A – Introduction……………………………. 1

B - Compétences de la Cour de discipline budgétaire et financière.......... 1

C - Activité et performance annuelle de la Cour.... 3

1 – Une activité qui se stabilise    3

2 - Appréciation de la performance annuelle de la Cour… 8

D - La jurisprudence de la Cour de discipline budgétaire et financière en 2010…………………... 15

1 - Arrêt n° 171-603 CDBF 25 novembre 2010, Société immobilière d'économie mixte de la ville de Paris – SIEMP 15

2 - Arrêt n° 172-680 CDBF 10 décembre 2010, Commune de Bandol 18

3 - Arrêt n° 173-666 CDBF 22 décembre 2010, Chambre régionale d'agriculture de Midi-Pyrénées  21

E - Décisions de classement du procureur général………….. 24

1 – Les classements avant instruction…………………… 24

2 – Les classements après instruction…...……..………… 25

F - Décisions du Conseil d'État, juge de cassation des arrêts de la CDBF………………. 26

G - Conclusion ……………………….. 26


A - Introduction

L'article L. 316-1 du code des juridictions financières (CJF) dispose que la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) présente chaque année au Président de la République un rapport qui est annexé au rapport public de la Cour des comptes et publié au Journal officiel de la République française.

L'activité de la Cour en 2010 a connu des évolutions contrastées par rapport aux tendances positives constatées depuis la réforme intervenue en 2005. Trois affaires seulement ont été jugées, chiffre en recul par rapport aux trois années précédentes. Les indicateurs mesurant les conditions dans lesquelles l'activité de la juridiction s'exerce sont quant à eux stables, et demeurent à un niveau très satisfaisant au regard de la situation constatée au début des années 2000. La quantité d'affaires en stock diminue légèrement et les délais d'instruction et de jugement atteignent pour la troisième année consécutive un niveau conforme aux objectifs que la Cour s'est fixés depuis sa réforme de 2005.

L'activité de l'année 2011 s'annonce toutefois plus soutenue, le nombre d'affaires dont l'instruction est très avancée ou achevée étant élevé. Les instructions conduites en 2010, de l'ordre de 25, ont ainsi donné lieu à 83 auditions au greffe de la juridiction et 11 rapports d'instruction ont été déposés.

B - Compétences de la Cour de discipline budgétaire et financière

Instituée par la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 plusieurs fois modifiée avant sa codification, en 1995, au sein du code des juridictions financières (CJF), la CDBF est une juridiction administrative spécialisée, de nature répressive, chargée de sanctionner les atteintes aux règles régissant les finances publiques, commises par toute personne intervenant dans la gestion publique, principalement mais pas exclusivement les ordonnateurs.

Juridiction financière distincte de la Cour des comptes, la CDBF réprime la méconnaissance ou la violation des règles relatives à l'exécution des recettes ou des dépenses ou de gestion des biens des collectivités publiques (État ou collectivités locales) ou des organismes publics considérés (articles L. 313-1 à L. 313-4 du CJF) ainsi que l'octroi d'avantages injustifiés à autrui entraînant un préjudice pour l'organisme ou le Trésor public (article L. 313-6 du CJF) et l'omission volontaire des déclarations à fournir par l'organisme employeur aux administrations fiscales (article L. 313-5 du CJF).

La loi du 25 novembre 1995 a en outre introduit un article L. 313-7-1 du CJF faisant de la faute grave de gestion des responsables d'entreprises publiques une infraction spécifique.

En application de la loi du 16 juillet 1980, la Cour peut également intervenir en cas d'inexécution de décisions de justice.

Est justiciable de la CDBF, en application de l'article L. 312-1 du CJF, toute personne appartenant au cabinet d'un membre du Gouvernement, tout fonctionnaire ou agent civil ou militaire de l'État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics ainsi que des groupements de collectivités territoriales, et tout représentant, administrateur ou agent des autres organismes qui sont soumis soit au contrôle de la Cour des comptes, soit au contrôle d'une chambre régionale ou territoriale des comptes. Sont également justiciables de la CDBF tous ceux qui exercent, en fait, les fonctions des personnes désignées ci-dessus. Les membres du Gouvernement ne sont pas justiciables de la Cour.

Les ordonnateurs élus locaux, y compris dans les collectivités d'outre-mer, qui ne sont pas justiciables de la CDBF lorsqu'ils agissent dans le cadre de leurs fonctions le sont toutefois, depuis 1993 (en vertu de l'article L. 312-2 du code des juridictions financières), s'ils commettent les infractions définies aux articles L. 313-7 et L. 313-12 du code des juridictions financières en cas d'inexécution de décisions de justice. Ils le sont également, en application de ce même article L. 312-2 du CJF, lorsqu'ils ont engagé leur responsabilité propre à l'occasion d'un ordre de réquisition et qu'ils ont procuré à autrui un avantage injustifié entraînant un préjudice pour le Trésor ou la collectivité intéressée (article L. 313-6 du CJF). Enfin, leur responsabilité peut être engagée devant la CDBF lorsqu'ils agissent dans le cadre d'activités qui ne constituent pas l'accessoire obligé de leurs fonctions électives, par exemple en tant que dirigeant d'une société d'économie mixte.

La CDBF est saisie1 (article L. 314-1 du CJF) par les autorités suivantes, par l'intermédiaire du ministère public :

Les sanctions que peut prononcer la Cour sont des amendes. Elle peut aussi décider de publier les arrêts de condamnation au Journal officiel de la République française.

Les arrêts de la CDBF, juridiction administrative spécialisée, peuvent faire l'objet d'un recours en cassation devant le Conseil d'État.

* * *

En tant que gardienne des règles applicables à l'utilisation de l'argent public et la gestion des biens publics, la CDBF a une mission de prévention et de dissuasion à l'égard des gestionnaires publics. Elle contribue à la diffusion d'une culture de rigueur dans la sphère publique d'autant plus indispensable que la réduction des contrôles a priori pesant sur les gestionnaires publics renforce la nécessité de l'existence de sanctions a posteriori.

C - Activité et performance annuelle de la Cour

Le niveau d'activité de la Cour se stabilise. Les indicateurs d'activité (1) et de performance (2) sont globalement stables et atteignent, pour la plupart d'entre eux, les cibles fixées.

1 - Une activité qui se stabilise

Les développements qui suivent n'intègrent pas les affaires d'inexécution des décisions de justice, activité qui a sa logique propre et qui sera décrite infra dans la partie E consacrée aux classements.

L'activité de la CDBF est mesurée, d'une part, au moyen des indicateurs de volume (v. infra, a), et le tableau n° 1) et, d'autre part, à travers les délais de procédure (v. plus loin b), et tableaux n° 2) et n°3). Les variations de ces indicateurs doivent toutefois être appréciées avec prudence, l'activité de la CDBF portant sur des volumes réduits.

a)Les indicateurs de volume

Le nombre d'arrêts. – La CDBF n'a rendu que trois arrêts en 2010, renouant avec un niveau d'activité proche de la moyenne constatée depuis la création de la Cour. Ce faible niveau d'activité résulte du nombre élevé de classements intervenus après instruction en 2009 (7).

Le nombre de déférés reçus par la Cour est de 8 en 2010, soit le volume le plus faible constaté depuis la réforme intervenue en 2005.

Ces déférés sont exclusivement issus des juridictions financières : la Cour des comptes a décidé cinq déférés et les chambres régionales des comptes en ont adressé deux. Le huitième déféré a une origine technique : il résulte d'une décision de disjonction prise par le procureur général portant sur un déféré antérieur de la Cour des comptes.

Cette baisse du nombre de déférés apparaît conjoncturelle, la juridiction n'en ayant reçu aucun pendant une période de près de 12 mois consécutifs de juillet 2009 à juillet 2010. Les saisines de la juridiction ont toutefois repris à compter du deuxième semestre 2010, retrouvant un rythme proche de celui constaté au cours des années 2006 à 2008.

Le nombre de classements2, qui avait exceptionnellement atteint le nombre très élevé de 16 en 2009, s'établit à cinq en 2010, ce qui est proche de la moyenne constatée les autres années précédentes (7 en 2008, 6 en 2007, 8 en 2006).

Ces classements sont intervenus à deux des trois stades de la procédure où ils sont susceptibles d'être prononcés. Le code des juridictions financières prévoit en effet que le classement peut intervenir : soit avant instruction (1er stade), soit après instruction, avant la décision de poursuite (2ème stade) soit enfin après réception de la réponse des ministres compétents (3ème stade), la décision de classement devant alors être motivée.

Le nombre de classements initiaux (au 1er stade) est de trois (contre 9 en 2009, six en 2008 et deux en 2007) et les classements après instruction (au 2ème stade) s'établissent à deux (contre 7 en 2009, aucun en 2008 et quatre en 2007).

Tableau n° 1 : Affaires enregistrées, classées et jugées, taux de classement et état du stock
(par an, sur 10 ans, et en total depuis la création de la CDBF)

Tableau non reproduit (à consulter dans le fichier Word ou pdf joint).

Le taux de classement est en baisse (56 % en 2010 contre 72,7 % en 2009 et 70 % en 2008) mais demeure élevé, même s'il se situe en dessous du taux de classement moyen observé depuis la création de la CDBF (66 %).

Une analyse des décisions de classement figure ci-après au E.

b) Les délais

Les données qui suivent font état des délais de jugement des affaires. Elles additionnent les durées des travaux incombant au Parquet (réquisitoire initial, décision de poursuivre et décision de renvoi), au rapporteur (instruction) ainsi qu'au siège (désignation d'un rapporteur, programmation de la séance publique de jugement et de la séance publique de lecture).

Ces délais sont donc ceux compris entre la date de l'enregistrement d'un déféré au ministère public près la CDBF (ou du réquisitoire introductif du procureur général, en cas de saisine directe de la Cour par lui), d'une part, et la date de la lecture publique de l'arrêt, d'autre part.

Par ailleurs, il n'est pas tenu compte, dans cette statistique, des arrêts rendus par la CDBF sans instruction préalable au sens strict du terme3, dont le traitement est systématiquement plus court et dont la prise en compte fausserait la lisibilité de ces données. La durée calculée ne reprend pas non plus les événements postérieurs à l'arrêt rendu (recours en cassation, puis renvoi éventuel devant la CDBF).

Un indicateur de délai figure également parmi les indicateurs de performance annuelle (v. plus loin, point C2).

En 2010, deux affaires jugées sur trois l'ont été après moins de deux ans de procédure, la troisième affaire jugée ayant en revanche nécessité plus de quatre années.

Ainsi que le démontre le tableau d'analyse des délais par phase de procédure (tableau n°3), c'est principalement la durée d'instruction qui détermine la durée totale de la procédure. C'est pourquoi les affaires dans lesquelles le rapporteur se heurte à des difficultés d'instruction (ampleur du nombre de griefs ; nombre élevé de personnes mises en cause ; nécessité d'un réquisitoire supplétif…) dépassent souvent l'objectif fixé de trois années de procédure. Tel est cette année le cas pour l'affaire de la société immobilière d'économie mixte de la ville de Paris, dans laquelle 9 personnes ont été mises en cause au cours de l'instruction, nécessitant un grand nombre d'actes et en particulier d'auditions.

Tableau n° 2 : Durée des instances CDBF

Tableau non reproduit (à consulter dans le fichier Word ou pdf joint).

Note méthodologique: (arrêts rendus dans l'année depuis 10 ans - hors affaires d'inexécution de décisions de justice et hors affaires exceptionnelles4, en chiffres absolus [en moyenne, en mois] et en %5 ; délai compris entre l'enregistrement du déféré au ministère public près la Cour6 et la date de lecture publique de l'arrêt)

Tableau n° 3 : Détail par phase7 des instances CDBF des arrêts rendus en 2010

Tableau non reproduit (à consulter dans le fichier Word ou pdf joint).

2 - Appréciation de la performance annuelle de la Cour

La CDBF présente aussi dans son rapport annuel les objectifs et indicateurs de performance dont elle s'est dotée dans le cadre des réformes concernant le budget de l'État et la mesure de la performance des services publics. Il s'agit d'indicateurs de gestion propres à la juridiction.

a) Rappel des objectifs et des indicateurs de performance retenus

Trois objectifs sont retenus pour la CDBF :

1. Réduire les durées des procédures (entre le déféré et la lecture de l'arrêt). Cet objectif découle directement de la nécessité d'une bonne administration de la justice et des exigences liées au procès équitable, qui s'expriment notamment dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) retient toutefois, pour apprécier le caractère raisonnable du délai de jugement, non pas l'arrivée du déféré à la Cour, mais la date de la mise en cause8.

2. Améliorer la qualité des arrêts : il s'agit également d'un objectif que l'on retrouve habituellement dans les juridictions ;

3. Faire mieux connaître la jurisprudence de la CDBF. Cet objectif est spécifique à la CDBF, qui demeure insuffisamment connue, alors que l'accomplissement de sa mission est tributaire des déférés formulés par un nombre limité d'autorités. La notoriété de la Cour et la connaissance précise des infractions qu'elle sanctionne doivent donc être développées dans les instances compétentes pour déférer des affaires.

Ces trois objectifs sont appuyés par les indicateurs suivants, qui ne s'appliquent toutefois pas aux affaires relatives à l'inexécution de décisions de justice.

1. Délai moyen de traitement des procédures CDBF9 (1er objectif : réduire les durées des procédures) ; ce délai est calculé comme suit : délai moyen compris entre l'enregistrement d'un déféré au Parquet général (ou une saisine directe par le procureur général) et la date de lecture de l'arrêt ; cet indicateur ne comprend donc pas les affaires classées ; il ne retient pas davantage les affaires jugées sur renvoi après cassation et les autres affaires exceptionnelles qui ne débutent pas par un déféré (recours en révision…) ; cet indicateur est proche de l'indicateur d'activité (v. supra, durées d'instance) présenté au tableau n° 2, mais s'en distingue puisque l'indicateur d'activité est descriptif, et l'indicateur de performance annuelle est « programmatique », lié à un objectif ;

Objectif fixé : moins de trente-six mois de durée de procédure

2. Proportion d'affaires en stock depuis plus de 3 années10 (1er objectif : réduire la durée des procédures) ;

Objectif fixé : aucune affaire de plus de trente-six mois en stock

3. Taux de recours et taux d'annulation en cassation des dix dernières années11 (2ème objectif : améliorer la qualité des arrêts). L'indicateur mentionne, d'une part, la proportion d'arrêts rendus ayant fait l'objet d'un recours en cassation et, d'autre part, la proportion des décisions du Conseil d'État, rendues sur recours en cassation contre un arrêt de la CDBF, donnant une satisfaction partielle ou totale au requérant ; ces calculs sont effectués sur les dix dernières années, car les affaires en cause sont peu nombreuses et le calcul de taux annuels ne serait pas pertinent ;

Objectif fixé : moins de 33 % de taux de cassation des affaires ayant fait l'objet d'un recours

4. Nombre de publications consacrées à la CDBF (arrêts publiés et/ou commentés12 ; articles de doctrine13) dans la presse spécialisée au cours de l'année n (3ème objectif : faire mieux connaître la jurisprudence de la CDBF). Cet indicateur permet sans doute des interprétations limitées, car d'une part le nombre de publications varie mécaniquement avec le nombre d'arrêts rendus, et d'autre part, souvent, les arrêts d'une année n sont publiés et commentés seulement en n+1 ; toutefois, il s'agit ici de donner un ordre de grandeur et de déduire de l'évolution des chiffres sur plusieurs années une tendance, qui semble bien donner une information sur l'atteinte ou non de l'objectif n° 3 ;

Objectif fixé : 17 publications dans l'année

5. Nombre de personnes ayant reçu une formation sur la CDBF ou participé à une intervention sur la juridiction (3ème objectif : faire mieux connaître la jurisprudence de la CDBF).

Objectif fixé : 150 personnes formées dans l'année

La méthodologie adoptée pour mesurer ces indicateurs est inchangée depuis 2005 et permet ainsi de disposer d'une série statistique homogène et cohérente sur six années d'activité de la Cour14.

Tableau n° 4 : Indicateurs de performance annuelle de la CDBF

Tableau non reproduit (à consulter dans le fichier Word ou pdf joint).

b)Appréciation de la performance annuelle de la CDBF en 2010

1er objectif : réduire la durée des procédures

Le délai moyen de traitement des affaires jugées en 2010 est, pour la troisième année consécutive, conforme aux objectifs que la Cour s'est donnés.

Le délai moyen de traitement15 des affaires ayant donné lieu à arrêt au cours de l'année 2010 est de 32 mois, stable par rapport aux années précédentes.

Cette amélioration, très sensible par rapport à la période antérieure à 2005, résulte d'un effort du Parquet et de la Cour pour maîtriser la durée de chacune des étapes de la procédure.

L'indicateur portant sur l'ancienneté du stock au 31 décembre 2010 se dégrade légèrement pour la deuxième année consécutive et atteint 15 % d'affaires de plus de trois ans d'ancienneté, soit quatre affaires, alors que l'objectif fixé est qu'il n'y en ait aucune.

L'instruction de deux de ces quatre affaires est achevée et celles-ci devraient par conséquent faire l'objet d'un règlement définitif dans le courant du premier semestre 2011. L'instruction des deux autres affaires est en cours d'achèvement.

Simultanément, le stock d'affaires a de nouveau connu une légère diminution en 2010, s'établissant à 26 dossiers en instance en fin d'année contre 27 en 2009 et 35 fin 2008. Le phénomène marquant de l'année 2010 est la forte diminution du nombre des déférés, en particulier ceux provenant des chambres régionales des comptes. Si le flux annuel de déférés venait à se stabiliser au volume constaté en 2010, le stock d'affaires se réduirait significativement au cours des deux prochaines années, au rythme de l'aboutissement des affaires en stock qui ne seraient pas compensées, et atteindrait 15 à 20 dossiers. Si, au contraire, il se confirmait que la baisse des déférés est purement conjoncturelle, le volume du stock resterait proche de son niveau actuel.

Tableau n° 5 : Détail de l'ancienneté du stock au 31-XII (hors affaires d'inexécution de décisions de justice)

Tableau non reproduit (à consulter dans le fichier Word ou pdf joint).

Tableau n° 6 : Etat d'avancement dans la procédure des affaires en stock au 31-XII

Tableau non reproduit (à consulter dans le fichier Word ou pdf joint).

La stabilité du nombre d'affaires en stock de 2009 à 2010 masque la progression de leur état d'avancement moyen dans la procédure. L'instruction de plus du quart des affaires en stock est ainsi achevée, contrairement à l'année 2009 au terme de laquelle un nombre élevé d'affaires était toujours en cours d'instruction.

2ème objectif : améliorer la qualité des arrêts de la CDBF

Le taux de recours en cassation contre des arrêts rendus par la CDBF, entre 2001 et 201016, s'élève à 17,5 % (soit 7 pourvois sur 40 arrêts rendus), pourcentage qui reste légèrement au-dessus du taux de recours global sur toute la période d'existence de la CDBF (1948-2010 : 14,5 %).

Le taux d'annulation des arrêts de la CDBF ayant fait l'objet d'un recours en cassation – qui constitue l'indicateur associé à cet objectif – s'élève à 29 %17 sur la période 2001 à 2010, soit deux arrêts cassés sur sept recours formés. Ce taux demeure supérieur au taux d'annulation en cassation constaté depuis la création de la CDBF (1948 – 2010), qui est de 19 %, soit cinq arrêts cassés en totalité ou partiellement sur les 26 recours introduits.

3ème objectif : accroître la connaissance de la jurisprudence de la CDBF

Deux indicateurs permettent d'apprécier les efforts entrepris pour atteindre cet objectif. Le premier a trait aux publications intervenues dans l'année ; le deuxième s'appuie sur le nombre de personnes formées sur la période.

Au sens de l'indicateur ici présenté, qui ne porte que sur la presse spécialisée, les publications consacrées à la CDBF ont encore diminué (8 en 2010 contre 11 en 2009 et 20 en 2008). Le calendrier des travaux de la Cour explique pour partie cette diminution : la CDBF n'a jugé qu'une affaire au deuxième semestre 2009 et n'a pas eu à juger d'affaire en 2010 avant le mois de novembre, de sorte que la doctrine n'a pas eu le temps de commenter la jurisprudence, au demeurant fort riche, de cette année.

D'autre part, l'effort de formation et d'information (hors colloques) sur la CDBF a été poursuivi. La cible de 150 personnes à atteindre a été dépassée avec environ 210 personnes ayant assisté soit à une intervention sur la CDBF18 (à l'attention d'étudiants, de magistrats judiciaires ou financiers français, de fonctionnaires ou magistrats étrangers), soit à une séance de formation consacrée à cette juridiction (conférences sur le déféré en CDBF à l'attention des personnels de contrôle des juridictions des comptes).

D - La jurisprudence de la Cour de discipline budgétaire et financière en 2010

La Cour a rendu, en 2010, trois arrêts, respectivement les 25 novembre, 10 décembre et 22 décembre. Une synthèse de chacune des affaires jugées est présentée ci-après.

Par ailleurs, tous les arrêts rendus par la CDBF depuis sa création figurent sur le site internet de la Cour des comptes : www.ccomptes.fr, rubrique CDBF.

1 - Arrêt n° 171-603 CDBF 25 novembre 2010,
Société immobilière d'économie mixte de la ville de Paris – SIEMP

I. Infraction concernée :

II. Résumé :

Les faits déférés à la CDBF portaient sur les conditions de passation de commandes de prestations de gardiennage et de surveillance d'immeubles par la société assurant leur gestion.

1. Les faits et les infractions

La société immobilière d'économie mixte de la ville de Paris (SIEMP) est une société anonyme exerçant, sous le contrôle de la ville de Paris, une activité de construction et de gestion de logements sociaux. A compter de 2002, la SIEMP a eu pour mission supplémentaire de contribuer à l'éradication de l'insalubrité sur le territoire de la commune de Paris en effectuant les interventions foncières et les opérations de réhabilitation lourde nécessaires sur un parc de 402 immeubles, dont 250 immeubles insalubres. La gestion de ces immeubles lui a été confiée par la ville de Paris dans le cadre d'une convention publique d'aménagement (CPA) signée le 30 mai 2002. Le transfert de la gestion effective de ces immeubles a été très rapide : entamé dès la signature de la CPA, il s'est achevé à l'automne 2002.

Confrontée à la nécessité de faire immédiatement assurer différentes prestations au sein de ces immeubles nouvellement transférés, dont leur gardiennage et leur surveillance, la SIEMP a dans un premier temps prévu une extension provisoire, d'avril à juin 2002, des marchés existants au titre des autres immeubles qu'elle gérait.

Au terme de cette période transitoire, ces prestations de gardiennage et de surveillance sur les nouveaux immeubles ont été effectuées par de nouvelles entreprises, sans que les commandes passées auprès d'elles aient été formalisées dans un contrat écrit et sans que la SIEMP ait au préalable recouru à une quelconque mesure de publicité ni de mise en concurrence. Deux sociétés ont ainsi été sollicitées pour des montants respectifs proches de 1,4 M€ de prestations sur le deuxième semestre 2002.

L'anomalie que constituait l'arrivée au service comptable de la SIEMP de factures aux montants élevés ne se rattachant à aucun contrat ou marché connu a été détectée dès la fin du mois de septembre 2002 par la direction des finances et des mesures correctrices ont été mises en œuvre rapidement, par la passation d'un marché public conclu à l'issue d'un appel d'offres.

Or, en dépit de son statut de société anonyme, la SIEMP était un pouvoir adjudicateur au sens du droit communautaire et se trouvait soumise au code des marchés publics du fait de son activité de construction et de gestion de logements sociaux, mais aussi en raison des modalités de conclusion de la CPA qui imposaient à la SIEMP l'application des règles de l'achat public. Ces règles imposaient à la société la conclusion de contrats écrits, sous forme de marchés publics, après publicité et mise en concurrence. La Cour a ainsi jugé que l'inobservation de ces règles était constitutive de l'infraction prévue à l'article L. 313-4 du code des juridictions financières.

2. Les responsabilités

Cinq personnes étaient renvoyées dans cette affaire, notamment la directrice de la gérance, chargée de la gestion des immeubles transférés. Celle-ci ayant reconnu être l'auteur des commandes irrégulières, sa responsabilité personnelle a été mise en jeu. La Cour a estimé que si le bref délai entre la conclusion de la CPA et le transfert effectif des immeubles ne permettait pas la conclusion d'un marché à bons de commande avant le 1er juillet, « cet état de fait ne dispensait pas Mme X d'entreprendre les démarches nécessaires à la régularisation de cette situation ». Or, de telles démarches n'ont été engagées qu'après la découverte de ces anomalies par la direction financière, fin septembre 2002.

Des circonstances atténuantes ont toutefois été reconnues à la directrice de la gérance, tenant à la situation d'urgence à laquelle elle avait dû faire face en raison de l'imprévision de la direction générale de la SIEMP dans la négociation de la CPA sur la question du gardiennage et de la surveillance et de l'incertitude, jusqu'à la signature de la convention sur la liste définitive et l'état de salubrité et d'occupation des immeubles transférés.

Les quatre autres personnes qui étaient renvoyées devant la Cour l'étaient sur le grief d'un défaut de surveillance ; la Cour ne l'a pas retenu, la SIEMP disposant de procédures d'achats et d'un dispositif de contrôle interne qui « a correctement fonctionné, permettant la détection et la révélation dès la fin du mois de septembre 2002 à la hiérarchie de la SIEMP des irrégularités commises par Mme X au cours des semaines précédentes ; que lesdites irrégularités ont de ce fait été circonscrites dans le temps ; qu'elles ont à compter de cette date fait l'objet d'une action correctrice qui a abouti en définitive à la passation de marchés réguliers ; qu'ainsi le défaut de surveillance allégué n'est pas constitué ».

III. Sanctions prononcées :

La Cour a condamné la directrice de la gérance de la SIEMP, auteur direct des commandes irrégulières, à une amende de 1 000 €. Elle a en outre ordonné la publication de l'arrêt au Journal officiel.

2 - Arrêt n° 172-680 CDBF 10 décembre 2010, Commune de Bandol

I. Infraction concernée :

II. Résumé :

Les faits déférés à la CDBF portaient sur des paiements effectués par l'intermédiaire d'une régie de dépenses communale.

1. Les faits et les infractions

Dans le cadre d'une régie de dépenses ouverte dans les services municipaux de la ville de Bandol « pour le paiement de menues dépenses et dépenses urgentes du service spectacles et animations estivales », un régisseur payait des prestations de service (des spectacles estivaux et l'organisation d'un salon nautique) qui ne pouvaient relever d'une telle procédure, tant au regard des règles fixées par le code général des collectivités territoriales que de l'acte constitutif de ladite régie.

La création de cette régie datait de 2002 mais, par application des règles de prescription, la Cour n'a été saisie que d'un ensemble de 18 paiements intervenus postérieurement au 24 avril 2004, pour un total de plus de 156 000 €.

Les irrégularités commises portaient sur la nature des prestations acquises, qui ne relevaient pas de l'objet de la régie, sur leur montant, le plus souvent supérieur à 1000 € et ne pouvant dès lors pas relever des « menues dépenses », et sur l'absence d'urgence attachée à ces prestations qui s'inscrivaient dans le cadre d'une programmation arrêtée longtemps à l'avance, certaines prestations revêtant en outre un caractère récurrent.

De telles irrégularités affectaient directement l'exécution même des dépenses et caractérisaient par conséquent l'infraction prévue à l'article L. 313-4 du code des juridictions financières.

A l'irrégularité des paiements effectués par le régisseur se sont ajoutées les irrégularités nées des déficiences du comptable assignataire, dans sa mission de contrôle de la régie. La Cour a ainsi relevé que les comptables successifs n'avaient « formulé aucune observation à l'occasion des reconstitutions périodiques de l'avance accordée au régisseur sur l'ensemble de la période en cause, en dépit du caractère manifestement irrégulier des opérations effectuées dans le cadre de la régie ; que les comptables publics ont intégré dans la comptabilité communale ces opérations irrégulières sans émettre aucune réserve ni observation  ; qu'aucun contrôle sur place de la régie d'avances n'a été diligenté par eux au cours de la même période ».

2. Les responsabilités

La Cour a condamné le régisseur ainsi que les deux comptables assignataires successifs de la régie.

La responsabilité du régisseur résultait de ce qu'il était l'auteur direct des paiements irréguliers. Ce dernier soutenait toutefois que les paiements en cause visaient à honorer des factures établies en contrepartie de prestations acquises par des bons de commande signés par le maire et qui auraient constitué autant « d'ordres écrits » au sens des dispositions des articles L. 313-9 et 313-10 du code des juridictions financières prévoyant qu'un ordre écrit puisse, sous certaines conditions, exonérer de sa responsabilité un subordonné. La Cour a écarté ce moyen en rappelant qu'un bon de commande est un acte d'engagement de dépense alors que « l'ordre de payer ne peut intervenir que postérieurement à la liquidation et ne saurait résulter du seul acte d'engagement des dépenses ». Surtout, le régisseur n'a pas démontré qu'il avait « dûment informé de l'affaire » son supérieur, en l'espèce le maire de la ville, de sorte qu'un des éléments constitutifs de la disposition exonératoire manquait.

De larges circonstances atténuantes ont toutefois été reconnues au régisseur, agent de catégorie C non formé aux responsabilités qui lui ont été confiées et qui agissait dans un cadre trompeur, l'acte constitutif de la régie étant irrégulier et aucune autorité ne lui ayant fait d'observations par le passé.

Les deux comptables ont été plus lourdement condamnés que le régisseur. Nonobstant le fait qu'ils n'étaient pas les auteurs directs des paiements irréguliers, la Cour a estimé qu'ils avaient manqué à leur obligation de surveillance de la régie d'avances et qu'ainsi leur responsabilité personnelle était engagée à raison des carences dont ils s'étaient rendus coupables dans l'exercice des contrôles qui leur incombaient, et de leur absence de réaction à l'occasion des reconstitutions périodiques de l'avance du régisseur et de l'intégration dans leur comptabilité des dépenses payées de façon manifestement irrégulière par la régie. La Cour a de surcroît souligné dans un considérant de principe « que l'absence de réserves du comptable public quant au fonctionnement de la régie d'avances a des conséquences particulièrement graves dès lors que le régisseur ne bénéficie pas des mêmes garanties d'indépendance ; que ces faits constituent des circonstances aggravant la responsabilité des comptables successifs de la commune ». 

La responsabilité personnelle de chacun des deux comptables successifs a été appréciée différemment. La Cour a jugé que constituaient des circonstances aggravantes à l'encontre du premier comptable le fait qu'il ait approuvé la création d'une régie dont l'objet était pourtant irrégulier et admis n'avoir effectué aucun contrôle sur les régies dont il avait la responsabilité. Inversement, le second comptable a bénéficié de circonstances atténuantes pour avoir engagé une démarche de formation des régisseurs et entrepris d'effectuer des contrôles sur les régies relevant de sa gestion.

III. Sanctions prononcées :

La Cour a condamné le régisseur de dépenses de la commune, à une amende de 300 € et les deux comptables successifs, respectivement, à une amende de 450 € et de 350 €. Elle a en outre décidé la publication de l'arrêt au Journal officiel.

3 - Arrêt n° 173-666 CDBF 22 décembre 2010, Chambre régionale d'agriculture de Midi-Pyrénées

I. Infractions concernées :

II. Résumé :

Il s'agit de la première affaire jugée par la CDBF relative à une chambre d'agriculture. Les faits portaient sur la régularité de la mise à disposition de moyens humains, financiers et matériels au bénéfice d'une organisation syndicale d'exploitants agricoles.

1. Les faits et les infractions

1.1 La mise à disposition d'un salarié en violation de la mission de la chambre d'agriculture

La chambre régionale d'agriculture de Midi-Pyrénées (CRAMP) avait recruté, à compter de janvier 2000, un salarié chargé d'assurer « les fonctions de directeur à la fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles – FRSEA (…) sous l'autorité et la responsabilité du Président de la FRSEA ». Simultanément, la CRAMP et la FRSEA avaient conclu une convention de mise à disposition de ce salarié prévoyant le remboursement partiel (à hauteur de 6,5 %) par la FRSEA de la rémunération versée par la CRAMP.

Cette mise à disposition a suscité une observation du préfet le 23 janvier 2002, celui-ci indiquant à la CRAMP que la présence dans ses effectifs de ce salarié relevant de la FRSEA « pose interrogation au regard du principe récemment réaffirmé d'assurer la transparence du financement du syndicalisme agricole ». Il ne fut toutefois mis fin à cette situation que par la démission dudit salarié à la fin de l'année 2003, les derniers émoluments lui étant versés en mars 2004, en période non prescrite.

Dans son arrêt, la Cour a rappelé que les chambres d'agriculture étaient des établissements publics soumis au principe de spécialité, et qu'elles pouvaient, dans le cadre des dispositions du code rural, intervenir directement au profit d'organismes tiers. Mais, constatant que « le législateur n'a pas prévu la participation des chambres d'agriculture au financement public des organisations syndicales », la Cour a jugé que la mise à disposition de ce salarié, en l'absence de « contrepartie de la part de la FRSEA en termes d'activité d'intérêt général correspondant à l'objet de la chambre d'agriculture » constituait « une mesure de soutien direct de la FRSEA, accordée ainsi en violation de la mission de la chambre d'agriculture ». Une telle irrégularité est constitutive des infractions prévues aux articles L. 313-6 du CJF, le syndicat ayant bénéficié d'un avantage injustifié entraînant un préjudice pour la chambre d'agriculture, et L. 313-4 du CJF, les mandatements intervenus en période non prescrite étant viciés par cette violation du principe de spécialité des établissements publics.

1.2 Le versement par la chambre d'agriculture du solde d'une subvention finançant, en l'absence des contreparties prévues par la convention, des activités syndicales

Un nouveau dispositif avait été mis en place dès 2004, sous la forme d'une subvention allouée à la FRSEA pour « la mise en œuvre d'actions d'intérêt général agricole ». La Cour a estimé que « les débats au sein du bureau de la CRAMP démontrent que la convention de subvention avait pour objet de maintenir un soutien financier au profit de la FRSEA ; que le soutien antérieur apporté à l'activité syndicale, sous forme de mise à disposition d'un directeur, a ainsi été poursuivi alors même que les dispositions de la loi de finances pour 2002 avaient établi un cadre nouveau, reposant sur un financement public des organisations syndicales d'exploitants agricoles ».

L'instruction ayant établi que les contreparties d'intérêt général intervenues dans le cadre de ce financement n'étaient en tout état de cause que partielles au regard des dispositions de la convention de subvention, la Cour a jugé que les sommes versées avaient financé l'activité syndicale et que l'infraction réprimant l'octroi d'avantages injustifiés à autrui prévue par l'article L. 313-6 était dès lors constituée. Par ailleurs, le paiement du solde de la subvention étant intervenu de façon irrégulière, au vu de pièces justificatives insuffisantes et non conformes à la convention de subvention, l'infraction prévue à l'article
L. 313-4 du CJF était simultanément constituée.

1.3 La mise à disposition de locaux au profit d'un seul syndicat en violation du principe d'égalité

Le troisième ensemble de faits jugés portait sur la mise à disposition d'un bureau à titre gratuit au profit de la FRSEA jusqu'en 2009. Un tel avantage, accordé à cette seule fédération syndicale, méconnaissait le principe d'égalité et a, pour cette raison, été jugé constitutif de l'infraction prévue à l'article L. 313-6 du CJF.

2. Les responsabilités

Seul le président de la CRAMP en exercice au cours de la période non prescrite était renvoyé dans cette affaire. La Cour a estimé qu'en sa qualité de président, il avait engagé sa responsabilité personnelle en poursuivant l'exécution irrégulière de conventions conclues antérieurement à son élection et en signant la convention de subvention de 2004. En sa qualité d'ordonnateur des dépenses de la chambre d'agriculture, il a engagé sa responsabilité en signant en période non prescrite les mandats de rémunération du salarié mis à disposition de la FRSEA puis le mandat de versement du solde de la subvention accordée au titre de l'année 2004. La Cour a estimé, en écartant sur ce point les arguments de la défense, qu'il y avait lieu de ne retenir aucune circonstance atténuante.

III. Sanctions prononcées :

La Cour a condamné le président de la chambre régionale d'agriculture à une amende de 2 000 € et a décidé la publication de l'arrêt au Journal officiel.

* * *

E - Décisions de classement du procureur général

Aux termes de l'article L. 314-3 du code des juridictions financières, « si le procureur général estime qu'il n'y a pas lieu à poursuites, il procède au classement de l'affaire ».

Sur le fondement de cette disposition législative, vingt-deux affaires, y compris les affaires concernant l'inexécution de décisions de justice, ont été classées par le procureur général au cours de l'année 2010.

Ce chiffre, dans la moyenne de ceux constatés les années précédentes (vingt-huit en 2009, vingt et un en 2008, vingt en 2007, dix-sept en 2006, douze en 2005 et quinze en 2004), appelle les commentaires et précisions suivants.

1 - Les classements avant instruction

Au total, vingt décisions de classement ont été prises avant instruction en 2010 (vingt et une en 2009). Plus des trois-quarts d'entre elles trouvent leur explication dans le bon aboutissement des initiatives prises par le parquet général pour obtenir l'exécution de décisions de justice.

a)L'inexécution de décisions de justice

Dix-sept décisions de classement avant instruction ont été prises en 2010 (douze en 2009) pour des affaires déférées en application de la loi du 16 juillet 1980 relative « aux astreintes prononcées en matière administrative et à l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public ».

En règle générale, il s'agit de condamnations par le juge administratif de la partie tenue aux dépens ou, à défaut, de la partie perdante, à payer à l'autre partie une somme fixée par la juridiction au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Lorsque le jugement n'est pas exécuté, le procureur général intervient pour inciter les administrations négligentes ou récalcitrantes à obtempérer.

Dans toutes ces affaires, les courriers de mise en demeure adressés par le procureur général aux administrations concernées ont permis aux justiciables d'obtenir l'exécution de décisions de justice rendues, le plus souvent, en 2008 et 2009.

Les administrations mises en mouvement par le ministère public ont été aussi bien communales, intercommunales (communauté urbaine), départementales que nationales (ministère, préfecture, préfecture de police etc.). Ont également été concernés des établissements publics locaux ou nationaux (notamment hospitaliers).

Si pour beaucoup de dossiers les sommes en jeu étaient relativement modestes, les dossiers ayant trouvé par ce bais une issue favorable ont néanmoins représenté en 2010 un montant total de plus de 3 500 000 € (400 000 € en 2009), montant d'une ampleur inégalée à ce jour.

b)Les autres affaires

Trois déférés ont par ailleurs fait l'objet d'une décision de classement ab initio en 2010, contre neuf en 2009 et six en 2008. Deux d'entre eux provenaient de chambres régionales des comptes et le troisième d'une chambre de la Cour des comptes.

Dans le premier cas, impliquant un centre hospitalier, la décision de classement a été prise au vu des circonstances de l'espèce et en considération de la jurisprudence de la Cour qui admet que puisse être invoquée la nécessité, pour les responsables de ce type d'organisme, d'assurer la continuité du service public.

Dans le deuxième cas, impliquant un établissement public universitaire, la décision a été motivée par l'existence d'une procédure de rappel à la loi, à l'initiative de la chambre régionale des comptes, et le constat de la mise en œuvre d'un processus de régularisation sous l'autorité du nouveau président de l'université.

Enfin dans le dernier cas, impliquant une caisse primaire d'assurance maladie, les faits pour l'essentiel n'étaient pas suffisamment caractérisés pour constituer des irrégularités au sens du code des juridictions financières et pour le reste entraînaient un préjudice trop faible pour justifier l'ouverture d'une procédure.

2 - Les classements après instruction

Deux dossiers ont conduit à des décisions de classement après instruction, contre sept en 2009, un en 2008, quatre en 2007, six en 2006 et trois en 2004 et 2005.

Le premier dossier, concernant une université, a été classé au regard de la difficulté à caractériser la volonté du président de l'établissement de commettre une irrégularité et de la fragilité de l'interprétation des textes sur lesquels se seraient fondées les poursuites.

Dans le second dossier, impliquant un organisme consulaire, la décision de classement a été motivée par la faiblesse du préjudice et la difficulté à caractériser les irrégularités.

F - Décisions du Conseil d'État, juge de cassation des arrêts de la CDBF

En 2010, le Conseil d'Etat n'a rendu aucune décision sur un recours en cassation formé contre un arrêt de la CDBF.

Au 31 décembre 2010, aucun recours contre un arrêt rendu par la CDBF n'est en instance d'examen devant le Conseil d'Etat.

G - Conclusion

La stabilisation des résultats obtenus par la CDBF en 2010 confirme cette année encore les effets vertueux de la réforme intervenue en 2005. Il est ainsi patent que cette réforme a permis à la juridiction de retrouver davantage de crédit. Celle-ci rend à nouveau ses décisions dans des délais satisfaisants et au terme d'une procédure dont la conformité aux normes internationales et aux principes généraux applicables aux procédures répressives ne suscite plus de débats.

Pour autant, la réforme de 2005 en appelle d'autres car elle n'a qu'une portée limitée sur certains aspects essentiels au renforcement de la CDBF. Le niveau d'activité de la juridiction reste ainsi structurellement faible et en tout état de cause insuffisant pour provoquer une modification radicale de ses conditions de fonctionnement. Son action répressive demeure sporadique et, partant, peu lisible. La notoriété de ses décisions reste très faible et les lignes de force comme la cohérence de sa jurisprudence peinent à se révéler, l'empêchant ainsi de jouer pleinement son rôle préventif. Ce n'est qu'au-delà d'un seuil critique d'activité qui reste à franchir que la jurisprudence de la CDBF sera susceptible de gagner en densité, en continuité et en cohérence et, par un heureux effet de retour, pourra susciter une confiance accrue des autorités habilitées à la saisir les conduisant à lui adresser davantage de déférés qu'actuellement.

Au-delà de ces aspects quantitatifs, le régime de discipline budgétaire et financière continue de comporter de nombreuses faiblesses évoquées à plusieurs reprises ces dernières années dans le rapport public de la CDBF19. Ces faiblesses tiennent en particulier à l'exclusion du périmètre des justiciables des membres du Gouvernement et des élus locaux, sauf pour ces derniers dans des cas particuliers qui demeurent très exceptionnels. Elles tiennent en outre à l'existence d'une disposition exonérant de leur responsabilité les gestionnaires commettant une irrégularité après un ordre écrit de l'autorité dont ils relèvent, notamment lorsque cette autorité n'est pas justiciable de la CDBF. Elles tiennent enfin à la définition des infractions qu'elle réprime, dont la rédaction mériterait d'être plus claire.

C'est en réponse à ces constats que le projet de loi portant réforme des juridictions financières adopté en Conseil des ministres le 28 octobre 200920 et amendé sur d'importants aspects par la commission des lois de l'Assemblée nationale, prévoit de modifier en profondeur le régime actuel de responsabilité des gestionnaires publics en adaptant le champ des justiciables et en modernisant le régime des infractions qui leur sont applicables.

***

Le présent rapport a été délibéré à la Cour des comptes le dix-neuf janvier deux mil onze.

Ont délibéré : M. Migaud, Premier président de la Cour des comptes, président de la Cour de discipline budgétaire et financière ; M. Racine, Président de la section des finances du Conseil d'État, vice-président de la Cour de discipline budgétaire et financière ; Mme Froment-Meurice, Présidente de chambre à la Cour des comptes ; MM. Martin, Ménéménis, Loloum, Pêcheur et Christnacht, conseillers d'État, MM. Mayaud, Duchadeuil et Vachia et Mme Fradin, conseillers maîtres à la Cour des comptes, membres titulaires de la Cour de discipline budgétaire et financière.

Était présent et a participé aux débats : M Bénard, procureur général de la République, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, assisté de M. Maistre, premier avocat général.

M. Lesueur, conseiller référendaire à la Cour des comptes et secrétaire général de la Cour de discipline budgétaire et financière, assurait le secrétariat de la séance.

Fait à la Cour des comptes, le 19 janvier 2011.

Didier MIGAUD

1) Hormis le cas particulier des dispositions de la loi du 16 juillet 1980 précitées.

2) Ne sont toutefois pas comptabilisés au sein de ces classements ceux portant sur des affaires d'inexécution des décisions de justice, pour lesquelles il s'agit précisément de l'issue recherchée, ledit classement traduisant le fait que l'action du Parquet général a permis l'aboutissement de la demande et que celle-ci n'a par conséquent plus d'objet. Le détail des décisions portant sur ce type particulier d'affaires est présenté ci-après (partie – E –).

3) Ce qui exclut donc les arrêts rendus sur renvoi après cassation, qui ne nécessitent pas d'instruction complémentaire, les arrêts rendus sur recours en révision, en tierce opposition ou sur autres recours atypiques (p. ex. demande en constatation d'amnistie).

4) Excluant les arrêts rendus sur renvoi après cassation, qui ne nécessitent pas d'instruction complémentaire, les arrêts rendus sur recours en révision, en tierce opposition ou sur autres recours atypiques.

5) Ce tableau s'inspire du rapport annuel du Conseil d'État ainsi que de l'indicateur n°1 de l'objectif 1 du programme « Justice judiciaire ».

6) Ou du réquisitoire introductif en cas de saisine directe par le procureur général.

7) La phase 1 s'étend de l'enregistrement du déféré au Parquet jusqu'à la date du réquisitoire ; la phase 2 court du réquisitoire au dépôt du rapport d'instruction ; la phase 3 comprend l'ensemble des étapes ultérieures : de la décision de poursuite  jusqu'à la date de lecture de l'arrêt.

8) CEDH 26 septembre 2000, affaire Guisset c. France : le délai commence à courir à la « date à laquelle le requérant fut averti de l'ouverture d'une information à son encontre devant la Cour de discipline budgétaire et financière » (point 80 de l'arrêt). V. aussi CE 22-I-2007, Forzy, AJDA 2007, p. 697, note Biscaïno ; D 2007, p. 1123, note Petit ; AJDA 2007, p. 1036, concl. Keller ; Rev. Trésor 2007, p. 725, note Lascombe et Vandendriessche.

9) Inspiré de l'indicateur de performance n° 1 de l'objectif 2 du programme « Justice judiciaire », qui s'applique aux affaires pénales.

10) Indicateur construit sur la base de l'indicateur n° 2 de l'objectif 1 du Conseil d'État, et proche de l'indicateur n° 3 de l'objectif 1 du programme « Justice judiciaire ».

11) Indicateur construit sur la base des indicateurs de l'objectif n° 2 du Conseil d'État et de l'indicateur n° 6 de l'objectif 1 du programme « Justice judiciaire ».

12) Chaque arrêt de la CDBF (ou du Conseil d'État concernant la CDBF) commenté dans une même chronique de jurisprudence sera compté comme une publication.

13) Hors les entrefilets d'actualité ou les sommaires de jurisprudence ; les publications dans le Recueil Lebon ou le recueil de jurisprudence des juridictions financières ne sont pas davantage comptabilisées.

14) Se reporter à cet effet aux rapports publics des années précédentes, disponibles sur le site de la Cour des comptes – www.ccomptes.fr.

15) Il sera rappelé ici comme supra que l'indicateur du délai de traitement ne préjuge en rien des « délais raisonnables » au sens de la CEDH, qui sont appréciés différemment.

16) Calculé comme suit : nombre d'arrêts rendus par la CDBF entre 2001 et 2010 ayant fait l'objet d'un recours en cassation formulé par une ou plusieurs personnes condamnées, ou par le ministère public près la CDBF.

17) Entre 2001 et 2010, sept arrêts de la CDBF ont fait l'objet d'un pourvoi devant le Conseil d'Etat, dont deux ont conduit à une cassation et cinq ont été rejetés ou non admis.

18) Hors colloques.

19) Voir en particulier les rapports publics 2007 et 2008

20) Projet de loi portant réforme des juridictions financières, n° 2001 déposé le 28 octobre 2009 et rapport n° 2790 déposé le 15 septembre 2010