Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948, modifiée et complétée par les lois n° 55-1069 du 6 août 1955, 63-778 du 31 juillet 1963 et 71- 564 du 13 juillet 1971 tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision du 30 juin 1977 par laquelle la Cour des Comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités constatées dans la gestion de la Caisse Centrale de Crédit Coopératif (CCCC), décision transmise au Parquet de la Cour de discipline budgétaire et financière, le 5 juillet 1977 ;
Vu le réquisitoire du Procureur Général de la République en date du 21 juillet 1977 transmettant le dossier à la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 30 septembre 1977 désignant comme rapporteur M. COLLINET, Conseiller référendaire à la Cour des Comptes ;
Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée le 22 juillet 1977, à M. LACOUR, ancien président directeur général de la CCCC, l'informant de l'ouverture d'une instruction et l'avisant qu'il était autorisé à se faire assister soit par un mandataire, soit par un avocat ou un avoué, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
Vu l'avis émis le 30 mai 1979 par le ministre de l'économie ;
Vu l'avis émis le 16 juin 1979 par le ministre du budget ;
Vu les conclusions du Procureur Général de la République en date du 25 janvier 1980, renvoyant M. LACOUR devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée le 9 mars 1980 à M. LACOUR, l'avisant qu'il pouvait dans un délai de quinze jours prendre connaissance du dossier de l'affaire, soit par lui-même, soit par un mandataire, soit par le ministère d'un avocat, d'un avoué ou d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
Vu le mémoire en défense présenté par M. Arnaud LYON-CAEN, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, assistant M. LACOUR, ainsi que les pièces complémentaires produites à l'appui de ce mémoire ;
Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée le 9 octobre 1980 à M. LACOUR et l'invitant à comparaître ;
Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier et notamment le procès-verbal d'interrogatoire ;
Ouï M. COLLINET, Conseiller référendaire à la Cour des Comptes, en son rapport ;
Ouï le Procureur Général de la République en ses conclusions ;
Ouï en ses explications M. LACOUR, assisté de Mes Arnaud LYON-CAEN et LIARD, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
Ouï, en leur qualité de témoins,
M. O DENNHARDT, cité à la demande de M. LACOUR,
M. MOREAU, Président directeur général de la CCCC, cité à la requête du Procureur Général de la République ;
Ouï le Procureur Général de la République en ses réquisitions ;
Ouï en sa plaidoirie Me LYON-CAEN et en ses observations M. LACOUR, l'intéressé et ses conseils ayant eu la parole les derniers ;
La Cour,Considérant qu'aux termes des deux décrets des 17 juin et 31 octobre 1978 qui ont fixé ses statuts et défini ses missions, la CCCC, société à capital variable relevant du régime de la coopération, a été créée en vue d'allouer, à partir des fonds de dotation dont elle dispose, des emprunts et obligations qu'elle émet, enfin des avances que lui consent le trésor, des prêts d'une durée maximum de 15 ans aux sociétés coopératives de consommation et de production ;
Considérant que, en raison de son statut, la CCCC, sur la base des dispositions réglementaires susvisées, modifiées par un décret n° 74- 382 du 3 mai 1974, est soumis à une surveillance particulière de la part des pouvoirs publics ; que son président est nommé par décret ; que ses opérations sont subordonnées à l'avis conforme d'un conseil de crédit et soumises au contrôle d'un commissaire du gouvernement, représentant l'Etat au sein des formations délibérantes de la CCCC ;
Considérant que, sous l'impulsion de M. LACOUR, qui en a assumé la présidence jusqu'à son départ en retraite, en octobre 1975, la CCCC a connu un développement important, caractérisé notamment par la constitution d'un groupe de 8 sociétés avec lesquelles ses comptes étaient consolidés ; que par l'intermédiaire de l'une de ces sociétés, la banque française de crédit coopératif, elle a été conduite à absorber, en 1969, la banque des sociétés coopératives ouvrières de production ; qu'à partir de cette date, directement et par le biais de ses filiales, la CCCC a accordé des concours financiers croissants à diverses coopératives du secteur du bâtiment tout d'abord, puis à un ensemble de sociétés du domaine maritime, constituées autour de la SA Transcaup ;
Considérant que les difficultés de plus en plus marquées de ses débiteurs ont mis la CCCC hors d'état de tenir ses propres engagements et lui ont imposé de solliciter du trésor public un moratoire pour le remboursement des avances qui lui avait octroyées le FDES ; que ce moratoire lui a été accordé le 19 décembre 1973, pour les exercices 1973 à 1975, avec l'abandon des intérêts dus au titre de ces mêmes années ; qu'il a permis à la CCCC de constituer, d ans ses bilans, des provisions à hauteur de 62,2 millions de francs ; que ces provisions sont toutefois apparues très inférieures aux pertes réelles des sociétés en difficulté, dans la gestion desquelles la CCCC avait été amenée, à partir de 1972, a prendre des responsabilités croissantes, sans parvenir à assurer leur redressement ;
Considérant que ces sociétés, qui sont toutes en cours de liquidation, ont en définitive subi des pertes dont le montant, en l'état actuel de leurs comptes, est évalué à 512 millions de francs ; que la CCCC, n'en pouvant supporter la charge sur ses fonds propres, a été contrainte de solliciter une nouvelle aide du trésor sous la forme d'un abandon de créances ; qu'aux termes d'un protocole du 30 décembre 1975, complété par un avenant du 19 novembre 1976, l'Etat a effectivement renoncé au remboursement des avances accordées à la CCCC à hauteur de 380 millions de francs et a accepté en outre que soit mis en jeu le fonds de garantie du FDES pour un montant de 12,8 millions de francs ;
Considérant qu'ainsi les effets cumulés du moratoire et du protocole ont abouti à engager les finances publiques pour un total de 465 million de francs, du fait des interventions de la CCCC au-delà de ses capacités de financement propres, dans des conditions où la Cour des Comptes a discerné des irrégularités qui ont motivé sa décision de saisir la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Sur la compétence :
Considérant que le mémoire présenté par les défenseurs de M. LACOUR a fait valoir que la Cour de discipline budgétaire et financière serait incompétente, ratione personae et ratione materiae, pour juger le président de la CCCC ;
Considérant que l'article 1er de la loi du 25 septembre 1948 modifiée déclare justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière "tout représentant, administrateur ou agent des organismes qui sont soumis ... au contrôle de la Cour des Comptes" ; que l'article 33 du décret du 20 septembre 1968, pris sur le fondement de la loi du 22 juin 1967, et qui définit les conditions et les modalités d'exercice de ce contrôle, précise que la compétence de la Cour des Comptes s'étend à tous organismes bénéficiant d'un concours financier de l'Etat, quelle qu'en soit la forme ; que, dès lors, les agents de tels organismes sont susceptibles d'être renvoyés devant la Cour de discipline budgétaire et financière, sans que soit nécessaire l'intervention d'une disposition législative particulière ; que le fait que le contrôle de la Cour des Comptes sur la CCCC n'ait pas été assorti de l'accord préalable du ministère de l'économie et des finances ne saurait faire échec à l'exercice de sa propre compétence par la Cour de discipline budgétaire et financière ; que l'intervention de la Cour des Comptes s'est en effet effectuée sous l'empire du décret du 28 décembre 1976 qui ne prévoit plus un tel accord ; qu'en tout état de cause, la compétence de la Cour de discipline budgétaire et financière n'est pas conditionnée par l'exercice effectif du contrôle de la Cour des Comptes, mais seulement par le pouvoir qu'a la Cour des Comptes d'exercer ce contrôle ; que dès lors qu'il n'est pas contesté que la CCCC a effectivement bénéficié du concours financier de l'Etat, il ne saurait davantage être contesté que le président de la CCCC est justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Considérant que la défense a par ailleurs fait valoir que la Cour de discipline budgétaire et financière n'aurait pas compétence sur les opérations de prêts et de prises de participation de la CCCC qui ne sauraient être qualifiées de dépenses et de recettes publiques au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée, et qu'ainsi l'ensemble des activités de la CCCC en tant que banque, échapperait à la juridiction de la Cour ; que s'agissant toutefois d'organismes de droit privé soumis au contrôle de la Cour des Comptes, la notion de recette et de dépense doit être entendue en dehors de toute référence aux règles de la comptabilité publique, en fonction des activités propres de cet organisme ; que les activités d'un organisme bancaire rentrent dans le champ d'application de l'article 5 susvisé ; Considérant que la défense a, d'autre part, soutenu que les opérations de la CCCC n'avaient pas entraîné de dépenses pour le trésor, mais simplement un abandon de créances qui n'avait d'ailleurs pas été décidé par la caisse mais par l'Etat ; qu'un tel argument ne saurait être retenu ; que l'abandon de créances accepté par l'Etat, à la demande de la CCCC a fait l'objet d'un protocole d'accord qui a entraîné la transformation des avances en dépenses définitives ; qu'en tout état de cause l'objet des poursuites ne se rapporte pas aux conditions dans lesquelles les pertes subies par la CCCC ont été couvertes, mais aux irrégularités qui seraient à l'origine de ces pertes ;
Considérant que la défense a fait de plus valoir que l'appréciation d'éventuelles fautes de gestion n'entrerait pas dans la compétence de la Cour de discipline budgétaire et financière, qui ne serait appelée à sanctionner que la violation d'un texte ou d'un principe de droit financier ; qu'il convient, à cet égard, de souligner tout d'abord que c'est principalement sur la violation de textes ou de principes du droit financier que le ministère public a fondé sa décision de renvoi ; qu'en outre on ne saurait tenir pour évidente la distinction opérée entre faute de gestion et violation d'un texte ou d'un principe de droit, dans la mesure où la faute lourde de gestion résulte généralement de la violation de textes ou de la méconnaissance de principes fondamentaux, et constitue alors un manquement qui peut tomber sous le coup des dispositions de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Considérant enfin que la défense a cru discerner un dernier motif d'incompétence de la Cour de discipline budgétaire et financière dans le fait que les pertes qui auraient motivé sa saisine trouveraient pour l'essentiel leur origine dans des concours initialement accordés non par la CCCC, mais par l'une de ses filiales, la banque française de crédit coopératif ; mais qu'il n'est pas contesté que la CCCC exerçait une influence déterminante sur la gestion de la banque, et qu'au demeurant une partie des pertes enregistrées par la CCCC résultait de ses activités propres ; qu'enfin sont en cause devant la Cour non tant l'importance de ces pertes que les irrégularités relevées dans la gestion de la CCCC et qui seraient à leur origine ;
Considérant, au vu de l'ensemble de ces motifs, que la Cour a compétence pour juger des irrégularités dont M. LACOUR se serait rendu coupable dans l'exercice de ses fonctions de président de la CCCC ; Sur le fond :
Considérant que les décrets susvisés des 17 juin et 31 octobre 1938 avaient fixé certaines règles de nature à éviter que la CCCC n'octroie aux coopératives des concours excessifs au regard de leurs capacités de financement propres ; qu'à cet effet, il avait été notamment prévu qu'indépendamment des réunions du conseil d'administration, siégerait, sous la présidence d'un représentant du ministre de l'économie et des finances et en présence du commissaire du Gouvernement, un conseil de crédit dont l'accord devrait être obtenu, préalablement à tout engagement de la CCCC ; que, dès 1943, cette distinction entre conseil de crédit et conseil d'administration avait perdu l'essentiel de sa portée pratique, les deux formations tenant des réunions conjointes, précédées de consultations informelles entre les agents de la CCCC et les fonctionnaires de la direction du trésor, au cours desquelles les décisions essentielles étaient arrêtées, le conseil de crédit n'ayant plus qu'un rôle d'enregistrement ; que, dans le même esprit, l'article 11 du décret du 31 octobre 1938 avait fait obligation aux coopératives sollicitant un prêt de la CCCC de justifier de leur adhésion à une union agréée ayant pour objet la révision comptable et commerciale de leur exploitation ; mais qu'une tentative, engagée en 1941, pour constituer de telles unions n'avait pas abouti et qu'à cette exigence d'adhésion avait été, de fait, substitué le double contrôle résultant d'une part de la mission des commissaires aux comptes, d'autre part des enquêtes et vérifications auxquelles les inspecteurs de la CCCC avaient pouvoir de procéder ; qu'enfin l'article 9 du décret du 17 juin 1938 avait interdit à la CCCC de consentir des avances d'un montant supérieur aux actifs nets de la société emprunteuse, dans l'hypothèse d'un crédit à moyen terme, et d'un montant supérieur aux deux tiers de ces mêmes actifs nets, dans l'hypothèse d'un crédit à long terme ; qu'il était pourtant apparu que cette interdiction ne pouvait être respectée, en raison de la structure financière propre des sociétés coopératives qui ne disposent que de très peu de fonds propres et ne peuvent fonctionner sans un recours massif aux ressources de l'emprunt ;
Considérant, dans ces conditions, qu'une part importante des dispositions réglementaires régissant les activités de la CCCC avait cessé d'être appliquée, avec l'accord au moins tacite des ministères représentés au sein du conseil d'administration de la caisse ; qu'une réforme des textes en vigueur eût donc dû intervenir bien avant que la gravité des difficultés rencontrées par la CCCC ne suscite les modifications qu'un décret du 3 mai 1974 et un arrêté du même jour ont fini par apporter à son statut et ses règles de fonctionnement; qu'en l'absence d'une telle réforme dont l'initiative incombait au moins autant aux autorités investies d'une mission de surveillance de la CCCC qu'à la caisse elle-même, le développement des engagements de cette dernière se trouvait largement dépendre de critères d'appréciation subjectifs et de facteurs conjoncturels, ce qui accentuait la gravité des risques encourus tout en rendant plus mal aisé d'en prendre la mesure ;
Considérant que, dans un tel contexte, la rigueur de la politique de crédit de la CCCC n'était plus garantie que par la cohérence de son organisation interne, qui présentait en réalité de graves insuffisances et dut être entièrement remodelée au cours de l'année 1974, ainsi que par la qualité du jugement des hommes, en particulier du président de la CCCC dont l'autorité au sein du groupe était déterminante ;
Considérant qu'en décidant, le 6 juin 1973, d'affecter à la rémunération des parts sociales, au titre de l'exercice 1972, une somme de 818 000 francs, sur un bénéfice comptable de 1 290 000 francs, l'assemblée générale de la CCCC n'était apparemment pas informée de l'ampleur des difficultés que connaissait déjà la caisse, difficultés dont ses dirigeants avaient d'ailleurs tardé à prendre la mesure ; qu'ainsi, dès 1969, le découvert de l'une des coopératives de construction bénéficiant des concours de la caisse, était déjà trois fois plus élevé que le montant de ses fonds propres et atteignait 10,6 millions de francs ; que, bien que, dès cette époque, les informations recueillies sur cette coopérative aient été particulièrement défavorables, la CCCC ne décida qu'en mai 1971 de faire étudier sa situation réelle par un cabinet spécialisé, et ne confia une mission d'expertise à ce même cabinet qu'en juin 1972, alors même qu'elle avait porté le montant total de ses prêts à cette coopérative à 67 millions de francs ;
Considérant que l'importance anormale des concours accordés par la CCCC n'a pas caractérisé seulement ses rapports avec ETCM, mais également ceux entretenus avec deux autres coopératives du secteur du bâtiment : CMF et EGCB, ainsi qu'avec la société du secteur de l'armement maritime, Transcaup ; que s'agissant de cette dernière, constituée en société anonyme, la CCCC n'était pas autorisée à lui accorder des avances qu'elle ne lui a pas moins consenties par l'intermédiaire de filiales, mais que cette façon de procéder est notamment résultée du fait que le secrétariat généra de la marine marchande avait estimé préférable que Transcaup se constituât en société anonyme plutôt qu'en coopérative, cette dernière forme juridique n'ouvrant pas droit à la licence d'importation de carburants ;
Considérant que l'importance même de ces concours, qui excédaient déjà globalement 260 millions de francs dès la fin de 1973, créait pour la CCCC des risques si considérables et si anormaux qu'il lui devenait impossible de s'en couvrir sans recourir à des méthodes d'exception ; que c'est dans ce contexte qu'il convient notamment d'apprécier le fait qu'à deux reprises et au-delà des délégations de pouvoir dont il disposait, le président de la CCCC a fait allouer d'urgence, par l'intermédiaire d'une filiale de la caisse, des avances d'un montant cumulé de 28 millions de francs, à deux des coopératives du secteur de la construction, avant d'y avoir été habilité par son conseil d'administration ; que c'est également l'importance des crédits qu'elle leur avait accordés qui a imposé à la CCCC d'exercer sur la gestion des coopératives en difficulté une influence de plus en plus marquée, aboutissant à une véritable politique de commandite, de nature à engager sa responsabilité devant les juridictions judiciaires en cas de défaillance des sociétés dont, directement ou indirectement, elle avait fini par assurer la direction ;
Considérant que cette politique de commandite, ayant eu pour effet d'accroître encore les risques pris Par la CCCC, l'acculait, dans la recherche d'un redressement de plus en plus incertain à la faveur d'une conjoncture qu'on voulait à tout prix espérer favorable, à développer des engagements sans commune mesure, ni avec les possibilités des entreprises aidées, ni avec les moyens propres de la caisse ; qu'en particulier, il lui devenait impossible de constituer dans ses bilans les provisions correspondant à ses créances douteuses, sans menacer l'existence même du groupe qu'elle avait créé et sans être contrainte, conformément à l'article 21 de ses statuts, de convoquer une assemblée générale extraordinaire qui devrait décider de sa dissolution ou de la poursuite de ses activités, mais dont la simple réunion eût, en tout état de cause, singulièrement compromis l'avenir de la CCCC, dans la mesure où la confiance de sa clientèle, indispensable au développement d'opérations de nature bancaire, se serait trouvée gravement atteinte ;
Considérant qu'en définitive, faute d'avoir pris à temps la mesure des risques qu'elle encourait, la CCCC s'est trouvée entraînée dans une politique de crédit dont elle a perdu progressivement la maîtrise et aux conséquences de laquelle il lui devenait impossible de faire face avec ses moyens propres, sauf a postuler un redressement financier des entreprises en difficulté à la faveur d'une conjoncture exceptionnellement favorable, redressement qui devenait en tout état de cause impossible, dès lors que ces entreprises s'étaient endettées, auprès du groupe de la CCCC, dans des proportions telles que leur chiffre d'affaires ne leur permettait plus de faire face aux charges financières qui en résultaient ;
Considérant qu'en raison de l'autorité prépondérante qu'il a exercée jusqu'en 1975 au sein du groupe de la CCCC, M. LACOUR porte une responsabilité déterminante dans la crise qui, sans l'intervention de l'Etat, eût compromis l'existence même de la caisse ; que, faute d'avoir doté cette dernière des structures de gestion adaptées au développement de ses activités, et d'avoir suscité la modification des règles statutaires qui auraient garanti son bon fonctionnement, M. LACOUR a entraîné la CCCC dans des opérations dont, assisté de quelques collaborateurs en qui, de façon souvent malheureuse, il avait placé sa confiance, il se réservait d'apprécier la portée et les dangers ;
Considérant toutefois qu'une conjoncture particulièrement défavorable a contribué à aggraver les conséquences des erreurs commises, erreurs que des considérations d'ordre social ne sauraient certes justifier, mais peuvent dans une certaine mesure expliquer ; qu'au demeurant, les autorités de tutelle, présentes au conseil d'administration et au conseil de crédit de la CCCC, n'ont pu ignorer, à partir de la fin de 1973, l'importance des difficultés de la Caisse ; qu'elles auraient dû dès lors apporter à leur mission de surveillance une rigueur dont elles n'ont pas fait preuve et qui s'imposait d'autant plus que les rapports de l'inspection générale des finances, à la fin de 1973 et au début de 1974, avaient relevé de graves insuffisances dans le fonctionnement de la CCCC ; qu'en particulier les fonctionnaires de la direction du trésor à qui étaient communiqués pour approbation l'ensemble des dossiers de demandes de prêts présentés à la caisse, ne sauraient arguer du caractère très général de leur examen et de l'insuffisance des informations qui leur étaient communiquées pour estimer que les conditions dans lesquelles la CCCC a continué, au cours des années 1974 et 1975, à accorder son crédit aux coopératives défaillantes ainsi qu'à Transcaup, n'engagent aucunement leur responsabilité ;
Considérant que l'ensemble de ces faits doit être pris en compte pour apprécier la responsabilité propre de M. LACOUR en raison des imprudences qu'il a commises et du défaut de vigilance dont il a fait preuve ; que, mieux encadrée et mieux contrôlée, fondée sur des règles de droit précises et mieux appliquées, et assortie d'obligations plus rigoureuses, son autorité n'eût pas été exercée dans les conditions qui ont abouti aux erreurs de jugement constatées ; que par suite et dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la nature particulière des activités de la CCCC, les erreurs commises, malgré leur gravité et celle de leurs conséquences, n'ont pas constitué des irrégularités ou des fautes de gestion justifiant l'application des sanctions prévues par les articles 4, 5 et 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
ARRETE :
Article unique.- M. LACOUR est relaxé des fins de la poursuite.