Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée et complétée par les lois n° 55-1069 du 6 août 1955, 63-778 du 31 juillet 1963 et 71- 564 du 13 juillet 1971 tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision du 23 janvier 1980, enregistrée au Parquet le même jour, par laquelle la Cour des comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités constatées dans la gestion de la Caisse mutuelle régionale (CMR) de Bretagne et nommément déféré M. HOSTIOU, directeur de la Caisse ;
Vu le réquisitoire du Procureur Général de la République en date du 4 février 1980 transmettant le dossier à la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 11 février 1982 désignant comme rapporteur M. CHEVAGNY, Conseiller maître à la Cour des Comptes, en remplacement de M. LARGER, Conseiller référendaire à ladite Cour, qui avait été initialement chargé de l'instruction par décision du 7 février 1980 ;
Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée par le Procureur Général de la République le 20 avril 1982 à M. HOSTIOU, l'informant de l'ouverture d'une instruction et l'avisant qu'il était autorisé à se faire assister soit par un mandataire, soit par un avocat ou un avoué, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
Vu les avis émis respectivement le 29 septembre 1983 par le Ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale et le 24 octobre 1983 par le Secrétaire d'Etat chargé du Budget ;
Vu les conclusions du Procureur Général de la République en date du 16 janvier 1984 renvoyant M. HOSTIOU devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée par le Président de la Cour le 3 mai 1984 à M. HOSTIOU, l'avisant qu'il pouvait dans un délai de quinze jours prendre connaissance du dossier de l'affaire, soit par lui-même, soit par un mandataire, soit par le ministère d'un avocat, d'un avoué ou d'un avocat au Vu le mémoire en défense présenté le 29 juin 1984 par Me RYZIGER, Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, assistant M. HOSTIOU, ainsi que les pièces complémentaires produites à l'appui de ce mémoire ;
Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée le 12 octobre 1984 à M. HOSTIOU et l'invitant à comparaître ;
Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier et notamment les procès-verbaux d'audition ;
Ouï M. CHEVAGNY en son rapport ;
Ouï le Procureur Général de la République en ses conclusions ;
Ouï en ses explications M. HOSTIOU, assisté de Me RYZIGER, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
Ouï :
. le témoin cité à la requête du Procureur Général de la République : M. MORVAN, inspecteur de la Sécurité sociale,
. les témoins cités à la requête de M. HOSTIOU:
M. SEVELLEC, président de la Caisse mutuelle régionale de Bretagne,
M. LUCENET, ancien président de la Caisse nationale d'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles (CANAM),
M. FRABOULET, retraité, ancien agent comptable de la CMR de Bretagne, à l'exception de M. COLLINOT, chef de service à la direction régionale de l'action sanitaire et sociale de Bretagne, qui, à sa demande, a été autorisé par le président de la Cour à ne pas comparaître à l'audience, conformément aux dispositions de l'article 23, 3ème alinéa, de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Ouï le Procureur Général de la République en ses réquisitions ; Ouï en sa plaidoirie Me RYZIGER et en ses observations M. HOSTIOU, l'intéressé et son conseil ayant eu la parole les derniers ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 25 septembre 1948 modifiée : "Est justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière ... tout agent des organismes qui sont soumis au contrôle de la Cour des Comptes" et de l'article 7 de la loi n° 67-483 du 22 juin 1967 : "sont soumis au contrôle de la Cour des Comptes tous les organismes de droit privé jouissant de la personnalité civile ou de l'autonomie financière qui assurent en tout ou en partie la gestion d'un régime légalement obligatoire d'assurance couvrant la maladie, la maternité ..." ; qu'en conséquence M. HOSTIOU, directeur de la CMR de Bretagne, est justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière ;Considérant que la réglementation des recettes et des dépenses de la CMR de Bretagne résulte des dispositions du décret n° 69-253 du 21 mars 1969 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 dudit décret, le directeur constate et liquide les droits et charges de l'organisme ; que, d'après l'article 7, le directeur liquide les créances de l'organisme et a seul qualité pour certifier, par la signature de l'ordre de recette, la réalité de la créance ; que, d'après le même article 7, à chaque ordre de recette sont jointes, s'il y a lieu, les pièces justificatives ; qu'il appartenait en conséquence au directeur d'apprécier s'il y avait lieu ou non de joindre les pièces justificatives aux ordres de recette ;
Considérant toutefois que M. HOSTIOU avait confié à l'agent comptable de l'organisme le soin d'assurer l'instruction des dossiers de recours contre les tiers et de rédiger les projets d'ordres de recette correspondants ; que, dans ces conditions, il incombait à M. HOSTIOU de comparer le projet de décision avec les documents de base ; qu'il a été établi que ce dernier ne prenait pas dans tous les cas les mesures nécessaires pour s'assurer dans des conditions satisfaisantes de l'exacte liquidation de la créance ;
Considérant que, d'après l'article 9 du décret du 21 mars 1969, le directeur est responsable des mesures destinées à provoquer sans délai la liquidation et le recouvrement des créances de l'organisme ; que, d'après l'article 38 dudit décret, l'agent comptable doit soumettre au directeur, le 15 de chaque mois, la liste des créances non recouvrées le premier jour de ce mois qui sont arrivées à échéance au cours du mois précédant le mois écoulé ; qu'il s'ensuit pour le directeur une obligation d'exiger la production de ces listes le 15 de chaque mois ; que, d'après M. HOSTIOU, le secrétariat des recours contre tiers procédait à une révision périodique des dossiers mais qu'il a été établi que la vérification mensuelle au quinzième jour, imposée par l'article 38 précité, n'était pas strictement respectée ;
Considérant qu'il est établi que l'agent comptable n'inscrivait pas immédiatement à un compte de recettes par nature le montant des chèques reçus des débiteurs, qu'il avait simplement encaissés et portés à un compte de disponibilités de la CMR ; que les ordres de recette de régularisation présentés à la signature du directeur ou établis sur sa demande, démontraient des retards de comptabilisation atteignant parfois dix-sept mois ; que s'il est admis qu'à la suite de la constatation des retards en mai 1975, M. HOSTIOU avait demandé au président de la CMR, qui le lui a refusé, de relever de ses fonctions l'agent comptable, il n'en reste pas moins qu'il incombait alors au directeur, en application de l'article 9 précité, de prendre des mesures beaucoup plus précises et contraignantes que celles qui furent alors mises en place ; que cette carence prolongée a permis le continuation de ces irrégularités jusqu'au début de l'année 1977, date à laquelle il apparut que l'agent comptable s'était approprié une partie des fonds en cause ; que, sur les fonds ainsi détournés, une somme de 176 000 francs est demeurée définitivement à la charge de la caisse ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 du décret du 21 mars 1969, le directeur est seul chargé de la liquidation de toutes les dépenses ; que la liquidation de la dépense comprend notamment la détermination des sommes dues au créancier et en particulier la conformité des sommes inscrites sur l'ordre de paiement avec le montant des factures ; qu'il a été établi qu'à plusieurs reprises, M. HOSTIOU ne s'était pas assuré de cette conformité ; que de ce fait des titres de paiement ont été établis pour un montant supérieur à celui des factures ;
Considérant qu'aux termes de l'article 16 du décret du 21 mars 1969, les factures et mémoires doivent être revêtus d'une mention certifiant la réception des biens ou l'exécution des services et, lorsqu'il s'agit de fournitures non fongibles, mention doit être faite du numéro d'inscription sur les documents de prise en charge ; qu'il a été établi que ces indications n'étaient pas systématiquement portées ; qu'en ne respectant pas ces obligations, M. HOSTIOU a rendu plus faciles les doubles paiements, les paiements sur fausse facture et les mandats fictifs ;
Considérant que les diverses violations sus-exposées de dispositions du décret du 21 mars 1969 constituent, au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée, des infractions aux règles relatives à l'exécution des recettes et des dépenses des caisses mutuelles d'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles ;
Sur les circonstances atténuantes de responsabilité
Considérant que le décret du 21 mars 1969 n'avait pas été appuyé, à l'époque de sa publication, de circulaires ou instructions explicitant les obligations qui incombaient aux directeurs de caisses en matière de constatation et de liquidation des dépenses et recettes ; que les seuls commentaires diffusés par la CANAM était loin de combler cette lacune ;
Considérant qu'au moment de sa mise en place et même encore en 1974, la CMR de Bretagne s'est trouvée exposée à des contestations permanentes et violentes de la part de manifestants ; que le directeur a dû faire face à de nombreux et grave incidents ; que son attention a dû se porter prioritairement sur la solution de sérieux problèmes qu'il a d'ailleurs pu dégager ;
Considérant, comme il a été exposé ci-dessus, que M. HOSTIOU a demandé verbalement en mai 1975 au président de la CMR de Bretagne de relever l'agent comptable de ses fonctions ; que ledit président a refusé, pour des motifs humanitaires, de donner suite à cette requête ; qu'ainsi M. HOSTIOU a été désavoué dans sa tentative de remise en ordre ;
Considérant enfin que la CMR de Bretagne a été vérifiée plusieurs fois par la CANAM, qui a estimé que la Caisse régionale était bien gérée ; que la CMR a également fait l'objet de deux contrôles de la part de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales ; que les enquêteurs, en dehors de quelques mises en garde en matière de dépenses, ont estimé satisfaisant le fonctionnement d'ensemble de la Caisse ; qu'à aucun moment les uns ou les autres n'ont attiré l'attention du directeur sur les insuffisances dans la constatation et la liquidation des recettes et des dépenses ; que cette défaillance des autorités de tutelle doit être relevée ;
Considérant que ces divers éléments constituent sans doute, pour le directeur de la caisse, de larges circonstances atténuantes, mais qu'ils ne sauraient pour autant suffire à dégager entièrement sa responsabilité ; qu'il y a lieu, eu égard à l'ensemble des faits de l'espèce, de reconnaître cette responsabilité en infligeant à M. HOSTIOUune amende de principe de 500 francs ;
ARRETE :
Article unique : M. HOSTIOU est condamné à une amende de cinq cents francs (500 francs).