LA COUR,

Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision notifiée le 5 juillet 1985 et enregistrée au parquet le même jour, par laquelle la Cour des comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités constatées dans la gestion de l'Office national de la navigation (ONN) et du groupement d'intérêt économique Bateliers Artisans Service Commercial (BASC) ;

Vu le réquisitoire du Procureur général de la République en date du 15 mai 1986 transmettant le dossier à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 23 septembre 1986 désignant comme rapporteur M. LESCURE, Conseiller maître à la Cour des comptes ;

Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées par le Procureur général de la République le 19 janvier 1987 à MM. CARON et MAISTRE, directeurs successifs de l'ONN à l'époque des faits, et à MM. DELESALLE et FERRAND, directeur et contrôleur de gestion du BASC, les informant de l'ouverture d'une instruction et les avisant qu'ils pouvaient se faire assister soit par un mandataire dûment autorisé, soit par un avocat ou un avoué, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Vu les avis émis le 11 décembre 1987 par le ministre délégué auprès du ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports, chargé des transports, et le 1er février 1988 par le ministre délégué chargé du budget ;

Vu les conclusions du Procureur général de la République en date du 10 mars 1988 renvoyant MM. CARON, MAISTRE et DELESALLE devant la Cour de discipline budgétaire et financière et prononçant un non-lieu en ce qui concerne M. FERRAND ;

Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées par le Président de la Cour de discipline budgétaire et financière le 29 juin 1988 à MM. CARON, MAISTRE et DELESALLE les avisant qu'ils pouvaient dans un délai de quinze jours prendre connaissance du dossier de l'affaire soit par eux-mêmes, soit par mandataire, soit par le ministère d'un avocat, d'un avoué ou d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Vu l'avis du 28 septembre 1988 de la commission administrative paritaire compétente à l'égard du corps des ingénieurs des ponts et chaussées concernant la situation de M. CARON, ingénieur général des ponts et chaussées ;

Vu l'avis du 28 septembre 1988 de la commission administrative paritaire compétente à l'égard du corps des ingénieurs des ponts et chaussées concernant la situation de M. MAISTRE, ingénieur général des ponts et chaussées ;

Vu le mémoire en défense en date du 25 juillet 1988 présenté par M. CARON, ensemble les pièces annexées ;

Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées le 10 octobre 1988 par le Procureur général de la République à MM. CARON, MAISTRE et DELESALLE les citant à comparaître devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu le mémoire en défense en date du 25 novembre 1988 présenté par M. MAISTRE, ensemble les pièces annexées ;

Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe de la Cour le 29 novembre 1988, présenté par Me Eric BOYER, avocat au barreau de Paris, pour M. DELESALLE ;

Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier, et notamment les procès-verbaux d'audition de MM. CARON, MAISTRE et DELESALLE et le rapport d'instruction établi par M. LESCURE ;

Entendu M. LESCURE en son rapport ;

Entendu M. le Procureur général de la République en ses conclusions ;

Entendu en leurs explications MM. CARON, MAISTRE et M. DELESALLE, assisté de Me BOYER ;

Entendu le Procureur général de la République en ses réquisitions ;

Entendu en sa plaidoirie Me BOYER et en leurs observations MM. CARON, MAISTRE et DELESALLE, les intéressés et leur conseil ayant eu la parole les derniers ;

Sur la compétence de la Cour

Considérant que l'Office national de la navigation, établissement public national doté d'un agent comptable, relève du contrôle de la Cour des comptes, en application des dispositions de l'article 1er (1er et 3ème alinéas) de la loi du 22 juin 1967 modifiée ;

Considérant que le groupement d'intérêt économique Bateliers Artisans Service Commercial (BASC) en tant qu'il bénéficie d'aides financières allouées par l'Office national de la navigation est également soumis au contrôle de la Cour des comptes, en vertu de la compétence qu'elle tient des dispositions de l'article 1er (6ème alinéa) de la loi du 22 juin 1967 modifiée et de l'article 33 du décret n 68-827 du 20 septembre 1968 modifié devenu l'article 38 du décret n° 85-199 du 11 février 1985 ; qu'en conséquence, les représentants, administrateurs ou agents de l'ONN et du BASC sont, en application de l'article 1er de la loi du 25 septembre 1948 modifiée, justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Sur l'amnistie

Considérant que les agissements qui ont motivé le renvoi de MM. CARON, MAISTRE et DELESALLE devant la Cour de discipline budgétaire et financière étaient susceptibles d'entraîner la condamnation de leurs auteurs aux amendes prévues aux articles 2 à 8 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée susvisée que l'article 29 de ladite loi assimile aux amendes prononcées par la Cour des comptes en cas de gestion de fait ; que ces amendes ne sont ni des sanctions disciplinaires, ni des sanctions professionnelles au sens de l'article 14 de la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 portant amnistie, qui est ainsi sans effet sur le renvoi de MM. CARON, MAISTRE et DELESALLE devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Sur le manque de diligence dans le recouvrement des créances de l'ONN

Considérant que la réglementation des recettes et des dépenses de l'Office national de la navigation résulte des dispositions du décret n° 60-1441 du 26 décembre 1960 modifié portant statut de cet organisme ;

Que jusqu'à l'intervention du décret n° 86-352 du 11 mars 1986 modifiant le décret précité et substituant le Président du Conseil d'administration au directeur dans les fonctions d'ordonnateur, les attributions du directeur de l'office concernant le recouvrement des produits de l'établissement étaient fixées par les articles 17, 40 et 41 du décret du 26 septembre 1960 susvisé ;

Qu'aux termes de l'article 17, le Directeur "constate et liquide les droits ... de l'établissement" et "suit l'émission des titres de recettes qu'il transmet à l'agent comptable" ;

Qu'aux termes de l'article 40, "l'agent comptable renseigne le Directeur sur la marche des recouvrements ..." et "en cas d'échec des tentatives de recouvrement amiables, procède aux poursuites sur l'ordre du Directeur" ;

Qu'enfin, il résulte de l'article 41 que le Directeur est tenu de soumettre "à l'examen du Conseil d'administration au cours de sa première séance de l'année, les dossiers des créances non recouvrées depuis plus d'un an" ;

a) Créances contre l'Association nationale des travailleurs indépendants de la batellerie (ANTIB)

Considérant que par convention du 2 novembre 1979, l'ONN a mis un sociologue qu'il avait recruté à la disposition de l'Association nationale des travailleurs indépendants de la batellerie (ANTIB) ; que cette mise à disposition sous forme au minimum de mi-temps et contre rémunération prenait effet le 2 novembre 1979 pour une durée de deux ans ;

Que la convention prévoyait un remboursement, au prorata du temps de mise à disposition effective, par acomptes trimestriels à terme échu, avec liquidation définitive des charges réelles à la fin de chaque période d'un an ;

Considérant que l'ANTIB ayant refusé, d'une part, de payer les factures correspondant à la période du 2 août 1981 au 1er novembre 1981, et au réajustement annuel du 2 novembre 1980 au 1er novembre 1981, soit ensemble 63 142,14 F et, d'autre part, les factures émises pour la période du 2 novembre 1981 au 31 janvier 1982 non couverte par la convention soit 28 687,73 F, un compromis a été établi entre l'ONN et l'ANTIB et entériné par lettre du 30 novembre 1982 adressée par le directeur de l'établissement public au président de l'association ;

Qu'en vertu de ce compromis, l'ANTIB devait régler les créances relatives à la période couverte par la convention, soit 63 142,14 F, et obtenait la gratuité de la mise à disposition du sociologue du 1er novembre 1981 à la fin 1982 à raison d'une journée par semaine ;

Considérant que de décembre 1982 à février 1985, hormis des rappels verbaux des deux directeurs successifs de l'ONN au président de l'ANTIB, aucune mesure n'a été prise pour contraindre l'association à régler sa dette ;

Considérant que M. MAISTRE a indiqué que le défaut de recouvrement de cette créance n'avait pas, compte tenu de sa modicité, fait l'objet d'un examen spécial du Conseil d'administration, mais que ladite créance figurait explicitement dans les états de restes à recouvrer annexes des comptes financiers soumis à l'approbation du Conseil d'administration ;

Considérant qu'en raison de la crise grave de la batellerie dont l'effet était de durcir les rapports de l'ONN avec les professionnels, des poursuites immédiates pour une créance de faible montant pouvaient comporter un risque disproportionné eu égard à l'action d'ensemble des pouvoirs publics dans ce secteur ;

Considérant que la créance a finalement été recouvrée le 11 juillet 1985 après des poursuites entamées le 21 février 1985 ;

Qu'en conséquence, le manque de diligence reproché à MM. CARON et MAISTRE dans ce cas ne saurait tomber sous le coup de l'article 5 et de l'article 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

b) Créances contre les armements GUENIN et Société de transport et de poussage du Nord (STPN)

Considérant qu'en dehors du constat d'une relative inaction à certaines périodes dans le processus de recouvrement des créances en cause, l'instruction n'a pas démontré, compte tenu des circonstances économiques dans lesquelles se trouvaient les sociétés débitrices, l'existence d'omissions ou de négligences caractérisées des directeurs de l'ONN ;

Qu'en conséquence, le manque de diligence reproché à MM. CARON et MAISTRE dans ce cas ne saurait tomber sous le coup de l'article 5 ou de l'article 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

c) Créance de 500 000 F sur le BASC

Considérant que l'ONN a consenti par contrat du 4 octobre 1979 à la Société industrielle de la cellulose d'Alizay (SICA), par l'intermédiaire du groupement d'intérêt économique Bateliers artisans service commercial (BASC), un prêt de 500 000 F qui devait être directement remboursé à l'office ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le déroulement de la procédure contentieuse de recouvrement de cette créance de l'ONN ne recèle aucune irrégularité ou négligence imputable aux dirigeants de l'ONN ;

Que le seul reproche qui puisse être adressé à M. CARON, signataire de la convention susmentionnée, est d'avoir retenu une formule anormalement complexe pour l'octroi du prêt de 500 000 F ayant engendré les difficultés juridiques ultérieures de recouvrement de la créance de l'ONN ;

Que ce reproche doit être tempéré par le fait que cette formule avait été admise par le Conseil d'administration de l'office ;

Considérant, au surplus, que le BASC n'a tiré aucun avantage de l'affaire puisque le remboursement de sa propre créance était subordonné au dénouement de la procédure de règlement judiciaire de la SICA ;

Que dès lors, les conditions d'application de l'article 5 ou de l'article 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ne se trouvent pas réunies en l'espèce ;

Sur les détournements de fonds publics de leur affectation conventionnelle

Considérant que par convention du 28 juin 1983, l'ONN a attribué une somme de 10,4 millions de francs au GIE Bateliers artisans service commercial (BASC) à titre d'avance sur les futures ressources professionnelles de l'Entreprise artisanale de transport par eau (EATE) dont la création avait été préconisée par la commission Grégoire chargée d'examiner les problèmes de la batellerie ;

Que le versement des fonds publics ainsi alloués est intervenu par mandat du 30 juin 1983 pour un montant de 5,4 millions de francs, conformément à l'article 4 de la convention susmentionnée et par mandat du 18 juillet 1984 pour le solde, soit 5 millions de francs en vertu de l'article 5 de ladite convention et à la suite d'instructions écrites du ministre des transports et du ministre des finances en date respectivement des 5 et 6 juillet 1984 ;

Considérant qu'une partie des avances ainsi remises au BASC ont été irrégulièrement conservées et employées par ledit groupement ;

Considérant que l'article 4 de la convention du 28 juin 1983 dispose que le "BASC transfère le bénéfice du premier versement reçu de l'ONN, soit 5,4 millions de francs, à l'EATE dès la création de celle-ci" ;

Considérant que la création de l'EATE est intervenue le 18 octobre 1983 et que M. DELESALLE, directeur du BASC et président de l'EATE, a reconnu lors de son audition qu'à partir de mars 1984 l'EATE a commencé à remplir la mission qui lui était dévolue par les pouvoirs publics ;

Considérant que le mélange anormal des trésoreries de l'EATE, du BASC et la Société de développement du transport artisanal par eau (SDTAE), SARL, membre du GIE, rend difficile la détermination précise des périodes pendant lesquelles le BASC a conservé des fonds destinés à l'EATE ou fait usage à son profit de la trésorerie de celle-ci ;

Considérant toutefois qu'il est établi que le BASC, en violation de l'article 4 de la convention, n'a pas transféré à l'EATE dès la création de celle-ci le bénéfice du premier versement de 5,4 millions de francs reçu de l'ONN ;

Considérant qu'en outre, le BASC a fait de ces fonds un emploi qui n'est pas conforme à la convention ;

Considérant en effet que la convention a pour objet, ainsi qu'il est énoncé à l'article 2, de "... permettre au BASC de développer son activité en renforçant ses moyens de promotion commerciale et en favorisant la conclusion de contrats de transport au tour de rôle" ; que si cette définition est assez large, il n'est pas contesté qu'il s'agissait de substituer un système de ristournes aux chargeurs à un système d'avances sur fret ;

Que certes ce dernier système avait bien été prévu dans une convention passée le 8 janvier 1983 entre les mêmes personnes morales, mais qu'en annulant explicitement ladite convention, la convention du 28 juin 1983 visait, conformément aux conclusions de la commission Grégoire, la mise en place d'un nouveau système reposant sur un fonds d'intervention commerciale alimenté par une taxe parafiscale et destiné à consentir des ristournes aux chargeurs qui concluraient avec l'EATE les contrats les plus rémunérateurs ;

Que cette interprétation des termes de la convention a été confirmée par M. DELESALLE, directeur du BASC, lors de son audition le 16 mars 1987 ;

Qu'ainsi, toute dépense du BASC financée par les avances de l'ONN et non destinée à assurer les ristournes aux chargeurs est irrégulière ;

Considérant qu'il ressort des déclarations faites par le directeur du BASC au cours de son audition et d'un rapport d'audit versé au dossier de l'instruction par le directeur des transports terrestres que deux catégories de dépenses ont été irrégulièrement financées par le BASC à partir de l'avance de l'ONN ;

Considérant en premier lieu que M. DELESALLE admet que le BASC a continué à consentir des avances sur fret aux bateliers après la signature de la convention du 28 juin 1983 et le versement des 5,4 millions de francs par l'ONN en juillet 1983 ;

Considérant en second lieu que des investissements effectués par le BASC ont été financés en partie à l'aide des fonds alloués par l'ONN ;

Qu'il en va ainsi de l'acquisition et de la transformation de la barge BASC II utilisée par la société SDTAE pour l'exécution d'un contrat de transport fluvial de matériels conclu le 29 février 1984 entre, d'une part, cette SARL et le BASC conjoints et solidaires et, d'autre part, le Centre national d'études spatiales ; qu'il ressort notamment du rapport d'audit précité qu'un montant de factures de 1 724 000 F a été financé par le BASC par prélèvement sur l'avance de 5,4 millions de francs de l'ONN ; que M. DELESALLE lui-même reconnaît que "la barge BASC II destinée au transport d'Ariane a été construite par le BASC, qui en est propriétaire, à l'aide de fonds prélevés sur l'avance de l'ONN et qu'elle est utilisée par la SDTAE moyennant une commission de 5 % sur la recette" ;

Qu'il n'est pas établi en revanche avec certitude que le BASC ait utilisé les fonds destinés à l'EATE pour régler le solde du prix HT et la TVA, soit ensemble 237 000 F, dus pour l'achat d'un bateau dénommé Saucona donné en location saisonnière à une société privée France Croisières fluviales (SFCF) dont l'objet est la promotion de l'activité touristique et de plaisance sur l'eau ;

Considérant en outre que le 11 juillet 1985, le BASC s'est engagé, à la demande du ministre des Transports et à la suite des investigations menées par la Cour des comptes, à rembourser sa dette vis-à-vis de l'EATE et que le montant de cette dette, arrêté par le ministère des transports à 5 280 740,34 F, a fait l'objet de versements échelonnés en 1985, 1986 et 1987, le dernier versement ayant eu lieu le 29 décembre 1987 ;

Considérant que les dispositions de la convention du 28 juin 1983 en tant qu'elles fixent contractuellement des normes d'emploi des fonds publics reçus par le BASC constituent des règles d'exécution des dépenses de cet organisme dont la violation tombe sous le coup de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée susvisée ;

Considérant que M. DELESALLE a, sans interruption depuis 1979, exercé les fonctions de directeur du BASC ; qu'il a, en outre, assuré la présidence de l'EATE dès la création de cet organisme en 1983, et ce jusqu'à ce qu'il soit conduit à présenter sa démission à la demande des pouvoirs publics à la fin de 1984 ;

Qu'il n'est pas contesté qu'il est l'auteur de toutes les décisions d'emploi des fonds du BASC ayant conduit aux irrégularités susmentionnées ;

Considérant que, même si la convention du 28 juin 1983 ne prévoyait aucun dispositif particulier de contrôle de l'ONN sur l'emploi des fonds mis à la disposition du BASC, le directeur de l'office disposait de moyens pour exercer une surveillance sur les comptes du groupement et donc sur l'utilisation des avances qui étaient consenties au profit de l'EATE ;

Considérant que l'article 14 modifié des statuts du BASC dispose que "l'Office national de la navigation désignera un contrôleur de gestion de son choix, dont la nomination, le remplacement ou la révocation sera de la seule compétence de l'office. Les pouvoirs de ce contrôleur de gestion seront identiques à ceux du contrôleur de la gestion désigné par l'assemblée extraordinaire des membres, excepté toutefois que son rapport annuel devra être également communiqué au directeur de l'office ou à son délégataire" ;

Considérant qu'il ressort du même article 14 que "pour exercer ses fonctions, le contrôleur a, à tout moment, tous pouvoirs d'investigation dans les livres et documents comptables et autres du groupement" ;

Qu'ainsi, en faisant application dudit article 14 et en désignant un contrôleur de gestion ayant tout pouvoir d'investigation, M. MAISTRE, directeur de l'ONN à partir du 1er juin 1983, aurait pu disposer d'éléments plus précis sur les interventions du BASC au fur et à mesure de la réalisation de la convention précitée ;

Considérant que le contrôle entrepris par M. MAISTRE et dont il a rendu compte dans sa note du 28 juin 1984 rapproche le montant des engagements de l'EATE et la trésorerie de l'ensemble BASC-EATE, mais se borne à constater le mélange des trésoreries de ces organismes ; qu'il ne constitue donc pas un contrôle suffisant de l'emploi effectif par le BASC de la première tranche de l'avance reçue de l'ONN et dont il était comptable vis-à-vis de l'EATE ;

Que dès lors, M. MAISTRE a une part de responsabilité dans les infractions susmentionnées et qu'il tombe, ainsi que M. DELESALLE, sous le coup des dispositions de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée susvisée ;

Sur l'octroi d'avantages injustifiés à la Société de construction de matériel fluvial (SCMF)

Considérant que l'arrêté interministériel en date du 20 décembre 1978 fixe les modalités de la subvention de l'Etat à la modernisation de la flotte fluviale ; que deux conventions, en date du 6 décembre 1982, passées par l'établissement public régional Nord-Pas-de-Calais, respectivement avec l'Etat et l'Office national de la navigation, ont prévu d'ajouter à cette aide de l'Etat des avances sans intérêt prises en charge par l'établissement public régional ; qu'il a été convenu que ces avances seraient accordées par l'ONN, agissant pour le compte de la région Nord-Pas-de-Calais dans la limite d'un programme de cinquante automoteurs et de cinquante barges, s'étalant sur cinq années ;

Considérant que l'article 8 de la convention du 6 décembre 1982 entre l'EPR Nord-Pas-de-Calais et l'ONN stipule : "Dans la limite des possibilités de trésorerie qui résulteront de la gestion des avances de l'EPR, l'ONN accordera aux acquéreurs qui ne pourront pas financièrement procéder à l'avance de TVA un prêt personnel sans intérêt, dont les modalités de remboursement seront fixées cas par cas" ;

Considérant qu'une société coopérative, la Société de construction de matériel fluvial (SCMF), a été créée le 29 mars 1982 pour centraliser à la fois les commandes des bateaux bénéficiant de l'aide régionale et les différents éléments de leur financement ; qu'une convention a été conclue le 19 octobre 1983 entre l'Office national de la navigation et la SCMF pour mettre en oeuvre le plan de financement du programme de construction des matériels fluviaux ainsi aidés dans la région Nord-Pas-de-Calais ;

Considérant que l'article 6-4 de ladite convention, outre la reprise des dispositions de l'article 8 précité de la convention ERP - Nord- Pas-de-Calais - ONN, prévoit que "l'Office national de la navigation s'engage à mettre à la disposition de la SCMF les produits financiers qu'il aura pu retirer des placements des excédents de trésorerie de l'établissement public régional (EPR), afin d'alléger, pour les acquéreurs de matériel, le financement de la TVA" ;

Considérant que cette stipulation est irrégulière, car elle contrevient aux dispositions dudit article 8 ;

Qu'en effet l'ONN n'avait pas le pouvoir de disposer au profit de la SCMF de fonds publics dont la région avait limité l'emploi à des prêts temporaires aux bateliers pour la période comprise entre le paiement de la TVA et sa récupération ;

Que l'ONN n'était pas non plus habilité à transférer à la SCMF, la gestion desdits fonds, un tel transfert ayant été formellement exclu par le ministre des transports dans les instructions qu'il avait adressées à l'ONN en août 1982 ;

Considérant toutefois que le mécanisme de prêt prévu par l'article 8 de la convention du 6 décembre 1982 précitée était d'application difficile et que l'objet de la clause de l'article 6-4 était de donner un contenu réel à l'allégement, souhaité par les pouvoirs publics, des frais financiers exposés par les acquéreurs de matériel fluvial avant la récupération de la TVA ;

Qu'il n'a pas été établi par l'instruction que la clause de l'article 6-4, malgré sa rédaction ambiguë, ait eu pour objet de procurer, au-delà dudit allégement, un avantage particulier à la SCMF ;

Qu'au surplus, la clause de l'article 6-4 n'a pas joué dans sa rédaction initiale et qu'un avenant du 11 juin 1985 en a clarifié le contenu ;

Qu'en conséquence, l'irrégularité résultant de la rédaction initiale de l'article 6-4 de la convention du 13 octobre 1983 peut être considérée comme une erreur sans conséquence réduisant la portée de l'infraction visée par l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée et qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, de faire application de l'article 6 de ladite loi ;

Sur les responsabilités

En ce qui concerne M. CARON

Considérant qu'aucune charge n'est retenue contre M. CARON et qu'en conséquence il y a lieu de le relaxer de toute poursuite ;

En ce qui concerne M. MAISTRE

a) Sur le contrôle de l'exécution de la convention du 28 juin 1983 avec le BASC ;

Considérant que M. MAISTRE est le signataire pour l'ONN de ladite convention ;

Que si ce texte ne prévoyait aucun dispositif de contrôle, il n'interdisait pas pour autant à l'ONN de s'assurer de l'emploi régulier des fonds mis à la disposition du BASC ; que pour ce faire, le directeur de l'ONN disposait d'autres pouvoirs d'investigation ;

Que la vigilance de M. MAISTRE aurait dû être d'autant plus grande que dans le passé le BASC avait toujours eu tendance à produire avec retard les documents et comptes qui lui étaient demandés ;

Que la mise en place d'un nouveau système d'aide à la batellerie, reposant sur la création d'une entreprise dotée de ressources parafiscales et faisant du BASC un simple intermédiaire pour le transit de fonds publics, aurait dû le conduire à renforcer cette vigilance ;

Qu'enfin le constat fait en juin 1984 de l'extrême imbrication qui régnait dans les comptes et les trésoreries des trois entités BASC, EATE et SDTAE aurait dû l'inciter à une attention encore accrue ;

Considérant que le fait que le versement de la deuxième tranche d'avance en juillet 1984 est intervenu sur instructions formelles des ministres de tutelle peut être invoqué partiellement à sa décharge ;

b) Sur la clause irrégulière de la convention du 19 octobre 1983 ;

Considérant que la bonne foi de M. MAISTRE, malgré l'ambiguïté de la clause, n'est pas mise en doute ;

Considérant qu'aucun préjudice n'a été subi par l'ONN, la clause n'ayant pas joué ;

Que dès lors M. MAISTRE peut voir largement atténuée sa responsabilité sur ce point ;

En ce qui concerne M. DELESALLE

Considérant que la responsabilité de M. DELESALLE est mise en jeu, en tant que directeur du BASC, pour avoir, entre juin 1983 et la fin de l'année 1987, irrégulièrement conservé et employé au sein du BASC des fonds destinés à l'EATE ;

Qu'utilisant sa position dominante dans le secteur de la batellerie artisanale, ses relations privilégiées avec le ministère des Transports et ses responsabilités dans deux organismes destinataires de fonds publics, M. DELESALLE, par un "mélange des gestions" du BASC, de l'EATE et de la SDTAE qu'il admet avoir pratiqué, a mis en oeuvre un système qui lui a permis d'utiliser irrégulièrement au profit du GIE qu'il dirigeait des fonds d'origine publique ;

Qu'il n'est pas établi, en revanche, que des avantages injustifiés aient été accordés par le BASC aux sociétés SDTAE, dont M. DELESALLE détient 90 % du capital, et SFCF ;

Considérant que le reversement ultérieur, à la suite de l'intervention de la Cour des comptes, des sommes détournées de leur usage conventionnel ne saurait ni effacer les infractions commises ni être présenté comme un remboursement de la totalité des avantages acquis par l'utilisation irrégulière desdites sommes ;

Considérant que les faits incriminés qui se sont produits et poursuivis postérieurement au 5 juillet 1980 ne sont pas couverts par la prescription de cinq ans instituée par l'article 30 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en condamnant M. MAISTRE à une amende de 2 000 F et M. DELESALLE, à une amende de 25 000 F.

ARRETE :

Article 1er : M. CARON est relaxé des fins de la poursuite.

Article 2 : M. MAISTRE est condamné à une amende de 2 000 F.

Article 3 : M. DELESALLE est condamné à une amende de 25 000 F.

Article 4 : Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française.