La Cour,

Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948, modifiée, tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision du 22 janvier 1981, transmise au Parquet de la Cour de discipline budgétaire et financière le 4 mars suivant, par laquelle la Cour des Comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités ayant affecté la gestion du service des haras et de l'équitation au ministère de l'Agriculture ;

Vu le réquisitoire du procureur général de la République en date du 5 mai 1981 transmettant le dossier à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 6 octobre 1981 désignant comme rapporteur M. SIEBAUER, conseiller référendaire à la Cour des comptes ;

Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée le 24 novembre 1981 à M. Henry BLANC, alors chef du service des haras et de l'équitation au ministère de l'agriculture, l'informant de l'ouverture d'une instruction et l'avisant qu'il était autorisé à se faire assister soit par un mandataire, soit par un avocat ou un avoué, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;

Vu les avis émis respectivement les 26 janvier et 4 novembre 1983 par le ministre de l'agriculture et le secrétaire d'Etat au budget ;

Vu les conclusions du procureur général de la République, en date du 24 septembre 1984, renvoyant M. BLANC devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu l'avis de la commission administrative paritaire compétente en date du 15 novembre 1984 ;

Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée le 25 janvier 1985 à M. BLANC l'avisant qu'il pouvait, dans le délai de quinze jours, prendre connaissance du dossier soit par lui-même, soit par mandataire, avocat, avoué, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;

Vu l'accusé de réception de la lettre adressé le 29 mars 1985 à M. BLANC, l'invitant à comparaître ;

Vu le mémoire en défense présenté par M. BLANC ;

Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier, notamment le procès-verbal d'interrogatoire ;

Après avoir entendu M. SIEBAUER, conseiller référendaire à la Cour des Comptes, en son rapport ;

Après avoir entendu le procureur général de la République en ses conclusions ;

Après avoir entendu les explications de M. BLANC ;

Après avoir entendu le procureur général de la République en ses réquisitions ;

Après avoir entendu les observations de M. BLANC, qui a eu la parole le dernier ;

Considérant que les principales irrégularités reprochées à M. Blanc, en sa qualité de chef du service des haras et de l'équitation au ministère de l'agriculture tiennent à l'utilisation, par divers procédés, d'une partie des crédits ouverts aux chapitres 44-29 jusqu'en 1978, puis 44-85 depuis 1979, du budget du ministère de l'Agriculture, intitulés "Encouragement à l'industrie chevaline et au développement de l'équitation", pour financer des dépenses de fonctionnement ou d'équipement concernant directement ledit service, alors que ces crédits étaient normalement destinés à des aides publiques ;

Considérant que le service des haras et de l'équitation, pour accroître ses moyens et développer ses activités au delà des limites imposées par les dotations budgétaires affectées à son fonctionnement et à son équipement, a eu très largement recours à des associations qu'il chargeait d'exécuter certaines dépenses le concernant, au moyen, principalement, de fonds mis à leur disposition sous couvert de subventions imputées sur les chapitres 44-29, puis 44-85 ;

Considérant que ledit service a ainsi fait régler par l'Union nationale interprofessionnelle du cheval la rémunération d'agents qu'il employait et les loyers et charges de locaux qu'il occupait à Paris ; que, de même, de nombreux syndicats locaux d'éleveurs de chevaux ont payé des dépenses concernant directement certaines activités du service, telles que le fonctionnement de stations de monte, de dépôts d'étalons, de l'école de maréchalerie de la Roche-sur-Yon ;

Considérant que le service a lui-même suscité la création, auprès de certains de ses centres locaux, d'"associations de gestion" chargées d'exécuter des dépenses de fonctionnement et d'équipement relatives à des activités poursuivies par ces centres ; qu'ainsi l'école du haras du Pin et l'école de maréchalerie de Rosières-aux-Salines ont fonctionné respectivement depuis 1965 et 1976 avec le concours de telles associations ; que le même procédé de gestion a été utilisé à partir de 1973 pour la création, l'aménagement ou le fonctionnement des haras des Bréviaires, de l'Isle Briand et d'Uzès ;

Considérant qu'au nombre des dépenses ainsi réglées figurent des compléments de rémunérations et avantages divers au bénéfice d'agents du service des haras et de l'équitation, non autorisés dans les conditions réglementaires, notamment des indemnités dite de "débourrage" allouées à des agents des centres de remonte de Cluny, de Lomballe et de Tarbes ;

Considérant que les fonds employés par les associations pour payer des dépenses exposées pour les besoins du service des haras et de l'équitation provenaient aussi en partie de recettes liées à l'activité du service et, s'agissant de l'union nationale interprofessionnelle du cheval, de versements des sociétés sont légalement tenues d'allouer à l'Etat pour financer le contrôle de l'administration sur leur activité ; que ces ressources qui revêtaient le caractère de recettes publiques auraient dû normalement être recouvrées par un comptable du Trésor et portées en recettes au budget général de l'Etat ;

Considérant qu'a été ainsi établi un véritable système d'administration et de caisse parallèles, soustrait aux contrôles et contraintes auxquels sont soumis les services de l'Etat et les caisses publiques ;

Considérant que, grâce à l'intervention des associations, des dépenses de fonctionnement et d'équipement du service des haras et de l'équitation ont été imputées sur des crédits affectés à des interventions publiques, en infraction à la règle de la spécialité des chapitres budgétaires ; que cette imputation irrégulière à permis le paiement de dépenses de fonctionnement et d'équipement du service des haras excédant le montant des dotations affectées à ces dépenses, en méconnaissance du caractère limitatif de ces dotations ; que se trouvent ainsi réunis les éléments constitutifs des infractions définies et sanctionnées par les articles 3 et 5 de la loi du 25 septembre 1948 susvisée;

Considérant que les fonds versés aux associations pour être consacrés au règlement de ces dépenses n'avaient dès lors pas le caractère de subventions ; que leur ordonnancement à ce titre présentait un caractère fictif et constituait en conséquence une infraction aux règles d'exécution des dépenses de l'Etat au sens de l'article 5 de la même loi ;

Considérant que si l'engagement de ces subventions fictives a été soumis au visa du contrôleur financier, l'engagement des dépenses réellement payées a été soustrait à ce visa ; que se trouve ainsi constituée l'infraction prévue et sanctionnée par l'article 2 du texte législatif précité ;

Considérant que l'encaissement de recettes publiques par d'autres que des comptables publics constitue une infraction aux règles d'exécution des recettes de l'Etat, au sens de l'article 5 de ce même texte ;

Considérant que l'allocation irrégulière de compléments de rémunération constitue l'infraction prévue et sanctionnée par l'article 6 dudit texte ;

Considérant que la responsabilité des irrégularités au cours de la période, non couverte par la prescription instituée par l'article 30 de la loi précitée, ayant commencé le 22 janvier 1976, incombe à M. Blanc, à l'époque chef du service des haras et de l'équitation, qui a pris les décisions d'octroi des subventions prétendues aux différents organismes irrégulièrement associés à la gestion dudit service, en parfaite connaissance des objets réels auxquels les fonds étaient destinés, et a permis l'encaissement par ces organismes de produits ayant le caractère de recettes publiques ;

Considérant cependant qu'il y a lieu, pour apprécier la responsabilité de l'intéressé, de tenir compte des circonstances dans lesquelles elle s'est exercée ;

Considérant qu'à l'exception de ceux qui sont affectés aux dépenses de personnel, les crédits gérés par le service des haras et de l'équitation proviennent du rattachement, suivant la procédure des fonds de concours, d'une fraction du prélèvement opéré sur les recettes du pari mutuel ; que les chapitres de fonctionnement et d'équipement étaient dotés par "préciput" sur ce prélèvement, lequel était après imputation dudit préciput, partagé à concurrence de respectivement 40 % et 60 % entre les chapitres d'interventions et de subventions d'équipement gérés par le service des haras et de l'équitation d'une part, la Fédération nationale des sociétés de course de France d'autre part ; qu'en conséquence, selon M. Blanc, l'augmentation du préciput pour financer le développement des activités du service en faveur de l'élevage se serait automatiquement répercutée sur le montant des fonds revenant aux sociétés de course, dans des conditions qui pouvaient être jugées inéquitables ;

Considérant qu'en dépit des démarches de M. Blanc, le service des haras et de l'équitation n'a pu obtenir les créations d'emplois nécessaires au développement de son activité, cependant jugé souhaitable par les pouvoirs publics ;

Considérant que si les irrégularités constatées n'ont pas fait l'objet d'ordres écrits préalables des supérieurs hiérarchiques de M. Blanc de nature à l'exonérer de sa responsabilité selon les dispositions de l'article 8 de la loi susvisée du 25 septembre 1948, il a tenu informés les ministres ou secrétaires d'Etat sous l'autorité desquels il a exercé ses fonctions, des modalités de fonctionnement du service, y compris l'intervention d'organismes de statut privé ;

Considérant que cette intervention n'a pu se développer et se prolonger qu'à la faveur du défaut de vigilance et de diligence, tant des services ayant compétence, à l'intérieur et à l'extérieur du ministère de l'Agriculture, pour suivre la gestion administrative et financière du service des haras et de l'équitation, que du contrôle financier près ce ministère ; qu'en particulier, ce n'est qu'à la fin de 1977 et en 1978 que ledit contrôle a relevé certaines des pratiques irrégulières du service, alors qu'un examen attentif des documents qui lui étaient soumis aurait pu lui permettre de déceler et de dénoncer plus rapidement lesdites pratiques et de provoquer leur abandon ;

Considérant que, dans ces conditions, M. Blanc a pu méconnaître la gravité de ces pratiques, apparemment admises par les autorités et administrations ayant qualité pour connaître de la gestion de son service ;

Considérant que l'ensemble de ces circonstances, si elles ne font pas disparaître sa responsabilité, sont de nature à l'atténuer ;

Considérant que, dès lors, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en infligeant à M. Blanc un amende de 7 500 F;

ARRETE :

Article 1er : M. Henry BLANC, ancien chef du service des haras et de l'équitation au ministère de l'Agriculture, est condamné à une amende de sept mille cinq cent francs (7 500 F) ;

Article 2 : Le présent arrêt sera publié au Journal Officiel de la République française ;