REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS,

La Cour de discipline budgétaire et financière, siégeant à la Cour des comptes en audience non publique, a rendu l'arrêt suivant :

LA COUR,

Vu le titre Ier du livre III du code des juridictions financières, relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la communication du 18 avril 1994, enregistrée le 20 avril 1994, par laquelle le président de la première chambre de la Cour des comptes a informé le Procureur général de la décision prise par ladite Cour, dans sa séance du 21 janvier 1994, de déférer à la Cour de discipline budgétaire et financière les irrégularités constatées dans la gestion de l'établissement public E ;

Vu le réquisitoire en date du 15 juin 1994 par lequel le Procureur général de la République a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 23 juin 1994 désignant comme rapporteur M. Gilbert Pierre, conseiller maître à la Cour des comptes ;

Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée par le Procureur général de la République le 26 octobre 1994 à M. A., ancien directeur de l'établissement public E, l'informant de l'ouverture d'une instruction et l'avisant qu'il était autorisé à se faire assister soit par un mandataire soit par un avocat ou un avoué, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Vu l'avis émis par le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation le 7 août 1995 ;

Vu la décision du 22 septembre 1995 par laquelle le Procureur général de la République a renvoyé M. A. devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée en date du 3 janvier 1996 adressée par le secrétaire de la Cour de discipline budgétaire et financière à M. A. l'avisant qu'il pouvait, dans un délai de quinze jours, prendre connaissance du dossier de l'affaire, soit par lui-même, soit par mandataire, soit par le ministère d'un avocat, ou d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Vu le mémoire en défense en date du 17 janvier 1996 enregistré au greffe le 23 janvier 1996, présenté par M. A. ;

Vu la décision du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 29 janvier 1996 désignant comme rapporteur Mlle Nathalie Robert, auditeur à la Cour des comptes, en remplacement de M. Gilbert Pierre ;

Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée le 22 février 1996 à M. A., le citant à comparaître devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu les autorisations de citations à comparaître comme témoins de MM. V. et B., accordées le 8 mars 1996 par le Président de la Cour ;

Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier ;

Entendu M. A. qui a déclaré ne pas vouloir utiliser la possibilité d'être jugé en audience publique ;

Entendu Mlle Robert en son rapport ;

Entendu Mme le Procureur général de la République en ses conclusions ;

Entendu en ses explications M. A. ;

Entendu MM. V. et B. en leurs témoignages ;

Entendu Mme le Procureur général de la République en ses réquisitions ;

Entendu en ses observations M. A., l'intéressé ayant eu la parole en dernier ;

- Sur la compétence de la Cour :

Considérant, que M. A., maître de conférences, a été chargé à compter du 3 septembre 1990 de la direction de l'établissement public E, établissement public administratif soumis au contrôle de la Cour des comptes ; qu'il est donc justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière, en application de l'article L. 312-1-I du code des juridictions financières ;

- Sur le fond :

Considérant qu'en application de l'article 2 du décret n° 85-730 du 17 juillet 1985 relatif aux rémunérations des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités locales, "les fonctionnaires (...) ne peuvent bénéficier d'aucune indemnité autre que celles fixées par une loi ou un décret" ;

Considérant que par délibération du 7 décembre 1990, approuvée par le ministère de l'agriculture le 22 janvier 1991, le conseil d'administration de l'établissement public E s'est prononcé favorablement sur l'octroi à M. A. d'une indemnité de 20 000 F par an, dite "prime de direction" ; que cette indemnité n'ayant pas été accordée dans les conditions fixées par les dispositions précitées du décret du 17 juillet 1985 était irrégulière ;

Considérant qu'une telle prime ayant déjà été attribuée à l'un des prédécesseurs de M. A., notamment par décision du conseil d'administration du 28 novembre 1986, son irrégularité avait été relevée par une note du Procureur général près la Cour des comptes adressée au ministre de l'agriculture le 21 janvier 1988 ;

Considérant que, nonobstant, la prime de direction financée sur le budget de l'établissement public E a été rétablie au bénéfice de M. A. qui a bénéficié entre le 3 septembre 1990 et le 31 décembre 1992 de cinq versements en date du 15 avril 1991 pour 6 563,68 F, 11 juillet 1991 pour 9 795,50 F, 17 décembre 1991 pour 10 716,28 F, 23 juin 1992 pour 9 795,50 F et 22 décembre 1992 pour 9 688,90 F, soit un montant total de 46 559,86 F ;

Considérant que le décret n° 91-580 du 21 juin 1991 a institué une "prime d'administration" en faveur de certains personnels de l'enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l'agriculture ;

Que le bénéfice de cette prime, directement ordonnancée par le ministère de l'agriculture et dont le montant a été fixé à 30 000 F par an, a été attribué de manière rétroactive à M. A. à compter de sa nomination comme directeur de l'établissement public E le 3 septembre 1990 ; que M. A. a ainsi perçu deux versements d'un montant respectif de 41 053,80 F pour la période du 3 septembre 1990 au 31 décembre 1991 et de 47 760,33 F pour la période du 1er janvier 1992 au 30 juin 1993 ;

Considérant que le caractère rétroactif du versement de la prime d'administration aurait dû conduire M. A. à cesser d'ordonnancer pour son propre compte la prime de direction et à rembourser les montants déjà perçus à ce titre à hauteur de 46 559,86 F ;

Considérant toutefois, qu'ainsi que l'atteste la date des versements précités, postérieure au décret du 21 juin 1991, les mandatements ont continué d'être effectués jusqu'au 22 décembre 1992 ; qu'en conséquence M. A. a cumulé entre le 3 septembre 1990 et le 31 décembre 1992 le bénéfice de deux primes ayant le même objet ;

Considérant que ces faits sont constitutifs de l'infraction prévue par l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;

- Sur les responsabilités

Considérant que la décision du conseil d'administration en date du 7 décembre 1990 de rétablir une prime de direction au bénéfice de M. A. aurait été prise par anticipation de dispositions réglementaires prévoyant le versement d'une indemnité spécifique au directeur de l'établissement public E et que cette indemnité a effectivement été mise en place par le décret du 21 juin 1991 ;

Considérant que, bénéficiant des deux primes, M. A. ne pouvait en ignorer le cumul ;

Qu'en outre, la prime de direction étant financée sur les crédits de l'établissement public E, M. A., en sa qualité d'ordonnateur des dépenses de l'établissement, a, directement ou par l'intermédiaire de ses subordonnés, procédé aux mandatements aboutissant à son paiement ;

Qu'en conséquence la responsabilité de M. A. est engagée ;

Considérant que ce n'est qu'à la suite du contrôle de la Cour des comptes sur les comptes et la gestion de l'établissement public E que le paiement de la prime irrégulière a été suspendu ; que M. A. n'a reversé qu'une partie s'élevant à 30 200,68 F des sommes perçues irrégulièrement ;

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des circonstances de l'affaire en infligeant à M. A. une amende de 1 000 F ;

ARRETE :

Article unique : M. A. est condamné à une amende de mille francs (1 000 F).

Fait et jugé en la Cour de discipline budgétaire et financière le vingt mars mil neuf cent quatre vingt seize.

Présents : M. JOXE, Premier président de la Cour des comptes, président ; M. MASSOT, président de la section des finances du Conseil d'Etat, vice-président ; MM. GALMOT et FOUQUET, conseillers d'Etat, MM. ISNARD et GASTINEL, conseillers maîtres à la Cour des comptes, membres de la Cour de discipline budgétaire et financière ; Melle ROBERT, auditeur à la Cour des comptes, rapporteur.

En conséquence, La République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d'y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu'ils en seront légalement requis.

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président de la Cour et le Greffier.

Le Président, Le Greffier,