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$BANDEAU$

QUATRIEME CHAMBRE

                  --------

       Première section

 

Arrêt n° S 2016-3863

 

Audience publique du 1er décembre 2016

 

Prononcé du 15 décembre 2016

 

AGENCE POUR LA MISE EN VALEUR DES ESPACES URBAINS DE LA ZONE DITE DES CINQUANTE PAS GEOMETRIQUES DE LA GUADELOUPE

Exercice 2013

Rapport n° 2016- 1143

 

 

République française,

 

Au nom du peuple français

 

 

La Cour,

 

 

Vu le réquisitoire n° 2015-95 RQ-DB du 2 novembre 2015 par lequel le Procureur général près la Cour des comptes a saisi la juridiction d’une présomption de charge soulevée au titre de l’exercice 2013 à l’encontre de M. X, agent comptable de l’Agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite « des cinquante pas géométriques de la Guadeloupe » ;

 

Vu les comptes rendus en qualité de comptable de l’Agence, par M. X ;

 

Vu le code des juridictions financières ;

 

Vu l'article 60 modifié de la loi n° 63-156 du 23 février 1963, dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi  2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

 

Vu la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d’outre-mer, et le décret n° 98-1081 du 30 novembre 1998 pris pour l’application des articles 4 à 7 de la loi ;

 

Vu les lois et règlements relatifs à la comptabilité publique des établissements publics nationaux à caractère industriel et commercial ;

 

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée relative aux relations entre l’administration et les usagers, notamment son article 37-1 ;

 

Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

 

Vu les lettres du 18 janvier 2016 transmettant le réquisitoire au comptable concerné et à la directrice générale de l’agence, ainsi que leurs accusés réception respectivement en date du 21 janvier et du 22 janvier 2016 ;

 

Vu les autres pièces du dossier, notamment le courriel de M. X du 29 novembre 2016, reçu après la clôture de l’instruction intervenue le 22 septembre 2016 ;

 

Vu le rapport de M. Rainier d’Haussonville, conseiller référendaire ;

 

Vu les conclusions du Procureur général n° 644 du 4 octobre 2016 ;

 

Entendu, lors de l’audience publique du 1er décembre 2016, M. d’Haussonville, en son rapport, M. Michaut, avocat général, en ses conclusions, l’agent comptable et l’ordonnateur, préalablement informés de l’audience, n’étant ni présents ni représentés ;

 

Entendu en délibéré Monsieur Olivier Ortiz, conseiller maître, en ses observations ;

 

Attendu que le réquisitoire susvisé fait grief à M X d’avoir payé en 2013 au directeur général de l’agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques de Guadeloupe, sur la base du mandat  846, accompagné d’un bulletin de paie, la somme de 14 267,03  au titre d’une indemnité compensatrice de congés payés non pris avant la mise à la retraite de l’intéressé le 16 décembre 2013 ;

 

Attendu que l’agent comptable fait valoir que le paiement est intervenu le 15 décembre 2013 avant les fêtes de fin d’année, et reconnaît avoir manqué de vigilance ; qu’il indique que sur sa demande, l’ordonnateur a émis le 11 octobre 2016 un titre de recette à l’encontre de l’ancien directeur général de l’agence en vue du reversement de l’indemnité précitée ;

 

Sur l’existence d’un manquement

 

Attendu qu’en vertu de l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963, la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics se trouve engagée dès lors notamment qu’une dépense a été irrégulièrement payée ; que les comptables publics sont, dans les conditions fixées par les lois de finances, personnellement et pécuniairement responsables de l’exercice régulier des contrôles qui leur incombent ; qu’ils sont tenus d’exercer, en matière de dépenses, le contrôle de la validité de la créance, lequel porte sur la justification du service fait et l’exactitude des calculs de liquidation, l’intervention préalable des contrôles réglementaires et la production des justifications ;

 

Attendu qu’à ce titre, il leur revient d’apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée ; que pour établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l’ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en deuxième lieu, si ces pièces sont, d’une part, complètes et précises, d’autre part, cohérentes au regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable et de la nature et de l’objet de la dépense telle qu’elle a été ordonnancée ; qu’enfin, lorsque les pièces justificatives fournies sont insuffisantes pour établir la validité de la créance, il appartient aux comptables de suspendre le paiement jusqu’à ce que l’ordonnateur leur ait produit les justifications nécessaires ;

Attendu que le versement d’indemnités compensatrices de congés payés au directeur général de l’agence est soumis aux règles encadrant la rémunération des dirigeants des établissements publics à caractère industriel et commercial ; qu’en vertu de l’article 3 du décret  53-707 modifié, les éléments de la rémunération et de la cessation d’activité des dirigeants des établissements publics à caractère industriel et commercial doivent être fixés ou approuvés par décision conjointe du ministre chargé des finances et des ministres exerçant la tutelle de l’établissement ; que la décision ministérielle du ministre chargé des finances, du secrétaire d’Etat chargé de l’outre-mer et de la secrétaire d’Etat chargée du logement, qui a fixé en 2001 la rémunération du directeur général de l’agence, dispose que cette dernière « est soumise aux règles applicables aux émoluments de l’ensemble des dirigeants d’entreprises publiques et mentionnées en annexe à la présente lettre » ; que son annexe prévoit que la rémunération du directeur général de l’agence est « exclusive de toute indemnité ayant pour objet la compensation de congés payés non pris au terme de la période durant laquelle ils devaient être pris », sauf «  par exception pour les congés non pris du fait de l’interruption du mandat ou pour une raison de force majeure » susceptibles alors d’être compensés par une indemnité ;

 

Attendu que l’ancien directeur général de l’établissement public, intéressé à l’instance en tant que bénéficiaire des paiements n’est pas partie à celle-ci ; que cependant, l’ordonnateur actuel, après avoir confirmé les indications données par l’agent comptable, a transmis à la Cour les éléments rassemblés par son prédécesseur ; que ce dernier regarde comme constitutifs de force majeure le fait de n’avoir pas été maintenu en activité au-delà de la limite d’âge ainsi que le refus de prolonger son mandat de directeur général, ces circonstances l’ayant conduit à prendre dans l’urgence des mesures destinées à assurer le fonctionnement de l’agence sans pouvoir, compte tenu des délais qui lui avaient été ménagés, procéder à la régularisation de sa situation au regard de ses droits à congés payés ;

 

Attendu, toutefois, que la circonstance consistant dans le fait pour un agent de n’avoir pas été maintenu dans ses fonctions ne présente pas de caractère d’imprévisibilité et d’irrésistibilité, la décision de l’autorité compétente revêtant dans ce domaine un caractère discrétionnaire ; qu’au surplus les circonstances du départ de l’ancien directeur général bénéficiaire de cette indemnité ne sont appuyées d’aucune pièce ;

 

Attendu que le comptable n’a pas exercé correctement le contrôle de la production des justifications et de la validité de la créance ; qu’en l’absence de production de justifications suffisantes, il aurait dû suspendre le paiement et informer l’ordonnateur ; qu’ainsi la dépense en cause a été irrégulièrement payée ; qu’il y a lieu, en conséquence, de mettre en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X ;

 

Sur le préjudice financier pour l’établissement

 

Attendu que le versement d’une indemnité dans un cas non prévu par le texte qui l’institue constitue une dépense indue entraînant un préjudice pour la personne publique ;

 

Attendu que la demande amiable de paiement adressée à l’ancien directeur général n’ayant pas abouti, l’agent comptable a adressé le 14 novembre 2016 à celui-ci une lettre de rappel avant poursuites ; que ces actions sont, toutefois, sans effet sur le jugement des comptes de l’agent comptable du fait du non-recouvrement, à la date du délibéré, de l’indemnité irrégulièrement versée ;

 

Attendu qu’il y a lieu, en conséquence, de constituer en débet M. X de la somme de 14 267,03  au titre de l’exercice 2013, augmentée des intérêts de droit à compter du 21 janvier 2016, date de réception du réquisitoire par le comptable ; qu’un éventuel recouvrement de tout ou partie de l’indemnité en cause s’imputera sur le montant du débet prononcé ;

Attendu que l’agent comptable n’était pas soumis à l’application de règles du contrôle sélectif de la dépense ;

 

 

Par ces motifs,

 

DECIDE :

 

Article 1er : M. X est constitué débiteur de l’agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques de la Guadeloupe de la somme de 14 267,03  (charge unique, exercice 2013), augmentée des intérêts de droit à compter du 21 janvier 2016.

 

Article 2 : Aucun plan de contrôle sélectif de la dépense n’a été soumis pour l’exercice 2013.

 

Article 3 : La décharge de M. X ne pourra être donnée pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 qu’après apurement du débet fixé à l’article 1er ci-dessus.

 

 

Fait et jugé par M. Yves Rolland, président de section, président de séance ; MM. Noël Diricq, Francis Cahuzac, Olivier Ortiz, conseillers maîtres et Mme Isabelle Latournarie-Willems, conseillère maître.

 

En présence de Mme Marie-Hélène PARIS-VARIN, greffière de séance.

 

 

 

 

 

 

 

 

Marie-Hélène PARIS-VARIN

 

 

 

 

 

 

 

 

Yves ROLLAND

 

 


 

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

 

 

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-16 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-15 du même code.

 

 

 

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