REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE DISCIPLINE BUDGETAIRE ET FINANCIERE, siégeant à la Cour des comptes, en audience publique, a rendu l'arrêt suivant :

LA COUR,

Vu le titre 1er du livre III du Code des juridictions financières, relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la lettre du 10 février 1993, enregistrée le même jour au parquet, par laquelle la Cour des comptes (deuxième chambre) a déféré à la Cour de discipline budgétaire et financière des irrégularités relatives à la gestion de l'Association pour le développement des images de la culture, dite Arcanal, et du Centre national de la cinématographie (CNC) ;

Vu le réquisitoire du 9 avril 1993 par lequel le Procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, a saisi le Premier président de la Cour des comptes, Président de la Cour de discipline budgétaire et financière, des irrégularités susvisées, pour la période non prescrite ;

Vu les décisions du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière des 29 juillet 1993, 7 juin 1995, 29 janvier 1996 et 11 avril 1996 désignant successivement comme rapporteurs M. Rossignol, conseiller maître à la Cour des comptes, M. Prat, conseiller référendaire, M. Feller, conseiller référendaire et M. Laferrère, auditeur ;

Vu les lettres recommandées du 9 février 1994 mettant en cause MM. Jérôme Clément et Dominique Wallon, anciens directeurs généraux du CNC, et MM. Jean Rozat et Daniel Goudineau, anciens présidents d'Arcanal et anciens directeurs des programmes audiovisuels du CNC ; la lettre du 27 mai 1994 mettant en cause M. Yves Marmion, ancien directeur de la production cinématographique du CNC et trésorier d'Arcanal ; les lettres du 18 novembre 1994 et du 13 janvier 1995 mettant en cause, respectivement, MM. Christian Mérat et Guy Servat, anciens contrôleurs financiers du CNC ; ensemble les accusés de réception ;

Vu la lettre du 14 avril 1997 par laquelle Mme le Procureur général a fait connaître au Président de la Cour de discipline budgétaire et financière qu'elle estimait, après communication de l'affaire le 12 décembre 1996, qu'il y avait lieu de poursuivre la procédure ;

Vu l'avis de la ministre de la culture et de la communication en date du 11 juillet 1997, ensemble les pièces à l'appui ;

Vu l'avis du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en date du 4 mai 1998 ;

Vu la décision de renvoi du 4 février 1998 par laquelle le Procureur général, en application de l'article L. 314-6 du Code des juridictions financières, renvoie MM. Clément, Wallon, Rozat et Goudineau devant la Cour pour qu'il soit statué sur les responsabilités encourues par eux en application des articles L. 313-1 et L. 313-4 du Code des juridictions financières, et décide qu'il n'y a pas lieu de renvoyer devant la Cour MM. Marmion, Servat et Mérat ;

Vu les avis rendus le 7 avril 1998 par la commission administrative paritaire du ministère de la culture et de la communication, compétente à l'égard du corps des administrateurs civils, et le 22 juin 1998 par la commission paritaire interministérielle instituée par l'article 5 du statut particulier des administrateurs civils ;

Vu les lettres recommandées du 10 septembre 1998 du secrétaire général de la Cour de discipline budgétaire et financière avisant MM. Clément, Wallon, Rozat et Goudineau qu'ils pouvaient prendre connaissance du dossier selon les modalités prévues par l'article L. 314-8 du Code précité, ensemble les accusés de réception ;

Vu les mémoires en défense adressés à la Cour le 23 octobre 1998 par M. Goudineau, le 27 octobre 1998 par M. Rozat, le 2 novembre 1998 par Me Monod pour M. Clément, les 9 et 13 novembre 1998 par M. Wallon, ensemble les pièces à l'appui ;

Vu les lettres recommandées du Procureur général en date du 11 décembre 1998, citant MM. Clément, Wallon, Rozat et Goudineau à comparaître devant la Cour de discipline budgétaire et financière, ensemble les accusés de réception ;

Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier, notamment les procès-verbaux d'audition de MM. Clément, Wallon, Rozat, Goudineau, Marmion, Servat et Mérat et le rapport d'instruction de M. Laferrère ;

Entendu M. Laferrère en son rapport ;

Entendu en son témoignage M. Sallois, ancien directeur de cabinet du ministre de la culture ;

Entendu Mme le Procureur général en ses conclusions et réquisitions ;

Entendu en sa plaidoirie Me Monod, conseil de M. Clément, et en leurs explications et observations MM. Wallon, Clément, Rozat et Goudineau, les intéressés et le conseil ayant eu la parole en dernier ;

Sur la compétence de la Cour

Considérant que le CNC est un établissement public de l'Etat ; que ses agents sont justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière en application de l'article L. 312-1, I b, du Code des juridictions financières ;

Considérant en outre que l'association Arcanal, bénéficiaire de concours financiers du CNC, relevait de la compétence de la Cour des comptes en application de l'article L. 111-7 du Code des juridictions financières ; qu'en conséquence, les représentants, administrateurs et agents de cette association sont justiciables de la Cour en application de l'article L. 312-1, I c, du Code précité ;

Considérant dès lors que MM. Clément, Wallon, Rozat et Goudineau sont justiciables de la Cour pour les faits non prescrits ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens tirés de la régularité de la procédure ;

Sur les infractions :

Considérant que Mme Manzanarès, qui exerçait successivement les fonctions de secrétaire puis de chargée de mission auprès du directeur des programmes audiovisuels du Centre national de la cinématographie, par ailleurs président d'Arcanal, était exclusivement rémunérée par Arcanal jusqu'au premier janvier 1994 ;

Considérant que M. Nizet, conducteur automobile, employé comme chauffeur de direction par le CNC, a été recruté par Arcanal le 12 août 1991 et rémunéré par cette association jusqu'au 31 décembre 1993, date de son intégration dans les cadres du CNC ;

Que M. Benqué, jusqu'au 12 octobre 1990, puis Mme Morel, du 27 mai 1991 au 31 décembre 1993, ont été rémunérés par Arcanal alors qu'ils occupaient un poste de chargé d'études à la direction des programmes artistiques du CNC ; Que les agents du service des nouvelles approches des images électroniques, devenu le service des nouvelles technologies puis le service des industries et techniques de l'image et du son (SITIS), placé sous l'autorité du directeur des programmes audiovisuels du CNC, ont été rémunérés par Arcanal jusqu'à leur intégration dans les cadres du CNC, en janvier 1993 pour l'un d'eux, en janvier 1994 pour les autres agents ;

Considérant que les dépenses correspondant à la rémunération de ces personnes étaient couvertes par une partie de la subvention allouée par le CNC à Arcanal ; que le versement à Arcanal de crédits de subvention destinés en fait à financer des dépenses de personnel du CNC méconnaît la spécialité des crédits et procède d'une imputation erronée des dépenses de l'établissement ; qu'il constitue, de ce fait, une infraction aux règles d'exécution des dépenses du CNC ;

Considérant, en outre, que l'objet statutaire d'Arcanal était de produire et de diffuser des programmes audiovisuels ; que la prise en charge par l'association de dépenses de personnel incombant au CNC n'était pas conforme à cet objet ; qu'elle est donc constitutive d'une infraction aux règles d'exécution des dépenses de l'association ;

Considérant que ces infractions sont sanctionnées par l'article L. 313-4 du Code des juridictions financières ;

Considérant en revanche qu'il ressort des pièces présentées à l'appui du mémoire en défense de M. Rozat, ainsi que des observations présentées à l'audience par les intéressés, que les contrôleurs d'Etat assurant le contrôle financier du CNC ont été régulièrement informés des recrutements et des conditions de rémunération des agents de l'établissement rémunérés par Arcanal ; qu'en conséquence, l'infraction sanctionnée par l'article L. 313- 1 du Code des juridictions financières n'est pas constituée ;

Sur les responsabilités encourues

En ce qui concerne MM. Clément et Wallon :

Considérant que l'infraction aux règles relatives aux dépenses du CNC résultant de l'attribution à Arcanal de subventions destinées à financer des dépenses de personnel du CNC incombe à M. Clément, directeur du CNC jusqu'au 20 janvier 1989, et à M. Wallon, son successeur à partir de cette date ;

Que la responsabilité de M. Wallon est engagée dans tous les cas relevés ; que celle de M. Clément ne l'est pas dans les cas de Mme Morel et de M. Nizet, recrutés après la fin de ses fonctions ;

Considérant, cependant, que la prise en charge d'agents du CNC par des structures associatives préexistait à l'entrée en fonctions de M. Clément ; que le directeur du budget, par lettre du 25 septembre 1985 adressée au ministre de la culture, avait donné son accord à la prise en charge, par l'association Arcanal, de sept agents du SITIS ; qu'il ressort de cette lettre, ainsi que d'une note du 28 mai 1984 du directeur de cabinet du ministre de la culture et du témoignage de M. Sallois, que l'utilisation d'Arcanal pour rémunérer des agents de l'établissement avait l'accord des collaborateurs directs du ministre de la culture et du ministre du budget ;

Qu'avant le premier janvier 1994, les emplois contractuels qui auraient permis d'intégrer tous les agents précités dans les effectifs du CNC ne figuraient pas au budget de l'établissement ; que les directeurs généraux n'avaient pas le pouvoir de recruter des agents contractuels sur les emplois vacants d'agents titulaires ; que M. Schiffmann, chef du SITIS, a été intégré dans les effectifs de l'établissement lorsqu'un emploi contractuel y est devenu vacant, le premier janvier 1993 ;

Que M. Wallon, lors de la préparation du projet de loi de finances pour 1990, a demandé au ministre de la culture et au ministre du budget la régularisation de la situation des agents du SITIS rémunérés par Arcanal ; qu'il ressort de la note rédigée à cette occasion que la même demande avait été faite l'année précédente, alors que M. Clément était directeur général ; que M. Wallon affirme avoir répété oralement cette demande au cours des années suivantes, ce que la ministre de la culture et de la communication confirme dans son avis susvisé ; que ces démarches n'ont pas abouti ;

Considérant que la réunion de l'ensemble de ces circonstances est de nature à exonérer MM. Clément et Wallon de la condamnation à l'amende ;

En ce qui concerne MM. Rozat et Goudineau :

Considérant que l'infraction aux règles relatives aux dépenses d'Arcanal résultant de la prise en charge de dépenses de personnel du CNC incombe à M. Rozat, président d'Arcanal jusqu'au 10 novembre 1989, et à M. Goudineau, son successeur à partir de cette date ;

Que la responsabilité de M. Goudineau est engagée dans tous les cas relevés ; que celle de M. Rozat ne l'est pas dans les cas de Mme Morel et de M. Nizet, dont le recrutement est intervenu après sa sortie de fonctions ;

Considérant, cependant, d'une part, que l'irrégularité préexistait à leur entrée en fonctions ; d'autre part, que MM. Rozat et Goudineau étaient placés sous l'autorité hiérarchique des directeurs généraux du CNC dans le cadre de leurs fonctions de directeur des programmes audiovisuels ; que leurs fonctions de président d'Arcanal étaient la conséquence de celles qu'ils exerçaient au CNC ; qu'il ressort du mémoire en défense et des observations de M. Wallon que MM. Rozat et Goudineau avaient reçu des instructions précises des directeurs généraux successifs du CNC dans le but de faire prendre en charge par Arcanal les rémunérations d'agents de l'établissement ;

Considérant que la réunion de ces circonstances est de nature à exonérer MM. Rozat et Goudineau de la condamnation à l'amende ;

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en prononçant la relaxe de MM. Clément, Wallon, Rozat et Goudineau et qu'en application de l'article L. 314-20 du Code des juridictions financières, il n'y a pas lieu à publication ;

ARRETE :

Article unique. MM. Clément, Wallon, Rozat et Goudineau sont relaxés des fins de la poursuite.

Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, le vingt-sept janvier mil neuf cent quatre-vingt dix-neuf. Présents : M. Joxe, Premier président de la Cour des comptes, président ; M. Massot, président de la section des finances du Conseil d'Etat, vice-président ; MM. Fouquet, conseiller d'Etat, Gastinel et Capdeboscq, conseillers maîtres à la Cour des comptes, membres de la Cour de discipline budgétaire et financière ; M. Laferrère, conseiller référendaire à la Cour des comptes, rapporteur.

Lu en séance publique le trente-un mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le Président de la Cour et le greffier.

LE PRESIDENT LE GREFFIER