Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la communication en date du 1er juillet 1987, enregistrée au Parquet le même jour, par laquelle le Président de la quatrième chambre de la Cour des comptes informe le Parquet de la décision prise le 3 mars 1987 par ladite Cour de déférer à la Cour de discipline budgétaire et financière des irrégularités constatées dans la gestion de la société anonyme LA SIGNALISATION ;
Vu le réquisitoire du 23 juillet 1987 par lequel le Procureur général de la République a saisi de cette affaire la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 6 octobre 1987 désignant comme rapporteur M. LESCURE, Conseiller maître à la Cour des comptes ;
Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées par le Procureur général de la République les 5 mai 1987 et 27 juin 1988 à MM. MOTEMPS, CHIGANNE et MOLLARET, présidents-directeurs généraux successifs de LA SIGNALISATION, M. DALIBOT, directeur financier puis directeur général adjoint de cette société, M. AYAX, directeur exportation, puis directeur du projet Koweït et enfin directeur export- Moyen-Orient de LA SIGNALISATION, M. CLAIRET, adjoint de M. AYAX puis responsable administratif sur le site Koweït de cette société, M. GUITTARD, directeur du projet Koweit de LA SIGNALISATION en remplacement de M. AYAX et M. VINCENT, président-directeur général de la Compagnie générale de constructions téléphoniques, maison mère de LA SIGNALISATION, les informant de l'ouverture d'une instruction et les avisant qu'ils pouvaient se faire assister soit par un mandataire dûment autorisé, soit par un avocat ou un avoué, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Vu les avis émis le 27 février 1989 par le ministre des Postes, des Télécommunications et de l'Espace et le 13 mars 1989 par le ministre délégué chargé du Budget ;
Vu les conclusions du Procureur général de la République en date du 24 juillet 1989 renvoyant MM. CHIGANNE, MOLLARET, VINCENT, DALIBOT, AYAX et CLAIRET devant la Cour de discipline budgétaire et financière et prononçant un non-lieu en ce qui concerne MM. MOTEMPS et GUITTARD ;
Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées par la Cour de discipline budgétaire et financière le 6 septembre 1989 à MM. CHIGANNE, MOLLARET, VINCENT, DALIBOT, AYAX et CLAIRET les avisant qu'ils pouvaient dans un délai de quinze jours prendre connaissance du dossier de l'affaire soit par eux-mêmes, soit par mandataire, soit par le ministère d'un avocat, d'un avoué ou d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Vu le mémoire en défense du 4 octobre 1989 présenté par M. CHIGANNE, ensemble les pièces annexées ;
Vu le mémoire en défense du 11 octobre 1989 présenté par Me Patrick PONCHELET, avocat à la Cour de Paris, pour M. MOLLARET, ensemble les pièces annexées ;
Vu le mémoire en défense du 13 octobre 1989 présenté par Me Michel BOURDON, avocat à la Cour de Paris, pour M. VINCENT, ensemble les pièces annexées ;
Vu le mémoire en défense, enregistré à la Cour le 16 octobre 1989, présenté par M. AYAX, ensemble les pièces annexées ;
Vu le mémoire en défense, enregistré à la Cour le 16 octobre 1989, présenté par Me LOYRETTE, avocat à la Cour de Paris, pour M. DALIBOT, ensemble les pièces annexées ;
Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées le 5 octobre 1989 par le Procureur général de la République à MM. CHIGANNE, MOLLARET, VINCENT, DALIBOT, AYAX et CLAIRET les citant à comparaître devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier, et notamment les procès-verbaux d'audition de MM. CHIGANNE, MOLLARET, VINCENT, DALIBOT, AYAX et CLAIRET et le rapport d'instruction établi par M. LESCURE ;
Entendu M. LESCURE en son rapport ;
Entendu le Procureur général de la République en ses conclusions ;
Entendu en leurs explications MM. CHIGANNE, MOLLARET assisté de Me PONCHELET, VINCENT assisté de Me BOURDON, DALIBOT assisté de Me LOYRETTE, AYAX et CLAIRET assisté de Me BARTHELOT de BELLEFONDS ;
Entendu le Procureur général de la République en ses réquisitions ;
Entendu en leurs plaidoiries, Me PONCHELET, BOURDON, LOYRETTE et BARTHELOT de BELLEFONDS et, en leurs observations, MM. CHIGANNE, MOLLARET, VINCENT, DALIBOT, AYAX et CLAIRET, les intéressés et leurs conseils ayant eu la parole les derniers ;
Sur la compétence de la CourConsidérant que la Compagnie générale de constructions téléphoniques (CGCT), dont l'Etat détient, depuis le 21 octobre 1982, 99,97 % du capital, possède elle-même 99,25 % du capital de la société anonyme LA SIGNALISATION (LS) ; que la Cour des comptes peut donc assurer la vérification des comptes et de la gestion de ces deux sociétés en application respectivement des articles 6 bis A et 6 bis B de la loi n° 67-483 du 22 juin 1967 modifiée ; qu'en conséquence tout représentant, administrateur ou agent de l'une ou l'autre de ces deux sociétés est justiciable, aux termes de l'article 1er de la loi du 25 septembre 1948 modifiée susvisée, de la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Sur les conditions de passation des marchés
Considérant que le 19 janvier 1983, deux marchés n° 81-20 et 81-21 d'un montant global d'environ 450 millions de francs ont été conclus avec le Koweït par LA SIGNALISATION pour la réalisation des lots n°s 1 et 2 d'un réseau téléphonique ;
Que les contrats sur lesquels ont été apposées les signatures étaient rédigés en langue arabe et qu'il n'avait pas été établi auparavant de traduction, même libre ; que ce n'est donc que postérieurement et en particulier à l'occasion d'examens effectués par la direction de l'audit interne de la Compagnie générale de constructions téléphoniques qu'est apparu le caractère abusif ou lacunaire de certaines dispositions contractuelles ;
Que, notamment, ne figurait pas sur ces documents la date de conclusion du contrat qui ouvrait cependant le délai d'exécution et aurait dû permettre en conséquence de déterminer le point de départ d'éventuelles pénalités de retard ; que si le montant de ces dernières était plafonné dans l'un des deux contrats, il ne l'était pas dans l'autre ; que l'appel des cautions était laissé à l'entière discrétion du client ; qu'en soumettant ces conventions au droit en vigueur au Koweït, l'article 16 de celles-ci attribuait juridiction en la matière aux tribunaux de cet Etat et écartait donc tout recours à l'arbitrage international ;
Considérant qu'il ressort de l'instruction que les procédures prévues au sein de LA SIGNALISATION pour la conclusion des marchés ont été formellement respectées ;
Qu'en revanche, les dispositions précitées des contrats étaient contraires aux intérêts de LA SIGNALISATION ; qu'il appartient aux représentants d'une société de veiller à la sauvegarde des intérêts matériels de l'organisme dont ils assurent la gestion, ce principe constituant une règle d'exécution des recettes et des dépenses de la société dont la violation tombe sous le coup des dispositions de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Qu'au surplus M. CHIGANNE, président de LA SIGNALISATION, en signant lesdits contrats dans une langue étrangère et sans traduction préalable, s'est privé, en l'espèce, des moyens d'assumer pleinement et en toute connaissance la mission de "direction générale de la société" que lui confère l'article 113 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales et l'article 13 des statuts de LA SIGNALISATION ; qu'une telle méconnaissance des règles de gestion de la société établies dans les statuts constitue une violation des règles d'exécution de la dépense tombant sous le coup de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Considérant que, si l'exécution des marchés s'est traduite en fin de compte pour LS par une lourde perte évaluée à 671 millions de francs devant l'assemblée générale de la société du 19 septembre 1988, cette perte résulte essentiellement de l'incapacité dont elle a fait preuve, dans un contexte il est vrai difficile, à remplir de manière rentable pour elle ses obligations contractuelles ;
Qu'il n'est pas établi que le jeu des clauses exorbitantes ait, compte tenu des conditions défectueuses dans lesquelles les contrats ont été exécutés, procuré au contractant de LS un avantage injustifié correspondant pour la société à un préjudice que l'on puisse distinguer des pertes globales de l'opération et qu'il n'y a pas lieu, en conséquence, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, de faire application de l'article 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Sur l'encaissement irrégulier de recettes
Considérant qu'en contrepartie d'une obligation de passer, pour les transports aériens à destination ou en provenance du Koweit par les services d'une compagnie aérienne, cette dernière avait consenti à LA SIGNALISATION une ristourne de 10 % sur les billets au tarif normal et de 7 % sur les billets à tarif réduit ; que cet avantage devait rester confidentiel ;
Considérant que les versements effectués à ce titre par la compagnie aérienne pour un montant de 125 000 F correspondant à 1,3 million de francs de billetterie ont cessé en juin 1983 ;
Que l'enquête a permis d'établir qu'à partir de cette date, pour des motifs apparemment liés à la confidentialité, les sommes dues par la compagnie aérienne ont été réglées à M. AYAX à son compte personnel et que l'intéressé reconnaît avoir reçu à ce titre entre 14 000 et 16 000 dinars, soit environ 375 000 F ;
Que ces remises constituant des recettes dues à LA SIGNALISATION, M. AYAX aurait dû les reverser intégralement à cette dernière ;
Considérant, cependant, que seule une somme légèrement supérieure à 4 850 dinars, soit environ 120 000 F, a été restituée par ce dernier en février 1984 ;
Que M. AYAX expose que le surplus a été utilisé par lui soit en reversement à des membres des services commerciaux de la compagnie aérienne, soit en règlement de ses frais de représentation ; qu'aucun document produit n'établit que ces emplois aient été autorisés par LS ;
Considérant qu'en conservant une part des remises consenties à LA SIGNALISATION par la compagnie aérienne et en les utilisant soit à son profit personnel soit à celui d'autres personnes sans autorisation expresse de ses supérieurs hiérarchiques, M. AYAX a enfreint les règles d'exécution des recettes de la société au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée, et procuré à autrui, en méconnaissance de ses obligations, un avantage injustifié entraînant un préjudice financier pour LA SIGNALISATION, au sens de l'article 6 de la même loi ;
Sur les irrégularités dans le paiement d'un sous-traitant
Considérant que, par deux lettres du 30 novembre 1982, M. MOTEMPS, à l'époque président de LA SIGNALISATION, a fait connaître à M. Majid AL GHAREEB, qui était, par ailleurs, un agent de M. AL WAZZAN, lui-même "sponsor" de la société au Koweït, l'intention de LS de lui confier la sous-traitance d'une partie des opérations réalisées au Koweït (ingénierie, études de réseaux, plans, assistance dans les relations avec l'administration ...) pour un montant global de 600 000 dinars, étant expressément précisé qu'un contrat serait établi dans les deux cas ; que M. Majid AL GHAREEB a donné son accord par deux lettres du 10 décembre 1982 ;
Que M. Majid AL GHAREEB a perçu, en trois versements intervenus les 17 mars 1983, 20 avril 1983 et 5 octobre 1983, la somme de 600 000 dinars ;
Considérant que lesdits paiements sont intervenus sans qu'aucun contrat n'ait prévu ni les obligations de M. Majid AL GHAREEB ni les conditions dans lesquelles une rémunération lui serait versée ; que les lettres d'intention, en admettant même qu'elles puissent, devant les tribunaux, constituer une présomption de lien juridique entre les parties, ne contiennent aucun des éléments sus-indiqués qui pourraient les faire considérer comme un contrat ;
Qu'au surplus, les paiement précités n'ont été appuyés d'aucune facture retraçant le détail des travaux réellement exécutés par M. Majid AL GHAREEB ni d'aucun décompte même succinct produit par l'intéressé ; que les divers documents recueillis lors de l'instruction font ressortir, de manière contradictoire, que les versements en cause constituaient soit des commissions, soit la rémunération d'une sous- traitance ;
Que ces règlements, quel qu'en ait été l'objet, ont donc été effectués en violation des règles d'exécution des dépenses de la société et sont donc constitutifs de l'infraction prévue par l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Que, dans la mesure où, à l'appui de la rémunération versée à M. Majid AL GHAREEB, ne figure aucune preuve ni d'un service rendu ni même de la nature du service attendu de lui, il a été procuré à celui-ci un avantage injustifié au détriment des finances de LA SIGNALISATION ; qu'en conséquence, même en tenant compte très largement des données de fait liées aux usages locaux, ces règlements tombent sous le coup de l'article 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Sur les irrégularités dans le règlement de transactions
Considérant que, par un marché en date du 28 avril 1983, d'un montant de 1 700 000 dinars, LA SIGNALISATION a confié à l'entreprise MUNAWAR la sous-traitance de travaux de génie civil, alors même que les soumissions qu'elle avait présentées stipulaient qu'elle réaliserait elle-même ces opérations ;
Que la mauvaise qualité des prestations fournies ayant notamment entraîné des protestations de la part du client koweïtien, LA SIGNALISATION a décidé de mettre un terme à la collaboration de l'entreprise MUNAWAR ;
Que, toutefois, en raison des difficultés locales qui auraient pu résulter d'une résiliation du marché, LA SIGNALISATION préféra rechercher les voies d'une transaction avec son sous-traitant ; que cette procédure conduisit LS à verser à l'entreprise MUNAWAR la somme de 200 000 dinars, soit environ 5 000 000 F en avril 1984 ;
Considérant qu'au mois de février 1985, cette entreprise ayant assigné LA SIGNALISATION devant les tribunaux pour rupture abusive de contrat, il apparut à ce moment qu'une deuxième convention, donnant compétence aux tribunaux koweïtiens et portant le montant des travaux sous-traités à plus de 2,2 millions de dinars, aurait été signée par M. AYAX, le 15 août 1983 ; que des factures étagées entre septembre 1983 et août 1984 et portant sur plus de 1,7 million de dinars n'avaient été ni enregistrées en comptabilité ni au service d'administration des contrats ;
Qu'il fallut recourir à une deuxième transaction pour un montant de près de 300 000 dinars ;
Considérant que si les transactions précitées ne peuvent être considérées comme constitutives d'infraction tombant sous le coup de la loi du 25 septembre 1948 modifiée, il n'en va pas de même du contrat ayant conduit à la deuxième d'entre elles ; qu'aucun document social ne fait référence à ce contrat et que son existence n'a été découverte qu'à l'occasion du contentieux soulevé en 1985 par l'entreprise MUNAWAR ; que ledit contrat aurait été ainsi conclu en contravention des règles d'exécution des dépenses de la société ; que cependant un doute subsistant sur la véracité de la signature apposée sur ce contrat au nom de LS, l'infraction prévue à l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 ne peut être établie ;
Sur les irrégularités dans la location d'immeubles
Considérant que M. CLAIRET a signé, le 15 décembre 1983, trois contrats pour la location d'immeubles sis à Koweït-City et appartenant à M. AL WAZZAN sponsor de LA SIGNALISATION ;
Que, si M. CLAIRET avait reçu de M. AYAX, le 9 septembre 1983, une délégation de pouvoirs suffisamment large pour lui permettre de signer éventuellement de tels contrats, il n'en allait plus de même au moment des faits en raison des modifications intervenues à compter du 2 novembre 1983 dans l'organisation du service dont dépendait M. CLAIRET ;
Qu'en effet, le successeur de M. AYAX, M. GUITTARD, n'avait pas bénéficié d'une délégation générale de la part du président, M. CHIGANNE ; qu'il n'avait, au demeurant, donné aucune délégation à M. CLAIRET ; que ce dernier ne pouvait donc plus se prévaloir de la délégation donnée par le prédécesseur de M. GUITTARD, d'autant qu'il n'exerçait plus auprès de ce dernier les mêmes responsabilités ;
Qu'en conséquence, s'il pouvait être chargé de négocier les baux en cause, il n'avait plus compétence pour les signer ; qu'il a donc engagé des dépenses sans en avoir reçu délégation et tombe sous le coup de l'article 4 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Considérant que les conventions en cause ont été conclues pour une période de cinq ans, alors que le délai contractuel de réalisation des travaux confiés à LA SIGNALISATION expirait huit mois plus tard ;
Que, toutefois, au moment de la signature, les intéressés ignoraient que les dirigeants de LA SIGNALISATION avaient renoncé à réaliser les travaux des lots 4 et 5 de l'opération pour lesquels ceux-ci avaient soumissionné et dont l'exécution aurait prolongé la présence au Koweït d'agents de LA SIGNALISATION ;
Que, si d'autres possibilités d'hébergement avaient été étudiées par ailleurs, une attention plus grande aurait dû néanmoins être portée au caractère onéreux du contrat qui impliquait une charge pluriannuelle et susceptible de procurer au propriétaire un avantage par la revente d'immeubles loués à moyen terme ; que l'instruction n'a toutefois pas permis de démontrer que la durée des baux était constitutive de violation des règles d'exécution de la dépense et qu'elle avait effectivement procuré au cocontractant un avantage injustifié ; que les articles 5 et 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ne sont donc pas applicables sur ce point ;
Sur les irrégularités dans le versement de commissions
Considérant que, confrontée à des relations difficiles avec son client, LA SIGNALISATION a eu recours à plusieurs intermédiaires dont elle attendait une amélioration de ses rapports avec l'Etat du Koweït ;
Considérant que, le 6 mars 1985, elle a ainsi conclu une convention avec la société EGECENA en vue d'obtenir du ministère Koweïtien un accroissement du prix du marché ; qu'après plusieurs modifications intervenues par voie d'avenants le contrat n'a finalement reçu aucune application et n'a, notamment, donné lieu à aucun règlement à EGECENA ;
Considérant que, le 29 mai 1985, un contrat a été conclu avec la société QUICK-DIFFUSION chargée par LS de lui fournir une assistance dans la recherche, la négociation et la mise en place de nouveaux moyens de financement pour la réalisation des contrats au Koweït ; qu'en contrepartie, la société devait recevoir des honoraires d'un montant forfaitaire de 417 220 F à régler sur facture ;
Que ce contrat était assorti de trois conditions résolutoires ; que tout d'abord il devait être notifié à LS avant le 27 juin 1985 qu'une banque du Koweït mettait à sa disposition 3 millions de dinars ; qu'en outre ce nouveau concours ne devait pas remettre en cause ceux dont disposait déjà LA SIGNALISATION au Koweït ; qu'enfin cette dernière société devait obtenir l'accord préalable de la Banque de France ;
Que l'opération de recherche de financement, qui n'avait pas abouti au 27 juin 1985, a cependant obtenu en octobre 1985 des résultats, même si ceux-ci n'ont pas eu de suite concrète en raison des nouvelles modalités de financement adoptées par la CGCT actionnaire de LS et par l'Etat ; que la poursuite des recherches de financement au-delà du 27 juin 1985 a motivé les versements effectués à QUICK-DIFFUSION après cette date, ce qui équivalait à une prorogation tacite du contrat ;
Considérant que, par un contrat du 30 octobre 1985, LA SIGNALISATION a confié à QUICK-DIFFUSION la tâche de faire aboutir auprès du ministère Koweïtien des réclamations moyennant des honoraires de 600 000 F hors taxes, les honoraires déjà versés devant être remboursés si le dossier de réclamations n'aboutissait pas ;
Que la société QUICK-DIFFUSION a perçu au titre de cette convention une première tranche d'honoraires de 355 800 F ; que la seconde tranche n'a pas été versée ;
Considérant que, sur la base d'un mémorandum du 4 décembre 1985, l'assistance relative au dossier de réclamation a été confiée à un nouvel intermédiaire, M. ZARROUK, chargé également d'obtenir du client une avance de trésorerie ; qu'une somme de 1,3 million de francs a été versée à M. ZARROUK par LS dès le 11 décembre 1985, avant que le contrat qui aurait dû préciser les missions de l'intermédiaire et son mode de rémunération ait pu être conclu ; que le recours aux services de M. ZARROUK n'a pas été ultérieurement poursuivi et que le solde des honoraires envisagés dans le mémorandum n'a pas été versé ;
Considérant que, si la mise en oeuvre de ces intervention d'intermédiaires a été assurée par M. MOLLARET, président de LS, les décisions de principe ont été prises en accord avec M. VINCENT, président de la CGCT, compte tenu de l'état de crise qui affectait l'opération KOWEIT et qui avait motivé la constitution en juillet 1984 d'un comité exécutif placé sous la direction de M. VINCENT .
Considérant que les intéressés ont agi dans le souci d'éviter, grâce à des négociations et à l'intervention de tiers, des pertes plus importantes et que l'intervention des intermédiaires n'est sans doute pas étrangère à une certaine amélioration du climat entre LS et son client qui a permis, par la suite, d'achever la réalisation du contrat et de limiter les pertes ;
Considérant qu'en raison de la gravité de la situation où se trouvait LS, il n'est pas établi que le recours aux moyens exceptionnels qui ont été utilisés constitue une infraction relevant des articles 5 et 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée.
Sur les responsabilités
En ce qui concerne M. CHIGANNE
Considérant que M. CHIGANNE peut faire valoir qu'il a été nommé président-directeur général de LA SIGNALISATION, le 3 décembre 1982, soit à peine plus d'un mois avant la date de la signature des marchés et que ceux-ci avaient donc, pour l'essentiel, été négociés par son prédécesseur ; qu'à la suite de la nationalisation, les pouvoirs publics étaient très désireux que l'affaire avec le Koweït soit effectivement conclue et exerçaient une certaine pression en ce sens ; qu'il ressort de l'instruction que la négociation avec le Koweït s'était poursuivie durant plusieurs années et qu'une rupture aurait pu entraîner la perte de cautions déjà versées ; que si ces circonstances, de même que l'inexactitude des renseignements que lui auraient fournis ses subordonnés, sont de nature à atténuer sa responsabilité, elles ne peuvent l'en exonérer ; qu'en effet M. CHIGANNE, alors qu'il avait juridiquement la possibilité de refuser de le faire, a signé les marchés sans se mettre en mesure, notamment par une traduction en langue française, d'en relever les anomalies, gravement contraires aux intérêts de la société ;
Considérant par ailleurs que M. CHIGANNE a fait preuve de négligence en n'exerçant pas une surveillance sur les sous-traitances, pour lesquelles il avait pourtant prévu l'établissement de procédures particulières, alors que les versements importants à M. Majid AL GHAREEB apparaissant dans les comptes sociaux auraient justifié une attention particulière ;
Que toutefois les opérations irrégulières en cause ont été initiées par M. MOTEMPS, signataire des lettres d'intention dont il n'a pas été établi que M. CHIGANNE ait été informé par son prédécesseur ; que cette circonstance ainsi que l'existence en la matière d'habitudes locales sont de nature à atténuer sur ce point la responsabilité de M. CHIGANNE, lequel, au surplus, n'avait aucune expérience dans l'exécution d'un marché en territoire étranger ;
En ce qui concerne M. AYAX
Considérant que les ristournes de la compagnie aérienne ont été négociées par M. AYAX et que, mis à part un faible reversement, il en a été le gestionnaire de fait ou le bénéficiaire ; qu'il ne peut invoquer valablement l'ignorance de la loi pour se décharger de la responsabilité d'avoir encaissé à son compte personnel des recettes sociales, sans justifier d'y avoir été autorisé, et d'avoir ainsi commis les infractions précitées ;
Considérant que M. AYAX, qui avait participé aux négociations avec M. Majid AL GHAREEB et cosigné les chèques litigieux après avoir certifié l'existence de prestations non déterminées de manière précise, a pleinement engagé sa responsabilité dans les infractions commises ;
Considérant, en revanche, que, faute d'une production de l'original du contrat du 15 août 1983 avec l'entreprise MUNAWAR, il n'est pas possible de retenir sur ce point la responsabilité de M. AYAX ;
En ce qui concerne M. DALIBOT
Considérant que M. DALIBOT a certes été informé par une note de M. AYAX du 26 janvier 1983 de l'avantage consenti par la compagnie aérienne et qu'en sa qualité de directeur financier il lui appartenait d'une manière générale de s'assurer de l'encaissement régulier des recettes de la société ;
Qu'en revanche, la modification du mode de versement des ristournes postérieurement à juin 1983, faute d'une information appropriée fournie par M. AYAX, a pu lui échapper, notamment en raison du changement intervenu dans ses fonctions, M. DALIBOT n'étant plus directeur financier à compter de décembre 1983, mais directeur général adjoint ; qu'il ne peut, dans ces conditions, être considéré comme ayant participé aux infractions commises à titre principal par M. AYAX ;
Considérant en revanche que M. DALIBOT, en cosignant l'un des chèques au profit de M. Majid AL GHAREEB et par son inaction contraire à ses missions de directeur financier, alors même qu'il était informé des faits, a engagé sa responsabilité dans les infractions précitées ;
En ce qui concerne M. CLAIRET
Considérant que M. CLAIRET tombe sous le coup de l'article 4 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée pour avoir, à la date du 15 décembre 1983, signé les baux litigieux alors qu'il n'en avait pas juridiquement le pouvoir ;
Considérant, cependant, que dans le contexte de la modification, alors récente, de l'organigramme des services de LS au Koweït, M. CLAIRET a pu se méprendre sur l'étendue de ses pouvoirs et croire qu'il agissait, compte tenu de l'urgence du moment, dans l'intérêt de la société et avec l'accord tacite de ses supérieurs ; que ces circonstances sont de nature à atténuer sa responsabilité ;
En ce qui concerne MM. VINCENT et MOLLARET
Considérant qu'aucune charge n'est retenue contre MM. VINCENT et MOLLARET et qu'en conséquence il y a lieu de les relaxer de toute poursuite ;
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en condamnant M. CHIGANNE à une amende de 35 000 F, M. AYAX à une amende de 50 000 F, M. DALIBOT à une amende de 5 000 F et M. CLAIRET à une amende de 2 500 F.
ARRETE :
Article 1er : MM. VINCENT et MOLLARET sont relaxés des fins de la poursuite.
Article 2 : M. CHIGANNE est condamné à une amende de 35 000 F.
Article 3 : M. AYAX est condamné à une amende de 50 000 F.
Article 4 : M. DALIBOT est condamné à une amende de 5 000 F.
Article 5 : M. CLAIRET est condamné à une amende de 2 500 F.
Article 6 : Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française.