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SEPTIEME CHAMBRE ------- Quatrième section ------- Arrêt n° S 2016-3041
Audience publique du 19 juillet 2016
Prononcé du 30 septembre 2016 | CHAMBRE DEPARTEMENTALE D'AGRICULTURE DE LA MANCHE
Exercice 2013
Rapport n° 2016-0538
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République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu le réquisitoire en date du 8 mars 2016, par lequel le Procureur général près la Cour des comptes a saisi la 7ème chambre de la Cour des comptes d’une présomption de charges, en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X, comptable de la chambre départementale d'agriculture de la Manche, au titre d’opérations relatives à l’exercice 2013, notifié le 25 mars 2016 au comptable concerné ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable de la chambre départementale d'agriculture de la Manche, établis par M. X pour l’exercice 2013 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu les lois et règlements applicables à l’organisme et notamment le code rural et de la pêche maritime et l’instruction comptable M9-2 ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique et le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifiée dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le rapport de M. Patrick BONNAUD, conseiller référendaire, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions du Procureur général ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du 19 juillet 2016, M. Patrick BONNAUD, conseiller référendaire, en son rapport, Mme Loguivy ROCHE, avocate générale, en les conclusions du ministère public ;
Entendu en délibéré M. Jean GAUTIER, conseiller maître, en ses observations ;
Sur la présomption de charge unique, soulevée à l’encontre de M. X, au titre de l’exercice 2013
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la septième chambre de la Cour des comptes de la responsabilité encourue par M. X pour avoir manqué à ses obligations dans le recouvrement du titre 3280 du 31 décembre 2009, d’un montant de 750 € et ainsi engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
Attendu qu’il est établi que le titre en cause n’a pas été recouvré ; que le comptable a justifié de son admission en non-valeur par délibération du 20 novembre 2015 ;
Attendu que cette admission en non-valeur ne fait pas obstacle à l’action du juge des comptes ;
Attendu que l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 dispose que « Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, … des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique….La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors … qu'une recette n'a pas été recouvrée, qu'une dépense a été irrégulièrement payée […/…] La responsabilité pécuniaire des comptables publics s'étend à toutes les opérations du poste comptable qu'ils dirigent depuis la date de leur installation jusqu'à la date de cessation des fonctions… » ;
Attendu que le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, applicable pendant la période concernée par le réquisitoire, dispose en son article 12 que « les comptables sont tenus d'exercer, en matière de recettes, le contrôle … dans la limite des éléments dont ils disposent, de la mise en recouvrement des créances de l'organisme public et de la régularité des réductions et des annulations des ordres de recettes » ; que le même décret dispose, en son article 159, applicable aux comptables d’établissements publics nationaux à caractère administratif, que « dans le cadre des obligations qui lui incombent en vertu des articles 11, 12 et 13 ci-dessus, l'agent comptable est tenu notamment de faire diligence pour assurer la rentrée de toutes les ressources de l'établissement, … d'empêcher les prescriptions…» ;
Attendu que le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, applicable pendant la période dispose en son article 18 que : « Dans le poste comptable qu'il dirige, le comptable public est seul chargé : 1° De la tenue de la comptabilité générale ; … ; 4° De la prise en charge des ordres de recouvrer et de payer qui lui sont remis par les ordonnateurs ; 5° Du recouvrement des ordres de recouvrer et des créances constatées par un contrat,… ou tout autre titre exécutoire … » ; en son article 19 que : « Le comptable public est tenu d'exercer le contrôle : 1° S'agissant des ordres de recouvrer : a) De la régularité de l'autorisation de percevoir la recette ; b) Dans la limite des éléments dont il dispose, de la mise en recouvrement des créances et de la régularité des réductions et des annulations des ordres de recouvrer » ;
Attendu que les textes susvisés ont institué dans l’intérêt de l’ordre public financier, un régime légal de responsabilité pécuniaire et personnelle des comptables publics distinct de la responsabilité de droit commun ; que lorsque le juge des comptes estime que le comptable a manqué aux obligations qui lui incombent au titre du recouvrement des recettes, faute d’avoir exercé les diligences et les contrôles requis, le manquement du comptable doit en principe être regardé comme ayant causé un préjudice financier à l’organisme public concerné ; que, toutefois, lorsqu’il résulte des pièces du dossier, et en particulier des éléments produits par le comptable, qu’à la date du manquement, la recette était irrécouvrable en raison notamment de l’insolvabilité de la personne qui en était redevable, le préjudice financier ne peut être regardé comme imputable audit manquement ;
Attendu que le titre en question a été émis à l’encontre du conseil régional de Basse-Normandie et rendu exécutoire le 31 décembre 2009 ; que ce titre est prescrit, par effet de la loi du 31 décembre 1968 et à défaut d’acte interruptif, le 1er janvier 2014 ; qu’il en résulte que le recouvrement du titre était objectivement compromis dès le 31 décembre 2013 ;
Attendu que les diligences du comptable ont consisté en trois lettres de relance datées des 16 avril, 25 mai et 1er juillet 2010, dont il n’est pas établi qu’elles aient été envoyées en recommandé avec accusé de réception ; qu’aucune poursuite n’a été engagée, que la chambre régionale des comptes, non plus que le préfet n’ont été saisis ; qu’aucun acte interruptif de la prescription n’est justifié, ni même allégué ;
Attendu, en conséquence, que les diligences du comptable ont été insuffisantes en ce qu’elles n’ont été ni complètes, ni adéquates, ni même assez rapides, ayant été interrompues après juillet 2016 ;
Attendu, en conséquence, que le comptable a ainsi manqué à ses obligations en matière de recouvrement de recettes et engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
Attendu que rien ne permet d’établir que le titre eût été irrécouvrable en tout état de cause ; que le manquement du comptable a donc causé un préjudice financier à la chambre départementale d'agriculture de la Manche ; qu’il y a dès lors lieu, au titre de sa gestion de l’exercice 2013, de constituer M. X débiteur de la caisse de la chambre départementale d'agriculture de la Manche de la somme de 750 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 25 mars 2016.
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article unique : Au titre de sa gestion de l’exercice 2013, M. X est constitué débiteur de la caisse de la chambre départementale d'agriculture de la Manche, de la somme de 750 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 25 mars 2016.
Fait et jugé par Mmes Evelyne RATTE présidente de chambre ; Annie PODEUR présidente de section; M. Jean GAUTIER, Mme Sylvie VERGNET, MM. Olivier ORTIZ, Jacques BASSET, conseillers maîtres.
En présence de Mme Marie-Hélène PARIS-VARIN, greffière de séance.
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Marie-Hélène PARIS-VARIN Evelyne RATTE
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-16 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au paragraphe I de l’article R. 142-15 du même code.
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