La Cour,

Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948, modifiée et complétée par les lois n° 55-1069 du 6 août 1955, 63-778 du 31 juillet 1963 et 71- 564 du 13 juillet 1971 tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision du 20 avril 1977, enregistrée au Parquet le 14 juin 1977 par laquelle la Cour des Comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités constatées dans la gestion de l'UER "Institut d'administration des entreprises (IAE)" rattachée à l'Université d'Aix-Marseille III, et nommément déféré M. ROUGIER, directeur de l'Institut ;

Vu le réquisitoire du procureur général de la République en date du 21 juillet 1977 transmettant le dossier à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 6 février 1979 désignant comme rapporteur M. GRANDJEAT, conseiller référendaire à la Cour des Comptes, en remplacement de M. TOUZERY, maître des requêtes au Conseil d'Etat, qui avait été initialement chargé de l'instruction par décision du 30 septembre 1977 ;

Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée par le procureur général de la République le 17 février 1978 à M. ROUGIER l'informant de l'ouverture d'une instruction et l'avisant qu'il était autorisé à se faire assister soit par un mandataire, soit par un avocat ou un avoué, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;

Vu les avis émis respectivement le 16 septembre 1980 par le ministre des Universités et le 21 août 1981 par le ministre délégué chargé du Budget ;

Vu les conclusions du procureur général en date du 21 avril 1982 renvoyant M. ROUGIER devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu le procès-verbal en date du 14 octobre 1982 de la section disciplinaire du Conseil de l'Université de Droit, d'Economie et de Sciences d'Aix-Marseille, réunie pour examiner le cas de M. ROUGIER ;

Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée le 19 novembre 1982 par le président de la Cour à M. ROUGIER, l'avisant qu'il pouvait dans un délai de quinze jours prendre connaissance du dossier de l'affaire soit par lui-même, soit par un mandataire, soit par le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;

Vu le mémoire en défense présenté le 7 janvier 1983 par M. ROUGIER ;

Vu la décision du président de la Cour en date du 20 janvier 1983 désignant M. CHEVAGNY, conseiller maître à la Cour des Comptes, pour présenter le rapport sur l'affaire devant la Cour en remplacement de M. GRANDJEAT, nommé président de chambre régionale ;

Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier et notamment les procès-verbaux d'audition ;

Ouï M. CHEVAGNY, en son rapport ;

Ouï M. PERCEROU, président de l'association des directeurs des instituts d'administration des entreprises, en sa qualité de mandataire de M. ROUGIER ;

Ouï le procureur général de la République en ses réquisitions ;

Ouï, en ses observations, M. ROUGIER, ayant eu la parole le dernier ;

SUR LES FAITS

Considérant que M. ROUGIER a signé le 26 décembre 1974 un protocole d'accord, puis le 25 juillet 1975 un compromis de vente avec le président directeur général de la Société anonyme Clos Guiot pour l'achat au prix de 6 220 000 francs d'une propriété sise à Aix-en- Provence et comportant un immeuble aménagé en hôtel ; que le compromis du 25 juillet 1975 qualifiait la vente projetée de ferme et définitive ; que l'IAE n'ayant pu disposer en temps utile des crédits nécessaires à l'acquisition, c'est l'Etat, ministère de l'Equipement, qui, par acte du 6 juillet 1976, a acquis l'immeuble au prix convenu de 6220000 francs ;

Considérant que le protocole d'accord du 26 décembre 1974 avait autorisé l'IAE à occuper les locaux concernés du 1er janvier au 31 juillet 1975 ; que M. ROUGIER s'engageait, en sus des frais d'exploitation à sa charge, à verser une somme de 400 000 francs payable par acomptes mensuels de 50000 F et représentant soit un acompte valoir sur le prix de vente dans la mesure où l'option serait levée, soit dans le cas contraire un dédit pour renonciation ; que cette autorisation d'utilisation de l'ensemble immobilier a été confirmée par le compromis de vente du 25 juillet 1975 ; que l'IAE ayant effectivement utilisé les locaux à partir du 1er février 1975, M. ROUGIER a reconnu, par un second protocole d'accord en date du 28 juin 1976, devoir au vendeur une indemnité d'occupation de 837 108,34 francs pour la période du 1er février 1975 au 31 juin 1976 égale à un montant calculé sur la base d'un taux d'intérêt de 9,50 % l'an de la valeur totale des biens meubles et immeubles vendus ; que ladite indemnité a été, dans les faits, versée au vendeur, pour le compte de l'IAE, par une association de la loi de 1901, le Centre d'études du management (CETMA) ;

SUR LES QUALIFICATIONS

Considérant que le protocole d'accord du 26 décembre 1974 et celui du 28 juin 1976 ont été signés par M. ROUGIER "agissant en qualité de directeur de l'IAE de l'Université de droit, d'économie et de sciences d'Aix-Marseille tant pour le compte de ladite administration que pour toute personne morale à but non lucratif et à caractère public ou parapublic pouvant lui être substituée" ; que, dans le compromis de vente du 25 juillet 1975, l'engagement d'achat a été signé par M. ROUGIER déclarant "agir tant pour le compte de l'IAE que pour celui de tout organisme juridique ou personne morale de droit public ou privé pouvant lui être substitué" ;

Considérant qu'aucun autre organisme existant n'avait habilité expressément M. ROUGIER à s'engager pour lui par substitution à l'IAE ; que, dans ces conditions, l'engagement pris par M. ROUGIER l'a été, à titre unique, au nom de l'IAE ;

Considérant que l'IAE, qui constitue une unité d'enseignement et de recherche, n'ayant pas reçu le statut d'établissement public à caractère scientifique et culturel, est soumis aux dispositions de la loi n° 68-978 du 12 novembre 1968 portant loi d'orientation de l'enseignement supérieur et à ses textes d'application, notamment au décret n° 69-612 du 14 juin 1969 relatif au budget et au régime financier des universités, sous réserve des dérogations résultant du décret n° 69-58 du 18 janvier 1969 relatif aux instituts d'administration des entreprises ; qu'en application de l'article 5 de ce dernier décret, M. ROUGIER, qui était, en sa qualité de directeur de l'IAE, de droit ordonnateur secondaire du budget de l'Université pour l'exécution du budget propre de l'Institut, pouvait passer des contrats au nom de l'Université dont l'IAE faisait partie, pour le compte dudit institut; mais que, dans l'exercice de cette compétence, M. ROUGIER devait toutefois se conformer aux règles édictées par le décret n° 69- 612 du 14 juin 1969, lequel précise notamment dans son article 61 que les contrats ou conventions relatifs aux acquisitions, échanges et aliénations d'immeubles sont passés par les ordonnateurs avec l'autorisation du conseil de l'Université et sont soumis à l'approbation du chancelier ;

Considérant, dans ces conditions, qu'en signant le compromis de vente du 25 juillet 1975 en tant qu'il comportait un engagement d'achat ferme et définitif sans y avoir été autorisé par le conseil de l'Université, M. ROUGIER a excédé les pouvoirs qu'il détenait des dispositions combinées de l'article 5 du décret du 18 janvier 1969 et de l'article 61 du décret du 14 juin 1969 ; qu'il a ainsi commis une infraction tombant sous le coup de l'article 4 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ; qu'en ne soumettant pas ledit compromis de vente à l'approbation du chancelier, il a également commis une infraction prévue par l'article 5 de la même loi ;

Considérant que M. ROUGIER a omis de solliciter, préalablement à la signature du compromis de vente du 25 juillet 1975, les avis du service des Domaines et de la Commission régionale des opérations immobilières et de l'architecture requis Par les articles R 3, R 4 et R 10 du Code du Domaine de l'Etat, applicable aux universités ; que ces omissions constituent une infraction prévue par l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

Considérant que la promesse d'achat résultant du compromis de vente du 25 juillet 1975 a créé, à la charge de l'IAE, une obligation de nature à entraîner une dépense budgétaire ; qu'elle constituait de ce fait un engagement de dépense au regard des principes généraux du droit budgétaire et au sens de l'article 29 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité publique ; que les crédits ouverts à la section d'investissement du budget de l'IAE en 1975 et 1976 étaient de très loin inférieurs au chiffre de 6220000 francs, prix convenu pour l'acquisition du Clos Guiot ; que, dans ces conditions, M. ROUGIER a engagé une dépense en l'absence de crédits suffisants ; que ce fait constitue une infraction aux règles relatives à l'exécution des dépenses de l'IAE, prévue par l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

Considérant que, faute de pouvoir être payée sur le budget propre de l'IAE dont les crédits étaient insuffisants, l'indemnité d'occupation prévue par le protocole d'accord du 28 juin 1976 a été prise en charge pour le compte de l'Institut, par le CETMA, dont M. ROUGIER était trésorier ; que pour couvrir au moins partiellement cette dépense, qui n'entrait pas dans la vocation normale de l'association, M. ROUGIER a fait encaisser par cette dernière, en 1975 et 1976, des recettes destinées à l'IAE qui auraient dû être perçues par l'agent comptable de l'Université d'Aix-Marseille III ; qu'il en a été ainsi notamment du produit de différentes conventions conclues par l'IAE avec la Fondation nationale pour l'enseignement de la gestion des entreprises (FNEGE) en vue d'actions de formation et de recherche et d'une contribution de 100000 francs accordée par cette dernière à l'Institut, les chèques correspondants libellés par la FNEGE ayant été endossés au profit du CETMA par M. ROUGIER ou, sur son ordre, par un de ses collaborateurs ;

Considérant qu'en faisant ainsi encaisser par un intermédiaire dépourvu de titre, des recettes destinées à un organisme public doté d'un poste comptable et en en faisant emploi hors des règles budgétaires et comptables applicables au dit organisme, M. ROUGIER a commis une infraction aux règles d'exécution des recettes et des dépenses de l'IAE prévue par l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

SUR LES RESPONSABILITES

Considérant que, lors de la nomination le 1er janvier 1974 de M. ROUGIER en qualité de directeur, l'IAE souffrait d'une grave pénurie de locaux, qui devait d'ailleurs s'accentuer au cours des mois suivants ; que cette situation était de nature à compromettre sérieusement le fonctionnement de l'institut ; qu'une des missions confiées au nouveau directeur était précisément de trouver une solution à ce problème ;

Considérant que l'utilisation et l'acquisition éventuelles du Clos Guiot par des administrations publiques, et plus spécialement l'IAE d'Aix, avaient déjà été envisagées avant le 1er janvier 1974 que, dans ces conditions, le projet de réinstallation dudit institut dans cet ensemble immobilier ne saurait être considéré comme une initiative propre de M. ROUGIER ;

Considérant que les représentants locaux des services de l'Etat et parfois même les administrations centrales de certains ministère ainsi que les autorités universitaires régionales ont été régulièrement tenus au courant par M. ROUGIER du projet en cause et des péripéties de sa réalisation ; que des réunions de travail sur ce sujet ont été tenues tant à Paris, notamment au siège de la DATAR, qu'à Aix-Marseille dès le début de l'année 1975 ; que les modalités de financement de l'opération par les divers partenaires de l'IAE ont fait l'objet d'études très avancées ; que des encouragements répétés pouvant être assimilés à des assurances verbales par une personne peu rompue aux pratiques administratives ont été donnés au directeur de l'IAE ; que, si les diverses autorités qui sont intervenues n'ont jamais formellement autorisé M. ROUGIER à s'engager à acquérir, elles n'ont pas non plus appelé son attention sur la nécessité de parfaire son dossier et ne l'ont pas mis en garde contre des décisions hâtives ou des formulations imprudentes ; que M ROUGIER sous la pression insistante des vendeurs a pu penser qu'il n'avait pas d'autre solution, dans l'attente d'aides ou d'appuis ultérieurs, que de s'engager lui-même ; que, s'ils ne sont pas de nature à exonérer M. ROUGIER de toute responsabilité dans les infractions commises, ces faits constituent cependant pour lui de larges circonstances atténuantes ;

Considérant que, si la matérialité des endos irréguliers au profit du CETMA de chèques établis au nom de l'IAE n'est pas contestée, il est constant que les parties versantes de subventions ou de contributions libellaient indifféremment leurs chèques au nom de l'un ou de l'autre de ces organismes ; que, dans certains cas, elles ont même été expressément favorables à l'intervention d'une association de la loi de 1901 aux structures jugées plus souples que celles de l'administration ; qu'une telle situation n'était pas de nature à inciter M. ROUGIER au strict respect de la réglementation financière et comptable, et constitue pour lui une circonstance atténuante ;

Considérant qu'il sera fait une équitable appréciation de l'ensemble des circonstances en infligeant une amende de cinq cents francs à M. ROUGIER ;

ARRETE

Article 1er - M. ROUGIER est condamné à une amende de cinq cents francs.

Article 2 - Le présent arrêt sera publié au journal officiel de la République française.