REPUBLIQUE FRANCAISE
Au nom du peuple franCais,
La Cour de discipline budgEtaire et financiEre, siégeant à la Cour des comptes, en audience publique, a rendu l'arrêt suivant :
La Cour,
Vu le titre Ier du livre III du code des juridictions financières, relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la lettre du 16 mars 1995, enregistrée au Parquet le même jour, par laquelle le commissaire du gouvernement près la chambre régionale des comptes de Picardie a informé le Procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, d'irrégularités constatées dans la gestion de l'Office public intercommunal d'HLM (OPIHLM) de la région de Creil ;
Vu le réquisitoire du 26 octobre 1995 par lequel le Procureur général a saisi la Cour des faits susmentionnés, conformément à l'article L. 314-1 du code des juridictions financières ;
Vu les décisions du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière des 29 janvier 1996 et 17 décembre 1999 nommant successivement en qualité de rapporteur MM. Olivier Japiot, auditeur au Conseil d'Etat, et Emmanuel Giannesini, auditeur à la Cour des comptes ;
Vu les lettres recommandées en date du 17 avril 1996 par lesquelles le Procureur général a informé MM. Jean Anciant, maire de Creil, président du conseil d'administration de l'OPIHLM de Creil, Gilles Servant, ancien vice-président du conseil d'administration, et Albert Dubreuil, directeur dudit office à l'époque des faits, de l'ouverture d'une instruction dans les conditions prévues à l'article L. 314-4 du code précité, ensemble les accusés de réception de ces lettres ;
Vu la lettre du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 25 mai 1998 transmettant au Procureur général le dossier de l'affaire après dépôt du rapport d'instruction, conformément à l'article L. 314-4 du code des juridictions financières ;
Vu la lettre du Procureur général au président de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 23 juillet 1998 l'informant de sa décision de poursuivre la procédure, en application de l'article L. 314-4 du code des juridictions financières ;
Vu la lettre du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 4 septembre 1998 saisissant pour avis le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et le ministre de l'équipement, des transports et du logement, dans les conditions prévues à l'article L. 314-5 du code des juridictions financières ;
Vu la décision du Procureur général en date du 9 février 1999 renvoyant MM. Anciant, Servant et Dubreuil devant la Cour de discipline budgétaire et financière, en application de l'article L. 314-6 du code précité ;
Vu la lettre du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 16 février 1999 transmettant le dossier au ministre de l'équipement, des transports et du logement, en application des dispositions de l'article L. 314-8 du code précité ;
Vu l'avis rendu par le conseil de discipline intercommunal dans sa séance du 16 novembre 1999, et adressé le 24 novembre au président de la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu les lettres recommandées du 2 décembre 1999 du secrétaire général de la Cour de discipline budgétaire et financière avisant MM. Anciant, Servant et Dubreuil qu'ils pouvaient prendre connaissance du dossier suivant les modalités prévues par l'article L. 314-8 du code précité, ensemble les accusés de réception de ces lettres ;
Vu les mémoires en défense transmis au greffe de la Cour le 13 janvier 2000 par Maîtres Delcros et Lequillerier pour M. Anciant, le 27 janvier 2000 par Me Valadou pour M. Servant, et les 31 janvier 2000, 16 mars 2000 et 5 mars 2001 par Me Bonino pour M. Dubreuil ;
Vu les lettres du 22 février 2001 par lesquelles le Procureur général a cité MM. Anciant, Servant et Dubreuil à comparaître devant la Cour de discipline budgétaire et financière, ensemble les accusés de réception de ces lettres ;
Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier, notamment les procès verbaux d'audition de MM. Anciant, Servant et Dubreuil, les témoignages de M. Audrezet, Mme Dufour, MM. Hardy, Lefebvre, Mme Demery, MM. Bailly, Domart, Mme Monneau et M. Rousseau, ainsi que le rapport d'instruction de M. Japiot ;
Vu l'arrêt de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 4 avril 2001 condamnant M. Anciant à une amende de 10.000 F (soit 1 524,49 €), M. Servant à une amende de 5.000 F (soit 762,25 €) et M. Dubreuil à une amende de 10.000 F (soit 1 524,49 €), et prévoyant la publication de l'arrêt au journal officiel de la République Française ;
Vu la décision du Conseil d'Etat en date du 4 juillet 2003 annulant l'arrêt de la Cour de discipline budgétaire et financière en tant qu'il concerne M. Dubreuil et renvoyant l'affaire devant elle ;
Vu la décision du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 17 septembre 2003 désignant comme rapporteur M. Nicolas Groper, auditeur à la Cour des comptes ;
Vu la lettre recommandée en date du 12 novembre 2003 de la secrétaire générale de la Cour de discipline budgétaire et financière avisant M. Dubreuil qu'il pouvait prendre connaissance du dossier suivant les modalités prévues à l'article L. 314-8 du code des juridictions financières, ensemble l'accusé de réception de cette lettre ;
Vu la lettre recommandée du Procureur général en date du 9 décembre 2003 citant M. Dubreuil à comparaître devant la Cour de discipline budgétaire et financière le 16 janvier 2004, ensemble l'accusé de réception de cette lettre ;
Vu le mémoire en défense enregistré au greffe le 26 décembre 2003 présenté pour M. Dubreuil par Maître Jean-Christophe Bonino, avocat au barreau de Senlis, ensemble les productions annexées ;
Vu la lettre recommandée du Procureur général en date du 6 janvier 2004 citant M. Dubreuil à comparaître devant la Cour de discipline budgétaire et financière le 23 janvier 2004, ensemble l'accusé de réception de cette lettre ;
Vu la décision du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 7 janvier 2004 permettant que M. Lafont et Mme Demery soient cités à comparaître à l'audience de la Cour de discipline budgétaire et financière pour y être entendus comme témoins ;
Vu les convocations à témoin adressées le 7 janvier 2004 par le Président de la Cour de discipline budgétaire et financière à M. Lafont et Mme Demery, ensemble les accusés de réception de ces lettres ;
Vu la lettre enregistrée au greffe le 9 janvier 2004 par laquelle M. Lafont a informé la Cour de son indisponibilité à se présenter à l'audience du 23 janvier 2004 ;
Vu la lettre recommandée du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 12 janvier 2004 transmettant à Me Bonino copie du courrier de M. Lafont, ensemble l'accusé de réception de cette lettre ;
Vu la lettre recommandée du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 15 janvier 2004 demandant à M. Lafont d'adresser son témoignage écrit à la Cour le 19 janvier 2004 au plus tard, ensemble l'accusé de réception de cette lettre ;
Vu la lettre de M. Lafont enregistrée au greffe le 16 janvier 2004 ;
Vu la lettre recommandée du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 19 janvier 2004 autorisant M. Lafont à ne pas comparaître à l'audience, ensemble l'accusé de réception de cette lettre ;
Vu la lettre enregistrée au greffe de la Cour de discipline budgétaire et financière le 19 janvier 2004 par laquelle Me Bonino demande au Président de la Cour de discipline budgétaire et financière le report de l'audience ;
Vu l'ensemble des pièces figurant au dossier ;
Entendu M. Groper en son rapport ;
Entendue Mme le Procureur général en ses conclusions et réquisitions ;
Entendue Mme Demery en sa qualité de témoin ;
Entendu en sa plaidoirie Me Bonino, et en ses explications et observations, M. Dubreuil, l'intéressé et son conseil ayant eu la parole en dernier ;
Sur la compétence de la Cour :
Considérant que le décret du 30 décembre 1921, publié au Journal officiel du 8 janvier 1922, modifié par les décrets du 6 mai 1957 et du 7 avril 1971, a créé sur les communes de Creil, Montataire, Coye-la-Forêt, Précy-sur-Oise, Saint-Leu-d'Esserent, Villers Saint-Paul et Gouvieux (Oise) un office intercommunal d'habitation à bon marché, devenu office public intercommunal d'habitation à loyer modéré (OPIHLM) ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-4 du code de la construction et de l'habitation, les offices publics d'habitation à loyer modéré sont des établissements publics ;
Considérant en conséquence que M. Dubreuil, directeur de l'OPIHLM est, en cette qualité, justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière au titre de l'article L. 312 1-I du code des juridictions financières ;
Sur les conditions de prescription :
Considérant que seuls les faits qui se sont produits ou poursuivis après le 26 octobre 1990 ne sont pas couverts par la prescription édictée par l'article L. 314-2 du code des juridictions financières ;
Sur la régularité de la procédure :
Sur le moyen tiré de ce que la procédure d'instruction aurait méconnu les droits de la défense :
Considérant en premier lieu que le dossier d'instruction devant la Cour de discipline budgétaire et financière comporte notamment 34 documents, cotés 37-1, 37-2 et 38-2 à 38-33 qui ont été transmis par le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Senlis, en réponse à la demande du ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, en date du 29 octobre 1996 ; mais que M. Dubreuil soutient que le dossier de l'instruction pénale engagée devant le tribunal de grande instance de Senlis contient 495 documents ; que notamment les procès-verbaux des témoignages de onze personnes, présents dans le dossier d'instruction pénal, n'auraient pas été transmis par le Procureur de la République ; que faute d'avoir disposé de la totalité du dossier d'instruction pénal, le rapporteur devant la Cour de discipline budgétaire et financière n'aurait eu connaissance que d'éléments à charge ;
Considérant cependant que cinq des onze témoins susmentionnés ont été interrogés par le rapporteur au cours de son instruction, leurs dépositions figurant au dossier ; qu'à ces cinq témoignages s'ajoutent dans le dossier d'instruction les dépositions de cinq autres témoins, lesquelles contiennent des indications susceptibles de constituer des éléments à décharge en faveur de M. Dubreuil ;
Considérant que M. Dubreuil a été entendu, à deux reprises, par le rapporteur ; qu'au surplus, M. Dubreuil n'a pas produit ou demandé que soit produit l'un des documents du dossier pénal non transmis à la Cour et susceptible de comporter des éléments à sa décharge ;
Considérant en second lieu que l'absence, dans le dossier d'instruction, des réquisitoires du Procureur de la République et de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal de grande instance de Senlis, est sans incidence sur la régularité de la procédure d'instruction devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Considérant que, dans ces conditions, le droit des parties à une contradiction équitable a été respecté et que le moyen tiré d'irrégularités relatives à la procédure d'instruction du rapporteur devant la Cour de discipline budgétaire et financière doit être écarté ;
Sur le moyen tiré d'irrégularités alléguées dans la procédure devant la Cour de discipline budgétaire et financière :
Considérant en premier lieu que l'article L. 314-5 du code des juridictions financières dispose que si le Procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, estime au terme de l'instruction que l'instance doit être poursuivie, le dossier est communiqué au ministre ou à l'autorité dont dépend ou dépendait le fonctionnaire ou l'agent mis en cause, au ministre chargé des finances, ainsi que le cas échéant au ministre de tutelle compétent ; mais que M. Dubreuil soutient que c'est à tort que le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a, par lettre du 4 septembre 1998, saisi pour avis le ministre de l'équipement, des transports et du logement, celui-ci ne pouvant être considéré comme l'autorité dont il dépendait, puisqu'en sa qualité d'agent de la fonction publique territoriale, il aurait en réalité été placé sous l'autorité du président de l'OPIHLM ;
Considérant que le ministre chargé du logement exerce une mission de surveillance générale du secteur du logement, et notamment des conditions dans lesquelles les offices publics d'habitation à loyer modéré exercent leur activité et sont gérés ; que c'est à bon droit que son avis a été sollicité conformément à l'article L. 314-5 précité ;
Considérant en deuxième lieu que par lettre susvisée du 4 septembre 1998, le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a informé le ministre de l'économie des finances et de l'industrie et le ministre de l'équipement, des transports et du logement de la poursuite de l'instance, conformément à l'article L. 314-5 précité ; qu'il leur a indiqué que l'ensemble du dossier pouvait être consulté au greffe de la Cour ; que ce dossier comportait l'ensemble des documents réunis au cours de l'instruction, y compris les pièces transmises par le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Senlis ; mais que M. Dubreuil soutient que ce faisant, le président de la Cour aurait violé le secret de l'instruction pénale alors en cours devant le tribunal de grande instance de Senlis ;
Considérant que l'article 11 du code de procédure pénale dispose que, sauf dans les cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète ; que la procédure suivie devant la Cour de discipline budgétaire et financière est fixée par la loi et que le secret de l'instruction pénale ne saurait avoir pour effet de rendre inopérante la procédure d'instruction devant la Cour de discipline budgétaire et financière, telle qu'elle ressort du code des juridictions financières ; qu'en outre aucun texte n'interdit d'annexer à une procédure répressive les éléments d'une autre procédure dont la production peut être de nature à éclairer le juge et à contribuer à la manifestation de la vérité ;
Considérant en conséquence qu'en autorisant la communication du dossier pendant devant la Cour de discipline budgétaire et financière aux autorités visées à l'article L. 314-5 du code des juridictions financières, le président de ladite Cour n'a pas porté atteinte aux droits de M. Dubreuil ;
Considérant en troisième lieu que, par lettre du 16 février 1999, le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a demandé au ministre de l'équipement, des transports et du logement que la commission administrative paritaire compétente soit saisie conformément à l'article L. 314-8 du code des juridictions financières ; que la qualité de l'autorité ayant saisi la commission administrative compétente siégeant en formation disciplinaire, en l'espèce le conseil de discipline intercommunal rattaché au centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Oise, est sans incidence sur la régularité de l'avis que la commission a été amenée à émettre ;
Considérant en quatrième lieu que dans la lettre susmentionnée du 16 février 1999, le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a expressément indiqué que l'intégralité du dossier pouvait être consultée au greffe de la Cour ; que le secrétaire d'Etat au logement, dans sa lettre du 28 juin 1999 au président du conseil de discipline placé auprès du centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Oise, a repris cette mention ; qu'il appartenait dès lors au président ou aux membres du conseil, ou à M. Dubreuil lui-même, de produire ou faire produire la ou les pièces leur paraissant susceptibles de compléter utilement les documents communiqués par le secrétaire d'Etat au logement ;
Considérant enfin que le conseil de discipline ayant été saisi le 28 juin, la Cour de discipline budgétaire et financière était autorisée à statuer à compter du 29 juillet 1999, en application de l'article L. 314-8 du code des juridictions financières ; que la commission s'est réunie pour la première fois le 23 septembre mais a constaté que le quorum de ses membres n'était pas atteint ; qu'elle s'est réunie une deuxième fois le 12 octobre 1999, mais qu'elle a fait droit à une demande de report émanant de M. Dubreuil lui-même ; qu'elle s'est réunie une troisième fois le 26 octobre 1999, mais que M. Dubreuil a opposé au cours de cette séance trois exceptions d'irrecevabilité ; que lors d'une quatrième réunion, le 16 novembre 1999, le conseil de discipline a décidé de surseoir à statuer sur le dossier communiqué par la Cour de discipline budgétaire et financière ; qu'il ressort de ces circonstances que la procédure suivie par la Cour en vue de recueillir l'avis de la commission administrative paritaire prévu à l'article L. 314-8 n'a pas porté atteinte aux droits de la défense ni à la présomption d'innocence de M. Dubreuil ; que la procédure engagée devant la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire n'est pas une action disciplinaire ; qu'en effet les poursuites devant la Cour ne font pas obstacle à l'exercice de l'action disciplinaire, laquelle peut du reste être engagée sur communication de la Cour à l'autorité compétente après qu'elle a statué sur les poursuites ; que l'intervention de la commission administrative paritaire prévue par l'article L. 314-8 a pour objet de permettre à celle-ci d'apporter à la Cour un avis de nature à l'éclairer, le renvoi ayant été prononcé au préalable, et non de se substituer à la Cour dans l'appréciation des responsabilités ;
Considérant qu'il découle de ce qui précède que la procédure d'instruction devant la Cour n'est entachée d'aucune irrégularité substantielle, et que le moyen doit être écarté ;
Sur les moyens tirés d'inexactitudes dans la décision de renvoi du Procureur général :
Considérant que les inexactitudes alléguées dans la décision de renvoi du Procureur général en date du 9 février 1999, à les supposer établies, sont sans incidence sur la validité de la procédure devant la Cour de discipline budgétaire et financière ; que les moyens qui en sont tirés doivent être écartés ;
Sur le moyen tiré du non-respect de la présomption d'innocence et de l'impartialité du jugement :
Considérant que M. Dubreuil soutient que c'est à tort que le rapport public de la Cour des comptes pour 1995 présente à la suite de ses observations relatives à la gestion de l'OPIHLM de Creil une réponse émanant du « directeur général » de l'office ; que cette réponse a été demandée par lettre du secrétaire général de la Cour des comptes en date du 29 juillet 1995 alors que lui-même était placé en détention provisoire à compter du 10 juillet de la même année ; qu'en conséquence, la réponse ne pouvait être signée de sa main ;
Considérant qu'à supposer que M. Dubreuil, du fait qu'il avait été placé en détention provisoire le 10 juillet 1995, n'ait pu être l'auteur réel de la réponse figurant au rapport, cette inexactitude serait sans incidence sur la procédure devant la Cour de discipline budgétaire et financière, qui est une juridiction distincte de la Cour des comptes ;
Considérant en conséquence que le moyen doit être écarté ;
Sur le moyen tiré de ce que la Cour aurait dû communiquer certaines pièces :
Considérant que le mémoire en défense présenté pour M. Dubreuil et enregistré au greffe de la Cour le 26 décembre 2003 demande que lui soient communiquées différentes pièces préparatoires ou afférentes à la délibération du conseil d'administration de l'OPIHLM en date du 10 octobre 2001 ;
Considérant qu'il n'appartient pas à la Cour de communiquer ces pièces dont elle n'a pas été destinataire ;
Sur la demande de report de la séance :
Considérant que la demande dont la Cour est saisie n'articule aucun fait de nature à établir l'utilité du témoignage de M. Lafont ; que dès lors, et compte tenu des pièces du dossier et notamment de la lettre adressée par M. Lafont au Président de la Cour le 16 janvier 2004, son audition n'apparaît pas nécessaire à la manifestation de la vérité ; qu'il n'y a donc pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de reporter la séance pour entendre M. Lafont ;
Sur les manquements à la réglementation sur les marchés publics et l'octroi d'avantages injustifiés à des tiers au détriment de l'office :
Considérant que les manquements allégués à la réglementation sur les marchés publics ne sont pas établis ; qu'il n'y a dès lors pas lieu d'engager la responsabilité de M. Dubreuil de ce chef ;
Sur l'engagement et le mandatement de dépenses au-delà des crédits ouverts au budget :
Considérant que le mandat n° 6534, payé le 21 décembre 1990, a été imputé sur les comptes 1644 et 1688 pour un montant de 638 485,33 F sans que les crédits inscrits au budget approuvé le 24 novembre 1989 par le conseil d'administration sur les comptes 1644 et 1688 aient été suffisants ; qu'il en est résulté un paiement en excédent des crédits régulièrement ouverts ; que pour pallier cette insuffisance des crédits sur les comptes 1644 et 1688, le conseil d'administration a, par délibération du 29 mars 1991, procédé à une modification du budget ; qu'en application de l'article L. 1612-11 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction issue de la loi du 5 janvier 1988, une telle modification n'était régulièrement autorisée qu'avant le 31 décembre 1990 pour la section d'investissement et le 21 janvier 1991 pour la section de fonctionnement ; que le paiement s'est donc effectué en infraction avec une règle élémentaire d'exécution des dépenses publiques et tombe sous le coup de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;
Considérant qu'il ressort également des pièces du dossier que par 38 mandats, payés entre le 9 janvier et le 12 février 1992, un montant total de 1 489 375,31 F a été payé sans que les crédits correspondant aient été régulièrement inscrits au budget approuvé par le conseil d'administration le 21 décembre 1990 et modifié par délibération du 15 novembre 1991 ; qu'il en est résulté des paiements en excédent des crédits régulièrement ouverts ; que pour pallier cette insuffisance des crédits notamment sur les comptes 64 et 67, le conseil d'administration a, par une délibération du 18 septembre 1992, procédé à une modification du budget largement postérieure aux dates limites du 31 décembre 1991 ou du 21 janvier 1992 ; que ce paiement s'est donc effectué, là aussi, en infraction avec une règle élémentaire d'exécution des dépenses publiques et tombe sous le coup de l'article L. 313-4 précité ;
Considérant qu'une partie des mandats ayant entraîné des paiements au-delà des crédits ouverts au budget de l'exercice 1991 a été signée par M. Dubreuil ;
Considérant que M. Dubreuil, ainsi qu'il ressort de l'instruction et des pièces du dossier, exerçait à raison de ses fonctions de directeur de l'office un rôle prépondérant dans la préparation des actes budgétaires ; que délégation permanente de signature lui avait été consentie par le président de l'office pour signer les mandats et ordres de paiement et toutes pièces produites à l'appui ; que sa responsabilité est engagée au titre de l'article L. 313-4 précité ;
Considérant toutefois que l'absence de remarque ou d'avertissement émanant de l'agent comptable au sujet du dépassement des crédits ouverts, ou du contrôle de légalité au sujet des délibérations de régularisation, constitue une circonstance atténuante pour M. Dubreuil ;
Sur l'octroi irrégulier de compléments de rémunération :
Sur les conditions de prescription :
Considérant qu'il ressort de l'instruction que divers compléments de rémunération ont été versés par l'office à ses personnels, notamment à son directeur, M. Dubreuil, dans des conditions irrégulières décrites ci-après ; que les versements intervenus entre le 26 octobre 1990 et le 26 octobre 1995 sont susceptibles d'engager la responsabilité de leurs auteurs sur le fondement des articles L. 313-4 et L. 313-6 du code des juridictions financières, quand bien même la décision de principe aurait été prise antérieurement ; qu'en effet la répétition de tels versements est constitutive d'une irrégularité continue, nonobstant la prescription susceptible de couvrir les premiers paiements ;
Sur le versement de frais de déplacement à caractère forfaitaire :
Considérant que plusieurs cadres de l'office ont perçu au cours des exercices 1990 et 1991 des remboursements mensuels de frais de déplacement de caractère forfaitaire ; que ces remboursements ont porté, de novembre 1990 à décembre 1991, sur une somme d'un peu plus de 117 000 F (17 838 €) ; que, du fait de leur caractère forfaitaire, ces versements ne peuvent être regardés comme l'indemnisation de frais de mission mais comme des rémunérations accessoires non prévues par les textes, et qu'ils constituent dès lors une infraction aux règles d'exécution de la dépense publique, qui engage la responsabilité de ses auteurs au sens de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;
Que toutefois, il ne ressort pas du dossier que ces versements aient été dépourvus de tout lien avec les sujétions pesant sur leurs bénéficiaires, notamment en matière de transport ; qu'il n'est dès lors pas acquis que cette infraction ait procuré un avantage injustifié à certains de ses agents au détriment de l'office au sens de l'article L. 313-6 du code précité ;
Sur le versement de primes de technicité :
Considérant qu'une « prime de technicité » a été versée à différents agents de l'OPIHLM au cours des exercices 1990 et 1991 ; que cette rémunération accessoire est prévue par l'arrêté du 20 mars 1952 modifié ; qu'elle a été attribuée par simple décision du président de l'office, sans que le conseil d'administration ait au préalable délibéré sur ses modalités de liquidation et de répartition ; que toutefois, en application des articles 12 et 13 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, le comptable est tenu en matière de dépense de s'assurer de la validité de la créance, et en particulier de contrôler l'exactitude des calculs de liquidation ; qu'en l'espèce l'ordonnateur aurait dû transmettre au comptable à l'appui de la demande de versement de cette prime les pièces justificatives prévues par les décrets n° 83-16 du 13 janvier 1983 et n° 88-74 du 21 janvier 1988 régissant la liste des pièces justificatives des paiements des collectivités locales et des établissements publics locaux ; qu'en l'absence de délibération du conseil d'administration précisant les modalités de liquidation de ladite prime, le comptable ne pouvait s'assurer de l'exactitude des calculs de liquidation ; que dès lors, bien que le principe de cette prime soit prévu par l'arrêté du 20 mars 1950, une délibération du conseil d'administration était nécessaire pour en préciser les modalités d'attribution ;
Qu'en outre la prime de technicité a été versée à M. Dubreuil, directeur de l'office, alors que les dispositions réglementaires en réservent le bénéfice aux techniciens et ingénieurs appartenant aux services techniques des collectivités ; que la circonstance que M. Dubreuil ait reçu une formation initiale d'ingénieur était sans effet sur ses droits au bénéfice de cette prime, le directeur de l'office ne pouvant manifestement pas prétendre appartenir à l'un de ses services techniques ;
Que la responsabilité des personnes ayant pris part au versement des primes de technicité est engagée sur le fondement de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;
Sur le versement de primes informatiques :
Considérant que le versement d'une « prime informatique », prévue par l'arrêté du 23 juillet 1973, pour un montant total de 183 888 F (28 035,98 €) en 1991 s'est accompagné d'irrégularités semblables ; qu'en effet, il ressort du dossier qu'aucune délibération du conseil d'administration n'est intervenue pour établir le mode de liquidation et la répartition de ladite prime entre ses bénéficiaires, malgré les dispositions des décrets n° 83-16 du 13 janvier 1983 et n° 88-74 du 21 janvier 1988 qui rendent obligatoire la production par l'ordonnateur d'une telle délibération à l'appui de la demande de paiement ; que le comptable n'était donc pas en mesure de s'assurer de la validité de la créance, et en particulier de contrôler l'exactitude des calculs de liquidation, conformément aux 12 et 13 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ; que ce faisant, les auteurs de ces versements, dont M. Dubreuil, ont engagé leur responsabilité au titre de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;
Qu'en outre, cette prime informatique a bénéficié à plusieurs cadres qui ne remplissaient pas les conditions restrictives posées par l'arrêté du 23 juillet 1973 ; qu'il en est ainsi de M. Hardy, directeur général adjoint, et de Mme Matheu, directrice des ressources humaines, qui n'exerçaient pas à titre principal de fonctions informatiques ; que le montant de 42 877 F (6 537,12 €) versé à ces deux cadres en 1991 doit donc être regardé comme un avantage injustifié concédé au détriment de l'office au sens de l'article L. 313-6 du code précité ;
Sur le versement de primes d'objectifs :
Considérant que des primes d'objectifs ont été attribuées en 1990 et 1991, cette dernière année pour un montant total de 184 700 F (28 159,78 €), aux personnels de l'office ; que la circonstance que cette prime ait pris la suite de « primes de rendement » versées avant 1987 par l'association du personnel et le fait que le maintien de cette rémunération accessoire soit imposé par l'article 111 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ne dispensaient pas de soumettre au conseil d'administration des délibérations pour fixer les modalités de liquidation et de répartition de ces primes, dès lors qu'elles étaient versées directement par l'office ; qu'en effet ces primes ont été attribuées par simple décision du président de l'office, sans que le conseil d'administration ait au préalable délibéré sur leur liquidation et leur répartition ; qu'en application des articles 12 et 13 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, le comptable est tenu en matière de dépense de s'assurer de la validité de la créance, et en particulier de contrôler l'exactitude des calculs de liquidation ; qu'en l'espèce l'ordonnateur aurait dû transmettre au comptable à l'appui de la demande de versement de cette prime les pièces justificatives prévues par les décrets n° 83-16 du 13 janvier 1983 et n° 88-74 du 21 janvier 1988 régissant la liste des pièces justificatives des paiements des collectivités locales et des établissements publics locaux ; qu'en l'absence de délibération du conseil d'administration précisant les modalités de liquidation de ladite prime, le comptable ne pouvait s'assurer de l'exactitude des calculs de liquidation ; que le versement des primes d'objectifs s'est donc effectué en infraction aux règles d'exécution des dépenses publiques au sens de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;
Sur le versement d'une prime de responsabilité au directeur de l'office :
Considérant que M. Dubreuil a bénéficié en 1990 et 1991 d'une prime de responsabilité, d'un montant total de 41 693 F pour ce dernier exercice ; que le versement de cette prime n'a pas été autorisé par le conseil d'administration comme l'exigeait le décret n° 88-631 du 6 mai 1988 ; que faute d'une telle autorisation, le versement de cette prime s'est effectué en infraction avec les règles d'exécution des dépenses qui s'imposaient à l'établissement ; qu'ainsi, la responsabilité des auteurs de ces versements est engagée au titre de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;
Sur les responsabilités :
Considérant que les décisions d'octroi et les mandats relatifs à ces rémunérations accessoires ont été préparés par les services que dirigeait M. Dubreuil ; qu'il a personnellement bénéficié de plusieurs de ces primes irrégulières ; que sa responsabilité est engagée de ce chef ;
Sur le montant de l'amende :
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en infligeant une amende de 1.500 € à M. Dubreuil ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamné à payer à M. Dubreuil la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Sur la publication :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de publier le présent arrêt au Journal officiel de la République française ;
ArrEte :
Article 1er: M. Dubreuil est condamné à une amende de mille cinq cents euros (1 500 €).
Article 2 : Les conclusions de M. Dubreuil tendant à l'application de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, le vingt-trois janvier deux mille quatre, par M. Fouquet, président de la section des finances du Conseil d'Etat, président, M. Massot, président de section au Conseil d'Etat, M. Martin, conseiller d'Etat et M. Lefoulon, conseiller maître à la Cour des comptes.
Lu en séance publique le vingt trois mars deux mille quatre.
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d'y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu'ils en seront légalement requis.
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président de la Cour et la greffière.
Le président, Olivier FOUQUET |
La greffière, Maryse LE GALL |