Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948, modifiée et complétée par les lois n° 55-1069 du 6 août 1955, 63-778 du 31 juillet 1963 et 71- 564 du 13 juillet 1971 tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités, et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision du 22 juillet 1980 par laquelle la Cour des Comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités constatées dans l'attribution d'une prime d'orientation agricole à la société Quaker France ;
Vu le réquisitoire du Procureur Général de la République en date du 22 septembre 1980 transmettant le dossier à la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 14 novembre 1980 désignant comme rapporteur M CHEVAGNY, Conseiller Maître à la Cour des Comptes ;
Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée le 15 janvier 1981 par le Procureur Général à M. Jean NOUY, ingénieur du génie rural, des eaux et des forêts, adjoint au directeur départemental de l'agriculture du Finistère, l'informant de l'ouverture d'une instruction et l'avisant qu'il était autorisé à se faire assister soit par un mandataire, soit par un avocat ou un avoué, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
Vu l'avis émis le 17 mai 1983 par le Ministre de l'Agriculture ;
Vu l'avis émis le 21 novembre 1983 par le Secrétaire d'Etat chargé du Budget ;
Vu les conclusions du Procureur Général de la République en date du 1er février 1984 renvoyant M. NOUY devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée le 12 juin 1984 par le Président de la Cour à M. NOUY, l'avisant qu'il pouvait dans un délai de quinze jours prendre connaissance du dossier de l'affaire, soit par lui-même, soit par un mandataire, soit par le ministère d'un avocat, d'un avoué ou d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
Vu le mémoire en défense présenté par M. NOUY ;
Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée le 10 octobre 1984 par le Procureur Général à M. NOUY et l'invitant à comparaître ;
Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier et notamment le procès-verbal d'audition ;
Ouï M. CHEVAGNY, Conseiller Maître à la Cour des Comptes, en son rapport ;
Ouï le Procureur Général de la République en ses conclusions ;
Ouï en ses explications M. NOUY ;
Ouï, en sa qualité de témoin, M. LETELLIER, directeur départemental de l'agriculture du Finistère, cité à la demande de M. NOUY ;
Ouï le Procureur Général de la République en ses réquisitions ;
Ouï en ses observations M. NOUY, l'intéressé ayant eu la parole le dernier ;
Considérant qu'à la suite de la déconfiture de la Société des abattoirs du Finistère (SAF) exploitant à Kergostiou près de Quimperlé une usine de fabrication d'aliments pour animaux domestiques, la Société UNIPOL a été amenée à racheter cet établissement industriel et a confié l'exploitation à l'une des ses filiales, la société Croix verte ; que le 13 mars 1975, pour permettre la modernisation des installations, le Comité n° VI du FDES a émis un avis favorable à l'allocation à la société Croix verte d'une prime d'orientation agricole d'un montant de 1 666 274 francs sous diverses réserves ; que le 24 mars 1975 une affectation d'autorisation de programme de même montant pour attribution de la prime à la société Croix verte a été établie à l'administration centrale du ministère de l'Agriculture, sans toutefois faire l'objet d'une diffusion ; qu'à la suite de négociations entre deux groupes financiers, UNIPOL et Quaker Oats, une nouvelle société Quaker France a racheté le 1er juillet 1975 tous les biens mobiliers et immobiliers de la Société Croix verte ; que cette société Quaker France est devenue dès septembre 1975 une filiale à 100 % du groupe Quaker Oats ; que la société Quaker France a réalisé les travaux de modernisation des installations initialement envisagés par la Société Croix verte, ce qui a permis la création des emplois prévus ;Considérant que, en dépit de ces circonstances, le chef du service des industries à la direction des industries agricoles et alimentaires (DIAA) du ministère de l'agriculture a annulé le 9 février 1976 l'affectation d'autorisation de programme précitée du 24 mars 1975 et établi le même jour une nouvelle affectation d'autorisation de programme, toujours avec indication de la société Croix verte comme bénéficiaire, pour le même montant de 1 666 274 francs et sous les mêmes réserves que précédemment ; qu'un arrêté du 15 février 1976 du ministre de l'agriculture signé en vertu d'une délégation par le directeur des industries agricoles et alimentaires a désigné la Société Croix verte comme bénéficiaire de la prime d'orientation agricole ;
Considérant que le 1er septembre 1976 M. NOUY, adjoint au directeur départemental de l'agriculture du Finistère, a émis, en sa qualité d'ordonnateur subdélégué des dépenses du ministère de l'agriculture, un mandat portant acompte de la prime, d'un montant de 1 400 000 francs ; au profit de la société Quaker France ; que le même M. NOUY a ultérieurement émis deux mandats d'un montant total de 266 274 francs pour paiement d'un second acompte et du solde de la prime, toujours au profit de la société Quaker France, respectivement les 24 juillet et 13 novembre 1978 ;
Considérant que ces trois paiements ont été faits à une personne morale, la société Quaker France, qui n'était pas juridiquement le créancier ;
Mais considérant que la direction du Trésor au ministère des Finances avait, après avis du Comité interministériel des investissements étrangers en France, autorisé, le 15 mai 1975, les modifications de répartition du capital de la société Quaker France au profit du groupe Quaker Oats ; que le 9 septembre 1975, la société UNIPOL a demandé expressément au ministère de l'agriculture que la prime accordée initialement à sa filiale Croix verte soit transférée à la société Quaker France ; que cette lettre a été effectivement vue par le chef du service des industries à la DIAA, ainsi qu'il résulte d'une mention manuscrite portée en marge ; que le 4 décembre 1975 le commissaire à l'industrialisation de la zone a écrit au chef du service des industries de la DIAA pour lui rappeler que le groupe Quaker Oats avait demandé le transfert de la prime à la société Quaker France ; que dans sa séance du 4 décembre 1975, le Comité n° 6 du FDES paraît avoir été saisi de la demande de transfert de la prime et semble avoir donné son accord, bien qu'il ne reste aucune trace de ses délibérations, aucun procès-verbal de la réunion n'ayant été dressé ;
Considérant que, comme suite à des demandes pressantes du versement de la prime à Quaker France, le chef du service des industries à la DIAA a répondu à UNIPOL et à Quaker Oats, respectivement le 6 février et le 3 mars 1976, que toutes dispositions étaient prises pour ce versement ; que si ces correspondances n'indiquaient pas de façon expresse qu'il s'agissait bien d'un versement effectif et direct à Quaker France, les destinataires de ces deux lettres pouvaient légitimement penser qu'ils avaient obtenu satisfaction et s'en prévaloir auprès de toute personne intervenant dans les procédures de liquidation et de mandatement de la prime ;
Considérant en outre que le Secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Agriculture a exposé dans une lettre du 12 octobre 1981 adressée au président de la Cour que des erreurs matérielles avaient affecté la procédure d'attribution de la prime, mais que des mesures de régularisation a posteriori étaient intervenues, à savoir un avis favorable au transfert de la prime donné par le Comité n° 6 du FDES dans sa séance du 22 janvier 1981 et un arrêté en date du 5 mars 1981 du Secrétaire d'Etat chargé des industries agricoles et alimentaires transférant la prime à la société Quaker France avec effet rétroactif au 15 février 1976 ;
Considérant au surplus que les travaux de modernisation des équipements et les investissements correspondants ont été exécutés et les emplois prévus créés ; que les conditions exigées pour le paiement de la prime étaient ainsi réunies ; qu'il était de notoriété publique dans le Finistère que ces travaux avaient été effectués par la société Quaker France, propriétaire du domaine immobilier et mobilier depuis 1975 ;
Considérant que, dans ces conditions, l'erreur commise par M. NOUY dans la signature des mandats émis au nom d'un bénéficiaire autre que celui qui était désigné dans la décision d'attribution en date du 15 février 1976 ne peut être considérée comme constituant une faute d'une gravité suffisante pour tomber sous le coup des sanctions prévues par l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Considérant, en ce qui concerne le montant de la prime versée, que deux dossiers de financement distincts avaient été préparés par le groupe Quaker Oats l'un au plan local pour être présenté à la direction départementale de l'agriculture du Finistère, l'autre à l'échelon central pour être instruit par un établissement financier ; que, s'il est exact que le second dossier excluait le remboursement des prix d'achat des terrains et immeubles existants, le premier les incluait ; que la décision du FDES du 13 mars 1975 et l'arrêté de prime du 15 février 1976 s'appuyant sur le second dossier, n'y faisaient cependant pas référence expresse ; que de ce fait la direction départementale de l'agriculture peut alléguer qu'elle était mal informée des éléments ayant servi à déterminer le montant de la prime ; qu'un ordre de recette a bien été émis le 26 mars 1984 par l'administration centrale du ministère de l'agriculture à l'encontre de Quaker France pour trop perçu sur la prime ; mais qu'il n'est pas tenu pour acquis que Quaker France accepte d'effectuer un tel reversement ;
Considérant qu'en tenant compte de l'ensemble des faits sus exposés il n'y a pas lieu à application à l'égard de M. NOUY, des dispositions prévues par les articles 5 et 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
ARRETE :
Article unique : M. Jean NOUY est relaxé des fins de la poursuite.