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QUATRIEME CHAMBRE

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Première section

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Arrêt n°S2016-1460

 

Audience publique du 21 avril 2016

 

Prononcé du 26 mai 2016

COMMUNE DE LES VOIVRES

(VOSGES)

 

Appel d’un jugement de la chambre régionale des comptes de Champagne-Ardenne, Lorraine

 

 

Rapport n° 2016-0181

 

 

 

République Française,

 

Au nom du peuple français,

 

La Cour,

 

Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2014 au greffe de la chambre régionale des comptes de Champagne-Ardenne, Lorraine, par laquelle Mme X, comptable de la commune de Les Voivres (Vosges), a interjeté appel du jugement  2014-0017 du 1er octobre 2014 par lequel la chambre précitée l’a constituée débitrice de la somme de 75 692,74 €, pour avoir payé, au cours de l’exercice 2011, des rémunérations à des agents bénéficiaires de contrats d’insertion, sans délibération du conseil municipal créant les emplois ou autorisant les recrutements en cause ;

Vu le réquisitoire du Procureur général près la Cour des comptes n° 2015-18 du 9 mars 2015 transmettant les requêtes précitées à la Cour ;

Vu les pièces de la procédure suivie en première instance ;

Vu le code général des collectivités locales ;

Vu le code des juridictions financières, notamment ses articles R. 242-4 et R. 242-5 ;

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;

Vu le rapport de M. Yves ROLLAND, conseiller maître ;

Vu les conclusions du Procureur général n° 166 du 15 mars 2016 ;

Entendus, lors de l’audience publique du 21 avril 2016, M. Yves ROLLAND, en son rapport, M. Christian MICHAUT, avocat général, en les conclusions du ministère public ;

Entendu, en délibéré, M. Gérard GANSER, conseiller maître, en ses observations ;

Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes a constitué la requérante débitrice de la commune de Les Voivres de la somme de 75 692,74 €, pour avoir payé, au cours de l’exercice 2011, des rémunérations à des agents bénéficiaires de contrats d’insertion, nonobstant l’absence de la délibération du conseil municipal créant les emplois ou autorisant les recrutements en cause prévue à la rubrique 21011 de l’annexe I mentionnée à l’article D. 1617-19 du code général des collectivités locales ;

Attendu que la requérante ne conteste pas le manquement relevé par la chambre régionale des comptes, mais conteste qu’il aurait causé un préjudice financier à la commune ; qu’elle développe trois moyens à l’appui de sa contestation ;

 

Sur le préjudice

Attendu qu’elle fait d’abord valoir, comme devant le premier juge, que le conseil municipal, par une délibération du 2 avril 2013, a approuvé le travail fait et l'engagement de la commune pour l'insertion des personnes en difficulté, la signature des conventions avec l'Etat et le département des Vosges ainsi que la signature des contrats d’insertion ;

Attendu que cette délibération de 2013 est postérieure aux paiements litigieux fait en 2011 ; qu’elle ne saurait par conséquent avoir conféré rétroactivement aux rémunérations payées le caractère de sommes dues ; que ce premier moyen manque donc en droit ;

Attendu que la requérante soutient ensuite que le crédit de 130 000 ouvert sur l’article 64168 « Autres emplois d'insertion » du chapitre 012 « Charges de personnel » du budget principal de la commune pour l’exercice 2011 et une prévision de recettes de même montant à l’article 6419 « Remboursements sur rémunération » du chapitre 03 « Atténuation de charges » marqueraient l'accord implicite du conseil municipal pour la rémunération des contrats aidés ;

Attendu que la disponibilité des crédits pour payer les rémunérations litigieuses ne prouve aucunement qu’elles étaient dues en l’absence d’une délibération explicite du conseil municipal créant les emplois ou autorisant les recrutements en cause ; que ce deuxième moyen manque également en droit ;

Attendu que la requérante met enfin en avant les remboursements « par l’Etat », à hauteur de 86 206,09  en 2011, des rémunérations versées par la commune la même année ; qu’elle produit des bordereaux montrant l’encaissement de 26 titres de recettes, émis entre le 11 février et le 31 décembre 2011, pour le total précité de 86 206,09 , imputé sur l’article 6419 « Remboursements sur rémunération » ;

Attendu que les salaires bruts versés en 2011 s’élèvent à 91 794,39  ; que selon les 20 « contrats d’insertion unique – convention entre le conseil général, l’employeur et le salarié ou l’Etat, l’employeur et le salarié » produits à l’appui des paiements litigieux, sans précision sur le co-contractant de la commune et du salarié, Etat ou bien département, ils devaient être remboursés au taux de 105 % fixé par le préfet de région ; que les remboursements au titre des salaires et des charges payés en 2011 auraient donc dû s’élever à 96 384,11  ;

Attendu que les remboursements mis en avant par la requérante ont été versés, d’une part, par l’agence de service et de paiement (ASP) Lorraine, avec le libellé « Remboursement CUI CAE », d’autre part par la caisse d’allocations familiales (CAF) des Vosges », avec les libellés « Remboursement CAF CAE CUI » ou bien « Remboursement CAF CAE » à hauteur de respectivement 75 218,34 € et 10 987,75  ;


Attendu que les rémunérations payées et les titres émis pour des remboursements par l’ASP Lorraine et par la CAF des Vosges se décomposent en 2011, mois par mois, finalement ainsi :

Mois

Rémunérations nettes

Rémunérations brutes

Remboursements

totaux

par l’ASP

par la CAF

Janvier

5 274,12 €

6 396,03 €

 

 

 

Février

5 172,45 €

6 272,73 €

7 752,68 €

7 752,68 €

 

Mars

5 642,76 €

6 843,11 €

4 281,13

2 870,20 €

1 410,93 €

Avril

6 787,28 €

8 231,10 €

1 635,37 €

210,74 €

1 424,63 €

Mai

6 496,02 €

7 877,88 €

9 736,27 €

9 736,27 €

 

Juin

6 538,15 €

7 929,00 €

-

 

 

Juillet

7 037,59 €

8 534,70 €

15 932,78 €

14 850,61 €

1 082,17 €

Août

6 308,11 €

7 650,00 €

7 582,15 €

7 582,15 €

 

Septembre

6 450,38 €

7 822,53 €

-

 

 

Octobre

6 647,02 €

8 061,03 €

11 997,50 €

11 997,50 €

 

Novembre

5 678,55 €

6 886,50 €

-

-

 

Décembre

7 660,31 €

9 289,78 €

27 288,21 €

20 218,19 €

7 070,02 €

Totaux

75 692,74 €

91 794,39 €

86 206,09 €

75 218,34 €

10 987,75 €

 

Attendu que l’appelante émet l’hypothèse que « la différence entre les sommes reçues en remboursement [86 206,09 €] et les salaires bruts versés [91 794,39 €] » s’explique par « un décalage de temps entre les paiements et les remboursements. En janvier 2011, il a été remboursé des sommes correspondant à des salaires de 2010. Le remboursement des salaires de décembre 2011 ne s’est effectué qu’en 2012 » ;

Attendu que, même sous cette hypothèse, les remboursements de 86 206,09 € invoqués par l’appelante ne peuvent être précisément rapprochés de manière certaine ni avec la totalité des rémunérations payées ni même avec une partie d’entre elles ;

Attendu en effet qu’aucune pièce produite par l’appelante ne permet de savoir quelles ont été les rémunérations remboursées, faute d’indication sur le ou les titulaires de ces rémunérations et sur la ou les périodes en cause ;

Attendu que l’appelante n’apporte donc pas la preuve que toute ou partie de la somme de 86 206,09 peut être considérée comme ayant réduit en tout ou en partie le montant du préjudice de 75 692,74 causé à la commune par son manquement ; que par conséquent son troisième moyen manque en fait ;

Par ces motifs,

 

DECIDE :

 

Article uniqueLa requête de Mme X est rejetée.

 

 

Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents : par M. Jean-Philippe VACHIA, président de chambre, présidant de la formation, Mme Anne FROMENT-MEURICE, présidente de chambre maintenue en activité, MM. Gérard GANSER, Franc-Gilbert BANQUEY, Jean-Yves BERTUCCI, Noël DIRICQ, et Francis CAHUZAC, conseillers maîtres.

En présence de Mme Annie LE BARON, greffière de séance.

 

 

 

 

 

 

Annie LE BARON

 

 

 

 

 

 

 

Jean-Philippe VACHIA

 

 

 

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-16 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au paragraphe I de l’article R. 142-15 du même code.

 

 

 

 

 

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