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DEUXIEME CHAMBRE ------- Quatrième section ------- Arrêt n° S 2016-0997
Audience publique du 29 février 2016
Prononcé du 13 avril 2016 | OFFICE NATIONAL D’ETUDES ET DE RECHERCHES AEROSPATIALES (ONERA)
Exercice 2008
Rapport n° 2015-0807 |
République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu le réquisitoire à fin de charges n° 2014-134 RQ-DB du 17 décembre 2014, notifié le 19 décembre 2014, dont M. X a accusé réception le 20 décembre 2014 ;
Vu les comptes rendus pour l’exercice 2008 par M. X ;
Vu les procès-verbaux et autres pièces de remise de service entre les comptables, notamment les procurations des comptables successifs ;
Vu les pièces produites à l’appui de ces comptes ou recueillies lors de l’instruction ;
Vu le code de la défense ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l'article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu les lois et règlements applicables à la comptabilité des comptables du Trésor, la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, applicable au moment des faits ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances pour 1963 modifiée dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificatives pour 2011 ;
Vu l’arrêté du 4 mars 1981 portant règlement financier et comptable de l’office national d’études et de recherches aérospatiales ;
Vu l’instruction codificatrice n° 02-060-M95 du 18 juillet 2002 portant réglementation budgétaire, financière et comptable des établissements publics nationaux à caractère industriel et commercial ;
Vu la nomenclature des pièces justificatives spécifique à l’ONERA, en date du 15 juin 2007 ;
Vu les observations du 13 février 2015 de M. Y agissant par délégation de pouvoir de M. X en date du 7 janvier 2015 ;
Vu le rapport à fin d’arrêt n° 2015-0807 de M. Pierre ROCCA ;
Vu les conclusions du Procureur général ;
Entendus en audience publique, M. ROCCA, conseiller maître, en son rapport, M. Hervé ROBERT, substitut général, en les conclusions du ministère public, M. X n’étant ni présent ni représenté ;
Ayant délibéré hors la présence du rapporteur et du ministère public et après avoir entendu M. Olivier MOUSSON, conseiller maître, en ses observations ;
Présomption de charge n° 1 : Subventions
Bénéficiaire | Montant | Objet | Référence du mandat |
Société française d’optique | 1 500 | Conférence scientifique | CEN-1843-2008/9300 du 6/10/2008 |
Nice Acropolis | 1 500 | Conférence scientifique | CEN-65-2008/1312 du 7/3/2008 |
Ampère | 1 794 | Conférence scientifique | CEN-1362-2008/8538 du 23/07/2008 |
SEE | 2 000 | Prix scientifique | CEN-2860-2008/15369 du 7/1/2009 |
SFP | 1 500 | Conférence scientifique | CEN-765-2008/5663 du 21/05/2008 |
Attendu que dans son réquisitoire susvisé, le Procureur général a relevé qu’en payant les cinq subventions visées dans le tableau ci-dessus, le comptable n’avait pas exercé les contrôles prévus et qu’il aurait notamment dû suspendre son paiement en l’absence d’une décision attributive de subvention ou d’une convention d’attribution conforme à la nomenclature spécifique de l’ONERA et comportant notamment l’objet, le bénéficiaire, les conditions d’utilisation, le montant et les modalités de versement de la subvention ; qu’en conséquence la responsabilité de M. Y pourrait être engagée ;
Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations
Sur le droit applicable
Attendu que selon la nomenclature des pièces justificatives de l’ONERA susvisée, les paiements de subvention devaient notamment être appuyés d’une « décision attributive et ses annexes financières éventuelles » ou d’une « convention d’attribution et ses annexes financières éventuelles » ; que cette nomenclature prévoit que « la décision ou la convention doit notamment préciser l’objet, le bénéficiaire, les conditions d’utilisation, le montant et les modalités de versement ainsi que, le cas échéant les modalités de reversement » ;
Attendu qu’aux termes de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable se trouve engagée « dès lors (…) qu'une dépense a été irrégulièrement payée » ;
Attendu que selon l’article 12 du décret du 29 décembre 1962 susvisé, « les comptables sont tenus d'exercer (…) B. - En matière de dépenses, le contrôle : de la validité de la créance dans les conditions prévues à l'article 13 ci-après » ; que selon l’article 13 du même texte, en ce qui concerne la validité de la créance, le contrôle porte notamment sur « la production des justifications » ;
Attendu que la responsabilité du comptable en matière de dépense s’apprécie au moment des paiements ;
Sur les faits
Attendu que le comptable a payé une subvention de 1 500 € à l’association Société française d’optique, en exécution du mandat CEN-1843-2008/9300 du 6 octobre 2008, une subvention de 1 500 € à l’association Nice Acropolis, en exécution du mandat CEN-65-2008/1312 du 7 mars 2008, une subvention de 2 000 € à l’association SEE, en exécution du mandat CEN-2860-2008/15369 du 7 janvier 2009, une subvention de 1 794 € à l’association AMPERE, en exécution du mandat CEN-1362-2008/8538 du 23 juillet 2008 et une subvention de 1 500 € à la SFP, en exécution du mandat CEN-765-2008/5663 du 21 mai 2008 sans disposer, ni d’une convention, ni d’un acte intitulé « décision » ;
Sur les éléments apportés à décharge
Attendu que le comptable fait valoir que la signature du président ou de ses délégataires sur la facture du bénéficiaire vaudrait décision ;
Sur l’application au cas d’espèce
Attendu que la nomenclature des pièces justificatives présente un caractère obligatoire ; que les comptables doivent exiger toutes les pièces prévues par la nomenclature et uniquement ces pièces ; que d’autres pièces, fussent-elles jugées équivalentes par l’ordonnateur ou le comptable, ne peuvent y être substituées ;
Attendu, sur la forme, que la nomenclature susvisée ne prévoit pas que le contreseing de l’ordonnateur sur une facture du bénéficiaire puisse s’identifier à l’acte décisionnel ou conventionnel expressément requis ; que, sur le fond, les factures contresignées par le délégataire de l’ordonnateur ne précisent pas, au-delà de l’objet, la définition par l’établissement des conditions d’utilisation de la subvention, contrairement aux dispositions de la nomenclature ; qu’ainsi ces pièces ne peuvent être tenues pour les décisions prévues par ladite nomenclature ; que le comptable a ainsi manqué au contrôle de la validité de la créance au regard de la production des justifications ; qu’il y lieu d’engager sa responsabilité à ce motif pour 2008 ;
Sur l’existence d’un préjudice financier pour l’ONERA
Attendu que les mentions portées sur les factures matérialisent en l’espèce l’intention de l’ordonnateur d’attribuer la subvention ; qu’ainsi la dépense ne peut être tenue pour indue à ce motif ; que le manquement n’a donc pas causé de préjudice financier à l’ONERA ;
Attendu qu’en application du paragraphe VI, alinéa 2, de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, lorsque le manquement du comptable n’a pas causé de préjudice financier, la juridiction peut obliger le comptable à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce ; que le montant maximal de cette somme est fixé par le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable ;
Attendu qu’il y a lieu en l’espèce de considérer qu’il s’agit d’un manquement unique sur un même exercice, même si plusieurs subventions ont été irrégulièrement payées ;
Attendu que le montant du cautionnement au moment des faits s’établissait à 196 400 € ; qu’en conséquence la somme maximale que la juridiction peut arrêter au titre de ce manquement s’élève à 294,60 € par exercice ;
Attendu qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en fixant à 290 € la somme non rémissible globalisée mise à la charge de M. X à ce motif, au titre de l’exercice 2008 ;
Attendu que dans son réquisitoire susvisé, le Procureur général a relevé le paiement d’une subvention de 35 880 € à l’Association nationale de la recherche technique (ANRT), en exécution du mandat CEN-1613-2008/9850 du 11 septembre 2008 et a estimé que cette dépense avait été irrégulièrement payée ; que cette irrégularité tenait au fait que le comptable n’avait pas exercé les contrôles prévus et qu’il aurait notamment dû suspendre son paiement en l’absence d’une décision attributive de subvention ou d’une convention d’attribution conforme à la nomenclature spécifique de l’ONERA et comportant notamment l’objet, le bénéficiaire, les conditions d’utilisation, le montant et les modalités de versement de la subvention ; qu’en conséquence la responsabilité de M. X pourrait être engagée ;
Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations
Sur le droit applicable
Attendu que selon la nomenclature des pièces justificatives de l’ONERA susvisée, les paiements de subvention devaient notamment être appuyés d’une « décision attributive et ses annexes financières éventuelles » ou d’une « convention d’attribution et ses annexes financières éventuelles » ; que cette nomenclature prévoit que « la décision ou la convention doit notamment préciser l’objet, le bénéficiaire, les conditions d’utilisation, le montant et les modalités de versement ainsi que, le cas échéant les modalités de reversement » ;
Attendu qu’aux termes de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable se trouve engagée dès lors qu'une dépense a été irrégulièrement payée ;
Attendu que selon l’article 12 du décret du 29 décembre 1962 susvisé, « les comptables sont tenus d'exercer (…) B. - En matière de dépenses, le contrôle : de la validité de la créance dans les conditions prévues à l'article 13 ci-après ; » ; que selon l’article 13 du même texte, en ce qui concerne la validité de la créance, le contrôle porte notamment sur « la production des justifications » ;
Attendu que la responsabilité du comptable en matière de dépense s’apprécie au moment des paiements ;
Sur les faits
Attendu qu’à l’appui du mandat de paiement sont produites une facture n° 080287 et une convention ;
Sur les éléments apportés à décharge
Attendu que le comptable fait valoir que la signature du président ou de ses délégataires sur la facture du bénéficiaire vaudrait décision ;
Sur l’application au cas d’espèce
Attendu que la nomenclature des pièces justificatives présente un caractère obligatoire ; que les comptables doivent exiger toutes les pièces prévues par la nomenclature et uniquement ces pièces ; qu’ainsi d’autres pièces, fussent-elles jugées équivalentes par l’ordonnateur ou le comptable, ne peuvent y être substituées ;
Attendu que la convention jointe au paiement prévoit pour 2007 un paiement de 35 880 € TTC et porte la mention « pour l’année 2008, il est envisagé que cette contribution soit maintenue au même niveau » ; que cette mention n’engage pas l’établissement et n’a donc pas de valeur juridique ; que la même nomenclature ne prévoit pas que le contreseing de l’ordonnateur sur une facture du bénéficiaire puisse s’identifier à l’acte décisionnel ou conventionnel expressément requis ; qu’ainsi séparément ou ensemble, ni la facture qui porte la mention « bon pour accord » de l’ordonnateur, ni la convention précitée ne précisent la définition par l’établissement des conditions d’utilisation de la subvention, contrairement aux dispositions de la nomenclature ; qu’ainsi, ces pièces ne peuvent être tenues pour les justifications prévues par ladite nomenclature en ce qui concerne les subventions ;
Attendu que le comptable a ainsi manqué au contrôle de la validité de la créance au regard de la production des justifications ; qu’il y a lieu d’engager sa responsabilité à ce motif, pour 2008 ;
Sur l’existence d’un préjudice financier pour l’ONERA
Attendu que la mention portée sur la facture matérialise en l’espèce l’intention de l’ordonnateur d’attribuer la subvention ; qu’ainsi la dépense ne peut être tenue pour indue à ce motif ; que le manquement n’a donc pas causé de préjudice financier à l’ONERA ;
Attendu qu’en application du paragraphe VI, alinéa 2, de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, lorsque le manquement du comptable n’a pas causé de préjudice financier, la juridiction peut obliger le comptable à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce ; que le montant maximal de cette somme est fixé par le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable ;
Attendu que le montant du cautionnement au moment des faits s’établissait à 196 400 € ; qu’en conséquence la somme maximale que la juridiction peut arrêter au titre de cette charge s’élève à 294,60 € ;
Attendu qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en fixant à 290 € la somme non rémissible mise à la charge de M. X à ce motif, au titre de l’exercice 2008 ;
Présomption de charge n° 2 : imputations erronées de dépenses
Attendu que dans son réquisitoire susvisé, le Procureur général a relevé le paiement de nombreuses dépenses mal imputées au regard du plan comptable général tel qu’adapté spécifiquement pour l’ONERA et a estimé que le comptable aurait donc dû suspendre son paiement au motif que l’imputation retenue par l’ordonnateur ne correspondait pas à la nature ou à l’objet de la dépense à payer ; qu’en conséquence la responsabilité de M. X pourrait être engagée ;
Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations
Sur le droit applicable
Attendu qu’aux termes de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable se trouve engagée « dès lors (…) qu'une dépense a été irrégulièrement payée » ;
Attendu que selon l’article 12 du décret du 29 décembre 1962 susvisé, « les comptables sont tenus d'exercer (…) B. - En matière de dépenses, (…) le contrôle de l'exacte imputation des dépenses aux chapitres qu'elles concernent selon leur nature ou leur objet » ;
Attendu que la responsabilité du comptable en matière de dépense s’apprécie au moment des paiements ;
Sur l’application au cas d’espèce
Attendu qu’en application de l’article 4 de l’arrêté du 4 mars 1981 susvisé, l’état prévisionnel des recettes et des dépenses de l’ONERA prévoit des dotations limitatives pour les comptes 641, 6472, 6211, 623 et « les opérations en capital à l’exception de celles financées par contrat » ; que les autres comptes ou ensembles de comptes ne font pas l’objet d’une autorisation limitative ;
Attendu que le niveau de contrôle de l’imputation comptable tel que requis par les dispositions précitées du décret du 29 décembre 1962 correspond au niveau d’autorisation budgétaire limitative ; que dès lors le comptable de l’ONERA peut voir sa responsabilité engagée lorsqu’une dépense relevant par nature de l’un des comptes ou ensemble de comptes correspondant aux dotations limitatives précitées est imputée sur un autre compte ou ensemble de comptes ;
Attendu, s’agissant de la facture Setaram pour 1 328,76 €, que son montant unitaire supérieur à 800 € pourrait conduire à admettre une imputation sur un compte de classe 2, lequel relèverait d’un ensemble de comptes à dotation limitative ; que toutefois, compte tenu de la courte durée de vie de cet équipement, l’imputation sur un compte en 60 est également admissible ;
Attendu que toutes les autres opérations litigieuses ont été imputées sur des comptes en 60 et en 61, aux dotations non limitatives ; que si elles relevaient en fait d’autres comptes à trois ou quatre chiffres que ceux sur lesquels elles ont été imputées, ces autres comptes étaient également en 60 et en 61 ; qu’il n’est ainsi pas fait grief au comptable de ne pas les avoir imputées sur l’un des comptes 641, 6472, 6211, 623 ou sur un compte d’opérations en capital ;
Attendu que la question du contrôle de la validité par ailleurs de la créance, s’agissant d’un paiement à VWR International (CEN-950-2008 de 243,98 €), évoquée au rapport, n’était pas poursuivie par le réquisitoire précité ; qu’il n’y a donc pas lieu pour la Cour d’en connaître ;
Attendu ainsi, sans qu’il soit besoin de discuter les éléments apportés par le comptable, de dire n’y avoir lieu à charge ;
Par ces motifs,
DECIDE :
En ce qui concerne M. X
Charge n° 1.a. exercice 2008
Article 1er. – Il est mis à la charge de M. X une somme non rémissible de 290 € ;
Charge n°1.b. exercice 2008
Article 2. – Il est mis à la charge de M. X une somme non rémissible de 290 € ;
Charge n° 2, exercice 2008
Article 3. – Il n’y a pas lieu à charge à l’encontre de M. X au titre de la présomption de charge n° 2 relevée par le réquisitoire.
Article 4. – La décharge de M. X pour 2008 ne pourra être prononcée qu’après apurement des sommes fixées ci-dessus.
Fait et jugé par M. Guy Piolé, président de chambre, MM. Olivier Mousson, Vincent Feller, Jean-Christophe Chouvet, Philippe Geoffroy, Guy FIALON conseillers maîtres et Mme Dominique Dujols, conseillère maître.
En présence de Mme Valérie GUEDJ, greffière de séance.
Valérie GUEDJ |
Guy PIOLé |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-16 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au paragraphe I de l’article R. 142-15 du même code.
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