LA COUR,

Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée, tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision du 12 avril 1991, enregistrée au Parquet le 15 avril 1991, par laquelle la Cour des comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière des irrégularités commises dans la gestion de l'Institut d'Etudes politiques de Bordeaux, au cours des exercices 1986 et 1987 ;

Vu le réquisitoire du Procureur général de la République en date du 7 mai 1991, par lequel le Procureur général de la République a transmis le dossier à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 15 mai 1991 désignant comme rapporteur Mme Ratte, conseiller référendaire à la Cour des comptes ;

Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée par le Procureur général de la République le 24 septembre 1991 à M. Sadran, l'informant de l'ouverture d'une instruction et l'avisant qu'il était autorisé à se faire assister soit par un mandataire, soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation;

Vu le rapport déposé par Mme Ratte le 25 mai 1992 ;

Vu l'avis formulé le 4 novembre 1992 par le ministre d'Etat, Ministre de l'Education nationale et de la culture ;

Vu la décision du Procureur général de la République en date du 17 novembre 1992 renvoyant M. Sadran, directeur de l'Institut d'études politiques de Bordeaux, devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la lettre recommandée adressée le 12 janvier 1993 par le Président de la Cour de discipline budgétaire et financière à M. Sadran, l'avisant qu'il pouvait, dans le délai de quinze jours, prendre connaissance du dossier de l'affaire, soit par lui-même, soit par un mandataire, soit par le ministère d'un avocat ou d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;

Vu le mémoire en défense de M. Sadran, enregistré au greffe le 19 février 1993 ;

Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée le 11 mai 1993 par le Procureur général de la République à M. Sadran, le citant à comparaître devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision du président de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 4 juin 1993, par laquelle Mme Fradin, conseiller référendaire à la Cour des comptes, a été nommée rapporteur en remplacement de Mme Ratte ;

Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier et notamment les procès-verbaux d'audition de M. Sadran et, en tant que témoins, de M. Croizier, maître de conférences à l'Institut d'études politiques et M. Simoens, agent comptable de cet établissement ;

Entendu Mme Fradin en son rapport ;

Entendu le Procureur général de la République en ses conclusions ;

Entendu M. Sadran en ses explications ;

Entendu le Procureur général de la République en ses réquisitions ;

Entendu M. Sadran en ses observations, l'intéressé ayant eu la parole le dernier ;

Sur les irrégularités

Considérant que, par mandats des 2 juillet et 30 septembre 1986, 24 février, 9 et 10 juillet 1987, Madame Lopez, secrétaire d'administration scolaire et universitaire, a perçu la somme totale de 46 405,80 F, destinée à rémunérer ses activités d'enseignante vacataire, exercées en qualité de personnalité extérieure salariée, en application des dispositions de l'article 2 du décret n° 82-862 du 6 octobre 1982 relatif aux conditions de recrutement, d'emploi et de rémunération des vacataires et des assistants non titulaires ;

Considérant que les sommes versées à Mme Lopez représentaient en réalité la rémunération d'heures d'enseignement effectuées par M. Croizier ; que les paiements ont été effectués à Mme Lopez parce que M. Croizier, contrairement à cette dernière, ne remplissait pas les conditions réglementaires pour être recruté sur la base des dispositions du décret du 6 octobre 1982 précité ou sur celles du décret n° 85-1082 du 11 octobre 1985, soit en tant qu'assistant, soit en qualité d'enseignant vacataire ou d'allocataire d'enseignement supérieur ;

Considérant que ces faits, qui ont été reconnus par M. Sadran, directeur de l'établissement, se sont prolongés jusqu'en 1987, année au cours de laquelle M. Croizier, compte tenu de ses activités extérieures salariées, a pu être rémunéré régulièrement sur la base du décret précité du 6 octobre 1982 ;

Considérant en outre que les décisions de recrutement de M. Croizier ont été établies, non aux dates qui y sont portées, mais au moment de la transmission au comptable des mandats et des pièces justificatives ;

Considérant en conséquence que ces décisions, aussi bien que les états de liquidation, de paiement, et les mandats, qui ont tous été signés par M. Sadran, comportent de fausses indications qui ont eu pour objet et pour effet de permettre, sous la couverture d'un bénéficiaire apparent, le paiement de rémunérations à une personne qui n'avait pas le droit de les percevoir ;

Sur les responsabilités

Considérant que le directeur de l'établissement, chargé en tant qu'ordonnateur d'engager, de liquider et d'ordonnancer les dépenses, a enfreint les règles applicables aux dépenses publiques ; que les irrégularités ainsi commises tombent sous le coup des dispositions de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 susvisée ;

Considérant que les faits incriminés, qui se sont produits postérieurement au 15 avril 1986, ne sont pas couverts par la prescription de cinq ans instituée par l'article 30 de la loi du 25 septembre 1948 ;

Considérant que M. Sadran, professeur agrégé des facultés de droit, ne pouvait ignorer la nature et la gravité des irrégularités qu'il commettait ;

Considérant toutefois que M. Sadran, élu administrateur provisoire de l'Institut d'études politiques le 20 juin 1985, puis nommé directeur de l'établissement, n'a pas été à l'origine des irrégularités commises pour rémunérer M. Croizier, qui avait été irrégulièrement recruté depuis octobre 1984 ; qu'il lui était difficile de mettre fin à la situation ainsi créée sans perturber sérieusement l'enseignement dispensé par l'Institut, du fait des difficultés de l'établissement à pourvoir au remplacement d'un enseignant de science politique ;

Considérant que, compte tenu de ces éléments très particuliers, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en condamnant M. Sadran à une amende de 2 500 F.

ARRETE :

Article 1er : M. SADRAN est condamné à une amende de deux mille cinq cent francs (2 500 F).

Article 2 : La présente décision sera publiée au journal officiel de la République française, le nom de l'établissement et celui des personnes citées étant remplacés par des initiales.

Fait et jugé en la Cour de discipline budgétaire et financière.

Présents : M. JOXE, Premier Président de la Cour des comptes, Président ; M. DUCAMIN, président de section au Conseil d'Etat, vice-président, Mme BAUCHET et M. FOUQUET, conseillers d'Etat, membres de la Cour de discipline budgétaire et financière ; Mme FRADIN, conseiller référendaire à la Cour des comptes, rapporteur.

Le dix-huit juin mil neuf cent quatre vingt treize.

Le Président, Le Greffier,

En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d'y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu'ils en seront légalement requis.

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président de la Cour et le Greffier.

Le Président, Le Greffier,