à comparaître devant la Cour de discipline budgétaire et financière, ensemble son accusé de réception ;
Vu la lettre du président de la Cour de discipline budgétaire et financière, en date du 11 mars 2004, accordant au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées un délai supplémentaire pour convoquer la commission administrative paritaire compétente ;
Vu le mémoire en défense du 22 avril 2004, enregistré au greffe de la Cour le même jour, transmis par Me Gattegno, conseil de M. Coz ;
Vu l'avis émis le 26 avril 2004 par la Commission administrative paritaire nationale compétente ;
Vu l'arrêt, lu en séance publique le 15 juin 2004, par lequel la Cour de discipline budgétaire et financière a décidé de transmettre l'affaire au Conseil d'État ;
Vu l'arrêt n° 269233 du 4 février 2005, par lequel le Conseil d'État a renvoyé l'affaire devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la lettre recommandée en date du 9 mars 2005, par laquelle le Procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, a convoqué M. Coz à l'audience du 20 avril 2005 ;
Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier, notamment les procès-verbaux d'audition de M. Coz, les témoignages recueillis ainsi que le rapport d'instruction de M. Prat ;
Entendu M. Groper, résumant le rapport susvisé ;
Entendu le Procureur général en ses conclusions et réquisitions ;
Entendu en sa plaidoirie Me Gattegno et en ses explications et observations M. Coz, l'intéressé et son conseil ayant eu la parole en dernier ;
Sur la compétence de la Cour :
Considérant que le Centre hospitalier spécialisé (CHS) Paul Guiraud de Villejuif, établissement public local de santé, est soumis au contrôle de la chambre régionale des comptes d'Ile-de-France ;
Considérant qu'en conséquence, M. Coz, directeur dudit centre hospitalier spécialisé au moment des faits, est justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière au titre de l'article L. 312-1-I-c du code des juridictions financières, lequel vise tout représentant, administrateur ou agent des organismes qui, autres que l'État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics ainsi que les groupements des collectivités territoriales, sont soumis soit au contrôle de la Cour des comptes, soit au contrôle d'une chambre régionale des comptes ;
Sur la procédure :
Sur la prescription :
Considérant que l'ensemble des faits pour lesquels l'intéressé est renvoyé devant la Cour sont postérieurs au 2 décembre 1991 ; qu'ils ne sont donc pas couverts par la prescription de cinq ans édictée par l'article L. 314-2 du code des juridictions financières ;
Sur l'absence d'avis du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre délégué à la santé :
Considérant que l'absence de réponse du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre délégué à la santé à la demande d'avis formulée le 20 décembre 2001, dans le délai de deux mois qui leur avait été imparti, ne fait pas obstacle, en application de l'article L. 314-5 du code des juridictions financières, à la poursuite de la procédure ;
Sur le moyen tiré du non respect allégué de l'exigence du délai raisonnable de jugement :
Considérant qu'est invoqué devant la Cour le moyen selon lequel la procédure suivie ne serait pas, en l'espèce, conforme à l'exigence du délai raisonnable de jugement, posée notamment par l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui s'applique à la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Considérant que le délai de jugement de la Cour de discipline budgétaire et financière est sans effet sur la régularité de la procédure suivie ; que ce moyen est donc inopérant ;
Sur la récusation de la Cour :
Considérant d'une part que la Cour de discipline budgétaire et financière est une juridiction distincte de la Cour des comptes ; que par conséquent, elle ne saurait être engagée par le rapport public de la Cour des comptes ; que le moyen tiré de ce que la Cour de discipline budgétaire et financière ne serait pas, par nature, une juridiction impartiale ne peut, par suite, qu'être écarté ;
Considérant d'autre part que, en l'espèce, aucun des membres de la formation de jugement de la Cour de discipline budgétaire et financière n'a participé à l'adoption, par la chambre du conseil de la Cour des comptes, du rapport public annuel pour 1997 qui avait pris parti sur la responsabilité de M. Coz à raison des irrégularités reprochées ; que le moyen tiré de ce que certains membres de la formation de jugement auraient déjà pris parti manque en fait ;
Sur les faits :
I. Sur la conclusion du marché de maîtrise d'oeuvre :
Considérant que, après lui avoir fait réaliser un audit, en 1993, sur la restructuration thermique du CHS Paul Guiraud de Villejuif, M. Coz, directeur de cet établissement a signé, le 1er avril 1994, avec la société Berry Ingénierie une convention confiant à cette dernière la réalisation d'un système de cogénération pour un montant de 18 132 000 FRF TTC (2 764 205,58 €) ;
Considérant que, le 3 mai 1994, le directeur du CHS a également conclu une convention de crédit-bail avec la société FIP-CEPME, portant sur le financement des équipements d'économie d'énergie ;
Considérant qu'après les observations des services en charge du contrôle de légalité sur l'absence d'appel à concurrence pour ces deux conventions précitées, aucune suite n'a été réservée à ces conventions ;
Considérant que le CHS a par suite conclu de nouvelles conventions, avec les mêmes cocontractants que précédemment ; qu'en effet, l'établissement a conclu, le 29 juillet 1994, un marché de maîtrise d'oeuvre avec la société Berry Ingénierie, sous la forme négociée prévue par l'article 104-II-2 du code des marchés publics alors en vigueur ;
Considérant qu'il a également, le 29 août 1994, conclu une convention de crédit-bail identique à la précédente, à l'issue d'une procédure d'appel d'offres restreint lancée en urgence, avec la société FIP-CEPME ;
Considérant que l'établissement public a conclu enfin des marchés de travaux, à l'issue d'une procédure d'appel d'offres lancée en urgence en août 1994, avec trois entreprises, Sud Ouest Maintenance, AGEST et SOPERI, la première, qui appartient au groupe BERRY, obtenant deux lots représentant 89,5 % du montant total des travaux ; que les actes d'engagement pour ces marchés de fournitures datent du 7 septembre 1994 pour Sud Ouest Maintenance et AGEST, et du 26 septembre 1994 pour la SOPERI ;
Considérant que, s'agissant du marché de maîtrise d'oeuvre, les dispositions de l'article 104-II-2 du code des marchés publics en vigueur au moment des faits étaient réservées aux besoins qui ne pouvaient être satisfaits que par une prestation qui, à cause de nécessités techniques, d'investissements préalables importants, d'installations spéciales ou de savoir-faire, ne pouvait être confiée qu'à un fournisseur déterminé ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la société Berry Ingénierie aurait été la seule entreprise en mesure, au moment des faits, de fournir les prestations susvisées dans les conditions de technicité et de rapidité requises ; qu'il résulte notamment du courrier n° 94.1238 en date du 18 juillet 1994, adressé par M. Coz au directeur des affaires sanitaires et sociales du Val de Marne, que M. Coz a lui-même indiqué que d'autres entreprises étaient en mesure de fournir les mêmes prestations ; que par suite les conditions d'applications de l'article 104-II-2 du code des marchés publics n'étaient pas réunies ; qu'en méconnaissant les dispositions du code des marchés publics pour la conclusion du marché de maîtrise d'oeuvre, M. Coz a commis l'infraction prévue à l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;
Considérant toutefois que des considérations urgentes de sécurité des usagers du CHS ont pu conduire M. Coz à rechercher rapidement les moyens propres à garantir l'approvisionnement énergétique des bâtiments du centre hospitalier ; que par ailleurs il ressort des pièces du dossier que les autorités en charge du contrôle de légalité, dûment saisies, après s'être opposées à l'entrée en vigueur des contrats du 1er avril et du 3 mai 1994, ne se sont pas opposées aux modalités de passation des marchés qui ont suivi, dont le marché de maîtrise d'oeuvre ; que ces éléments constituent des circonstances atténuantes de la responsabilité de M. Coz ;
II. Sur les paiements effectués à la société Berry Ingénierie :
1. Sur la désignation des bénéficiaires des paiements du crédit-bailleur :
Considérant que dans le montage initial envisagé par l'établissement, la société Berry devait, en tant qu'ensemblier, prendre en charge l'opération de mise en place d'un système de cogénération dans sa globalité, et recevoir l'intégralité des paiements à effectuer par le crédit-bailleur, ce dont témoigne la « convention de réalisation » du 1er avril 1994, et notamment son point XIII ;
Considérant que, suite à l'intervention des autorités chargées du contrôle de légalité, la nouvelle convention signée avec la société Berry le 29 juillet 1994 ne s'intitule plus « convention de réalisation » et se borne à conférer à celle-ci la maîtrise d'oeuvre de l'opération ; qu'elle établit la rémunération du maître d'oeuvre à 3 061 707,48 FRF TTC (466 794,78 €); que cette convention stipule page 5 que « le crédit-bailleur retenu pour cette opération règlera les sommes dues au titre du présent marché » à la société Berry ;
Considérant que la convention de crédit-bail signée avec la société FIP-CEPME le 29 août 1994, identique à la première convention du 3 mai 1994 qui était restée non appliquée après l'intervention des autorités chargées du contrôle de légalité, prévoit, dans ses articles 3 et 4, la conclusion de marchés de fournitures et de travaux par la personne publique, et le paiement direct des titulaires de ces marchés par le crédit-bailleur, sur instruction de la personne publique et après réception par celle-ci des équipements et matériels divers ; que cette même convention, toutefois, indique dans son annexe n° 1 comme fournisseur la seule société Berry, pour la totalité des équipements, pour un montant de 17 048 568,30 FRF H.T., soit 20 219 602 FRF TTC (3 082 458,45 €) ; que cette convention prévoit également, dans son annexe n° 3, un échéancier précis du versement, par le crédit-bailleur, des acomptes du prix de vente ; que ces annexes, qui figuraient déjà dans la convention du 3 mai 1994, continuent donc à désigner la société Berry comme bénéficiaire exclusif des paiements à effectuer par le crédit-bailleur ;
Considérant que les marchés de travaux conclus avec les sociétés Sud Ouest Maintenance, AGEST et SOPERI indiquent par contre que le paiement de leurs prestations est pris en charge par le receveur percepteur du CHS Paul Guiraud ;
Considérant que, ainsi, contrairement d'une part aux stipulations des marchés de travaux et d'autre part à celles du marché de maîtrise d'oeuvre conclu avec la société Berry, les annexes de la convention de crédit-bail désignent Berry Ingénierie comme bénéficiaire non seulement du prix de sa propre prestation en tant que maître d'oeuvre, mais également comme bénéficiaire unique de l'ensemble des paiements des travaux, en lieu et place des entreprises dans les droits desquelles elle n'est pourtant pas subrogée ;
Considérant par ailleurs que, le 12 septembre 1994, M. Coz signe trois ordres de services n° 94-62, 94-64 et 94-65, correspondant aux lots n° 1, 2 et 4 des marchés de travaux, qui indiquent aux entreprises de travaux précitées que « le paiement des décomptes sera effectué par la société BERRY Ingénierie, maître d'oeuvre » ; que le 30 septembre, un autre ordre de service n° 94-67 est notifié pour le lot n° 3 à la société SOPERI, qui comporte la même mention ; qu'en revanche, l'ordre de service n° 94-68 du même jour et adressé à la même société, mais pour des prestations hors marché, indique que « le paiement sera effectué par mandat administratif, émis par le CH Paul Guiraud » ;
Considérant que, par courrier en date du 26 août 1994, donc avant conclusion de la nouvelle convention de crédit-bail avec la société FIP-CEPME le 29 août, M. Coz signale à celle-ci que le montant global à financer sur l'opération d'économie d'énergie s'élèvera à 20 219 602 FRF TTC (3 082 726,30 €) et qu'il conviendra d'effectuer les règlements à la société Berry Ingénierie, selon un échéancier déterminé, commençant par le paiement de 25 % du prix total au moment de la commande ;
Considérant qu'en effet, le 29 août suivant, date de la signature de la convention de crédit-bail avec FIP-CEPME, et donc préalablement à sa transmission au contrôle de légalité, la société Berry Ingénierie émet une facture de 4 262 142,50 FRF HT (649 759,44 €), correspondant à 25 % de l'enveloppe prévisionnelle globale des travaux ; que cette facture a été visée par M. Coz en vue du paiement par FIP-CEPME ; qu'enfin, par courrier du 7 septembre 1994, M. Coz demande à la société FIP-CEPME d'effectuer le règlement de la facture qu'il vient de viser pour service fait, s'engageant à la garantir sur les deniers de l'établissement dans l'hypothèse où la convention du 29 août 1994, arrivée au contrôle de légalité le 5 septembre 1994, serait rejetée par ce dernier ;
Considérant que M. Coz, en tant que directeur du CHS, a signé des marchés qui comportaient, s'agissant du paiement des titulaires des marchés de travaux, des dispositions contradictoires entre elles ; que ce faisant, il a créé les conditions du risque, pour le CHS, de payer deux fois les sommes en cause, risque qui s'est d'ailleurs réalisé par la suite ; qu'en désignant dès le 26 août 1994, donc avant la conclusion de la convention avec le crédit-bailleur, la société Berry comme bénéficiaire exclusif des paiements, puis en donnant l'ordre au crédit-bailleur de verser des acomptes de la totalité du prix des prestations à la société Berry, alors que les marchés de travaux prévoyaient le paiement direct de leurs titulaires, M. Coz a engagé sa responsabilité au titre de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;
Considérant par ailleurs que M. Coz a donné, par courrier en date du 7 septembre 1994, l'ordre au crédit-bailleur de procéder au paiement du premier acompte à la société Berry alors que la convention de crédit-bail n'avait pas encore reçu l'aval de l'autorité chargée du contrôle de légalité ; qu'il a également, par ce même courrier, garanti au crédit-bailleur le remboursement sur les deniers de l'établissement de cette somme, dans l'hypothèse où le contrat de crédit-bail serait rejeté par les autorités de tutelle, alors qu'aucune disposition contractuelle ne prévoyait une telle garantie ; que le versement des acomptes s'est donc effectué en infraction aux règles d'exécution des dépenses publiques au sens de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;
Considérant que certes le contrôle de légalité n'a pas relevé la contradiction entre d'une part les stipulations des marchés de travaux ainsi que les dispositions des articles 3 et 4 de la convention de crédit-bail signée avec FIP-CEPME le 29 août 1994, qui prévoyaient le paiement direct aux fournisseurs, et d'autre part les dispositions figurant en annexe n° 1 et n° 3 de cette convention de crédit-bail, qui désignait la société Berry comme bénéficiaire unique des paiements de FIP-CEPME ;
Considérant cependant qu'il ressort de l'instruction que si les services en charge du contrôle de légalité ont validé les nouvelles conventions signées au cours de l'été 1994 avec les sociétés Berry et FIP-CEPME, ils n'ont pas pour autant explicitement cautionné l'idée selon laquelle la société Berry devait prendre en charge la totalité des opérations d'installation et donc percevoir la totalité du prix à payer par le crédit-bailleur, puisqu'il ressort des courriers échangés à l'époque que le CHS devait contracter lui-même avec les fournisseurs, ce qui a d'ailleurs été fait par la suite ;
2. Sur le contrôle du service fait :
Considérant que la société FIP-CEPME a donné suite à l'instruction de M. Coz et a versé à la société Berry le premier acompte de 25 % du montant total de l'opération ; que par la suite, d'autres acomptes ont été versés par FIP-CEPME à la société Berry, après visa par M. Coz des factures émises par l'entreprise Berry, le visa de M. Coz emportant certification du service fait ; qu'au total, cette dernière a perçu, entre ce premier versement et janvier 1995, par FIP-CEPME et sur instruction de M. Coz, 15 343 712 FRF (2 339 133,82 €), alors que son contrat de maîtrise d'oeuvre ne s'élevait qu'à 3 061 707,48 FRF (466 754,22 €) ;
Considérant qu'en application de l'article 7 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, les ordonnateurs sont responsables des certifications qu'ils délivrent ;
Considérant que M. Coz a certifié le service fait de prestations qui n'étaient pas exécutées ; que ces certifications ont entraîné les paiements effectués par le crédit-bailleur à la société Berry en application de l'échéancier précis annexé au contrat de crédit-bail, et non en fonction de la réalité du service fait ; qu'ainsi, en janvier 1995, la société Berry avait perçu 90 % du total des versements prévus par l'échéancier, alors que moins de la moitié des travaux avait été réalisée ;
Considérant qu'il découle de l'ensemble des éléments qui précèdent que M. Coz, en tant que directeur du CHS, a commis l'infraction prévue à l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;
Considérant que la société Berry Ingénierie a été déclarée en cessation de paiement en avril 1995 et placée en liquidation judiciaire en novembre de la même année, et que la société Sud Ouest Maintenance a elle-même été mise en liquidation judiciaire en septembre 1995 ; que sur les 15 343 712 FRF (2 339 133,82 €) d'acomptes versés par FIP-CEPME à Berry Ingénierie, conformément aux ordres de M. Coz, seuls 8 280 151 FRF (1 262 300,88 €) ont été reversés aux titulaires des marchés de travaux ; que la société Berry, n'ayant pu honorer ses obligations de maître d'oeuvre en raison de sa mise en liquidation judiciaire, a ainsi conservé indûment le solde, soit 7 063 561 FRF (1 076 832,93 €) ; que les prestataires et sous-traitants auxquels la société Berry avait confié des contrats et qui n'avaient pas été payés se sont retournés contre le CHS Paul Guiraud ; que le montant des réclamations des sous-traitants indirects et des titulaires des lots n° 3 et n° 4, au titre de leurs factures non payées, s'élevait en septembre 1995 à plus de 8,3 millions FRF (1 265 436,80 €) ;
Considérant que, du fait de la mise en liquidation de la société Berry, une partie des versements opérés à tort à son profit a donc été indûment gardée par celle-ci, ce qui a engendré un préjudice pour l'établissement ; qu'il en est de même du non-paiement de certains fournisseurs, qui se sont ensuite retournés contre le CHS ; qu'un avantage injustifié à autrui au sens de l'article L. 313-6 du code des juridictions financières a donc été concédé à la société Berry par M. Coz, au détriment de l'établissement public hospitalier ;
Sur le montant de l'amende :
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en infligeant une amende de 5.000 € à M. Coz ;
Sur la publication :
Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 314-20 du code des juridictions financières, de publier le présent arrêt au Journal officiel de la République française ;
Arrête :
Article 1er : M. Coz est condamné à une amende de 5.000 € (cinq mille euros).
Article 2 : Le présent arrêt sera publié au Journal Officiel de la République Française.
Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, le 20 avril 2005, par M. Séguin, Premier président de la Cour des comptes, président, M. Fouquet, président de la section des finances au Conseil d'État, vice-président, M. Martin et M. Ménéménis, conseillers d'État ;
Lu en séance publique le 17 juin deux mille cinq.
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d'y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu'ils en seront légalement requis.
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président de la Cour et la greffière.
Le Président, Philippe SÉGUIN |
La greffière, Maryse LE GALL |