A - Introduction

L'article L. 316-1 du code des juridictions financières (CJF) dispose que la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) présente chaque année au Président de la République un rapport qui est annexé au rapport public de la Cour des comptes et publié au Journal officiel de la République française.

En 2009, dans la continuité des évolutions constatées les deux années précédentes, l'activité de la Cour a progressé tout en demeurant modeste en volume. Simultanément, l'amélioration des conditions dans lesquelles cette activité s'exerce, mesurée par des indicateurs de performance, s'est confirmée. La quantité d'affaires en stock se stabilise et les délais d'instruction et de jugement atteignent un niveau conforme aux objectifs que la Cour s'est fixés depuis sa réforme de 2005. Mais, avec six arrêts rendus cette année, soit un de plus qu'en 2008, la CDBF confirme simultanément son incapacité, dans le cadre juridique actuel, à accroître significativement le nombre annuel de ses jugements pour atteindre un niveau d'activité conforme aux enjeux qui caractérisent sa mission de juge de la responsabilité des gestionnaires publics. C'est d'ailleurs ce constat récurrent qui justifie, dans le cadre du projet de loi portant réforme des juridictions financières, la réforme du régime de discipline budgétaire et financière actuellement en cours d'examen au Parlement.

B - Compétences de la Cour de discipline budgétaire et financière

Instituée par la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 plusieurs fois modifiée avant sa codification, en 1995, au sein du code des juridictions financières (CJF), la CDBF est une juridiction administrative spécialisée, de nature répressive, chargée de sanctionner les atteintes aux règles régissant les finances publiques, commises par toute personne intervenant dans la gestion publique, principalement mais pas exclusivement les ordonnateurs.

Juridiction financière distincte de la Cour des comptes, la CDBF réprime la méconnaissance ou la violation des règles relatives à l'exécution des recettes ou des dépenses ou de gestion des biens des collectivités publiques (État ou collectivités locales) ou des organismes publics considérés (articles L. 313-1 à L. 313-4 du CJF) ainsi que l'octroi d'avantages injustifiés à autrui entraînant un préjudice pour l'organisme ou le Trésor public (article L. 313-6 du CJF) et l'omission volontaire des déclarations à fournir par l'organisme employeur aux administrations fiscales (article L. 313-5 du CJF).

La loi du 25 novembre 1995 a en outre introduit un article L. 313-7-1 du CJF faisant de la faute grave de gestion des responsables d'entreprises publiques une infraction spécifique.

En application de la loi du 16 juillet 1980, la Cour peut également intervenir en cas d'inexécution de décisions de justice.

Est justiciable de la CDBF, en application de l'article L. 312-1 du CJF, toute personne appartenant au cabinet d'un membre du Gouvernement, tout fonctionnaire ou agent civil ou militaire de l'État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics ainsi que des groupements des collectivités territoriales, et tout représentant, administrateur ou agent des autres organismes qui sont soumis soit au contrôle de la Cour des comptes, soit au contrôle d'une chambre régionale ou territoriale des comptes. Sont également justiciables de la CDBF tous ceux qui exercent, en fait, les fonctions des personnes désignées ci-dessus. Les membres du Gouvernement ne sont pas justiciables de la Cour.

Les ordonnateurs élus locaux, y compris dans les collectivités d'Outre-mer, qui ne sont pas justiciables de la CDBF lorsqu'ils agissent dans le cadre de leurs fonctions le sont toutefois, depuis 1993 (en vertu de l'article L. 312-2 du code des juridictions financières), s'ils commettent les infractions définies aux articles L. 313-7 et L. 313-12 du code des juridictions financières en cas d'inexécution de décisions de justice. Ils le sont également, en application de ce même article L. 312-2 CJF, lorsqu'ils ont engagé leur responsabilité propre à l'occasion d'un ordre de réquisition et qu'ils ont procuré à autrui un avantage injustifié entraînant un préjudice pour le Trésor ou la collectivité intéressée (article L. 313-6 du CJF). Enfin, leur responsabilité peut être engagée devant la CDBF lorsqu'ils agissent dans le cadre d'activités qui ne constituent pas l'accessoire obligé de leurs fonctions électives, par exemple en tant que dirigeant d'une société d'économie mixte.

La CDBF peut être saisie1 (article L. 314-1 du CJF) uniquement par les autorités suivantes, par l'intermédiaire du ministère public :

Les sanctions que peut prononcer la Cour sont des amendes. Elle peut aussi décider de publier les arrêts de condamnation au Journal officiel de la République française.

En tant que juridiction administrative spécialisée, les arrêts de la CDBF peuvent faire l'objet d'un recours en cassation devant le Conseil d'État.

* * *

En tant que gardienne des règles qui entourent l'utilisation de l'argent public et la gestion des biens publics, la CDBF remplit un rôle indispensable de prévention et de dissuasion à l'égard des gestionnaires publics. Elle contribue ainsi à la diffusion d'une culture de rigueur dans la sphère publique d'autant plus indispensable que la réduction des contrôles a priori pesant sur les gestionnaires publics renforce la nécessité de l'existence de sanctions a posteriori.

C - Activité et performance annuelle de la Cour

La tendance à l'amélioration des performances de la Cour constatée depuis la réforme intervenue en 2005 se confirme. Les indicateurs d'activité (1) et de performance (2) sont stables ou en progrès et atteignent, pour la plupart d'entre eux, les cibles fixées.

1 - Une activité en progression

Les développements qui suivent n'intègrent pas les affaires d'inexécution des décisions de justice, activité qui a sa logique propre et qui sera décrite infra dans la partie E consacrée aux classements.

L'activité de la CDBF est mesurée, d'une part, au moyen des indicateurs de volume (v. infra, a), et du tableau n° 1) et, d'autre part, à travers les délais de procédure (v. plus loin b), et tableaux n° 2) et n°3). Les variations de ces indicateurs doivent toutefois être appréciées avec prudence, l'activité de la CDBF portant sur des volumes réduits.

a) Les indicateurs de volume

Le nombre d'arrêts. – La CDBF a rendu six arrêts en 2009 soit un niveau d'activité qui, tout en demeurant insuffisant, n'a cependant été auparavant atteint qu'une seule fois ces dix dernières années (et à six reprises seulement depuis la création de la CDBF en 1948), la moyenne des arrêts rendus annuellement par la Cour depuis sa création étant quant à elle inférieure à trois.

Le nombre de déférés est de 15 en 2009, soit un volume conforme à la moyenne constatée depuis la réforme intervenue en 2005, mais deux fois supérieur au volume annuel moyen constaté au cours des années qui précédaient cette réforme.

Les déférés sont essentiellement issus des juridictions financières : les saisines ministérielles demeurent marginales (un déféré en 2009, et trois déférés ministériels au total parmi les 27 affaires en cours au 31 décembre 2009 – tous trois adressés par le ministre chargé de la santé). La Cour des comptes a quant à elle décidé de six déférés, soit autant que les chambres régionales des comptes. Pour la première fois, un déféré a en outre été adressé par une chambre territoriale des comptes, celle de Polynésie.

Enfin, le Procureur général a, en 2009, fait une fois usage de sa faculté de saisir la Cour proprio motu, sans déféré préalable. Les saisines de cette nature demeurent exceptionnelles (trois cas au cours des dix dernières années).

Le nombre de classements2 est en augmentation en 2009 par rapport aux années précédentes (16 classements en 2009 contre 7 en 2008 et 6 en 2007).

Ces classements sont intervenus à deux des trois stades de la procédure où ils sont susceptibles d'être prononcés. Le code des juridictions financières prévoit en effet que le classement peut intervenir : soit avant instruction (1er stade), soit après instruction, avant la décision de poursuite (2ème stade) soit enfin après réception de la réponse des ministres compétents (3ème stade), la décision de classement devant alors être motivée.

Or cette année, le nombre de classements initiaux (au 1er stade) est de neuf (contre six en 2008 et deux en 2007) et les classements après instruction (au 2ème stade) s'établissent à sept contre aucun en 2008 et quatre en 2007.

Cette croissance en volume des classements ne se traduit toutefois pas aussi nettement dans le taux de classement (72,7 % en 2009 contre 70 % en 2008), le nombre des affaires renvoyées étant lui aussi en hausse dans des proportions similaires.

Les déférés reçus par la juridiction présentent, pour nombre d'entre eux, des caractéristiques conduisant à leur classement avant instruction. Les déférés en cause portent le plus souvent sur des faits ne revêtant pas un niveau suffisant de gravité et d'exemplarité pour justifier l'ouverture d'une instruction, notamment lorsque de nombreuses circonstances atténuantes sont d'emblée perceptibles. Ils comportent aussi souvent des faiblesses plus formelles : des faits mal caractérisés ou des allégations d'irrégularités mal démontrées.

Le nombre élevé de classements après instruction met cette année particulièrement en évidence la valeur et la portée de l'action du rapporteur dans le cadre de l'instruction. Celle-ci étant menée à charge et à décharge, il apparaît que dans de nombreux cas les griefs invoqués se révèlent en définitive infondés ou fragiles au regard des circonstances de l'espèce, ce qui conduit par la suite le Parquet à renoncer aux poursuites. Depuis la création de la CDBF, environ 200 affaires ont été classées après instruction (2ème et 3ème stade) alors que seulement 170 arrêts ont été rendus, ce qui représente un quart des saisines et révèle l'ampleur du taux global de classement. Il n'en demeure pas moins que les procédures interrompues au 2ème et au 3ème stade ont auparavant exigé de nombreux travaux et actes de procédure qui demeurent méconnus et ne sont pas retracés dans les statistiques portant sur les jugements rendus.

Tableau n° 1 : Affaires enregistrées, classées et jugées, taux de classement et état du stock (par an, sur 10 ans, et en total depuis la création de la CDBF, hors affaires d'inexécution de décisions de justice)

Tableau non reproduit (à consulter dans le fichier Word ou Pdf joint).

b) Les délais

Les données qui suivent font état des délais de jugement des affaires. Elles additionnent les durées des travaux incombant au Parquet (réquisitoire initial, décision de poursuivre et décision de renvoi), au rapporteur (instruction) ainsi qu'au siège (désignation d'un rapporteur, programmation de la séance publique de jugement et de la séance publique de lecture).

Ces délais sont donc ceux compris entre la date de l'enregistrement d'un déféré au ministère public de la CDBF (ou du réquisitoire introductif du Procureur général, en cas de saisine directe de la Cour par lui), d'une part, et la date de la lecture publique de l'arrêt, d'autre part.

Par ailleurs, il n'est pas tenu compte, dans cette statistique, des arrêts rendus par la CDBF sans instruction préalable au sens strict du terme3, dont le traitement est systématiquement plus court et dont la prise en compte fausserait la lisibilité de ces données. La durée calculée ne reprend pas non plus les événements postérieurs à l'arrêt rendu (recours en cassation, puis renvoi éventuel devant la CDBF).

Un indicateur de délai figure également parmi les indicateurs de performance annuelle (v. plus loin, point C2).

Tableau n° 2 : Durée des instances CDBF des arrêts rendus dans l'année (hors affaires d'inexécution de décisions de justice et hors affaires exceptionnelles4, en chiffres absolus [en moyenne, en mois] et en %5 ; délai compris entre l'enregistrement du déféré au ministère public près la Cour6 et la date de lecture publique de l'arrêt)

Années

moins de 3 ans

entre 3 et 5 ans

plus de 5 ans

en %

en mois

en %

en mois

en %

en mois

2000

 0 %

-

 0 %

100%

68

2001

 0 %

 -

 0 %

100%

75

2002

 0 %

 -

 0 %

100%

73

2003

 0 %

 -

 0 %

100%

80

2004

 0 %

 -

 0 %

-

100%

86,5

2005

 0 %

 -

 0 %

 -

100%

75

2006

20%

32

40%

56,5

40%

96,5

2007

0 % 

0 %

 -

100 % 

71

2008

75%

26

25%

48

0%

0

2009

83 %

27

0 %

0

17 %

64

En 2009, cinq affaires jugées sur six l'ont été après moins de trois ans de procédure, une autre affaire jugée ayant en revanche plus de cinq ans d'ancienneté. Avant la réforme adoptée en 2005, tous les jugements rendus depuis le début de la décennie l'avaient été après plus de 5 années de procédure.

Cette situation témoigne aussi de l'aboutissement du renouvellement du stock d'affaires entrepris ces dernières années. Les trois-quarts des affaires en cours de procédure ont actuellement moins de deux ans d'ancienneté et les neuf dixièmes ont été déférées il y a moins de trois ans.

Il n'est toutefois pas certain que ce résultat puisse être maintenu dans les années qui viennent, les délais de procédure conduisant structurellement à s'approcher, voire à dépasser, la durée de trois années, en particulier lorsque survient un incident en cours d'instruction (réquisitoire supplétif ; changement de rapporteur) ou lorsque l'affaire présente une grande complexité.

Tableau n° 3 : Détail par phase7 des instances CDBF des arrêts rendus dans l'année (en nombre de jours)


1ère phase
Réquisitoire

2ème phase
Instruction

3ème phase
Renvoi et audience

CH de fougères

204

180

361

ERDV

22

621

307

CCINCA

58

371

294

UNIPE

399

270

299

CCIP

288

1088

548

CHU de Reims

118

294

176

L'analyse des délais par phase de procédure (tableau n°3) met à cet égard en évidence que la maîtrise du délai d'instruction est déterminante dans la maîtrise du délai global de la procédure, même si le raccourcissement des deux autres phases peut aussi contribuer significativement à l'amélioration des délais de jugement de la Cour.

2 - Appréciation de la performance annuelle de la Cour

La CDBF présente aussi dans son rapport annuel les objectifs et indicateurs de performance dont elle s'est dotée dans le cadre des réformes concernant le budget de l'État et la mesure de la performance des services publics. Il s'agit d'indicateurs de gestion propres à la juridiction.

a) Rappel des objectifs et des indicateurs de performance retenus

Trois objectifs sont retenus pour la CDBF :

1. Réduire les durées des procédures (entre le déféré et la lecture de l'arrêt). Cet objectif découle directement de la nécessité d'une bonne administration de la justice et des exigences liées au procès équitable, qui s'expriment notamment dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) retient toutefois, pour apprécier le caractère raisonnable du délai de jugement, non pas l'arrivée du déféré à la Cour, mais la date de la mise en cause8.

2. Améliorer la qualité des arrêts : il s'agit également d'un objectif que l'on retrouve habituellement dans les juridictions ;

3. Faire mieux connaître la jurisprudence de la CDBF. Cet objectif est spécifique à la CDBF, qui demeure insuffisamment connue, alors que l'accomplissement de sa mission est tributaire des déférés formulés par un nombre limité d'autorités. La notoriété de la Cour et la connaissance précise des infractions qu'elle sanctionne doivent donc être développées dans les instances compétentes pour déférer des affaires.

Ces trois objectifs sont inspirés de ceux retenus par les autres juridictions, et en particulier ceux du programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives », la CDBF étant bien une juridiction administrative, même si son objet est de nature répressive.

Ils sont appuyés par les indicateurs suivants, qui ne s'appliquent toutefois pas aux affaires relatives à l'inexécution de décisions de justice :

1. Délai moyen de traitement des procédures CDBF9 (1er objectif : réduire les durées des procédures) ; ce délai est calculé comme suit : délai moyen compris entre l'enregistrement d'un déféré au Parquet général (ou une saisine directe par le Procureur général) et la date de lecture de l'arrêt ; cet indicateur ne comprend donc pas les affaires classées ; il ne retient pas davantage les affaires jugées sur renvoi après cassation et les autres affaires exceptionnelles qui ne débutent pas par un déféré (recours en révision…) ; cet indicateur est proche de l'indicateur d'activité (v. supra, durées d'instance) présenté au tableau n° 2, mais s'en distingue puisque l'indicateur d'activité est descriptif, et l'indicateur de performance annuelle est « programmatique », lié à un objectif ;

Objectif fixé : moins de trente-six mois de durée de procédure

2. Proportion d'affaires en stock depuis plus de 3 années10 (1er objectif : réduire la durée des procédures) ;

Objectif fixé : aucune affaire de plus de trente-six mois en stock

3. Taux de recours et taux d'annulation en cassation des dix dernières années11 (2ème objectif : améliorer la qualité des arrêts). L'indicateur mentionne, d'une part, la proportion d'arrêts rendus ayant fait l'objet d'un recours en cassation et, d'autre part, la proportion des décisions du Conseil d'État, rendues sur recours en cassation contre un arrêt de la CDBF, donnant une satisfaction partielle ou totale au requérant ; ces calculs sont effectués sur les dix dernières années, car les affaires en cause sont peu nombreuses et le calcul de taux annuels ne serait pas pertinent ;

Objectif fixé : moins de 33 % de taux de cassation des affaires ayant fait l'objet d'un recours

4. Nombre de publications consacrées à la CDBF (arrêts publiés et/ou commentés12 ; articles de doctrine13) dans la presse spécialisée au cours de l'année n (3ème objectif : faire mieux connaître la jurisprudence de la CDBF). Cet indicateur permet sans doute des interprétations limitées, car d'une part le nombre de publications varie mécaniquement avec le nombre d'arrêts rendus, et d'autre part, souvent, les arrêts d'une année n sont publiés et commentés seulement en n+1 ; toutefois, il s'agit ici de donner un ordre de grandeur et de déduire de l'évolution des chiffres sur plusieurs années une tendance, qui semble bien donner une information sur l'atteinte ou non de l'objectif n° 3 ;

Objectif fixé : 17 publications dans l'année

5. Nombre de personnes ayant reçu une formation sur la CDBF ou participé à une intervention sur la juridiction (3ème objectif : faire mieux connaître la jurisprudence de la CDBF).

Objectif fixé : 150 personnes formées dans l'année

Tableau n° 4 : Indicateurs de performance annuelle de la CDBF

Objectif

Indicateur

Unités

Réalisé 2007

Réalisé 2008

Objectif 2009

Réalisé 2009

1er objectif : réduire la durée des procédures à moins de 3 ans

Délai moyen de traitement des procédures CDBF (1)

mois

71

(3 arrêts)

32

(4 arrêts)

Moins de 36

33

(6 arrêts)

Proportion d'affaires en stock
depuis plus de 3 années (au 31-XII)

%

17 %

9 %

0 %

11 %

2ème objectif : améliorer la qualité des arrêts

Taux d'annulation en cassation
sur les 10 dernières années (2)

%

33 %

33 %

33 %

29 %

3ème objectif : accroître la connaissance de la jurisprudence de la CDBF

Nombre de publications consacrées à la CDBF dans la presse spécialisée au cours de l'année n (3)

nombre

(valeur absolue)

17

20

17

11

Nombre de personnes ayant reçu une formation ou ayant participé à une intervention sur la CDBF

nombre estimé

200 (4)

170

150

185

(1) Ce délai est calculé comme suit : délai moyen compris entre un déféré (ou une saisine directe par le Procureur général) et la date de lecture de l'arrêt ; cet indicateur ne comprend donc pas les affaires classées ; il ne retient pas davantage les affaires jugées sur renvoi après cassation et d'autres affaires exceptionnelles qui ne débutent pas par un déféré (recours en révision…). Cet indicateur est complémentaire du tableau n° 2 ci-dessus.

(2) Calculé comme la part des décisions du Conseil d'État, rendues sur recours en cassation contre un arrêt de la CDBF, donnant une satisfaction partielle ou totale au requérant (sur les 10 dernières années, donc chiffre 2007 : 1998 à 2007 inclus ; chiffre 2008 : 1999 à 2008 inclus ; etc.).

(3) Hors ouvrages du type manuel de finances publiques, Grands arrêts de la jurisprudence financière, Recueil de jurisprudence des juridictions financières, etc.

(4) Hors colloques.

b) Appréciation de la performance annuelle de la CDBF en 2009

1er objectif : réduire la durée des procédures

Le délai moyen de traitement des affaires jugées en 2009 est, pour la deuxième année consécutive, conforme aux objectifs que la Cour s'est donnés.

Le délai moyen de traitement14 des affaires ayant donné lieu à arrêt au cours de l'année 2009 est de 33 mois, contre 32 mois l'année précédente. Cette durée doit surtout être confrontée aux délais constatés antérieurement à la réforme de 2005, qui ont oscillé au cours de la première moitié de la décennie entre 67,6 et 86,5 mois (et encore 71 mois en 2007, la réforme n'ayant pas encore pleinement produit ses effets).

Cette amélioration résulte d'un effort conjoint du Parquet et de la Cour pour maîtriser la durée du chacune des étapes de la procédure. Des marges de progression demeurent toutefois accessibles, comme l'illustre le cas de l'arrêt rendu le 11 décembre 2009, portant sur le CHU de Reims, et qui a été jugé en moins de 20 mois.

L'indicateur portant sur l'ancienneté du stock au 31 décembre 2009 confirme aussi l'amélioration très nette de la situation depuis 2005.

En effet, alors que le taux des affaires anciennes de plus de 3 ans dans le total du stock était de 54 % en 2005, celui-ci a été progressivement réduit à 9 % en 2008, pour remonter légèrement cette année à 11 %, correspondant à un volume stable de trois affaires de plus de 3 ans. L'objectif fixé n'est toutefois pas encore atteint.

Simultanément, le stock a connu un léger tassement en 2009, s'établissant à 27 affaires en fin d'année contre 35 fin 2008. Cette évolution résulte moins d'une diminution du flux de déférés ou de saisines directes par le Procureur (15 au total en 2009 contre 16 en 2008) que de l'augmentation du nombre de décisions rendues, sous une forme ou une autre, par la juridiction : au total, 23 affaires ont ainsi fait l'objet soit d'une décision de classement, soit d'un jugement. La légère diminution du stock d'affaires en cours est par conséquent le signe d'une stabilisation du niveau d'activité de la Cour, dans sa structure et son organisation actuelles.

Tableau n° 5 : Détail de l'ancienneté du stock au 31-XII-2009 (hors affaires d'inexécution de décisions de justice)

stock total

moins de 3 ans

entre 3 et 5 ans

plus de 5 ans

en %

nombre d'affaires

en %

nombre d'affaires

en %

nombre d'affaires

27

89 %

24

11 %

3

0 %

0

2ème objectif : améliorer la qualité des arrêts de la CDBF

Le taux de recours en cassation contre des arrêts rendus par la CDBF, entre 2000 et 200915, s'élève à 18 % (soit 7 pourvois), pourcentage qui reste légèrement au-dessus du taux de recours global sur toute la période d'existence de la CDBF (1948-2009 : 15 %). Un recours a été introduit en 2009 mais n'a pas été admis par le Conseil d'Etat.

Le taux d'annulation des arrêts de la CDBF ayant fait l'objet d'un recours en cassation – qui constitue l'indicateur associé à cet objectif – s'élève à 29 %16 sur la période 2000 à 2009, soit deux arrêts cassés sur sept recours formés. Ce taux diminue légèrement cette année, mais apparaît surtout en baisse par rapport à la période 1996 à 2005, pour laquelle ce taux avait atteint 60 %. Pour mémoire, le taux d'annulation en cassation est, depuis la création de la CDBF (1948 – 2009), de 20 %, soit cinq arrêts cassés en totalité ou partiellement sur les 25 recours introduits.

3ème objectif : accroître la connaissance de la jurisprudence de la CDBF

Deux indicateurs permettent d'apprécier les efforts entrepris pour atteindre cet objectif. Le premier a trait aux publications intervenues dans l'année ; le deuxième s'appuie sur le nombre de personnes formées sur la période.

Au sens de l'indicateur ici présenté, qui ne porte que sur la presse spécialisée, les publications consacrées à la CDBF ont significativement diminué (11 en 2009, contre 20 en 2008). D'une part, contrairement aux années précédentes, la Cour n'a pas eu à connaître d'affaire suscitant un intérêt médiatique particulier. D'autre part, la présentation du projet de loi portant réforme des juridictions financières a quelque peu détourné l'attention portée à la CDBF, au profit des débats sur la responsabilité des gestionnaires et sa rénovation dans le cadre de cette réforme. Les articles en cause, portant sur ce thème, n'ont toutefois pas été ici comptabilisés, leur objet n'étant pas à proprement parler la CDBF.

Il convient en outre de signaler la parution récente d'un ouvrage de référence qui contribuera à mieux faire connaître la CDBF et sa jurisprudence. Intitulé "Responsabilité des gestionnaires publics devant le juge financier", il a été rédigé par Nicolas Groper, conseiller référendaire à la Cour des comptes et ancien secrétaire général de la CDBF. Ce livre offre un exposé complet des règles et procédures applicables devant la juridiction. Il comporte aussi une analyse exhaustive de sa jurisprudence, offrant ainsi une présentation didactique et rigoureuse de l'action de la CDBF.

D'autre part, l'effort de formation et d'information (hors colloques) sur la CDBF a été poursuivi. La cible de 150 personnes à atteindre a été dépassée avec environ 185 personnes ayant assisté soit à une intervention sur la CDBF17 (à l'attention d'étudiants, de magistrats judiciaires ou financiers français, de fonctionnaires ou magistrats étrangers), soit à une séance de formation consacrée à cette juridiction (conférences sur le déféré en CDBF à l'attention des personnels de contrôle des juridictions des comptes). Une séance a en particulier été organisée au profit d'une quarantaine d'avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.

D - La jurisprudence de la Cour de discipline budgétaire et financière en 2009

La Cour a rendu, en 2009, six arrêts, respectivement les 16 avril, 6 mai, 3 juillet, 23 juillet, 27 novembre et 11 décembre 2009. Une synthèse de chacune des affaires jugées est présentée ci-après.

L'activité de la CDBF doit en outre être appréciée à la fois à la lumière des arrêts qu'elle rend et des décisions de classement du Procureur général relatives à des affaires déférées en application de la loi du 16 juillet 1980, lesquelles témoignent de l'efficacité de la juridiction qui réussit, dans la plupart des cas, à faire exécuter des décisions de justice sans condamnation (v. infra, E – classements).

Tous les arrêts rendus par la CDBF depuis sa création figurent sur le site internet de la Cour des comptes : www.ccomptes.fr, rubrique CDBF.

1 - Arrêt n° 165-617 CDBF 16 avril 2009,
Centre hospitalier de Fougères (Ille-et-Vilaine)

I. Infractions concernées :

II. Résumé :

Confronté à une pénurie de praticiens hospitaliers dans des spécialités médicales indispensables au maintien de la permanence des soins et à la continuité du service public au sein de son établissement, un directeur d'hôpital a tenté par différents moyens de recruter des médecins contractuels, en France comme à l'étranger. Cette démarche s'est cependant heurtée au cadre règlementaire applicable qui fixait un plafond de rémunération qui obérait l'attractivité de l'hôpital, attractivité déjà affectée par la proximité du CHU de Rennes, établissement mieux situé et plus prestigieux.

Après avoir constaté l'inefficacité de ses démarches de recrutement, et afin de maintenir en permanence un plateau technique complet ainsi que l'y contraignait le code de la santé publique et le schéma régional d'organisation des soins (SROS), le directeur de l'hôpital a entrepris de recruter des médecins contractuels à un niveau de rémunération excédant le plafond règlementaire.

Pour ce faire, ce directeur a établi de fausses certifications de service fait permettant de rémunérer des gardes et des astreintes en réalité non assurées et par ce moyen accroître la rémunération versée aux praticiens ainsi recrutés. La tutelle a été informée de cette démarche gravement irrégulière, mais toutefois limitée à certaines spécialités médicales particulièrement frappées par la pénurie de praticiens.

Les difficultés de recrutement apparaissant durables, le directeur a par la suite fait voter par le conseil d'administration, pourtant incompétent en la matière, un dispositif de rémunération forfaitaire des médecins contractuels pour des montants excédant le plafond règlementaire. Cette délibération doublement irrégulière n'a cependant pas suscité d'objection de la tutelle dans le cadre du contrôle de légalité des actes.

La Cour a ainsi établi que des rémunérations irrégulières avaient été versées à des médecins contractuels, dans un premier temps en l'absence de service fait, dans un deuxième temps en application d'un dispositif doublement irrégulier. Ces faits ont été jugés constitutifs de l'irrégularité réprimée par l'article L. 313-4 du CJF.

En revanche, faute de préjudice démontré, la Cour a écarté les griefs fondés sur l'article L. 313-6 du CJF.

Par ailleurs, aucune faute n'a été établie à l'encontre de la directrice des affaires sanitaires et sociales du département, chargée de la tutelle de l'établissement. Bien que cette dernière ait été informée du premier dispositif irrégulier, la Cour a admis que l'autorité de tutelle départementale ne disposait pas de moyens de résoudre la contradiction résultant des prescriptions règlementaires, « dès lors que l'application des dispositions relatives à l'emploi et à la rémunération de praticiens contractuels aurait conduit à ne pas respecter les obligations fixées par le code de la santé publique et le SROS qu'il lui appartenait justement de faire appliquer; qu'elle [a] fait valoir que dans le contexte de pénurie médicale frappant certaines spécialités indispensables au bon fonctionnement des services de court séjour de l'hôpital de Fougères, elle a fait prévaloir la priorité qu'est l'accès aux soins de la population ».

S'agissant du second dispositif irrégulier, la Cour a estimé que si le service chargé d'assurer le contrôle de légalité, confronté à une surcharge importante et conjoncturelle de travail, avait connu une défaillance, il n'était toutefois pas établi que celle-ci puisse s'analyser comme un « défaut d'organisation du service susceptible d'engager la responsabilité de sa directrice ».

III. Les responsabilités

La Cour a estimé que des circonstances absolutoires de responsabilité devaient être retenues au bénéfice du directeur du centre hospitalier de Fougères, en particulier en raison du fait que « les rémunérations irrégulières ayant bénéficié à certains praticiens contractuels de l'hôpital de Fougères entre 2003 et août 2006 ont été, dans les circonstances de l'espèce, servies en l'absence de toute autre solution règlementaire pour maintenir l'accès aux soins de la population ».

La Cour avait auparavant souligné que, dans les circonstances de l'espèce, le directeur ne s'est « résigné à s'engager dans la voie gravement irrégulière de l'indemnisation de gardes et astreintes fictives qu'après avoir épuisé les autres moyens de recrutement à sa disposition ; qu'il a agi dans l'unique but d'abonder la rémunération règlementairement due aux praticiens contractuels bénéficiaires pour atteindre un niveau total de rémunération conforme aux exigences exprimées par ces derniers pour s'engager au service de l'hôpital ; qu'il n'a pas pour autant renoncé à poursuivre parallèlement ses efforts de recrutement de praticiens hospitaliers permanents par la voie statutaire ». Elle a aussi souligné que « la mise en œuvre de ce dispositif gravement irrégulier s'est limitée aux spécialités déficitaires et qu'il a été porté à la connaissance de la tutelle ».

IV. Les sanctions prononcées

L'ensemble des circonstances a justifié la relaxe du directeur de l'hôpital et de la directrice des affaires sanitaires et sociales chargée de la tutelle de cet établissement.

2 - Arrêt n° 166-586 CDBF du 6 mai 2009, « associations union interprofession enseignement (UNIPE-PE) et union interprofession insertion professionnelle (UNIPE-IP) »

I. Infractions concernées :

II. Résumé :

1 – les indemnités versées à l'occasion du licenciement du directeur de l'UNIPE-PE

L'affaire portait conjointement sur l'UNIPE-PE, association agréée au titre de la collecte et de la répartition de la taxe d'apprentissage, et l'UNIPE-IP, association mandatée par le FORCO pour la collecte de la participation obligatoire des entreprises du commerce au financement de la formation professionnelle.

Ces deux associations étaient intimement liées à l'époque des faits : leurs membres (quatre dans chaque association) de même que leurs principaux responsables (le président et le directeur salarié) étaient communs.

A la suite du licenciement simultané de leur directeur salarié par les deux associations, le 29 novembre 2000, un accord transactionnel a été conclu le 13 décembre 2000 entre ce dernier et chacune des associations prévoyant le versement d'un ensemble d'indemnités résultant cumulativement des dispositions légales, d'une décision des deux conseils d'administration prévoyant l'octroi d'une indemnité d'un an de salaire en cas de départ, et d'une décision du président des associations ajoutant, au titre de la conclusion de la transaction, une indemnité équivalente à deux années de salaire, soit au total une indemnité représentant près de trois années et demi de salaire.

Toutefois, les versements considérés n'ont pas été effectués à la même date par les deux associations, de sorte que seuls les versements opérés par l'UNIPE-PE ne sont pas couverts par la prescription, alors que la transaction a quant à elle été conclue en période prescrite. Cette situation a conduit la Cour, réitérant ainsi sa jurisprudence en la matière, à considérer qu'elle devait se prononcer sur la régularité de la transaction conclue en période prescrite, pour apprécier la régularité des paiements intervenus sur son fondement en période non prescrite.

La Cour a ainsi établi que la transaction signée par le président de l'UNIPE-PE avait été conclue irrégulièrement dès lors que « dans le silence des statuts quant à l'organe compétent pour décider des actes de disposition affectant le patrimoine de l'association et en l'absence de délégations du conseil d'administration relatives à la gestion par le président de tels actes, ceux-ci demeuraient de la compétence du conseil d'administration ».

La défense ayant soutenu que les indemnités versées au directeur licencié figuraient dans les comptes de l'association approuvés par le conseil d'administration et l'assemblée générale et qu'en conséquence ces opérations avaient ainsi été régularisées par les organes compétents, la Cour a souligné que « l'approbation des comptes d'un organisme par son conseil d'administration ou son assemblée générale et le quitus accordé aux administrateurs ne sauraient être regardés comme emportant approbation de toutes les opérations enregistrées en comptabilité au cours de l'exercice ». Qui plus est, aucune information particulière sur les opérations en cause n'avait été fournie aux administrateurs et les sommes concernées n'étaient pas identifiables à la lecture des documents comptables diffusés à cette occasion.

2 – le versement d'une indemnité transactionnelle supérieure aux pénalités fiscales supportées par l'ancien directeur des deux UNIPE

Trois années plus tard, en 2004, le directeur licencié a fait l'objet d'un redressement à l'impôt sur le revenu au titre des années 2000 et 2001. Il a alors demandé à son ancien employeur (devenue une seule et même association dénommée UNIPE) de prendre en charge les pénalités fiscales induites par ce redressement, arguant du fait que sa déclaration erronée au fisc résultait de la mention elle-même erronée figurant sur ses bulletins de paie.

L'accord de l'UNIPE pour une telle prise en charge a été formalisé dans un nouvel accord transactionnel derechef conclu sans l'autorisation préalable du conseil d'administration et à ce titre irrégulier.

La Cour a en outre souligné que le montant versé au directeur licencié excédait le montant des pénalités fiscales qui lui étaient infligées, ce qui revenait à prendre en charge une partie de l'impôt dû par ce dernier et lui procurait un avantage injustifié entraînant un préjudice pour l'association.

III. Les responsabilités

Le président de l'UNIPE-PE, en fonctions tout au long de la période visée, a seul engagé sa responsabilité en signant les différentes transactions susévoquées.

IV. Les sanctions prononcées

L'ensemble des circonstances a justifié la condamnation du président de l'UNIPE à une amende de 3000 € et la publication de l'arrêt au Journal officiel de la République française.

3 - Arrêt n° 167-610 CDBF 3 juillet 2009,
Ecole régionale des déficients visuels

I. Infraction concernée :

II. Résumé :

Les faits concernent la gestion d'un établissement public local d'enseignement (EPLE) spécialisé dans l'accueil de déficients visuels et comportant en son sein deux centres agréés à caractère médico-social destinés à fournir aux élèves un encadrement adapté à leur handicap. Ces centres, dépourvus de la personnalité morale, constituaient un service ou un budget annexe de l'établissement et se trouvaient dès lors régis par les textes applicables aux EPLE.

1. Le versement de compléments de rémunération à des agents logés par nécessité absolue de service

Six agents de l'Ecole régionale des déficients visuels (ERDV) bénéficiaient simultanément d'un logement par nécessité absolue de service et de compléments de rémunération en rétribution de leurs activités au sein des centres rattachés à l'établissement. Ces rémunérations étaient, pour au moins trois des bénéficiaires, dont le directeur de l'école, attribuées sur le fondement du décret n°50-1253 du 6 octobre 1950 fixant les taux de rémunération des heures supplémentaires d'enseignement effectuées par les personnels enseignants des établissements du second degré, texte qui interdit le cumul de telles indemnités avec le bénéfice de logements attribués par nécessité absolue de service.

La Cour a toutefois retenu, d'une part, que les agents concernés n'étaient pas enseignants et que les dispositions du décret n°50-1253 ne leur étaient dès lors pas applicables et, d'autre part, qu'aucune autre disposition applicable au cas d'espèce, notamment le décret n°86-428 du 14 mars 1986 relatif aux concessions de logement accordées aux personnels de l'Etat dans les EPLE, ne permettait d'établir l'interdiction de cumul qui fondait le grief, lequel a par conséquent été écarté.

2. Le versement de rémunérations à des agents extérieurs à l'ERDV en l'absence de contrat régulier

De nombreux agents extérieurs à l'ERDV travaillant au sein des centres gérés par cet établissement étaient rémunérés sans contrat de travail écrit, en violation des dispositions du décret n°86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'Etat.

Cette situation a conduit le comptable à suspendre le paiement des dépenses concernées à compter du 17 janvier 2003. Face à ce blocage, le directeur a, d'une part, réquisitionné chaque mois le comptable pour le paiement des rémunérations de l'établissement et, d'autre part, entrepris de régulariser les contrats tout en cherchant à transférer la gestion des centres à une association.

La Cour a constaté, d'une part, qu'un délai de 16 mois s'était écoulé entre la première réquisition et la présentation au conseil d'administration des contrats de régularisation et, d'autre part, qu'à la fin 2004, au moins un agent continuait à exercer son activité sans contrat écrit. Elle a estimé qu'en tout état de cause, les paiements effectués antérieurement à cette régularisation partielle demeuraient irréguliers et constituaient des infractions aux règles d'exécution des dépenses au sens de l'article L. 313-4.

3. Responsabilités

La Cour a jugé qu'en signant les mandats et les ordres de réquisition conduisant à ces paiements irréguliers, le directeur de l'ERDV, chef d'établissement et à ce titre ordonnateur des dépenses, avait engagé sa responsabilité.

De larges circonstances atténuantes lui ont toutefois été reconnues, en particulier le caractère ancien des pratiques irrégulières, mais aussi le fait qu'il ait par son action mis fin à ces irrégularités en transférant la gestion des centres à une association, ainsi que le fait qu'il ne disposait pas de l'appui de son gestionnaire, jusqu'au départ de celui-ci en septembre 2003, pour opérer ces régularisations.

III. Sanctions prononcées :

La Cour a condamné le directeur de l'ERDV à une amende de 300 € et a décidé la publication de l'arrêt au Journal Officiel de la République française.

4 - Arrêt n°168-622 CDBF 23 juillet 2009,
Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Nice Côte d'Azur

I. Infractions concernées :

II. Résumé :

Les faits déférés à la CDBF portaient sur les conditions et modalités d'indemnisation d'un directeur général et de plusieurs agents de la CCI de Nice Côte-d'Azur (CCINCA) à l'occasion de la cessation de leurs fonctions.

1. Le versement irrégulier à un directeur général d'une indemnité de licenciement et la prise en charge d'avantages en nature à son bénéfice pendant la période de préavis

En novembre 2002, à l'approche d'élections consulaires auxquelles le président sortant de la CCINCA avait annoncé qu'il ne se représentait pas, le directeur général de cette CCI a lui même indiqué qu'il quitterait ses fonctions à la fin de l'année 2004. Par une lettre du 23 avril 2003 cosignée des deux dirigeants précités, la CCINCA a engagé un directeur général adjoint. Ce dernier a été promu directeur général à compter du 3 janvier 2005, en application d'un nouveau contrat de travail signé le 16 août 2004 par le président sortant.

Entretemps, les élections consulaires initialement prévues fin 2003 ont été reportées d'un an, de sorte que la prise d'effet de la nomination de ce directeur général a coïncidé avec l'arrivée du nouveau président de la CCINCA. Usant des dispositions du statut applicables aux directeurs généraux, la CCINCA, représentée par son président, a décidé le licenciement sans motif de son salarié, assorti du versement d'une indemnité de licenciement dont le montant a été fixé à un an de traitement, conformément aux stipulations du contrat conclu le 23 avril 2003, reprises dans celui du 16 août 2004.

Or, en application du statut du personnel administratif des CCI et compte tenu de son ancienneté, ce directeur général ne pouvait prétendre qu'à une indemnité égale à 6 mois de traitement.

La Cour a jugé, d'une part, que les stipulations contractuelles en cause étaient contraires au statut du personnel, cette irrégularité constituant une infraction aux règles d'exécution des dépenses d'une CCI (L. 313-4) et, d'autre part, que l'octroi d'une indemnité de licenciement supérieure à celle qui était due en application des dispositions statutaires avait procuré à l'intéressé un avantage injustifié entraînant un préjudice pour la CCINCA (L. 313-6).

Il était en outre fait grief au nouveau président de la CCINCA d'avoir maintenu au directeur général licencié le bénéfice des avantages en nature liés à l'exercice de ses fonctions, alors même qu'il était simultanément dispensé de l'exécution de sa période de préavis.

La Cour a toutefois relevé qu' « aucune clause statutaire n'exclut l'octroi de tels avantages à un directeur général ; qu'en outre aucune clause statutaire ou contractuelle n'en rattache le bénéfice à l'exercice effectif des fonctions ; qu'en conséquence, les infractions prévues aux articles L. 313-4 et L. 313-6 du code des juridictions financières ne sont pas constituées. »

2. Le versement d'indemnités à des agents de la CCINCA à l'occasion de la rupture de leur relation de travail

Entre 2003 et 2005, dans diverses circonstances résumées dans l'arrêt, la CCINCA a conclu avec sept de ses agents des conventions ayant pour objet d'organiser la rupture amiable de leur relation de travail en l'assortissant du versement d'indemnités.

Relevant qu'aucune disposition statutaire n'autorisait de telles modalités de rupture de la relation de travail, la Cour a jugé que ces conventions étaient irrégulières de même que les paiements intervenus sur leur fondement (L. 313-4).

En comparant le montant de chaque indemnité irrégulièrement versée à celui dont l'intéressé aurait bénéficié si les procédures statutaires de licenciement avaient été mises en œuvre, la Cour a jugé que dans 4 cas sur les 7 examinés, un avantage injustifié avait été accordé au sens de l'article L. 313-6 du CJF.

3. Responsabilités

La Cour a retenu la responsabilité du président sortant de la CCINCA et celle du directeur général, prédécesseur de celui qui a été licencié, tout en leur reconnaissant de larges circonstances atténuantes liées notamment au report d'une année des élections consulaires qui a fait coïncider le changement de président et le départ du directeur général. La Cour a aussi relevé que les intéressés n'avaient pas bénéficié personnellement des irrégularités commises, qu'ils avaient été confrontés à des difficultés d'application du statut du personnel pour des cas particuliers mais qu'ils n'avaient pas eu systématiquement recours à ces pratiques irrégulières.

La Cour a par ailleurs jugé que la responsabilité du nouveau président de la CCINCA n'était pas engagée et a prononcé sa relaxe en estimant notamment qu'en versant en 2005 au directeur général concerné l'indemnité irrégulière de licenciement, il n'avait fait qu'appliquer les stipulations du contrat de travail conclu par son prédécesseur.

III. Sanctions prononcées :

La Cour a condamné le président de la CCI et le directeur général en fonctions jusqu'en décembre 2004, chacun en ce qui le concerne, à une amende de 400 €.

5 - Arrêt n° 169-570 CDBF 27 novembre 2009, Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Paris

I. Infractions concernées :

II. Résumé :

Les faits déférés à la CDBF portaient sur les conditions de versement à des agents de la CCI de Paris (CCIP) d'indemnités non prévues par le statut du personnel.

1. Les faits et les infractions

La CCIP avait, de longue date, mis en place trois types de compléments de rémunération :

- des primes exceptionnelles « destinées à récompenser de façon ponctuelle l'aboutissement d'un chantier important » ;

- des indemnités temporaires de fonctions (ITF) visant à tenir compte d'un « accroissement d'activité temporaire avéré », notamment dans le cadre de remplacements temporaires impliquant un surcroît de responsabilités mais aussi dans différentes situations présentant une grande hétérogénéité entre elles ;

- des indemnités permanentes de fonctions (IPF) versées à des agents ayant atteint le plafond statutaire de rémunération et destinées à néanmoins revaloriser leur salaire.

Un rapport de l'inspection générale des finances adressé en mai 1999 avait relevé l'irrégularité de ces compléments de rémunération non prévus par le statut du personnel des compagnies consulaires applicable à la CCIP. A la suite de ce rapport, le directeur général avait indiqué dans une note interne du 22 septembre 1999 qu'il convenait de « surseoir à tout nouveau versement de primes et indemnités » dans l'attente de l'adaptation des règles statutaires.

Cette directive n'a toutefois pas été appliquée par la CCIP qui a poursuivi les versements en cause, attribuant même des indemnités de ce type à de nouveaux bénéficiaires, jusqu'à l'entrée en vigueur en mars 2003 d'un statut du personnel modifié. Le montant total des versements concernés sur trois ans et demi, de mi 1999 à décembre 2002, s'est élevé à 1,87 M€.

Constatant que les primes exceptionnelles et les ITF n'étaient pas prévues par le statut du personnel et que celui-ci, dans sa version alors en vigueur, prohibait toute gratification, la Cour a jugé que ces compléments de rémunération étaient dépourvus de base légale.

S'agissant des IPF, la Cour a estimé qu'elles avaient pour objet et pour effet de s'affranchir des limites fixées par la grille nationale de rémunération et qu'en conséquence, elles intervenaient en violation des règles statutaires.

La Cour a ainsi jugé que ces paiements de compléments de rémunération sans texte ou contraires au statut constituaient des infractions au sens de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières.

De surcroît, la Cour a jugé que les IPF ne correspondaient à aucune contrepartie précise de travail ou de responsabilité de la part de leurs bénéficiaires, et que dès lors l'ensemble des éléments constitutifs de l'infraction prévue à l'article L. 313-6 du CJF étaient réunis, le préjudice pour la CCIP correspondant au montant des IPF versées au cours de la période.

2. Responsabilités

La responsabilité du président et celle du vice-président trésorier de la CCIP en fonctions au moment des faits a été retenue par la Cour, pour défaut de surveillance, au titre de l'infraction prévue à l'article L. 313-4 du CJF.

La responsabilité du directeur général et celle du directeur des ressources humaines en fonctions au moment des faits a quant à elle été retenue, pour avoir signé des actes d'attribution de primes et indemnités postérieurement à la note du 22 septembre 1999, conjointement au titre des infractions prévues aux articles L. 313-4 et L. 313-6 du CJF.

Des circonstances atténuantes ont été retenues, tenant en particulier au fait que la tutelle ne s'était pas opposée à ce dispositif existant de longue date et que les primes en cause, qui ne concernaient qu'un nombre réduit des agents de la chambre, représentaient une part limitée de la masse salariale de la CCIP.

III. Sanctions prononcées :

La Cour a condamné le directeur général et le directeur des ressources humaines, chacun en ce qui le concerne, à une amende de 600 €. Le président et le vice-président trésorier de la CCIP ont, chacun en ce qui le concerne, été condamnés à une amende de 300 €. Elle a ordonné la publication de l'arrêt au Journal officiel de la République française.

6 - Arrêt n° 170-652 CDBF 11 décembre 2009,
Centre hospitalier universitaire de Reims

I. Infraction concernée :

II. Résumé :

Les faits déférés à la CDBF portaient sur les conditions de passation d'un marché de travaux immobiliers du centre hospitalier universitaire régional (CHU) de Reims.

1. Les faits

Dans le cadre de son projet d'établissement, le CHU de Reims avait prévu de se réorganiser en pôles de services permettant une prise en charge pluridisciplinaire des patients au travers, notamment, de plateaux techniques communs à plusieurs spécialités.

Le secteur pédiatrique était alors réparti sur trois bâtiments distincts dont deux présentaient des inadaptations techniques nécessitant des travaux rapides, le troisième, dénommé Alix de Champagne, ayant quant à lui été construit peu d'années auparavant.

Dans ce contexte, un projet d'extension du bâtiment Alix de Champagne a été élaboré, prenant la forme d'un nouvel immeuble relié au précédent. C'est sur cette base qu'a été élaboré le programme technique détaillé. Souhaitant confier le marché de maîtrise d'œuvre au même architecte que celui ayant bâti Alix de Champagne, afin d'assurer « l'unité architecturale et technique du futur ensemble » et « optimiser les délais de réalisation », la directrice générale du CHU a envisagé de recourir à la procédure de marché négocié de l'article L. 35-III-4° du code des marchés publics dans sa version applicable en 2004, autorisant le recours à une procédure négociée sans appel à la concurrence. Elle a sollicité sur ce point l'accord préalable de la tutelle.

La Direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DRCCRF), sollicitée par le préfet, s'est toutefois prononcée défavorablement sur le recours à l'article L. 35-III-4° du CMP 2004, précisant qu' « une telle possibilité était expressément prévue par l'article 74-4 de l'ancien code annexé au décret n° 2001-210 du 7 mars 2001 pour l'extension d'un ouvrage existant lorsque l'unité architecturale, technique ou paysagère le justifiait », mais que « ces dispositions non-conformes au droit communautaire n'ont pas été reconduites dans l'article 74 du nouveau code relatif aux marchés de maîtrise d'œuvre. »

Nonobstant cet avis, confirmé à l'occasion d'une réunion tenue chez le préfet de région, le CHU a engagé une procédure de marché négocié. Dans ce cadre, un acte d'engagement du marché de maîtrise d'œuvre a été signé le 26 septembre 2005, avec un groupement solidaire ayant pour mandataire l'architecte initial d'Alix de Champagne.

2. Infractions et responsabilités

La Cour a estimé qu'en « admettant même, malgré le caractère restrictif des dispositions de l'article 74 relatives au recours à la procédure de marché négocié en matière de maîtrise d'œuvre, qu'il ait paru possible de les interpréter comme n'interdisant pas le recours à la procédure de marché négocié sans appel à la concurrence ni publicité prévue à l'article 35 du même code, encore fallait-il en tout état de cause démontrer que les conditions fixées dans cet article étaient remplies ». Or, en l'espèce, la Cour a jugé que les raisons avancées par la directrice générale n'étaient « pas de nature à démontrer que le CHU ne pouvait confier la maîtrise d'œuvre de cette opération qu'au prestataire de l'opération antérieure ».

La responsabilité de cette infraction a été imputée à la directrice générale du CHU, personne responsable des marchés et, à ce titre, signataire de l'acte d'engagement. De larges circonstances lui ont toutefois été reconnues, liées notamment à l'urgence d'une rénovation rendue indispensable pour des raisons de sécurité et à l'absence d'opposition du préfet au recours par le CHU à la procédure de marché négocié.

III. Sanctions prononcées :

La Cour a condamné la directrice générale du CHU, personne responsable des marchés, à une amende de 300 €.

* * *

E - Décisions de classement du Procureur général

Aux termes de l'article L. 314-3 du code des juridictions financières, « Si le procureur général estime qu'il n'y a pas lieu à poursuites, il procède au classement de l'affaire ». Sur le fondement de cette disposition législative, vingt-huit affaires, y compris les affaires concernant l'inexécution de décisions de justice, ont été classées par le procureur général au cours de l'année 2009. Ce chiffre, légèrement supérieur à ceux constatés les années précédentes (vingt et un en 2008, vingt en 2007, dix-sept en 2006, douze en 2005 et quinze en 2004), appelle les commentaires et précisions suivants.

1 - Les classements avant instruction

Au total, vingt et une décisions de classement ont été prises avant instruction en 2009. Plus de la moitié d'entre elles trouvent leur explication dans le bon aboutissement des initiatives prises par le parquet général pour obtenir l'exécution de décisions de justice.

a)L'inexécution de décisions de justice

Comme en 2008, douze décisions de classement avant instruction ont été prises en 2009 pour des affaires déférées en application de la loi du 16 juillet 1980 relative « aux astreintes prononcées en matière administrative et à l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public ». En règle générale, il s'agit de condamnations par le juge administratif de la partie tenue aux dépens ou, à défaut, de la partie perdante, à payer à l'autre partie une somme fixée par le juge au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Lorsque le jugement n'est pas exécuté, le procureur général intervient pour inciter les administrations négligentes ou récalcitrantes à obtempérer.

Dans toutes ces affaires, les courriers de mise en demeure adressés par le procureur général aux administrations concernées ont permis aux justiciables d'obtenir l'exécution de décisions de justice rendues, le plus souvent, en 2007 et 2008. Les administrations mises en mouvement par le ministère public ont été aussi bien communales (commune, centre d'action sociale), intercommunales (syndicat mixte), départementales que nationales (ministère, préfecture, préfecture de police etc.). Ont également été concernés des établissements publics nationaux (chambre de métiers) ou locaux (notamment hospitaliers).

Si pour beaucoup de dossiers les sommes en jeu étaient relativement modestes, elles ont néanmoins pu dépasser pour certains d'entre eux 80 000 €. Au total, les affaires ayant trouvé par ce biais une issue favorable ont représenté plus de 400 000 €.

b)Les autres affaires

Neuf déférés issus des juridictions financières (Cour et chambres régionales des comptes) ont fait l'objet d'une décision de classement ab initio en 2009, contre six en 2008 et deux en 2007.

Dans quatre cas, impliquant des centres hospitaliers, la décision de classement a été prise au vu des circonstances de chaque espèce et en considération de la jurisprudence de la Cour, en particulier lorsque pouvait être invoquée la nécessité pour les responsables de ces organismes d'assurer la continuité du service public. Dans un autre cas, impliquant une association collectrice de la taxe d'apprentissage, la décision a reposé sur le constat que les fonds en question avaient en réalité fait l'objet d'un suivi étroit et que leur gestion n'avait donné lieu à aucune observation des autorités de tutelle ou des différentes instances chargées du contrôle interne en particulier les experts comptables successifs. Dans un cas, impliquant un syndicat mixte, il est apparu que la seule personne désignée dans le déféré n'était pas l'auteur des agissements contestés, qu'elle avait veillé à l'intervention de délibérations et encore qu'elle avait dû faire face à des situations d'urgence ou d'une extrême complexité héritées de gestionnaires précédents. Dans un cas, impliquant un syndicat mixte d'un parc naturel régional, le comportement des personnes susceptibles d'être mises en cause ayant été signalé à l'autorité judiciaire, le champ de la saisine est apparu trop restreint pour justifier l'engagement d'une procédure distincte. Dans un autre cas, mettant en cause une chambre de commerce et d'industrie, il est apparu raisonnable de tenir compte du résultat des investigations judiciaires qui avaient été conduites. Enfin, dans le dernier cas, impliquant des financements dans le domaine du logement, les faits n'étaient pas suffisamment établis pour justifier l'ouverture d'une procédure.

2 - Les classements après instruction

Sept dossiers ont conduit à des décisions de classement après instruction, contre un en 2008, quatre en 2007, six en 2006 et trois en 2004 et 2005.

Dans deux cas, impliquant chaque fois un centre hospitalier, l'instruction avait révélé que l'infraction était insuffisamment caractérisée ou qualifiée pour justifier l'engagement d'une procédure. Dans un autre cas, impliquant également un centre hospitalier, la procédure avait été ouverte sur saisine du ministre chargé de la santé après deux rapports d'inspection dont l'instruction avait révélé qu'ils s'étaient appuyés sur une documentation insuffisante ramenant la seule infraction qualifiable à l'engagement de dépenses au-delà des crédits ouverts avant le vote d'une décision modificative. Dans le quatrième cas, impliquant une direction d'administration centrale, il est apparu, au vu du rapport, que la procédure avait peu de chances d'aboutir au regard de la complexité de la qualification des faits relevés et de leur régularisation intervenue entretemps. Dans le cinquième cas, impliquant une chambre de commerce et de l'industrie, le procureur général a considéré, au regard de la jurisprudence de la Cour, que de nombreuses circonstances atténuantes étaient susceptibles d'atténuer la responsabilité des personnes mises en cause dans la commission des faits relevés. Il en est allé de même dans le sixième cas, impliquant une chambre de métiers et de l'artisanat, où le fait d'avoir cherché à régler en équité une situation particulière née de la complexité d'un poste est apparue, au regard de la jurisprudence de la Cour, comme une circonstance atténuante suffisamment forte pour justifier le classement. Enfin, une septième affaire impliquant également une chambre de métiers a donné lieu à une décision de classement l'analyse des faits ayant révélé que les irrégularités de gestion présumées n'étaient pas suffisamment caractérisées ou qualifiées pour justifier l'engagement d'une procédure.

F - Décisions du Conseil d'État, juge de cassation des arrêts de la CDBF

En 2009, le Conseil d'Etat a rendu une décision sur un recours en cassation formé contre un arrêt de la CDBF, en l'espèce l'arrêt n°163-493-II, CDBF 5 décembre 2008, Ministère de la défense, Direction des constructions navales, Contrat de vente de sous-marins Agosta 90 au Pakistan, 2ème arrêt.

Dans cette affaire, les personnes condamnées avaient déjà formé un recours contre un premier arrêt de la CDBF rendu en 2005. Ils en avaient alors obtenu la cassation partielle et le bénéfice d'un nouveau jugement (voir à ce sujet le rapport 2008 publié en février 2009).

Le recours formé à l'encontre du second jugement n'a cependant pas abouti : les moyens formulés en soutien de la demande d'annulation ont été écartés par le Conseil d'Etat comme n'étant pas de nature à permettre son admission.

Au 31 décembre 2009, aucun recours contre un arrêt rendu par la CDBF n'est plus en instance d'examen devant le Conseil d'Etat.

G - Conclusion

Les résultats obtenus par la CDBF en 2009 confirment les améliorations apportées à son fonctionnement par la réforme de 2005. Celle-ci a permis d'inverser la tendance au déclin de son activité constatée dans la première moitié de la décennie,. Avec six arrêts rendus en 2009, la CDBF a retrouvé un niveau d'activité élevé. Les jugements ont été rendus dans des délais satisfaisants, en dépit de la complexité de certaines affaires et de l'absence de moyens propres de la juridiction.

La proportion importante d'affaires dont la Cour est saisie qui font l'objet d'un classement avant ou après instruction (16 en 2009) et la modestie du montant des condamnations (une seule amende supérieure à 600 € cette année) témoignent de l'hétérogénéité croissante des déférés dont est saisie la juridiction. Il existe ainsi souvent un décalage entre les missions de la Cour qui devraient l'appeler à ne traiter que des affaires particulièrement graves et exemplaires, et le contenu des déférés qui lui sont adressés, qui pour un nombre élevé d'entre eux ne répondent pas à ces caractéristiques. Pour autant, les pratiques irrégulières relevées dans ces déférés justifient une réponse répressive que la mise en jeu de la responsabilité juridictionnelle des gestionnaires publics apporte.

Le régime de discipline budgétaire et financière comporte en outre de nombreuses faiblesses évoquées à plusieurs reprises ces dernières années dans le rapport public de la CDBF18. Ces faiblesses tiennent en particulier à l'exclusion du périmètre des justiciables des membres du Gouvernement et des élus locaux, sauf pour ces derniers dans des cas particuliers qui demeurent très exceptionnels. Elles tiennent en outre à l'existence d'une disposition exonérant de leur responsabilité les gestionnaires commettant une irrégularité après un ordre écrit de l'autorité dont ils relèvent, notamment lorsque cette autorité n'est pas justiciable de la CDBF. Elles tiennent enfin à divers aspects procéduraux, qui alourdissent son fonctionnement, ainsi qu'à la définition des infractions qu'elle réprime, dont la rédaction mériterait d'être plus claire.

Sur le plan de l'organisation, le dualisme existant entre la CDBF et les juridictions financières qui, pour l'essentiel, sont à l'origine de sa saisine, induit une rupture de charge et des délais de traitement qui nuisent à la cohérence, à la lisibilité et à l'efficience du dispositif. Ce dualisme maintient en outre une distinction entre les juridictions compétentes pour mettre en jeu la responsabilité des comptables publics et celle des gestionnaires publics, alors que les rôles des différents acteurs de la chaîne financière sont, dans le contexte de la modernisation de la gestion publique, désormais plus imbriqués.

C'est pourquoi le projet de loi portant réforme des juridictions financières adopté en Conseil des ministres le 28 octobre 200919, a prévu la mise en œuvre d'un régime rénové de responsabilité juridictionnelle des gestionnaires publics, adaptant le champ des justiciables et modernisant le régime des infractions. Ce projet actuellement en cours d'examen au Parlement, prévoit l'intégration des attributions de l'actuelle Cour de discipline budgétaire et financière à la Cour des comptes, ainsi que l'institution d'une Cour d'appel des juridictions financières.

***

Le présent rapport a été délibéré à la Cour des comptes le vingt janvier deux mille dix.

Ont délibéré : M. Racine, Président de la section des finances du Conseil d'État, vice-président de la Cour de discipline budgétaire et financière ; MM. Martin, Ménéménis, Loloum, Pêcheur et Christnacht, conseillers d'État, MM. Mayaud et Vachia, et Mmes Froment-Meurice et Fradin, conseillers maîtres à la Cour des comptes, membres titulaires de la Cour de discipline budgétaire et financière.

Était présent et a participé aux débats : M Bénard, Procureur général de la République, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, assisté de M. Maistre, premier avocat général.

M. Lesueur, conseiller référendaire à la Cour des comptes et secrétaire général de la Cour de discipline budgétaire et financière, assurait le secrétariat de la séance.

Fait à la Cour des comptes, le 20 janvier 2010.

Pierre-François RACINE

ANNEXE

Projet de loi portant réforme des juridictions financières

Extrait de l'étude d'impact

(…)

 Responsabilité des gestionnaires

Il s'agit de mettre en place un véritable dispositif de responsabilité des gestionnaires publics.

Sera ainsi traduite dans les faits l'orientation tracée par le Président de la République le 5 novembre 2007, à l'occasion du bicentenaire de la Cour des comptes :

« Trop longtemps, on a considéré que le propre de l'argent public était d'être dépensé sans compter, qu'il était dans la nature du service public que son efficacité ne soit pas mesurable et que si l'on devait demander des comptes au comptable, il n'était pas légitime d'en demander à l'ordonnateur. Je profite de l'occasion qui m'est donnée de m'exprimer devant vous aujourd'hui pour dire que cette époque est révolue. Notre Etat a besoin d'une révolution intellectuelle et morale ».

Le régime juridictionnel de surveillance et de sanction des irrégularités budgétaires, financières et comptables, par les garanties d'impartialité et de respect des droits des personnes contrôlées qu'il offre, peut constituer la clé de voûte d'un mode rénové de responsabilité des gestionnaires.

La réforme prévoit que la Cour des comptes devienne la juridiction unique en cette matière, de laquelle relèveraient, en plus des comptables, les ordonnateurs et gestionnaires qui, actuellement, relèvent de la CDBF. Comptables, ordonnateurs et plus globalement gestionnaires, relèveraient de la même juridiction financière ce qui permettrait d'accroître la cohérence, la transparence et la lisibilité des mécanismes de sanction vis-à-vis de l'administration, du Parlement et de l'opinion publique. Pour ce qui concerne les gestionnaires des collectivités et organismes territoriaux, la compétence à leur égard serait exercée par la chambre des comptes du ressort territorial concerné.

L'une des principales faiblesses du dispositif actuel, qui réside dans le fait que l'ordre écrit donné par un supérieur exonère de toute responsabilité les justiciables actuels de la CDBF, au premier rang desquels les hauts fonctionnaires, serait résolue par la suppression de la clause exonératoire de responsabilité fondée sur ce motif. De la sorte, toutes choses égales par ailleurs, la Cour des comptes pourrait attraire devant elle ceux d'entre eux qui auraient commis une irrégularité, pour éventuellement la sanctionner à l'issue d'une procédure impartiale et équitable.

Le code des juridictions financières dresserait ainsi la liste des justiciables de la Cour des comptes : membres des cabinets ministériels et des cabinets des élus locaux, agents de l'Etat, des collectivités locales, des établissements publics, et dirigeants des organismes soumis au contrôle des juridictions financières, ainsi que les élus et exécutifs locaux, dès lors qu'ils auraient, étant dûment informés de l'affaire, donné un ordre écrit dont l'infraction constitue l'effet.

En ce qui concerne les incriminations et sanctions, l'expérience passée de la CDBF permet d'apporter un nombre limité de modifications, mais dont l'effet sera conséquent :

le plancher d'amende serait supprimé ;

serait inscrit dans la loi le principe selon lequel les sanctions sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du préjudice causé et à l'éventuel réitération des faits, ainsi que le principe selon lequel elles sont déterminées individuellement, et toujours motivées ;

serait ajoutée l'incrimination du fait d'avoir indûment provoqué une charge, au sens de la comptabilité générale, en plus de l'incrimination existante du fait d'avoir indûment provoqué une dépense, au sens de la comptabilité budgétaire ;

serait ajoutée l'incrimination du fait d'avoir enfreint les règles de comptabilisation des produits et des charges, en plus de l'incrimination existante du fait d'avoir enfreint les règles relatives à l'exécution des recettes et des dépenses budgétaires ;

serait ajoutée l'incrimination de défaut de déclaration aux organismes sociaux, en plus de celle de défaut de déclaration fiscale ;

serait ajoutée l'incrimination de l'avantage injustifié à soi-même, en plus de celle de l'avantage injustifié à autrui20, ainsi que celle du favoritisme non intentionnel dans le cadre de l'accès à la commande publique. Il s'agit d'obtenir une meilleure articulation entre la responsabilité budgétaire et financière, d'une part, et les dispositions pénales, d'autre part, en ce qui concerne les actes de favoritisme non intentionnels. Dans le prolongement de nombreux et récents essais de réforme de cette question, il est proposé d'inclure parmi les justiciables de la Cour des comptes ceux dont les actes, enfreignant de façon grave ou répétée les dispositions législatives ou règlementaires destinées à garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les contrats de commande publique, auront eu pour effet de procurer à autrui ou à soi-même un avantage injustifié, pécuniaire ou en nature, entraînant un préjudice pour le Trésor, la collectivité ou l'organisme concerné, étant entendu que les faits commis de manière intentionnelle auraient vocation à continuer de relever du juge répressif. ;

serait précisé le lien entre l'infraction et le préjudice (pourra être également sanctionnée la personne ayant seulement contribué à causer un préjudice à un organisme soumis au contrôle de la Cour des comptes, s'il est établi que la personne en cause a, soit méconnu de façon manifestement délibérée une obligation de contrôle qui lui incombait, soit commis une faute caractérisée et qui exposait l'organisme public à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer) ainsi que le champ institutionnel couvert (il est proposé d'élargir la disposition concernant les agissements ayant causé, ou contribué à causer un préjudice grave à une entreprise publique – actuel article L. 313-7-1 issu de la loi du 28 novembre 1995 relative à l'action de l'Etat dans les plans de redressement du Crédit Lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs- à tous les organismes soumis au contrôle de la Cour).

Est également proposée une nouvelle infraction visant les manquements graves et répétés dans l'exécution des mesures de redressement prévues en matière de contrôle budgétaire. Cette nouvelle infraction permettrait de sanctionner les personnes ayant méconnu les dispositions du code général des collectivités territoriales en matière de redressement budgétaire avec pour effet de porter atteinte au fonctionnement normal de la collectivité ou d'altérer durablement sa situation budgétaire.

Enfin, la réforme prévoit que les procédures en matière de mise en cause de la responsabilité des gestionnaires seraient calquées sur celles retenues pour le jugement des comptes suite à la loi du 28 octobre 2008 et de ce fait plus respectueuses des exigences européennes en matière de procès équitable (séparation des fonctions d'instruction, de poursuite et de jugement, exclusion du rapporteur du délibéré, accès des personnes contrôlées à leur dossier, collégialité des jugements notamment).

(…)

1) Hormis le cas particulier des dispositions de la loi du 16 juillet 1980 précitées.

2) Ne sont toutefois pas comptabilisés au sein de ces classements ceux portant sur des affaires d'inexécution des décisions de justice, pour lesquelles il s'agit précisément de l'issue recherchée, ledit classement traduisant le fait que l'action du Parquet général a permis l'aboutissement de la demande et que celle-ci n'a par conséquent plus d'objet. Le détail des décisions portant sur ce type particulier d'affaires est présenté ci-après (partie – E –).

3) Excluant les arrêts rendus sur renvoi après cassation, qui ne nécessitent pas d'instruction complémentaire, les arrêts rendus sur recours en révision, en tierce opposition ou sur autres recours atypiques (p. ex. demande en constatation d'amnistie).

4) Excluant les arrêts rendus sur renvoi après cassation, qui ne nécessitent pas d'instruction complémentaire, les arrêts rendus sur recours en révision, en tierce opposition ou sur autres recours atypiques.

5) Ce tableau s'inspire du rapport annuel du Conseil d'État ainsi que de l'indicateur n°1 de l'objectif 1 du programme « Justice judiciaire ».

6) Ou du réquisitoire introductif en cas de saisine directe par le Procureur général.

7) La phase 1 s'étend de l'enregistrement du déféré au Parquet jusqu'à la date du réquisitoire ; la phase 2 court du réquisitoire au dépôt du rapport d'instruction ; la phase 3 comprend l'ensemble des étapes ultérieures : de la décision de poursuite  jusqu'à la date de lecture de l'arrêt

8) CEDH 26 septembre 2000, affaire Guisset c. France : le délai commence à courir à la « date à laquelle le requérant fut averti de l'ouverture d'une information à son encontre devant la Cour de discipline budgétaire et financière » (point 80 de l'arrêt). V. aussi CE 22-I-2007, Forzy, AJDA 2007, p. 697, note Biscaïno ; D 2007, p. 1123, note Petit ; AJDA 2007, p. 1036, concl. Keller ; Rev. Trésor 2007, p. 725, note Lascombe et Vandendriessche.

9) Inspiré de l'indicateur de performance n° 1 de l'objectif 2 du programme « Justice judiciaire », qui s'applique aux affaires pénales.

10) Indicateur construit sur la base de l'indicateur n° 2 de l'objectif 1 du Conseil d'État, et proche de l'indicateur n° 3 de l'objectif 1 du programme « Justice judiciaire ».

11) Indicateur construit sur la base des indicateurs de l'objectif n° 2 du Conseil d'État et de l'indicateur n° 6 de l'objectif 1 du programme « Justice judiciaire ».

12) Chaque arrêt de la CDBF (ou du Conseil d'État concernant la CDBF) commenté dans une même chronique de jurisprudence sera compté comme une publication.

13) Hors les entrefilets d'actualité ou les sommaires de jurisprudence ; les publications dans le Recueil Lebon ou le recueil de jurisprudence des juridictions financières ne sont pas davantage comptabilisées.

14) Il sera rappelé ici comme supra que l'indicateur du délai de traitement ne préjuge en rien des « délais raisonnables » au sens de la CEDH, qui sont appréciés différemment.

15) Calculé comme suit : nombre d'arrêts rendus par la CDBF entre 2000 et 2009 ayant fait l'objet d'un recours en cassation formulé par une ou plusieurs personnes condamnées, ou par le ministère public près la CDBF.

16) Entre 2000 et 2009, sept arrêts de la CDBF ont fait l'objet d'un pourvoi devant le Conseil d'Etat, dont deux ont conduit à une cassation et quatre ont été rejetés ou non admis. Un pourvoi demeure pendant à l'heure actuelle.

17) Hors colloques.

18) Voir en particulier les rapports publics 2007 et 2008

19) Projet de loi portant réforme des juridictions financières, n° 2001, déposé le 28 octobre 2009 – Un extrait de l'étude d'impact de ce projet de loi figure en annexe du présent rapport

20) Cette lacune du code des juridictions financières a été à maintes reprises soulignée. Voir notamment Cour de discipline budgétaire et financière, 21 octobre 1987, Gautier et Dussine. Voir discours de Mme Hélène Gisserot, Procureur général près la Cour des comptes, séance solennelle du 13 janvier 2000.