La Cour,

Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision des 22 et 30 mai 1974, enregistrée au Parquet de la Cour de discipline budgétaire et financière le 19 juin suivant, par laquelle la Cour des Comptes a déféré à la Cour de discipline budgétaire et financière les irrégularités qu'elle a relevées dans la gestion des crédits du chapitre 55-01 du ministère de l'Equipement mis à la disposition du chef du service régional de l'Equipement de la Seine-Maritime et utilisés notament pour l'achat d'essence destinée aux véhicules de la mission d'études pour l'aménagement de la Basse-Seine ;

Vu le réquisitoire du Procureur Général de la République en date du 16 juillet 1974, transmettant le dossier à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision du Président de la Cour en date du 3 octobre 1974 par laquelle M. MOSES, Conseiller Maître à la Cour des Comptes, a été nommé rapporteur ;

Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée le 26 juin 1975 à M. l'ingénieur des Ponts et Chaussées Robert REGARD, alors directeur de la mission d'études pour l'aménagement de la Basse-Seine, l'informant de l'ouverture d'une instruction et l'avisant qu'il était autorisé à se faire assister soit par un mandataire, soit par un avocat ou un avoué, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;

Vu l'avis émis le 14 octobre 1976 par le ministre de l'Equipement ;

Vu l'avis émis le 29 octobre 1976 par le ministre délégué à l'Economie et aux Finances ;

Vu la décision du Procureur Général de la République en date du 7 mars 1977, renvoyant M. l'ingénieur des Ponts et Chaussées REGARD devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu l'avis de la Commission administrative paritaire du corps des ingénieurs des Ponts et Chaussées, réunie le 3 mai 1977 ;

Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée le 17 mai 1977 au sieur REGARD en exécution des dispositions de l'article 22, alinéas 2 et 3, de la loi susvisée du 25 septembre 1948 ;

Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier, et notamment le procès verbal d'interrogatoire du sieur REGARD ;

Ouï M. MOSES, Conseiller Maître à la Cour des Comptes, en son rapport ;

Ouï le Procureur Général de la République en ses conclusions ;

Ouï M. REGARD, ingénieur des Ponts et Chaussées, en ses explications ;

Ouï le Procureur Général de la République en ses réquisitions ;

Ouï en ses observations M. l'ingénieur des Ponts et Chaussées REGARD, l'intéressé ayant eu la parole le dernier ;

Considérant que la Cour des Comptes, vérifiant les dépenses du chapitre 55-01 "Etudes d'aménagement foncier, d'urbanisme et de création de zones urbaines" du budget de l'Equipement, a constaté que le service régional de l'Equipement de Rouen avait réglé, en 1970 et au cours du premier semestre 1971, des fournitures - en particulier d'essence - correspondant à de nombreux déplacements effectués, dans des véhicules administratifs avec ou sans chauffeur, par M. REGARD, ingénieur des Ponts et Chaussées, Directeur de la Mission d'études pour l'aménagement de la Basse-Seine, entre Rouen, sa résidence administrative, et son domicile personnel, à Guignes-Rabutin (Seine-et- Marne), les deux localités étant distantes d'environ 170 kilomètres ; que les mandats correspondant à ces règlements avaient été, dans la quasi-totalité des cas, signés par M. REGARD lui-même ;

Considérant que l'intéressé ne conteste pas les faits et reconnaît avoir utilisé une voiture de service pour ces déplacements, effectués en moyenne deux fois par semaine ;

Considérant que de tels déplacements ne peuvent être regardés comme nécessités par les besoins du service, qu'ils ne pouvaient par suite être pris en charge par l'administration au titre du décret n° 47-1959 du 9 octobre 1947 relatif aux parcs automobiles des administrations publiques ; qu'ils n'auraient pu, d'ailleurs, être remboursés au titre de l'article 24 du décret n° 66-619 du 10 août 1966 aux termes duquel.... "Le déplacement effectué par l'agent pour se rendre de sa résidence personnelle à son lieu de travail ne peut donner lieu à aucun remboursement" ;

Considérant que le mandatement par M. REGARD, sur le budget de l'Etat, de dépenses correspondant aux frais relatifs à ces déplacements constitue dans ces conditions une infraction aux règles d'exécution des dépenses de l'Etat ;

Considérant que l'affirmation de l'intéressé selon laquelle il ignorait les règles applicables en l'espèce ne saurait excuser les irrégularités commises par M. REGARD à son profit personnel ;

Considérant que l'absence d'observations des supérieurs hiérarchiques de M. REGARD sur les dépenses en cause, dont l'intéressé ne saurait d'ailleurs se prévaloir pour dégager sa responsabilité propre, s'explique d'autant mieux que M. REGARD signait personnellement le plus grand nombre des mandats de l'espèce, après avoir certifié la réalité de la fourniture et signé lui-même, pour le chef du service régional de l'Equipement, la mention par laquelle celui-ci déclarait avoir vérifié la facture et la présenter au paiement ;

Considérant que la circonstance selon laquelle un certain contrôle des frais d'essence des missions Basse-Seine et Basse-Normandie aurait été mis en place à l'initiative de M. REGARD a été sans effet sur les pratiques reprochées à ce dernier, qui n'ont été révélées que par les vérifications de la Cour des Comptes ;

Considérant que le reversement par M. REGARD de la somme de 7 495,30 francs, effectué seulement après intervention de la Cour des Comptes et émission d'un ordre de reversement à l'encontre de l'intéressé, ne représente qu'une partie des dépenses mises irrégulièrement par celui- ci à la charge de l'Etat ; que ces dépenses ont en effet comporté non seulement l'essence achetée dans diverses communes de l'Essonne et de la Seine-et-Marne, mais aussi celle achetée en d'autres lieux et utilisée à d'autres fins que les besoins du service, ainsi que les frais d'entretien des voitures de service et les salaires et frais de déplacement des chauffeurs ;

Considérant que les faits, remontant à 1970 et 1971, ne sont que partiellement couverts par la prescription de quatre années édictée par l'article 30 de la loi susvisée du 25 septembre 1948, dans sa rédaction antérieure à la publication de la loi du 13 juillet 1971 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. l'ingénieur des Ponts et Chaussées Robert REGARD a commis des fautes d'une gravité suffisante pour motiver l'application des sanctions prévues à l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée et qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en infligeant à l'intéressé une amende de deux mille francs ;

DECIDE :

Article 1er - L'ingénieur en chef des Ponts et Chaussées Robert REGARD est condamné à une amende de deux mille francs.

Article 2 - Le présent jugement sera publié au Journal Officiel de la République Française.