Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée, tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu le déféré du Ministre de la Santé et de la Sécurité sociale en date du 26 mars 1980, enregistré le 27 mars au Parquet de la Cour de discipline budgétaire et financière, ensemble le rapport de l'inspection générale des affaires sociales présenté par M. PORTONNIER établi en novembre 1979 ;
Vu le réquisitoire du Procureur Général de la République en date du 5 mai 1980, transmettant le dossier à la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière, en date du 29 septembre 1980, désignant M. FOURRE, maître des requêtes au Conseil d'Etat, comme rapporteur ;
Vu les lettres recommandées avec accusé de réception adressées les 8 janvier 1981 et 19 juin 1981 à M. le docteur Etienne DUBOST et à M. Jacques DORSTTER, les informant de l'ouverture de l'instruction et les avisant qu'ils étaient autorisés à se faire assister soit par un mandataire, soit par un avocat ou un avoué, soit par un avocat au conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
Vu l'avis émis le 12 novembre 1982 par le Ministre de la Santé ;
Vu l'avis émis le 21 septembre 1983 par le Secrétaire d'Etat chargé du budget ;
Vu les conclusions du Procureur Général de la République en date du 28 octobre 1983 renvoyant M. le docteur DUBOST et M. DORSTTER devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu les mémoires en défense présentés par M. le docteur DUBOST et par M. DORSTTER ;
Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier ;
Entendu M. FOURRE, Conseiller d'Etat, en son rapport ;
Entendu M. le Procureur Général de la République en ses conclusions et réquisitions ;
Entendu en leurs observations M. le docteur DUBOST et M. DORSTTER, les intéressés ayant eu la parole les derniers ;
Considérant que le docteur DUBOST, chef du service d'électroradiologie du centre hospitalier de Chambéry et soumis aux dispositions du statut de praticien à plein temps des établissements hospitaliers publics, est un agent de l'Etat placé sous l'autorité du ministre de la Santé ; qu'il est donc, en application de l'article 1er de la loi du 25 septembre 1948 modifiée, justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière ; qu'il en est de même de M. DORSTTER, directeur dudit centre hospitalier ;Considérant que les dispositions de l'article 9 du décret 61-946 du 24 août 1961, dans sa rédaction du décret 70-198 du 11 mars 1970, ouvrent aux électroradiologistes, chefs de service, adjoints et assistants des hôpitaux non universitaires, la possibilité soit de procéder à des actes ou examens médicaux au bénéfice de malades admis à l'hôpital à titre privé ou faisant l'objet à l'hôpital d'une consultation privée ou qui leur seraient adressés personnellement, soit "de recevoir à l'hôpital, en consultation privée, pour diagnostic ou traitement ambulatoire, des malades personnels pendant deux séances par semaine" ; que, dans le premier cas, les honoraires correspondants sont perçus par l'hôpital, et, dans le second cas, sont versés directement aux praticiens par les malades ; que ces dispositions ont été reprises par les articles 63 et 64 du décret 78-257 du 8 mars 1978 ;
Considérant que, conformément aux dispositions des textes réglementaires susmentionnés, le docteur DUBOST, chef du service d'électroradiologie de l'hôpital de Chambéry, avait fait connaître au directeur de cet établissement, par lettre du 19 décembre 1972, qu'il optait pour la seconde formule ; que, de ce fait, il était débiteur envers l'hôpital, aux termes des dispositions, tant de l'article 10 du décret 61-946 du 24 août 1961 dans sa rédaction du décret du 11 mars 1970 que de l'article 65 du décret 78-257 du 8 mars 1978, du "versement forfaitaire dû par des personnels intéressés à raison des services rendus par l'hôpital à l'occasion des activités" privées autorisées ; qu'aux termes de ces mêmes textes il était "tenu de fournir à l'administration tous les renseignements nécessaires au calcul des versements prévus" ;
En ce qui concerne le docteur DUBOST :
Considérant que le docteur DUBOST a, au cours des années 1975 à 1978 incluse, fait à l'administration du centre hospitalier des déclarations fortement minorées pour la détermination de l'assiette du prélèvement hospitalier qu'il reversait ; qu'il aurait, selon ses propres affirmations, déposé les sommes réellement dues par lui à un compte de fonds qu'il s'était fait ouvrir à cet effet dans l'attente d'une éventuelle demande de reversement ; que d'autre part, au titre de ce même prélèvement, il a opéré, dans ses déclarations fiscales des mêmes années, une déduction globale de 695 744,85 francs de ses revenus imposables ; que le préjudice causé au centre hospitalier correspond à cette somme, sous la double réserve d'une part du prélèvement afférent aux actes antérieurs au 27 mars 1975, d'autre part de la réduction d'environ 225 000 francs due à l'application erronée, dans le calcul initial, du tarif réel des honoraires à la place du tarif hospitalier ; que les pratiques suivies par le docteur DUBOST tombent sous le coup de l'article 5 de la loi susvisée du 25 septembre 1948 ;
Considérant, en premier lieu, que le docteur DUBOST ne peut utilement invoquer la circonstance que six autres praticiens du même centre hospitalier ont également irrégulièrement minoré leurs versements, pour des montants d'ailleurs bien moindres, non plus que la faiblesse relative de son activité privée de consultation par rapport à l'activité globale de son service ; qu'il ne saurait davantage arguer de sa méconnaissance des textes susanalysés, alors qu'il avait, à l'hôpital où il pratiquait antérieurement, opté pour le régime du versement à la caisse de l'hôpital des honoraires dus par sa clientèle privée, avec reversement par l'hôpital sous déduction par celui-ci du prélèvement hospitalier et des frais forfaitaires de recouvrement réglementaires ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le docteur DUBOST a commis les irrégularités susanalysées en toute connaissance de cause ; que, malgré les pénalités fiscales qui lui ont été appliquées il ne peut échapper à l'amende prévue à l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
En ce qui concerne M. DORSTTER :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. DORSTTER, directeur du centre hospitalier, au cours de la période en cause, n'a ni instauré une procédure de recouvrement du prélèvement hospitalier applicable dans l'établissement qu'il dirigeait, ni mis en place des moyens de contrôle des déclarations des praticiens, ni procédé au recouvrement régulier des créances de l'établissement ; qu'il a procédé par accord individuel avec les praticiens pour obtenir les renseignements nécessaires ;
Considérant toutefois qu'il lui était difficile d'instaurer sur l'activité des médecins hospitaliers un contrôle qui, à l'époque des faits, ne pouvait présenter qu'un caractère inquisitorial, en raison du refus des organismes de sécurité sociale de communiquer les renseignements en leur possession ; que même une vérification administrative interne à l'établissement n'aurait appréhendé que le nombre d'actes et non l'application de la nomenclature ; qu'enfin le risque des pratiques en cause ne pouvait échapper aux autorités ministérielles de tutelle ; que cependant, celles-ci n'ont émis, au cours de la période en cause, aucune directive générale pour l'application des dispositions susanalysées des décrets des 24 août 1961 et 8 mars 1978 ;
Considérant qu'ainsi M. DORSTTER peut se prévaloir de larges circonstances atténuantes ; mais que celles-ci ne sauraient suffire à dégager entièrement sa responsabilité, qu'il y a lieu de reconnaître en lui infligeant une amende de principe ;
Considérant qu'il sera fait une exacte appréciation de l'ensemble des circonstances de l'affaire en infligeant au docteur DUBOST une amende de 40000 francs et à M. DORSTTER une amende de 500 francs ;
ARRETE :
Article 1er - M. le docteur Etienne DUBOST est condamné à une amende de quarante mille francs (40 000 francs).
Article 2 - M. Jacques DORSTTER est condamné à une amende de cinq cents francs (500 francs).
Article 3 - Le présent arrêt sera publié au Journal Officiel de la République française.