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QUATRIEME CHAMBRE ------- Première section ------- Arrêt n° S 2016-1789
Audience publique du 26 mai 2016 Prononcé du 16 juin 2016
| Institut français de Bucarest (Roumanie)
Exercice 2010
Rapport n° R-2016-0421
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République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu le réquisitoire en date du 8 septembre 2015, par lequel le Procureur général près la Cour des comptes a saisi la Cour des comptes de présomptions de charges, en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X, agent comptable de l’Institut français de Bucarest, au titre d’opérations relatives à l’exercice 2010 ;
Vu la notification dudit réquisitoire le 20 janvier 2016 à M. X qui en a accusé réception le 22 janvier 2016, au directeur de l’Institut français de Bucarest qui en a accusé réception le 28 janvier 2016 ;
Vu l’arrêté conservatoire de débet en date du 5 mai 2014 transmis à la Cour le 26 novembre 2014 par lequel le trésorier-payeur général pour l’étranger a mis en jeu la responsabilité de M. X, en sa qualité d’agent comptable de l’Institut français de Bucarest, au titre de l’exercice 2010 ;
Vu le bordereau d’injonctions en date du 18 décembre 2012 par lequel le trésorier-payeur général pour l’étranger a prescrit à M. X de satisfaire aux deux présomptions de charge pesant sur sa gestion 2010 ou, à défaut, de rapporter la preuve du reversement dans la caisse de l’Institut de la somme de 18 251,99 € et l’absence de réponse du comptable ;
Vu le compte de l’exercice 2010 rendu en qualité de comptable de l’Institut français de Bucarest, par M. X ;
Vu les justifications produites au soutien du compte en jugement ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 dans sa rédaction modifiée par l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificatives pour 2011 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu les lois et règlements applicables aux établissements de diffusion culturelle à l’étranger dotés de l’autonomie financière, notamment le décret n° 76-832 du 24 août 1976 modifié relatif à l’organisation financière de certains établissements ou organismes de diffusion culturelle et d’enseignement dépendant du ministère des affaires étrangères ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique alors en vigueur ;
Vu l’instruction M9-7 sur l’organisation financière et comptable des établissements ou organismes de diffusion culturelle à l’étranger ;
Vu l’instruction codificatrice n° 03-060-B du 17 novembre 2003 relative à la nomenclature des pièces justificatives de l’Etat ;
Vu le bordereau d’observations du trésorier-payeur général pour l’étranger en date du 7 août 2012 et la réponse du comptable en date du 13 novembre 2012, ensemble les pièces du dossier à l’appui du réquisitoire et notamment la réponse de M. X à celui-ci, en date du 10 mars 2016 ;
Vu la note sur les évolutions réglementaires en Roumanie applicables à la rémunération des enseignants prestataires dans les EAF, datée du 30 septembre 2010, transmise le 10 mai 2016 à la Cour par M. X ;
Vu le rapport de Monsieur Olivier BREUILLY, auditeur ;
Vu les conclusions du Procureur général n° 275 en date du 26 avril 2016 ;
Entendus lors de l’audience publique du 26 mai 2016, M. Olivier BREUILLY en son rapport, M. Christian MICHAUT, avocat général en les conclusions du ministère public ;
Entendue en délibéré Mme Anne FROMENT-MEURICE, présidente de chambre maintenue en activité, en ses observations ;
Sur le régime de responsabilité applicable
Attendu que l’article 90 de la loi du 28 décembre 2011 susvisée a défini des règles nouvelles pour la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables, qui, en application du II du même article, entrent en vigueur le 1er juillet 2012 ;
Attendu que pour les agents comptables des Instituts français pour l’étranger dont les comptes sont apurés par le trésorier-payeur à l’étranger, le premier acte de mise en jeu de leur responsabilité est la notification d’injonctions par ce dernier ; que les injonctions à M. X au titre de ses opérations sur l’exercice 2010 lui ont été notifiées le 18 décembre 2012 ; que dès lors les charges qui en résultent dans l’arrêté conservatoire de débet sont à juger selon les dispositions de la loi du 28 décembre 2011 ;
Sur les présomptions de charges n° 1 à 6
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, il est fait grief à M. X d’avoir procédé, au cours de l’exercice 2010 à des paiements en l’absence de crédits suffisants aux comptes 606, 613, 614, 615, 646 et 666 de l’Institut français de Bucarest, pour un montant total de 16 720,41 € ;
Attendu que, dans sa réponse du 13 novembre 2012 aux observations du comptable supérieur, comme dans sa réponse du 10 mars 2016 au réquisitoire susvisé, l’agent comptable indique que les dépassements de crédits portaient sur des crédits exceptionnels pour le financement de plusieurs projets à caractère numérique destinés à un portail unique pour les centres culturels français de Roumanie ; qu’il fait valoir les contraintes calendaires du projet, l’obligation de mettre en œuvre le télégramme diplomatique ayant prévu le dispositif, le préjudice financier pour l’établissement qui aurait résulté du non-paiement de ces dépenses ainsi que l’impossibilité matérielle de prendre une décision modificative en décembre ;
Attendu que M. X reconnaît ainsi que c’est en connaissance de cause qu’il a accepté de payer des dépenses en dépassement des crédits budgétaires ouverts et qu’il ne conteste pas dès lors son manquement à l’obligation de contrôle, pour les comptables publics, de la disponibilité des crédits prévue à l’article 12 du décret du 29 décembre 1962 susvisé rendu applicable aux établissements de diffusion culturelle dépendant du ministère des affaires étrangères par le décret du 24 août 1976 susvisé ;
Attendu que M. X fait valoir cependant que ces dépassements n’ont pas eu pour conséquence de préjudice financier pour l’Institut dont le plafond global des dépenses en 2010 n’a pas été dépassé et dont le résultat de l’exercice a été par ailleurs largement excédentaire ; qu’il indique, sans données chiffrées à l’appui, que, « pour des raisons éminemment pratiques, il a été privilégié une appréciation de la disponibilité des crédits à l’échelon de l’unité budgétaire opérationnelle formée par l’enveloppe des crédits exceptionnels, à l’instar du concept financier énoncé par l’article 65 du décret du 7 novembre 2012 pris pour l’application de la LOLF, de préférence à une interprétation strictement limitative au seul niveau de l’article budgétaire. » ;
Attendu que, pour la mise en jeu éventuelle de la responsabilité des comptables publics des établissements ou organismes de diffusion culturelle à l’étranger, le dépassement des crédits en l’absence de contrôle, est à apprécier au niveau du chapitre budgétaire, comme l’a relevé et établi le comptable supérieur dans sa lettre du 26 novembre 2014 transmettant son arrêté conservatoire de débet à la Cour des comptes ;
Attendu dès lors que les dépenses payées par M. X en dépassement des crédits ouverts par l’autorité budgétaire compétente sur les comptes 606, 613, 614, 615, 646 et 666, dépourvues de fondement budgétaire, ont nécessairement causé préjudice à la personne publique qui n’en a pas décidé le principe ;
Attendu qu’aux termes du 3ème alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’il y a lieu, en conséquence, de constituer M. X débiteur de la somme de 16 720,41 € ;
Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 18 décembre 2012, date de notification du bordereau d’injonctions du trésorier payeur général pour l’étranger à M. X, en l’absence d’accusé de réception et de réponse du comptable ;
Sur la présomption de charge n° 7
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, il est reproché à M. X des paiements, à hauteur de 1 531,58 €, d’heures effectuées par des vacataires de l’espace cours de langues de l’Institut, intervenus en l’absence de pièces justificatives conformes sur le compte 641124 « rémunération du personnel de droit local » de l’établissement ;
Attendu que, dans sa réponse du 10 mars 2016, l’agent comptable fait valoir les dispositions fiscales nouvelles d’application immédiate « d’une ordonnance d’urgence » n° 82 du 8 septembre 2010 modifiant la loi roumaine n° 571 de 2003, en application desquelles les enseignants chargés de cours relèveraient désormais soit d’un contrat de travail, soit d’un paiement sur facture en qualité de travailleur indépendant ; qu’il déclare que « ce bouleversement normatif a constitué un obstacle imprévu dans la gestion des personnels » ;
Attendu que le moyen invoqué par le comptable ne saurait être apprécié comme un cas de force majeure, la circonstance extérieure imprévisible exposée ayant, selon le comptable lui-même, rendu difficile la gestion de ces personnels sans toutefois l’empêcher ;
Attendu que l’agent comptable ne s’est pas assuré de la conformité des pièces jointes à l’appui des mandats, seulement constituées d’un relevé des heures effectuées et des sommes dues, aux pièces justificatives prévues par l’instruction codificatrice 03-060-B du 17 novembre 2003 susvisée qui prévoient la production des contrats de travail des personnes concernées ; qu’il a ainsi manqué à l’obligation de contrôle de la production des justifications prévue par l’article 13 du décret du 29 décembre 1962 susvisé ;
Attendu que le paiement de salaires en l’absence de pièces justificatives conformes, et donc en l’absence de fondement juridique, constitue une dépense indue qui a causé un préjudice financier, au sens des dispositions du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, à l’Institut français de Bucarest ;
Attendu qu’aux termes du même article, « lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’ainsi il y a lieu de constituer M. X débiteur de l’Institut français de Bucarest pour la somme de 1 531,58 € ;
Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 18 décembre 2012, date de notification du bordereau d’injonctions du trésorier payeur général pour l’étranger à M. X, en l’absence d’accusé de réception et de réponse du comptable ;
DÉCIDE :
Article 1er : M. X est constitué débiteur de la somme de 16 720,41 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 18 décembre 2012 (présomption de charges n° 1 à 6).
Article 2 : M. X est constitué débiteur de l’Institut français de Bucarest au titre de l’exercice 2010, pour la somme de 1 531,58 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 18 décembre 2012 (présomption de charge n° 7).
Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents : M Yves ROLLAND, conseiller maître, président de section, présidant la séance, Mme Anne FROMENT-MEURICE, présidente de chambre maintenue en activité, MM. Gérard GANSER, Jean-Yves BERTUCCI, Philippe BACCOU, Pierre JAMET, conseillers maîtres et Mme Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS, conseillère maître.
En présence de Mme Marie-Hélène PARIS-VARIN, greffière de séance.
Marie-Hélène PARIS-VARIN
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Yves ROLLAND
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En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-16 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au paragraphe I de l’article R. 142-15 du même code.
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