RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS,

LA COUR DE DISCIPLINE BUDGETAIRE ET FINANCIERE,

Siégeant à la Cour des comptes, en audience publique, a rendu l'arrêt suivant :

Vu le titre 1er du livre III du code des juridictions financières relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la communication en date du 27 janvier 2006, enregistrée au Parquet le même jour, par laquelle la Présidente de la cinquième chambre de la Cour des comptes a informé le Procureur général près la Cour de discipline budgétaire et financière que cette chambre avait décidé de saisir la Cour de discipline budgétaire et financière de faits laissant présumer l'existence d'irrégularités dans la gestion de l'association Union Interprofession Enseignement Insertion Professionnelle ( UNIPE-IP) et de l'association Union Interprofession Enseignement ( UNIPE-PE) ;

Vu la communication en date du 25 juillet 2006, enregistrée au Parquet le 27 juillet 2006, par laquelle la Présidente de la cinquième chambre de la Cour des comptes a informé le Procureur général près la Cour de discipline budgétaire et financière que cette chambre avait décidé de saisir la Cour de discipline budgétaire et financière de faits complémentaires laissant présumer l'existence d'irrégularités dans la gestion de l'UNIPE-PE ;

Vu les réquisitoires du Procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, en date du 25 avril 2007 et du 4 septembre 2007, saisissant le Président de la Cour de discipline budgétaire et financière des irrégularités susvisées ;

Vu les décisions du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 9 mai 2007, du 10 septembre 2007 et du 11 février 2009 désignant successivement comme rapporteur M. Michel Carles, conseiller de chambre régionale des comptes, puis Mme Marie Ange Mattei, conseillère référendaire à la Cour des comptes ;

Vu les lettres du 20 novembre 2007, par lesquelles le Procureur général a informé M. Jean-Pierre Hulot, président des associations UNIPE-PE et UNIPE-IP, de l'ouverture d'une instruction dans les conditions prévues à l'article L. 314-4 du code précité, ensemble les avis de réception de ces lettres ;

Vu la lettre du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 4 juin 2008, transmettant au Procureur général le dossier de l'affaire après dépôt du rapport d'instruction, conformément à l'article L. 314-4 du code des juridictions financières ;

Vu la lettre du 26 juin 2008 du Procureur général informant le Premier président de la Cour des comptes, Président de la Cour de discipline budgétaire et financière, de sa décision de poursuite de la procédure en application des dispositions de l'article L. 314-5 du code des juridictions financières ;

Vu les lettres du 1er juillet 2008 par lesquelles le Président de la Cour de discipline budgétaire et financière a transmis pour avis le dossier à la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi et au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, en application de l'article L. 314-5 du code susvisé, ensemble les avis de réception de ces lettres ;

Vu la décision du Procureur général en date du 14 janvier 2009 renvoyant M. Hulot devant la Cour de discipline budgétaire et financière, en application des dispositions de l'article L. 314-6 du code précité ;

Vu les lettres recommandées adressées les 15 et 26 janvier 2009 par la greffière de la Cour de discipline budgétaire et financière à M. Hulot l'avisant qu'il pouvait prendre connaissance du dossier de l'affaire dans les conditions prévues à l'article L. 314-8 du code des juridictions financières, et le citant à comparaître le 3 avril 2009 devant la Cour de discipline budgétaire et financière, ensemble les avis de réception de ces lettres ;

Vu le mémoire en défense déposé au greffe de la Cour de discipline budgétaire et financière le 23 février 2009 par M. Hulot, et enregistré le même jour ;

Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier, notamment les procès-verbaux d'audition ainsi que le rapport d'instruction de M. Carles ;

Entendu le rapporteur, Mme Mattei, résumant le rapport écrit de M. Carles, en application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;

Entendu le représentant du ministère public, résumant la décision de renvoi, en application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;

Entendu en leurs observations M. Hulot et Me Monnet, son conseil, en application de l'article L. 314-12 du code des juridictions financières ;

Entendu le Procureur général en ses conclusions et en ses réquisitions ;

Entendu en sa plaidoirie Me Monnet, avocat de M. Hulot, la défense ayant eu la parole en dernier ;

Sur la compétence de la Cour

Considérant que l'UNIPE-PE est une association agréée au titre de la collecte et de la répartition de la taxe d'apprentissage ; que l'UNIPE-IP est une association mandataire du FORCO, lui-même organisme paritaire collecteur agréé pour la collecte de la participation obligatoire des entreprises du commerce au financement de la formation professionnelle et que, agissant sur convention de mandat en application des dispositions de l'article 1984 du code civil, l'UNIPE-IP intervient en lieu et place du FORCO ; qu'en conséquence l'UNIPE-PE et l'UNIPE-IP sont habilitées à percevoir des versements libératoires d'une obligation légale de faire ; qu'il en résulte, conformément à l'article L. 111-7 du code des juridictions financières, que ces deux associations sont soumises au contrôle de la Cour des comptes ;

Considérant qu'en application de l'article L. 312-1 du code des juridictions financières, la compétence de la Cour de discipline budgétaire et financière est établie dès lors qu'un organisme est soumis au contrôle de la Cour des comptes ; qu'en outre, la Cour de discipline budgétaire et financière, dont la compétence ne dépend pas de la nature privée ou publique des fonds maniés par l'organisme, doit seulement apprécier si les faits qui lui sont déférés constituent ou non des infractions aux règles d'exécution des recettes et des dépenses de l'organisme considéré ;

Considérant que M. Hulot, président du conseil d'administration desdites associations, est justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière en application de l'article L. 312-1-c du code des juridictions financières ;

Sur l'absence d'avis de la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi et du ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité

Considérant que l'absence de réponse de la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi et du ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité à la demande d'avis qui leur avait été adressée le 1er juillet 2008, ne fait pas obstacle à la poursuite de la procédure, en application de l'article L. 314-5 du code des juridictions financières ;

Sur la prescription

Considérant que la saisine de la Cour de discipline budgétaire et financière enregistrée au Parquet général le 27 janvier 2006 mentionne les versements effectués par l'UNIPE-IP et ceux réalisés par l'UNIPE-PE ;

Considérant qu'en application de l'article L. 314-2 du code des juridictions financières, les faits antérieurs de plus de cinq ans à cette date d'enregistrement sont couverts par la prescription ;

Considérant qu'en l'espèce, les versements effectués par l'UNIPE-IP pour un montant de 248 649,84 € sont intervenus avant le 27 janvier 2001 ; qu'ils sont donc couverts par la prescription ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les versements effectués par l'UNIPE-PE correspondent aux indemnités de licenciement accordées à son directeur, M. Coudron, dans des conditions décrites ci-après ; que ces versements résultent d'un accord transactionnel conclu le 18 décembre 2000 entre l'UNIPE-PE et M. Coudron ; que si la prescription est susceptible de couvrir les paiements intervenus entre le 18 décembre 2000 et le 27 janvier 2001, les versements intervenus postérieurement au 27 janvier 2001 ne le sont pas ; qu'en conséquence, les irrégularités de l'accord du 18 décembre 2000 ont continument affecté l'organisme et qu'il appartient dès lors à la Cour de procéder à leur examen ;

Considérant que l'accord transactionnel du 18 décembre 2000 précité distinguait différentes sommes pour un total de 288 225,60 € dont une fraction a été versée en période prescrite ; que dans le détail M. Coudron a bénéficié le 31 décembre 2000 du paiement de son salaire de décembre 2000, soit 6 616,29 € ; que le paiement des trois mois de préavis pour la période du 1er janvier 2001 au 31 mars 2001 est intervenu au terme de chacun de ces mois, soit 6 616,29 € par échéance ; que l'indemnité compensatrice de congés payés destinée à solder l'ensemble des droits acquis par M. Coudron, soit 13 232,57 €, lui a été versée le 31 mars 2001 ; que l'indemnité légale de licenciement de 16 805,37 € lui a été versée le 31 mars 2001 ; qu'une indemnité forfaitaire et transactionnelle de dommages-intérêts de 152 449,02 € et une indemnité dite contractuelle de 79 273,49 € lui ont été versées, pour le solde, le 31 janvier 2001, un acompte de 137 204,12 € portant indistinctement sur ces deux indemnités lui ayant été versé le 22 janvier 2001 ; que dès lors les opérations de paiement d'indemnités relatives au licenciement de M. Coudron et postérieures au 27 janvier 2001 sur la régularité desquelles il s'agit de se prononcer et qui ne sont pas couvertes par la prescription de cinq ans portent sur un montant total de 144 405,20 €  ;

Considérant que l'UNIPE-PE a en outre, le 16 mars 2005, versé à M. Coudron une somme de 28 550,95 € bruts (22 000 € nets) en application d'un second accord transactionnel conclu le 3 décembre 2004 avec ce dernier ; que ce versement n'est pas couvert par la prescription ;

Sur le fond

Sur le versement d'une indemnité transactionnelle de licenciement à M. COUDRON, directeur de l'UNIPE-PE

Les faits

Considérant que l'UNIPE-IP et l'UNIPE-PE étaient deux associations intimement liées ; que leurs membres, qui n'étaient que quatre dans chaque association, étaient les mêmes ; qu'ainsi l'assemblée générale et le conseil d'administration des deux associations étaient composés des mêmes individus ; qu'elles avaient en outre le même président et le même directeur salarié ;

Considérant que M. Coudron, directeur de l'UNIPE-PE et de l'UNIPE-IP, a fait l'objet en fin d'année 2000 d'une procédure de licenciement simultané des deux structures précitées ; que ces deux licenciements lui ont été notifiés le 29 novembre 2000 ; que deux accords transactionnels datés du 18 décembre 2000 cosignés par MM. Hulot et Coudron ont fixé les modalités financières de ce licenciement ; que l'accord transactionnel entre l'UNIPE-PE et M. Coudron a prévu le versement des indemnités précitées pour un total de 288 225,60 € ;

Les irrégularités

Considérant que les statuts de l'UNIPE-PE en vigueur à la date de signature de l'accord transactionnel du 18 décembre 2000 stipulaient en leur article 7-3 que le conseil d'administration « a les pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de l'association dans la limite de son objet » ; que le deuxième alinéa dudit article précisait que le conseil d'administration « autorise le président et le directeur à faire tous actes et opérations nécessaires à la poursuite de l'objet de l'association et dans la limite des orientations définies en conseil » ; que l'article 9-1 desdits statuts énonçait que le président « représente l'association dans les actes de la vie civile vis-à-vis des tiers, des administrateurs et en justice. Il exécute les décisions du conseil d'administration » ;

Considérant qu'il résulte ainsi des stipulations statutaires de l'UNIPE-PE que son président tenait ses pouvoirs du conseil d'administration ; que ceux-ci s'exerçaient dans la limite des délégations définies par le conseil d'administration ; que dans le silence des statuts quant à l'organe compétent pour décider des actes de disposition affectant le patrimoine de l'association et en l'absence de délégations du conseil d'administration relatives à la gestion par le président de tels actes, ceux-ci demeuraient de la compétence du conseil d'administration ;

Considérant, il est vrai, que dans son mémoire en défense susvisé, M. Hulot soutient en premier lieu que le président de l'UNIPE-PE était compétent pour procéder au licenciement d'un salarié ; qu'en outre le pouvoir de représentation conféré par les statuts au président de l'UNIPE-PE lui donnait un large pouvoir de négociation ; qu'en conséquence ce dernier était compétent pour décider et mettre en œuvre le licenciement de M. Coudron ; que, selon le moyen, il serait inconcevable d'estimer que la mise en œuvre du licenciement serait exclusive de la fixation des indemnités qui s'y rattachent ;

Considérant toutefois qu'en l'espèce, l'acte de licenciement de M. Coudron, adressé le 29 novembre 2000, et la transaction conclue avec ce dernier le 18 décembre 2000 constituaient deux décisions distinctes ; que si le licenciement pouvait être régulièrement prononcé par le président, en revanche la conclusion ultérieure d'une transaction revenait à disposer des fonds de l'association ; que dans le silence des statuts et en l'absence d'une délégation du conseil d'administration au président sur ce point, cette décision relevait du conseil d'administration ; qu'au surplus la compétence du conseil d'administration pour la fixation d'indemnités de licenciement est confirmée par la délibération en date du 26 mai 1994 de ce conseil, définissant le statut du directeur et approuvant le versement à son profit d'une indemnité d'un an de salaire en cas de départ de l'association, sauf en cas de faute lourde ;

Considérant que la transaction conclue le 18 décembre 2000 prévoyait le versement d'indemnités de licenciement pour un montant supérieur au minimum légal abondé du montant résultant de la délibération du conseil d'administration en date du 26 mai 1994 précitée ; qu'ainsi, à supposer même que cette délibération ait pu constituer un mandat de négociation au profit du président de l'UNIPE, ce dernier a excédé les pouvoirs accordés par le conseil d'administration ;

Considérant qu'il ressort de l'instruction qu'aucun avis préalable sur la transaction du 18 décembre 2000 n'a été demandé formellement au conseil d'administration ; que, selon les témoignages recueillis, seuls des échanges téléphoniques seraient intervenus entre le président et certains membres indéterminés du conseil d'administration ; que le conseil n'a donné aucune délégation au président sur ce point ; qu'ainsi le président de l'association a conclu cette transaction sans l'accord préalable, même informel, du conseil d'administration ;

Considérant qu'il ressort en outre de l'instruction que le conseil d'administration de l'UNIPE-PE n'a été officiellement informé du licenciement de M. Coudron qu'a posteriori, à l'occasion de sa séance du 3 janvier 2001 ; que le procès verbal de cette délibération du conseil d'administration n'évoque aucunement les modalités financières du licenciement de M. Coudron fixées par la transaction conclue le 18 décembre 2000 ; que le conseil d'administration ne s'est donc pas prononcé a posteriori, à l'occasion de cette séance, sur les dispositions de cette transaction ; qu'il ne s'est pas davantage prononcé sur le principe de la conclusion d'un accord de cette nature ;

Considérant que M. Hulot soutient en second lieu dans son mémoire en défense que le montant des indemnités de licenciement de M. Coudron, aurait été approuvé par le conseil d'administration, le 22 mai 2001, et ultérieurement par l'assemblée générale du 30 juin 2001, à l'occasion de l'approbation des comptes de l'association ;

Considérant toutefois que les procès-verbaux desdites séances ne mentionnent pas que les indemnités versées à M. Coudron aient fait l'objet d'une information particulière au conseil d'administration ou à l'assemblée générale à l'occasion de l'approbation des comptes ; que le rapport de gestion présenté devant ces instances par le trésorier était lui aussi silencieux sur cet aspect ;

Considérant en outre que l'approbation des comptes d'un organisme par son conseil d'administration ou son assemblée générale et le quitus accordé aux administrateurs ne sauraient être regardés comme emportant approbation de toutes les opérations enregistrées en comptabilité au cours de l'exercice ;

Considérant en conséquence qu'en l'absence d'élément démontrant que le conseil d'administration a disposé, à l'occasion de sa séance du 22 mai 2001, d'une information précise sur les indemnités versées à M. Coudron le mettant en mesure d'exercer ses attributions, il n'est pas établi que le conseil d'administration se soit prononcé a posteriori sur les modalités financières du licenciement de M. Coudron ;

Considérant au surplus que, même s'il y avait eu une approbation par le conseil d'administration de la transaction conclue le 18 décembre 2000, cette approbation n'aurait pas eu d'effet sur l'irrégularité que constitue, au regard des règles d'exécution des dépenses de l'UNIPE, le paiement des indemnités de licenciement versées à M. Coudron ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières  « toute personne visée à l'article L. 312-1 qui, en dehors des cas prévus aux articles précédents, aura enfreint les règles relatives à l'exécution des recettes et des dépenses de l'Etat ou des collectivités, établissements et organismes mentionnés à ce même article ou à la gestion des biens leur appartenant ou qui, chargée de la tutelle desdites collectivités, desdits établissements ou organismes aura donné son approbation aux décisions incriminées sera passible de l'amende prévue à l'article L. 313-1 » ;

Considérant que la Cour peut, sur le fondement de l'infraction prévue à l'article L. 313-4 précité, sanctionner la violation des règles applicables à la gestion des organismes concernés, quelle qu'en soit la nature ; qu'à cet égard peuvent être visés des règles de droit aussi bien que les statuts et les dispositions d'organisation interne d'un organisme ;

Considérant que l'absence d'autorisation préalable du conseil d'administration à la conclusion de la transaction en date du 18 décembre 2000 est contraire aux statuts de l'UNIPE-PE ; que lesdits statuts fixent des règles au sens de l'article L. 313-4 précité ; que le paiement des indemnités de licenciement à M. Coudron au cours de la période non prescrite est intervenu sur le fondement et en application de cette transaction conclue irrégulièrement ; qu'il s'ensuit que les paiements successivement intervenus en période non prescrite sont eux-mêmes irréguliers ; que ces faits constituent des infractions aux règles d'exécution des dépenses de l'UNIPE-PE sanctionnées par l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;

Considérant en revanche que l'instruction n'a pas permis d'établir que les indemnités irrégulièrement versées à M. Coudron ont entraîné un préjudice pour l'UNIPE-PE au sens des dispositions de l'article L. 313-6 du code des juridictions financières qui réprime l'octroi d'un avantage injustifié à autrui entraînant un préjudice pour l'organisme ; que ce grief doit par conséquent être écarté ;

L'imputation des responsabilités

Considérant que les irrégularités précitées sont imputables à M. Hulot, signataire de la transaction du 18 décembre 2000 et président de l'UNIPE-PE pendant la période au cours de laquelle les paiements irréguliers sont intervenus ; qu'il a d'ailleurs reconnu au cours de son audition sa responsabilité dans l'accomplissement de ces faits ;

Sur le versement d'une indemnité correspondant au remboursement de pénalités fiscales à M. COUDRON, ancien directeur de l'UNIPE-PE

Les faits

Considérant que M. Coudron n'a pas déclaré auprès de l'administration fiscale toutes les sommes perçues en application des deux accords transactionnels du 18 décembre 2000 conclus respectivement au titre de l'UNIPE-IP et de l'UNIPE-PE ; qu'il a fait l'objet d'un redressement à l'impôt sur le revenu au titre des années 2000 et 2001 ; que l'administration fiscale l'a dans un premier temps considéré comme étant de mauvaise foi ; que les droits rappelés ont été en conséquence assortis d'une majoration de 40 % et d'intérêts de retard ; qu'ultérieurement cette majoration a été réduite à 10 % des droits dus, soit 9 039 €, auxquels s'ajoutaient 11 763 € d'intérêts de retard soit un total de pénalités de 20 802 € ; que M. Coudron a alors demandé à son ancien employeur de prendre en charge le paiement de ces pénalités, arguant du fait que ses déclarations erronées au fisc s'appuyaient sur les mentions, elles mêmes erronées, figurant sur les bulletins de paie émis par l'UNIPE-IP et l'UNIPE-PE ;

Considérant que dans une lettre adressée à M. Coudron le 23 décembre 2003, M. Hulot s'est engagé pour le compte de l'UNIPE à « prendre en charge une partie des pénalités » infligées à M. Coudron, dans le cadre d'une nouvelle transaction à conclure au moment de la mise en recouvrement par l'administration fiscale des sommes concernées ;

Considérant qu'un accord transactionnel a été conclu le 3 décembre 2004 entre M. Coudron et l'UNIPE, représentée par M. Hulot, et que l'association a versé à son ancien directeur, à titre forfaitaire, transactionnel et définitif, la somme de 28 550,95 € bruts, soit un montant net de 22 000 €, déduction faite des charges sociales ; que cette somme a été versée à M. Coudron le 16 mars 2005 ;

Sur la qualification juridique des faits au regard de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières

Considérant que les dispositions statutaires précitées, notamment les articles 7-3 et 9-1 des statuts de l'UNIPE, sont sur le fond demeurées inchangées entre 2000 et 2004 ; qu'ainsi le conseil d'administration demeurait seul compétent pour conclure une transaction ;

Considérant qu'il n'a été versé au dossier aucune délibération du conseil d'administration ayant autorisé la conclusion de l'accord transactionnel du 3 décembre 2004 ou ayant autorisé M. Hulot à signer un accord de ce type ; qu'il résulte en outre de la déclaration de M. Hulot, recueillie lors de l'instruction, qu'aucun avis préalable n'a été formellement demandé au conseil d'administration ;

Considérant que M. Hulot soutient dans son mémoire en défense que le montant des indemnités correspondant au remboursement de pénalités fiscales aurait été validé par le conseil d'administration ; que si M. Hulot a indiqué lors de son audition que le sujet avait été « évoqué avec les membres du conseil d'administration », l'un des témoins entendu lors de l'instruction a indiqué n'en avoir aucun souvenir ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le conseil d'administration ait approuvé, fût-ce a posteriori, le contenu de la transaction du 3 décembre 2004 ;

Considérant que M. Hulot a en outre indiqué en cours d'instruction que la somme versée à M. Coudron en 2005 a été consignée dans les comptes qui ont été par la suite approuvés par le conseil d'administration puis l'assemblée générale ;

Considérant cependant que l'approbation des comptes d'un organisme par son conseil d'administration ou son assemblée générale et le quitus accordé aux administrateurs ne sauraient être regardés comme emportant approbation de toutes les opérations enregistrées en comptabilité au cours de l'exercice ;

Considérant que le fait de ne pas avoir demandé et obtenu l'autorisation préalable du conseil d'administration à la conclusion de la transaction en date du 3 décembre 2004 est contraire aux statuts de l'UNIPE-PE ; que lesdits statuts fixent des règles au sens de l'article L. 313-4 précité ; que le remboursement à M. Coudron des pénalités qu'il avait eu à payer résulte de cette transaction ; que la signature de cette transaction et les paiements qui s'en sont suivis constituent une infraction aux règles d'exécution des dépenses de l'UNIPE-PE sanctionnée par l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;

Sur la qualification juridique des faits au regard de l'article L. 313-6 du code des juridictions financières

Considérant que l'accord transactionnel du 18 décembre 2000 comportait en son article 6 une clause indiquant que M. Coudron reconnaissait être parfaitement averti du régime fiscal et du régime social des indemnités de rupture tels que prévus par l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale et l'article 80 duodecies du code général des impôts ;

Considérant cependant que les feuilles de paie établies par l'UNIPE-IP et l'UNIPE-PE comportent une mention erronée du régime fiscal attaché aux indemnités de licenciement versées, erreur implicitement reconnue par l'administration fiscale qui a réduit la majoration de droits de 40 % à 10 % ;

Considérant que le désaccord avec M. Coudron pouvait entraîner l'association dans un contentieux devant le juge civil, ce qu'elle souhaitait éviter pour des raisons liées au contexte dans lequel intervenait ce litige ;

Considérant qu'ainsi, le principe d'une prise en charge par l'UNIPE d'une fraction des pénalités supportées par M. Coudron pouvait trouver une justification ;

Considérant toutefois que la transaction du 3 décembre 2004 prévoyait le versement d'une somme de 22 000 € nets de charges sociales ; que ce montant est supérieur au total des intérêts de retard et de la majoration de droits dus par M. Coudron, qui s'élevait à 20 802 € ; qu'en conséquence la transaction a fondé la prise en charge par l'UNIPE, non seulement de la totalité des pénalités dues par M. Coudron, mais aussi d'une fraction des droits dus par ce dernier dans le cadre du redressement fiscal qu'il avait subi ;

Considérant que pourtant, dans ses lettres des 9 et 18 décembre 2003, M. Coudron n'avait demandé à l'UNIPE de prendre en charge que les pénalités ; que dans sa lettre du 23 décembre 2003 précitée, M. Hulot indiquait l'accord de l'UNIPE pour prendre en charge « une partie des pénalités » ; qu'au vu des pièces du dossier, M. Hulot disposait d'arguments pour discuter avec M. Coudron d'un partage du coût desdites pénalités ; que M. Hulot pouvait en particulier s'appuyer sur le fait que M. Coudron avait paraphé sans réserve le protocole transactionnel du 18 décembre 2000 dans lequel il reconnaissait être pleinement informé de sa situation ; qu'il pouvait en outre faire valoir que le préjudice financier invoqué par M . Coudron résultait au premier chef de sa propre erreur dans l'établissement de sa déclaration de revenus, alors même qu'il avait eu à connaître de questions financières et fiscales dans le cadre de ses fonctions de directeur des deux UNIPE et qu'il était par conséquent plus averti que la plupart des contribuables ;

Considérant enfin qu'aucun élément du dossier ne vient justifier que l'UNIPE ait pris en charge une partie des droits dus par M. Coudron ; qu'ainsi le versement d'une somme excédant le montant des pénalités infligées à M. Coudron a procuré un avantage injustifié à ce dernier entraînant un préjudice pour l'UNIPE ; que l'infraction prévue à l'article L. 313-6 du code des juridictions financières est dès lors constituée ;

L'imputation des responsabilités

Considérant que M. Hulot est demeuré président de l'UNIPE tout au long de la période concernée par le remboursement des pénalités fiscales, c'est à dire de décembre 2003, date de la demande de M. Coudron, jusqu'en mars 2005, date du paiement de la somme de 22 000 € nets précitée ;

Considérant que la transaction conclue irrégulièrement a été signée par M. Hulot ; qu'il est aussi signataire de la lettre antérieurement adressée à M. Coudron le 23 décembre 2003 engageant l'UNIPE à prendre en charge une partie des pénalités infligées à son ancien directeur ;

Considérant que la responsabilité de M. Hulot est ainsi engagée pour l'ensemble des faits et irrégularités précités relatifs au versement d'une indemnité correspondant au remboursement de pénalités fiscales à M. Coudron ;

Sur le montant de l'amende

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en infligeant une amende de 3 000 euros à M. Hulot ;

Sur la publication

Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 314-20 du code des juridictions financières, de publier le présent arrêt au Journal officiel de la République française.

ARRÊTE :

Article 1er : M. Jean-Pierre HULOT est condamné à une amende de trois mille euros (3 000 euros).

Article 2 : Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la république française.

Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, première section, le trois avril deux mil neuf par M. Philippe SÉGUIN, premier président de la Cour des comptes, président de la Cour de discipline budgétaire et financière, MM. Philippe MARTIN et Bernard PÊCHEUR, conseillers d'État, M. Jean-Philippe VACHIA et Mme Laurence FRADIN, conseillers maîtres à la Cour des comptes ;

Lu en séance publique le six mai deux mille neuf.

En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d'y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu'ils en seront légalement requis.

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président de la Cour et la greffière.

Le Président, Philippe SÉGUIN

La greffière, Maryse LE GALL