La Cour,

Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée, tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités locales, et portant création de la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision prise par la Cour des Comptes les 16 et 23 avril 1975 de déférer à la Cour de discipline budgétaire et financière des irrégularités commises dans la gestion de la subdivision de la Teste, dépendant de la direction départementale de l'équipement de la Gironde, irrégularités imputables notamment à M. AGARD, ancien ingénieur des travaux publics de l'Etat, décision enregistrée au Parquet de la Cour de discipline budgétaire et financière le 16 juillet 1975 ;

Vu le réquisitoire du Procureur Général de la République en date du 10 octobre 1975 transmettant le dossier à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 16 octobre 1975 désignant comme rapporteur M. LARGER, conseiller référendaire à la Cour des Comptes ;

Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées le 10 novembre 1978 à M. Raymond AGARD et le 26 mars 1979 à M. Paul LABOUDIGUE, ancien ingénieur divisionnaire des travaux publics de l'Etat, les informant de l'ouverture d'une instruction et les avisant qu'ils étaient autorisés à se faire assister chacun soit par un mandataire, soit par un avocat ou un avoué, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;

Vu l'avis émis le 31 août 1979 par le Ministre des Transports ;

Vu l'avis émis le 28 septembre 1979 par le Ministre de l'Intérieur ;

Vu l'avis émis le 19 octobre 1979 par le Ministre de l'Environnement et du Cadre de Vie ;

Vu l'avis émis le 3 janvier 1980 par le Ministre du Budget ;

Vu la décision du Procureur Général de la République en date du 24 mars 1981 renvoyant devant la Cour de discipline budgétaire et financière M. AGARD, ancien ingénieur des travaux publics de l'Etat, et

M. LABOUDIGUE, ancien ingénieur divisionnaire des travaux publics de l'Etat ;

Vu les avis émis le 27 avril 1981 par les commissions administratives paritaires des corps des ingénieurs des travaux publics de l'Etat et des ingénieurs divisionnaires des travaux publics de l'Etat ;

Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées le 5 mai 1981 à M AGARD et à M. LABOUDIGUE, les avisant qu'ils pouvaient, dans un délai de quinze jours, prendre connaissance du dossier, soit par eux-mêmes, soit par mandataire, soit par le ministère d'un avocat, d'un avoué, ou d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ; Vu le mémoire en défense présenté par M. AGARD ;

Vu le mémoire en défense présenté par M. LABOUDIGUE ;

Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées le 1er septembre 1981 à M. AGARD et à M. LABOUDIGUE, les invitant à comparaître ;

Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier et notamment les procès-verbaux d'interrogatoire ;

Entendu M. LARGER, conseiller référendaire à la Cour des Comptes, en son rapport ;

Entendu M. le Procureur Général de la République en ses conclusions ;

Entendu M. de la ROVERE, mandataire de M. LABOUDIGUE, M. LABOUDIGUE lui-même et M. AGARD en leurs explications ;

Entendu M. le Procureur Général de la République en ses réquisitions ;

Entendu en leurs observations M. AGARD, M. LABOUDIGUE et son conseil, les intéressés et le conseil ayant eu la parole les derniers ;

Considérant que, jusqu'en 1974, des factures ou des mémoires payés sur le budget du département de la Gironde ont été certifiés exacts par la direction départementale de l'Equipement, alors qu'ils comportaient des assertions fallacieuses ;

Considérant que le paiement de certaines de ces factures a eu pour effet de mettre à la charge du budget départemental des dépenses de surveillance de travaux en mer incombant au syndicat intercommunal d'aménagement des communes riveraines du bassin d'Arcachon, qui avait fait exécuter l'opération ;

Considérant que des travaux ont été commandés sans marché à l'entreprise SATTANINO, alors que leur montant dépassait le seuil fixé par l'article 321 du code des marchés publics ;

Considérant que ces agissements constituent des infractions aux règles relatives à l'exécution des dépenses du département, visées par l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

Considérant qu'au moyen de certaines des factures en cause a été réglé le prix de repas offerts à des fonctionnaires ou agents de l'Etat ; que des dépenses d'entretien de véhicules personnels d'agents publics ont été supportées par le budget départemental contrairement aux dispositions du décret 66-619 du 10 août 1966 ;

Considérant que ces irrégularités ont procuré à diverses personnes des avantages pécuniaires injustifiés au sens de l'article 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

Considérant que la certification de certaines des factures inexactes a eu pour objet d'assurer la rémunération de collaborateurs occasionnels et, dans un cas, de régler une fraction du prix d'un terrain cédé par un particulier au département, alors que la subdivision de la Teste ne disposait pas des crédits correspondants ;

Considérant qu'ainsi des imputations irrégulières de dépenses ont eu pour objet de dissimuler des dépassements de crédit, infraction prévue par l'article 3 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

Considérant que M. AGARD, ingénieur des travaux publics de l'Etat, chargé de la subdivision de la Teste dépendant de la direction départementale de l'Equipement de la Gironde, justiciable à ce titre de la Cour de discipline budgétaire et financière en application de l'article 1er de la loi du 25 septembre 1948 modifiée, doit être considéré, en tant qu'il a personnellement modifié les fausses factures, comme responsable de l'ensemble de ces infraction ;

Considérant que, si certains des faits ainsi reprochés à M. AGARD ont été commis antérieurement à juillet 1971 (entretien des véhicules personnels d'agents publics, commandes à SATTANINO), ils se sont poursuivis (affaire SATTANINO), ou ont fait l'objet de facturations inexactes (entretien des véhicules) au-delà de cette date et ne sont donc pas prescrits en application de l'article 30 modifié de la loi du 25 septembre 1948 ;

Considérant que la multiplication et la répétition de ces agissements sur une longue période aggravent la responsabilité de M. AGARD ;

Considérant toutefois qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. AGARD ait retiré un profit personnel de ces irrégularités, qu'il allègue avoir commises dans l'intérêt du service en raison des difficultés d'ordre administratif et financier qu'il aurait rencontrées pour mener à bien sa mission ; qu'il peut être tenu compte de cet élément pour apprécier le degré de gravité de la sanction à infliger ;

Considérant d'autre part que la persistance des irrégularités en cause a été facilitée par l'insuffisance des contrôles que les ingénieurs chargés de l'arrondissement Ouest, où est située la circonscription de la Teste, ont exercés sur la comptabilité de ladite circonscription ; que ces insuffisances, appréciées au regard des dispositions de la circulaire (Travaux Publics) n° 56 du 15 octobre 1965, peuvent exposer l'ingénieur placé à la tête de cet arrondissement, savoir M. LABOUDIGUE depuis le 1er avril 1970, aux sanctions prévues par l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ; qu'elles ne sont pas atteintes par la prescription édictée par l'article 30 modifié de la loi du 25 septembre 1948 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. LABOUDIGUE, qui n'a d'ailleurs pas opéré tous les contrôles prescrits, n'a surtout pas tiré, de ceux qu'il a effectués et des constatations auxquels ils ont donné lieu, les conséquences qui s'imposaient ; qu'en effet, en multipliant et en approfondissant les vérifications sur la comptabilité et les attachements, il n'aurait pu manquer d'élucider les agissements de M AGARD, et d'y mettre un terme en alertant la direction départementale de l'Equipement qui n'était pas en mesure de les déceler directement elle-même ;

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en infligeant à M. AGARD une amende de 5000 francs et à M. LABOUDIGUE une amende de 1000 francs ;

ARRETE

Article 1er.- M. Raymond AGARD est condamné à une amende de cinq mille francs.

Article 2.- M. Paul LABOUDIGUE est condamné à une amende de mille francs.

Article 3.- Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République Française.