Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée et complétée par les lois n° 55-1069 du 6 août 1955 et 63-778 du 31 juillet 1963, tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision en date du 8 mai 1963 par laquelle la Cour des comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités relevées à l'occasion de l'acquisition du terrain de la Maison Française d'Oxford, ensemble la lettre de M le Premier président de la Cour des comptes en date du 9 mai 1963 transmettant ladite décision au ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu le réquisitoire de M le Procureur général en date du 14 mai 1963 transmettant le dossier au président de la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 16 mai 1963 désignant comme rapporteur M THERRE, conseiller référendaire à la Cour des comptes ;
Vu les accusés de réception des lettres adressées le 26 février 1964 à MM CHAUVEL et SEYDOUX les informant de l'ouverture d'une instruction et les avisant qu'ils étaient autorisés à se faire assister soit par un mandataire soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Vu l'avis émis le 17 novembre 1964 par le ministre des affaires étrangères ;
Vu l'avis émis le 19 février 1965 par le ministre des finances et des affaires économiques ;
Vu la lettre du 25 février 1965 par laquelle le président de la Cour de discipline budgétaire et financière demande, en application de l'article 19 de la loi du 25 septembre 1948, au ministre des affaires étrangères l'avis de la Commission administrative paritaire ou de l'organisme en tenant lieu, compétent à l'égard de MM CHAUVEL et SEYDOUX ;
Vu la lettre reçue à la Cour le 7 avril 1965 par laquelle le ministre des affaires étrangères fait connaître notamment qu'il n'existe pas de commission paritaire ou d'organisme susceptible d'en tenir lieu pour les ambassadeurs dignitaires et pour les ministres plénipotentiaires ;
Vu les conclusions du Procureur général en date du 1er décembre 1965 renvoyant MM CHAUVEL et SEYDOUX devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu les accusés de réception des lettres recommandées en date du 3 décembre 1965, avisant MM CHAUVEL et SEYDOUX qu'ils pouvaient dans un délai de quinze jours prendre connaissance du dossier de l'affaire au secrétariat de la Cour, soit par eux-mêmes, soit par mandataire, soit par le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Vu les mémoires présentés le 21 janvier 1966 par Me CELICE pour M CHAUVEL et par Me de SEGOGNE pour M SEYDOUX ;
Vu les accusés de réception des lettres recommandées du 25 février 1966 invitant MM CHAUVEL et SEYDOUX à comparaître ;
Vu les autres pièces du dossier et notamment les procès-verbaux d'interrogatoire ;
Ouï M THERRE, conseiller référendaire à la Cour des comptes en son rapport ;
Ouï M le Procureur général de la République en ses conclusions ;
Ouï MM CHAUVEL et SEYDOUX en leurs explications ;
Ouï M le Procureur général de la République en ses réquisitions ;
Ouï les observations de M CHAUVEL et de M SEYDOUX ainsi que de Mes CELICE et de SEGOGNE, leurs conseils respectifs, qui ont eu la parole les derniers ;
Considérant qu'aux termes d'un contrat passé le 8 avril 1959 avec le Gouvernement de la République Française, représenté par M CHAUVEL, en sa qualité d'ambassadeur à Londres, le collège St-John d'Oxford s'est engagé à vendre audit Gouvernement, pour le prix de 37 000 livres, un terrain destiné à la construction d'un institut de France, étant entendu que le vendeur devrait transférer la propriété de ce bien aux "trustees" qui seraient désignés par l'acquéreur ;Considérant que le même jour, M CHAUVEL, en sa susdite qualité, a "cédé le contrat" susvisé à quatre trustees et autorisé ceux-ci à emprunter les sommes nécessaires à la réalisation de l'opération envisagée, dans la limite d'un plafond de 45 000 livres qu'il a, par le même acte, "donné instruction aux trustees de détenir la possession" du terrain acquis et de n'en disposer que "conformément aux instructions" de l'ambassadeur de France ;
Considérant que par un acte de transfert de propriété du 12 mai 1959, les représentants du collège St-John ont transféré aux 4 trustees la propriété du terrain et que ce transfert a été inscrit au registre foncier le 10 juin 1959 ;
Considérant qu'ultérieurement, par un acte du 28 juillet 1961, les trustees ont transféré la propriété dudit terrain au Gouvernement de la République Française, Etat français et que ce transfert a été transcrit au registre foncier le 2 août 1961 ;
Considérant d'une part que si l'acquisition du terrain avait bien été inscrite au programme quinquennal arrêté par le comité interministériel compétent, les crédits nécessaires à cette acquisition ne furent ouverts qu'au budget de 1961 et que la procédure adoptée a eu précisément pour but de pallier l'absence de ces crédits au budget de 1959 ;
Considérant d'autre part que les actes précités, passés pour l'acquisition du terrain, n'ont pas été soumis à l'examen du contrôleur financier ;
Considérant enfin que les autorisations expresses données à l'ambassadeur de France à Londres par M SEYDOUX, en sa qualité de directeur général des affaires culturelles et techniques du ministère des affaires étrangères par un télégramme du 21 juin 1958 et une lettre du 19 décembre 1958, tout en engageant la responsabilité personnelle de ce dernier, ne peuvent être regardées comme constituant un ordre écrit valablement donné à l'ambassadeur dans les conditions prévues à l'article 8 de la loi du 25 septembre 1948 instituant la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que tout engagement financier qui aurait pu découler pour l'Etat français des actes précités devrait être regardé comme constituant de la part tant de M CHAUVEL que de M SEYDOUX une infraction au droit budgétaire susceptible de leur faire encourir les sanctions prévues à la loi du 25 septembre 1948 ;
Considérant que le contrat passé le 8 avril 1959 entre l'ambassadeur de France et les représentants du collège St-John n'entraînait pas par lui-même d'engagement financier pour l'Etat français, dès l'instant que par un acte connexe et concomitant, ce dernier se voyait substitué dans ses droits et obligations par un trust qui, compte tenu des dispositions propres du droit anglais, ne pouvait en aucune circonstance se prévaloir de cet acte à l'encontre de l'Etat français ; que d'autre part l'autorisation d'emprunter donnée aux trustees, dans la déclaration de trust du 8 avril 1959, ne peut être regardée, en l'absence de toute indication sur ce point, comme comportant l'octroi d'une garantie de l'Etat à l'emprunt contracté ;
Considérant dès lors que s'il faut tenir pour regrettable que toutes diligences n'aient pas été faites pour parvenir par des méthodes de gestion financière normales à assurer dès 1959 à l'Etat français la disposition du terrain nécessaire à l'implantation du nouvel institut d'Oxford, et si, de ce fait, le recours à une procédure exceptionnelle, étrangère au droit français, s'est révélé nécessaire pour parvenir au même résultat, la procédure ainsi suivie n'a cependant pas, dans les circonstances de l'espèce, été constitutive des infractions définies par les articles 1 et 5 de la loi du 25 septembre 1948 ;
Qu'il y a lieu dès lors de relaxer MM CHAUVEL et SEYDOUX des fins de la poursuite ;
ARRETE :
MM CHAUVEL et SEYDOUX sont relaxés des fins de la poursuite.