REPUBLIQUE FRANCAISE
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE DISCIPLINE
BUDGETAIRE ET FINANCIERE
Siégeant à la Cour des
comptes en audience publique a rendu l’arrêt suivant :
Vu le code des juridictions financières, notamment le titre Ier du livre III, relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu le code de la construction et de l’habitation ;
Vu l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics ;
Vu le décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 fixant les règles applicables aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs mentionnés à l’article 3 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics ;
Vu le déféré du 28 juillet 2009, enregistré au parquet général le 31 juillet 2009 par lequel le président de la cinquième chambre de la Cour des comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière de diverses irrégularités relevées dans la gestion de plusieurs organismes agréés par le ministre chargé du logement aux fins de collecter la participation des employeurs à l’effort de construction (1% logement) ;
Vu le réquisitoire du 26 mars 2012 par lequel le procureur général a saisi de cette affaire le Premier président de la Cour des comptes, président de la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision du 29 août 2012 par laquelle le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a désigné comme rapporteur M. Eric Thévenon, conseiller référendaire à la Cour des comptes ;
Vu les lettres du 25 février 2013 par lesquelles le procureur général a mis en cause Mme Lucie Artis et Mme Françoise Pionneau, respectivement présidente du conseil d’administration et directrice générale du comité interprofessionnel du logement (CIL) Aliance 1% Logement, ensemble les avis de réception de ces lettres ;
Vu la lettre du 30 août 2013 du président de la Cour de discipline budgétaire et financière transmettant au procureur général le dossier de l’affaire, après dépôt du rapport de M. Thévenon, en application de l’article L. 314-4 du code des juridictions financières ;
Vu la lettre du procureur général en date du 18 septembre 2013 informant le président de la Cour de discipline budgétaire et financière de sa décision, après communication du dossier de l’affaire, de poursuivre la procédure en application de l’article L. 314-4 du code des juridictions financières ;
Vu les lettres du 19 septembre 2013, par lesquelles le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a transmis, pour avis, en application de l’article L. 314-5 du code des juridictions financières, le dossier de l’affaire au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et à la ministre de l’égalité des territoires et du logement, ensemble les avis de réception de ces lettres ;
Vu la lettre du 23 octobre 2013 par laquelle le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a transmis au procureur général le dossier de l’affaire, conformément à l’article L. 314-6 du code des juridictions financières ;
Vu l’avis du 30 octobre 2013 de la ministre de l’égalité des territoires et du logement ;
Vu la décision du procureur général du 20 mars 2014 renvoyant Mmes Artis et Pionneau devant la Cour de discipline budgétaire et financière, conformément à l’article L. 314-6 du code des juridictions financières ;
Vu les lettres recommandées de la greffière de la Cour de discipline budgétaire et financière adressées le 26 mars 2014 à Mmes Artis et Pionneau, les avisant qu’elles pouvaient prendre connaissance du dossier de l’affaire et leur adressant la décision de renvoi et la décision d’inscription au rôle, ensemble les avis de réception de ces lettres ;
Vu les mémoires en défense produits par Me Patrick Baudoin pour Mme Artis, le 3 juin 2014, et par Me Thomas Bidnic pour Mme Pionneau, le 4 juin 2014 ;
Vu les autres pièces du dossier, notamment les procès-verbaux d’audition et le rapport d’instruction de M. Thévenon ;
Entendu le rapporteur, M. Thévenon, résumant son rapport écrit, en application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;
Entendu le représentant du ministère public, résumant la décision de renvoi, en application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;
Entendu le procureur général en ses conclusions, en application de l’article L. 314-12 du code des juridictions financières ;
Entendu en leurs plaidoiries, Maîtres Baudoin et Bidnic, respectivement pour Mme Artis et pour Mme Pionneau, Mesdames Artis et Pionneau ayant été invitées à présenter leurs explications et observations, la défense ayant eu la parole en dernier ;
Sur la compétence de la Cour
Considérant que le CIL Aliance 1% Logement est une association à caractère interprofessionnel agréée par l’État pour collecter la participation des employeurs à l’effort de construction, conformément aux dispositions des articles L. 313-1 et R. 313-22 du code de la construction et de l’habitation ;
Considérant que le CIL Aliance 1% Logement est un organisme habilité à percevoir des cotisations obligatoires soumis au contrôle de la Cour des comptes, conformément aux dispositions de l’article L. 111-7 du code des juridictions financières ;
Considérant que les représentants, administrateurs ou agents des organismes soumis au contrôle de la Cour des comptes sont justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière, conformément aux dispositions du I-c) de l’article L. 312-1 du code des juridictions financières ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mmes Artis et Pionneau sont justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Sur l’absence d’avis du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
Considérant que l’absence de réponse du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie à la demande d’avis formulée le 19 septembre 2013 ne fait pas obstacle à la poursuite de la procédure en application de l’article L. 314-5 du code des juridictions financières ;
Sur la prescription
Considérant que, conformément aux dispositions de l’article L. 314-2 du code des juridictions financières, la Cour de discipline budgétaire et financière ne peut être saisie après l’expiration d’un délai de cinq années révolues à compter du jour où aura été commis le fait de nature à donner lieu à l’application des sanctions prévues par le titre premier du code des juridictions financières ;
Considérant que le déféré du président de la cinquième chambre a été enregistré au parquet de la Cour de discipline budgétaire et financière le 31 juillet 2009, qu’en conséquence les irrégularités commises postérieurement au 31 juillet 2004 ne sont pas couvertes par la prescription de cinq années susmentionnée ;
Sur l’octroi d’un prêt du CIL Aliance 1% Logement à Mme Pionneau
Considérant que la décision de renvoi du procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, en date du 20 mars 2014 comportait des poursuites relatives à l’octroi par le CIL Aliance de prêts au bénéfice de Mme Pionneau ; qu’au cours de l’audience, le procureur général a abandonné ces poursuites dont la Cour de discipline budgétaire et financière n’est, de ce fait, plus saisie ;
Sur le paiement de prestations au cabinet Diagnostic Liaison Analyse (DLA)
Considérant que, de 2001 à 2006, Mmes Artis ou Pionneau selon les cas, ont confié au cabinet DLA, société d’expertise comptable et de commissariat aux comptes, une vingtaine de missions pour un montant évalué à 3 258 619 € TTC ; que ces missions portaient notamment sur l’assistance personnelle à la présidente de l’association, sur l’assistance au contrôle fiscal du CIL Aliance, sur la conception d’un nouveau système d’information et de gestion au sein du CIL, sur la mise en place de nouvelles règles comptables et sur l’arrêté des comptes des filiales du CIL ;
Considérant que la décision de renvoi ne vise que des commandes passées et des factures réglées au cabinet DLA à partir du 1er septembre 2005, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, pour un montant total de 184 782 € TTC, correspondant d’une part à une mission de mise en œuvre des nouvelles dispositions comptables pour un montant de 141 128 € TTC et d’autre part, à une mission d’arrêté des comptes pour 43 654 € TTC ;
Considérant que le décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 fixant les règles applicables aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs mentionnés à l’article 3 de l’ordonnance du 6 juin 2005 précise en son article 7 les seuils et les procédures formalisées applicables aux marchés et aux accords-cadres ; que pendant la période comprise entre le 31 décembre 2005 et le 1er janvier 2008, le seuil au-dessus duquel un marché ou un accord-cadre devait donner lieu à une procédure formalisée était de 210 000 € HT, soit de 251 160 € TTC (au taux normal de 19,6 %) pour les marchés de fournitures et de services ;
Considérant que l’article 10 du même décret dispose qu’en dessous des seuils fixés à l’article 7, les marchés sont passés selon des modalités librement définies par le pouvoir adjudicateur ; qu’il en va de même pour les marchés de services qui relèvent de l’article 9 du décret ;
Considérant que la décision de renvoi du ministère public se borne à relever qu’aucune des commandes de prestations au cabinet DLA d’octobre 2005 à mars 2006 par la présidence du CIL Aliance n’ayant été précédée d’une procédure de publicité ou de mise concurrence, les obligations résultant des dispositions mentionnées ci-dessus de l’ordonnance du 6 juin 2005 ont été méconnues ;
Considérant, par ailleurs, que le montant des sommes en cause (184 782 € TTC) est relativement faible par rapport aux montants payés au cabinet DLA pendant la période comprise entre 2001 et 2006 (3 258 619 €) ; que les prestations en cause s’inscrivaient dans la continuité de missions engagées avant le 1er septembre 2005 ;
Considérant, en outre, que la période au cours de laquelle les prestations en cause ont été commandées et payées (du 1er septembre 2005 au 5 juillet 2006) se situe au début de la période d’application de l’ordonnance du 6 juin 2005 (1er septembre 2005) et du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 (31 décembre 2005) et que ce n’est que le 29 mai 2009 que l’Agence nationale pour la participation des employeurs à l’effort de construction (ANPEEC), organisme de contrôle auquel est soumis le CIL Aliance, a fait connaître son analyse sur l’ordonnance du 6 juin 2005 et le décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 par une lettre circulaire de son directeur général aux présidents des CIL ;
Considérant qu’eu égard aux circonstances particulières de l’affaire, il n’y a pas lieu de mettre en cause la responsabilité de Mme Artis ni celle de Mme Pionneau ;
ARRETE :
Article 1er : Mme Lucie ARTIS et Mme Françoise PIONNEAU sont relaxées des fins de la poursuite.
Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, seconde section, le 27 juin deux mille quatorze par M. Toutée, président de la section des finances du Conseil d’État, président ; M. Ménémémis, conseiller d’État ; M. Duchadeuil, conseiller maître à la Cour des comptes ; M. Prieur, conseiller d'État ; M. Geoffroy, conseiller maître à la Cour des comptes.
Lu en séance publique le 18 juillet deux mille quatorze.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président de la Cour et la greffière.
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Le président,
Henri
TOUTÉE
La
greffière,
Isabelle REYT