RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS,
LA COUR DE DISCIPLINE
BUDGETAIRE ET FINANCIERE,
Siégeant à la Cour des
comptes, en audience publique, a rendu l'arrêt suivant :
Vu le code des juridictions financières, notamment le titre 1er du livre III, relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu le code du sport, ensemble les textes qui l'ont précédé, notamment le décret n° 72-398 du 16 mai 1972, créant l'Ecole nationale d'équitation ;
Vu le code rural et de la pêche maritime ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires et notamment son article 28 ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique et l'ensemble des instructions comptables applicables aux établissements publics nationaux ;
Vu le décret n° 90-437 du 28 mai 1990 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils sur le territoire métropolitain lorsqu'ils sont à la charge des budgets de l'Etat, des établissements publics nationaux à caractère administratif et de certains organismes, modifié par le décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006, applicable à compter du 1er novembre 2006 ;
Vu le décret n° 95-1105 du 12 octobre 1995 fixant le régime de la prime de participation à la recherche scientifique des ingénieurs et personnels techniques de formation et de recherche du ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation ;
Vu le décret n° 2002-61 du 14 janvier 2002 relatif à l'indemnité d'administration et de technicité ;
Vu le décret n° 2004-1054 du 1er octobre 2004 portant attribution d'une indemnité de sujétions aux professeurs de sport relevant du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative ;
Vu le décret n° 2010-90 du 22 janvier 2010 créant l'Institut français du cheval et de l'équitation, établissement public succédant à l'Ecole nationale d'équitation ;
Vu les textes relatifs à la gestion budgétaire et comptable des établissements publics nationaux à caractère administratif ;
Vu la communication en date du 11 février 2011, enregistrée au parquet le jour même, par laquelle le président de la troisième chambre a informé le procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, de la décision prise par ladite chambre de saisir la Cour de discipline budgétaire et financière de faits concernant le paiement d'indemnités irrégulières à certains agents de l'Ecole nationale d'équitation (ENE), constatés à l'occasion du contrôle des comptes et de la gestion des exercices 1996 à 2007 de cet organisme ;
Vu le réquisitoire du 15 avril 2011 par lequel le procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière a saisi de cette affaire le Premier président de la Cour des comptes, président de la Cour de discipline budgétaire et financière, conformément aux dispositions de l'article L. 314-3 du code des juridictions financières ;
Vu la décision du 13 mai 2011 par laquelle le Premier président de la Cour des comptes, président de la Cour de discipline budgétaire et financière, a désigné M. Patrice-Luc Adment, premier conseiller de chambre régionale des comptes, rapporteur de l'affaire, en application de l'article L. 314-3 du code des juridictions financières ;
Vu les lettres recommandées du 17 juin 2011 par lesquelles le procureur général a informé M. X..., directeur de l'Ecole nationale d'équitation du 1er septembre 2005 au 1er septembre 2008, M. Y..., directeur de l'Ecole nationale d'équitation du 1er décembre 2008 au 1er février 2010, Mme Z..., secrétaire générale de l'Ecole nationale d'équitation de janvier 1997 à janvier 2010, de l'ouverture d'une instruction dans les conditions prévues à l'article L. 314-4 du code des juridictions financières, ensemble les avis de réception de ces lettres ;
Vu la lettre du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 10 février 2012 transmettant au procureur général le dossier de l'affaire, après dépôt du rapport, en application de l'article L. 314-4 du code des juridictions financières ;
Vu la lettre du procureur général en date du 21 février 2012 informant le président de la Cour de discipline budgétaire et financière de sa décision, après communication du dossier de l'affaire, de poursuivre la procédure en application de l'article L. 314-4 du code des juridictions financières ;
Vu les lettres du 23 février 2012 du président de la Cour de discipline budgétaire et financière transmettant le dossier au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, au ministre de l'agriculture, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire et au ministre des sports, pour avis, en application de l'article L. 314-5 du code des juridictions financières, ensemble les avis de réception de ces lettres ;
Vu l'avis du ministre des sports en date du 29 mars 2012 ;
Vu la lettre du 10 avril 2012 par laquelle le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a transmis au procureur général le dossier de l'affaire, en application de l'article L. 314-6 du code des juridictions financières ;
Vu la décision du procureur général du 27 septembre 2012 renvoyant M. X..., M. Y... et Mme Z... devant la Cour de discipline budgétaire et financière, en application de l'article L. 314-6 du code des juridictions financières ;
Vu les lettres recommandées adressées le 28 septembre 2012 par la greffière de la Cour de discipline budgétaire et financière à MM. X... et Y... et à Mme Z..., les avisant qu'ils pouvaient prendre connaissance du dossier de l'affaire et produire un mémoire en défense dans les conditions prévues à l'article L. 314-8 du code des juridictions financières, et les citant à comparaître le 30 novembre 2012 devant la Cour de discipline budgétaire et financière, ensemble les avis de réception de ces lettres ;
Vu le mémoire produit par M. X... le 16 novembre 2012, ensemble les pièces à l'appui ;
Vu les mémoires produits par Maître Richer pour M. Y... et Mme Z... le 16 novembre 2012, ensemble les pièces à l'appui ;
Vu les autres pièces du dossier, notamment les procès-verbaux d'audition et le rapport d'instruction de M. Adment ;
Entendu le rapporteur, M. Adment, résumant le rapport écrit, en application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;
Entendu le représentant du ministère public, résumant la décision de renvoi, en application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;
Entendu sous serment le témoin, M. A..., en sa déposition, en application de l'article L. 314-10 du code des juridictions financières ;
Entendu le procureur général en ses conclusions, en application de l'article L. 314-12 du code des juridictions financières ;
Entendu en sa plaidoirie Maître Richer pour M. Y... et Mme Z..., MM. X... et Y... et Mme Z... ayant été invités à présenter leurs explications et observations ;
Après en avoir délibéré sans qu'ait joué la voix prépondérante du Président ;
Sur la compétence de la Cour
Considérant que l'Ecole nationale d'équitation avait, au moment des faits, le statut d'établissement public national à caractère administratif placé sous la tutelle du ministre chargé des sports ;
Considérant que, selon les dispositions du b) du I de l'article L. 312-1 du code des juridictions financières, est justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière tout fonctionnaire ou agent civil ou militaire de l'Etat, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics, ainsi que des groupements des collectivités territoriales ;
Considérant que les personnes mises en cause dans la présente affaire étaient agents d'un établissement public national ; qu'en conséquence ils sont justiciables de la Cour en application des b et c du I de l'article L. 312-1 du code des juridictions financières ;
Sur l'absence d'avis du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et du ministre de l'agriculture, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire
Considérant que l'absence de réponse du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et du ministre de l'agriculture, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, à la demande d'avis formulée le 23 février 2012 ne fait pas obstacle à la poursuite de la procédure en application de l'article L. 314-5 du code des juridictions financières ;
Sur la prescription
Considérant qu'aux termes de l'article L. 314-2 du code des juridictions financières : « la Cour ne peut être saisie après l'expiration d'un délai de cinq années révolues à compter du jour où aura été commis le fait de nature à donner lieu à l'application des sanctions prévues par le présent titre» ;
Considérant que la communication du président de la troisième chambre de la Cour des comptes en date du 11 février 2011 a été enregistrée au ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière le même jour ; que les infractions présumées, postérieures au 11 février 2006, ne sont donc pas couvertes par la prescription de cinq années susmentionnée ;
Sur les faits, leur qualification et l'imputation des responsabilités
1 - Sur les faits
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que des versements ont été effectués au cours des exercices 2006, 2007 et 2008 au profit d'écuyers, palefreniers et soigneurs ainsi que de certains agents administratifs de l'établissement public, afin de leur octroyer un complément de rémunération ; que ces versements étaient réputés indemniser les bénéficiaires lorsque ces derniers participaient à des galas et spectacles de prestige au cours desquels le Cadre Noir se produisait hors les murs de l'Ecole ; que, lorsque les agents de l'ENE participaient à des tournées du Cadre Noir, ils se voyaient attribuer une indemnité journalière pour frais de déplacement, calculée en fonction du nombre de jours nécessaires à l'accomplissement de la tournée multiplié par un forfait journalier qui, en 2007, était fixé à 91,47 euros et a peu augmenté au cours des exercices suivants ;
Considérant que les galas du Cadre Noir, organisés hors les murs de l'Ecole, ont donné lieu à la conclusion d'accords avec les producteurs qui, dans la presque totalité des cas, stipulaient la prise en charge, par ces derniers, des frais d'hébergement et de transport des écuyers et des agents de l'Ecole ; qu'ainsi, sur vingt conventions conclues à compter de février 2006, dix-sept ont prévu la prise en charge par le producteur des frais relatifs à l'hébergement ou aux transports, ainsi que « tous autres frais liés à la production des présentations du Cadre Noir » ; que, parmi les trois autres conventions concernées, celle passée avec les Haras Nationaux pour une tournée organisée en Bourgogne en septembre 2007, stipulait la prise en charge de « tous autres frais liés à la production des présentations », et celles conclues respectivement avec les régions des Pays-de-la- Loire, en février 2006, et de Nord-Pas-de-Calais, en 2007, n'évoquent pas avec précision une telle prise en charge, mais le paiement d'une somme forfaitaire au bénéfice de l'ENE ;
Considérant, à titre d'exemple, que le gala organisé à Paris au Palais omnisports de Bercy, du 21 au 25 novembre 2007, a nécessité le déplacement de 37 personnes hors de Saumur, du 19 au 26 novembre 2007, correspondant environ à huit forfaits journaliers ; qu'au titre de cette manifestation, les versements effectués par l'Ecole ont correspondu à une dépense supérieure à 25 000 euros, alors que la convention passée avec la société productrice stipulait la prise en charge par le producteur de tous les frais supportés par les agents à cette occasion ;
Considérant que les paiements auxquels l'Ecole a procédé au profit des agents ont été versés en deux parts ; qu'en premier lieu des versements ont été faits au profit des intéressés à l'occasion de chaque gala, mais n'étaient pas dus dès lors que les frais de mission étaient déjà pris en charge par les producteurs des spectacles ; qu'en second lieu, d'autres « frais » ont été payés aux intéressés, au titre de déplacements et de missions jamais réalisés, ou dont la réalité n'est pas établie, telles que des « achats de chevaux » ou des « préparations techniques » ;
Considérant, au vu des tableaux établis par l'Ecole, que le montant total des sommes payées aux agents dans le cadre de ce dispositif était de l'ordre de 84 000 euros en 2006, 107 000 euros en 2007 et 58 000 euros en 2008 ;
Considérant ainsi que, pour accroître la rémunération globale des agents et les indemniser des sujétions afférentes à leur participation aux galas hors les murs, le dispositif reposait sur le remboursement de frais correspondant à des missions qui étaient soit indemnisées par ailleurs en tout ou partie, soit d'une réalité non établie ;
Considérant que, conformément aux dispositions du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique et aux instructions budgétaires et comptables en vigueur, chaque paiement est précédé d'un mandatement signé, sur délégation de l'ordonnateur, par la secrétaire générale de l'ENE, accompagné d'un ordre de mission et d'un état qui détaille, suivant les cas, le nombre de repas (indemnisés selon le forfait réglementaire), de nuitées, les indemnités kilométriques, ainsi que, très exceptionnellement, des frais remboursables sur justifications spéciales ;
Considérant qu'en novembre 2009, l'agent comptable de l'ENE a décidé de suspendre le paiement des frais de mission relatifs aux deux galas de Paris-Bercy et de Rennes, en se fondant sur les informations rapportées par une note de service du 29 octobre 2009, d'où il ressortait que tous les frais d'hébergement et de repas étaient pris en charge par le producteur du spectacle équestre ;
Considérant que le directeur de l'Ecole, M. Y... a requis le paiement des sommes en question, par ordres de réquisition des 16 novembre et 11 décembre 2009 ; que des vacations, versées après suspension de paiement et sur réquisition du comptable, ont ainsi été versées après 2010 aux agents de l'Institut français du cheval et de l'équitation ayant participé aux galas susmentionnés ;
Considérant que M. X..., prédécesseur de M. Y... à la tête de l'ENE, a indiqué au cours de l'instruction n'avoir découvert qu'il profitait lui aussi du dispositif qu'à la réception des observations de la Cour des comptes ; qu'il a procédé au remboursement de la somme de 3 909,46 euros correspondant au décompte des sommes indument perçues ;
2 – Sur la qualification et les responsabilités
Considérant qu'en application de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières « Toute personne visée à l'article L. 312-1 qui, en dehors des cas prévus aux articles précédents, aura enfreint les règles relatives à l'exécution des recettes et des dépenses de l'État ou des collectivités, établissements et organismes mentionnés à ce même article ou à la gestion des biens leur appartenant ou qui, chargée de la tutelle desdites collectivités, desdits établissements ou organismes, aura donné son approbation aux décisions incriminées sera passible de l'amende prévue à l'article L. 313-1 » ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 313-6 du code des juridictions financières que « Toute personne visée à l'article L. 312-1 qui, dans l'exercice de ses fonctions ou attributions, aura, en méconnaissance de ses obligations, procuré à autrui un avantage injustifié, pécuniaire ou en nature, entraînant un préjudice pour le Trésor, la collectivité ou l'organisme intéressé, ou aura tenté de procurer un tel avantage sera passible d'une amende dont le minimum ne pourra être inférieur à 300 euros et dont le maximum pourra atteindre le double du montant du traitement ou salaire brut annuel qui lui était alloué à la date de l'infraction » ;
Considérant que les écuyers et les palefreniers-soigneurs ont majoritairement bénéficié du dispositif susmentionné mis en place au sein de l'Ecole nationale d'équitation ;
Considérant qu'il ressort de l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable aux agents des établissements publics à caractère administratif, que les primes et indemnités doivent être instituées par un texte législatif ou réglementaire ;
Considérant que les décrets susvisés du 14 janvier 2002 et du 1er octobre 2004 régissant le régime indemnitaire des agents de l'Ecole nationale d'équitation ne prévoient pas la possibilité d'attribuer à ces derniers d'autres primes que, selon les catégories d'emploi, l'indemnité de sujétions spéciales ou la prime de participation à la recherche scientifique ;
Considérant que le versement de l'indemnité de sujétions spéciales ou de la prime de participation à la recherche scientifique est exclusif de toute autre indemnité horaire ou forfaitaire pour travaux supplémentaires, de quelque nature que ce soit ;
Considérant ainsi que les opérations ci-dessus décrites contreviennent aux dispositions réglementaires qui régissent le régime indemnitaire des agents concernés de l'ENE ;
Considérant par ailleurs que les conditions et les modalités de prise en charge des frais exposés par les agents des établissements publics à caractère administratif de l'Etat à l'occasion des missions auxquelles ils participent, sont fixées par le décret n° 90-437 du 28 mai 1990, puis à compter du 1er novembre 2006, par le décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 ; que les fonctionnaires et agents peuvent ainsi « prétendre à la prise en charge de ses frais de transport » ainsi qu'au « remboursement forfaitaire » des frais supplémentaires de repas et d'hébergement, sous réserve depuis le 1er novembre 2006 de la « justification de la durée réelle du déplacement et de l'effectivité de la dépense auprès de l'ordonnateur » ; que la réglementation applicable aux frais de déplacement à l'étranger obéit aux mêmes principes mais autorise le remboursement de frais divers sous réserve de justifications ;
Considérant que les frais de mission payés aux écuyers, palefreniers-soigneurs, agents administratifs et techniques de l'Ecole entre 2006 et 2010 à l'occasion des galas à l'extérieur, l'ont été en violation des dispositions ci-dessus rappelées ; que leur objet réel n'était pas de prendre en charge les frais, exposés à l'occasion d'une mission par les agents, mais de leur attribuer un complément de rémunération non institué par les textes ;
Considérant que le fait de procéder au remboursement de missions dont la réalité n'est pas établie, ou de frais qui n'avaient pas été exposés en vue de verser une indemnité non instituée par un texte législatif ou réglementaire constitue une infraction aux règles d'engagement et d'exécution des dépenses de l'Etat sanctionnée par l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;
Considérant que M. X..., qui a exercé les fonctions de directeur de l'Ecole nationale d'équitation jusqu'au 1er septembre 2008, avait la responsabilité de la gestion de l'établissement public dont il était l'ordonnateur des dépenses ; que M. X... a déclaré « je savais l'existence de ces missions dont certaines étaient fictives et d'autres déjà indemnisées, dont l'élaboration expliquait que les états de frais de déplacement étaient renseignés, en fin d'exercice par la secrétaire générale », précisant par ailleurs « n'avoir jamais administré ce ‘dispositif' » ni su « comment les ‘parts' étaient configurées et établies » ; qu'il a eu connaissance de ce dispositif qui ne lui a pas paru « irrégulier par principe » en février 2006, soit quelques mois après son entrée en fonction ;
Considérant que M. Y..., qui a succédé à M. X..., après un bref intérim de B..., a exercé les fonctions de directeur de l'Ecole nationale d'équitation à partir du 1er décembre 2008, jusqu'à la création de l'Institut français du cheval et de l'équitation ; qu'il avait à ce titre la responsabilité de la gestion de l'établissement public dont il était l'ordonnateur des dépenses ; que M. Y... a déclaré avoir été informé de l'irrégularité du dispositif irrégulier de remboursement de frais indus ou fictifs, dans un délai inférieur à deux mois après son entrée en fonction, lorsqu'a été « soumis à (sa) signature un état de frais de déplacement sur lequel figurait entre autres noms le (sien) avec ‘des nuitées et du kilométrage'», alors qu'il s'était rendu à Bruxelles avec son véhicule de service et qu'il était l'invité du producteur pour la durée du gala ;
Considérant que Mme Z... a exercé les fonctions de secrétaire générale de l'Ecole nationale d'équitation depuis 1997, jusqu'à la création de l'Institut français du cheval et de l'équitation ; qu'à ce titre elle disposait d'une délégation de signature, qui lui a été renouvelée par les différents directeurs de l'ENE ;
Considérant que Mme Z... a reconnu que le dispositif irrégulier était connu d'elle-même « et de toute la chaîne hiérarchique au sein de l'établissement » ; qu'elle déclare avoir été consciente de l'irrégularité, mais qu'elle n'avait pas la possibilité d'y mettre un terme ;
Considérant que Mme Z..., n'a produit aucun document de nature à prouver qu'elle a cherché à y mettre fin ou même à le réformer ;
Considérant ainsi que la responsabilité de M. X... et M. Y..., directeurs successifs de l'Ecole nationale d'équitation, ainsi que de Mme Z..., secrétaire générale de l'établissement est engagée sur le fondement de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;
Considérant, par ailleurs, que le paiement de frais de mission, qui n'étaient pas dus, en vue d'octroyer aux intéressés une indemnité prohibée par les textes statutaires les concernant constitue un avantage injustifié ; que les versements dont il s'agit, évalués à 84 000 euros en 2006, 107 000 euros en 2007 et 58 000 euros en 2008 constituent un préjudice financier pour la caisse de l'établissement public ;
Considérant que les personnes renvoyées devant la Cour ne contestent pas qu'elles ont toléré et poursuivi le mandatement de frais de mission indus ou fictifs au bénéfice des agents concernés de l'ENE, entre 2006 et 2010 ;
Considérant ainsi que l'infraction sanctionnée par l'article L. 313-6 du CJF est constituée et doit être imputée à MM. X... et Y..., ainsi qu'à Mme Z... ;
Sur les circonstances
Considérant que les personnes renvoyées devant la Cour, sans contester la matérialité et l'irrégularité des faits, exposent certaines circonstances susceptibles d'atténuer leur responsabilité ;
Considérant ainsi que le climat social difficile qui a prévalu au sein de l'établissement et qui était de nature à obérer la continuité du service public, doit être pris en considération ; que dans un tel contexte, la remise en cause d'un système ancien de rémunérations irrégulières, quoique nécessaire, pouvait entraîner de réelles difficultés ;
Considérant que la responsabilité de M. X... est aggravée du fait qu'il a personnellement perçu, fut-ce de façon temporaire, des frais de missions irréguliers ; qu'il bénéficie cependant de circonstances atténuantes pour avoir alerté par écrit les autorités de tutelle, et sollicité ainsi qu'il soit mis fin aux irrégularités ;
Considérant par ailleurs que les autorités de tutelle, pourtant informées par M. X..., sont demeurées passives et n'ont pas contribué à mettre un terme auxdites irrégularités ; que cette inertie est de nature à atténuer la responsabilité des personnes renvoyées devant la Cour ;
Considérant enfin que, selon les déclarations de M. X... à l'audience, Mme Z... a attiré son attention sur les irrégularités ; que, de plus, la position subordonnée de Mme Z... au sein de l'équipe de direction de l'établissement est de nature à atténuer sa propre responsabilité ;
Sur l'amende
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des irrégularités commises et des circonstances de l'espèce en infligeant à MM. X... et Y... une amende de 800€, à Mme Z... une amende de 300 € ;
Sur la publication au Journal officiel de la République française
Considérant qu'il y a lieu, au vu des circonstances de l'espèce, de publier le présent arrêt au Journal officiel de la République française en application de l'article L. 314-20 du code des juridictions financières ; que cette publication ne doit pas mentionner les noms des intéressés ;
ARRÊTE :
Article 1er : M. X... est condamné à une amende de 800 € (huit cents euros) ;
Article 2 : M. Y... est condamné à une amende de 800 € (huit cents euros) ;
Article 3 : Mme Z... est condamnée à une amende de 300 € (trois cents euros) ;
Article 4 : Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française en la forme anonyme.
Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, seconde section, le 30 novembre deux mil douze par M. Toutée, président de section au conseil d'Etat, président ; M. Prieur, conseiller d'État ; Mme Vergnet et M. Geoffroy, conseillers maîtres à la Cour des comptes.
Lu en séance publique le dix-huit décembre deux mille douze.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le vice-président de la Cour et la greffière.
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d'y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu'ils en seront légalement requis.
Le président,
Henri
TOUTEE
La
greffière,
Isabelle REYT