LA COUR,

Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 complétée par les lois n° 55-1069 du 6 août 1955 et n° 56-1193 du 26 novembre 1956, tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire ;

Vu la lettre du 18 février 1960 par laquelle M le Premier président de la Cour des comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire d'irrégularités constatées par la Cour lors du jugement des comptes de l'école nationale vétérinaire de Lyon ;

Vu le réquisitoire de M le Procureur général en date du 11 mars 1960 transmettant le dossier au président de la Cour de discipline budgétaire ;

Vu la décision du président de la Cour de discipline budgétaire du 21 mars 1960 désignant comme rapporteur M CHARRIER, conseiller référendaire à la Cour des comptes ;

Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée le 16 décembre 1960 au sieur JUNG l'informant de l'ouverture d'une instruction et l'avisant qu'il était autorisé à se faire assister, soit par un mandataire, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Vu l'avis émis le 11 décembre 1961 par le ministre de l'agriculture ;

Vu l'avis émis le 18 janvier 1962 par le ministre des finances ;

Vu l'avis émis par la commission administrative paritaire compétente dans sa séance du 17 février 1962, sur communication du dossier faite à ladite commission en application de l'article 19 de la loi du 25 septembre 1948 ;

Vu les conclusions du Procureur général de la République en date du 6 mars 1962 renvoyant le sieur JUNG devant la Cour de discipline budgétaire ;

Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée en date du 8 mars 1962 avisant le sieur JUNG qu'il pouvait, dans un délai de quinze jours, prendre connaissance du dossier de l'affaire au secrétariat de la Cour, soit par lui-même, soit par un mandataire, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Vu le mémoire présenté le 26 avril 1962 par le sieur JUNG ;

Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée en date du 7 juin 1962 invitant le sieur JUNG à comparaître ;

Vu l'ensemble des autres pièces figurant au dossier et notamment les procès-verbaux d'interrogatoire ;

Ouï M CHARRIER, conseiller référendaire à la Cour des comptes, en son rapport ;

Ouï M le Procureur général de la République en ses conclusions ;

Ouï le sieur JUNG en ses explications ;

Ouï M le Procureur général de la République en ses réquisitions ;

Ouï le sieur JUNG en ses observations, celui-ci ayant eu la parole le dernier ;

Considérant que les écoles nationales vétérinaires ont été constituées en établissements publics jouissant de la personnalité civile par la loi du 5 juillet 1941 (article 15), les modalités de fonctionnement financier de ces établissements étant précisées par un décret et un arrêté interministériel du 17 janvier 1942 ;

Que toutefois l'application de la réforme administrative et comptable résultant des textes précités a été différée jusqu'au 1er janvier 1950, date fixée dans une lettre adressée le 19 novembre 1949 aux directeurs des écoles nationales vétérinaires par le ministre de l'agriculture ;

Qu'en conséquence le sieur JUNG, directeur de l'école nationale vétérinaire de Lyon, est devenu, le 1er janvier 1950, ordonnateur de l'établissement public national constitué par ladite école et qu'il a exercé ces fonctions sans interruption jusqu'à son admission à la retraite, le 1er octobre 1958 ;

Considérant qu'entre ces deux dates le sieur JUNG a négligé d'assumer les tâches de gestion et de contrôle qui lui incombaient en sa qualité d'ordonnateur, en méconnaissant la plupart des règles posées, tant pour l'exécution des recettes et des dépenses de l'établissement que pour la protection des biens, avoirs et droits composant son patrimoine, par le décret du 17 janvier 1942 modifié par le décret du 2 septembre 1954, ainsi que par le décret du 10 décembre 1953 relatif à la réglementation comptable des établissements publics nationaux à caractère administratif, dont les dispositions ont été rendues applicables, à partir du 1er janvier 1955, aux établissements d'enseignement agricole dotés de la personnalité civile, par l'article 2 du décret précité du 2 septembre 1954 ;

Qu'en ce qui concerne l'exécution des recettes, le sieur JUNG a enfreint les dispositions des textes susmentionnés aux termes desquelles l'ordonnateur constate et liquide les droit de l'établissement et a seul qualité pour procéder à l'émission des titres constatant ces droits ; qu'en effet, il n'a jamais établi de titres de perception ; les recettes, encaissées sans constatation préalable, n'étant justifiées que par des talons de virement ou par des états dressés par l'agent-comptable ; qu'ainsi la réalisation des recettes était pratiquement laissée à l'initiative dudit agent comptable ;

Que le sieur JUNG a de même méconnu les règles fixées pour l'exécution des dépenses ; qu'au moins jusqu'à 1957, beaucoup de mandats n'étaient pas revêtus de sa signature et que très souvent les dépenses étaient payées sans ordonnancement préalable, sur états ou factures acquittées par les parties prenantes ; qu'il résulte des déclarations faites par lui au conseil d'administration qu'il avait en fait confié à l'agent-comptable la gestion des crédits ;

Que le sieur JUNG a également omis d'instituer et de tenir la comptabilité des titres de recettes, des engagements et des mandatements prévue par les textes précités ; qu'en négligeant cet aspect essentiel de l'exécution des recettes et des dépenses, il s'est privé du moyen d'assurer efficacement la surveillance de la comptabilité de l'agent-comptable ;

Que le sieur JUNG n'a d'ailleurs pu produire aucun des documents qui doivent attester cette surveillance ; qu'il a toujours négligé, en fin d'année, d'arrêter les livres de l'agent-comptable et de constater l'existence des valeurs de caisse et le solde des comptes-courants ; qu'il n'a pas été établi, avant 1957, de compte financier visé et certifié par lui ;

Considérant que les défaillances du sieur JUNG ont affecté, de façon grave et prolongée, l'ensemble des opérations budgétaires et comptables de la compétence de l'ordonnateur ; qu'elles ont rendu possibles les irrégularités qui ont entaché les opérations de l'agent- comptable et ont notamment entraîné un déficit de caisse de 27 510 NF 84, dont ledit agent comptable a été constitué en débet par arrêt de la Cour des comptes en date du 4 janvier 1952 ; que les infractions constatées ont, pour la plupart, persisté après les mises en garde consécutives aux premières vérifications effectuées en 1956, jusqu'au départ en retraite du sieur JUNG ;

Considérant que ces diverses infractions tombent sous le coup des dispositions de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948, suivant lesquelles "tout fonctionnaire... tout agent des établissements publics de l'Etat à caractère administratif... qui... aura enfreint les règles relatives à l'exécution des recettes et des dépenses... des collectivités susvisées ou à la gestion des biens leur appartenant sera passible d'une amende qui pourra atteindre le montant du traitement ou salaire brut annuel qui lui était alloué à la date de l'infraction" ; que ces infractions, qui se sont poursuivies jusqu'au 1er octobre 1958, ne sont couvertes par la prescription prévue par l'article 30 de la loi du 25 septembre 1948 que la date du 18 février 1956 ; que le sieur JUNG est ainsi passible des sanctions prévues à l'article 5 précité de la loi du 25 septembre 1948 ;

Considérant toutefois que des circonstances atténuant sa responsabilité doivent être retenues en faveur du sieur JUNG ;

Qu'en devenant ordonnateurs, en 1950, les directeurs des écoles nationales vétérinaires avaient conservé toutes leurs attributions, cumulant ainsi les tâches de direction administrative, financière et scientifique et les fonctions d'enseignement et de recherche ; que cet accroissement des attributions ne s'était accompagné d'aucun renforcement de la collaboration dont bénéficiaient les directeurs, faute de la création d'un emploi d'agent de direction à laquelle le ministère de l'Agriculture avait cependant subordonné jusqu'en 1949 l'application de l'autonomie financière ; que le sieur JUNG se trouvait placé dans une situation particulièrement difficile en raison de l'insuffisance notoire, numérique et qualitative, du personnel chargé à l'école de Lyon des tâches administratives et comptables ;

Que l'administration de l'Agriculture, plus soucieuse de faire bénéficier les établissements d'enseignement des avantages de l'autonomie financière que d'assurer leur adaptation à leurs responsabilités et à leurs obligations nouvelles, ne s'est pas suffisamment préoccupée des difficultés que pouvait entraîner l'application de régime aux écoles nationales vétérinaires, en l'absence de renforcement et de réorganisation des services de direction de ces établissements ;

Que le conseil d'administration de l'école, et spécialement son président, qui exerçait en outre les fonctions d'inspecteur général des écoles vétérinaires, ne sont pas davantage inquiétés des problèmes financiers et comptables que posait le fonctionnement de l'école ;

Qu'il convient, au surplus, de tenir compte du fait que le sieur JUNG, dont l'honorabilité n'est pas en cause a toujours rempli avec une haute conscience et une compétence reconnue sa mission de chercheur et de professeur ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en infligeant au sieur JUNG une amende de huit cents nouveaux francs ;

ARRETE :

Le sieur JUNG est condamné à une amende de huit cents nouveaux francs (800 NF).