Vu la décision du 14 février 1974 par laquelle la Cour des comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités constatées à l'occasion du règlement des travaux de construction de l'autoroute Marseille-Fos par la direction départementale de l'équipement de Bouches-du-Rhône, décision transmise au Parquet de la Cour de discipline budgétaire et financière, le 25 juin 1974 ;
Vu les réquisitoires du Procureur général de la République en date du 8 juillet 1974 et du 31 mai 1975 transmettant le dossier à la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 3 octobre 1974 désignant comme rapporteur M COLLINET, conseiller référendaire à la Cour des comptes ;
Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée, adressée le 2 juin 1975 à M André PONTON, ancien directeur départemental de l'équipement de Bouches-du-Rhône, l'informant de l'ouverture d'une instruction et l'avisant qu'il était autorisé à se faire assister soit par un mandataire, soit par un avocat ou un avoué, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Vu l'avis émis le 8 juillet 1976 par le ministre de l'équipement ;
Vu l'avis émis le 27 septembre 1976 par le ministre de l'économie et des finances ;
Vu les conclusions du Procureur général de la République en date du 3 décembre 1976 renvoyant M PONTON devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu l'avis émis le 14 février 1977 par la commission administrative paritaire du corps des ingénieurs des ponts et chaussées ;
Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée le 9 mars 1977 à M PONTON, l'avisant qu'il pouvait dans un délai de quinze jours prendre connaissance du dossier de l'affaire, soit par lui-même, soit par un mandataire, soit par le ministère d'un avocat, d'un avoué ou d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Vu le mémoire en défense présenté par M PONTON ;
Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée le 2 mai 1977 à M PONTON et l'invitant à comparaître ;
Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier et notamment le procès-verbal d'interrogatoire ;
Ouï M COLLINET, conseiller référendaire à la Cour des comptes, en son rapport ;
Ouï le Procureur général de la République en ses réquisitions ;
Ouï en ses observations M PONTON, ayant eu la parole le dernier ;
Considérant que la conduite des travaux relatifs à la construction de l'autoroute A 55 Marseille-Fos a été confiée à la direction départementale de l'équipement de Bouches-du-Rhône qui a été amenée à scinder l'ensemble des ouvrages en plusieurs opérations distinctes ; que, dans le cadre d'une opération n° 56 A 13 Y, correspondant à la section La Mède-Martigues, elle a notamment passé deux marchés répertoriés sous les n° 179.68 et 174.70, et, dans le cadre d'une opération n° 56 A 13 X, un marché répertorié sous le n° 149-71 ;Considérant qu'au titre de l'opération n° 56 A 13 Y au 31 décembre 1971 des autorisations de programme avaient été déléguées par le ministère de l'équipement à la direction départementale de l'équipement de Bouches-du-Rhône, pour un montant total de 96 169 000 francs sur lequel devaient être imputées les dépenses se rapportant à un ensemble de marchés, dont le marché 179-68 ; que celui-ci, approuvé le 28 novembre 1968, concernait la construction du viaduc dit de CARONTE, estimée à 26 159 317,83 francs, qui aurait dû être achevée, selon les dispositions contractuelles, en juin 1971 ; que diverses contraintes techniques imprévues entraînèrent un dépassement d'environ une année du délai d'exécution ainsi qu'une augmentation de la valeur des prestations, en raison notamment d'un renforcement des fondations et du tablier métallique relatifs à cet ouvrage ;
Considérant qu'à la fin de 1971 le marché 179-68 avait déjà fait l'objet de paiements pour un total de 26 678 957,83 francs, sur les travaux, et de 7 337 719,02 francs au titre de la révision des prix ; qu'à cette date les autorisations de programme déléguées ne faisaient apparaître qu'un reliquat de l'ordre de 2,8 millions de francs qui ne permettait plus de couvrir le coût de l'ensemble des travaux restant à effectuer ; que l'exécution du marché n'en fut pas moins poursuivie et achevée en juin 1972 pour un montant revalorisé de 39 296 094,59 francs dont le solde ne put être payé, sur les crédits correspondant à des autorisations de programmes supplémentaires notifiées les 16 juin et 15 décembre 1972, que le 20 septembre 1972 pour 4 589 057,37 francs et le 31 décembre 1972 pour 576 887,33 francs ;
Considérant qu'il est résulté de l'engagement des dépenses en l'absence de crédits de paiement une interruption des règlements de janvier à septembre 1972, puis de septembre à décembre 1972 ; qu'à ce titre le groupement d'entreprises, adjudicataire du marché 179-68, a pu faire valoir ses droits à intérêts moratoires pour un total de 52 664,47 francs, effectivement payé le 31 décembre 1972 ;
Considérant par ailleurs que le marché 174-70, conclu le 11 juin 1970 dans le cadre de la même opération 56 A 13 Y, pour la réalisation des principaux ouvrages de génie civil complémentaires du viaduc CARONTE, aurait dû, selon les dispositions contractuelles, être achevé le 30 mai 1972, pour un montant de 21 468 700 francs. Mais que, dans ce cas encore, diverses contraintes imprévues entraînèrent un important dépassement du devis initial, en raison d'une pluviométrie anormale et de la conduite du chantier dans une zone déjà urbanisée, ainsi qu'un retard de deux mois dans l'achèvement du chantier ;
Considérant qu'au 30 mars 1972, les quinze premiers acomptes avaient été régulièrement payés à concurrence de 23 313 652,62 francs ; qu'à cette date les disponibilités sur les autorisations de programme déléguées n'excédaient pas 307 000 francs et n'assuraient plus la couverture des dépenses restant à engager ; que l'exécution des travaux n'en fut pas moins poursuivie jusqu'à leur achèvement en août 1972 mais que les cinq derniers acomptes, d'une valeur globale de 11 050 251,40 francs ne purent être soldés que le 19 juin 1973 ;
Considérant en effet qu'une première autorisation de programme supplémentaire de 14 399 750 francs, déléguée le 16 juin 1972, avait été intégralement consacrée à la couverture d'autres dépenses jugées plus urgentes ; qu'une seconde autorisation de programme supplémentaire de 9 millions de francs fût déléguée le 15 décembre 1972 mais que les travaux supplémentaires ayant excédé de plus de 20 % le montant du marché initial, la passation d'un avenant s'imposait qui, conformément à l'article 184 du Code des marchés publics, aurait dû intervenir avant l'expiration du délai de six mois suivant la date de l'ordre de service correspondant ; que ce délai était expiré et que la consultation de la commission des marchés s'imposait préalablement à la signature dudit avenant ; qu'en l'absence de ce document contractuel, le trésorier- payeur général, contrôleur financier local, refusa de régler les prestations supplémentaires ; que la direction départementale de l'équipement transmit, le 19 mars 1973, un rapport justificatif à la commission des marchés qui, après avoir formulé des observations critiques, émit cependant un avis favorable à la passation de l'avenant de régularisation d'une valeur de 9 968 850 francs ;
Considérant que, les paiements ayant été interrompus entre avril 1972 et juin 1973, le groupement d'entreprises adjudicataire du marché a pu faire valoir ses droits à intérêts moratoires, pour un montant de 696 582,54 francs, réglé le 20 juin 1973 ;
Considérant que, pour ce qui concerne les deux marchés 179-68 et 174-70, une partie des travaux n'était pas couverte, au moment de la réalisation, par les autorisations de programmes disponibles ; que l'exécution de ces travaux a donc précédé l'engagement comptable de la dépense ; que ces irrégularités constituent des infractions aux règles d'exécution des dépenses de l'Etat, règles qui ont été rappelée et précisées notamment par une circulaire du Premier ministre en date du 17 mars 1970 ; que ces infractions sont de nature à engager la responsabilité de l'ordonnateur secondaire, M PONTON, directeur départemental de l'équipement de Bouches-du-Rhône d'avril 1966 au 30 avril 1974 ;
Considérant pourtant que le sieur PONTON, dans un rapport en date des 28 juillet et 5 août 1971 avait évalué à environ 21,5 millions de francs le montant du dépassement du coût de l'opération 56 A 13 Y par rapport aux prévisions initiales ; que, par ce même rapport, il avait demandé une première réévaluation provisoire d'un montant de 15 millions de francs ; que l'autorisation de programme correspondante ne lui fut effectivement notifiée que le 16 juin 1972 ; que ce délai de près de 11 mois est imputable à un défaut de coordination entre services et à une lenteur des procédures d'instruction des dossiers dont l'administration centrale du ministère de l'Equipement s'est reconnue responsable ; que cette situation a d'ailleurs conduit à la mise en oeuvre ulterieure de mesures destinées à éviter la répétition de semblables retards ; que, s'il avait été répondu dans des délais normaux à la demande de M PONTON, l'ordonnateur secondaire aurait disposé des crédits lui permettant de couvrir, dans des conditions régulières, les dépenses se rapportant au marché 179-68 et, pour partie, celles se rapportant au marché 174-70 ;
Considérant que le sieur PONTON n'a adressé la deuxième demande de réévaluation de l'opération 56 A 13 Y que le 15 septembre 1972, à une date où les travaux du marché 174-70 étaient effectivement achevés ; qu'il ressort toutefois de l'instruction que l'administration centrale aurait oralement informé la direction départementale de l'équipement de Bouches-du-Rhône qu'elle ne serait pas en état d'affecter des crédits supplémentaires à cette opération avant la fin du premier semestre 1972 ; qu'une telle information était de nature à inciter le responsable du marché à retarder l'évaluation du montant des travaux supplémentaires, afin de rapprocher le plus possible cette évaluation du coût réel et d'obtenir ainsi la renonciation du groupement adjudicataire à toute réclamation au titre de l'article 32 du cahier des clauses administratives générales ;
Considérant, dans ces conditions, que, si les irrégularités relevées ont entraîné un préjudice important pour l'Etat du fait du paiement des intérêts moratoires, l'interruption des chantiers aurait gravement perturbé le fonctionnement du service public et se serait sans doute révélée d'un coût très élevé ; qu'à défaut de décider une telle interruption, M PONTON se trouvait conduit à agir en infraction manifeste aux règles d'exécution des dépenses de l'Etat, mais dans des conditions qui ne permettent pas de distinguer précisément sa responsabilité propre de celle de services de l'administration centrale qui ont eux-mêmes reconnu les insuffisances de leur fonctionnement durant la période en cause ;
Considérant d'autre part que le marché 71-149, passé dans le cadre de l'opération 56 A 13 X, correspondant à la section Les Pennes- Mirabeau-La Mède, a été approuvé le 25 octobre 1971, pour un montant de 64 258 528 francs ; que les travaux s'y rapportant auraient dû être terminés le 25 janvier 1974, mais que des prestations complémentaires imprévues allongèrent les délais d'exécution et portèrent le montant de ces travaux à 82 650 066 francs ; que l'élaboration du projet d'avenant n'intervint qu'après l'achèvement des marchés et ne fit l'objet d'un rapport à la Commission des marchés que le 15 octobre 1974 ; que des retards dans les règlements du titulaire du marché imposèrent le paiement d'intérêts moratoires pour un total de 918 027 francs ; mais que, dès le 30 avril 1974, le sieur PONTON avait quitté ses fonctions de directeur départemental de l'équipement de Bouches-du-Rhône et ne saurait donc être tenu pour responsable de faits qui, pour l'essentiel, sont postérieurs à sa gestion ;
ARRETE :
Monsieur Raymond PONTON est relaxé des fins de la poursuite.