LA COUR,

Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948, modifiée et complétée par les lois n° 55-1069 du 6 août 1955, 63-778 du 31 juillet 1963 et 71-564 du 13 juillet 1971, tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la lettre du 30 mai 1973, enregistrée au Parquet de la Cour le 1er juin 1973, par laquelle le ministre de l'économie et des finances a saisi, en application de l'article 16 de la loi susvisée, la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités constatées dans la gestion du centre de recherches zootechniques et vétérinaires (CRZV) de Theix (Puy-de-Dôme), organisme dépendant de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et imputées à M André MANSION, ancien agent contractuel technique de l'INRA, ancien secrétaire général adjoint du CRZV de Theix, M Michel BROCHART, chercheur scientifique, ancien administrateur de ce centre, et M Etienne LAPALUS, professeur d'université, ancien recteur de l'académie de Clermont-Ferrand, ancien président de l'Association pour le développement de la recherche en Auvergne (ADER) ;

Vu le réquisitoire du Procureur général de la République en date du 4 juillet 1973 transmettant le dossier à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 11 juin 1974 désignant comme rapporteur M GASTINEL, conseiller référendaire à la Cour des comptes, en remplacement de M GICQUEL, conseiller référendaire, qui en avait été initialement chargé par décision du 16 juillet 1973 ;

Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées le 26 mars 1975 respectivement à MM BROCHART et MANSION et le 15 avril 1975 à M LAPALUS, les informant de l'ouverture d'une instruction et les avisant qu'ils étaient autorisés à se faire assister, soit par un mandataire, soit par un avocat ou un avoué, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Vu l'avis émis le 29 avril 1976 par le directeur général de l'INRA ;

Vu l'avis émis le 2 juin 1976 par le ministre de l'agriculture ;

Vu l'avis émis le 8 juin 1976 par le ministre de l'économie et des finances ;

Vu la décision du Procureur général de la République en date du 5 novembre 1976 renvoyant M BROCHART et M MANSION devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu le procès-verbal de la commission administrative paritaire compétente pour les agents contractuels techniques de catégorie 1 B de l'INRA ayant siégé le 14 février 1973 en formation disciplinaire ;

Vu l'avis émis par la commission administrative paritaire compétente à l'égard des directeurs de recherches de l'INRA ayant siégé le 5 janvier 1977 en formation disciplinaire ;

Vu les accusés de réception aux lettres recommandées adressées le 8 février 1977 respectivement à MM BROCHART et MANSION les avisant qu'ils pouvaient, dans un délai de quinze jours, prendre connaissance du dossier de l'affaire soit par eux-mêmes, soit par un mandataire, soit par le ministère d'un avocat, d'un avoué ou d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Vu le mémoire en défense présenté par M BROCHART ;

Vu le mémoire en défense présenté par M MANSION et les pièces annexées ;

Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées respectivement à MM BROCHAT et MANSION les invitant à comparaître ;

Vu l'ensemble des pièces figurant au dossier et notamment les procès-verbaux d'interrogatoire ;

Ouï M GASTINEL, conseiller référendaire à la Cour des comptes, en son rapport ;

Ouï le Procureur général de la République en ses conclusions ;

Ouï M JARRIGE, chef du département élevage des ruminants au CRZV de Theix et M BERANGER, directeur du laboratoire de production de la viande au même CRZV, cités comme témoins à la demande de M BROCHART ;

Ouï le Procureur général de la République en ses réquisitions ;

Ouï en leurs observations respectives M BROCHART et M MANSION assisté de Maître GELINET ayant eu la parole les derniers ;

En ce qui concerne les irrégularités commises par M BROCHART

Considérant que l'ensemble des opérations du centre de recherches zootechniques et vétérinaires de Theix, service budgétairement autonome de l'institut national de la recherche agronomique, établissement public à caractère administratif, est soumis à la réglementation budgétaire et comptable établie pour ce type d'organisme par les décrets n° 53-1227 du 10 décembre 1953 et 62-1587 du 29 décembre 1962, précisée en ce qui concerne l'INRA par le décret n° 65-54 du 16 janvier 1964 ;

Considérant que M BROCHART, administrateur du CRZV, et M LAPALUS, président de l'ADER Auvergne, ont signé le 1er octobre 1969 une convention aux termes de laquelle cette association prendrait en charge "les recettes et les dépenses inhérentes au fonctionnement complémentaire du centre" moyennant un prélèvement sur les dites recettes de 5 %, correspondant à ses "frais de gestion" ; que cette convention avait pour objet de soustraire à la procédure budgétaire et comptable régulière une partie des recettes et des dépenses du CRZV ; qu'elle ne pouvait être fondée sur l'article 4 paragraphe C du décret n° 65-843 du 29 septembre 1965, puisque ce dernier n'autorise, à titre dérogatoire, l'intervention d'associations agréées dans la gestion des contrats de recherches que pour les laboratoires et organismes dépendant du ministre de l'éducation et n'est donc pas applicable à l'INRA dont la tutelle appartient au ministère de l'Agriculture ;

Considérant qu'en signant cette convention, MM BROCHART et LAPALUS ont organisé une gestion occulte au sens de l'article 60-XI de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 et ont par conséquent commis une infraction aux règles d'exécution des recettes et des dépenses du CRZV de Theix visée par l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

Considérant toutefois que M LAPALUS n'a agi en l'espèce qu'en tant que président d'une association non subventionnée ; qu'en conséquence il ne faisait pas partie à ce titre, des personnes justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière, telles qu'elles étaient définies au moment des faits ; qu'il appartiendra à la Cour des comptes de statuer sur son cas, dans le cadre de la procédure de gestion de fait actuellement en cours ;

Considérant par contre que M BROCHART, en sa qualité d'administrateur du centre et d'ordonnateur du budget de cet organisme, est passible des sanctions prévues par l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 pour avoir signé la convention du 1er octobre 1969 sans d'ailleurs en avoir soumis le projet au contrôleur financier et pour l'avoir appliquée jusqu'à sa sortie de fonctions ;

Considérant que M BROCHART a chargé M MANSION, alors chef des services administratifs du CRZV, de transmettre à l'ADER Auvergne les fonds destinés à alimenter le compte ouvert dans les écritures de cette association en application de la convention précitée ainsi que les factures à régler au moyen dudit compte ; qu'il n'a prévu aucune procédure de contrôle pour ces opérations alors qu'elles étaient exécutées sans l'intervention du comptable du centre ; qu'il n'a lui- même exercé aucune surveillance sur le fonctionnement du compte, ne vérifiant ni les recettes et les factures transmises à l'ADER, ni les états de situation que cette dernière devait normalement produire ;

Considérant qu'une même absence de contrôle a été relevée à l'encontre de M BROCHART en ce qui concerne la transmission au comptable des chèques adressés par diverses entreprises au CRZV au titre du versement libératoire de la taxe d'apprentissage ; qu'en la matière une stricte surveillance était d'autant plus nécessaire que l'intéressé avait organisé une procédure particulièrement risquée en autorisant M MANSION à établir des reçus provisoires utilisés en fait à la place de ceux que le comptable aurait dû délivrer aux entreprises, pour qu'elles puissent obtenir la déduction fiscale correspondant aux sommes versées au CRZV ;

Considérant que ce défaut de contrôle a rendu possible des détournements opérés par M MANSION pendant plusieurs années, tant sur les recettes destinées à l'ADER que sur celles que le centre tirait du versement libératoire de la taxe d'apprentissage, pour des montants estimés respectivement à 141 442,26 francs et 18 545 francs ; qu'il constitue une méconnaissance des obligations de l'ordonnateur qui, dès lors qu'elle s'est traduite par des irrégularités financières, rend M BROCHART passible des sanctions prévues à l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 ;

Considérant que les circonstances que M BROCHART invoque pour sa défense et notamment la situation particulière faite aux administrateurs des centres de l'INRA, son ignorance de l'irrégularité de la convention du 1er octobre 1969 et la confiance accordée à M MANSION sont de nature à atténuer sa responsabilité sans toutefois l'écarter ;

En ce qui concerne les irrégularités commises par M MANSION

Considérant que M MANSION, qui avait été chargé au CRZV de l'application de la convention du 1er octobre 1969, a participé activement à la gestion irrégulière instituée par celle-ci ; qu'en diverses occasions, il a excédé le cadre fixé ou les directives reçues en imputant au compte tenu par l'ADER des opérations qui ne relevaient pas du "fonctionnement complémentaire" du centre ou en provoquant la constitution d'un découvert du dit compte ; qu'il a mis à profit les facilités que lui offrait la gestion occulte pour détourner une partie des recettes destinées à l'ADER ; qu'il a ainsi commis des infractions aux règles d'exécution des recettes et des dépenses du CRZV ; qu'il est donc passible des sanctions prévues par l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 ;

Considérant que M MANSION relève des mêmes sanctions du chef des irrégularités commises à l'occasion des détournements précités ayant affecté les versements libératoires de la taxe d'apprentissage ;

Considérant que les agissements de M MANSION ont déjà été sanctionnés par son licenciement ; qu'il a remboursé depuis 1972 une partie des fonds détournés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en infligeant à M BROCHART une amende de mille cinq cents francs et à M MANSION une amende de cinq mille francs ;

ARRETE :

Article 1er - M Michel BROCHART est condamné à une amende de mille cinq cents francs.

Article 2 - M André MANSION est condamné à une amende de cinq mille francs.

Article 3 - Le présent arrêt sera publié au Journal Officiel de la République Française.