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5ème CHAMBRE

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1ère  section

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Arrêt n° S 2016-0046

 

Audience publique du 24 novembre 2015

 

Prononcé du 18 janvier 2016

 

Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et des services sociaux et médico-sociaux (ANESM)

 

Exercice 2008

 

Rapport n°2015-287-0

 

 

 

République Française,

Au nom du peuple français,

 

La Cour,

 

Vu le réquisitoire en date du 16 décembre 2014, par lequel le Procureur général près la Cour des comptes a saisi la 5ème chambre de la Cour des comptes de présomptions de charges, en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X et de Mme Y comptables de l’ANESM, au titre d’opérations relatives aux exercices 2007 à 2012, notifié respectivement les 20 et 22 décembre 2014 aux comptables concernés ;

 

Vu le réquisitoire supplétif du 15 janvier 2015, par lequel le Procureur général près la Cour des comptes a corrigé une erreur matérielle relative au prénom de Mme Y dans son réquisitoire du 16 décembre 2014 ;

 

Vu les comptes rendus en qualité de comptables de l’ANESM, par M. X, du 24 septembre 2007 au 4 mai 2008, et par Mme Y, du 5 mai 2008 au 16 août 2009 ;

 

Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;

 

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

 

Vu le code des juridictions financières ;

 

Vu les lois et règlements relatifs à la comptabilité des établissements publics ;

 

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

 

Vu le décret n° 2008-228 du 5 mars 2008 relatif à la constatation et à l’apurement des débets des comptables publics ;

 

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifiée dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificatives pour 2011 ;

 

Vu l’instruction M 9-1 ;

 

 

Vu le règlement financier de l’ANESM du 12 décembre 2007 ;

 

Vu le rapport de Monsieur Robert de NicolaŸ, conseiller maître, magistrat chargé de l’instruction ;

 

Vu les conclusions du Procureur général n° 697 du 5 novembre 2015 ;

 

Vu les pièces du dossier ; 

 

Entendu lors de l’audience publique du 24 novembre 2015, Monsieur Robert de NicolaŸ, conseiller maître en son rapport, Monsieur Frédéric Guthmann, substitut général, en les conclusions du ministère public, et M. X et de Mme Y, comptables de l’ANESM ;

 

Entendu en délibéré Monsieur Gilles Andréani, conseiller maître en ses observations ;

 

Sur la présomption de charge n° 1, soulevée à l’encontre de M. X au titre de l’exercice 2008 :

 

Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la 5ème chambre de la Cour des comptes de la responsabilité encourue par M. X à raison d’un manquant de 1 037 € résultant d’un vol dans la caisse de l’ADESM constaté le 10 janvier 2008, manquant ayant entraîné l’émission le 25 mars 2008 d’un ordre de reversement du même montant à l’encontre de l’agent comptable ;

 

Attendu que dans sa réponse du 24 janvier 2015 M. X a indiqué avoir formé le 10 juin 2008 une demande de remise gracieuse auprès de la direction générale des finances publiques et sollicité et obtenu du conseil d’administration de l’ANESM un avis favorable à sa demande le 13 novembre 2008, mais que manquaient alors à son dossier de remise gracieuse les avis du supérieur hiérarchique et du ministre de tutelle prévus par l’article 9 du décret susvisé du 5 mars 2008, qu’il n’avait pu obtenir en dépit de ses relances ;

 

Attendu que par la suite, des avis favorables à la demande de remise gracieuse de M. X ont été rendus respectivement par le Directeur de l’ANESM, supérieur hiérarchique du comptable, le 16 février 2015, et par la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, ministre de tutelle de l’ANESM, le 13 mai 2005 ;

 

Attendu que les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant à l’Etat, aux collectivités locales et aux établissements publics ; que les conditions d’exonération de la responsabilité du comptable ne sont pas remplies en l’espèce ; que l’existence d’une procédure de remise gracieuse, aboutie ou non, ne fait pas obstacle à l’office du juge des comptes ;

 

Attendu que le manquement du comptable et le manquant constaté ont causé à l’ANESM un préjudice financier, au sens des dispositions du troisième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février susvisée ;

 

Attendu qu’aux termes du même article, « lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’ainsi il y a lieu de constituer M. X débiteur de l’ANESM pour la somme de 1 037€;

 

Attendu qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 22 décembre 2014, date de réception du réquisitoire par M. X ;

 


Sur la présomption de charge n° 2, soulevée à l’encontre de M. X et de Mme Y au titre de l’exercice 2008 :

 

Attendu que par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la 5ème chambre de la Cour des comptes de la responsabilité encourue par Mme Y en raison des faits suivants : Mme Z, médecin général de la santé publique, a été détachée pour trois ans auprès de l’ANESM en qualité de responsable du service « pratiques professionnelles » et un contrat de travail signé à cet effet le 24 décembre 2008 pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2010 ; de janvier à décembre 2008, l’intéressée a perçu une rémunération sous forme d’acomptes mensuels dont le paiement a été effectué par l’agent comptable au vu des pièces suivantes : des certificats administratifs attestant le service fait, établis chaque mois et signés pour dix d’entre eux par l’ordonnateur, et à partir du mois de mai 2008 des ordres de paiement signés l’un par l’ordonnateur et six par l’agent comptable lui-même ; or l’instruction n° 03-060-B du 17 novembre 2003 relative à la nomenclature des pièces justificatives des dépenses de l’Etat prévoit que le comptable doit disposer en cas de détachement des pièces suivantes lors de la constitution du dossier de rémunération : l’arrêté de détachement et le contrat ou l’arrêté de nomination de l’intéressé, le procès-verbal d’installation, le certificat de cessation de paiement délivré par le comptable assignataire de la rémunération antérieure ; l’absence de tout ou partie de ces pièces à l’appui des paiements est susceptible d’engager la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics, tenus de vérifier « la production des justifications » en vertu de l’article 13 du décret susvisé du 29 décembre 1962 ;

 

Attendu que dans sa réponse du 24 janvier 2015, M. X fait valoir que la référence à l’instruction n° 03-060-B du 17 novembre 2003 n’est pas fondée, celle-ci ne s’appliquant pas aux établissements publics ; que les procédures de détachement sont longues et entraînent de ce fait le versement d’acomptes jusqu’à ce qu’elles soient menées à leur terme ; qu’au 31 décembre 2008, la situation de Mme Z avait été régularisée, les sommes versées au cours de l’exercice2008 correspondant exactement à ce qui lui était juridiquement dû ;

 

Attendu que dans sa réponse du 2 février 2015, Mme Y fait valoir en outre que les sommes versées à Mme Z de janvier à décembre 2008 avaient la qualité non de rémunérations mais d’acomptes, régulièrement imputés au compte 4252 « avances et acomptes au personnel » ainsi que le prévoit la nomenclature comptable ; que l’attestation de  service fait mensuelle lui permettait d’en effectuer régulièrement le paiement ; qu’en décembre 2008 la réception de l’ensemble des pièces a permis le 24 décembre de solder ces avances et d’imputer le montant total au compte 64 « rémunération des personnels » ;

 

Attendu que les sommes versées au cours de l’année 2008 à Mme Z correspondaient au versement d’acomptes et n’avaient donc pas à être appuyées des pièces justificatives prévues par la réglementation applicable aux établissements publics en matière de rémunérations ; qu’il n’y a ainsi pas lieu de mettre en jeu la responsabilité des comptables compte tenu de la nature des dépenses en cause ;

 

Par ces motifs,

 

DÉCIDE :

 

En ce qui concerne M. X

 

Article 1er : M. X est constitué débiteur de l’agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et des services sociaux et médico-sociaux (ANESM) au titre de l’exercice 2008, pour la somme de 1 037 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 22 décembre 2014 ;

 

 


En ce qui concerne Mme Y

 

Article 2 : Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité du comptable au titre de la présomption de charge n ° 2.

 

 

Article 3 : Mme Y est déchargée de sa gestion à la date du 31 décembre 2008.

 

 

Article 4 : La décharge de M. X ne pourra être donnée qu’après apurement du débet fixé ci-dessus.

 

 

Fait et jugé par Pascal Duchadeuil, président de chambre, président de la formation ; MM Gilles Andréani, Philippe Hayez, Philippe Baccou, Jean-Marie Sépulchre, Vincent Léna, et Mmes Nathalie Casas et Marie-Dominique Périgord, conseillers maîtres.

 

En présence Mme Valérie Guedj, greffière de séance.

 

 

 

 

 

 

 Valérie Guedj

 

 

 

 

Pascal Duchadeuil

 

 

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

 

 

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-16 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au paragraphe I de l’article R. 142-15 du même code.

 

 

 

 

 

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