LA COUR,

Vu la loi 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision prise par la Cour des comptes le 17 décembre 1975 de déférer à la Cour de discipline budgétaire et financière les irrégularités constatées dans la gestion de l'Institut universitaire de technologie d'Orsay, à l'encontre notamment de M. Marcel COURTILLOT, chef du département d'informatique, décision enregistrée au Parquet de la Cour de discipline budgétaire et financière le 22 décembre 1975 ;

Vu le réquisitoire du Procureur général de la République en date du 13 janvier 1976 transmettant le dossier à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière, désignant M. LARGER, conseiller référendaire à la Cour des comptes, comme rapporteur en remplacement de M. MARMOT, conseiller référendaire, qui en avait été initialement chargé ;

Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées respectivement le 29 avril 1976 à M. Marcel COURTILLOT, professeur à l'Université de Paris-Sud, et le 12 juillet 1977 à MM. Charles DUFOUR, directeur de l'Institut universitaire de technologie de Ville d'Avray, et Lucien DONADIEU, directeur de l'Institut universitaire de technologie d'Orsay, les informant de l'ouverture d'une instruction et les avisant qu'ils étaient autorisés à se faire assister chacun soit par un mandataire, soit par un avocat ou un avoué, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;

Vu l'avis émis le 30 octobre 1978 par le ministre des Universités ;

Vu l'avis émis le 18 juin 1979 par le ministre du Budget ;

Vu la décision du Procureur général de la République en date du 27 mars 1981 renvoyant devant la Cour de discipline budgétaire et financière M. COURTILLOT, professeur à l'Université de Paris-Sud, M. DUFOUR, directeur de l'Institut universitaire de technologie de Ville d'Avray, et M. DONADIEU, directeur de l'Institut universitaire de technologie d'Orsay ;

Vu la lettre du 30 mars 1981 du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière, au Ministre des Universités demandant que soit saisie du dossier de l'affaire la commission administrative paritaire, siégeant en formation disciplinaire, compétente à l'égard de MM. COURTILLOT, DUFOUR et DONADIEU ;

Vu la lettre du 11 juin 1981 du ministre de l'Education Nationale transmettant à la Cour la lettre du 7 mai 1981 du Président de l'Université de Paris-Sud indiquant que le professeur BARRES, président de la section disciplinaire du conseil de l'Université, lui avait fait savoir que la Cour disposait de tous les éléments pour prendre et motiver sa décision ;

Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées le 16 juin 1981 à MM. COURTILLOT, DUFOUR et DONADIEU les avisant qu'ils pouvaient, dans un délai de quinze jours, prendre connaissance du dossier, soit par eux-mêmes, soit par mandataire, soit par le ministère d'un avocat, d'un avoué, ou d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;

Vu les mémoires en défense présentés respectivement par M. COURTILLOT, M. DUFOUR et M. DONADIEU ;

Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées le 20 octobre 1981 à MM. COURTILLOT, DUFOUR et DONADIEU les invitant à comparaître ;

Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier, et notamment les procès-verbaux d'interrogatoire ;

Entendu M. LARGER, conseiller référendaire à la Cour des Comptes, en son rapport ;

Entendu M. le Procureur général de la République en ses conclusions ;

Entendu MM. DUFOUR et DONADIEU, M. HELLER, mandataire de M. COURTILLOT, et M. COURTILLOT lui-même en leurs explications ;

Entendu M. le Procureur général de la République en ses réquisitions ;

Entendu en leurs observations M. COURTILLOT et son conseil, MM. DUFOUR et DONADIEU, les intéressés et le conseil ayant eu la parole en dernier ;

Considérant que M. COURTILLOT, chef du département de génie informatique de l'IUT d'Orsay, a perçu de 1969 à 1973 des indemnités pour heures supplémentaires octroyées dans des conditions irrégulières au regard des dispositions du décret 64-987 du 18 septembre 1964 modifié ; qu'ont été notamment prises en compte, sous forme d'heures supplémentaires, des activités correspondant à l'exercice des responsabilités de chef de département, à la participation à diverses réunions pédagogiques, à l'encadrement de stages d'étudiants, à la rédaction de cours polycopiés, alors que seules ouvrent droit à rémunération, aux termes du décret précité, les heures d'enseignement complémentaires dispensées aux étudiants ; que les sommes indûment perçues à ce titre par M. COURTILLOT entre 1969 et 1973 ont atteint 65 089,16 francs ;

Considérant que, selon les déclarations de M. COURTILLOT, tous les enseignants du département d'informatique auraient bénéficié du paiement d'heures supplémentaires en sus de celles légalement dues ;

Considérant que le paiement d'indemnités pour heures supplémentaires en violation des règles déterminant les conditions de leur attribution constitue une infraction aux règles d'exécution des dépenses de l'IUT, sanctionnée par l'article 5 de la loi 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée ; que, dans la mesure où les irrégularités constatées ont abouti à procurer à des tiers un avantage injustifié, entraînant un préjudice financier pour l'institut, elles tombent également sous le coup de l'article 6 de ladite loi ;

Considérant que les états trimestriels indiquant le nombre des heures supplémentaires accomplies par les enseignents de l'IUT - lesquels servaient de base au mandatement et à la liquidation des sommes dues - étaient établis, pour le département d'informatique, par M. COURTILLOT, chef dudit département, rattaché successivement aux IUT de Paris, Cachan et Ville d'Avray jusqu'au 31 décembre 1971, puis à celui d'Orsay à compter de la xréation de celui-ci, le 1er janvier 1972 ;

Considérant que les paiements indûs n'ont été rendus possibles que par l'établissement, sur des bases contraires aux dispositions réglementaires, des états susvisés ; que les irrégularités constatées sont en conséquence imputables, au premier chef, à M. COURTILLOT ;

Considérant que l'intéressé ne conteste pas les faits, lesquels ont motivé l'intervention, à son encontre, de sanctions disciplinaires, allégées, au demeurant, en appel ;

Considérant que M. COURTILLOT allègue, pour sa défense, l'existence d'un barème officieux interne, connu des directeurs de l'IUT et destiné, en établissant une équivalence entre heures d'enseignement et heures consacrées à des activités autres que pédagogiques, à permettre la rémunération de ces dernières ; que la réalité d'un tel barème n'a toutefois pas 8té établie ;

Considérant que M. COURTILLOT allègue d'autre part à sa décharge qu'il était loisible aux directeurs de l'IUT, qui signaient les états d'heures supplémentaires en leur qualité de responsables de l'institut, d'en contrôler le contenu et le mode d'établissement ; que cette circonstance n'est pas de nature à atténuer la responsabilité de M. COURTILLOT, dès lors que les dits états n'explicitaient en rien les modalités réelles de détermination du nombre d'heures ; que M. COURTILLOT ne saurait se prévaloir de ce que les directeurs successifs de l'institut n'aient pas manifesté à son égard, dès l'origine, une méfiance systématique et de principe ;

Considérant que M. COURTILLOT a intégralement remboursé le montant des sommes qui lui avaient été indûment payées ;

Considérant que M. DUFOUR, qui a exercé les fonctions de directeur de l'IUT jusqu'au mois de mai 1971, a été, selon ses propres déclarations, informé d'anomalies dans les états provenant du département d'informatique ; que s'il a pris certaines précautions pour limiter les abus - notamment par une mise en garde verbale adressée à M. COURTILLOT et par une surveillance plus attentive des activités de ce dernier jusqu'à la fin de l'année universitaire 1969-1970 - il n'a pas exercé sur les propositions présentées par M. COURTILLOT de contrôle effectif permettant d'en constater l'irrégularité ;

Considérant que M. DONADIEU, nommé directeur en avril 1972, a été rapidement conduit à douter de la régularité des états d'heures supplémentaires émanant du département informatique en raison de leur présentation sommaire et tardive ; qu'il a, par note du 18 juillet 1972, rappelé aux enseignants de l'IUT d'Orsay que les crédits d'heures supplémentaires ne pouvaient être utilisés que pour payer des heures d'enseignement, et demandé aux responsables de chaque département de joindre aux états trimestriels un relevé des cours effectués lorsque le montant des paiements dépasserait 4000 francs ; que, par note confidentielle du même jour, il a réclamé au chef du département informatique un tel relevé pour les heures supplémentaires qui lui avaient été payées pendant l'année universitaire 1971-1972 ; que l'examen dudit relevé l'a conduit à constater le paiement indû de 210 heures sur 315 ;

Qu'avant d'engager, le 31 octobre 1973, une procédure disciplinaire à l'encontre de M. COURTILLOT, M. DONADIEU a néanmoins visé les états d'heures supplémentaires du département informatique pour chaque trimestre de l'année universitaire 1972-1973, bien qu'ils n'aient ps été appuyés des justifications demandées par la note précitée du 18 juillet 1972 ;

Considérant que, de la part d'un supérieur hiérarchique, le fait de s'abstenir d'un contrôle dont il ne peut ignorer l'opportunité constitue une méconnaissance de ses obligations ; qu'elle expose l'intéressé, quand cette obstention a pour cons8quence la persistance d'irrégularités financières, aux sanctions prévues par l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée et, dans la mesure où lesdites irrégularités ont abouti à procurer à des tiers des avantages injustifiés, par l'article 6 de la même loi ; qu'ainsi MM. DUFOUR et DONADIEU tombent sous le coup de ces sanctions ;

Considérant que les circonstances alléguées par les intéressés pour leur défense - notamment les difficultés qui ont affecté la mise en place de l'IUT, l'insuffisance de l'effectif des enseignants qui contraignait ces derniers à assurer une forte quantité d'heures supplémentaires, la crainte de réactions du personnel enseignant en cas de retard dans l'ordonnancement des heures supplémentaires - peuvent atténuer, dans une certaine mesure, leur responsabilité, mais non l'écarter ;

Considérant que les faits ne sont couverts par la prescription édictée par l'article 30 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée que pour la période antérieure au 22 décembre 1970 ;

Considérant qu'il sera fait une exacte appréciation de l'ensemble des circonstances de l'affaire en infligeant à M. COURTILLOT une amende de 5000 francs et à MM. DUFOUR et DONADIEU une amende de 500 francs ;

ARRETE :

Article 1er.- M. Marcel COURTILLOT est condamné à une amende de 5000 F ;

Article 2.- M. Charles DUFOUR est condamné à une amende de 500 F ;

Article 3.- M. Lucien DONADIEU est condamné à une amende de 500 F ;

Article 4.- Le présent arrêt sera publié au Journal Officiel de la République Française ;