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CINQUIEME CHAMBRE

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Première section

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Arrêt n° S 2016-3875

 

Audience publique du 29 novembre 2016

 

Prononcé du 19 décembre 2016

 

GROUPEMENT D’INTERET PUBLIC « ENFANCE EN DANGER »

 

 

Exercices 2010 à 2013

 

Rapport n° R 2016-0988-1

 

 

 

 

République Française,

Au nom du peuple français,

 

La Cour,

 

 

Vu le réquisitoire en date du 15 janvier 2016, par lequel le Procureur général près la Cour des comptes a saisi la cinquième chambre de la Cour des comptes de présomptions de charges, en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de Monsieur X, agent comptable du Groupement d’intérêt public « enfance en danger » (GIPED), au titre d’opérations relatives aux exercices 2010 à 2013, notifié le 27 avril 2016 au comptable concerné et à la présidente, le 7 juin 2016 à la directrice générale ;

Vu les comptes rendus en qualité de comptable du GIPED par Monsieur X, agent comptable du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013 ;

Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique alors en vigueur et le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifiée dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificatives pour 2011 ;

Vu les lois et règlements relatifs à la comptabilité des groupements d’intérêt public ;

Vu les arrêtés du Premier président de la Cour des comptes n° 14-974 du 17 décembre 2014 et n° 15-688 du 17 décembre 2015 portant répartition des attributions entre les chambres de la Cour des comptes ;

Vu les lettres, en date du 22 avril 2016 et du 6 juin 2016, de notification du réquisitoire ;

Vu les observations en réponse au réquisitoire adressées par l’agent comptable le 18 mai 2016 et par la présidente le 23 mai 2016 ;

Vu le cautionnement de l’agent comptable, M. X ;

Vu le rapport à fin d’arrêt de Madame Hélène Gadriot-Renard, conseiller maître, magistrate chargée de l’instruction et les pièces jointes au rapport ;

Vu les conclusions du Procureur général ;

Entendu lors de l’audience publique du 29 novembre 2016 Madame Hélène Gadriot-Renard, conseiller maître en son rapport, M. Frédéric Guthmann, substitut général, en les conclusions du ministère public ;

Entendu en délibéré M. Francis Cahuzac, conseiller maître, en ses observations ;

 

Sur la présomption de charge unique soulevée à l’encontre de Monsieur X, au titre des exercices 2010 à 2013

Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la cinquième chambre de la Cour des comptes de la responsabilité encourue par Monsieur X à raison d’un défaut de contrôle de l'exactitude des calculs de liquidation, pendant les exercices 2010 à 2013, ayant conduit à des paiements irréguliers, le versement à des agents du GIP «Enfance en danger » d’une prime annuelle, dont le principe et les modalités de liquidations sont prévus à l’article  31 du cadre d'emploi du personnel, ayant été effectué au taux prévu mais sur une base inappropriée ;

Attendu quen réponse au réquisitoire, le comptable indique que le calcul de la prime annuelle est prévu par l’article 31 du cadre d’emploi du GIPED, qui stipule que la base de calcul de la prime comprend la rémunération contractuelle à l’exclusion des autres primes ; qu’il affirme que l’indemnité d’astreinte est prévue au contrat des salariés du GIP bénéficiaires de la prime annuelle et explique n’avoir pas rejeté les mandatements de prime annuelle dont la base comprend l’indemnité d’astreinte puisque, soutient-il, celle-ci est un élément de la rémunération contractuelle ; qu’il considère que cette interprétation est conforme aux règles prévues par l’article 31 du cadre d’emploi, dont il reconnaît néanmoins que la rédaction n’est pas suffisamment explicite puisque la mention sur les exclusions de primes n’indique pas le caractère non contractuel de celles-ci ; qu’il assure toutefois avoir respecté la volonté de l’ordonnateur, « qui souhaitait que toute la rémunération contractuelle fasse partie de l’assiette de calcul de la prime annuelle » ;

Attendu qu’en réponse au réquisitoire, la présidente du GIPED indique que la prime d’astreinte est indissociable du salaire mensuel contractuel ;

 

Attendu que, dans ses conclusions, le Procureur général, expose que les termes de l'article 31 du cadre d'emploi définissant la prime annuelle sont explicites : « Le salaire de base est le salaire mensuel contractuel et ne comprend pas les heures supplémentaires, les primes ou tout autre élément de rémunération » ; que les contrats de travail font référence à la grille des rémunérations de 1'organisme, à la correspondance de la rémunération à l'indice brut de la fonction publique et au montant y afférent à la date d'établissement du contrat libellé en euros ; que les stipulations relatives à l'indemnité d’astreinte sont clairement identifiées dans un paragraphe distinct de celui consacré aux rémunérations ; que l'article 31 du cadre d'emploi exclut clairement ce type d'élément de rémunération de la base de liquidation de la prime annuelle ;

 

 

 

Attendu que le cadre d'emploi des personnels du groupement d'intérêt public « Enfance en danger » prévoit en son article 31 le versement d’une prime annuelle « payable semestriellement avec les salaires bruts de juin et de décembre », « à tous les agents ayant six mois de présence » ; que cette prime est égale « lors de chaque versement, à 40 % de la moyenne du salaire contractuel sur les 6 mois précédents le versement », étant précisé que  « le salaire de base est le salaire mensuel contractuel et ne comprend pas les heures supplémentaires, les primes ou tout autre élément de rémunération » ;

Attendu que la rédaction des contrats de travail des cinq agents concernés distingue clairement entre la rémunération et l’indemnité d’astreinte ; que la première est fixée en fonction de la grille des rémunérations figurant en annexe 1 du cadre d’emploi et par référence à la grille indiciaire de la fonction publique ; que, conformément à l’article 31 du cadre d’emploi, l’article des contrats concernant la rémunération se conclut ainsi : « la rémunération fixée ci-dessus est exclusive de toute autre indemnité que celles spécifiées dans le cadre d’emploi, sous réserve du versement des indemnités représentatives de frais (…) » ; que, de surcroît, dans les quatre contrats les plus anciens, le paiement des astreintes fait l’objet d’un paragraphe à part : il est forfaitaire jusqu’au 31 décembre 2007, puis mensuel en fonction des heures effectives d’astreinte, « au taux horaire brut précisé dans la grille de rémunération (…), et qui évoluera avec l’augmentation du point de la fonction publique » ; quenfin, le contrat du cinquième agent, rédigé en 1990, alors que l’indemnité d’astreinte était forfaitaire, indique que « le salaire mensuel brut pour 152 heures est de 2 677,84 €, la prime d’astreinte mensuelle a été fixée à 321,56 € et ne sera pas due en cas d’absence prolongée (plus d’un mois). En outre, une prime annuelle correspondant à 80% du salaire mensuel est versée en deux fois en juin et décembre de chaque année » ; que ces rédactions montrent clairement que la prime dastreinte n’est pas considérée comme un élément du salaire mensuel ; qu’il apparaît en conséquence sans ambiguïté que l’indemnité d’astreinte, qui est versée en fonction des heures effectives d’astreinte, ne peut être considérée comme un élément du salaire contractuel, mais constitue bien un élément complémentaire de rémunération ; qu’ainsi, aux termes de l’article 31 du cadre d’emploi, elle n’est pas un élément constitutif du salaire de base et ne doit donc pas être intégrée dans l’assiette de calcul de la prime annuelle ;

Attendu que la volonté de l’ordonnateur, telle qu’exprimée par le comptable dans sa réponse au réquisitoire, n'autorise pas ce dernier à payer une prime ou une indemnité en méconnaissance du cadre d’emploi ou des stipulations contractuelles ;

Attendu qu’entre 2010 et 2013, le comptable a donc procédé au paiement de cette prime en appliquant le taux de la prime annuelle sur une base injustifiée comprenant le complément de salaire de la prime d’astreinte des cadres, « versée aux cadres du SNATED pour rétribuer les heures durant lesquelles ils sont considérés d'astreinte » ; que la différence sur la prime annuelle constatée entre le montant de la base prévue au cadre d'emploi et celle effectivement liquidée et payée aux agents en y ajoutant la prime d'astreinte s'établit comme suit :

CHARGE UNIQUE

Exercice

Montant en € du trop versé sur la prime annuelle

2010

2 102,12

2011

1 485,80

2012

1 622,18

2013

1 680,52

TOTAL

 

6 890,62

 

 

Attendu que si le paiement de la prime en cause était prévu par le cadre d’emploi du GIPED, en revanche son calcul sur une base injustifiée comprenant la prime d’astreinte des cadres a abouti à un trop-versé pour les personnels concernés ; qu’ainsi le comptable a manqué à ses obligations de contrôle  prescrites par l’article 13 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique pour les exercices 2010 à 2012, et par l'article 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable pour l'exercice 2013 ; qu’il y a lieu de considérer que le manquement du comptable a causé un préjudice financier, au sens des dispositions du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février susvisée au Groupement d’intérêt public « enfance en danger »;

Attendu qu’aux termes du même article, « lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’ainsi il y a lieu de constituer Monsieur X débiteur du Groupement d’intérêt public « enfance en danger » pour la somme de 2 102,12 € sur l’exercice 2010, de 1 485,8 € sur l’exercice 2011, de 1 622,18 € sur l’exercice 2012, de 1 680,52 € sur l’exercice 2013 ;

Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 27 avril 2016, date de réception du réquisitoire par Monsieur X ;

Attendu qu’au cours de l’instruction le comptable a indiqué qu’un contrôle sélectif de la dépense avait été mis en place au GIPED en octobre 2013 ; que, toutefois, le document transmis par le comptable et présenté par lui comme constituant les règles de contrôle sélectif des dépenses n’est ni signé ni daté ; que, dès lors, il ne peut être retenu comme valant contrôle sélectif des dépenses ;

 

Par ces motifs,

 

DÉCIDE :

Présomption de charge unique, exercices 2010, 2011, 2012 et 2013

 

Article 1. – Monsieur X est constitué débiteur du Groupement d’intérêt public « enfance en danger » au titre de l’exercice 2010 pour la somme de 2 102,12 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 27 avril 2016.

Les paiements n’entraient pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif.

Article 2. – Monsieur X est constitué débiteur du Groupement d’intérêt public « enfance en danger » au titre de l’exercice 2011 pour la somme de 1 485,8 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 27 avril 2016.

Les paiements n’entraient pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif.

Article 3. – Monsieur X est constitué débiteur du Groupement d’intérêt public « enfance en danger » au titre de l’exercice 2012 pour la somme de 1 622,18 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 27 avril 2016.

Les paiements n’entraient pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif.

Article 4. – Monsieur X est constitué débiteur du Groupement d’intérêt public « enfance en danger » au titre de l’exercice 2013 pour la somme de 1 680,52 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 27 avril 2016.

Les paiements n’entraient pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif.

 

Article 5. –  La décharge de Monsieur X ne pourra être donnée qu’après apurement des débets fixés ci-dessus.

 

 

Fait et jugé par M. Pascal DUCHADEUIL président de la cinquième chambre, présidant la séance, M. Philippe HAYEZ, président de section, Mme Anne FROMENT-MEURICE, présidente de chambre maintenue en activité, MM. Franc-Gilbert BANQUEY, Pierre JAMET, Francis CAHUZAC, Yves ROLLAND, Mme Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS conseillers-maîtres.

 

En présence de Mme Valérie Guedj, greffière de séance.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Valérie GUEDJ

 

 

 

 

 

 

 

Pascal DUCHADEUIL

 

 

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-16 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-15 du même code.

 

 

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