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SEPTIÈME CHAMBRE ------- Formation Plénière ------- Arrêt n° S2016-0092
Audience publique du 1er décembre 2015
Prononcé du 15 janvier 2016 | CHAMBRE REGIONALE D’AGRICULTURE DE PICARDIE
Exercices 2008 à 2010
Rapport n° 2015-260-0
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République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu le réquisitoire à fin d’instruction de charges n° 2014-28 RQ-DB du 4 mars 2014, par lequel le Procureur général près la Cour des comptes a saisi la septième chambre de la Cour d’une présomption de charges soulevée à l’encontre de Mme X, agent comptable de la Chambre régionale d’agriculture de Picardie, au titre d’opérations relatives aux exercices 2008 à 2010, notifié le 27 mars 2014 au comptable concerné et au président de la chambre régionale d’agriculture ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable de la Chambre régionale d’agriculture de Picardie, au titre des exercices 2008 à 2010 par Mme X, en fonctions du 1er janvier 2008 au 22 décembre 2010 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963, dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code rural et de la pêche maritime, ainsi que les lois, décrets et règlements sur la comptabilité des établissements publics nationaux à caractère administratif et les textes spécifiques applicables aux chambres d’agriculture ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, alors en vigueur ;
Vu l’ordonnance n° 70936 du 16 septembre 2014 de la Présidente de la septième Chambre constatant la décharge de Mme X du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2007 ;
Vu les autres pièces du dossier et notamment les lettres de Mme X, du 5 avril 2014 et de M. Y, président de la chambre régionale d’agriculture, du 18 avril 2014, en réponse au réquisitoire du 4 mars 2014 ;
Vu le rapport n° 2015-260-0 de Mme Florence Legrand, conseillère référendaire ;
Vu les conclusions n° 746 du 18 novembre 2015 du Procureur général près la Cour des comptes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Entendu, lors de l’audience publique du 1er décembre 2015, Mme Legrand, conseillère référendaire, en son rapport, Mme Loguivy Roche, avocat général, en les conclusions du ministère public, le comptable et le président de l’établissement n’étant ni présents, ni représentés ;
Entendu en délibéré M. Jacques Basset, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;
Sur la présomption de charge unique
Attendu qu’aux termes du réquisitoire susvisé, Mme X a procédé au versement d’indemnités de frais de mandat au président de la chambre d’agriculture et au paiement d’un hébergement de site web (mandat n°246) en exécution des mandats suivants :
MANDAT | MONTANT (€) |
N° 245 du 23/06/2008 | 1 085,58 |
N° 348 du 23/09/2008 | 1 103,08 |
N° 488 du 16/12/2008 | 1 103,08 |
TOTAL 2008 | 3 291,74 |
N° 92 du 24/03/2009 | 1 103,08 |
N° 204 du 23/06/2009 | 1 103,08 |
N° 300 du 21/09/2009 | 1 114,20 |
N° 442 du 17/12/2009 | 1 114,20 |
N° 246 du 27/07/2009 | 705,64 |
TOTAL 2009 | 5 140,20 |
N° 96 du 23/03/2010 | 1 114,20 |
N° 252 du 21/06/2010 | 1 114,20 |
N° 404 du 20/09/2010 | 1 119,85 |
N° 594 du 17/12/2010 | 1 119,85 |
TOTAL 2010 | 4 468,10 |
Attendu que ces mandats ont été signés par M. Z, en qualité d’ordonnateur suppléant ; que selon les termes du réquisitoire, M. Z, désigné ordonnateur suppléant le 16 mars 2007, n’était plus habilité à exercer cette fonction en 2008, 2009 et 2010, « à défaut de renouvellement de cette désignation » ; qu’ainsi les paiements en cause « sont présomptifs d’irrégularités susceptibles de fonder la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X», celle-ci n’ayant pas exercé les contrôles prévus aux articles 12 et 13 du décret n°62-1587 du 29 décembre 1962, notamment le contrôle « de la qualité de l’ordonnateur » ;
Attendu que Mme X soutient, en réponse au réquisitoire, qu’elle a bien exercé les contrôles prévus, en faisant application notamment de l’article 2 du décret n°2007-345 du 14 mars 2007, publié au Journal officiel du 16 mars 2007 ; que ledit décret, publié le jour même de l’élection de M. Z en qualité d’ordonnateur suppléant, autorisait la désignation des ordonnateurs suppléants « au maximum pour la durée du mandat » et non plus « au début de chaque exercice » ;
Attendu que selon l’article 1er du code civil, « Les lois et, lorsqu'ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication » ;
Attendu qu’il est cependant admis que des mesures réglementaires soient prises pour l’application d’une disposition existante, mais non encore publiée, dès lors que ces mesures n’entrent pas elles-mêmes en vigueur avant que la disposition sur laquelle elles se fondent ait été régulièrement rendue opposable aux tiers ;
Attendu que la disposition selon laquelle M. Z était fondé à poursuivre son mandat d’ordonnateur suppléant au-delà de la fin de l’exercice 2007 n’a, par définition, commencé à s’appliquer qu’en 2008, soit postérieurement à l’entrée en vigueur du décret du 14 mars 2007 ;
Attendu que la délibération par laquelle M. Z a été élu ordonnateur suppléant le 16 mars 2007 lors de la session d’installation de la chambre régionale d’agriculture, sans mention de la durée de son mandat, était régulière puisqu’elle ne contrevenait ni aux dispositions du code antérieures à l’entrée en vigueur du décret du 14 mars 2007, ni à celles issues de ce texte réglementaire ;
Attendu que l’assemblée délibérante avait connaissance des dispositions dudit décret lorsqu’elle a délibéré le 16 mars 2007, ainsi qu’en atteste le procès-verbal de la session qui mentionne explicitement l’existence de ce décret, après mention de l’annexe IV : « suite au décret sur la nouvelle réglementation des Chambres d’Agriculture » ;
Attendu que ladite assemblée a pu, dès lors, ne pas juger nécessaire de confirmer la poursuite du mandat d’ordonnateur suppléant de M. Z, lors de la session du 7 avril 2008 et ultérieurement, jusqu’au terme de la mandature ;
Attendu que l’agent comptable a pu estimer valablement, en exerçant le contrôle de la qualité de l’ordonnateur entre 2008 et 2010, que l’application combinée de la délibération du 16 mars 2007 et de l’article D. 511-73 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version issue du décret du 14 mars 2007, donnait compétence à M. Z pour signer les mandats en remplacement de l’ordonnateur ;
Attendu, au surplus, que la fonction de premier vice-président était simultanément exercée par M. Z depuis le 16 mars 2007, ainsi qu’en témoigne le procès-verbal de la session d’installation tenue ce jour ;
Attendu qu’en application de l’article D. 511-65 du code rural et de la pêche maritime « le premier vice-président supplée le président en cas de démission, d’empêchement ou de décès » ; que l’article 6 du décret n°62-1587 du 29 décembre 1962, applicable à l’époque des faits, confirmait que les ordonnateurs pouvaient « déléguer leurs pouvoirs ou se faire suppléer en cas d’absence ou d’empêchement », au nom du principe de continuité du service public ;
Attendu que le contrôle du comptable, au titre de la légalité externe de la pièce justificative, doit reposer sur une appréciation directe de l’illégalité, et particulièrement de l’incompétence du signataire de l’acte, excluant toute construction juridique qui relèverait de la compétence du juge administratif ;
Attendu que le comptable doit en conséquence, en particulier lorsqu’une autorité exerce à titre exceptionnel une compétence dans des conditions déterminées, en cas notamment d’absence ou d’empêchement de son titulaire, présumer que ces conditions sont remplies, sauf à ce que le juge financier puisse établir qu’il ne pouvait ignorer que ce n’était pas le cas ;
Attendu que pour la signature des mandats relatifs aux indemnités du président de la chambre d’agriculture, la doctrine a longtemps prévalu que le président se trouvait en situation d’empêchement ; qu’au demeurant la seule absence de l’ordonnateur pouvait justifier l’intervention de l’ordonnateur suppléant éventuellement désigné, conformément aux dispositions de l’article D. 511-79 précité, ou, à défaut, du premier vice-président, conformément à l’article D. 511-65 susmentionné ;
Attendu dès lors qu’il n’y a pas lieu d’engager la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X du chef de cette présomption ;
Attendu qu’il ne subsiste aucune charge à l’encontre de Mme X ;
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1er : Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de Mme X au titre des exercices 2008 à 2010.
Article 2 : Mme X déchargée de sa gestion pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, date de sa sortie de fonctions.
Article 3 : Mme X est déclarée quitte et libérée de sa gestion terminée le 31 décembre 2010.
Mainlevée peut être donnée et radiation peut être faite de toutes oppositions et inscriptions mises ou prises sur ses biens meubles et immeubles ou sur ceux de ses ayants cause pour sûreté de ladite gestion et son cautionnement peut être restitué.
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Fait et jugé par Mme Evelyne Ratte, Présidente de chambre, MM. Paul-Henri Ravier, Jean-Marie Le Méné, Antoine Guéroult, Damien Cazé, Jacques Basset, Eric Thévenon et Mme Marie-Ange Mattei, conseillers maîtres.
En présence de Mme Valérie Guedj, greffière de séance.
Valérie GUEDJ |
Evelyne RATTE |
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-16 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au paragraphe I de l’article R. 142-15 du même code.
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