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QUATRIÈME CHAMBRE

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Première section

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Arrêt n° S 2016-0269

 

Audience publique du 14 janvier 2016

 

Prononcé du 18 février 2016

ARRETÉ CONSERVATOIRE DE DÉBET

CENTRE DE DOCUMENTATION UNIVERSITAIRE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE (CEDUST) DE NEW DELHI (INDE)

 

 

Exercice 2007

 

Rapport n° 2015-292-0

 

 

République Française,

 

Au nom du peuple français,

 

La Cour,

Vu le réquisitoire à fin d’instruction de charge n° 2013-62 RQ-DB, en date du 27 août 2013, du procureur général près la Cour des comptes ;

Vu la notification dudit réquisitoire, le 26 septembre 2013, au trésorier-payeur général pour l’étranger, comptable supérieur chargé de l’apurement des comptes des établissements de diffusion culturelle à l’étranger ne relevant pas de la compétence directe de la Cour des comptes et au directeur du centre de documentation universitaire scientifique et technique (CEDUST) ainsi que, le 30 octobre 2013, à M. X, agent comptable du CEDUST de New Delhi ;

Vu la réponse à ce réquisitoire de M. X, datée du 18 novembre 2013, ainsi que le certificat administratif, signé de Mme Y, directrice du CEDUST de 2006 à 2010, qui l’accompagnait ;

Vu la décision provisoire de charges du trésorier-payeur général pour l’étranger, en date du 10 mai 2012, par laquelle il a mis en jeu la responsabilité de M. X sur les opérations de l’exercice 2007 ;

Vu le bordereau d’observations du trésorier-payeur général pour l’étranger, en date du 11 octobre 2011, sur le compte de l’exercice 2007 de M. X accompagné de la réponse de celui-ci datée du 16 octobre 2011 ;

Vu le bordereau d’injonctions du trésorier-payeur général pour l’étranger, en date du 25 octobre 2011, enjoignant à M. X de verser dans la caisse du CEDUST la somme de 574 893,99 roupies indiennes ou de produire toute justification à sa décharge, avant le 31 décembre 2011, pour avoir payé des dépenses dépassant de cette somme le montant des crédits ouverts sur différents comptes ;

Vu le courrier du 23 juillet 2012 par lequel le trésorier-payeur général pour l’étranger, a transmis à la Cour, le compte financier, le budget et l’approbation des décisions modificatives n° 1 et n° 2 du CEDUST pour l’exercice 2007, les pièces à l’appui de ce compte ainsi que la décision et les deux bordereaux précités ;

Vu la lettre du greffe de la Cour des comptes du 10 décembre 2013 informant M. X, le directeur du CEDUST et le trésorier-payeur général pour l’étranger de la désignation d’un nouveau rapporteur ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963, dans sa rédaction applicable avant l’entrée en vigueur de l’article 90 de la loi de finances rectificatives n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;

Vu le décret n° 64-1022 du 29 septembre 1964 relatif à la constatation et à l’apurement des débets des comptables publics, puis le décret n° 2008-228 du 5 mars 2008 qui l’a abrogé et remplacé ;

Vu les lois et règlements applicables aux établissements de diffusion culturelle à l’étranger dotés de l’autonomie financière et, notamment, le décret n° 76-832 du 24 août 1976 relatif à l'organisation financière de certains établissements ou organismes de diffusion culturelle dépendant du ministère des affaires étrangères et du ministère de la coopération, ainsi que ses textes d’application ;

Vu l’instruction M 9-7 sur l'organisation financière et comptable des établissements ou organismes de diffusion culturelle à l'étranger ;

Vu les éléments recueillis au cours de l’instruction ;

Vu le rapport de M. Gérard GANSER, conseiller maître ;

Vu les conclusions du Procureur général n° 762 du 20 novembre 2015 ;

Entendu, lors de l’audience du 14 janvier 2016, M. GANSER, en son rapport M. Christian MICHAUT, avocat général, en les conclusions du ministère public ;

Après avoir entendu en délibéré Mme Anne FROMENT-MEURICE, présidente de chambre maintenue en activité, en ses observations ;

Sur le régime de responsabilité applicable

Attendu que l’article 90 de la loi du 28 décembre 2011 a défini des règles nouvelles pour la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables ; que le II du même article dispose que le nouveau régime de responsabilité des comptables publics « entre en vigueur le 1er juillet 2012 » et que « les déficits ayant fait l’objet d’un premier acte de mise en jeu de la responsabilité d’un comptable public ou d’un régisseur avant cette date demeurent régis par les dispositions antérieures » ;

Attendu que pour les agents comptables des établissements français à l’étranger dont les comptes sont apurés par le trésorier-payeur général pour l’étranger, le premier acte de mise en jeu de leur responsabilité est la notification d’injonctions par le trésorier-payeur général ;


Attendu que l’injonction notifiée à M. X au titre de l’exercice 2007 l’a été avant le 1er juillet 2012 ; que dès lors les charges qui en résultent dans la décision provisoire de charges du 10 mai 2012 sont à juger selon les dispositions antérieures à la loi du 28 décembre 2011 ;

Sur les paiements en dépassements des crédits disponibles

Attendu que, selon la décision susvisée du trésorier-payeur général pour l’étranger, datée du 10 mai 2012, les totaux des dépenses imputées en 2007 sur les comptes 611 « Services extérieurs », 612 « Personnel extérieur à l’administration », 617 « Services bancaires et assimilés », 6471 « Prestations facultatives d’actions sociales » et 666 « Perte de change » du budget du CEDUST ont dépassé les montants des crédits ouverts sur ces comptes ; que le total de ces dépassements s’élève à 574 893,99 roupies indiennes, dont 4 072,00 roupies sur le compte 6471 et 570 821,99 roupies au total sur les autres comptes précités ;

Attendu que ces dépassements ne sont pas contestés par l’agent comptable ;

Attendu que selon le 2ème alinéa du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière […] de dépenses […] dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ; que selon le 3ème alinéa du I de l’article 60 de ladite loi, « la responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors […] qu’une dépense a été irrégulièrement payée » ; qu’en vertu du décret du 24 août 1976 susvisé, la gestion financière et comptable des établissements ou organismes de diffusion culturelle dépendant du ministère des affaires étrangères est soumise aux dispositions de la première partie du décret du 29 décembre 1962 susvisé ; qu’aux termes de l’article 12 dudit décret, en vigueur au moment des faits, « les comptables sont tenus d'exercer […], en matière de dépenses, le contrôle […] de la disponibilité des crédits » ;

Attendu que cette disponibilité des crédits est à apprécier au niveau de la rubrique comptable où ils sont ouverts de façon limitative ; que, selon l’instruction M 9-7 susvisée, « les crédits ouverts sont limitatifs au niveau du chapitre » et « le chapitre budgétaire correspond au compte divisionnaire (à 3 chiffres) » ; que sur le compte 647, le total des crédits ouverts en 2007 était de 162 500 roupies indiennes ; que le total des dépenses imputées sur ce compte, au cours de cet exercice, a été de 161 072,00 roupies ; que dès lors, nonobstant le dépassement constaté sur le compte divisionnaire (à 4 chiffres) 6471, il ne peut être fait grief à l’agent comptable de n’avoir pas contrôlé la disponibilité des crédits avant de payer toutes les dépenses imputées sur le compte 647 ;

Attendu en revanche qu’en payant des dépenses imputées sur les comptes 611, 612, 617 et 666 excédant globalement de 570 821,99 roupies indiennes le montant des crédits qui y étaient ouverts, M. X a engagé sa responsabilité pécuniaire et personnelle ;

Attendu que, dans sa réponse du 18 novembre 2013 au réquisitoire, il fait valoir, en dix points, sept moyens qui reprennent, précisent et complètent ceux exposés dans sa réponse du 16 octobre 2011 au bordereau d’observations du trésorier-payeur général pour l’étranger ;

Attendu qu’il allègue, premièrement, que la pratique « non réglementaire » de dépassement était courante au sein de la direction de la coopération internationale et du développement avec parfois des autorisations de dépenses par télégramme diplomatique « avant budget » ; qu’à supposer que cette pratique ait été courante, ce moyen manque en droit ;

Attendu qu’il fait valoir, en deuxième lieu, que les budgets du CEDUST et les décisions budgétaires modificatives, ainsi que les comptes financiers, n’étaient approuvés que deux à six mois après leur présentation ; que ce délai est corroboré par le certificat administratif de l’ordonnateur ; qu’à supposer qu’il en était bien ainsi, aucune demande de budget modificatif pour ouvrir des crédits supplémentaires sur les comptes concernés n’est citée ; qu’en tout état de cause, une demande d’ouverture de crédits n’augmentant pas ipso facto les crédits disponibles, ce moyen manque également en droit ;

Attendu qu’il invoque, en troisième lieu, le droit applicable aux collectivités locales ; que ce moyen est inopérant ;

Attendu que, selon l’agent comptable, la bonne situation financière du CEDUST (12,8 millions de roupies de fonds de roulement) n’aurait pas été mise en péril par les paiements litigieux, ce que l’ordonnateur a confirmé ; que toutefois ce quatrième moyen de l’agent comptable manque en droit ;

Attendu que les dépassements sur les comptes 617 « Services bancaires et assimilés » et 666 « Perte de change » résultant de la constatation de commissions bancaires sur virements sur le relevé de comptes de la TGE et de l’ajustement de la situation du compte en euros au 31 décembre de l’exercice, l’agent comptable tend à présenter les paiements incriminés comme obligatoires ; qu’il attribue le même caractère obligatoire aux paiements sur le compte 612 « Personnel extérieur à l’administration » ; que, dans son certificat administratif, l’ordonnateur confirme ce caractère obligatoire tout en affirmant, de manière contradictoire, qu’elle n’aurait pas dû mandater les paiements conduisant aux dépassements litigieux ; que cependant, quel que soit le caractère « obligatoire » ou non d’une dépense, un comptable public n’est jamais autorisé à la payer sans crédit disponible, y compris, en application de l’article 110 du décret de décembre 1962 précité, lorsqu’il est requis par l’ordonnateur ; que ce cinquième moyen manque également en droit ;

Attendu que l’agent comptable fait valoir, en sixième lieu, l’insuffisance des moyens matériels et humains de son poste au regard d’une charge de travail lourde et croissante ; que, selon une jurisprudence constante, ce moyen est inopérant à décharge ; qu’il pourra éventuellement être présenté à l’appui d’une demande de remise gracieuse au ministre du budget ;

Attendu qu’enfin l’agent comptable soutient que les dépassements incriminés n’ont pas causé de préjudice financier au CEDUST ; que cette considération, qui est partagée par l’ordonnateur et qui n’est pas discutée, est sans effet sur la mise en jeu de la responsabilité pécuniaire et personnelle du comptable, dans le cadre juridique en vigueur au moment de la mise en cause de la responsabilité de M. X ;

Attendu qu’aucun moyen n’étant recevable à décharge, il y a lieu de constituer M. X débiteur de la somme de 570 821,99 roupies indiennes augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date à laquelle il a reçu le bordereau d’injonctions du trésorier-payeur général pour l’étranger, daté du 25 octobre 2011 ; quau cas d’espèce, la date de réception dudit bordereau par M. X n’est pas connue, puisqu’il y est indiqué à ce titre par erreur « le 5 juin 2011 », soit une date antérieure à celle du bordereau lui-même ; qu’il y a lieu, dans ces conditions, de retenir la date du bordereau d’injonctions, soit le 25 octobre 2011 ;


Par ces motifs,

DECIDE :

Article unique - M. X est constitué débiteur du centre de documentation universitaire scientifique et technique (CEDUST) de New Delhi de la somme de 570 821,99 roupies indiennes[1] augmentée des intérêts de droit à compter du 25 octobre 2011.

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Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents : M. Jean-Philippe VACHIA, président de chambre, président de la formation, M. Yves ROLLAND, président de section, Mme Anne FROMENT-MEURICE, présidente de chambre maintenue en activité, MM. Jean-Pierre LAFAURE, Jean-Yves BERTUCCI, Noël DIRICQ, Jean-Michel LAIR, Philippe BACCOU, Pierre JAMET, conseillers maîtres et Mme Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS, conseillère maître.

En présence de Mme Annie LE BARON, greffière de séance.

 

 

 

Annie LE BARON

 

 

 

 

Jean-Philippe VACHIA

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de
la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-16 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au paragraphe I de l’article R. 142-15 du même code.

 

 

 

 


[1] Soit un montant égal à 7 782,99 €, au taux de change roupie indienne/euro, le jour de l’audience publique du 14 janvier 2016.