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Troisième chambre |
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Quatrième section |
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Arrêt n° S 2016-0141 |
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Audience publique du 2 décembre 2015 |
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Prononcé du 21 janvier 2016 |
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| Théâtre national de la Colline | |||
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| Exercices : 2009 à 2013 | |||
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| Rapport n° 2015-255-0 | |||
République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu le réquisitoire n° 2015-29 RQ-DB du 5 mai 2015 par lequel le Procureur général près de la Cour des comptes a saisi la troisième chambre de la Cour des comptes de présomptions de charges en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X, agent comptable du Théâtre national de la Colline, au titre d’opérations relatives aux exercices du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2013, notifié le 15 mai 2015 au comptable concerné ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable du Théâtre national de la Colline par Mme X, agent comptable depuis le 1er janvier 2009 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu les lois et règlements relatifs à la comptabilité des établissements publics industriels et commerciaux ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique dans sa version applicable aux périodes en jugement et le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa de l’article 60-VI de la loi de finances de 1963 modifiée dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificatives pour 2011 ;
Vu les cautionnements de Mme X : 176 000 € du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2011, puis 243 000 € à partir du 1er janvier 2013 ;
Vu le rapport à fin d’arrêt n° 2015-255-0 de Mme Marianne LUCIDI, auditrice, magistrate chargée de l’instruction ;
Vu les conclusions n° 786 du Procureur général en date du 30 novembre 2015 ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du 2 décembre 2015, Mme Marianne LUCIDI, auditrice, en son rapport, M. Gilles MILLER, avocat général, en les conclusions du ministère public, et Mme X, agent comptable ayant eu la parole en dernier ;
Entendu en délibéré M. Jacques TOURNIER, conseiller-maître, en ses observations ;
Sur la présomption de charge n° 1 soulevée à l’encontre de Mme X au titre des exercices 2009 à 2013
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la troisième chambre de la Cour des comptes de la responsabilité encourue par Mme X pour le paiement de douze primes forfaitaires dites « indemnités artistiques », d’un montant total de 19 950 €, versées à cinq salariés permanents du théâtre (habilleuses, régisseur son, technicien vidéo, adjoint au chef du service lumière) « en compensation et à titre de reconnaissance du travail supplémentaire réalisé » par rapport à leurs fonctions habituelles, au cours des exercices 2009 à 2013 ; qu’en l’absence de contrôle de la validité de la créance, la responsabilité du comptable semble engagée, qui ne s’est pas assuré de la présence des justifications requises et en procédant au paiement sans que les primes puissent être rattachées à une rémunération complémentaire prévue par un texte de portée générale ;
Tableau n° 1 : primes dites « indemnités artistiques » versées entre 2009 et 2013
Attendu qu’en réponse au réquisitoire, l’agent comptable comme le directeur de l’établissement reconnaissent que ces primes forfaitaires ne sont pas prévues par la convention collective de l’établissement ; qu’ils soutiennent qu’elles sont assimilables aux rémunérations versées au personnel artistique qui n’est pas soumis à la convention collective de l’établissement ; qu’ils mettent en avant la longévité de cette pratique de rétribution ;
Attendu que pour les exercices 2009 à 2012, aux termes de l’article 11 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962, les comptables publics sont seuls chargés du paiement des dépenses ; que conformément à l’article 12-B de ce même décret, les comptables sont tenus d’exercer le contrôle de la validité de la créance dans les conditions prévues à l’article 13 ; que cet article dispose que le contrôle porte notamment sur l’exactitude des calculs de liquidation et la production des justifications ;
Attendu que pour l’exercice 2013, aux termes de l’article 18 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 le comptable public est seul chargé de la prise en charge des ordres de payer qui lui sont remis par les ordonnateurs et du paiement des dépenses ; que conformément à l’article 19 de ce même décret, le comptable public est tenu d’exercer le contrôle de la validité de la dette dans les conditions prévues à l’article 20, lequel précise que le contrôle porte sur la production des pièces justificatives ;
Attendu qu’en l’espèce, le comptable est tenu de contrôler la validité de la rémunération d’agents contractuels, salariés d’un établissement public industriel et commercial relevant du droit privé, au regard des seules justifications qu’il est en droit d’exiger à la lecture des nomenclatures applicables ;
Attendu qu’il ne manque pas à ses obligations lorsqu’un acte « écran », en l’espèce une disposition contractuelle, s’interpose entre la légalité du paiement et le paiement lui-même ; que le comptable n’est pas en charge du contrôle de légalité des actes de l’ordonnateur ;
Attendu que tous les versements d’une « indemnité artistique » à chacun des cinq agents concernés ont été précédés d’un document dont la valeur contractuelle est attestée ; que l’objet et le cadre artistique de la mission exceptionnelle confiée à l’agent contractuel y sont précisément décrits ; que la compétence « de base » de l’agent missionnaire est rappelée de façon à faire apparaître en quoi la mission excède le cadre du contrat de travail ; que le montant de la rémunération est fixé ; que la lettre d’engagement fait l’objet d’une double signature, de la part de l’administratrice du théâtre, disposant d’une délégation pour signer ce type de contrat, et de l’agent qui fait précéder son paraphe de la mention « bon pour accord », attestant de son caractère contractuel ;
Attendu que l’instauration de ce mode de rémunération était compatible avec « les conditions générales de rémunération des personnels » telles que les a définies le conseil d’administration du Théâtre national de la Colline qui dispose d’une compétence générale en matière de définition des principes de rémunération ;
Attendu que compte tenu de ces éléments, il ressort que l’agent comptable disposait d’une justification contractuelle qui lui permettait la mise en paiement des rémunérations fixées ; qu’il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de la comptable au titre de la présomption de charge n° 1 à l’encontre de Mme X au titre des exercices 2009 à 2013 ;
Sur la présomption de charge n° 2 soulevée à l’encontre de Mme X au titre des exercices 2009 à 2013
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la troisième chambre de la Cour des comptes de la responsabilité encourue par Mme X pour le fait que l’occupation d’un local de 375 m² à Aubervilliers a entraîné le paiement trimestriel d’une redevance entre le 1er janvier 2009 et le 31 octobre 2012 par le Théâtre national de la Colline en l’absence de tout titre d’occupation ; que l’unique document liant contractuellement le propriétaire des locaux, la SCI des Cités, et le théâtre consiste en un protocole d’accord en date du 15 juin 1993 prévoyant une libération des locaux par l’établissement au plus tard le 31 décembre 1997 ;
Attendu qu’en réponse au réquisitoire, l’agent comptable comme le directeur de l’établissement ne contestent pas l’absence de bail commercial encadrant l’occupation des locaux d’Aubervilliers entre le 31 décembre 1997 et le 31 octobre 2012 ; qu’ils confirment que le protocole d’accord du 15 juin 1993 qui prévoyait une libération des locaux au plus tard le 31 décembre 1997 constitue le dernier document liant juridiquement le théâtre de la Colline et la SCI des Cités ;
Attendu que l’établissement s’était toutefois interrogé, en 1999, sur l’absence de base contractuelle la liant à la SCI des Cités ; qu’une consultation juridique a été sollicitée le 15 décembre 1999 ; que cette étude estimait que la convention d’occupation précaire du protocole d’accord du 15 juin 1993 pourrait être remise en cause par un juge qui pourrait la qualifier de bail commercial ; que l’établissement était invité au statu quo ;
Attendu que si l’établissement a choisi de suivre l’avis de son conseil juridique rendu en décembre 1999, ce dernier ne peut constituer une pièce justificative sur laquelle fonder l’ouverture de la caisse du comptable ;
Attendu que l’article 60-I de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 précise que « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, […] des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique ; que la responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci‑dessus se trouve engagée dès lors qu'un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu'une recette n'a pas été recouvrée, qu'une dépense a été irrégulièrement payée » ;
Attendu qu’aux termes de l’article 11 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962, les comptables publics sont seuls chargés du paiement des dépenses ; que conformément à l’article 12-B de ce même décret, les comptables sont tenus d’exercer le contrôle de la validité de la créance dans les conditions prévues à l’article 13 ; que cet article dispose que le contrôle porte notamment sur l’exactitude des calculs de liquidation et la production des justifications ;
Attendu que Mme X a manqué à ses obligations pour ne pas avoir vérifié la validité de la créance préalablement au paiement ;
Attendu que malgré l’absence de base contractuelle liant le théâtre de la Colline et la SCI des Cités, les redevances acquittées trimestriellement par l’établissement correspondent à un service effectif (l’occupation des locaux d’Aubervilliers) pour un montant équivalent (actualisations comprises) à ce qu’aurait dû acquitter le théâtre en présence d’un bail commercial ;
Attendu que l’intégralité du dépôt de garantie de 5 687,91 € a été restituée à l’établissement lors de son départ des locaux ;
Attendu que l’absence de base contractuelle régissant l’occupation des locaux d’Aubervilliers n’a donc pas causé de préjudice financier à l’établissement ;
Attendu que le paiement de la redevance étant trimestriel, la dépense non justifiée a été répétée quatre fois par an pour les exercices 2009 à 2011 et trois fois au cours de l’exercice 2012 ;
Attendu que l’irrégularité constatée est de même nature pour chacun des paiements effectués et constitue donc un unique manquement intervenu au cours du même exercice ; qu’il y a donc lieu de mettre à la charge du comptable une unique somme non rémissible pour chacun des exercices concernés ;
Attendu qu’en application du deuxième alinéa de l’article 60-VI de la loi du 23 février 1963 et de l’article 1 du décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012, il sera dès lors fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en mettant à la charge de Mme X la somme de 25 € pour chaque année de 2009 à 2012 ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Au titre des exercices 2009 à 2013 présomption de charge n° 1
Article 1 – Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité pécuniaire et personnelle de la comptable au titre de la présomption de charge n° 1.
Au titre de l’exercice 2009, présomption de charge n° 2
Article 2 – Mme X devra s’acquitter d’une somme de 25 € en application du deuxième alinéa de l’article 60-VI de la loi de finances de 1963 ; cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu de l’article 60-IX précité.
Au titre de l’exercice 2010, présomption de charge n° 2
Article 3 – Mme X devra s’acquitter d’une somme de 25 € en application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 ; cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu de l’article 60-IX précité.
Au titre de l’exercice 2011, présomption de charge n° 2
Article 4 – Mme X devra s’acquitter d’une somme de 25 € en application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 ; cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu de l’article 60-IX précité.
Au titre de l’exercice 2012, présomption de charge n° 2
Article 5 – Mme X devra s’acquitter d’une somme de 25 € en application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 ; cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu de l’article 60-IX précité.
Article 6 - La décharge de Mme X ne pourra être donnée qu’après apurement des sommes à acquitter, fixées ci-dessus, et après vérification de la reprise des soldes en balance d’entrée 2014.
Fait et jugé par M. Omar SENHAJI, président de section, président de la formation ; MM. Jean‑Pierre BAYLE, président de chambre maintenu, Jacques TOURNIER, Mme Sylvie VERGNET, MM. Michel CLÉMENT, Francis SAUDUBRAY, Mme Michèle COUDURIER, conseillers maîtres.
En présence de Mme Valérie GUEDJ greffière de séance.
Valérie GUEDJ greffière de séance |
Omar SENHAJI président de séance |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-16 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au paragraphe I de l’article R. 142-15 du même code.
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