LA COUR,

Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire ;

Vu la lettre enregistrée le 8 octobre 1958 au Parquet de la Cour par laquelle le ministre des anciens combattants a déféré à la Cour de discipline budgétaire M FADERNE, ancien directeur de l'Ecole de rééducation professionnelle de Strasbourg, actuellement directeur de l'Ecole de rééducation professionnelle de Rennes ;

Vu le réquisitoire du Procureur général de la République en date du 10 novembre 1958 transmettant le dossier au président de la Cour de discipline budgétaire ;

Vu la décision en date du 10 décembre 1958 du président de la Cour de discipline budgétaire désignant M SARAMITE, conseiller référendaire à la Cour des comptes, comme rapporteur chargé de l'instruction ;

Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée en date du 2 juin 1959 avisant le sieur FADERNE qu'il était prévenu d'irrégularités commises dans l'engagement de dépenses correspondant à des travaux exécutés à l'école de rééducation professionnelle de Strasbourg et l'informant qu'il était autorisé à se faire assister, soit par un mandataire, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Vu l'avis du ministre des anciens combattants et victimes de guerre en date du 28 août 1959, ainsi que l'avis du ministre des finances et des affaires économiques en date du 19 octobre 1959, ces deux avis donnés en réponse à la communication du dossier faite en application de l'article 19 de la loi du 25 septembre 1948 ;

Vu l'avis émis par la Commission paritaire compétente dans sa séance du 4 novembre 1959, sur communication du dossier faite à ladite commission en application de l'article 19 précité ;

Vu les conclusions du Procureur général de la République en date du 25 novembre 1959 renvoyant le sieur FADERNE devant la Cour de discipline budgétaire ;

Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée en date du 27 novembre 1959 avisant le sieur FADERNE qu'il pouvait, dans un délai de quinze jours, prendre connaissance du dossier de l'affaire au secrétariat de la Cour, soit par lui-même, soit par un mandataire, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée en date du 26 janvier 1960 invitant le sieur FADERNE à comparaître ;

Vu l'ensemble des autres pièces figurant au dossier et notamment les procès-verbaux d'interrogatoire ;

Ouï en son rapport M SARAMITE, rapporteur ;

Ouï le Procureur général de la République en ses conclusions ;

Ouï le sieur FADERNE en ses explications ;

Ouï le Procureur général de la République en ses réquisitions ;

Ouï le sieur FADERNE, assisté de Me FALCONETTI, avocat à la Cour d'appel, son mandataire, en leurs observations, le prévenu et son mandataire ayant eu la parole les derniers ;

Considérant qu'aux termes des articles D. 526 et D. 544 du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, les écoles de rééducation professionnelle relevant de l'Office national des anciens combattants et victimes de la guerre sont rattachées financièrement aux offices départementaux des anciens combattants et victimes de la guerre dans le ressort desquels elles fonctionnent ; qu'aux termes des articles D. 477 et D. 505 dudit code, le préfet, président du conseil d'administration de l'office départemental, a seul qualité pour engager les dépenses dans la limite des crédits régulièrement inscrits au budget, sauf la possibilité pour lui de déléguer ses fonctions d'ordonnateur au secrétaire général de l'office départemental, qu'il passe les marchés et traités et procède aux adjudications suivant les règles en vigueur pour les marchés de l'Etat ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le sieur FADERNE a, sans y être habilité par aucune disposition réglementaire ni par aucune autorisation de l'ordonnateur, engagé au début de l'année 1956, en qualité de directeur de l'école de rééducation professionnelle de Strasbourg, des dépenses de travaux de parqueterie, de peinture et d'électricité intéressant d'une part les locaux qu'il occupait personnellement à titre d'appartement de fonction et d'autre part les locaux scolaires ; que les factures correspondantes, dont le total s'élève à 1 251 882 francs, se rapportent à concurrence de 790 373 francs aux travaux effectués, dans l'appartement de fonction du sieur FADERNE et de 461 509 francs aux travaux réalisés dans les locaux scolaires ;

Considérant qu'en procédant comme il l'a fait, le sieur FADERNE a enfreint les règles relatives à l'exécution des dépenses de l'Etat, infraction prévue par l'article 5, alinéa 1er, de la loi du 25 septembre 1948 ; qu'il est dès lors passible, aux termes de l'article susvisé, d'une amende dont le montant maximum peut atteindre le montant du traitement brut annuel qui lui était alloué à la date de l'infraction ;

Considérant que les dépenses engagées par le sieur FADERNE dans les conditions irrégulières sus-indiquées concernent pour leur plus grande part, sans présenter toutefois un caractère somptuaire évident, son propre logement de fonction ;

Considérant que lesdites dépenses ont été exposées à une époque où le maintien de l'école à Strasbourg était des plus douteux ; que celle- ci a en fait été supprimée peu après ; qu'ainsi les dépenses faites risquaient d'être et ont été, en fait, sans utilité pour l'administration qui les a, en définitive, assumées ;

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des circonstances de l'affaire en infligeant au sieur FADERNE une amende de 800 nouveaux francs.

CONDAMNE le sieur FADERNE à une amende de 800 NF (huit cents nouveaux francs).