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QUATRIÈME CHAMBRE

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Première section

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Arrêt n° S 2016-0268

 

Audience publique du 14 janvier 2016

 

Prononcé du 18 février 2016

ARRêTé CONSERVATOIRE DE DéBET

CENTRE culturel français
de Nouakchott (Mauritanie)

 

 

Exercice 2003

 

Rapport n° 2015-291-0

 

 

 

République Française,

 

Au nom du peuple français,

 

La Cour,

Vu le réquisitoire à fin d’instruction de charge n° 2013-60 RQ-DB, en date du 27 août 2013, du procureur général près la Cour des comptes ;

Vu la notification dudit réquisitoire, le 26 septembre 2013, à M. X, agent comptable du centre culturel français (CCF) de Nouakchott, au directeur du centre culturel français de Nouakchott et au trésorier-payeur général pour l’étranger, comptable supérieur chargé de l’apurement des comptes des établissements de diffusion culturelle à l’étranger ne relevant pas de la compétence directe de la Cour des comptes, qui en ont accusé réception respectivement les 2 octobre, 9 octobre et 30 septembre 2013 ;

Vu la décision provisoire de charges du trésorier-payeur général pour l’étranger, en date du 19 octobre 2010, par laquelle il a mis en jeu la responsabilité de M. X sur les opérations de l’exercice 2003 ;

Vu le bordereau d’observations du trésorier-payeur général pour l’étranger, en date du 9 février 2006, sur le compte 2003 de M. X ;

Vu le bordereau d’injonctions du trésorier payeur général pour l’étranger, en date du 13 juillet 2010, enjoignant à M. X de verser dans la caisse du centre culturel français de Nouakchott la somme de 74 510 183,32 ouguiyas ou de produire toute justification à sa décharge, avant le 30 septembre 2010, pour défaut de mandats et de pièces justificatives à l’appui de ses comptes ;

Vu la réponse de M. X sur ce bordereau, datée du 28 septembre 2010 ;

Vu le courrier du 17 janvier 2011 par lequel le trésorier-payeur général pour l’étranger, a transmis à la Cour, le compte financier 2003 ainsi que la copie du bordereau d’observations, du bordereau d’injonctions et de sa décision provisoire de charge susvisés ;

Vu la lettre du greffe de la Cour des comptes du 6 décembre 2013 informant M. X, le directeur du centre culturel français de Nouakchott et le trésorier-payeur général pour l’étranger de la désignation d’un nouveau rapporteur ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963, dans sa rédaction applicable avant l’entrée en vigueur de l’article 90 de la loi de finances rectificatives n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;

Vu le décret n° 64-1022 du 29 septembre 1964 relatif à la constatation et à l’apurement des débets des comptables publics, puis le décret n° 2008-228 du 5 mars 2008 qui l’a abrogé et remplacé ;

Vu les lois et règlements applicables aux établissements de diffusion culturelle à l’étranger dotés de l’autonomie financière et, notamment, le décret n° 76-832 du 24 août 1976 relatif à l'organisation financière de certains établissements ou organismes de diffusion culturelle dépendant du ministère des affaires étrangères et du ministère de la coopération ainsi que ses textes d’application ;

Vu l’instruction M 9-7 sur l'organisation financière et comptable des établissements ou organismes de diffusion culturelle à l'étranger ;

Vu les éléments recueillis au cours de l’instruction ;

Vu le rapport de M. Gérard GANSER, conseiller maître ;

Vu les conclusions du Procureur général n° 774 du 25 novembre 2015 ;

Entendu, lors de l’audience du 14 janvier 2016, M. GANSER, en son rapport M Christian MICHAUT, avocat général, en les conclusions du ministère public ;

Après avoir entendu en délibéré Mme Anne FROMENT-MEURICE, présidente de chambre maintenue en activité, en ses observations ;

Sur le régime de responsabilité applicable

Attendu que l’article 90 de la loi du 28 décembre 2011 a défini des règles nouvelles pour la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables ; que le II du même article dispose que le nouveau régime de responsabilité des comptables publics « entre en vigueur le 1er juillet 2012 » et que « les déficits ayant fait l’objet d’un premier acte de mise en jeu de la responsabilité d’un comptable public ou d’un régisseur avant cette date demeurent régis par les dispositions antérieures » ;

Attendu que pour les agents comptables des établissements français à l’étranger dont les comptes sont apurés par le trésorier payeur général pour l’étranger, le premier acte de mise en jeu de leur responsabilité est la notification d’injonctions par le trésorier-payeur général ;

Attendu que l’injonction notifiée à M. X au titre de l’exercice 2003 l’a été avant le 1er juillet 2012 ; que dès lors les charges qui en résultent dans la décision provisoire de charges du 19 octobre 2010 sont à juger selon les dispositions antérieures à la loi du 28 décembre 2011 ;

 

Première charge

Attendu que, selon la décision susvisée du trésorier-payeur général pour l’étranger, datée du 19 octobre 2010, pour les comptes de classe 2 et 6, le montant des dépenses comptabilisées en 2003, nettes de celles annulées, excède de 32 649 437,20 ouguiyas le total des mandats produits à l’appui du compte 2003 ;

Attendu que selon le 3ème alinéa du I de l’article 60 de la loi du 21 février 1963, « la responsabilité personnelle et pécuniaire [des comptables publics] se trouve engagée dès lors […] qu’une dépense a été irrégulièrement payée… » ; qu’en vertu du décret modifié n° 76-832 du 24 août 1976 susvisé, la gestion financière et comptable des établissements ou organismes de diffusion culturelle dépendant du ministère des affaires étrangères est soumise aux dispositions de la première partie du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 susvisé ;

Attendu qu’en application de l’article 28 de ce dernier décret : « Avant d'être payées, les dépenses sont engagées, liquidées et, le cas échéant, ordonnancées » ; que l’article 31 de ce même décret précise que « le ministre des finances dresse la liste des dépenses qui peuvent être payées sans ordonnancement ou qui peuvent faire l'objet d'un ordonnancement de régularisation après paiement » ; qu’à défaut de liste de dépenses payables sans ordonnancement préalable établie par le ministre pour la catégorie des établissements de diffusion culturelle à laquelle le CCF de Nouakchott appartient, c’est la liste applicable à l’Etat qui s’applique ; qu’hormis quelques dépenses payables sans ordonnancement, les autres donnent nécessairement lieu à un ordonnancement soit avant, soit après paiement ;

Attendu que l’agent comptable n’a pas apporté de réponse au constat, dans le bordereau d’observations du 9 février 2006, de l’excès de 32 649 437,20 ouguiyas du montant des dépenses comptabilisées en 2003, nettes de celles annulées, sur le total des mandats produits à l’appui du compte ;

Attendu que le trésorier-payeur général pour l’étranger lui a enjoint, le 13 juillet 2010, de produire les justificatifs manquants ou à défaut de reverser dans la caisse de l’établissement la somme en cause avant le 30 septembre 2010 ; que l’agent comptable a répondu à cette injonction, le 28 septembre 2010, que « tous les documents relatifs à la gestion 2003 doivent être au CCF de Nouakchott » sans produire aucun mandat à l’appui des dépenses litigieuses ; qu’en particulier, il n’a pas fait valoir que parmi les dépenses pour lesquelles il lui était fait grief de ne pas avoir produit de mandat, certaines avaient été régulièrement payées sans ordonnancement ni avant ni après paiement ;

Attendu que dès lors les paiements sans mandats doivent être tous considérés comme des dépenses « irrégulières » au sens de l’article 60 de la loi de 1963 précité ;

Attendu qu’il y a lieu, dans ces conditions, de constituer M. X débiteur de la somme de 32 649 437,20 ouguiyas, correspondant au total des dépenses qu’il a payées en 2003 sans mandats ;

Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ;

Attendu qu’au cas d’espèce, le premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X est le bordereau d’injonction du 13 juillet 2010 qu’il a reçu à une date indéterminée ; qu’il y a lieu, dans ces conditions, de retenir la date du bordereau d’injonctions, soit le 13 juillet 2010 ;

Attendu qu’il y a donc lieu d’augmenter la somme mise à la charge de M. X des intérêts de droit sur cette somme à compter du 13 juillet 2010 ;

Deuxième charge - compte 4631

Attendu que selon la décision du trésorier-payeur général pour l’étranger, datée du 19 octobre 2010, susvisée, le solde débiteur de 9 360 560,34 ouguiyas, au 31 décembre 2013, du compte 4631 « Ordres de recettes à recouvrer – Exercices antérieurs » représente un « manque en deniers dans la comptabilité de l’établissement » ;

Attendu que selon le 3ème alinéa du I de l’article 60 de la loi du 21 février 1963, « la responsabilité personnelle et pécuniaire [des comptables publics] se trouve engagée dès lors […] qu’une recette n’a pas été recouvrée…» ;

Attendu que l’agent comptable n’a pas apporté de réponse au constat, dans le bordereau d’observations du 9 février 2006, de l’absence, dans l’état de développement du solde, du détail des sommes formant ce solde ;

Attendu que le trésorier-payeur général pour l’étranger lui a enjoint, le 13 juillet 2010, de produire les justificatifs manquants ou à défaut de reverser dans la caisse de l’établissement la somme litigieuse avant le 30 septembre 2010; que l’agent comptable a répondu à cette injonction, le 28 septembre 2010, que « tous les documents relatifs à la gestion 2003 doivent être au CCF de Nouakchott » sans produire le détail des sommes formant le solde du compte 4631 ;

Attendu que les ordres de recettes à recouvrer sur exercices antérieurs correspondent, faute de justifications, à des créances irrécouvrables, donc à un manquant en deniers dans la caisse de l’établissement ;

Attendu qu’il y a lieu, dans ces conditions, de constituer M. X débiteur de la somme de 9 360 560,34 ouguiyas, correspondant au total des ordres de recettes à recouvrer au 31 décembre 2003 et irrécouvrables à cette date, faute d’en connaître le détail et la justification, augmentée des intérêts de droit sur cette somme à compter du 13 juillet 2010 ;

Deuxième charge - comptes 4671 et 4728

Attendu que selon la décision du trésorier-payeur général pour l’étranger, datée du 19 octobre 2010, susvisée, les soldes des comptes 4671 « Opérations faites en collaboration avec des tiers » et 4728 « Autres dépenses à classer », débiteurs au 31 décembre 2013 de respectivement 17 999 601,72 et 14 500 583,97 ouguiyas, représentent un « manque en deniers dans la comptabilité de l’établissement » ;

Attendu que selon le 3ème alinéa du I de l’article 60 de la loi du 21 février 1963, « la responsabilité personnelle et pécuniaire [des comptables publics] se trouve engagée dès lors qu’un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté…  » ;

Attendu que l’agent comptable n’a pas apporté de réponse au constat, dans le bordereau d’observations du 9 février 2006, de l’absence, dans l’état de développement des soldes de ces comptes, du détail des sommes formant ces soldes ;

Attendu que le trésorier-payeur général pour l’étranger lui a enjoint, le 13 juillet 2010, de produire les justificatifs manquants ou à défaut de reverser dans la caisse de l’établissement les sommes litigieuses avant le 30 septembre ; que l’agent comptable a répondu à cette injonction, le 28 septembre 2010, que « tous les documents relatifs à la gestion 2003 doivent être au CCF de Nouakchott » sans produire le détail des sommes formant les soldes des comptes 4671 et 4728 ;

Attendu toutefois que, selon l’instruction M 9-7 susvisée, la « subdivision » 4671 « concerne les opérations ponctuelles faites en collaboration avec d'autres organismes, situation fréquente dans les centres culturels. Ce compte joue en liaison avec les comptes 4718 "Autres recettes à classer" et 4728 "Autres dépenses à classer" » ; que, s’agissant des comptes 4718 et 4728, la même instruction M 9-7 précise qu’ils fonctionnent aussi pour les activités en collaboration avec des tiers ;

Attendu qu’au 31 décembre 2003, le compte 4718 « Autres recettes à classer » présente un solde créditeur de 32 500 185,69 ouguiyas ; que ce solde est strictement égal à la somme des soldes débiteurs des comptes 4671 et 4728 ; que dans le bordereau d’observations susvisé du 9 février 2006, est relevé que « ces comptes [4671, 4718 et 4728], utilisés pour la préparation du Festival Musique Nomades 2004, semblent se compenser entre eux » ; qu’ainsi il peut être admis que ces différents soldes traduisent en débit et crédit les mêmes opérations qui restaient en attente d’une imputation définitive au 31 décembre 2003 ;

Attendu que les soldes débiteurs des comptes 4671 et 4728, dès lors qu’ils sont rapprochés du solde créditeur du compte 4718, ne font pas apparaître de manquant en monnaie dans la caisse de l’agent comptable ;

Attendu qu’il n’y a par conséquent pas lieu à charge à l’encontre de M. X à raison des soldes débiteurs des comptes 4671 et 4728 ;

 

Par ces motifs,

DECIDE :

 

Article 1 - M. X, agent comptable du centre culturel français de Nouakchott est, au titre de l’exercice 2003, constitué débiteur de ce centre à hauteur de la somme de 32 649 437,20 ouguiyas[1], augmentée des intérêts de droit à compter du 13 juillet 2010 (première charge) ;

Article 2 - M. X, agent comptable du centre culturel français de Nouakchott est, au titre de l’exercice 2003, constitué débiteur de ce centre à hauteur de la somme de 9 360 560,34 ouguiyas[2], augmentée des intérêts de droit à compter du 13 juillet 2010 (deuxième charge, compte 4631).

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Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents : M. Jean-Philippe VACHIA, président de chambre, président de la formation, M. Yves ROLLAND, président de section, Mme Anne FROMENT-MEURICE, présidente de chambre maintenue en activité, MM. Jean-Pierre LAFAURE, Jean-Yves BERTUCCI, Noël DIRICQ, Jean-Michel LAIR, Philippe BACCOU, Pierre JAMET, conseillers maîtres et Mme Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS, conseillère maître.

 

 

En présence de Mme Annie LE BARON, greffière de séance.

 

 

Annie LE BARON

 

 

Jean-Philippe VACHIA

 

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de
la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-16 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au paragraphe I de l’article R. 142-15 du même code.

 

 

 


[1] Soit un montant égal à 99 687,12 €, au taux de change ouguiya/euro, le jour de l’audience publique du 14 janvier 2016.

 

[2] Soit un montant égal à 28 608,87 €, au taux de change ouguiya/euro, le jour de l’audience publique du 14 janvier 2016.