REPUBLIQUE FRANCAISE
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS,
LA COUR DE DISCIPLINE
BUDGETAIRE ET FINANCIERE,
Siégeant à la Cour des
comptes, en audience publique, a rendu l'arrêt suivant :
Vu le code des juridictions financières, notamment le titre 1er du livre III, relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la lettre du 17 juillet 2007, enregistrée au Parquet le 20 juillet 2007, par laquelle le commissaire du gouvernement près la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d'Azur a informé le Procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, de la décision de ladite chambre de saisir la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités commises dans la gestion de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Nice-Côte d'Azur (CCINCA), ensemble les pièces à l'appui ;
Vu le réquisitoire du 18 septembre 2007 par lequel le Procureur général a saisi la Cour desdites irrégularités, conformément à l'article L. 314-1 du code des juridictions financières ;
Vu la décision du 21 septembre 2007 par laquelle le Président de la Cour de discipline budgétaire et financière a nommé en qualité de rapporteur M. Jean-Pierre Phelouzat, président de section de chambre régionale des comptes ;
Vu les lettres recommandées des 11 et 30 janvier 2008 par lesquelles le Procureur général a informé MM. Dominique Estève, président en fonctions, Francis Pérugini, ancien président et Yves Raynaud, ancien directeur général de la chambre de commerce et d'industrie de Nice-Côte d'Azur de l'ouverture d'une instruction dans les conditions prévues à l'article L. 314-4 du code des juridictions financières, ensemble les avis de réception de ces lettres ;
Vu la lettre du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 29 septembre 2008 transmettant au Procureur général le dossier de l'affaire, après dépôt du rapport d'instruction, conformément aux dispositions de l'article précité ;
Vu la lettre du Procureur général en date du 6 octobre 2008 informant le président de la Cour de discipline budgétaire et financière de sa décision, après communication du dossier de l'affaire le 29 septembre 2008, de poursuivre la procédure en application de l'article L. 314-4 du code des juridictions financières ;
Vu les lettres du 10 octobre 2008 du président de la Cour de discipline budgétaire et financière transmettant le dossier à la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique pour avis en application de l'article L. 314-5 du même code, ensemble les avis de réception de ces lettres ;
Vu la lettre du 21 novembre 2008 par laquelle le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a transmis au Procureur général le dossier de l'affaire, conformément à l'article L. 314-6 du code des juridictions financières ;
Vu la décision du Procureur général en date du 25 mars 2009 renvoyant MM. Estève, Pérugini et Raynaud devant la Cour de discipline budgétaire et financière, conformément à l'article L. 314-6 du code des juridictions financières ;
Vu les lettres recommandées de la greffière de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 25 mars 2009, avisant MM. Estève, Pérugini et Raynaud de la possibilité de prendre connaissance du dossier de l'affaire, dans les conditions prévues à l'article L. 314-8 du code des juridictions financières, ensemble les avis de réception de ces lettres ;
Vu les lettres recommandées de la greffière de la Cour de discipline budgétaire et financière, en date du 23 avril 2009, citant MM. Estève, Pérugini et Raynaud à comparaître devant la Cour, ensemble les avis de réception de ces lettres ;
Vu le mémoire en défense produit par Maître Richard pour MM. Estève, Pérugini et Raynaud en date du 6 mai 2009, enregistré au greffe de la Cour le même jour ;
Vu les autres pièces du dossier, notamment les procès-verbaux d'audition et le rapport d'instruction de M. Phelouzat ;
Entendu le rapporteur, M. Phelouzat, résumant le rapport écrit, en application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;
Entendu le représentant du ministère public, résumant la décision de renvoi, en application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;
Entendu en ses observations, Maître Richard, conseil de MM. Estève, Pérugini et Raynaud en application de l'article L. 314-12 du code des juridictions financières ;
Entendu le Procureur général en ses conclusions, en application de l'article L. 314-12 du code des juridictions financières ;
Entendu en sa plaidoirie Maître Richard pour MM. Estève, Pérugini et Raynaud et en leurs explications et observations MM. Estève, Pérugini et Raynaud, les intéressés ayant eu la parole en dernier ;
Sur la compétence
Considérant que le contrôle des chambres de commerce et d'industrie, établissements publics placés sous la tutelle de l'État, relève, sur le fondement de l'article L. 111-3 du code des juridictions financières, de la compétence de la Cour des comptes, laquelle a délégué cette compétence, depuis l'arrêté du Premier président du 17 janvier 2003 pour les exercices 2001 à 2005 et l'arrêté du 13 octobre 2006 pour les exercices 2006 à 2009, aux chambres régionales des comptes, sur la base des articles L. 111-9 et R. 111-1 du même code ; que dès lors, en application des dispositions de l'article L. 312-1-I-c du code des juridictions financières, les représentants, administrateurs ou agents des chambres de commerce et d'industrie sont justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Sur la prescription
Considérant que les irrégularités postérieures au 20 juillet 2002 ne sont pas couvertes par la prescription édictée par l'article L. 314-2 du code des juridictions financières ;
Sur le fond
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières que « toute personne visée à l'article L. 312-1 qui, en dehors des cas prévus aux articles précédents, aura enfreint les règles relatives à l'exécution des recettes et des dépenses de l'État ou des collectivités, établissements et organismes mentionnés à ce même article ou à la gestion des biens leur appartenant ou qui, chargée de la tutelle desdites collectivités, desdits établissements ou organismes, aura donné son approbation aux décisions incriminées sera passible de l'amende prévue à l'article L. 313-1 » ;
Considérant que selon les dispositions de l'article L. 313-6 du même code « toute personne visée à l'article L. 312-1 qui dans l'exercice de ses fonctions ou attributions, aura, en méconnaissance de ses obligations, procuré à autrui un avantage injustifié, pécuniaire ou en nature, entraînant un préjudice pour le Trésor, la collectivité ou l'organisme intéressé, ou aura tenté de procurer un tel avantage sera passible d'une amende dont le minimum ne pourra être inférieur à 300 € et dont le maximum pourra atteindre le double du montant du traitement ou salaire brut annuel qui lui était alloué à la date de l'infraction » ;
Sur le versement irrégulier d'une indemnité de licenciement à M. Bienfait
Les faits
Considérant que, par lettre du 23 avril 2003 cosignée du président de la chambre de commerce et d'industrie de Nice-Côte d'Azur (CCINCA), M. Pérugini, et de son directeur général, M. Raynaud, M. Bienfait a été engagé en qualité de directeur général adjoint à compter du 4 août 2003 ; que cette lettre d'engagement indique que ce recrutement « s'inscrit dans la perspective d'une nomination au poste de directeur général fin 2004… », sous réserve du choix du président en exercice au moment de prendre une telle décision ;
Considérant que l'intéressé a été titularisé dans ses fonctions de directeur général adjoint par lettre cosignée du président et du directeur général de la CCINCA en date du 2 février 2004 ;
Considérant que M. Bienfait a été promu directeur général de la CCINCA à compter du 3 janvier 2005, en application de l'article 2 d'un nouveau contrat de travail signé le 16 août 2004 avec le président alors en fonctions, M. Pérugini, qui le dispensait, dans l'exercice des fonctions de directeur général, de la période probatoire correspondante ; que, par ailleurs, selon l'article 14 dudit contrat, confirmant à cet égard les termes de la lettre du 23 avril 2003 précitée, il pouvait prétendre, en cas de cessation de fonction, à une indemnité ne pouvant être inférieure à 171 000 € représentant une année de son traitement de directeur général ;
Considérant qu'à l'issue d'un entretien préalable en date du 12 juillet 2005 et après consultation des membres du bureau de la chambre consulaire, le président de la CCINCA nouvellement élu le 13 décembre 2004, M. Estève, a, par courrier du 22 juillet 2005, signifié à M. Bienfait sa décision de rompre son « contrat de travail en application de l'article 43-5 du titre relatif aux dispositions spéciales concernant les directeurs généraux du statut du personnel des chambres de commerce et d'industrie » ;
Considérant que, dans cette lettre, le président de la CCINCA dispense M. Bienfait de l'exécution de son préavis ; qu'il s'engage en outre à lui verser, indépendamment des autres primes et indemnités légales, une indemnité de licenciement de 176 808,17 € en référence à l'article 14 du contrat précité ; que ce versement est intervenu le 22 juillet 2005 ;
Sur la qualification juridique des faits au regard des infractions prévues aux articles L. 313-4 et L. 313-6 du code des juridictions financières
Considérant que l'article 1er de la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 précise que « la situation des personnels administratifs des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers de France est déterminée par un statut établi par des commissions paritaires nommées, pour chacune de ces institutions, par le ministre de tutelle » ;
Considérant que, selon l'article 41 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie établi en application de la disposition législative précitée, « le recrutement du directeur général fait l'objet d'une convention conclue entre la Chambre (…) et l'intéressé. Cette convention ne peut déroger aux dispositions du présent statut » ;
Considérant qu'en application de l'article 43-5 du même statut, l'article 46 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie relatif aux modalités de calcul et de paiement de l'indemnité de licenciement prévoit que « l'indemnité de licenciement est égale à six mois de traitement avant cinq ans de services. Elle est portée respectivement à un an, deux ans et trois ans de traitement après cinq, dix ou quinze ans de services. Ce montant est majoré au prorata de la durée des services accomplis entre cinq ans et dix ans ou entre dix ans et quinze ans » ;
Considérant qu'en application du même article 46 du statut, les services à prendre en compte correspondent pour leur totalité à ceux accomplis en qualité de directeur et pour un tiers de leur durée à ceux effectués dans d'autres fonctions de la même chambre ;
Considérant que, s'agissant d'un premier emploi dans une CCI, M. Bienfait a exercé des fonctions de directeur général adjoint puis de directeur général respectivement pendant 17 et 7 mois ; que dès lors, la durée totale de ses services au sein de la CCINCA étant inférieure à cinq années, M. Bienfait pouvait prétendre à une indemnité égale à six mois de traitement soit 88 404 € ; que le versement de 176 808,17 € dont il a bénéficié excède le montant maximum autorisé ; qu'il en résulte que ce versement fondé sur des stipulations conventionnelles contraires au statut est lui-même irrégulier ; qu'une infraction aux règles d'exécution des dépenses de l'organisme au sens de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières a donc été commise ;
Considérant que l'octroi de cette indemnité de licenciement supérieure à celle qui était due en application des dispositions statutaires a procuré à l'intéressé un avantage injustifié au sens de l'article L. 313-6 du code des juridictions financières et entraîné un préjudice pour l'organisme ; que le bénéfice de cette indemnité étant intervenu sur le fondement d'une stipulation contractuelle contraire au statut du personnel administratif, c'est en méconnaissance d'une obligation au sens de l'article L. 313-6 du code précité que cette disposition a été conclue ; que l'infraction prévue à l'article L. 313-6 du code des juridictions financières est ainsi constituée ;
Les responsabilités
Considérant que l'article 56 du décret n°91-739 du 18 juillet 1991 relatif aux chambres de commerce et d'industrie, aux chambres régionales de commerce et d'industrie, à l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie et aux groupements interconsulaires, devenu l'article 53 en application du décret n° 2004-576 du 21 juin 2004, indique que le président de la CCI « est chargé de l'exécution du budget. Il émet, à destination du trésorier, les titres de perception des recettes et des produits, ainsi que les mandats des dépenses et des charges, préalablement à leur encaissement ou à leur paiement » ;
Considérant que « les services des compagnies consulaires sont dirigés (…) par un directeur général (…) nommé par le président et placé sous son autorité » selon l'article 51 du décret n° 91-739 du 18 juillet 1991 devenu l'article 47 en application du décret n° 2004-576 du 21 juin 2004 ; qu'à ce titre le directeur général « participe à la préparation de toutes les décisions de la chambre et a la charge de leur mise en œuvre » ;
Considérant que le directeur général qui « assiste les membres élus de la chambre dans l'exercice de leurs fonctions et (…) assure le secrétariat général du président » a pour mission d'aider le président à exercer ses fonctions d'ordonnateur ;
Considérant enfin que, selon l'article 38 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie, « les fonctions d'organisation, de direction et de contrôle de l'ensemble des services de chaque chambre de commerce et d'industrie sont assurées par un dirigeant salarié placé au sommet de la hiérarchie et (…) dénommé directeur général » ;
Considérant que MM. Pérugini et Raynaud ont préparé et décidé ensemble le recrutement de M. Bienfait ; qu'ils sont cosignataires notamment de sa lettre d'engagement comme directeur général adjoint en date du 23 avril 2003 ; qu'en accordant dans cette lettre une garantie plus favorable que celle prévue par le statut de directeur, ils ont violé le titre II du statut du personnel administratif relatif aux dispositions spéciales concernant les directeurs généraux, comme ils l'ont reconnu lors de leurs auditions des 23 et 30 mai 2008 ; que le contrat de travail du 16 août 2004 ne fait que confirmer sur ce point les dispositions de la lettre du 23 avril 2003 ; que les infractions relevées résultent directement de ces stipulations contractuelles irrégulières ; qu'ainsi MM. Pérugini et Raynaud sont responsables des infractions précitées ;
Considérant que M. Estève, en sa qualité de président de la CCINCA, a décidé de procéder au licenciement de M. Bienfait le 22 juillet 2005 sur le fondement des dispositions de l'article 43-5 du statut ; qu'il n'a fait qu'application des stipulations du contrat de travail conclu par son prédécesseur avec M. Bienfait pour la détermination du montant de l'indemnité de licenciement devant être versée à ce dernier ; que cette circonstance fait en l'espèce obstacle à ce que la responsabilité de M. Estève soit engagée au titre de l'indemnité versée en exécution du contrat précité ;
Sur la présence de circonstances atténuantes
Considérant, ainsi que le font valoir les intéressés, que MM. Pérugini et Raynaud, ont été amenés à gérer une situation exceptionnelle liée à la conjonction du départ de M. Raynaud prévu fin 2004 et de la tenue d'élections consulaires prévues initialement en novembre 2003 et reportées à novembre 2004, par décision des pouvoirs publics prise au premier semestre 2003 ;
Considérant que ces faits constituent des circonstances atténuantes au bénéfice de MM. Pérugini et Raynaud ;
Sur la prise en charge d'avantages en nature au bénéfice de M. Bienfait pendant sa période de préavis de licenciement
Considérant que M. Estève, dans sa lettre du 22 juillet 2005 précitée, dispense M. Bienfait d'exécuter le préavis de 6 mois préalable à son licenciement ; que cette correspondance indique à l'intéressé que, durant la période de préavis du 20 juillet 2005 au 20 janvier 2006, il conserve les avantages en nature liés à son contrat de travail ; qu'à ce titre, M. Bienfait a continué à bénéficier d'un véhicule pendant toute la durée de la période de préavis ;
Considérant que le contrat de travail de M. Bienfait lui accordait le bénéfice de la mise à disposition d'un véhicule de fonction ; que les fiches de paie de l'intéressé établissent que ce véhicule constituait un élément de rémunération prenant la forme d'un avantage en nature ; que la valeur de cet avantage en nature était prise en compte dans l'assiette d'assujettissement aux cotisations dues aux organismes de sécurité sociale et dans la base nette imposable de l'intéressé ;
Considérant qu'en l'espèce, aucune clause statutaire n'exclut l'octroi de tels avantages à un directeur général ; qu'en outre aucune clause statutaire ou contractuelle n'en rattache le bénéfice à l'exercice effectif des fonctions ; qu'en conséquence, les infractions prévues aux articles L. 313-4 et L. 313-6 du code des juridictions financières ne sont pas constituées ;
Sur les carences en matière de gestion des ressources humaines
Les faits
Considérant que Mmes Hellmann et Bonfils ont été engagées par la CCINCA respectivement à compter des 18 février et 26 août 2002 ; qu'elles n'ont pas été titularisées à l'issue de leur stage probatoire ; qu'elles ont chacune contesté les conditions de leur non titularisation, alléguant du non respect par la CCINCA des dispositions statutaires applicables au personnel administratif ; que deux conventions ont été conclues par la CCINCA, représentée par M. Pérugini, respectivement le 24 avril 2003 avec Mme Hellmann et le 3 décembre 2003 avec Mme Bonfils ; que ces conventions visent pour les parties à terminer « à l'amiable le différend qui les divise au sujet de la rupture du contrat de travail » ; que ces conventions prévoient notamment le versement d'indemnités par la CCINCA à ces deux personnes et le renoncement irrévocable par les deux parties à « tous autres droits, ou actions ou indemnités de quelque nature qui résulteraient de l'exécution ou de la cessation du contrat de travail » ;
Considérant que M. Boidart a été engagé par la CCINCA le 15 septembre 2001 en qualité de directeur académique du centre d'enseignement et de recherche appliqué au management (CERAM) ; qu'une procédure disciplinaire a été engagée à son encontre ; qu'à titre conservatoire, il a été suspendu de ses fonctions à compter du 15 décembre 2003 ; qu'une convention entre M. Pérugini, représentant la CCINCA, et M. Boidart a été signée le 27 février 2004, laquelle prévoit notamment la démission de M. Boidart à compter du 26 févier 2004 et le versement à ce dernier d'une « somme nette forfaitaire de 23 493 € à titre d'indemnités de rupture » ;
Considérant que M. Riera a été engagé par la CCINCA le 1er décembre 1987 ; qu'il exerçait en 2004 les fonctions de directeur marketing et communication de la CCINCA ; qu'à la suite de différends avec la direction de la CCINCA, une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle a été engagée à son encontre ; qu'une convention entre M. Pérugini, représentant la CCINCA, et M. Riera a été signée le 9 juillet 2004, laquelle prévoit notamment la démission de M. Riera à compter de cette même date et le versement à son profit d'une somme de 66 000 € « au titre de l'indemnité statutaire de licenciement prévue en matière de licenciement pour insuffisance professionnelle », une « indemnité forfaitaire de 25 000 € aux fins de financer le recours à un cabinet d'out placement » et « une indemnité forfaitaire transactionnelle et définitive de 45 000 € en réparation du préjudice moral et matériel lié à la rupture du contrat de travail », soit une somme totale de 136 000 € ;
Considérant que M. Albin a été engagé par la CCINCA le 1er juillet 1991 en qualité de chef comptable ; qu'à l'issue d'un détachement de 5 ans dans un autre organisme entamé le 1er novembre 1998, il a émis le souhait, le 18 juin 2003, d'être réintégré au sein de la CCINCA ; que la CCINCA a estimé qu'elle ne pouvait offrir de poste à l'intéressé et « se permettre d'avoir deux chefs comptables à son siège » ; qu'une convention entre M. Pérugini, représentant la CCINCA, et M. Albin a été signée le 27 octobre 2004 ; que cette convention prévoit notamment qu'un terme sera mis au contrat de travail liant les deux parties et qu'une somme forfaitaire nette de 55 000 € sera versée à M. Albin « à titre d'indemnité de rupture » ; que cette convention prévoit aussi que M. Albin « se désiste de toute action et instance à l'égard de la CCINCA pour quelque cause que ce soit » ;
Considérant que M. Gebhard a été engagé par la CCINCA le 18 mars 1991 et qu'à compter du 1er janvier 1994 il a exercé les fonctions de conseiller en financement et développement des petites et moyennes entreprises ; qu'il a émis le souhait à plusieurs reprises d'une évolution de ses fonctions vers un emploi opérationnel ; que les responsables de la CCINCA ont estimé ne pas pouvoir garantir à M. Gebhard qu'un poste correspondant à ses compétences et ses aspirations puisse lui être proposé ; que l'intéressé a demandé si la CCINCA pouvait mettre fin à son contrat de travail ; qu'une convention entre M. Pérugini, représentant la CCINCA, et M. Gebhard a été signée le 14 mars 2003 ; que cette convention prévoit notamment la rupture du contrat de travail liant les parties ainsi que le versement à M. Gebhard d'une « somme forfaitaire nette de 35 856 € à titre d'indemnité de rupture » ; que cette convention prévoit aussi que M. Gebhard « se désiste de toute action et instance à l'égard de la CCINCA pour quelque cause que ce soit » ;
Considérant que M. Gasiglia a été engagé par le centre de formation des apprentis « Auto Moto 06 » le 15 septembre 1975 ; que la gestion de ce centre a été reprise par la CCINCA à compter du 1er janvier 1995 ; que M. Gasiglia souhaitait bénéficier du droit à congé de fin d'activité ouvert alors à l'âge de 56 ans, soit le 8 février 2005 ; que la condition d'âge a été portée de 56 ans à 58 ans à compter du 1er janvier 2005 ; qu'ainsi l'intéressé ne pouvait plus prétendre à bénéficier de ce dispositif de départ anticipé à la date qu'il escomptait ; qu'une convention entre M. Estève, représentant la CCINCA, et M. Gasiglia a été signée le 26 mai 2005 ; que cette convention prévoit notamment la rupture du contrat de travail liant les parties ainsi que le versement à M. Gasiglia d'une « somme forfaitaire nette de 13 550 € à titre d'indemnité de rupture » ; que cette convention prévoit aussi que M. Gasiglia « se désiste de toute action et instance à l'égard de la CCINCA pour quelque cause que ce soit » ;
Considérant qu'ainsi, les sept conventions précitées ont été conclues à l'occasion de la rupture du lien de travail entre la CCINCA et les agents concernés ;
Sur la qualification juridique des faits au regard de l'infraction prévue à l'article L. 313-4 du code des juridictions financières
Considérant que, pour écarter le grief tiré de ce qu'ils auraient conclu des transactions sans y avoir été autorisés, MM. Pérugini, Raynaud et Estève font valoir dans leur mémoire en défense que les sept conventions en cause ne sauraient être qualifiées de transaction, faute de concessions consenties par la CCINCA à cette occasion ;
Considérant toutefois qu'ils reconnaissent simultanément que les sommes en cause ont été allouées aux agents concernés sans que la décision de rupture de la relation de travail soit intervenue à l'issue d'une procédure menée en conformité avec le statut du personnel ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'objet de ces conventions est d'organiser la rupture amiable de la relation de travail en l'assortissant du versement d'indemnités à l'agent quittant la CCINCA ; qu'aucune disposition du statut du personnel ne prévoit de telles modalités de rupture de la relation de travail ; que les personnes renvoyées reconnaissent elles-mêmes que les procédures statutaires n'ont pas été respectées ; qu'il s'ensuit que les sept conventions précitées sont irrégulières ; que le moyen soulevé est à cet égard inopérant ;
Considérant que les paiements intervenus sur le fondement de ces contrats irréguliers sont eux-mêmes irréguliers ; que la circonstance que des indemnités de rupture auraient été versées si la procédure statutaire avait été respectée n'est pas de nature à rendre réguliers les paiements intervenus sur un fondement irrégulier ; qu'il est ainsi établi qu'à l'occasion de la conclusion de ces sept contrats, des infractions aux règles relatives à l'exécution des dépenses de la CCINCA au sens de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ont été commises ;
Sur la qualification juridique des faits au regard de l'infraction prévue à l'articleL. 313-6 du code des juridictions financières
Considérant qu'est injustifié, au sens de l'article L. 313-6 du code des juridictions financières, l'octroi d'indemnités à des salariés à l'issue d'une procédure irrégulière de rupture de leur contrat de travail ; que les conventions irrégulièrement conclues pour organiser la rupture de ces relations de travail ont été négociées et approuvées par les autorités de la CCINCA en méconnaissance de leurs obligations fixées par le statut du personnel des CCI ;
Considérant que MM. Pérugini, Raynaud et Estève font valoir que la conclusion des sept conventions en cause n'a pas entraîné de préjudice pour la CCINCA, dès lors, selon eux, que si la procédure statutaire avait été menée jusqu'à son terme, chacun des intéressés aurait perçu une somme au moins équivalente à ce qui lui a été versé ;
Considérant que l'existence d'un préjudice ne saurait être établie que lorsque le montant de l'indemnité versée au titre de la convention irrégulièrement conclue est supérieur au montant de l'indemnité de licenciement qui aurait été due si la procédure statutaire avait été menée à son terme, montant auquel il convient d'ajouter, le cas échéant, l'indemnité de préavis lorsque celui-ci n'a pas été effectué ; que, contrairement à ce que soutient la défense, n'ont à entrer dans ce calcul, ni le montant des rémunérations qui auraient été versées au cours de la période de déroulement de la procédure de licenciement si celle-ci avait été respectée, ni celles versées au cours de la période de préavis lorsque celui-ci a été effectué, dès lors que c'est en contrepartie du travail fourni au sein de la CCINCA que ces sommes sont versées, et non au titre de la rupture du lien de travail ;
Considérant que, s'agissant de Mmes Hellmann et Bonfils, qui ont bénéficié d'indemnités s'élevant respectivement à 4 924 € et 2 820 €, leur qualité d'agent non titulaire ne leur ouvrait droit à aucune indemnité en cas de refus de titularisation ; qu'eu égard aux erreurs commises par la CCINCA dans la mise en œuvre de la procédure de refus de titularisation, il convient de prendre en compte le montant de l'indemnité qui aurait été due à ces deux salariées au terme d'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle ; que selon les calculs contenus dans le mémoire en défense les indemnités de licenciement qui leur auraient été dues dans cette hypothèse se seraient élevées, pour Mme Hellmann, à 3 692 €, soit un mois et demi de salaire pour une ancienneté estimée à 18 mois à l'issue de la procédure, et pour Mme Bonfils, à 2 110 €, soit un mois et demi de salaire pour une ancienneté estimée également à 18 mois à l'issue de la procédure ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier que les bases de calcul retenues par la défense sont plus favorables aux salariées que les règles statutaires qui prévoient le versement d'une indemnité calculée au prorata en mois du temps de présence sur la base des deux-tiers de la rémunération mensuelle des agents ayant moins de trois années de présence ; qu'en l'espèce, ni Mme Hellmann ni Mme Bonfils n'ayant travaillé plus de trois années au sein de la CCINCA, elles n'avaient droit, pour une durée de 18 mois estimée de temps de présence au terme de la procédure, qu'à une indemnité correspondant à 1 mois de salaire, soit respectivement 2 461 € et 1 410 € ;
Considérant ainsi que dans tous les cas, les sommes versées à Mmes Hellmann et Bonfils sont supérieures aux indemnités qui leur auraient été versées au terme de la procédure statutaire de licenciement pour insuffisance professionnelle ; que les risques contentieux auxquels était exposée la CCINCA ne justifiaient pas le versement d'indemnités deux fois supérieures à l'indemnité statutairement due ; qu'il est ainsi établi que le versement de ces indemnités a entraîné un préjudice pour la CCINCA ;
Considérant, s'agissant de M. Boidart, qu'une procédure disciplinaire susceptible de conduire à sa révocation a été engagée ; qu'en application du statut du personnel administratif, une révocation aurait privé cet agent de son droit à indemnité de licenciement ; que toutefois cette procédure a été abandonnée ; qu'eu égard aux circonstances, il convient néanmoins de prendre en compte, pour la détermination d'un éventuel préjudice subi par la CCINCA, le montant de l'indemnité qui aurait été due à ce salarié au terme d'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle ; que s'agissant par ailleurs de M. Riera, la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle a été engagée puis interrompue ; qu'il ressort des pièces du dossier versées par la défense que les indemnités de licenciement qui auraient été dues à ces deux salariés dans l'hypothèse d'un licenciement pour insuffisance professionnelle s'élevaient, pour M. Boidart, à 11 746 €, soit deux mois de salaire pour une ancienneté estimée à moins de trois années à l'issue de la procédure, et pour M. Riera, à 66 000 €, soit douze mois de salaire correspondant au plafond statutaire d'indemnité ; que les sommes qui leur ont été effectivement versées s'élèvent à 23 493 € pour M. Boidart et 136 000 € pour M. Riera ;
Considérant que les sommes versées à MM. Boidart et Riera sont supérieures aux indemnités qui leur auraient été versées au terme de la procédure statutaire de licenciement pour insuffisance professionnelle ; qu'il est ainsi établi que le versement de ces indemnités a entraîné un préjudice pour la CCINCA ;
Considérant toutefois, ainsi que le fait valoir la défense, que la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle dure plusieurs mois au cours desquels les salariés continuent d'exercer leurs fonctions ; qu'eu égard aux importantes responsabilités qu'exerçaient MM. Boidart et Riera au sein de la CCINCA, respectivement comme directeur académique du CERAM et directeur marketing et communication de la CCINCA, la mise en œuvre jusqu'à leur terme des dispositions statutaires aurait fait peser un risque élevé sur deux aspects importants de l'activité de la CCINCA ; qu'il y a lieu de retenir cet élément au titre des circonstances atténuantes ;
Considérant, s'agissant des trois dernières conventions respectivement relatives à MM. Albin, Gebhard et Gasiglia, que l'indemnité versée est inférieure ou égale à l'indemnité qui aurait été due au terme de la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle ; que dès lors la CCINCA n'a subi aucun préjudice à l'occasion du versement de ces indemnités ;
Considérant qu'il est ainsi établi qu'à l'occasion de la conclusion de quatre des sept conventions précitées, les dirigeants de la CCINCA ont octroyé un avantage injustifié à autrui en méconnaissance de leurs obligations, cet avantage ayant entraîné un préjudice pour la CCINCA ; que l'infraction prévue à l'article L. 313-6 est ainsi constituée ;
Sur les responsabilités et la présence de circonstances atténuantes
Considérant qu'il n'est pas contesté par MM. Pérugini et Raynaud qu'ils ont préparé et décidé ensemble les conventions conclues avec Mmes Hellmann et Bonfils, MM. Albin, Gebhard, Boidart et Riera ; que les infractions commises à cette occasion engagent leur responsabilité ;
Considérant qu'il y a toutefois lieu de retenir de larges circonstances atténuantes en faveur de MM. Pérugini et Raynaud ; qu'en effet ceux-ci n'ont retiré aucun bénéfice personnel des infractions commises ; qu'ils ont été confrontés à des difficultés d'application du statut pour des cas particuliers ; qu'ils n'ont pas eu systématiquement recours à ces pratiques irrégulières ;
Considérant que M. Estève a uniquement signé la convention conclue avec M. Gasiglia en infraction avec l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ; que sa responsabilité est susceptible d'être engagée à ce titre ; que toutefois cette irrégularité apparaît isolée ; que M. Estève s'est de surcroît trouvé confronté aux mêmes difficultés que son prédécesseur et qu'il n'y a dans ces conditions pas lieu de retenir sa responsabilité ;
Sur l'amende
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des irrégularités commises et des circonstances de l'espèce en infligeant à M. Pérugini une amende de 400 €, à M. Raynaud une amende de 400 € et en relaxant M. Estève ;
ARRÊTE :
Article 1er : M. Francis Pérugini est condamné à une amende de quatre cents euros (400 euros) ;
Article 2 : M. Yves Raynaud est condamné à une amende de quatre cents euros (400 euros) ;
Article 3 : M. Dominique Estève est relaxé des fins de la poursuite.
Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, première section, le trois juillet deux mil neuf par M. Racine, président de la section des finances du Conseil d'État, vice-président de la Cour de discipline budgétaire et financière, remplaçant en application de l'article R. 311-1-IV du code des juridictions financières le président de la première section, empêché, MM. Martin, Loloum et Pêcheur, conseillers d'État, M. Vachia et Mme Fradin, conseillers maîtres à la Cour des comptes.
Lu en séance publique le vingt-trois juillet deux mille neuf.
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d'y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu'ils en seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président de la Cour et la greffière.
Le Président, Pierre-François RACINE
la greffière, Maryse LE GALL