RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
siégeant à la Cour des comptes en audience publique a rendu l’arrêt suivant :
Vu le code des juridictions financières, notamment le titre 1er de son livre III, relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu le décret n° 55-733 du 26 mai 1955 portant codification et aménagement des textes relatifs au contrôle économique et financier de l’État ;
Vu le décret n° 67-797 du 20 septembre 1967 portant organisation administrative et financière de l’Entreprise minière et chimique ;
Vu le décret n° 2005-1559 du 14 décembre 2005 portant dissolution de l’entreprise minière et chimique ;
Vu l’arrêté du 28 décembre 2005 fixant les modalités spéciales d’exercice du contrôle économique et financier de l’État sur l’Entreprise minière et chimique et ses filiales ;
Vu les arrêtés des 28 décembre 2005, 1er décembre 2008, 1er décembre 2009, 27 décembre 2010, 30 juin 2011, 31 octobre 2011 et 31 août 2012 nommant ou renouvelant M. Jean-François Rocchi en qualité de liquidateur de l’Entreprise minière et chimique ;
Vu les trois communications, en date du 19 mars 2013, ensemble les pièces à l’appui, par lesquelles le président de la deuxième chambre de la Cour des comptes a informé le parquet de la Cour de discipline budgétaire et financière des irrégularités relevées dans le cadre du contrôle relatif à la liquidation de l’Entreprise minière et chimique (EMC), portant sur les exercices 2006 à 2010 ;
Vu le réquisitoire du 26 juillet 2013 par lequel le procureur général, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, a saisi de cette affaire le Premier président de la Cour des comptes, président de la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision du 10 septembre 2013 par laquelle le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a désigné, en qualité de rapporteur, M. Guy Duguépéroux, président de section à la chambre régionale des comptes du Centre, Limousin, en application de l’article L. 314-3 du code des juridictions financières ;
Vu la lettre recommandée du 9 octobre 2013 par laquelle le procureur général a informé M. Rocchi, président de la société anonyme Entreprise minière et chimique (EMC SA) et liquidateur de l’établissement public à l’époque des faits déférés, de l’ouverture d’une instruction dans les conditions prévues à l’article L. 314-4 du code des juridictions financières, ensemble l’avis de réception de cette lettre ;
Vu la lettre du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 17 avril 2014 transmettant le dossier de l’affaire au procureur général, après dépôt du rapport, en application de l’article L. 314-4 du code des juridictions financières ;
Vu la lettre du procureur général, en date du 12 mai 2014, informant le président de la Cour de discipline budgétaire et financière de sa décision, après communication du dossier de l’affaire, de poursuivre la procédure, en application de l’article L. 314-4 du code des juridictions financières ;
Vu la lettre du président de la Cour de discipline budgétaire et financière, en date du 13 mai 2014, transmettant le dossier au ministre des finances et des comptes publics afin de recueillir son avis, en application de l’article L. 314-5 du code des juridictions financières, ensemble l’avis de réception de cette lettre ;
Vu la lettre du 20 juin 2014 par laquelle le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a transmis le dossier de l’affaire au procureur général, conformément à l’article L. 314-6 du code des juridictions financières ;
Vu la décision du procureur général du 24 juin 2014 renvoyant M. Rocchi devant la Cour de discipline budgétaire et financière, conformément à l’article L. 314-6 du code des juridictions financières ;
Vu la lettre du 24 juin 2014 du procureur général à M. Rocchi l’informant de sa décision de le renvoyer devant la Cour ;
Vu la lettre recommandée adressée le 30 juin 2014, par la greffière de la Cour de discipline budgétaire et financière, à M. Rocchi lui transmettant la décision de renvoi et l’invitant à prendre connaissance du dossier, ensemble l’avis de réception de cette lettre ;
Vu la lettre recommandée adressée le 3 février 2015 par la greffière de la Cour de discipline budgétaire et financière, à M. Rocchi le citant à comparaître le 17 avril 2015 devant la Cour de discipline budgétaire et financière, ensemble l’avis de réception de cette lettre ;
Vu les deux mémoires en défense produits par M. Rocchi, datés du 20 mars 2015 et enregistrés au greffe le 23 mars 2015 ;
Vu les autres pièces du dossier, notamment le procès-verbal d’audition de M. Rocchi, le témoignage de M. Rivière et le rapport d’instruction de M. Duguépéroux ;
Entendu le rapporteur, M. Guy Duguépéroux, résumant le rapport écrit, en application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;
Entendu M. Hervé Robert, chargé de mission au parquet général de la Cour, résumant la décision de renvoi, en application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;
Entendu le procureur général en ses conclusions, en application de l’article L. 314-12 du code des juridictions financières ;
Entendu M. Rocchi en ses explications et observations, l’intéressé ayant eu la parole en dernier ;
Sur la compétence de la Cour
1. Considérant que l’Entreprise minière et chimique, établissement public dont la liquidation a été décidée par le décret n° 2005-1559 du 14 décembre 2005 et s’est poursuivie jusqu’au 31 décembre 2012, était soumise au contrôle de la Cour des comptes au cours de cette période, en application de l’article L. 133-1 du code des juridictions financières ; que M. Rocchi a été, sur l’ensemble de la période, désigné et renouvelé en qualité de liquidateur de l’établissement ;
2. Considérant que la société anonyme EMC SA, dont le capital était détenu à 100 % par l’établissement public EMC, se trouvait également soumise au contrôle de la Cour des comptes en application des mêmes dispositions ; que M. Rocchi, administrateur de la SA, en a été désigné président et directeur général ;
3. Considérant que, dès lors, en cette double qualité de liquidateur de l’établissement public et de dirigeant d’EMC SA, M. Rocchi est justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière en application du c du I de l’article L. 312-1 du code des juridictions financières ;
Sur la décision de renvoi
4. Considérant que, si la décision de renvoi comporte des inexactitudes sur les fonctions exercées par M. Rocchi, respectivement dans l’établissement public EMC et dans la société anonyme EMC SA, ces erreurs matérielles n’altèrent pas le sens de la décision du procureur général renvoyant devant la Cour M. Rocchi, en sa qualité de dirigeant et représentant légal de ces entités ; qu’en outre, si la décision de renvoi fait mention dans son dispositif de l’article L. 313-2 du code des juridictions financières, une telle référence ne figure dans aucune autre partie de la décision de renvoi, le procureur général près la Cour de discipline budgétaire et financière n’ayant d’ailleurs pas repris cette mention dans ses conclusions orales, lors de l’audience publique ; qu’en conséquence, ces erreurs matérielles sont sans incidence sur la régularité de la présente procédure ;
Sur la prescription
5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 314-2 du code des juridictions financières, « la Cour ne peut être saisie après l’expiration d’un délai de cinq années révolues à compter du jour où aura été commis le fait de nature à donner lieu à application des sanctions prévues par le présent titre » ;
6. Considérant que les communications de la deuxième chambre de la Cour des comptes ont été enregistrées au parquet général le 19 mars 2013 ; qu’il en résulte que les irrégularités commises postérieurement au 19 mars 2008 ne sont pas couvertes par la prescription de cinq années susmentionnée ;
Sur l’absence d’avis du ministre des finances et des comptes publics
7. Considérant que l’absence de réponse du ministre des finances et des comptes publics à la demande d’avis formulée le 13 mai 2014 par le président de la Cour de discipline budgétaire et financière ne fait pas obstacle à la poursuite de la procédure, en application de l’article L. 314-5 du code des juridictions financières ;
Sur les modalités du contrôle d’État sur l’entreprise
8. Considérant que les faits dont la Cour a été saisie par le réquisitoire du 26 juillet 2013 portent sur la méconnaissance de l’obligation de soumettre à l’avis préalable, prévu au titre du contrôle économique et financier de l’État, les actes contractuels suivants :
- l’avenant du 29 décembre 2006 prolongeant la mission confiée, par un contrat conclu en 2003 à la société SODICA, banque conseil appartenant au groupe Crédit agricole, pour la recherche d’acquéreur de sociétés filiales, qui a conduit à un litige résolu par voie transactionnelle le 2 septembre 2009 ;
- la lettre d’engagement du cabinet PricewaterhouseCoopers (PwC), signée le 3 novembre 2009 ;
- les lettres de mission du cabinet August & Debouzy, signées le 22 février 2010 ;
9. Considérant que le décret n° 67-797 du 20 septembre 1967 portant organisation administrative et financière de l’Entreprise minière et chimique prévoyait, dans son article 4, que l’EMC « est soumise au contrôle économique et financier de l’État » ; que l’article 32 de ce même décret précisait que ce contrôle « est exercé dans les conditions prévues par le décret n° 55-733 du 26 mars 1955 susvisé, notamment ses articles 9 et 10, par une mission de contrôle économique et financier. Les modalités spéciales d’exercice de ce contrôle sont fixées en tant que de besoin par arrêté conjoint du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’industrie » ; que le décret n° 2005-1559 du 14 décembre 2005, portant dissolution de l’EMC, prévoit dans son article 4 que, pendant la période de liquidation, le contrôle d’État « continue de s’exercer selon les modalités en vigueur avant la dissolution », ces modalités pouvant être modifiées par arrêté des ministres chargés de l’économie, de l’industrie et du budget ; qu’en application de ces dispositions a été pris le 28 décembre 2005 un arrêté interministériel fixant les modalités spéciales du contrôle économique et financier de l’État sur l’Entreprise minière et chimique et ses filiales ;
10. Considérant que l’article 1er de l’arrêté du 28 décembre 2005 étend le contrôle de l’État aux filiales directes de l’établissement public industriel et commercial (EPIC), dont EMC SA, ainsi qu’à la Société Commerciale des Potasses d’Alsace (SCPA), adaptant ainsi les modalités du contrôle à la situation nouvelle résultant de la mise en liquidation de l’EMC ; que son article 3 établit la liste des actes et documents « soumis à l’avis préalable de l’autorité chargée du contrôle, selon des seuils et des modalités qu’elle fixe :
- les actes relatifs au recrutement du personnel et les dispositions concernant ses rémunérations ;
- les modifications du plan de sauvegarde de l’emploi ;
- les baux et leurs avenants, y compris aux baux en cours ;
- les contrats conclus avec des prestataires ou des conseils extérieurs ;
- les modalités des cessions d’actifs, lorsque celles-ci ne relèvent pas de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations et des textes pris pour son application ou lorsqu’elles relèvent de la procédure de déclaration a posteriori prévue à l’article 21, alinéa 2, de cette loi ;
- toutes opérations ayant des répercussions financières ».
11. Considérant que, par une note du 20 février 2006, le contrôleur général économique et financier, M. Mériadec Rivière, a prévu : « en ce qui concerne "les contrats conclus avec des prestataires ou conseils extérieurs", les projets de contrats ne devront être transmis que s’ils excèdent, pour une prestation déterminée, le seuil de 40 000 € » ;
12. Considérant que M. Rocchi soutient que ce seuil de 40 000 € ne peut lui être opposé, au motif qu’il a été fixé par une autorité incompétente ; que si l’arrêté interministériel du 28 décembre 2005 ne pouvait légalement subdéléguer à l’autorité chargée du contrôle le pouvoir de déterminer le champ des actes soumis à l’avis préalable du contrôle économique et financier de l’État, cette subdélégation ne fait pas obstacle en tout état de cause à l’application de la règle, édictée compétemment par l’arrêté, de soumettre à l’avis préalable du contrôle « les contrats conclus avec des prestataires ou des conseils extérieurs », catégorie par elle-même suffisamment déterminée ; que contrairement à ce que soutient également M. Rocchi, cette catégorie comprend non seulement les nouveaux contrats mais aussi les contrats passés par voie d’avenant modifiant les contrats en cours ;
1. Sur les relations avec la société SODICA
13. Considérant qu’après l’échec d’une cession globale de la société SSI, le contrat conclu le 15 septembre 2003 par la SCPA, filiale d’EMC, avec SODICA, banque conseil appartenant au groupe Crédit agricole, a fait l’objet d’un avenant en date du 7 décembre 2004, fractionnant la recherche d’acquéreur envisagée pour chacune des sociétés PAM, Baconco, Proconco et Baria Serece ; qu’outre le versement d’une rémunération fixe à SODICA d’un montant de 100 000 € HT, cet avenant prévoyait, en cas de succès, le paiement au prestataire d’une commission de bonne fin de 1 % du montant de la transaction avec un minimum de 170 000 € HT, dont un tiers de la rémunération fixe était déductible ;
14. Considérant que M. Rocchi, président d’EMC SA, a signé, le 29 décembre 2006, un nouvel avenant à ce contrat prolongeant la mission de SODICA et prévoyant le versement d’une rémunération complémentaire de 100 000 € HT, dont le tiers était, comme dans l’avenant de 2004, déductible de la commission de bonne fin ; qu’une commission de bonne fin pour la cession de Baria Serece, d’un montant de 123 586,27 € TTC, a, dans ces conditions, été versée par chèque daté du 19 février 2009, signé de M. Rocchi ; qu’il résulte de l’instruction que le contrôleur général économique et financier n’a été informé que fin août 2009 de l’existence de cet avenant au contrat initial, conclu le 29 décembre 2006, soit postérieurement à sa signature et au paiement de la commission de bonne fin au titre de la cession de Baria Serece, à la différence de la transaction passée entre SODICA et EMC SA pour mettre fin à un litige relatif à la cession de Prononco, qui été soumise à l’avis du contrôleur général économique et financier préalablement à sa conclusion ;
15. Considérant que la décision de conclure l’avenant en 2006 a été prise antérieurement au 19 mars 2008, soit en période prescrite ; que le vice de procédure entachant cette décision a consisté en un défaut d’avis préalable du contrôleur général économique et financier, qui a certes constitué un manquement aux obligations auxquelles était tenu le président d’EMC SA vis-à-vis du contrôle de l’État, mais n’a affecté ni la nature de l’avenant, ni les conditions essentielles de sa passation entre les parties ; que cette infraction a eu un caractère instantané et n’a pas pu vicier, par elle-même, les mesures d’exécution de cet avenant, notamment le paiement d’un montant de 123 586,27 € TTC effectué par un chèque daté du 19 février 2009 ; que, par conséquent, la responsabilité de M. Rocchi ne peut être reconnue pour cette infraction commise en période prescrite ;
2. Sur les relations avec la société PricewaterhouseCoopers
2.1. Sur les faits
16. Considérant que M. Rocchi, président d’EMC SA, a signé une lettre d’engagement du cabinet PricewaterhouseCoopers (PwC), établie par ce dernier en date du 29 octobre 2009 et prévoyant le paiement d’honoraires, d’un montant de 35 000 € HT, pour « la première phase [des] travaux jusqu’à la présentation des conclusions préliminaires » ; que l’exécution de ce contrat a donné lieu à deux paiements, respectivement de 41 860 € TTC (35 000 € HT) le 7 avril 2010 et de 43 430,35 € TTC (36 313 € HT) en août 2010 ;
17. Considérant que le contrôleur général économique et financier n’a eu connaissance de ce contrat et des paiements intervenus que le 7 octobre 2010 ;
2.2. Sur la qualification et les responsabilités
18. Considérant que M. Rocchi se prévaut du seuil de 40 000 €, prévu par la note du contrôleur général économique et financier du 20 février 2006, pour soutenir qu’il n’était pas tenu de soumettre le contrat avec le cabinet PricewaterhouseCoopers à l’avis préalable du contrôle ; qu’en supposant qu’il puisse invoquer ce seuil, il résulte des termes de la lettre d’engagement que la mission confiée à ce cabinet avait pour objet l’évaluation des titres de SSI et comportait « une première phase [des] travaux jusqu’à la présentation des conclusions préliminaires » avant Noël 2009 et un calendrier à définir pour la finalisation des conclusions ; que les honoraires étaient déterminés en fonction du temps passé par les membres du cabinet, en application des taux de facturation horaires standards, et que, pour la première phase des travaux, avant Noël 2009, les honoraires étaient estimés par le cabinet à 35 000 € HT ; qu’ainsi, quelles que soient les modalités d’appréciation du seuil de 40 000 € HT ou TTC, il résultait sans ambigüité de cette lettre d’engagement que les honoraires rémunérant la prestation totale pour laquelle s’engageait EMC SA excéderaient, au final, le montant de 35 000 € HT, annoncé comme estimatif, et correspondant à une première phase de travaux pour l’élaboration de conclusions préliminaires ; qu’en conséquence, même en appliquant la note du 20 février 2006, il était nécessaire de soumettre la lettre d’engagement à l’avis préalable du contrôle ;
19. Considérant que deux factures ont été réglées au titre de cette lettre d’engagement, la première pour un montant de 41 860 € TTC en avril 2010 et la seconde pour un montant de 43 430,35 € TTC en août 2010, mentionnant comme objet « travaux au 31 juillet 2010 : finalisation de l’évaluation et rédaction du rapport. Lettre d’engagement du 29 octobre 2009 » ; que la circonstance que le contrôleur général économique et financier a accepté de « considérer a posteriori comme régulière, au regard des modalités de contrôle de l’État sur l’EMC en liquidation », la signature le 3 novembre 2009 par l’EMC de la lettre d’engagement, à la condition expresse que la seconde facture soit remboursée, ce qui a été fait le 25 octobre 2010, cette approbation rétroactive et conditionnelle du contrôleur, motivée par des considérations pragmatiques, visant notamment à éviter de retarder le processus de liquidation d’EMC, n’est pas de nature à exonérer la responsabilité de M. Rocchi à raison du défaut de transmission au contrôle économique et financier de la lettre d’engagement avant sa signature ;
3. Sur les relations avec le cabinet AUGUST & DEBOUZY
3.1. Sur les faits
20. Considérant que M. Rocchi, président d’EMC SA, a validé, le 22 février 2010, deux lettres de mission du cabinet August & Debouzy, datées du 12 février 2010, prévoyant chacune des honoraires globaux à hauteur de 500 000 € HT au titre de l’année 2010 et ayant pour objet :
- l’organisation et la gestion juridique du projet de cession par EMC de sa participation dans la société SCPA Sivex International (SSI) ;
- la réalisation d’une « vendor due diligence » portant sur la société SSI ainsi que l’ensemble des huit filiales africaines et malgache de SSI ;
21. Considérant que les deux lettres de mission mentionnent les conditions de rémunération de la prestation, dans des termes identiques prévoyant une facturation de l’ordre de 500 000 € HT, par référence aux taux horaires de 2008/2009, auquel est appliqué un dispositif de remise lié au volume d’affaires réalisé ; que les mémorandums d’honoraires qui ont fait 1’objet d’un récapitulatif conduisent, après application des remises, à la facturation et au paiement d’un montant total de 1 129 586,00 € HT, soit 1 350 984,86 € TTC ;
22. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le contrôleur général économique et financier n’a eu connaissance des deux lettres de missions relatives aux prestations confiées au cabinet August & Debouzy et des paiements auxquelles elles ont donné lieu qu’à l’occasion du contrôle mené par la Cour des comptes ;
3.2. Sur la qualification et les responsabilités
23. Considérant que M. Rocchi soutient que les lettres de mission en cause doivent être regardées comme la prolongation, par voie d’avenant, de prestations antérieures confiées au cabinet August & Debouzy par un contrat passé par EMC en 2003 et que les avenants à des contrats existants n’étaient pas soumis à l’obligation de transmission préalable au contrôle d’État ;
24. Considérant qu’ainsi qu’il a été dit au point 12, les avenants à des contrats conclus avec des prestataires ou des conseils extérieurs sont soumis à l’obligation d’un avis préalable du contrôle économique et financier de l’État prévue par l’arrêté du 28 décembre 2005 ; qu’au demeurant, les lettres de mission du 22 février 2010, qui ne comportent aucune référence au contrat de 2003, ne peuvent avoir le caractère d’avenant au contrat de 2003 en raison des modifications de contexte de l’entreprise EMC, du délai écoulé entre ces deux relations d’affaires et des modifications sensibles des rémunérations stipulées ;
25. Considérant que M. Rocchi, comme il le reconnaît lui-même, n’a pas porté les lettres de mission en cause à la connaissance du contrôle économique et financier avant leur conclusion le 22 février 2010 ; que l’utilité alléguée des prestations du cabinet August & Debouzy dans le contexte de la cession de SSI et la connaissance acquise par ce cabinet de l’entreprise EMC SA sont sans incidence sur l’omission de cette formalité ;
26. Considérant que l’article L. 313-4 du code des juridictions financières prévoit que « Toute personne visée à l’article L. 312-1 qui, en dehors des cas prévus aux articles précédents, aura enfreint les règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses de l’État ou des collectivités, établissements et organismes mentionnés à ce même article ou à la gestion des biens leur appartenant ou qui, chargée de la tutelle desdites collectivités, desdits établissements ou organismes, aura donné son approbation aux décisions incriminées sera passible de l’amende prévue à l’article L. 313-1 » ; que le non-respect des règles en matière de contrôle économique et financier de l’État relève de l’infraction définie à cet article ;
27. Considérant que M. Rocchi a, en qualité de liquidateur d’EMC et de dirigeant d’EMC SA, entreprises soumises au contrôle économique et financier de l’État, manqué à son obligation de recueillir l’avis préalable du contrôleur dans le cadre des relations d’affaires avec le cabinet PricewaterhouseCoopers et avec le cabinet August & Debouzy ;
Sur les circonstances
28. Considérant que les relations entre M. Rocchi et la mission de contrôle économique et financier de l’État ont été qualifiées par les deux parties de régulières et confiantes ; que l’utilité des prestations, certes entachées d’un vice de procédure initial, n’a été remise en cause ni par l’instruction, ni par la décision de renvoi ; que le nombre d’infractions commises par M. Rocchi se limite à deux ; qu’une certaine urgence pesait sur EMC SA en 2010, quand ont été commandées les prestations au cabinet August & Debouzy ; que ces faits sont de nature à constituer des circonstances atténuantes ;
Sur l’amende
29. Considérant qu’il sera fait une juste appréciation des irrégularités commises et des circonstances de l’espèce en infligeant à M. Rocchi une amende de 2 000 € ;
Sur la publication au Journal officiel de la République française
30. Considérant qu’il y a lieu, compte tenu des circonstances de l’espèce, de publier le présent arrêt au Journal officiel de la République française en application de l’article L. 314-20 du code des juridictions financières ;
ARRÊTE :
Article 1er : M. Jean-François Rocchi est condamné à une amende de 2 000 € (deux mille euros).
Article 2 : Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française.
Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, en formation plénière, le dix-sept avril deux mille quinze par M. Loloum, conseiller d’État, président ; MM. Prieur et Bouchez, conseillers d’État ; Mme Fradin, MM. Geoffroy et Maistre, conseillers maîtres à la Cour des comptes.
Lu en séance publique le douze mai 2015.
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président de la Cour et la greffière.
Le
président,
François LOLOUM
La
greffière,
Isabelle REYT