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QUATRIÈME CHAMBRE

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Première section

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Arrêt n° S 2016-3279

 

Audience publique du 13 octobre 2016

 

Prononcé du 17 novembre 2016

 

SYNDICAT MIXTE INTERCOMMUNAL

DE TRANSPORT ET DE TRAITEMENT

DES ORDURES MENAGERES DE L’AIRE

TOULONNAISE

(SITTOMAT)

 

Appel d’un jugement de la chambre régionale

des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur

 

Rapport n° 2016-0977

 

 

République Française,

Au nom du peuple français,

 

La Cour,

 

Vu la requête, enregistrée le 21 août 2015 au greffe de la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur, par laquelle le procureur financier près cette juridiction a interjeté appel des seules dispositions définitives du jugement  2015-0021 du 29 juin 2015 de ladite chambre relatives aux charges n° 5 et 6 ayant trait à l’absence de préjudice financier du manquement commis par M. X, agent-comptable du syndicat mixte intercommunal de transport et de traitement des ordures ménagères de l’aire toulonnaise (SITTOMAT) du 1er janvier 2009 au 4 juillet 2010 ;

Vu les pièces de la procédure suivie en première instance, en particulier le réquisitoire n° 2015-0007 du 20 janvier 2015, par lequel le procureur financier près la chambre régionale de Provence-Alpes-Côte d’Azur a saisi ladite chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des deux comptables précités ;

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique, applicable au moment des faits ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le rapport de M. Roch-Olivier MAISTRE, conseiller maître ;

Vu les conclusions du Procureur général n° 541 du 31 août 2016 ;

Entendu, lors de l’audience publique ce jour, M. Roch-Olivier MAISTRE, rapporteur, en son rapport, M. Gilles MILLER, avocat général, en les conclusions du ministère public ;

 

Après avoir entendu en délibéré M. Yves ROLLAND, conseiller maître, en ses observations ;

Attendu que, par jugement n° 2015-0021 susvisé, la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur a mis en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X pour avoir pris en charge et réglé, en 2009, au titre de l’exécution de deux marchés à bons de commande, deux mandats, d’un montant respectif de 75 949,79 € et 30 595,97 (TTC), sans qu’aient été produits à l’appui des mandats, contrairement à la nomenclature des pièces justificatives en vigueur, le premier bon de commande y afférent ; que, toutefois, elle a jugé que le manquement du comptable n’avait pas causé de préjudice financier pour le SITTOMAT et, l’a obligé à s’acquitter de deux sommes non rémissibles de 340,50 € à l’encontre de M. X pour chacune des deux charges ;

Sur la régularité du jugement

Attendu que le requérant fait valoir que, s’agissant de l’existence du préjudice financier, le jugement contesté ne statue pas, même sommairement, sur certains des arguments figurant dans les conclusions du ministère public pour considérer que le manquement avait entraîné un préjudice financier ;

Attendu qu’aux termes de l’article R. 242-10 du code des juridictions financières, « la formation de jugement statue par un jugement qui vise les comptes jugés, les pièces examinées ainsi que les dispositions législatives et réglementaires dont il est fait application. Le jugement, motivé, statue sur les propositions du rapporteur, les conclusions du ministère public et les observations des autres parties (…). » ;

Attendu que, pour chacune des deux charges en question, le jugement entrepris cite, dans trois attendus, non seulement les termes du réquisitoire initial, mais aussi les différents moyens avancés par le requérant ; que par ailleurs, s’agissant de la question du préjudice financier, le jugement « discute », pour les écarter, les arguments avancés par le procureur financier ; qu’ainsi, même s’il le fait « succinctement », le jugement statue sur les conclusions du ministère public ; qu’en conséquence le moyen du requérant doit être écarté ;

Sur le préjudice financier causé par le manquement du comptable

Attendu que l’appelant conteste le raisonnement suivi par la chambre régionale pour écarter le préjudice financier ; que, selon lui, la décision de l’ordonnateur de mandater ne valide pas automatiquement la prestation facturée ; que l’absence de production du bon de commande créé un préjudice pour le syndicat dans la mesure où l’adéquation entre le prix payé et le prix de la prestation n’est pas faite, le caractère certain de la dette n’est pas établi et qu’au surplus l’examen des factures jointes aux mandats litigieux fait ressortir des erreurs ;

Attendu que le comptable et l’ordonnateur ont fait valoir que les paiements litigieux n’avaient pas causé de préjudice financier au syndicat au motif que les gestionnaires de déchetteries adressaient des états récapitulatifs des évacuations à l’appui des factures éditées par la société ; qu’ainsi le syndicat était en mesure de comparer le récapitulatif des évacuations opérées par les prestataires avec les factures ;

Attendu que le service fait en contrepartie des paiements effectués n’est pas contesté ; que toutefois, si le service fait est une condition nécessaire pour qu’un paiement soit dû, il ne constitue pas une condition suffisante ;

Attendu par ailleurs que l’existence d’un préjudice financier causé par un manquement du comptable relève de la seule appréciation du juge financier ; que si, au regard du caractère contradictoire de la procédure, il doit tenir compte des dires du comptable ou de l’ordonnateur, il n’est pas tenu par eux ;

Attendu que, dans le cas d’espèce, l’exigence de la production des bons de commandes résulte de l’application des dispositions contractuelles et notamment de l’article 4 du CCAP qui précise : « (…) le marché s’exécute au moyen de bons de commandes (…). Seuls les bons de commande signés par le pouvoir adjudicateur pourront être honorés par le ou les titulaires » ; qu’en l’absence de production de ces bons de commande, aucune preuve de la volonté de l’ordonnateur habilité de l’époque d’engager la dépense n’existait ; qu’il y a, dès lors, lieu de considérer que, le caractère certain de la dette n’étant pas établi, la dépense litigieuse était indue ; quà défaut de la production des bons de commande requis par la nomenclature, l’adéquation entre le prix payé et le prix de la prestation ne pouvait aucunement être établie ; qu’au surplus, comme le relève le requérant, des erreurs peuvent être constatées entre les factures produites et le bordereau des prix unitaires du marché ;

Attendu qu’il résulte de l’ensemble des éléments ainsi rappelés que le paiement par le comptable de sommes non dues par le syndicat lui a causé un préjudice financier, au sens des dispositions du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée ; que le moyen doit donc être accueilli ;

Attendu qu’il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a, à tort, considéré que le manquement de M. X n’avait pas entraîné de préjudice financier pour le syndicat mixte intercommunal ;

Attendu qu’aux termes de l’article 60-VI de la loi du 23 février 1963 susvisée, « lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné [...], le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’en conséquence, M. X doit être constitué débiteur du SITTOMAT des sommes de 75 949,79 et 30 595,97 , au titre de l’exercice 2009 ;

Attendu qu’aux termes de l’article 60-VIII de la loi n° 63-156 du 23 février 1963, « les débets portent intérêts au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, la date de réception du réquisitoire par M. X est le 24 janvier 2015 ;

 

Sur le contrôle hiérarchisé de la dépense

Attendu qu’aucun plan de contrôle sélectif des dépenses n’a été produit pour 2009 ; que, par suite, le comptable était tenu à un contrôle exhaustif ;

 

Par ces motifs,

DÉCIDE :

Article 1er  Le jugement n° 2015-0021 du 29 juin 2015 de la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur est infirmé dans ses seules dispositions relatives aux charges n° 5 et 6 portant sur l’absence de préjudice financier des manquements de M. X, comptable du SITTOMAT du 1er janvier 2009 au 4 juillet 2010.

Article 2  M.X est constitué débiteur du SITTOMAT des sommes de 75 949,79 (charge n° 5) et 30 595,97  (charge n° 6) au titre de l’exercice 2009, augmentées des intérêts de droits à compter du 26 janvier 2015.

Article 3 Aucun plan de contrôle sélectif des dépenses n’a été produit pour 2009.

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Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents : M. Jean-Philippe VACHIA, président de chambre, président de séance ; M. Yves ROLLAND, président de section, Mme Anne FROMENT-MEURICE, présidente de chambre maintenue en activité, MM. Gérard GANSER, Jean-Pierre LAFAURE, Jean-Yves BERTUCCI, Noël DIRICQ, Pierre JAMET, Francis CAHUZAC, conseillers maîtres et Mme Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS, conseillère maître.

En présence de Mme Annie LE BARON, greffière de séance.

 

 

Annie LE BARON

 

 

 

Jean-Philippe VACHIA

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de
la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-16 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au paragraphe I de l’article R. 142-15 du même code.

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