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    QUATRIÈME CHAMBRE

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         Première section

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        Arrêt n° S 2016-3283

 

Audience publique du 13 octobre 2016

 

     Prononcé du 17 novembre 2016

 

COMMUNAUTE DE COMMUNES DES

HAUTS DU LYONNAIS (RHONE)

 

Appel d’un jugement de la chambre régionale

des comptes d’Auvergne, Rhône-Alpes

 

 

Rapport n° R-2016-0976

 

 

 

République Française,

Au nom du peuple français,

 

La Cour,

Vu la requête, enregistrée le 12 octobre 2015 au greffe de la chambre régionale des comptes d’Auvergne, Rhône-Alpes, par laquelle M. X, comptable de la communauté de communes des Hauts du Lyonnais pour les exercices 2010 et 2011, a élevé appel du jugement n° 2014-035 du 24 août 2015 par lequel ladite chambre régionale l’a constitué débiteur envers cette communauté de communes de la somme de 10 421,73 euros au titre des exercices 2010 et 2011, augmentée des intérêts de droit à compter du 31 mars 2014 ;

Vu les pièces de la procédure suivie en première instance et produites en appel, notamment le réquisitoire n° 09-GP/2014 du 13 mars 2014 du procureur financier près la chambre régionale des comptes d’Auvergne, Rhône-Alpes ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l'article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

Vu le rapport de M. Nicolas HAUPTMANN, auditeur ;

Vu les conclusions du Procureur général  540 du 31 août 2016 ;

Entendu, lors de l’audience publique du 13 octobre 2016, M. HAUPTMANN, en son rapport, M. Gilles MILLER, avocat général, en les conclusions du ministère public ;

Entendu en délibéré M. Yves ROLLAND, conseiller maître, en ses observations ;

Sur la forme du jugement

Attendu que M. X sollicite l’annulation du jugement attaqué au motif que les arguments du rapporteur et du procureur financier près la chambre n’auraient pas été discutés dans leur intégralité, notamment s’agissant des sommes non rémissibles qu’ils proposaient de laisser à la charge du comptable ;

Attendu que l'article R. 242-10 du code des juridictions financières dispose que « le jugement, motivé, statue sur les propositions du rapporteur, les conclusions du ministère public et les observations des autres parties » ; qu'un jugement qui omet de discuter, fût-ce succinctement, une observation présentée, est entaché d'irrégularité ;

Attendu que, dans ses conclusions n° 14-271 du 25 novembre 2014, le procureur financier a admis, sans autre justification, que le manquement du comptable « n’a normalement pas pu occasionner un préjudice financier à la communauté, même si la signature des ordres de mission ne signifie pas formellement, faute de signature concomitante des états de frais, que la collectivité a autorisé toutes les dépenses normalement attachées à l’accomplissement de cette mission » ;

Attendu que le rapporteur avait également proposé à la chambre de conclure que le manquement du comptable n’avait pas causé de préjudice financier à la communauté de communes dans la mesure où, selon lui, les ordres de mission étant préalables à l’engagement des frais, la collectivité entendait supporter la dépense correspondante aux déplacements pour lesquels elle mandatait elle-même ses agents ;

Attendu que, sans attribuer telle argumentation au ministère public ou au rapporteur, les termes du jugement entrepris discutent complètement la question du préjudice et la portée d’un état de frais non signé en soulignant notamment que le manquement a constitué un paiement indu constitutif d’un préjudice financier pour la communauté de communes, puisque la production d’ordres de mission délivrés aux agents bénéficiaires des remboursements de frais ne peut, selon elle, tenir lieu d’états de frais dûment signés ;

Attendu qu’ainsi le moyen du requérant manque en fait et qu’il convient dès lors de l’écarter ;

Sur le fond

Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes d’Auvergne, Rhône-Alpes a constitué M.X débiteur envers la communauté de communes des Hauts du Lyonnais de la somme de 10 421,73 euros, au titre des exercices 2010 et 2011, pour avoir procédé au remboursement de frais de déplacement à des personnels de la communauté de communes sans s’être assuré de disposer, à l’appui des mandats, d’états de frais dûment signés lui permettant de contrôler l’exactitude des calculs de liquidation ;

Attendu que la chambre régionale des comptes d’Auvergne, Rhône-Alpes a considéré que, faute de valeur probante des états de frais produits à l’appui des mandats de remboursement de frais, la dette de la collectivité ne pouvait être établie en son principe et son montant ; que, par voie de conséquence, la prise en charge de frais de déplacement injustifiée a ainsi, selon la chambre, constitué un paiement indu constitutif d’un préjudice financier pour la communauté de communes ;

 

 

Attendu que M. X ne conteste pas l’existence d’un manquement, mais demande à la Cour d’infirmer le jugement car il estime que ce manquement n’a pas causé de préjudice financier à la communauté de communes ; qu’il demande à la Cour de fixer a minima une somme laissée à sa charge, eu égard « à la modicité des sommes en cause » et « à l’absence totale de préjudice », laquelle aurait été reconnue en amont de la procédure par « l’intégralité des personnes concernées » ;

Attendu qu’à l’appui de sa requête M. X invoque une jurisprudence de la Cour qui aurait conclu, dans des circonstances similaires, à l’absence de préjudice financier du fait du manquement du comptable lorsque « rien ne permet de mettre en doute l’exécution du service ni d’établir que les frais ainsi payés aient été indus » ; qu’il avance ensuite plusieurs circonstances de fait qui seraient de nature à écarter le préjudice financier, notamment que, la communauté de communes des Hauts du Lyonnais étant une petite intercommunalité et les remboursements de frais de déplacement n’ayant concerné que quinze agents, « l’effectivité du service fait ne peut faire aucun doute à partir du moment où le bordereau de mandats est effectivement signé par l’ordonnateur » ; que, par ailleurs, le paiement n’aurait pas constitué un « appauvrissement de la collectivité », puisque « non seulement l’ensemble des intéressés ont participé effectivement aux formations et ont fait l’avance des fonds sur leurs deniers personnels », mais parce que ces formations constitueraient « au contraire un enrichissement intellectuel immatériel de la collectivité » ; et qu’enfin, il invoque les dispositions du décret n° 2016-33 du 20 janvier 2016 fixant la liste des pièces justificatives des dépenses des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, lesquelles confirmeraient selon lui que la signature du bordereau de mandats vaudrait signature des pièces justificatives ;

Attendu en effet, que lorsqu’aucun élément ne permet de mettre en doute l’exécution du service ni d’établir que les frais ainsi payés aient été indus, dès lors que les ordres de payer, quant à eux, ont été signés dans des conditions qui ne sont pas contestées, les manquements constatés dans les règles formelles de la comptabilité publique ne causent pas de préjudice financier à l’établissement concerné ;

Attendu que l’article 60 de la loi de finances susvisée du 23 février 1963 modifiée subordonne désormais la mise en débet du comptable public au fait que le manquement à ses obligations, relevé par le juge ait directement entraîné un préjudice financier pour l’organisme public concerné ; qu’il revient au juge d’en établir l’existence ainsi que son lien avec le manquement du comptable qui a conduit à mettre en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire de ce dernier ;

Attendu que le jugement entrepris n’allègue aucune erreur de liquidation, ne conteste pas la validation par les demandeurs des frais qu’ils ont exposés ni les modalités de l’ordonnancement et que toutes les missions défrayées ont été précédées d’un ordre de mission dûment signé ;

Attendu que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, il y a donc lieu d’accueillir le moyen soulevé par le requérant et d’infirmer le jugement de la chambre régionale en ce qu’elle a considéré que les manquements du comptable ont été la cause d’un préjudice financier pour l’établissement ;

Sur la somme à acquitter par le comptable

Attendu qu’il convient d’appliquer, pour la mise en jeu de la responsabilité du comptable, l’article 60-VI de la loi de finances du 23 février 1963 modifié par la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011, qui prévoit que si le manquement du comptable n’a pas produit de préjudice financier, « le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce » ; que le décret du 10 décembre 2012 susvisé, fixe le montant maximal de cette somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable ;

Attendu que le montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré pour les exercices considérés est fixé à 149 000  ; qu’ainsi le montant maximum de la somme susceptible d’être mise à la charge de M. X s’élève à 223,50 € ;

Attendu que le comptable a payé 32 mandats sur l’exercice 2010 et autant sur l’exercice 2011 correspondant à des remboursements de frais de mission appuyés sur des pièces justificatives incomplètes ; que le juge des comptes a la faculté de regrouper, par exercice les manquements successifs qui présentent les mêmes caractéristiques ou qui relèvent d’un ensemble homogène ; qu’au cas d’espèce, le comptable a donc effectué, sur chaque exercice, un seul ensemble homogène de manquement, qu’il résulte de ce qui précède qu’il y aura lieu d’obliger le comptable à s’acquitter d’une seule somme par exercice ;

Attendu que M. X invoque notamment, comme circonstance particulière justifiant de baisser ce montant, la modicité des sommes en cause et l’absence totale de préjudice qui aurait été reconnue en amont de la procédure par l’intégralité des personnes concernées ;

Attendu toutefois que les irrégularités constatées en l’espèce ont été récurrentes et reflètent donc une pratique courante de la communauté de communes, non sanctionnée par le comptable public ;

Attendu qu’il sera ainsi fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en mettant à la charge de M. X une somme irrémissible de 223 euros au titre de chacun des exercices concernés par ces manquements, soit un montant total de 446 euros ;

Par ces motifs,

DÉCIDE :

Article 1er Le jugement n° 2014-035 du 24 août 2015 de la chambre régionale des comptes d’Auvergne, Rhône-Alpes est infirmé en ce qu’il a constitué M. X débiteur de la somme de 10 421,73 , augmentée des intérêts de droit calculés à compter du 31 mars 2014.

Article 2  M. X devra s’acquitter d’une somme de 223 € au titre de chacun des exercices 2010 et 2011 en application du deuxième alinéa de l’article 60 VI de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ; cette somme ne peut pas faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu de l’article 60 IX de la loi précitée.

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Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents : M. Jean-Philippe VACHIA, président de chambre, président de séance ; M. Yves ROLLAND, président de section, Mme Anne FROMENT-MEURICE, présidente de chambre maintenue en activité, MM. Gérard GANSER, Jean-Pierre LAFAURE, Jean-Yves BERTUCCI, Noël DIRICQ, Pierre JAMET, Francis CAHUZAC, conseillers maîtres et Mme Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS, conseillère maître.

En présence de Mme Annie LE BARON, greffière de séance.

 

 

Annie LE BARON

 

 

 

Jean-Philippe VACHIA

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de
la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-16 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au paragraphe I de l’article R. 142-15 du même code.

 

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