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PREMIERE CHAMBRE

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Première section

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Arrêt n° S2016-0146

 

Audience publique du 8 décembre 2015

 

Prononcé du 22 janvier 2016

DIRECTION REGIONALE DES FINANCES

PUBLIQUES D’ILE-DE-FRANCE

ET DU DEPARTEMENT DE PARIS

 

POLE DE GESTION FISCALE

DE PARIS SUD-OUEST

 

SIE Porte Dauphine
Paris 16ème arrondissement

 

Exercices 2008 et 2010

 

Rapport n° 2015-294-0

 

 

 

République Française,

 

Au nom du peuple français,

 

La Cour,

 

Vu le réquisitoire n° 2014-140 en date du 18 décembre 2014, par lequel le Procureur général près la Cour des comptes a saisi la Première chambre de la Cour des comptes de présomptions de charges, en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X et Mme Y, comptables successifs du service des impôts des entreprises (SIE) de Paris 16ème Porte Dauphine, au titre d’opérations relatives aux exercices 2008 et 2010, notifié respectivement le 6 janvier 2015 et 8 janvier 2015 aux comptables des impôts susmentionnés ;

 

Vu les comptes de la direction régionale des finances publiques d’Ile-de-France et du département de Paris rendus pour les exercices 2003 à 2011, y annexés les états de restes à recouvrer établis, en leur qualité de receveur des administrations financières, par M. X pour la période du 2 septembre 2003 au 23 décembre 2008 et Mme Y du 24 décembre 2008 au 15 février 2012 ;

 

Vu les justifications produites au soutien des susdits états annexes, ensemble les pièces recueillies au cours de l’instruction ;

 

Vu le code des juridictions financières ;

 

Vu le code général des impôts, ensemble ses annexes et le livre des procédures fiscales ;

 

Vu le code de commerce ;

 

Vu le code de procédure civile ;

 

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

 

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, alors en vigueur ;

 

Vu le décret n° 77-1017 du 1er septembre 1977 relatif à la responsabilité des receveurs des administrations financières ;

 

Vu le décret n° 2008-228 modifié relatif à la constatation et à l’apurement des débets des comptables publics et assimilés ;

 

Vu le décret n° 2012-1386 du 16 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du paragraphe IV de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 ;

 

Vu les observations écrites de M. X, du 3 mars 2015 et de Mme Y, du 5 mars 2015, ensemble les pièces jointes ;

 

Vu le rapport à fin d’arrêt  2015-294-0 de Mme Stéphanie Cabossioras, auditrice, chargée de l’instruction ;

 

Vu les conclusions du Procureur général ;

 

Entendus lors de l’audience publique du 8 décembre 2015, Mme Cabossioras, en son rapport, et M. Bertrand Diringer, avocat général, en les conclusions du ministère public, Mme Y en ses observations, ayant eu la parole en dernier, M. X, informé de l’audience, n’étant ni présent ni représenté ;

 

Entendu en délibéré M. Jean-Christophe Chouvet, conseiller maître, en ses observations ;

 

Sur la présomption de charge soulevée à l’encontre de M. X, (affaire société Préval Capital Management (INC) au titre de l’exercice 2008

 

Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la Première chambre de la Cour des comptes de l’engagement de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X, au motif que celui-ci aurait manqué à ses obligations par défaut de diligence pour le recouvrement et la conservation d’une créance sur la société Préval Capital Management, qui serait de ce fait atteinte par la prescription quadriennale de l’action en recouvrement ;

 

Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations :

 

Sur la règle de droit

Attendu qu’aux termes de l'article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes et des contrôles qu’ils sont tenus d’exercer en cette matière dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique ; que leur responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve engagée, dès lors qu'une recette n'a pas été recouvrée ; que la responsabilité du comptable public en matière de recouvrement des recettes s’apprécie au regard de ses diligences, celles-ci devant être « adéquates, complètes et rapides » ;

 

Sur les faits

 

Attendu que suite à un contrôle fiscal diligenté par la direction nationale des vérifications de situations fiscales, la société Préval Capital Management s’est trouvée redevable d’un montant de 1 819 149,26 euros de retenue à la source, mis en recouvrement le 2 janvier 2001 ; que cette créance a fait l’objet d’une réclamation contentieuse rejetée le 21 septembre 2001 ; que la société a été déboutée le 15 mai 2008 de son instance introduite le 2 novembre 2001 devant le tribunal administratif et que ce jugement n’a pas été frappé d’appel ;

 

Attendu que dans le cadre de la procédure contentieuse, à défaut de garanties fournies par la société, une saisie-conservatoire effectuée le 21 janvier 2004 a abouti à un procès-verbal de perquisition établi selon les formalités prévues à l’article 659 du code de procédure civile susvisé ; qu’aucun autre acte n’est venu interrompre la prescription dans le délai de quatre ans depuis cette date ;

 

Sur l’application au cas d’espèce

 

Attendu qu’en l’absence d’autres diligences, la créance litigieuse s’est trouvée prescrite depuis le 22 janvier 2008, soit sous la gestion de M. X; que la charge trouverait ainsi son fait générateur sur l’exercice 2008 ;

Attendu qu’en application de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, le premier acte de mise en jeu de la responsabilité du comptable ne peut plus intervenir au-delà d’un délai de cinq ans décomptés à partir du 1er janvier suivant le dépôt des comptes ;

Attendu que la créance litigieuse a été mise en recouvrement en 2001 ; que le fait générateur de la charge présumée est daté de l’exercice 2008 ; que le compte 2008, auquel étaient joints les états nominatifs de droits jusqu’en 2005, et où figurait la créance litigieuse, a été produit à la Cour en 2009 ; que la mise en jeu de la responsabilité du comptable ne pouvait valablement, en application du IV de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, intervenir après le 31 décembre 2014 ;

Attendu que le réquisitoire susvisé, en date du 18 décembre 2014, a été reçu par le comptable le 6 janvier 2015, soit postérieurement à l’expiration du délai de cinq ans précité ; que la responsabilité de M. X ne peut donc plus être engagée à raison de l’unique élément relevé dans le réquisitoire ;

 

Sur la présomption de charge n° 2, soulevée à l’encontre de Mme Y (affaire SARL Land Car), au titre de l’exercice 2010

 

Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la Première chambre de la Cour des comptes de l’engagement de la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme Y au motif que cette comptable aurait manqué à ses obligations pour n’avoir pas effectué les poursuites qui lui incombaient à l’encontre d’un dirigeant condamné, solidairement avec la société Sarl Land Car, au paiement des impôts fraudés ;

 

Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations :

 

Sur la règle de droit

 

Attendu qu’aux termes de l'article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes et des contrôles qu’ils sont tenus d’exercer en cette matière dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique ; que leur responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve engagée dès lors qu'une recette n'a pas été recouvrée ; que la responsabilité du comptable public en matière de recouvrement des recettes s’apprécie au regard de ses diligences, celles-ci devant être « adéquates, complètes et rapides » ;

 

Sur les faits

 

Attendu que suite à un contrôle fiscal portant sur les années 2001 et 2002, la société à responsabilité limitée Land Car s’est trouvée redevable d’un montant de 1 019 684,33 euros de taxe sur la valeur ajoutée mis en recouvrement en 2002 et 2003 ;

 

Attendu que cette société a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire ouverte le 2 mars 2006 par jugement publié au Bulletin officiel d’annonces civiles et commerciales du 9 avril 2006 ; que la créance a été déclarée à titre définitif pour 2 286 399,33 euros (droits et pénalités) au passif le 23 mars 2006 ; que cette procédure a été clôturée pour insuffisance d’actif le 14 juin 2010, sans répartition au profit du Trésor ; qu‘un jugement du tribunal de commerce de Paris du 15 octobre 2008, publié le 29 octobre 2008, a prononcé la faillite personnelle de M. Z, gérant de ladite société ; que par jugement par défaut du tribunal de grande instance de Paris, rendu le 3 février 2006, M. Z a été condamné au paiement solidaire des impôts fraudés avec la Sarl Land Car pour un montant de 1 019 050 euros en droits et 1 266 715 euros en pénalités ;

 

Attendu qu’une mise en demeure a été signifiée par huissier le 27 novembre 2009 à l’adresse de ses parents, à Paris 17ème arrondissement ; que cette adresse constituait une simple élection de domicile à la demande de M. Z, ses parents ayant alors confirmé à l’huissier que leur fils était en réalité domicilié en Israël ; qu’une demande, le 25 janvier 2010, de saisie-attribution sur un compte bancaire a été infructueuse, le solde du compte étant débiteur ;

 

Attendu qu’en réponse au questionnaire de la Cour, le comptable en poste a indiqué qu’en 2009, l’avocat de M. Z avait contacté le SIE par téléphone en vue de proposer une transaction, et que cette démarche était demeurée sans suite ; que des saisies-ventes, diligentées  respectivement le 26 et le 29 mars 2010 à Paris 19ème arrondissement et à Neuilly-sur-Seine, ont abouti la première à un procès-verbal de perquisition et la seconde à un procès-verbal de carence ; que selon ces procès-verbaux M. Z aurait quitté lesdits domiciles depuis 2002 et résiderait à Tel-Aviv (Israël) ;

 

Sur les éléments à décharge apportées par la comptable

 

Attendu que Mme Y précise qu’aucune transaction ne pouvait être juridiquement envisagée pour obtenir l’exécution de décisions de justice et que c’est donc à juste titre qu’aucune suite n’a été donnée à la proposition de transaction formulée, au demeurant de manière purement verbale, par l’avocat de M. Z ;

 

Attendu que Mme Y fait valoir que M. Z ne disposant d’aucun actif en France et la procédure collective de la Sarl Land Car ayant été clôturée pour insuffisance d’actif le 14 juin 2010, la créance a été dûment proposée à l’admission en non-valeur le 9 novembre 2010 puis admise par décision du 18 juillet 2011, les intérêts du Trésor n’ayant pas été lésés en l’absence de tout moyen de récupérer sa créance ;

 

Sur l’application au cas d’espèce

 

Attendu que Mme Y, qui n’a pas formulé de réserves sur la gestion de son prédécesseur, était en fonctions du 24 décembre 2008 au 15 février 2012 ; que les diligences précitées ont été menées sur cette période, et sont donc à porter au crédit de Mme Y ;

 

Attendu qu’au moment où Mme Y a pris ses fonctions, la créance était très fragilisée ; qu’au cas d’espèce, les diligences qu’elle a entreprises peuvent être tenues pour suffisantes ; qu’ainsi, nonobstant le fait qu’elle n’ait pas formulé de réserves sur la gestion de son prédécesseur, il n’y a pas lieu de la tenir pour responsable du non-recouvrement de la créance en question ;

 


Par ces motifs,

 

DÉCIDE :

 

En ce qui concerne M. X, charge n° 1, exercice 2008

 

Article 1er. – Il n’y a pas lieu à charge en ce qui concerne M. X à raison de l’élément relevé par le réquisitoire susvisé.

 

Article 2. – M. X est déchargé de sa gestion pendant l’année 2008, au 23 décembre.

 

En ce qui concerne Mme Y, charge n° 2, exercice 2010

 

Article 3. – Il n’y a pas lieu à charge en ce qui concerne Mme Y à raison de l’élément relevé par le réquisitoire susvisé.

 

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Fait et jugé en la Cour des comptes, première chambre, première section, par M. Philippe Geoffroy, président de section, présidant la séance, MM. Bruno Ory-Lavollée, Vincent Feller, Jean-Christophe Chouvet et Guy Fialon, conseillers maîtres.

 

En la présence de Mme Annie Le Baron, greffière de séance.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Annie LE BARON

 

 

 

 

 

 

 

 

Philippe GEOFFROY

 

 

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-16 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au paragraphe I de l’article R. 142-15 du même code.

 

 

 

 

 

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