Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée et complétée par les lois n° 55-1069 du 6 août 1955, 63-778 du 31 juillet 1963 et 71-564 du 13 juillet 1971 tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés, ensemble la loi du 24 juillet 1867 qu'elle a remplacée ;
Vu les lois n° 69-700 du 30 juin 1969 et 74-643 du 16 juillet 1974 portant amnistie ;
Vu le décret du 6 janvier 1959 portant classement d'intérêt national du marché de Paris-La Villette et confiant à une société d'économie mixte l'aménagement et la gestion de ce marché ;
Vu la convention du 2 avril 1960 entre la ville de Paris et la société d'économie mixte d'aménagement et de gestion du marché d'intérêt national de Paris-La Villette (SEMVI) ;
Vu la convention du 20 mai 1960 entre l'Etat et la même société ;
Vu le décret en date du 14 octobre 1960 approuvant les conventions susvisées ;
Vu la lettre du 14 janvier 1971 parvenue au Parquet le même jour, par laquelle, conformément à l'article 16 de la loi du 25 septembre 1948 susvisée, le ministre de l'Economie et des Finances a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière des fautes et irrégularités qui auraient été commises dans la construction de l'ensemble de La Villette et a déféré à cette juridiction MM. RONDEPIERRE, directeur général de la société d'économie mixte d'aménagement et de gestion du marché d'intérêt national de Paris-La Villette, TARDIVON, directeur technique de cette même société, et M. OLLIER, ingénieur en chef du génie rural, directeur départemental de l'agriculture à Paris ;
Vu le réquisitoire du Procureur général de la République en date du 22 février 1971 transmettant le dossier à la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision du président de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 26 mars 1971 désignants comme rapporteur M. CLARET de FLEURIEU, conseiller maître à la Cour des comptes ;
Vu les avis de réception des lettres recommandées adressées le 25 mai 1971 à MM. RONDEPIERRE, OLLIER et TARDIVON les informant de l'ouverture d'une instruction et les avisant qu'ils étaient autorisés à se faire assister par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ou par un mandataire ;
Vu l'avis de réception de la lettre recommandée adressée le 17 janvier 1972 à M. de GRAILLY et le convoquant pour être entendu en qualité de témoin ;
Vu l'avis de réception de la lettre recommandée adressée le 2 mars 1972 à M. de GRAILLY par le Procureur général de la République l'informant que l'instruction ouverte révélait certains faits pouvant justifier l'application de la loi du 25 septembre 1948 et motiver son renvoi devant la Cour de discipline budgétaire et financière et l'avisant qu'il avait la faculté de se faire assister par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, un avocat ou un mandataire ;
Vu l'avis de réception de la lettre recommandée adressée le 25 janvier 1972 à M. RAFFIN et le convoquant pour être entendu en qualité de témoin ;
Vu l'avis de réception de la lettre recommandée adressée le 2 mars 1972 par le Procureur général de la République à M. RAFFIN l'informant que l'instruction ouverte révélait certains faits pouvant justifier l'application de la loi du 25 septembre 1948 et motiver son renvoi devant la Cour de discipline budgétaire et financière, et l'avisant qu'il avait la faculté de se faire assister par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, un avocat ou un mandataire ;
Vu les lettres en date du 14 juin 1972 du président de la Cour de discipline budgétaire et financière aux ministres de l'économie et des finances, de l'intérieur et de l'agriculture leur transmettant le dossier pour avis ;
Vu l'avis du ministre de l'intérieur en date du 11 septembre 1972 ;
Vu les avis du ministre de l'économie et des finances en date du 18 septembre 1972 et du 2 février 1973 ;
Vu l'avis du ministre de l'agriculture et du développement rural en date du 15 décembre 1972 ;
Vu la décision du Procureur général de la République en date du 19 février 1973 renvoyant devant la Cour de discipline budgétaire et financière MM. de GRAILLY, président de la SEMVI, RONDEPIERRE, directeur général de la SEMVI, TARDIVON, directeur technique de la SEMVI, M. OLLIER, ingénieur en chef du génie rural, directeur départemental de l'agriculture à Paris, et RAFFIN, contrôleur d'Etat ;
Vu l'avis émis le 3 avril 1973 par la Commission administrative paritaire du corps des ingénieurs du génie rural, des eaux et des forêts en ce qui concerne MM. TARDIVON et OLLIER ;
Vu l'avis émis le 13 septembre 1973 par la Commission administrative paritaire du corps des contrôleurs d'Etat en ce qui concerne M. RAFFIN ;
Vu la lettre du 19 octobre 1973 du ministre de l'intérieur, confirmant que l'état de santé de M. RONDEPIERRE continuait d'interdire sa comparution devant la Commission administrative paritaire ministérielle compétente à l'égard des administrateurs civils affectés ou rattachés au ministère de l'intérieur ;
Vu les avis de réception des lettres recommandées adressées le 24 octobre 1973 à MM. de GRAILLY, RONDEPIERRE, TARDIVON, OLLIER et RAFFIN les avisant qu'ils pouvaient, dans un délai de quinze jours, prendre connaissance du dossier de l'affaire soit par eux-mêmes, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, un avocat ou un mandataire ;
Vu les mémoires en défense et pièces à l'appui présentés pour MM. de GRAILLY, RONDEPIERRE, TARDIVON, OLLIER et RAFFIN respectivement les 2 janvier 1974, 27 décembre 1973, 24 décembre 1973, 27 décembre 1973 et 27 décembre 1973 ;
Vu les avis de réception des lettres recommandées adressées le 22 mars 1974 à MM. de GRAILLY, TARDIVON, OLLIER et RAFFIN et les invitant à comparaître ;
Vu les procès-verbaux relatant l'interrogatoire des intéressés et l'audition des témoins ;
Vu les autres pièces figurant au dossier ;
Ouï M. CLARET de FLEURIEU, conseiller maître à la Cour des comptes, résumant son rapport écrit conformément à l'article 23 de la loi n° 48- 1484 du 25 septembre 1948 ;
Ouï en leur qualité de témoins :
- M. PARFAIT, directeur général de la société centrale pour l'équipement du territoire, et M. VIRENQUE, préfet, ancien secrétaire général de la préfecture de Paris, cités à la requête du Procureur général de la République ;
- M. ROCHER, conseiller de Paris, ancien président du conseil de Paris, et M. Maurice DOUBLET, préfet de la région parisienne, cités à la demande de M. de GRAILLY ;
- M. DAVID, directeur général honoraire du ministère de l'agriculture, et M. HOARAU de la SOURCE, ingénieur général du génie rural, des eaux et des forêts, cités à la demande de M. OLLIER ;
- M. CORTESSE, chef de mission de contrôle économique et financier, et Mme GALAZZO, attachée de direction, cités à la demande de M. RAFFIN ;
Ouï le Procureur général de la République en ses conclusions ;
Ouï, en leurs plaidoiries :
- Pour M. de GRAILLY, Me RIZIGER, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
- Pour M. TARDIVON, Me SIALELLI, avocat à la Cour d'appel de Paris ;
- Pour M. OLLIER, Me MARCANTONI, avocat à la Cour d'appel de Paris ;
- Pour M. RAFFIN, Me DONATO, avocat à la Cour d'appel de Paris ;
Ouï en leurs observations, MM. de GRAILLY, TARDIVON, OLLIER et RAFFIN qui ont eu la parole les derniers ;
Considérant que le décès de M. RONDEPIERRE, survenu le 27 janvier 1974, a éteint l'action publique à son égard ;Sur les faits
Considérant que le décret du 6 janvier 1959 a confié à la SEMVI l'aménagement du marché d'intérêt national de La Villette, que cette société d'économie mixte a reçu des prêts au taux privilégié réservé aux opérations d'aménagement régional inscrites au budget et qu'elle a, de ce fait, bénéficié du concours financier de l'Etat, devenant ainsi l'un des organismes visés à l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 ;
Considérant que les modalités d'intervention de ladite société ont été définies par les conventions susvisées des 2 avril et 20 mai 1960 approuvées par le décret susvisé du 14 octobre 1960, lesquelles conventions fixaient les obligations et autorisations auxquelles la société s'obligeait à se soumettre, notamment en ce qui concerne l'approbation des projets et leurs modifications, la passation des marchés et les règles de financement et de contrôle ;
- que c'est dans ces conditions que, conformément aux décisions en date du 8 février 1962 des ministres compétents, un premier programme d'ensemble des travaux a été arrêté le 24 mai 1962 par l'assemblée générale de la SEMVI et qu'après plusieurs modifications et réévaluations un nouveau programme d'ensemble comportant une estimation de la dépense a été approuvé par les ministres compétents le 24 mai 1966 ;
- qu'une attention particulière a été portée au respect du coût estimatif ainsi déterminé, comme il résulte notamment d'une lettre du 19 avril 1967 adressée par le ministre de l'économie et des finances au président de la société d'économie mixte ;
Considérant qu'aux termes des conventions dont s'agit, notamment des articles 2 et 3 de la convention avec l'Etat et des articles 4 et 6 de la convention avec la ville, la réalisation des tranches de travaux, l'engagement des travaux les plus importants et les modifications au programme des travaux devaient faire l'objet d'une approbation préalable ;
Considérant qu'une réévaluation chiffrée du programme a dû être demandée par la direction de la société en 1967 et que, connus tardivement, les résultats de cette réévaluation ont fait apparaître que les travaux restant à réaliser entraîneraient un important dépassement des limites financières arrêtées par les pouvoirs publics ;
Considérant que la Cour n'est pas juge de l'opportunité des décisions prises pour l'aménagement du marché par le gouvernement et le conseil de Paris et doit seulement déterminer et apprécier les infractions visées aux articles 1 à 6 de la loi du 25 septembre 1948 qui auraient été commises dans l'opération entreprise à La Villette et non couvertes par la prescription, c'est-à-dire postérieures au 14 janvier 1967 ;
Sur la compétence
Considérant que l'exception d'incompétence de la Cour de discipline budgétaire et financière a été soulevée pour M. de GRAILLY et pour MM. OLLIER et RAFFIN par les intéressés et leurs défenseurs en leurs notes, mémoires, observations, plaidoiries et conclusions ;
En ce qui concerne M. de GRAILLY
Considérant d'une part qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 dans la rédaction qui lui a donnée la loi du 31 juillet 1963, applicable à l'espèce : "Tout agent nommé... des organismes bénéficiant du concours financier de l'Etat qui, en dehors des cas prévus aux articles précédents, aura enfreint les règles relatives à l'exécution des recettes et des dépenses de l'Etat ou des collectivités, établissements et organismes susvisés, ou à la gestion des biens leur appartenant sera passible d'une amende...", que, désigné comme président-directeur général de la SEMVI conformément aux statuts de cette société anonyme et à la loi du 24 juillet 1867 sur les sociétés, comme d'ailleurs à la loi du 24 juillet 1966 qui s'y est ultérieurement substituée, M. de GRAILLY a accepté et exercé ses fonctions dans les conditions du droit commun sans que sa désignation ait à aucun moment revêtu le caractère d'une élection politique, qu'il doit être regardé comme un agent nommé de la société dont s'agit, laquelle est au nombre des organismes visés par le texte susrappelé ;
Considérant d'autre part qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 13 juillet 1971 modifiant l'article 1er de la loi du 25 septembre 1948 et qui, bien qu'entré en vigueur postérieurement aux faits retenus, est invoqué par M. de GRAILLY dans la mesure oû il lui serait favorable,
"...ne sont pas justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière, à raison des actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions :
Les membres du Gouvernement ;
Les présidents du conseil général ;
Les maires, les adjoints des maires et les conseillers municipaux agissant dans le cadre des dispositions prévues aux articles 64 et 66 du code de l'administration communale, les présidents élus de groupements ou syndicats de collectivités territoriales. Ces personnes ne sont pas non plus justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière lorsqu'elles auront agi dans les fonctions qui, en raison des dispositions législatives ou réglementaires, sont l'accessoire obligé de leur fonction principale" ;
Considérant que M. de GRAILLY n'a pas agi dans le cadre des dispositions prévues aux articles 64 et 66 du code de l'administration communale ;
Considérant que si la qualité de conseiller de Paris de l'intéressé a représenté un élément d'opportunité dans la décision du conseil d'administration de la SEMVI et si la ville de Paris avait demandé que la présidence direction générale fût confiée à l'un des administrateurs de la société ayant une semblable qualité, et non pas d'ailleurs au seul M. de GRAILLY, ladite qualité ne constituait, en vertu de quelque disposition législative ou réglementaire que ce fût, ni une condition nécessaire à l'attribution du mandat dont s'agit, ni une fonction dont ce mandat eût été l'accessoire obligé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de l'intéressé soulevant l'incompétence de la Cour doivent être rejetées ;
En ce qui concerne MM. OLLIER et RAFFIN :
Considérant que les conclusions déposées pour MM. OLLIER et RAFFIN tendent à démontrer que les missions de contrôle qu'ils assumaient ne sont pas de nature à permettre l'application de la loi du 25 septembre 1948 ;
Considérant cependant que MM. OLLIER et RAFFIN, fonctionnaires de l'Etat, sont par là même justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière dans les conditions prévues par la loi du 25 septembre 1948 précitée ;
Qu'il y a lieu en conséquence de rejeter les conclusions des intéressés en tant qu'elles mettent en cause la compétence de la Cour ;
Sur les conclusions invoquant l'amnistie
Considérant d'une part que les faits constitutifs des charges ayant motivé le renvoi des intéressés devant la Cour ne sont pas au nombre de ceux que vise la loi du 30 juin 1969, laquelle ne s'applique pas aux infractions relevant de la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Considérant d'autre part que les dispositions de la loi n° 74-643 du 16 juillet 1974 qui ne sont pas invoquées mais sont d'ordre public ne s'appliquent pas non plus aux dites infractions ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions des intéressés invoquant l'amnistie doivent être rejetées ;
Sur la procédure
Considérant que l'instruction a été conduite conformément à l'article 18 de la loi susvisée du 25 septembre 1948, modifiée en cours d'instruction par l'article 19 de la loi du 13 juillet 1971, lequel donne au rapporteur qualité pour procéder à toutes enquêtes et investigations utiles et se faire communiquer tous documents ;
Considérant que l'authencité d'aucun des documents n'a été contestée et que l'ensemble des pièces de la procédure a été versé au dossier, tous les intéressés ayant pu consulter celui-ci dans les délais prévus par la loi ; que ledit dossier a été communiqué à chacun des trois ministres intéressés, ainsi qu'aux commissions paritaires compétentes, et tenu à la disposition de la défense dans les conditions prévues à l'article 22 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée et complété par la loi susvisée du 13 juillet 1971 ; que tous les prévenus ont eu connaissance des questions pouvant mettre en jeu leur responsabilité et des charges retenues à leur encontre au terme de l'instruction dont l'objet était précisément de déterminer l'existence et éventuellement la nature desdites charges ;
Considérant que les audiences de la Cour de discipline budgétaire et financière se sont tenues conformément aux dispositions de l'article 23 de la loi précitée modifié et complété par les lois susvisées des 31 juillet 1963 et 13 juillet 1971 ;
Sur le fond
En ce qui concerne M. de GRAILLY :
Considérant que M. de GRAILLY était seul investi par le conseil d'administration de l'ensemble des pouvoirs et des responsabilités de direction générale tels qu'ils sont définis par le droit commun des sociétés et par les articles 25 et 26 des statuts de la SEMVI ; qu'il n'a accordé aucune délégation spéciale dans les conditions prévues à l'article 29 desdits statuts ; que si un directeur général a été nommé par le conseil d'administration pour l'assister, sans du reste avoir reçu délégation de pouvoirs dudit conseil, M. de GRAILLY n'en demeurait pas moins responsable de la gestion de la société ; qu'en particulier M. TARDIVON, qui n'avait pas davantage reçu de délégation de pouvoirs, agissait sous la responsabilité du président directeur général dès lors qu'il résulte de l'instruction que son activité n'était pas dissimulée à celui-ci, que le président doit en conséquence répondre de ses abstentions comme de ses actes personnels dans l'exercice de ses fonctions ;
Considérant que M. de GRAILLY a déclaré, dans sa déposition du 1er février 1972, s'en être remis à la Société Centrale pour l'Equipement du Territoire (SCET) du soin de surveiller les engagements de dépense, que selon les déclarations des dirigeants de cette société, qui n'ont pas été formellement contredites par M. de GRAILLY, celle-ci n'avait reçu qu'une mission limitée, sous la responsabilité du président de la SEMVI ; qu'en toute hypothèse il résulte de la loi et des statuts que l'intéressé ne pouvait abandonner à un tiers la responsabilité qui lui incombait ;
Considérant qu'en dehors de l'appui donné par lui aux travaux du contrôleur d'Etat, M. de GRAILLY n'avait pris aucune mesure permettant à la SEMVI de surveiller l'évolution technique et financière du projet, qu'il lui a donc été impossible de rapprocher la progression des dépenses de la réalisation physique des travaux, en vue de s'assurer que ceux-ci pourraient être achevés sans dépassement des estimations financières définies, en vertu des conventions, par les pouvoirs publics ;
Considérant qu'il a ainsi ignoré certains des aspects fondamentaux de la situation financière de la société et n'a pu assurer assez complètement la direction générale de celle-ci, enfreignant les dispositions législatives, réglementaires ou statutaires qui s'imposaient à lui, notamment celles de l'article 113 de la loi du 24 juillet 1966 remplaçant l'article 22 de la loi du 24 juillet 1867, modifié par l'article 2 de la loi du 16 novembre 1940 et celles de l'article 25 des statuts ; qu'il n'a pas davantage informé les autorités de tutelle, ni demandé en temps utile les autorisations et approbations exigées, notamment l'approbation préalable des programmes, plans et devis, celle du programme d'ensemble comportant une estimation de la dépense, celle des modifications apportées à ces programmes et celle enfin des engagements de travaux supérieurs à un montant déterminé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. de GRAILLY a méconnu les règles de gestion de la SEMVI établies tant dans les statuts que dans les conventions passées avec l'Etat et avec la ville de Paris ; qu'ainsi il a enfreint les règles relatives à l'exécution des recettes et des dépenses de l'organisme en cause et est passible de l'amende prévue à l'article 5 de la loi du 25 juillet 1948 ;
En ce qui concerne M. TARDIVON :
Considérant d'une part qu'il entrait dans les obligations normales du directeur technique d'assurer par tous moyens appropriés le contrôle et la maîtrise des coûts du chantier qui lui était confié et de tenir informés les dirigeants de la société de tous éléments de nature à permettre à ceux-ci d'assurer leur mission propre de direction générale de l'ensemble du projet ;
- qu'il résulte de l'instruction et notamment des déclarations du president-directeur général de la SEMVI, dans ses dépositions susvisées, que ces principes de bonne gestion n'ont pas été suffisamment respectés ;
Considérant d'autre part que M. TARDIVON, salarié de la SEMVI, n'avait reçu de ses supérieurs aucune délégation expresse de pouvoirs pour engager la société ; que la circonstance qu'il a tenu informé de ses décisions le directeur général et la Commission de choix des entreprises et que de telles informations ont été également transmises, mais souvent de façon tardive, à l'autorité de tutelle n'est pas de nature à pallier l'absence de la délégation spéciale de signature requise par l'article 29 des statuts pour prendre de telles décisions ; que celles-ci, parfois prises sous la forme de lettres de commande, ont engagé de façon importante la société et entraîné de notables modifications du caractère et du coût des travaux ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. TARDIVON n'a pas respecté les obligations qui lui incombaient, notamment celles qui résultaient de l'article 29 des statuts de la SEMVI, qu'ainsi il a enfreint les règles relatives à l'exécution des recettes et des dépenses de l'organisme en cause et est passible de l'amende prévue à l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 ;
En ce qui concerne MM. OLLIER et RAFFIN :
Considérant qu'en dépit des manquements allégués ou établis dans l'exercice des fonctions de contrôle et pouvant constituer des fautes disciplinaires dont il appartiendrait aux ministres compétents d'apprécier éventuellement la gravité, il ne résulte pas de l'instruction que les intéressés aient commis des infractions aux règles relatives à l'exécution des recettes et des dépenses de l'organisme qu'ils contrôlaient et qu'en conséquence ils doivent être relaxés ;
Sur les circonstances atténuantes
Considérant que les limites de la compétence de la Cour ne lui permettent pas de retenir et de réprimer l'ensemble des erreurs ou des fautes qui ont marqué l'importante construction de La Villette et conduit à son abandon ; qu'en revanche pour déterminer l'existence et la valeur des circonstances atténuantes que peuvent invoquer MM. de GRAILLY et TARDIVON, il appartient à la Cour d'examiner dans quelle mesure de telles erreurs ou fautes ont pu incomber à d'autres que les intéressés ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, des témoignages entendus et des débats que les études préalables à la construction ont été insuffisantes et que, bien qu'il se soit agi d'une opération sans précédent, les projets d'ensemble présentés ne comportaient pas d'études, ni de plans de réalisation suffisamment détaillés, que les décisions qui sont à l'origine des coneptions retenues pour cette opération et dont certaines d'ailleurs n'ont pas été le fait de la SEMVI étaient déjà prises quand les intéressés sont entrés en fonction, et qu'il n'y ont donc aucune responsabilité ;
Considérant que les autres défaillances constatées qui concernent notamment les activités des hommes de l'art et de la société rémunérée en qualité de conseil administratif et financier de la SEMVI ont été nombreuses et importantes, qu'elles constituent des circonstances atténuantes pour les prévenus ; que c'est l'ensemble de ces défaillances qui a pu engager gravement les finances publiques et entraîner l'échec de l'entreprise, et non pas les seuls griefs relevés à l'encontre de MM. de GRAILLY et TARDIVON ;
Considérant enfin que les faits retenus à l'encontre de MM. de GRAILLY et TARDIVON ne mettent pas en cause leur probité, laquelle n'a d'ailleurs été contestée ni par le réquisitoire, ni dans les avis exprimés par les ministres compétents ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la responsabilité des intéressés est assortie d'importantes circonstances atténuantes et qu'il sera fait une juste appréciation de cette responsabilité en condamnant M. de GRAILLY à une amende de 8 000 francs et M. TARDIVON à une amende de 3 000 francs.
ARRETE :
Article 1er - M. de GRAILLY, ancien président de la SEMVI, est condamné à une amende de huit mille francs.
Article 2 - M. TARDIVON, ancien directeur technique de la SEMVI, est condamné à une amende de trois mille francs.
Article 3 - MM. OLLIER et RAFFIN sont relaxés.
Article 4 - Le présent arrêt sera publié au Journal Officiel de la République Française."