LA COUR,

Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée, tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création de la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision prise par la Cour des comptes (Troisième Chambre) à sa séance du 14 mai 1969, de saisir la Cour de discipline budgétaire et financière des irrégularités reprochées à MM GANTAZ, directeur de la Caisse de crédit municipal de Lyon, CONVERS et ARLANDIS, agents comptables successifs de cet établissement public, irrégularités qui ont affecté le fonctionnement de ladite caisse et, en particulier, rendu possibles les malversations commises par un sieur GERY, ancien chef de service ;

Vu le réquisitoire du Procureur général de la République en date du 13 novembre 1969 transmettant le dossier à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision du 22 avril 1970 par laquelle M de CHRISTEN, maître des requêtes au Conseil d'Etat, a été nommé rapporteur ;

Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée le 9 décembre 1970 au sieur GENTAZ l'informant de l'ouverture d'une instruction et l'avisant qu'il était autorisé à se faire assister soit par un mandataire, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Vu l'avis émis le 6 mars 1972 par le ministre de l'économie et des finances ;

Vu l'avis émis le 17 novembre 1972 par la commission administrative paritaire des directeurs de caisses de crédit municipal siègeant en formation disciplinaire ;

Vu les conclusions du Procureur général de la République en date du 12 juin 1972 renvoyant le Sieur GENTAZ devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu l'accusé de réception de la lettre adressée le 15 janvier 1973 au sieur GENTAZ l'avisant qu'il pouvait dans un délai de 15 jours prendre connaissance du dossier de l'affaire soit par lui-même, soit par un mandataire, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Vu le mémoire en défense présenté pour le sieur GENTAZ par Maître HENNUYER, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée le 9 mars 1973 au sieur GENTAZ et l'invitant à comparaître ;

Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier et notamment les procès-verbaux d'interrogatoire ;

Ouï M de CHRISTEN, conseiller d'Etat, en son rapport ;

Ouï le Procureur général de la République en ses conclusions ;

Ouï en ses explications le sieur GENTAZ assisté de Maître HENNUYER ;

Ouï le Procureur général en ses réquisitions ;

Ouï en leur observations Maître HENNUYER et le sieur GENTAZ, l'intéressé et son conseil ayant eu la parole les derniers ;

Sur l'exception tirée de ce que les faits seraient amnistiés

Considérant que les faits qui sont à l'origine du renvoi du sieur GENTAZ devant la Cour de Discipline budgétaire et financière n'ont été amnistiés ni par l'article 13 de la loi n° 69-700 du 30 juin 1969, ni par aucune autre disposition de la même loi ; qu'ainsi l'exception invoquée doit être écartée ;

Sur les opérations de prêts sur nantissements de gages corporels et de valeurs mobilières

Considérant qu'aux termes de l'article 17 du décret n° 57-343 du 28 mars 1957 fixant le statut des agents comptables des caisses de crédit municipal, "l'agent comptable... a seul qualité pour assurer la garde et le maniement des fonds, biens et valeurs appartenant à l'établissement ainsi que des valeurs mobilières remises en gage" ; qu'il résulte de l'instruction que le sieur GERY, garde-magasin de la caisse de crédit municipal de Lyon, a continué, postérieurement au décret susvisé, à assumer sans nécessité la garde des valeurs mobilières remises en gage, laquelle lui avait été confiée par une délibération du conseil d'administration de l'établissement en date du 25 janvier 1954 ; que d'autre part, et sans être le préposé de l'agent- comptable, il intervenait, comme d'ailleurs d'autres agents du même établissement, dans le maniement des fonds en qualité d'intermédiaire officieux entre la caisse et certains emprunteurs sur gages corporels ; qu'ainsi les prescriptions susmentionnées de l'article 17 du décret du 28 mars 1957, qui constituent au sens de l'article 5 de la loi susvisée du 28 septembre 1948 des règles relatives à l'exécution des recettes et des dépenses des caisses de crédit municipal nétaient pas observées ;

Considérant que la substitution, même tolérée occasionnellement, du garde-magasin au services administratifs compétents pour décider de l'attribution des prêts sur nantissements de gages corporels méconnaissait également une règle relative à l'exécution des dépenses de l'établissement ; que la circonstance que le garde-magasin assurait non seulement la conservation des gages corporels, mais procédait à des engagements et remettait les fonds aux emprunteurs, en supprimant les contrôles réciproques des administrateurs sur les comptables, a permis au sieur GERY de commettre, au moyen de prêts fictifs, des détournements ;

Considérant que ces infractions aux règles relatives à l'exécution des recettes et des dépenses des caisses de crédit municipal ont causé à l'établissement de Lyon un préjudice financier important ;

Sur les opérations des prêts aux fonctionnaires

Considérant que, contrairement aux dispositions de l'article 15 du décret susmentionné du 28 mars 1957 aux termes desquelles : "l'agent- comptable... veille à la conservation des droits et à la rentrée des commissions, revenus, créances et autres ressources de la caisse, et procède à toute action conservatoire de son patrimoine... à la mise en demeure des débiteurs de la caisse et suit le recouvrement des créances", le service des prêts aux fonctionnaires assurait à la caisse de crédit municipal de Lyon le recouvrement des créances jusqu'à la mise en demeure inclusivement ; qu'en outre les balances des comptes individuels des emprunteurs dont la périodicité aurait dû, aux termes d'une instruction ministérielle en date du 26 août 1955, être au moins annuelle, n'étaient plus établies depuis 1966 par suite du désordre du fichier des emprunteurs ; que cette méconnaissance de règles relatives à l'exécution des recettes de la caisse de crédit municipal de Lyon qui est la cause de pertes financières non négligeables tombe sous le coup de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 ;

Sur les responsabilités encourues

Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 55-622 du 20 mai 1955 portant statut des caisses de crédit municipal "ces établissements sont administrés sous l'autorité d'un directeur responsable assisté d'un conseil d'administration" ; qu'en vertu de l'article 14 du décret du 28 mars 1957, l'agent-comptable est placé sous l'autorité du directeur ; que, par suite, les infractions susrappelées, lesquelles ont été constatées au cours d'une inspection de la caisse de crédit municipal de Lyon en juin 1968, engagent la responsabilité du Sieur GENTAZ, directeur de l'établissement du 1er janvier 1943 au 28 février 1968 ;

Considérant toutefois que le cautionnement du garde-magasin, qui était soumis à l'approbation des autorités de tutelle, était calculé en fonction des valeurs mobilières détenues par lui ; que ni la présentation de ces valeurs par le garge-magasin et non par l'agent- comptable au cours des contrôles exercés, ni le partage irrégulier des compétences entre les services administratifs et comptables n'ont jamais suscité d'observations ; que ce partage trouvait dans une certaine mesure une excuse dans l'évolution de l'activité de la caisse de crédit municipal de Lyon et dans le souci de réaliser des économies de personnel ; que ces circonstances sont de nature à atténuer la responsabilité du sieur GENTAZ ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en infligeant au sieur GENTAZ une amende de mille francs ;

ARRETE :

Article 1er - Le sieur GENTAZ est condamné à une amende de mille francs.

Article 2 - Le présent arrêt sera publié au Journal Officiel de la République Française.