RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS,

LA COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE, siégeant à la Cour des comptes, en audience publique, a rendu l'arrêt suivant :

Vu le code des juridictions financières, notamment le titre 1er du livre III relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la lettre du 25 février 2002, enregistrée au parquet le 18 mars 2002, par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a déféré à la Cour de discipline budgétaire et financière, au motif qu'ils pouvaient être constitutifs des infractions réprimées par les articles L. 313-4 et L. 313-6 du code susvisé, des faits relevés par la Mission interministérielle d'inspection du logement social (Miilos) lors de son contrôle de la société anonyme d'habitations à loyer modéré « SCIC Habitat Île de France » ;

Vu le réquisitoire du Procureur général près la Cour des comptes, en date du 21 février 2003, saisissant le Président de la Cour de discipline budgétaire et financière desdites irrégularités ;

Vu les décisions des 25 juillet 2003 et 10 janvier 2006 du président de la Cour de discipline budgétaire et financière désignant successivement comme rapporteur M. Pierre-Alexandre Miquel, auditeur à la Cour des comptes, et M. Guy Fialon, président de section de chambre régionale des comptes ;

Vu les lettres recommandées du 17 mars 2006 par lesquelles le Procureur général a avisé Mme Danièle Bonnet, ancienne chef de projet au sein du Groupement d'intérêt économique « Société Centrale Immobilière de la Caisse des dépôts - gestion Île de France - G.I.E. », Mme Dominique Boyer, ancienne responsable des ventes au sein du service d'assistance à l'exploitation de la société anonyme d'habitations à loyer modéré « SCIC Habitat Île-de-France », Mme Elisabeth Laxenaire, responsable du service « conduite d'opérations vente » dans ce G.I.E., M. Jean-Claude Leullier, directeur général adjoint de la société SCIC et administrateur unique du G.I.E., et M. Max Mattioli, directeur général de ladite société, de leur mise en cause dans les conditions prévues à l'article L. 314-4 du code susvisé, ensemble les accusés de réception de ces lettres ;

Vu les lettres recommandées du 9 novembre 2006 par lesquelles le Procureur général a avisé MM. Frédéric Pascal et Marc Esnault, présidents successifs du conseil d'administration de la société anonyme d'HLM SCIC Habitat Île-de-France, de leur mise en cause dans les conditions prévues à l'article L. 314-4 du code des juridictions financières, ensemble les accusés de réception de ces lettres ;

Vu la lettre du 15 janvier 2007 du président de la Cour de discipline budgétaire et financière transmettant au Procureur général le dossier de l'affaire, après dépôt du rapport d'instruction, conformément aux dispositions de l'article L. 314-4 précité ;

Vu la lettre du 1er juin 2007 du Procureur général informant le président de la Cour de discipline budgétaire et financière de sa décision de poursuivre la procédure, en application des dispositions de l'article L. 314-4 précité ;

Vu les lettres du 4 juin 2007 du président de la Cour de discipline budgétaire et financière communiquant le dossier au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique et au ministre du logement et de la ville en application de l'article L. 314-5 du code des juridictions financières, ensemble les avis de réception de ces lettres ;

Vu la lettre du 9 juillet 2007 par laquelle le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a communiqué au Procureur général le dossier de l'affaire en application des dispositions de l'article L. 314-6 du même code ;

Vu la décision du 20 septembre 2007 du Procureur général renvoyant devant la Cour de discipline budgétaire et financière MM. Mattioli et Pascal et Mme Boyer, en application des dispositions de l'article L. 314-6 du code des juridictions financières, et décidant de ne pas renvoyer devant elle Mmes Bonnet et Laxenaire et MM. Esnault et Leullier ;

Vu les lettres recommandées du 24 septembre 2007 par lesquelles la greffière de la Cour a avisé MM. Mattioli et Pascal et Mme Boyer qu'ils pouvaient prendre connaissance du dossier de l'affaire et produire un mémoire écrit dans les conditions définies par l'article L. 314-8 du code susvisé, ensemble les accusés de réception de ces lettres ;

Vu la demande formulée par Maître Gauthier demandant à ce que Mme Taïeb soit citée comme témoin, déposée et enregistrée au greffe le 22 novembre 2007 ;

Vu la convocation à témoin adressée le 26 novembre 2007 par le Président de la Cour à Mme Taïeb, après avis du Procureur général ;

Vu le mémoire en défense présenté par Maître Bloch pour M. Mattioli, enregistré au greffe de la Cour le 27 novembre 2007 ;

Vu le mémoire en défense présenté par Maître Gautier pour Mme Boyer, enregistré au greffe de la Cour le 27 novembre 2007 ;

Vu le mémoire en défense présenté par Maître Rosenfeld pour M. Pascal, enregistré au greffe de la Cour le 29 novembre 2007 ;

Vu les lettres recommandées du 17 octobre 2007 de la greffière de la Cour de discipline budgétaire et financière citant MM. Mattioli et Pascal et Mme Boyer à comparaître devant la Cour, ensemble les accusés de réception de ces lettres ;

Vu l'ensemble des pièces du dossier, notamment les procès-verbaux des auditions et le rapport d'instruction de M. Fialon ;

Entendu le rapporteur, M. Fialon, résumant le rapport écrit, en application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;

Entendu le représentant du ministère public, résumant la décision de renvoi, en application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;

Entendu en leurs observations respectives M. Pascal et Maîtres Rosenfeld et Leselbaum-Benhamou, conseils de ce dernier, M. Mattioli et Maîtres Bloch et Delannoy, conseils de ce dernier, et Mme Boyer et Maîtres Gauthier et Ravin, conseils de cette dernière, en application de l'article L. 314-12 du code des juridictions financières ;

Entendu Madame Taïeb, ancienne directrice du département vente de la Société Centrale Immobilière de la Caisse des dépôts - Gestion Île de France - GIE, citée comme témoin à la demande de Mme Boyer ;

Entendu le Procureur général en ses réquisitions, en application de l'article L. 314-12 du code des juridictions financières ;

Entendu en leurs plaidoiries respectives Maîtres Rosenfeld et Leselbaum-Benhamou pour M. Pascal, Maîtres Bloch et Delannoy pour M. Mattioli, Maîtres Gauthier et Ravin pour Mme Boyer, et en leurs explications et observations M. Mattioli, M. Pascal et Mme Boyer, les intéressés et leurs conseils ayant eu la parole les derniers ;

Sur la compétence de la Cour

Considérant qu'en application de l'article L. 312-1-I-c du code des juridictions financières est justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière notamment tout représentant, administrateur ou agent des organismes soumis au contrôle de la Cour des comptes ;

Considérant qu'en vertu des dispositions du b de l'article L. 133-2 du même code, sont soumis aux contrôles de la Cour des comptes les personnes morales, quel que soit leur statut juridique, dans lesquelles des organismes déjà soumis au contrôle de la Cour des comptes détiennent, séparément ou ensemble, plus de la moitié du capital ; qu'en vertu du c de ce même article L. 133-2, sont soumis au contrôle de la Cour également « des filiales des organismes visés aux deux alinéas précédents, lorsque ces organismes détiennent dans lesdites filiales, séparément, ensemble ou conjointement avec l'État, plus de la moitié du capital » ;

Considérant que la Cour des comptes était compétente pour contrôler, au titre de la période en cause, la société SCIC Habitat Île de France, dans laquelle ont été commis les faits ayant motivé la saisine de la Cour de discipline budgétaire et financière ; qu'en effet, ladite société était la filiale majoritaire (59,92 %) de la société SCIC Habitat, elle-même filiale majoritaire (entre 84,99 % et 99,99 % pendant la période concernée) de la société SCIC, elle-même filiale majoritaire (99,99 %) de la société Caisse des dépôts - Développement (C3D), elle-même filiale majoritaire (99,9 %) de la Caisse des dépôts et consignations, cette dernière étant soumise au contrôle de la Cour des comptes en application des dispositions de l'article L. 131-3 du code des juridictions financières ;

Considérant que, par voie de conséquence, pour la période en cause, la société anonyme d'HLM susvisée fait partie des organismes mentionnés au c de l'article L. 312-1-I du code susvisé, dont les agents sont justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière en application des dispositions du même article ;

Sur l'absence d'avis du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique et du ministre du logement et de la ville 

Considérant que, par les lettres susvisées du 4 juin 2007, le président de la Cour a communiqué le dossier d'instruction au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique et au ministre du logement et de la ville, et a fixé à un mois le délai dont lesdits ministres disposaient pour donner leur avis ; qu'au terme du délai accordé lesdits avis n'avaient pas été émis ; que, toutefois, en vertu des dispositions de l'article L. 314-5 du code susvisé, cette circonstance ne fait pas obstacle à la poursuite de la procédure devant la Cour ;

Sur la prescription

Considérant qu'en vertu de l'article L. 314-2 du code des juridictions financières, la Cour ne peut être saisie après l'expiration d'un délai de cinq années révolues à compter du jour où aura été commis le fait de nature à donner lieu à l'application des sanctions prévues par les articles L. 313-1 et suivants dudit code ; qu'en l'espèce, le déféré susvisé du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a été enregistré au ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière le 18 mars 2002 ; qu'ainsi la Cour est valablement saisie de tous faits postérieurs au 19 mars 1997 ;

I. Sur le grief tiré de la conclusion de ventes de logements à un prix inférieur à l'évaluation faite par le service des domaines

Considérant que dans sa décision de renvoi, le procureur général soutient d'une part qu'au cours des années 1998 à 2001, cinquante-et-une des deux cent quatre-vingt-seize cessions de logements examinées par la Mission interministérielle d'inspection du logement social à l'occasion de son contrôle de la société d'HLM susvisée auraient été conclues à un prix inférieur à l'évaluation faite par le service des domaines, et que d'autre part ces cessions auraient été conclues sans que les préfets concernés aient autorisé la société d'HLM à céder les logements en cause à un prix inférieur à l'évaluation du service des domaines ;

Considérant qu'au cours de la même période trois cessions de logements auraient été conclues avec des acquéreurs qui n'avaient pas la qualité de locataires occupants desdits logements, sans qu'ait été demandé au service des domaines son avis sur la valeur vénale des logements en question dans l'hypothèse où ils seraient libres d'occupation ;

Considérant qu'à l'époque des faits l'article L. 443-12 du code de la construction et de l'habitation était ainsi rédigé : « Le prix de vente est fixé par l'organisme propriétaire. Sauf en cas de vente à un organisme d'habitations à loyer modéré ou à une société d'économie mixte, il ne peut pas être inférieur à l'évaluation faite par le service des domaines. Cette évaluation doit intervenir dans un délai d'un mois à compter de la demande. A titre exceptionnel, le représentant de l'État dans le département peut autoriser l'organisme à vendre à un prix inférieur » ;

Considérant que la règle portée par le texte précité constitue une règle relative à l'exécution des recettes et à la gestion des biens au sens de l'infraction prévue à l'article L. 313-4 du même code ;

Considérant que les évaluations faites par le service des domaines opéraient sans aucun fondement légal une distinction tenant à la situation de l'acquéreur, locataire-occupant ou tiers, le prix étant dans le premier cas, en règle générale, inférieur de 20 % à celui prévu dans le second cas ;

Considérant que, dans leurs mémoires en défense susvisés ainsi qu'à l'audience, les personnes renvoyées devant la Cour ont fait état des insuffisances qui, avant même l'année 1998, auraient entaché les avis du service des domaines en ce qui concerne l'estimation de la valeur vénale des biens cédés ; qu'il a ainsi été fait état d'une lettre du directeur de l'habitat et de la construction du 13 avril 1995, en réponse à une demande de précision formulée par la société, ne dissipant pas les ambiguïtés ;

Considérant que l'audience publique a permis d'établir que l'attention des autorités de tutelle avait été attirée sur l'ambiguïté des avis formulés par le service des domaines ; que d'ailleurs cette ambiguïté n'a cessé que par l'intervention de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 ; qu'en vertu de la nouvelle rédaction donnée par cette loi à l'article L. 443-12 du code de la construction et de l'habitation, le service des domaines ne doit désormais donner qu'une seule évaluation correspondant à la valeur du logement vacant, le prix de vente pouvant être inférieur ou supérieur de 35 % à l'évaluation faite par le service des domaines ;

Considérant que les évaluations du service des domaines liées aux opérations en cause en l'espèce, qui de surcroît revêtaient des formes différentes et étaient parfois assorties de marges de négociation variables, pouvaient donc prêter à des interprétations divergentes ;

Considérant que, dans ces conditions, il n'est pas établi que les prix de cession des logements en cause aient été inférieurs à « l'évaluation faite par le service des domaines » au sens de l'article L. 443-12 du code de la construction et de l'habitation ; qu'il n'est dès lors pas établi qu'une règle ait été méconnue au sens de l'infraction prévue à l'article L. 313-4 du code des juridictions financières, ni qu'un avantage injustifié ait été accordé à autrui par les personnes renvoyées devant la Cour, en méconnaissance de leurs obligations, au sens de l'article L. 313-6 du code des juridictions financières ; que, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le moyen, allégué par la défense, de l'application aux faits du principe de rétroactivité de la loi pénale moins sévère, compte tenu de la modification susmentionnée de l'article L. 443-12 du code de la construction et de l'habitation, le grief susvisé doit donc être écarté ;

II. Sur le grief tiré de ce que des cessions de logements auraient été réalisées à des acquéreurs non occupants au prix réservé aux locataires occupant ces logements et que les mesures de publicité obligatoires n'auraient pas été effectuées

Sur les faits et irrégularités

Considérant que selon la première branche du grief formulé par la décision de renvoi du Procureur général susvisée, six locataires de la société d'HLM qui n'étaient pas les occupants du logement qu'ils ont acquis auraient acheté ce dernier au prix prévu pour son occupant et non au prix, supérieur, prévu pour les acquéreurs non occupants ; que, du fait de ces irrégularités, ces six acquéreurs auraient bénéficié d'un avantage pécuniaire, égal à la différence entre le prix, inférieur, prévu pour le locataire occupant et le prix, supérieur, proposé aux acquéreurs non occupants, au préjudice de la société ;

Considérant toutefois qu'en sa première branche, ce grief doit être écarté pour les motifs susvisés développés à l'encontre du premier grief ;

Considérant que selon la deuxième branche du grief, les prix payés dans les opérations litigieuses n'auraient pas été conformes aux prix ayant fait l'objet des mesures de publicité prévues par les articles L. 443-11 et R. 443-12 du code de la construction et de l'habitation, ce qui constituerait une irrégularité au regard des règles de publicité prévues par les textes, générateur d'un avantage injustifié pour les acheteurs, au préjudice de la société ;

Considérant en effet qu'à l'époque des faits, l'article L. 443-11 du code de la construction et de l'habitation était ainsi rédigé : « Un logement occupé ne peut être vendu qu'à son locataire. Toutefois, sur demande du locataire, le logement peut être vendu à son conjoint ou, s'ils ne disposent pas de ressources supérieures à celles qui sont fixées par l'autorité administrative, à ses ascendants et descendants. (...) Lorsque l'organisme d'habitations à loyer modéré met en vente un logement vacant, il doit l'offrir en priorité à l'ensemble des locataires de l'organisme dans le département par voie d'une publicité dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'État. A défaut d'acquéreur prioritaire, le logement peut être offert à toute autre personne physique (...) » ;

Considérant que l'article R. 443-12 du code de la construction et de l'habitation, faisant application des dispositions précitées de l'article L. 443-11 dudit code, était ainsi rédigé :

« Lorsqu'un organisme d'habitations à loyer modéré envisage de vendre, en application du deuxième alinéa de l'article L. 443-11, un logement vacant et a recueilli à cet effet les accords et avis prévus à l'article L. 443-7, il en informe ses locataires dans le département.

Cette publicité mentionne la consistance du bien et le prix proposé.

Elle est assurée :

a) Par voie d'affichage au siège social de l'organisme et aux emplacements habituellement utilisés pour l'information des locataires dans les immeubles collectifs appartenant à l'organisme et situés dans le département ;

b) Par une insertion dans deux journaux locaux diffusés dans le département ; (...)

L'organisme propriétaire ne peut écarter les demandes d'acquisition émanant de ses locataires dans le département que pour des motifs sérieux et légitimes.

En tout état de cause, il ne peut retenir une demande émanant d'une personne n'ayant pas la qualité de locataire avant l'expiration d'un délai de deux mois courant à compter de l'exécution de l'ensemble des mesures de publicité prévues par les alinéas 2 et 3 du présent article » ;

Considérant que le moyen, soutenu par la défense, tiré de l'application à ce grief du principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce manque en fait, les deux règles précitées n'ayant pas été modifiées postérieurement aux opérations de cession en cause ;

Considérant qu'il découle des dispositions précitées relatives aux mesures de publicité qui doivent être organisées lors de la vente d'un logement vacant par un organisme d'HLM que le prix fixé ne doit pas être différent du prix proposé ayant fait l'objet des mesures de publicité réglementaires auprès des acquéreurs prioritaires ; que la modification du prix initialement proposé par voie de publicité nécessite, donc, une nouvelle publicité ; qu'en l'espèce des règles d'exécution des dépenses s'imposant à la société ont donc été méconnues, ce qui est constitutif de l'infraction prévue à l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;

Considérant en revanche que la circonstance que les règles précitées de publicité n'aient pas été respectées ne suffit pas, à elle seule, à établir l'existence d'un préjudice pour la société ; qu'il n'est pas prouvé que les revenus de la société eussent été plus importants si la réglementation avait été respectée ; que dans ces conditions, en l'absence de préjudice avéré, l'infraction prévue à l'article L. 313-6 du code des juridictions financières n'est pas établie ;

Sur les responsabilités

Considérant que, dans la répartition des pouvoirs existant entre le président du conseil d'administration et le directeur général, la responsabilité des opérations de cession incombait au seul directeur général, qui tenait ses pouvoirs directement du conseil d'administration et non d'une délégation accordée par le président du conseil d'administration ; que, de ce fait, la responsabilité des irrégularités est à imputer au directeur général de la société, en l'occurrence M. Mattioli ;

Considérant que constituent des circonstances atténuantes pour M. Mattioli sa forte implication dans le redressement financier de l'organisme d'HLM, le souci de servir au mieux les intérêts de ce dernier et le fait qu'il n'a bénéficié d'aucun avantage personnel ;

Considérant que, bien que Mme Boyer ait été la signataire de cinq des six promesses unilatérales de vente afférentes aux cessions en cause et qu'elle ait, ce faisant, engagé la société d'HLM vis-à-vis des acquéreurs, sa responsabilité ne saurait être engagée, du fait de la position de subordination dans laquelle elle se trouvait ;

III. Sur l'octroi de rabais à des acquéreurs salariés du groupe SCIC ou agents de la Caisse des dépôts et consignations 

Sur les faits et irrégularités

Considérant qu'il ressort de l'instruction que six acquéreurs de logements de la société d'HLM ont bénéficié de rabais sur le prix de cession des logements acquis par eux, au seul motif qu'ils étaient salariés de sociétés appartenant au groupe SCIC ou agents de la Caisse des dépôts et consignations ; que, pour le même motif, un septième acquéreur aurait pu bénéficier d'un rabais s'il n'y avait pas renoncé à la suite de l'enquête de la Mission interministérielle d'inspection du logement social (Miilos) précitée ; qu'enfin un agent a acquis le logement qu'il était chargé de vendre ;

Considérant que l'octroi de ces rabais, uniquement liés à la qualité de salarié du groupe Caisse des dépôts et consignation des acquéreurs, ne se fondait sur aucune règle, ni sur aucune décision du conseil d'administration de la société ; que dès lors, ces rabais constituent des irrégularités tombant sous le coup de l'infraction prévue à l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;

Considérant en outre que, dans chacune des six cessions en cause, le prix payé n'a pas été celui qui avait fait l'objet des mesures de publicité auprès des acquéreurs prioritaires ; qu'il s'est agi d'un prix inférieur, qui aurait dû faire à son tour l'objet des mesures de publicité réglementaires auprès des acquéreurs prioritaires, ce qui n'a pas été le cas ; que, de la sorte, les dispositions précitées de l'article R. 443-12 du code de la construction et de l'habitation n'ont pas été respectées, ce qui constitue une infraction prévue et réprimée par les dispositions de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;

Considérant en revanche que les circonstances que les prix de vente n'aient pas eu un fondement juridique régulier, que les règles de publicité précitées aient été méconnues, et qu'ainsi les acquéreurs aient bénéficié d'un avantage injustifié, ne suffisent pas, à elles seules, à établir l'existence d'un préjudice pour la société ; qu'il n'est pas prouvé que les revenus de la société eussent été plus importants si la réglementation avait été respectée ; que dans ces conditions, en l'absence de préjudice avéré, l'infraction prévue à l'article L. 313-6 du code des juridictions financières n'est pas établie ;

Sur les responsabilités

Considérant qu'à l'époque des faits, l'application de rabais sur les prix prévus par les grilles des prix de vente au bénéfice des salariés du groupe SCIC à laquelle appartenait la société d'HLM était une pratique connue et, semble-t-il, admise dans ledit groupe, en ce qui concerne, du moins, les logements appartenant aux sociétés qui n'avaient pas le statut d'organismes d'HLM ;

Considérant que la personne ayant accepté de vendre à un prix qui n'était pas de droit a été la représentante de la société d'HLM qui a conclu les promesses de vente des logements en cause et, ce faisant, engagé la société, en l'espèce, Mme Boyer ; que, toutefois, en acceptant de signer des promesses de vente prévoyant l'application de rabais sur le prix de vente au motif que l'acquéreur était salarié de sociétés appartenant au groupe SCIC ou assimilées, Mme Boyer, ainsi qu'elle l'a déclaré au cours de l'instruction, avait le sentiment de se conformer à une pratique interne, officialisée dans des consignes de sa hiérarchie, dont elle a admis qu'elles n'avaient pas nécessairement reçu une forme écrite et qu'elles étaient probablement antérieures à l'arrivée de M. Mattioli à la direction de la société ;

Considérant que ces éléments, et en particulier sa situation de subordination dans l'organisation hiérarchique de la société d'HLM, constituent des circonstances de nature à dégager Mme Boyer de toute responsabilité ;

Considérant que M. Mattioli a pris seul la décision d'accorder à l'un des acquéreurs, salarié du groupement d'intérêt économique ci-dessus mentionné, une remise de 29 000 francs, soit 4 421,02 euros ;

Considérant que la responsabilité de M. Mattioli est également engagée à raison des infractions commises lors des cinq autres cessions ; qu'en effet, les promesses de vente conclues dans lesdites cessions étaient réputées l'être par M. Mattioli en vertu de ses pouvoirs, même si elles ont été, en réalité, signées par Mme Boyer ; que, de ce fait, dans la mesure où l'organisation de la procédure de signature des promesses de vente et des actes authentiques incombait à M. Mattioli en sa qualité de directeur général, le dispositif de procurations et de délégations mis en place par ses soins ou, en tout cas, avec son approbation n'était pas de nature à dégager sa responsabilité personnelle dans les irrégularités commises ;

Considérant que si l'existence de remises accordées dans d'autres sociétés du groupe SCIC a pu faire croire à M. Mattioli qu'il s'agissait d'un usage en vigueur à la SCIC et dont les limites n'étaient pas arrêtées, il n'a toutefois pas cherché à savoir si des rabais, outre celui qu'il avait lui-même consenti, avaient été accordés dans la société SCIC Habitat Île-de-France ; que l'existence d'un usage au sein du groupe, fût-il établi, ne dégageait pas M. Mattioli de l'obligation qui lui incombait de vérifier les pratiques de ses subordonnés, surtout dans le secteur des HLM ; que sa responsabilité est donc engagée sur ces faits ;

Considérant que constituent toutefois des circonstances atténuantes pour M. Mattioli sa forte implication dans le redressement financier de l'organisme d'HLM, le souci de servir au mieux les intérêts de ce dernier et le fait qu'il n'ait bénéficié d'aucun avantage personnel ;

Sur le prononcé d'une amende et de deux relaxes

Considérant qu'il découle de ce qui précède qu'aucun grief n'est retenu à l'encontre de M. Pascal ; qu'il doit par suite être relaxé des fins de poursuite ;

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en infligeant à M. Mattioli une amende de 300 euros ;

Considérant que le premier grief ayant été écarté par la Cour et la responsabilité de Mme Boyer n'étant pas engagée au titre des deuxième et troisième griefs, elle doit donc être relaxée des fins de poursuite ;

Sur la publication de l'arrêt

Considérant qu'il n'y a pas lieu, eu égard aux circonstances de l'espèce, de publier le présent arrêt au Journal officiel de la République française.

ARRÊTE :

Article 1er : M. Pascal est relaxé des fins de poursuite.

Article 2 : M. Mattioli est condamné à une amende de 300 € (trois cents euros).

Article 3 : Mme Boyer est relaxée des fins de poursuite.

Délibéré en la Cour de discipline budgétaire et financière, deuxième section, hors la présence du rapporteur, les sept et treize décembre deux mille sept, par M. Racine, président de la section des finances du Conseil d'État, président de la deuxième section de la Cour de discipline budgétaire et financière, MM. Mayaud, conseiller maître à la Cour des comptes, Pinault, conseiller d'État, et Mme Froment-Meurice, conseillère maître à la Cour des comptes.

Lu en séance publique le vingt décembre deux mille sept.

En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d'y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu'ils en seront légalement requis.

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président de la deuxième section de la Cour et la greffière.

                Le Président,                                                                             La greffière,
                Pierre-François RACINE                                                          Maryse LE GALL