Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée, tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière :
Vu la décision du 6 juillet 1984, enregistrée au Parquet de la Cour de discipline budgétaire et financière le même jour, par laquelle la Cour des comptes a saisi ladite Cour d'irrégularités constatées dans la gestion de la Mission laïque française et la Fondation scolaire et culturelle à vocation internationale, associations de la loi de 1901 bénéficiant de divers concours financiers de l'Etat :
Vu le réquisitoire du Procureur général de la République en date du 6 novembre 1984 transmettant le dossier à la Cour de discipline budgétaire et financière :
Vu la décision du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 20 mars 1985 désignant comme rapporteur M. ALBAFOUILLE, Conseiller maître à la Cour des comptes :
Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées le 12 avril 1985 à MM. Alain GOURDON, Daniel MALINGRE et Jacques VIEILLEVILLE respectivement Président, Secrétaire général et Trésorier général des deux associations et à MM. Bernard HIPPOLYTE et Roger BLANCHARD, respectivement Secrétaire général adjoint et Trésorier général adjoint de la Mission laïque française, les informant de l'ouverture d'une instruction et les avisant qu'ils étaient autorisés à se faire assister chacun soit par un mandataire, soit par un avocat ou un avoué, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Vu l'avis émis le 21 janvier 1986 par le Ministre de l'Education nationale ;
Vu l'avis émis le 6 février 1986 par le Ministre de l'Economie, des finances et du budget ;
Vu la demande d'avis restée sans réponse, adressée le 6 novembre 1985 au Ministre des Relations extérieures à qui un délai de deux mois avait été imparti à cet effet en application de l'article 19 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Vu les conclusions du Procureur général de la République en date du 16 février 1987, renvoyant MM. GOURDON, MALINGRE, VIEILLEVILLE, HIPPOLYTE et BLANCHARD devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées le 19 février 1987 aux intéressés et les invitant à comparaître ;
Vu l'autorisation donnée par le Président de la Cour à M. GOURDON de ne pas comparaître personnellement à l'audience en application de l'article 23 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Vu le rapport d'instruction établi par M. ALBAFOUILLE, et l'ensemble des pièces figurant au dossier, notamment les procès-verbaux des interrogatoires ;
Vu le mémoire en défense présenté au nom des intéressés par Me Jean CORNEC, avocat près la Cour d'appel de Paris, ainsi que les pièces complémentaires produites à l'appui ;
Vu les statuts de la Mission laïque française et de la Fondation scolaire et culturelle à vocation internationale ;
Entendu M. ALBAFOUILLE, Conseiller maître à la Cour des comptes, en son rapport ;
Entendu la Procureur général de la République en ses conclusions ;
Entendu en leurs explications MM. VIEILLEVILLE et MALINGRE ;
Entendu le Procureur général de la République en ses réquisitions ;
Entendu en sa plaidoirie Me CORNEC qui a eu la parole le dernier ;
Sur la compétence de la Cour de discipline budgétaire et financière:Considérant que la Cour des comptes est compétente en application de l'article 1er de la loi n° 67-483 du 22 juin 1967 modifiée et de l'article 33 du décret n° 68-827 du 20 septembre 1968 modifié en vigueur à l'époque des faits pour contrôler la Mission laïque française et la Fondation scolaire et culturelle à vocation internationale, associations ayant les mêmes dirigeants et le même siège social, en tant qu'elles ont bénéficié toutes deux de concours financiers de l'Etat, la première sous forme de subventions, de mise à disposition de personnel enseignant et technique et de garantie d'emprunts, la seconde sous forme de subventions auxquelles s'est ajoutée une aide de la première ; que, dans ces conditions, les représentants, administrateurs ou agents de ces deux organismes sont, en application de l'article 1er de la loi du 25 septembre 1948 susvisée, justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Considérant que ces deux points n'ont pas été contestés ;
Considérant que la défense a néanmoins fait valoir que le contrôle de la Cour des comptes sur les organismes subventionnés a été mis en place pour assurer un droit de suite sur l'utilisation, par des organismes de droit privé, des aides publiques qui leur sont accordées ; qu'à ce titre, ce contrôle, dont l'étendue dépend d'ailleurs de la nature et de l'importance des concours financiers publics, ne peut avoir pour objet l'emploi de fonds d'origine privée ; que, par suite, la Cour de discipline budgétaire et financière, dont la compétence obéit à la même finalité, n'est pas habilitée à connaître des irrégularités reprochées aux représentants de la Mission laïque au motif qu'elles ont porté sur des fonds d'origine privée, et non publique, provenant essentiellement des bénéfices des écoles d'entreprise ;
Considérant que la compétence de la Cour de discipline budgétaire et financière est pleinement établie dès lors qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 25 septembre 1948 modifiée l'organisme en cause tombe sous le contrôle de la Cour des comptes, sans qu'il y ait lieu de rechercher si cette dernière est habilitée à contrôler tout ou partie de sa gestion ; que la Cour de discipline budgétaire et financière, dont l'action n'est pas tributaire d'une quelconque distinction entre fonds publics et fonds privés maniés par l'organisme subventionné, doit seulement apprécier si les faits qui lui sont déférés constituent ou non des infractions aux règles d'exécution des recettes et dépenses de l'organisme considéré ; que, dès lors qu'il n'est ni contesté ni contestable que les dirigeants des deux associations sont justiciables de ladite Cour, il n'y a pas lieu de s'arrêter à la distinction établie par la défense quant à la nature des fonds sur lesquels portent les irrégularités relevées ;
Sur les droits de la défense
Considérant que la défense allègue qu'il aurait été porté une atteinte grave à ses droits en raison de la non-communication du dossier établi sur les deux associations par la Cour des comptes lors du contrôle auquel elle a procédé antérieurement à la saisine de la Cour de discipline budgétaire et financière et du fait que, durant la période allant de l'ouverture de l'instruction menée par le rapporteur de cette dernière juridiction au 20 février 1987, le dossier d'instruction n'a pas davantage été mis à la disposition des défendeurs dont le mémoire a dû être déposé le 20 mars 1987 ; que ces circonstances ont été préjudiciables à la défense ;
Considérant que le dossier visé à l'article 17 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée prend naissance d'une part avec le déféré établi par la Cour des comptes ou les représentants des pouvoirs publics habilités à saisir la Cour de discipline budgétaire et financière, d'autre part avec la décision du Ministère public de poursuivre la procédure ; qu'il comprend, outre les diverses pièces résultant du suivi de cette procédure, les documents qui y sont versés par le rapporteur au soutien de son rapport d'instruction ; que la loi ne comporte pas d'autres obligations concernant la composition dudit dossier ;
Considérant que, conformément aux termes de l'article 22 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée, la communication du dossier à la défense a eu lieu après sa complète constitution, c'est-à-dire après que le Ministère public ait rendu ses conclusions motivées pour renvoi de l'affaire ; que, du jour de cette communication, la défense a bénéficié du délai d'un mois qui lui est imparti par l'article 22 précité pour présenter son mémoire ; que ce point n'est pas contesté ;
Considérant qu'il apparaît ainsi que les droits de la défense, résultant non seulement de la loi mais aussi des principes généraux du droit qui s'imposent à toute juridiction, n'ont pas été méconnus ;
Sur le fond :
En ce qui concerne la Mission laïque française
Considérant que les statuts de la Mission laïque adoptés par l'assemblée générale extraordinaire du 24 février 1972 et approuvés par le décret du 2 mars 1973 ont prévu, soit directement, soit par référence au plan comptable général, les règles applicables en matière de recettes et de dépenses de cette association au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Irrégularités affectant la tenue de la comptabilité
Considérant que les recettes et les dépenses résultant de l'exécution des conventions relatives aux écoles d'entreprise étaient, en 1982 et 1983, exclusivement retracées dans des comptes de tiers de la classe 4 ; que ces imputations ne sont pas conformes aux règles comptables résultant du statut de la Mission ;
Considérant en premier lieu que, depuis septembre 1981, les conventions et le cahier des clauses et conditions générales fixant "la réglementation générale de la Mission laïque française applicable aux écoles d'entreprises", stipulent que la gestion matérielle desdites écoles incombe aux entreprises tandis que l'activité pédagogique relève de la Mission, laquelle fournit à cet effet le personnel qualifié et l'assistance technique de ses services ; que les enseignants sont recrutés, gérés et rémunérés par l'association cependant qu'en contrepartie les entreprises versent à cette dernière une rémunération forfaitaire calculée en fonction d'un barème variable selon les catégories d'enseignants et le pays d'implantation ; qu'en conséquence, l'ensemble des frais supportés par la Mission en exécution de ces contrats constituait une dépense et la redevance versée par les entreprises une recette qui auraient dû être comptabilisées en charges et produits de l'association et non en comptes de tiers ; que cette dernière imputation, en tant qu'elle méconnaît la nature et l'objet des comptes, n'est conforme ni au plan comptable général applicable à la Mission aux termes de l'article 18 de ses statuts, ni aux dispositions de l'article 17 de ces mêmes statuts relatif aux recettes de l'association ;
Considérant en second lieu que ces pratiques ont eu pour effet de masquer le bénéfice résultant de la gestion des écoles d'entreprises ; qu'en effet, le compte 479, intitulé "emploi annuel de ressources contractuelles", crédité du montant des contributions des entreprises et débité des dépenses de traitements et charges sociales à l'instar d'un compte de résultats, était entièrement soldé à la clôture de fin d'année par transport de son excédent à un autre compte de bilan, le compte 1140 "Fonds commun" ; que ce dernier était utilisé à financer une importante part des dépenses du siège et, ainsi que l'a reconnu la défense, à alimenter un compte dit de charges communes dont les justifications étaient conservées au Liban ;
Considérant qu'ainsi le bénéfice tiré de la gestion des écoles d'entreprises n'apparaît pas distinctement ; que, par suite, une telle présentation nuit à la sincérité des comptes et constitue de ce fait une violation des règles du plan comptable général applicable à l'association ; que ces pratiques ont eu également pour effet de soustraire au contrôle du Conseil d'administration et de l'Assemblée générale un ensemble d'opérations d'un volume comparable à celui du compte de résultats qui leur était officiellement communiqué ; que, grâce au transfert entre comptes de bilan ci-dessus rappelé, ces pratiques permettaient l'affectation et l'utilisation d'excédents à l'insu de l'Assemblée et du Conseil qui n'ont pu ainsi exercer, en pleine connaissance de cause, les fonctions de contrôle qu'implique de leur part l'approbation des comptes prévue par l'article 8 des statuts de la Mission ;
Considérant enfin que le compte de charges communes crédité, dans les conditions ci-dessus exposées, des versements du Fonds commun et d'autres ressources provenant de dons ou contributions diverses, était débité de dépenses de personnel et de matériel concernant le siège ; que, nonobstant la conservation de ses justifications au Liban, les recettes et les dépenses étaient effectuées, pour l'essentiel, au moyen d'un compte bancaire ouvert à Paris dans les écritures de la BNP ; que le fonctionnement de ce compte de charges communes, tel qu'il vient d'être décrit, était contraire aux statuts de la Mission ;
Considérant en effet que les opérations du compte de charges communes étaient d'abord mêlées à celles des établissements pour constituer un premier résultat intitulé "totaux des établissements", lequel était ensuite amalgamé avec les opérations du siège pour constituer le compte général de résultats soumis aux organes délibérants ; qu'il était de ce fait impossible, à la fois, de distinguer les opérations du siège de celles des établissements, contrairement à l'article 18 des statuts qui prévoyait, pour chaque établissement, la tenue d'une comptabilité distincte, et d'avoir une connaissance exacte de la totalité des produits et des charges qui auraient dû figurer dans le compte de résultats du siège ;
Considérant au surplus que, si des documents internes retraçant les prévisions et les réalisations concernant le compte de charges communes étaient établis lors de l'élaboration du budget et de l'établissement des comptes, ces documents ne connaissaient qu'une diffusion des plus restreintes excluant les membres du Conseil et de l'Assemblée générale ; que, par suite, les pratiques suivies en ce domaine aboutissaient à fournir aux organes délibérants une information incomplète en matière budgétaire d'abord, dans la mesure où le projet soumis à leur approbation ne faisait pas état de dépenses du siège imputées sur un compte séparé, en matière comptable ensuite, dans la mesure où la présentation compactée du compte général de résultats ne permettait pas de déceler l'existence du compte de charges communes ; que ce fait n'a pas été contesté pour les exercices 1979 à 1983 ; qu'ainsi le Conseil d'administration et l'Assemblée générale étaient privés de tout pouvoir de contrôle sur le fonctionnement de ce compte, anomalie d'autant plus grave que les dépenses qui y ont été imputées sont en partie irrégulières ;
Considérant que ces violations des statuts et des principes généraux du plan comptable constituent des infractions aux règles applicables en matière de recettes et de dépenses de l'association et tombent sous le coup de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Irrégularités provenant de l'utilisation de cartes de crédit
Considérant que les frais de déplacement et de réception imputés dans les écritures du siège aux comptes 641 et 661, d'un montant de 838 442 F en 1982, ont été pour l'essentiel réglés au moyen de cartes de crédit ;
Considérant qu'en 1982 et 1983, ces cartes étaient à la disposition de MM. GOURDON, MALINGRE, VIEILLEVILLE, HIPPOLYTE et BLANCHARD, membres du bureau, et, jusqu'à son départ, de M. MAILLARD, directeur des services (cartes Américan Express), de MM. MALINGRE et VIEILLEVILLE (cartes bleues), de MM. GOURDON, MALINGRE et VIEILLEVILLE (cartes Dîners club international) ;
Considérant que les titulaires de ces cartes pouvaient, sans limitation préalable, engager des dépenses qui étaient automatiquement prélevées sur les comptes bancaires de l'association et imputées à son budget ;
Considérant qu'aux termes de l'article 9 des statuts la qualité d'ordonnateur est réservée au Président de la Mission et à ceux qui ont reçu délégation à cet effet ; qu'étaient donc seuls régulièrement habilités à exercer de telles fonctions M. GOURDON, en sa qualité de président, MM. MALINGRE, secrétaire général, et VIEILLEVILLE, trésorier général, auxquels le Conseil d'administration avait expressément donné délégation à cette fin ; qu'ainsi l'octroi de cartes de crédit à trois autres membres ou agents de la Mission, en faisant de ceux-ci des ordonnateurs de l'association, contrevenait à l'article 9 des statuts ;
Considérant par ailleurs que, lors de l'instruction, les seules justifications produites au soutien des paiements effectués au moyen desdites cartes ont été les "doubles" remis par l'utilisateur et l'organisme de crédit ; que si ces pièces permettent de s'assurer du montant de la dépense et de l'identité du créancier, elles ne comportent aucun élément apportant la preuve que la dépense a bien été effectuée dans l'intérêt de l'association ; qu'en particulier, s'agissant de frais de déplacement, elles ne sauraient remplacer un ordre de mission préalablement établi et que, s'agissant de frais de restaurant, les motifs de l'invitation ne sont pas indiqués ; qu'ainsi ces "doubles" ne peuvent être tenus pour des justifications valables de sorte que ces dépenses ne sont pas justifiées conformément aux obligations du plan comptable général qui s'impose à l'association en application de l'article 18 des statuts ;
Considérant, en tant qu'elle viole lesdits statuts sur deux points, que l'utilisation des cartes de crédit dans les conditions ci-dessus exposées constitue une infraction aux règles d'exécution des dépenses de l'association au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Octroi d'avantages à certains dirigeants de la Mission
Considérant que le compte de charges communes a notamment été utilisé pour l'attribution d'indemnités ou d'avantages en nature à certains responsables ou agents de la Mission ;
Considérant qu'aux termes de l'article 7 des statuts, les membres de l'association, hormis les fonctionnaires éventuellement détachés, ne peuvent recevoir aucune rétribution à raison des fonctions qui leur sont confiées ; que le secrétaire général et le trésorier général peuvent recevoir une indemnité représentative des frais entraînés par leurs fonctions, dont le montant est fixé chaque année par le conseil d'administration ; que, nonobstant ces dispositions, les cinq membres du bureau de la mission précédemment désignés ont perçu des avantages divers dans les conditions ci-après ;
Considérant que M. MALINGRE, secrétaire général, a perçu, sous forme d'indemnité forfaitaire versée mensuellement, 102 000 F en 1981, 126 000 F en 1982 et 12 000 F par mois en janvier et février 1983 ; qu'au surplus, la Mission a pris en charge au moyen des trois cartes de crédit précitées, les dépenses exposées par l'intéressé dans l'exercice de ses fonctions, en matière de frais de déplacement, de mission, de fournitures de carburant et d'entretien du véhicule de fonction mis à sa disposition ; qu'elle a également loué un appartement rue Lauriston à Paris (16ème) pour un loyer de 3 670 F par mois ; que cet appartement a été mis à la disposition de M. MALINGRE ;
Considérant que ce dernier a ainsi cumulé le remboursement de ses frais, au demeurant non prévu par l'article 7 des statuts mais qui peut être regardé comme une pratique acceptable, et l'allocation d'une indemnité forfaitaire d'un montant élevé ; que cette indemnité, par nature exclusive de toute prise en charge directe des frais, n'a pas été soumise chaque année au conseil d'administration qui n'a pas eu à connaître de son relèvement ; que cette procédure et ce cumul sont contraires aux dispositions statutaires, les arguments invoqués, et notamment l'ancienneté des pratiques, ne constituant nullement une circonstance absolutoire ;
Considérant que M. VIEILLEVILLE, trésorier général, a perçu sous forme d'indemnité forfaitaire, 102 000 F en 1981, 87 510 F en 1982 et 12 000 F par mois en janvier et février 1983 ; qu'au surplus, la Mission a pris en charge, au moyen des cartes de crédit, les frais exposés par l'intéressé dans l'exercice de ses fonctions ; qu'ont été ainsi réglés au moyen de la seule carte Américan express, sur le budget du siège, plus de 108 000 F de frais de transport, de mission et de réception en 1982 ; que d'autres dépenses de même nature ont été imputées sur ce même budget au moyen de la carte bleue (115 000 F en 1982 ; 140 000 F en 1983) ; qu'en outre, sur le compte de charges communes, ont notamment été imputés des frais de mission au profit de l'intéressé ; qu'enfin ce dernier bénéficiait, sur le site de Valbonne, d'une villa de fonction ;
Considérant que le cumul de ces avantages et de l'indemnité dont a bénéficié M. VIEILLEVILLE, dans les mêmes conditions que le secrétaire général, est entaché des mêmes irrégularités ;
Considérant qu'en plus de la prise en charge, au moyen des cartes de crédit, de ses frais de transport, de mission et de réception pour un montant de 145 000 F avec la seule carte Américan express en 1982, et d'une voiture de fonction, M. GOURDON a perçu une indemnité forfaitaire de 65 500 F en 1981, de 110 000 F en 1982 et de 27 700 F pour les trois premiers mois de 1983 ; que cette indemnité, nullement prévue s'agissant du président, est contraire aux dispositions de l'article 7 des statuts de l'association ;
Considérant qu'en plus d'un logement, d'un véhicule de fonction et de la prise en charge de ses frais de transport, de mission et de réception au moyen d'une carte de crédit, M. HIPPOLYTE a perçu une indemnité forfaitaire mensuelle dont le montant a été de 66 000 F en 1981, de 90 000 F en 1982 et de 16 000 F pour les deux premiers mois de 1983 ; que, comme celle du président, l'indemnité allouée au secrétaire général adjoint, non prévue par l'article 7 précité, contrevient aux dispositions statutaires ;
Considérant qu'en plus de la prise en charge de ses frais de transport, de mission et de réception au moyen d'une carte de crédit, M. BLANCHARD a perçu une indemnité forfaitaire mensuelle dont le montant annuel a été de 55 000 F en 1981, de 80 000 F en 1982 et de 20 000 F en 1983 ; que, comme dans les deux cas précédents, l'octroi de cette indemnité au trésorier général adjoint est contraire aux statuts de la Mission ;
Considérant, dans ces conditions, que l'octroi des indemnités forfaitaires aux cinq membres du bureau ci-dessus désignés tombe sous le coup des dispositions de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Absence de déclaration fiscale des avantages accordés
Considérant que les avantages en espèces et en nature ci-dessus visés n'ont fait, avant 1984, l'objet d'aucune déclaration aux administrations fiscales ;
Considérant qu'il en va de même des indemnités allouées à divers agents de l'association, notamment MM. MOON (24 000 F en 1981 ; 20 000 F en 1982), MAILLARD (55 000 F en 1981 ; 66 000 F en 1982), SCOTTO (22 110 F en 1981 ; 33 000 F en 1982 ; 5 500 F par mois en 1983) et WIART (21 000 F en 1981 ; 24 000 F en 1982 ; 3 500 F par mois en 1983) ;
Considérant que l'absence de déclaration, dans la mesure où il s'agit de sommes représentatives non de remboursements de frais mais de suppléments de rémunération qui ont d'ailleurs fait l'objet de redressements fiscaux, constitue une infraction aux dispositions de l'article 5 bis de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
En ce qui concerne la Fondation scolaire et culturelle à vocation internationale
Considérant que cette association était régie, au moment des faits, par des statuts modifiés par une assemblée générale extraordinaire du 10 mai 1978 ; que, suivant l'article 19 de ces statuts, l'assemblée générale vote le budget de l'année et qu'un compte annuel lui est soumis ; que ces obligations sont conformes à celles qui incombent à l'ensemble des associations subventionnées lesquelles sont tenues, aux termes de l'article 14 du décret-loi du 2 mai 1938, de fournir leurs budgets et leurs comptes à l'autorité qui alloue l'aide publique ;
Considérant qu'aucun budget d'ensemble propre à l'association n'a été établi depuis sa création ; qu'il n'a été établi ni compte général de résultats ni bilan de la Fondation pour les exercices 1980, 1982 et 1983 ; que pour l'année 1981 a été seulement dressé un compte de résultats provisoire qui n'a jamais été suivi d'un document définitif ;
Considérant que l'obligation de dresser les comptes de l'association ne saurait être tenue pour remplie du fait de l'existence de comptes distincts propres aux établissements, non dotés de la personnalité morale, de Draveil et de Valbonne, dont la Fondation assure la gestion ; qu'au demeurant, l'absence d'un compte général trouve son origine moins dans les difficultés à fusionner ces deux comptabilités, de structures différentes, que dans les insuffisances et les incertitudes affectant leurs écritures ;
Considérant que cette absence de comptabilité d'ensemble retraçant la totalité des opérations de la Fondation, seule personne morale détentrice et gérante d'un patrimoine, contrevient aux dispositions statutaires et légales relatives à l'exécution de ses recettes et de ses dépenses ; qu'à ce titre, elle tombe sous le coup de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Sur les responsabilités engagées
Considérant qu'en leur qualité de membres du bureau des deux associations, MM. GOURDON, VIEILLEVILLE, MALINGRE, HIPPOLYTE et BLANCHARD ont engagé leur responsabilité dans l'ensemble de ces infractions ; que, toutefois, les fonctions différentes qui leur étaient confiées et leur participation inégale aux opérations en cause sont de nature à nuancer ces responsabilités ;
Considérant que M. GOURDON, en sa qualité de président des deux associations, assume la responsabilité de ces irrégularités de manière générale à raison de la mission de surveillance qui incombe au titulaire de telles fonctions ; qu'en outre cette responsabilité se trouve plus particulièrement impliquée dans certaines opérations en raison de la part directe qu'il y a prise ; qu'il en va ainsi de l'utilisation par lui-même de cartes de crédit ou de l'octroi des avantages dont il a bénéficié ;
Considérant que M. VIEILLEVILLE a, en sa qualité de trésorier général en titre ou par intérim, engagé sa responsabilité en prenant une part directe aux irrégularités budgétaires et comptables, notamment en tenant personnellement le compte de charges communes et en faisant jouer les comptes bancaires correspondants ; qu'il est en particulier responsable des insuffisances des comptes et bilans ainsi que de l'absence de déclaration aux services fiscaux des avantages accordés à certains membres de l'association ;
Considérant qu'en sa qualité de secrétaire général, jusqu'en juin 1983, M. MALINGRE a non seulement engagé sa responsabilité générale de membre du bureau dans l'ensemble des irrégularités mais également pris une part directe à l'utilisation des cartes de crédit, à l'octroi, et à l'absence de déclaration aux services fiscaux, d'avantages à des membres de la Mission ;
Considérant que M. HIPPOLYTE, en sa qualité de secrétaire général adjoint jusqu'en 1983 puis, à compter de cette date, d'administrateur délégué, s'est reconnu une totale connaissance des affaires financières et comptables des deux associations ; qu'il a bénéficié d'avantages irréguliers mais que, par contre, sa participation active à l'ensemble des infractions retenues n'est pas démontrée ;
Considérant que, malgré ce que laisserait croire son titre de trésorier général adjoint, M. BLANCHARD n'a pas pris de part active à la gestion financière des deux associations ; que, nonobstant le bénéfice qu'il a tiré d'avantages irréguliers, sa responsabilité s'en trouve atténuée ;
Considérant dès lors qu'il sera fait une exacte appréciation de l'ensemble des circonstances de l'affaire en infligeant à MM. GOURDON, VIEILLEVILLE, MALINGRE, une amende de 40 000 F chacun, à M. HIPPOLYTE une amende de 15 000 F et à M. BLANCHARD une amende de 5 000 F ;
ARRETE :
Article 1er : M. Alain GOURDON est condamné à une amende de quarante mille francs (40 000 F).
Article 2 : M. Jacques VIEILLEVILLE est condamné à une amende de quarante mille francs (40 000 F).
Article 3 : M. Daniel MALINGRE est condamné à une amende de quarante mille francs (40 000 F).
Article 4 : M. Bernard HIPPOLYTE est condamné à une amende de quinze mille francs (15 000 F.
Article 5 : M. Roger BLANCHARD est condamné à une amende de cinq mille francs (5 000 F).