AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS,
LA COUR DE DISCIPLINE BUDGETAIRE ET FINANCIERE, siégeant à la Cour des comptes, en audience publique, a rendu l'arrêt suivant :
LA COUR,
Vu le titre I du livre III du code des juridictions financières, relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la lettre du 9 juillet 1996, enregistrée le 10 juillet 1996 au Parquet de la Cour de discipline budgétaire et financière, par laquelle la Cour des comptes, sur déféré décidé par la première chambre dans sa séance du 9 juillet 1996 et transmis par lettre signée de son président, a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités constatées dans la conduite, par la société ALTUS FINANCE, d'opérations concernant les entreprises MARLAND, SELLOTAPE et SATER ;
Vu le réquisitoire du 20 septembre 1996 par lequel le Procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, a transmis le dossier au président de la Cour, conformément à l'article L. 314-3 du code des juridictions financières ;
Vu la décision du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 24 septembre 1996 désignant M. Schwartz, maître des requêtes au Conseil d'Etat, rapporteur ;
Vu les lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 16 avril 1997 par lesquelles le Procureur général a informé M. Gille, ancien directeur général du Crédit Lyonnais, M. Haberer, ancien Président du conseil d'administration d'Altus Finance puis président du conseil de surveillance à compter du 28 mai 1993 et ancien président directeur général du Crédit Lyonnais, M. Hénin ancien directeur général d'Altus Finance puis vice-président du conseil de surveillance à compter du 28 mai 1993 et M. Paquin ancien directeur général adjoint d'Altus Finance puis président du directoire à partir du 28 mai 1993, de l'ouverture d'une instruction dans les conditions prévues à l'article L. 314-4 du code précité, ensemble les accusés de réception ;
Vu la lettre du 3 février 1998 par laquelle Mme le Procureur général a fait connaître au Président de la Cour qu'elle estimait, après la communication du dossier de l'affaire, le 27 janvier 1998, qu'il y avait lieu de poursuivre la procédure ;
Vu la lettre adressée le 25 février 1998 par le Président de la Cour de discipline budgétaire et financière au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie lui communiquant le dossier de l'affaire pour avis, conformément à l'article L. 314-5 du code des juridictions financières ;
Considérant que l'absence de réponse du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie dans le délai de deux mois qui lui avait été imputé ne fait pas obstacle, en application de l'article L. 314-5 du code susvisé, à la poursuite de la procédure ;
Vu la lettre du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 3 septembre 1998 transmettant le dossier de l'affaire au Procureur général ;
Vu les conclusions motivées du Procureur général, en date du 10 septembre 1998, renvoyant MM. Gille, Haberer, Hénin et Paquin devant la Cour de discipline budgétaire et financière en application de l'article L. 314-6 du code précité ;
Vu l'avis de la commission administrative paritaire de l'inspection générale des finances, réunie le 26 octobre 1998 ;
Vu les lettres recommandées du 23 novembre 1998, 26 novembre 1998 et 8 décembre 1998 du secrétaire général de la Cour de discipline budgétaire et financière avisant MM. Gille, Haberer, Hénin et Paquin qu'ils pouvaient prendre communication du dossier suivant les modalités prévues à l'article L. 314-8 du code précité, ensemble les accusés de réception ;
Vu les mémoires en défense de M. Gille enregistrés au greffe de la Cour de discipline budgétaire et financière les 30 novembre 1998, 23 février 1999 et 17 septembre 1999 :
Vu les mémoires en défense et conclusions à fin de sursis à statuer et de supplément d'instruction de M. Haberer, enregistrés au greffe de la Cour de discipline budgétaire et financière les 21 janvier 1999, 18 mai 1999, 15 juin 1999 et 9 août 1999 ;
Vu le mémoire en défense de M. Paquin, enregistré au greffe de la Cour de discipline budgétaire et financière le 25 janvier 1999 ;
Vu les mémoires en défense et conclusions à fin de sursis à statuer et de supplément d'information de M. Hénin, enregistrés au greffe de la Cour de discipline budgétaire et financière les 2 février 1999, 31 mars 1999, 30 juin 1999 et 14 septembre 1999 ;
Vu les lettres recommandées du procureur général du 19 juillet 1999, citant MM. Gille, Haberer, Hénin et Paquin à comparaître devant la Cour de discipline budgétaire et financière, ensemble les accusés de réception ;
Vu les convocations à témoin adressées les 15 septembre 1999 et 21 septembre 1999 par le Président de la Cour de discipline budgétaire et financière à MM. Gomez, Gonzalez, Gounelle, Hautefeuille, Lévy, Thiolon, Verny, Cabanes, Durance, Hagelauer et Souviron ;
Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier, notamment les procès-verbaux d'audition de MM. Gille, Haberer, Hénin et Paquin et le rapport d'instruction de M. Schwartz ;
Les conseils de MM. Haberer et Hénin ayant, sur interrogation du Président, déclaré maintenir leurs conclusions aux fins de sursis à statuer et de supplément d'instruction, la Cour, après avoir délibéré, décide la disjonction des incidents du fond ;
Entendu M. Schwartz en son rapport ;
Entendu Mme le Procureur général en ses conclusions et réquisitions ;
Entendu en leurs plaidoiries Maîtres Lyon-Caen et Cornut-Gentille pour M. Haberer, Maîtres Terrier et Maisonneuve pour M. Hénin ; MM. Gille, Haberer, Hénin et Paquin ayant été invités à présenter leurs explications et observations, ceux-ci et leurs conseils ayant eu la parole en dernier ;
Sur les demandes de sursis à statuer :Considérant qu'aux termes de l'article L. 314-18, premier alinéa, "les poursuites devant la Cour ne font pas obstacle à l'exercice de l'action pénale et de l'action disciplinaire" ;
Considérant que MM. Haberer et Hénin ont fait valoir que des faits soumis à l'appréciation de la Cour de discipline budgétaire et financière font parallèlement l'objet de plusieurs informations judiciaires et qu'en conséquence la Cour devrait surseoir à statuer dans l'attente d'une décision du juge pénal ; que, toutefois, ni l'article L. 314-18 du code des juridictions financières ni aucun autre texte n'autorise la Cour de discipline budgétaire et financière à subordonner sa décision à l'intervention d'une décision du juge pénal ; que, notamment, l'article 4 du code de procédure pénale, en vertu duquel il est sursis au jugement d'une action exercée devant une juridiction civile tant qu'il n'a pas été prononcé sur l'action pénale, n'est pas applicable à la Cour de discipline budgétaire et financière qui n'est pas une juridiction civile ; que la Cour ne pourrait en conséquence surseoir à statuer sans méconnaître sa compétence ; que dès lors un sursis à statuer ne peut être ordonné par la Cour au motif tiré de ce que plusieurs informations judiciaires, portant sur des faits soumis à l'appréciation de la Cour, auraient été ouvertes ;
Sur les demandes de supplément d'instruction :
Considérant que MM. Haberer et Hénin font valoir qu'ils ne peuvent exercer leurs droits de la défense en raison du contrôle judiciaire auquel ils ont été soumis ; qu'il leur est interdit de recevoir ou de rencontrer des personnes nommément citées dans l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire avec lesquelles ils entretenaient des relations dans le cadre de leurs activités au sein du Crédit Lyonnais ou d'Altus finance, ou d'entrer en relation avec elles de quelque manière que ce soit ;
Que les intéressés estiment nécessaire d'entrer en relation avec certaines de ces personnes afin de recueillir documents, témoignages et informations utiles à leur défense ; qu'ainsi M. Hénin a fait part de l'impossibilité dans laquelle il était d'entrer en relation avec MM. Haberer, Paquin et Gille ; que de même, M. Haberer a fait état de l'impossibilité dans laquelle il était d'entrer en relation avec MM. Hénin, Paquin, Lévy, Thiolon, Renault, Gille, Gonzalez, Verny et Peyrelevade ;
Qu'en conséquence, MM. Hénin et Haberer ont demandé à la Cour de prononcer le sursis à statuer au moins jusqu'à la levée de leur contrôle judiciaire et à défaut d'ordonner un supplément d'information ;
Considérant que MM. Hénin et Haberer ont été, sur leur demande, autorisés par ordonnances du magistrat instructeur du dossier pénal, en date du 11 mars 1999, à rencontrer les personnes précitées dans le cadre des audiences fixées par la Cour ou à l'occasion des réunions organisées par elle ;
Considérant qu'il apparaît que l'aménagement ainsi apporté au contrôle judiciaire permet, sans attendre la levée complète dudit contrôle, à MM. Hénin et Haberer de préparer leur défense dans le cadre de l'instruction menée devant la Cour de discipline budgétaire et financière ; qu'en conséquence, il y a lieu de compléter l'instruction afin que le rapporteur devant la Cour permette notamment aux intéressés d'être confrontés avec les personnes ci-dessus citées, et procède le cas échéant, aux mesures d'instruction qu'il appartiendra ;
ARRETE :
Article unique : Avant dire droit au fond, l'affaire est renvoyée devant le rapporteur pour complément d'instruction, à l'objet de confronter les personnes déférées avec celles dont elles ont sollicité le témoignage et de procéder, le cas échéant, aux mesures d'instruction complémentaires qu'il appartiendra.
Fait et jugé en la Cour de discipline budgétaire et financière le vingt-neuf septembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.
Présents : M. Joxe, Premier président de la Cour des comptes, président ; M. Massot, président de la section des finances au Conseil d'Etat, vice-président ; Mme Latournerie et M. Fouquet, conseillers d'Etat, MM. Gastinel et Capdeboscq, conseillers maîtres à la Cour des comptes, membres de la Cour de discipline budgétaire et financière ; M. Schwartz, maître des requêtes au Conseil d'Etat, rapporteur.
Lu en séance publique le vingt-neuf septembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le Président de la Cour et le greffier.
Le Président, le greffier,