LA COUR,

Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités, et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision du 31 octobre 1978, enregistrée au Parquet le même jour, par laquelle la Cour des comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités constatées dans la gestion du service géologique d'Alsace et de Lorraine, organisme dépendant du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), et nommément déféré M Louis SIMLER, ancien chef du service géologique d'Alsace et de Lorraine ;

Vu le réquisitoire du Procureur général de la République en date du 4 décembre 1978 transmettant le dossier à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 23 avril 1985 désignant comme rapporteur M. CAPDEBOSCQ, conseiller référendaire à la Cour des comptes, en remplacement de M. CHEVAGNY, conseiller maître, admis par limite d'âge à faire valoir ses droits à la retraite, initialement chargé de l'instruction par décision du 13 décembre 1978 ;

Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées par le procureur général de la République le 22 décembre 1978 à MM. Louis SIMLER et Jacques VALENTIN et le 9 mars 1979 à M José CAMIO, les informant de l'ouverture d'une instruction et les avisant qu'ils étaient autorisés à se faire assister soit par un mandataire dûment autorisé, soit par un avocat ou un avoué, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;

Vu les avis émis le 9 décembre 1982 par le directeur général du Bureau de recherches géologiques et minières, le 13 septembre 1982 par le ministre d'Etat, ministre de la Recherche et de l'Industrie, et le 12 novembre 1982 par le ministre délégué chargé du Budget ;

Vu les conclusions du procureur général de la République, en date du 31 décembre 1982, renvoyant MM. SIMLER, VALENTIN et CAMIO devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu les lettres du 13 septembre 1984 du directeur général du BRGM et du 18 décembre 1984 du président de l'Université Louis Pasteur - Strasbourg I indiquant qu'il n'y avait pas lieu de procéder à communication du dossier à une commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire ;

Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées par le président de la Cour de discipline budgétaire et financière, le 16 janvier 1985, à MM. SIMLER, VALENTIN et CAMIO, les avisant qu'ils pouvaient, dans un délai de quinze jours, prendre connaissance du dossier de l'affaire, soit par eux-mêmes, soit par mandataire, soit par le ministère d'un avocat, d'un avoué ou d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;

Vu les mémoires en défense présentés le 4 mars 1985 par M. SIMLER, le 28 février 1985 par M. VALENTIN et le 4 mars 1985 par M. CAMIO, ainsi que les pièces annexées aux mémoires de MM. SIMLER et CAMIO ;

Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées le 26 avril 1985 par le procureur général de la République à MM. SIMLER, VALENTIN et CAMIO et invitant ceux-ci à comparaître ;

Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier et notamment les procès-verbaux d'interrogatoire ;

Ouï M. CAPDEBOSCQ en son rapport ;


Ouï le Procureur général de la République en ses conclusions ;

Ouï en leurs explications MM. SIMLER, VALENTIN et CAMIO ;

Ouï le Procureur général de la République en ses réquisitions ;

Ouï en leurs observations MM. SIMLER, VALENTIN ET CAMIO, les intéressés ayant eu la parole les derniers ;

Considérant qu'à l'époque des faits, M. SIMLER, Maître-assistant à l'Université de Strasbourg, détaché auprès du BRGM et chargé des fonctions de chef du service géologique d'Alsace et de Lorraine SGAL, M. VALENTIN, agent contractuel du BRGM, affecté au SGAL où il était adjoint de fait du Chef du SGAL, et M. CAMIO, agent administratif du SGAL, étaient, en leur qualité d'agents d'un organisme soumis au contrôle de la Cour des comptes, justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière, en application de l'article 1er de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

Considérant que par note du 12 novembre 1973, M. SIMLER a décidé que serait accordée à M. AGUIRRE MORALES, directeur des eaux souterraines et superficielles au ministère de l'Agriculture du PEROU, une indemnité de 80 F par jour, pendant la durée de son séjour à Strasbourg ; qu'en application de cette décision, une somme de 45 200 F correspondant à un séjour ininterrompu à Strasbourg du 1er juin 1973 au 17 décembre 1974 a été versée à M. AGUIRRE MORALES : pour 21840 F par virement à son compte bancaire, pour 23 360 F par avances en numéraire consenties par M. CAMIO en sa qualité de régisseur d'avances du SGAL, sur le vu de quatorze états de frais de déplacement et de mission, censés être signés par M. AGUIRRE MORALES, et dont dix ont été certifiés exacts par M. SIMLER, pour les périodes du 1er juin au 31 octobre 1973, et du 1er mars au 17 décembre 1974, tandis que quatre l'étaient par M. VALENTIN, pour la période du 1er novembre 1973 au 28 février 1974 ;

Considérant qu'il a été établi que pour une part importante, les états de frais certifiés exacts étaient mensongers ; qu'en effet M. AGUIRRE MORALES n'a séjourné en France que moins de trois mois, du 6 mai au 25 ou au 26 juillet 1974 ; que d'ailleurs M. SIMLER avait offert à Lima les 28 novembre et 1er décembre 1973 des réceptions en l'honneur de M. AGUIRRE MORALES ; que M CAMIO, qui participait également à la mission de l'automne 1973 à Lima, a établi lui-même les neuf premiers états de frais réglés à M. AGUIRRE MORALES ;

Considérant qu'en sus des indemnités de séjour versées à M. AGUIRRE MORALES, le SGAL a réglé pour le compte de ce dernier et de M. CORNEJO, directeur général des eaux au ministère péruvien de l'Agriculture, ainsi que pour une troisième personne, M MORAN, dont la venue en France n'est pas établie, le coût de billets d'avion Lima-Paris-Strasbourg aller et retour ; que le SGAL a réglé également les dépenses de location d'un appartement à Strasbourg, de location d'un véhicule automobile Peugeot 504, conservé quatre mois supplémentaires par le service, ainsi que des frais d'hôtel, de restaurant et de carburants relatifs notamment à des déplacements à Genève, Nice, Avignon et Paris de MM. AGUIRRE MORALES et CORNEJO, accompagnés de membres de leurs familles, qui avaient utilisé pour venir en France des billets d'avion en classe économique obtenus en échange des billets de première classe achetés par le SGAL, et divers frais accessoires ;

Considérant que les dépenses ainsi exposées par le SGAL, pour un montant de l'ordre de 100 000 F, ne répondaient pour le service à aucune nécessité ou utilité réelles ;

Considérant que M. SIMLER, en engageant les dépenses d'indemnités de mission et de frais de déplacement, outrepassait les pouvoirs qu'il détenait en tant que chef d'un service régional du BRGM, en vertu notamment de la délégation signée le 23 février 1972 par le directeur général de cet établissement qui ne l'autorisait pas à verser des indemnités ; que M. VALENTIN qui a engagé certaines dépenses critiquées, notamment pour frais de déplacement et d'hôtels, n'avait reçu délégation à cet effet ; qu'il en était de même pour M. CAMIO qui a signé l'engagement de location de l'appartement le 6 mai 1974 ; que ces faits tombent sous le coup des dispositions de l'article 4 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

Considérant que l'engagement, la liquidation et le règlement par MM. SIMLER, VALENTIN et CAMIO de frais de séjour, de déplacement et de frais divers au profit de personnes étrangères au BRGM, en méconnaissance des règles de fonctionnement de l'établissement et hors du cadre d'une convention régulièrement conclue, constituent des infractions aux règles d'exécution des dépenses de cet établissement public ; que l'établissement de faux états de frais par M. CAMIO, et de fausses certifications de service fait par MM. SIMLER et VALENTIN, constitue une irrégularité supplémentaire d'une particulière gravité ; que ces actes tombent sous le coup des dispositions de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

Considérant qu'en accordant à M AGUIRRE MORALES une somme de 45 200 F, l'usage pendant trois mois d'un appartement à Strasbourg et d'une voiture de louage, et la prise en charge, qui a bénéficié également à M. CORNEJO et à des membres des familles de MM. AGUIRRE MORALES et CORNEJO, des frais de transport Lima-Strasbourg et retour et d'un voyage en Suisse et dans le sud-est de la France, M. SIMLER et, dans la mesure de leur participation à ces opérations, MM. VALENTIN et CAMIO, ont procuré en méconnaissance de leurs obligations à des tiers des avantages certains, pécuniaires et en nature, qui étaient injustifiés et qui ont entraîné un préjudice pour le BRGM ; que ces agissements sont constitutifs de l'infraction définie par l'article 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

Considérant que le premier responsable des irrégularités en cause, M. SIMLER, en a été l'initiateur et le principal auteur ;

Considérant que les divers arguments allégués pour sa défense par l'intéressé, s'ils tendent à en rejeter au moins partiellement la responsabilité sur des tiers qui les auraient facilités ou avalisés, n'excusent en rien des agissements graves irréguliers et préjudiciables à l'évidence tant au bon fonctionnement qu'au renom d'un organisme public, quels qu'en soient le statut et l'organisation ; que l'opportunité alléguée de développer les activités du SGAL à l'étranger n'impliquait pas les facilités dont ont personnellement bénéficié M. SIMLER et ses proches collaborateurs ;

Considérant que M. VALENTIN, collaborateur et adjoint de M. SIMLER, a participé aux irrégularités et a signé personnellement certains actes d'engagement ; que ses moyens de défense, analogues à ceux de M. SIMLER, ne sont pas davantage fondés ;

Considérant que M CAMIO était sans doute le subordonné de M. SIMLER et de M. VALENTIN et qu'il a fait état d'incitations pressantes de ceux- ci alors qu'il relevait le caractère fallacieux de certaines énonciations portées sur les états de frais ; que néanmoins son rôle n'était pas purement subalterne, et qu'il ne peut exciper d'un ordre écrit donné par son supérieur hiérarchique dans les conditions définies par l'article 8 de la loi du 25 septembre 1948 susvisée ;

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des circonstances de l'affaire en condamnant M SIMLER à une amende de 20 000 F, M. VALENTIN à une amende de 5000 F, et M CAMIO à une amende de 500 F ;

ARRETE :

Article 1er - M. Louis SIMLER, ancien chef du service géologique d'Alsace et de Lorraine, est condamné à une amende de vingt mille francs.

Article 2 - M. Jacques VALENTIN, agent contractuel du Bureau de recherches géologiques et minières, ancien adjoint de fait du chef du service géologique d'Alsace et de Lorraine, est condamné à une amende de 5 000 F.

Article 3 - M. José CAMIO, agent contractuel du BRGM, ancien agent administratif et régisseur d'avances du service géologique d'Alsace et de Lorraine, est condamné à une amende de 500 F.

Article 4 - Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française.