Vu la loi 48-1484 du 25 septembre 1948, modifiée et complétée par les lois n° 55-1069 du 6 août 1975, 63-778 du 31 juillet 1963 et 71-564 du 13 juillet 1971, tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création de la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision en date du 1er mars 1973, par laquelle la Cour des Comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière des irrégularités constatées dans les conditions d'occupation et de cession de portions du domaine public maritime à Mandelieu-La-Napoule et nommément déféré à cette juridiction M. Jean Salva, directeur départemental de l'équipement des Alpes-Maritimes ;
Vu le réquisitoire du Procureur Général de la République en date du 12 juillet 1973 transmettant le dossier à la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 16 juillet 1973, désignant comme rapporteur M THERRE, conseiller référendaire, depuis conseiller maître à la Cour des comptes ;
Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée le 23 avril 1974 à M. SALVA l'informant de l'ouverture d'une instruction et l'avisant qu'il était autorisé à se faire assister soit par un mandataire, soit par un avocat ou un avoué, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée le 26 septembre 1974 à M. Louis MOISSONNIER l'informant de l'ouverture d'une instruction et l'avisant qu'il était autorisé à se faire assister soit par un mandataire, soit par un avocat ou un avoué, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
Vu l'avis émis le 20 mai 1976 par le ministre de l'économie et des finances ;
Vu l'avis émis le 2 juin 1976 par le ministre de l'équipement ;
Vu les conclusions du Procureur de la République en date du 8 novembre 1976 renvoyant MM. MOISSONIER et SALVA devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu l'avis émis le 9 février 1977 par la commission administrative paritaire du corps des ingénieurs des ponts et chaussées ;
Vu l'avis émis le 9 février 1977 par la commission administrative paritaire du corps des administrateurs civils ;
Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées le 4 mars 1977 à MM. MOISSONNIER et SALVA les avisant qu'ils pouvaient, dans un délai de 15 jours, prendre connaissance du dossier de l'affaire, soit par eux-mêmes, soit par un mandataire, soit par le ministère d'un avocat, d'un avoué ou d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
Vu les mémoires en défense présentés par MM. MOISSONNIER et SALVA ;
Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées le 10 mai 1977 à MM. MOISSONNIER et SALVA et les invitant à comparaître ;
Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier et notamment les procès-verbaux d'interrogatoire ;
Ouï M THERRE, conseiller maître à la Cour des Comptes, en son rapport ;
Ouï le Procureur Général de la République en ses conclusions ;
Ouï en leurs explications MM. MOISSONIER et SALVA ;
Ouï le Procureur Général de la République en ses réquisitions tendant à ce que MM. MOISSONIER et SALVA soient relaxés des fins de la poursuite.
Ouï en leurs observations MM. MOISSONIER et SALVA qui ont eu la parole les derniers ;
Considérant qu'à la suite d'un accord avec la commune de Mandelieu, confirmé par une délibération du conseil municipal du 16 novembre 1967, deux promoteurs, MM. GAUCHER et GALARD, élaborèrent le projet d'un ensemble immobilier, à édifier sur un terre-plein à gagner sur la mer par un endigage, le dit ensemble étant destiné à la vente en pleine propriété ; cette réalisation étant voisine, mais techniquement et géographiquement indépendante, d'un port de plaisance réalisé en 1968, qui devait faire l'objet d'une concession portuaire délivrée le 24 mars 1969 ;Considérant qu'à cette fin une demande de concession d'endigage était déposée à la Direction départementale de l'Equipement des Alpes- Maritimes le 23 juin 1967 puis, le 23 août, une demande d'accord préalable au permis de construire les immeubles ;
Considérant qu'à la date du 28 janvier 1969 une réunion se tenait au cabinet du ministre de l'Equipement à laquelle participait, comme seul représentant de celui-ci, M. MOISSONNIER, chargé de mission au cabinet du secrétaire d'Etat ; qu'elle acceptait le principe de l'opération, la régularisation administrative de cette décision devant intervenir sous la forme d'une "prise en considération" de la demande de concession d'endigage et d'un accord préalable au permis de construire ; que la dite prise en considération était signée le 3 février 1969 par M. CHAPON, directeur des Ports maritimes et voies navigables ;
Considérant que, le 16 mai 1969, les deux promoteurs sous le timbre de la société FONMARINA dont les statuts ne devaient être déposés que le 30 juin suivant, demandait à la Direction départementale de l'équipement des Alpes-Maritimes l'autorisation de commencer les travaux ; que, le 23 mai, M. SALVA transmettait cette demande en indiquant pour sa part "hautement souhaitable de ne pas retarder le démarrage des travaux de construction" au directeur, M. CHAPON ; qu'au reçu de cette lettre le directeur faisait établir par son adjoint, à la date du 13 juin 1969, une note en deux exemplaires, l'un au ministre de l'Equipement, l'autre au secrétaire d'Etat, par laquelle il sollicitait leur "décision quant à la réponse à formuler à la demande de FONMARINA ;
Considérant que, sur la note adressée au ministre, le directeur de cabinet de M. CHALANDON, M. Marcel BLANC, apposait la mention "oui", suivie de sa signature ; que, pour sa part, M. MOISSONNIER apposait et signait sur la note adressée au secrétaire d'Etat, la formule "accord pour commencer, en ce qui concerne le secrétaire d'Etat" ;
Considérant que, le même jour où l'adjoint de M. CHAPON signait les deux notes aux ministres, M. SALVA autorisait la société FONMARINA à commencer les travaux et, pour ce faire, signait une "autorisation d'occupation temporaire" d'une parcelle du domaine public d'une superficie de 80000 M2 en vue de permettre au concessionnaire d'occuper les lieux et d'entreprendre les travaux en attendant que la concession d'endigage... soit accordée".
Considérant que les travaux se poursuivirent dès lors sans discontinuité, cependant que les discussions et pourparlers entre le promoteur et les services fiscaux n'aboutissaient qu'en octobre 1970 à la fixation définitive du montant de la redevance à payer par le promoteur ; qu'enfin l'acte de concession devait intervenir le 17 janvier 1971, alors que les travaux d'endigage étaient terminés ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi 63-1128 du 28 novembre 1963, sont incorporés au domaine public le sol et le sous-sol de la mer territoriale, les lais et les relais futurs, "et, sous réserve des dispositions contraires d'actes de concession, les terrains qui seront soustraits artificiellement à l'action des flots" ; qu'aux termes de l'article L. 52 du code du domaine public "les biens du domaine public sont inaliénables et imprescriptibles" ;
Considérant qu'en l'absence de concession régulièrement accordée, l'occupation du domaine public ne peut être autorisée que dans la mesure où la situation créée en faveur de l'occupant est et demeure compatible avec la destination normale des lieux et ne porte aucune atteinte au droit éminent de l'Etat ;
Considérant qu'en l'espèce l'occupation par le promoteur de portions du domaine public, pour y effectuer des travaux de caractère définitif, de nature à en modifier profondément l'assiette pour l'affecter à un usage privatif ne pouvait trouver un fondement légal dans l'autorisation susmentionnée du 13 juin 1969 ; que cette occupation, et les travaux qui ont été irrégulièrement exécutés, ont commencé en juin 1969 et se sont poursuivis sans discontinuité jusqu'à la délivrance en janvier 1971, d'une concession d'endigage ; que cette concession seule ouvrait un droit au transfert de la propriété des terrains au bénéfice du promoteur ; que cependant ledit promoteur s'est comporté dès l'origine, et notamment au regard des tiers, comme le bénéficiaire d'un droit définitif et irréversible, sans que les services de l'Equipement, qui avaient conforté l'apparence de régularité de cette situation par l'octroi de l'autorisation susdite, y mettant aucun obstacle ; que la dite situation a été constitutive d'une infraction caractérisée aux règles de gestion du domaine de l'Etat ;
Considérant que M. MOISSONNIER a suivi le déroulement de l'opération à ses différentes étapes au cabinet du secrétaire d'Etat, pour donner finalement son accord exprès en juin 1969 ; que M. SALVA a autorisé l'occupation du domaine et le commencement des travaux en signant l'arrêté d'autorisation d'occupation temporaire ; que leur responsabilité est donc apparemment engagée ; qu'il y a lieu toutefois de replacer ces responsabilités apparentes dans l'ensemble des circonstances de fait et de droit ;
Considérant que, si M. SALVA a signé l'arrêté d'autorisation temporaire daté du 13 juin 1969, il ne l'a notifié au promoteur qu'après avoir eu connaissance, par le directeur des Ports maritimes et voies navigables M. CHAPON, de l'accord donné sous la signature du directeur du cabinet du ministre de l'Equipement ; que ledit signataire n'est intervenu lui-même qu'incidemment et en cette seule circonstance dans cette affaire, il est constant, et il était à l'époque notoire, qu'il traduisait bien la volonté personnelle du ministre ; qu'il résulte des débats devant la Cour que tant M. MOISSONNIER que M. SALVA n'ignoraient pas, et ne pouvaient d'ailleurs ignorer cette volonté, non plus que les formes parfois comminatoires par lesquelles elle se manifestait ;
Considérant d'autre part que dès le 9 juillet 1969 était délivrée, sous la signature de M. DE T'SERCLAES, collaborateur personnel de M. CHALANDON, chargé de mission auprès de celui-ci et titulaire d'une délégation générale de sa signature publiée au journal officiel, l'accord préalable au permis de construire l'ensemble immobilier sur le futur terrain ; que cette décision, bien que juridiquement distincte, impliquait en bon sens un accord sans réserve sur l'édification du dit terrain ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble des circonstances, tant établies par l'instruction que rappelées lors des débats, que ni M. MOISSONNIER ni M. SALVA n'ont, dans cette affaire, pris d'initiative ni de décision qui puissent, en fait et en équité, leur être personnellement imputées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que MM. MOISSONIER et SALVA ne sauraient être tenus pour les auteurs responsables d'une infraction prévue par la loi du 25 septembre 1948 ; qu'il y a lieu dès lors de les relaxer des fins de la poursuite ;
ARRETE :
Messieurs MOISSONNIER et SALVA sont relaxés des fins de la poursuite.