Vu la décision du 22 novembre 1974 par laquelle la Cour des Comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités constatées à l'occasion d'interventions de la direction de l'équipement de la Savoie dans la réalisation de stations de sports d'hiver ;

Vu le réquisitoire du Procureur Général de la République en date du 5 décembre 1974 transmettant le dossier à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 23 décembre 1974 désignant comme rapporteur M. de CHRISTEN, Conseiller d'Etat ;

Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées 20 mai 1976 à M. Jean BEAU, ancien directeur départemental de l'équipement de la Savoie et à M. Marcel FAURE, directeur de l'équipement de la Savoie, les informant de l'ouverture d'une instruction et les avisant qu'ils étaient autorisés à se faire assister soit par un mandataire, soit par un avocat ou un avoué, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;

Vu l'avis émis le 5 juillet 1977 Par le ministre de l'Intérieur ;

Vu l'avis émis le 18 juillet 1977 par le ministre de l'équipement et de l'aménagement du territoire ;

Vu l'avis émis le 21 décembre 1977 par le ministre de l'économie et des finances ;

Vu les conclusions du Procureur général de la République en date du 10 mai 1978 renvoyant MM. BEAU et FAURE devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu l'avis émis le 16 octobre 1978 par la Commissions administrative paritaire du corps des ingénieurs des pont et chaussées ;

Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées le 17 novembre 1978 à MM. BEAU et FAURE les avisant qu'ils pouvaient dans un délai de quinze jours prendre connaissance du dossier de l'affaire, soit par eux-mêmes, soit par un mandataire, soit par le ministère d'un avocat, d'un avoué ou d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;

Vu le mémoire en défense présenté par M. BEAU ;

Vu le mémoire en défense présenté par M. FAURE ;

Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier et notamment les procès-verbaux d'audition ;

Ouï M. de CHRISTEN, Conseiller d'Etat, en son rapport ;

Ouï M. le Procureur général de la République en ses conclusions ;

Ouï en leurs explications MM. BEAU et FAURE ;

Ouï le Procureur général de la République en ses réquisitions ;

Ouï en leurs observations MM. BEAU et FAURE qui ont eu la parole les derniers ;

Considérant que, pour la mise en oeuvre d'une politique d'aménagement de stations de sports d'hiver, le ministre de l'équipement et du logement a décidé en 1969 la création au sein de la direction de l'équipement de la Savoie d'un "arrondissement spécial de la montagne", chargé notamment d'exécuter des études et de contrôler des travaux pour le compte des promoteurs intéressés à cet aménagement ; que cette décision impliquait la prise en charge par les promoteurs qui en étaient d'accord, d'un personnel d'appoint recruté en sus du personnel titulaire de l'arrondissement ;

Considérant que la participation financière des promoteurs a été perçue sous forme d'un complément aux honoraires réglementaires dus par ces derniers en raison des interventions de la direction de l'équipement ; que les fonds étaient versés à un compte hors budget intitulé "Avances à l'arrondissement spécial de la montagne" ouvert en 1971 dans les écritures de la régie départementale des transports de Savoie, établissement public dont le directeur de l'Equipement de la Savoie assurait par ailleurs la direction ;

Considérant que les versements des promoteurs calculés en pourcentage du montant des travaux, couvraient tant la fourniture d'études que celle de personnels de surveillance des chantiers ; qu'excédant le montant des salaires et frais de déplacement dont la prise en charge par les promoteurs avait été autorisée par le ministre, ils ont permis de régler d'autres dépenses de fonctionnement et certaines dépenses d'équipement de l'arrondissement spécial ; que, dans ces conditions, la thèse selon laquelle la régie servait de relais entre les promoteurs et les surveillants spéciaux mis à leur disposition pour le contrôle des travaux ne peut qu'être écartée ; qu'en réalité, comme il ressort du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de la régie des transports de Savoie en date du 30 septembre 1970, aux termes duquel l'arrondissement spécial "doit fonctionner avec la participation... des promoteurs de stations touristiques de la montagne, bénéficiaire de certains des projets étudiés par ce service", les versements des promoteurs constituaient une participation aux frais de fonctionnement et d'équipement d'un service de l'Etat ; que de ce fait ils n'avaient et ne pouvaient avoir que le caractère de fonds publics ;

Considérant que le compte hors-budget qui était géré conformément aux directives du directeur de l'équipement et qui n'avait été ouvert que dans le but de suppléer à l'une des procédures particulières d'affectation des recettes prévues à l'article 19 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, a eu pour effet de soustraire les fonds versés par les promoteurs à l'ensemble des règles administratives budgétaires et comptables applicables aux opérations financières de l'Etat, en particulier à l'exercice normal des contrôles ;

Considérant que l'utilisation ainsi faite de la régie n'était, en tout état de cause, pas conforme à l'objet de cet établissement public défini par le décret du 22 février 1920 ; que l'encaissement de recettes et l'acquittement par la régie départementale de dépenses étrangères à son objet violait ainsi l'une des règles fondamentales applicables aux opérations financières des établissements publics ;

Considérant que ces infractions aux règles relatives à l'exécution des recettes et des dépenses tant de l'Etat que d'un établissement public départemental tombent sous le coup des dispositions de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ; qu'elles sont de nature à engager la responsabilité de M. BEAU, directeur de l'équipement de la Savoie, qui a organisé l'intervention de la régie des transports de Savoie, et celle de M. FAURE son successeur à partir de juin 1971, qui a assuré le fonctionnement du dispositif défini le 30 septembre 1970 ;

Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction que M BEAU, dans son rapport en date du 16 décembre 1968, avait soumis au ministre de l'Equipement et du Logement un projet envisageant le rattachement au budget de l'Etat des versements des promoteurs par procédure des fonds de concours ; qu'il n'est pas contesté que cette procédure régulière, qui ne pouvait être mise en oeuvre qu'au niveau ministériel, n'a pas été retenue ; que le directeur du personnel et de l'organisation des services du ministère de l'Equipement et du Logement a invité M BEAU à trouver sur place aussi rapidement que possible une solution au problème posé par la rémunération des personnels d'appoint ; que les promoteurs ayant, de leur côté, refusé de prendre eux-mêmes directement en charge ces personnels, le directeur de l'Equipement de la Savoie s'est trouvé conduit à envisager les errements constatés ; que la régie des transports de Savoie servait déjà, avec l'accord de l'autorité de tutelle, de support à certaines activités sans rapport avec son objet ; que si le trésorier payeur général de la Savoie, consulté sur le dispositif envisagé, avait répondu : "Je n'y fais pas obstacle : toutefois, il convient de modifier les statuts de la régie pour que cette nouvelle activité soit valablement insérée dans ses attributions ..." ; cette modification, à la supposer réalisable, a été perdue de vue tant par MM. BEAU et FAURE que par les autorités financières et administratives ; que le préfet a expressément approuvé ce dispositif le 19 janvier 1971 ; que, si cette approbation ne peut tenir lieu de l'ordre écrit, préalablement donné à la suite d'un rapport particulier exigé par l'article 8 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée pour que les personnes qui en excipent ne soient passibles d'aucune sanction, elle est de nature, comme les prises de position relatées ci-dessus du directeur du personnel et de l'organisation des services et du trésorier payeur général, à atténuer très fortement les responsabilités encourues par MM. BEAU et FAURE ;

Considérant au surplus que les versements des promoteurs ont été exclusivement utilisés pour l'accomplissement des missions de l'arrondissement spécial de la montagne ; que les irrégularités commises n'ont causé aucun préjudice, ni à l'Etat, ni à la régie des transports de Savoie ;

Considérant que l'ensemble des circonstances sus-évoquées, si elles ne suffisent pas à exonérer entièrement MM BEAU et FAURE de leur responsabilité au regard des règles et des exigences de la discipline budgétaire et financière, ne rendent passible l'infraction commise par eux que de l'amende minimum prévue par l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

ARRETE :

Article 1er - MM. Jean BEAU et Marcel FAURE sont respectivement condamnés à une amende de cent francs.

Article 2 - Le présent arrêté sera publié au Journal Officiel de la République française.