LA COUR,

Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision du 9 juillet 1981, enregistrée au Parquet de la Cour de discipline budgétaire et financière le 13 août, par laquelle la Cour des Comptes a déféré à ladite Cour les irrégularité qu'elle a relevées dans la gestion de la Société française d'équipements pour la navigation aérienne (SFENA), à l'encontre notamment de M. DUPRE ;

Vu le réquisitoire du Procureur général de la République en date du 9 novembre 1981, transmettant le dossier à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 18 décembre 1981, par laquelle M. FOURRE, maître des requêtes au Conseil d'Etat, a été nommé Rapporteur ;

Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée le 29 mars 1982 à M DUPRE, l'informant de l'ouverture d'une instruction et l'avisant qu'il était autorisé à se faire assister soit par un mandataire, soit par un avocat ou un avoué, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;

Vu l'avis émis le 8 octobre 1982 par le ministre de la Défense ;

Vu l'avis émis le 9 décembre 1982 par le ministre délégué chargé du Budget ;

Vu les conclusions du Procureur général de la République en date du 14 mai 1984 renvoyant M DUPRE devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu le mémoire en défense présenté par M. DUPRE ;

Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier et notamment les procès-verbaux d'interrogatoire ;

Entendu le Procureur général de la République en ses conclusions et réquisitions ;

Après avoir entendu M. FOURRE, conseiller d'Etat, en son rapport ; Entendu en leurs observations M. DUPRE et Me DELVOLVE, avocat aux conseils et celui de l'intéressé, l'un et l'autre ayant eu la parole les derniers ;

Sur la saisine de la Cour :

Considérant que par sa décision du 9 juillet 1981 susvisée la Cour des Comptes a déféré M. DUPRE à la Cour de discipline budgétaire pour l'ensemble des rémunérations et avantages dont il a bénéficié ; qu'au nombre des faits qu'il appartient à ce titre à la Cour de qualifier après s'être prononcée sur leur matérialité, figurent nécessairement les conditions et les procédures de fixation et d'attribution lesdites rémunérations ;

Au fond :

Considérant d'une part que la rémunération de M DUPRE avait été fixée jusqu'en 1975 par un groupe restreint composé de deux administrateurs, du contrôleur d'Etat et du commissaire du gouvernement, en application d'un mandat donné par le conseil d'administration de la SFENA en 1965 et non renouvelé ; que si pour 1975 et 1976 cette rémunération avait été délibérée par le conseil, celui-ci n'a été ultérieurement appelé à se prononcer qu'en 1977, sur un rapport du groupe restreint ne mentionnant pas le montant de la rémunération, et en 1979 et 1980 sur les seuls taux d'augmentation de celle-ci ; que les procédures suivies à partir de 1977 ont méconnu formellement tant les dispositions de l'article 110 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés que l'article 26-5 des statuts de la SFENA, qui réservent au seul conseil d'administration la détermination de la rémunération du président de ladite société anonyme ; que toutefois les procédures appliquées en l'espèce, ou des procédures analogues, sont de pratique habituelle dans d'autres entreprises publiques, et qu'elles ont à l'évidence, pour irrégulières et regrettables qu'elles soient, l'aval implicite des services du ministère des finances et des ministères de tutelle technique ; que sans doute M. DUPRE y a trouvé quelque commodité, et n'a pas pris en conséquence les mesures nécessaires pour rétablir en l'espèce le conseil d'administration dans l'exercice de sa compétence légale ; mais qu'il serait inéquitable d'imputer à lui seul la responsabilité de l'infraction commise et de le condamner à l'amende à ce seul titre ;

Mais considérant d'autre part qu'il résulte de l'instruction que M. DUPRE, outre sa rémunération de président-directeur général de la SFENA, a reçu, à partir du mois d'octobre 1977, une rémunération mensuelle de la société Ordoprocesseurs, filiale majoritaire de la SFENA, dès qu'il en fut nommé président-directeur général ; qu'il a reçu également une indemnité versée en dollars de la société SFENA Corporation, filiale américaine de la société française, au titre des fonctions de vice-président qu'il y détenait ; que le groupe restreint susmentionné a eu connaissance de l'existence de la première de ces rémunérations, sans connaître toutefois l'évolution de son montant ; que ce groupe a ignoré la seconde de ces rémunérations ; que le conseil d'administration de la SFENA a ignoré l'une et l'autre ; que M. DUPRE a en outre bénéficié de divers avantages en nature, notamment la mise à sa disposition permanente d'une employée de maison, qui n'ont pas fait l'objet de délibérations du conseil d'administration ; que M DUPRE avait l'obligation de porter à la connaissance de ce conseil, ou en tout cas du groupe restreint fixant sa rémunération principale, l'ensemble de ses rémunérations et avantages en nature, tant pour permettre la fixation de son traitement en toute connaissance de cause que pour l'application éventuelle des articles 11 puis 14 des lois des 29 octobre 1976 et 29 décembre 1977 et pour l'établissement des déclarations fiscales incombant à la société ;

Considérant que les dissimulations susmentionnées tombent sous le coup des dispositions des articles 5 et 5 bis de la loi du 25 septembre 1948 susvisée, et qu'elles sont imputables à M. DUPRE ; que leur accumulation et leur persistance pendant toute la durée du mandat de l'intéressé, alors qu'au surplus le bien-fondé des avantages en cause est et demeure loin d'être établi, justifient que M DUPRE se voie infliger l'amende prévue par les textes susmentionnés ;

Considérant toutefois qu'il convient de retenir comme circonstances atténuantes d'une part le fait que la pratique des avantages en nature, sous des formes diverses et parfois régulières, se retrouve dans nombre d'entreprises publiques, et d'autre part que la part prise par M. DUPRE au développement de la SFENA a été réelle et importante ;

Considérant qu'il sera fait une exacte appréciation de l'ensemble des circonstances de l'affaire en infligeant à M. DUPRE une amende de 10000 francs ;

ARRETE :

Article 1er : M. Pierre DUPRE est condamné à une amende de dix mille francs (10000 F).

Article 2 : Le présent arrêt sera publié au journal officiel de la République française.