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PREMIERE CHAMBRE ------- Première section ------- Arrêt n° S 2016-3598
Audience publique du 18 octobre 2016
Prononcé du 1er décembre 2016 | DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES, DIRECTION DES SERVICES FISCAUX DE HAUTE-SAVOIE
SERVICE DES IMPOTS DES ENTREPRISES (SIE) de BONNEVILLE
Exercices 2009 à 2011
Rapport n° R-2016-0975-2
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République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu le réquisitoire en date du 27 novembre 2015, par lequel le Procureur général près la Cour des comptes a saisi la première chambre de la Cour des comptes de présomptions de charges, en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X, comptable du service des impôts des entreprises (SIE) de Bonneville, au titre d’opérations relatives aux exercices 2009 à 2011, notifié le 1er février 2016 au comptable concerné ;
Vu les comptes de la direction départementale des finances publiques de Haute-Savoie rendus pour les exercices 2009 à 2011, y annexés les états des restes à recouvrer établis en leur qualité de receveur des administrations financières, par M. X pour la période du 26 novembre 2008 au 31 décembre 2011 ;
Vu les justifications produites au soutien de ces états annexes, ensemble les pièces recueillies au cours de l’instruction ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code de la construction et de l’habitation, notamment son article L. 111-2 ;
Vu le code général des impôts, ensemble son annexe 3 et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;
Vu le décret n° 77-1017 du 1er septembre 1977 relatif à la responsabilité des receveurs des administrations financières ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifiée dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificatives pour 2011 ;
Vu les pièces du dossier ;
Vu le rapport de M. Benjamin LANCAR, auditeur, rapporteur, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions du Procureur général ;
Entendu lors de l’audience publique du 18 octobre 2016 M. Benjamin LANCAR, en son rapport, M. Bertrand DIRINGER, avocat général, en les conclusions du ministère public, et M. X, présent, ayant eu la parole en dernier ;
Entendu en délibéré Mme Dominique DUJOLS, conseillère maître, en ses observations ;
Sur la présomption de charge n° 3, soulevée à l’encontre de M. X, au titre de l’exercice 2010
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la première chambre de la Cour des comptes de la responsabilité encourue par M. X, comptable en fonctions au SIE de Bonneville à compter du 26 novembre 2008, à raison de l’insuffisance des diligences au titre de l’exercice 2010, en vue du recouvrement d’une créance sur la société civile immobilière (SCI) Le Clos Charlemagne, à hauteur de 11 925,20 € ;
Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations
Sur la règle de droit
Attendu qu’aux termes de la loi du 23 février 1963 susvisée, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes et des contrôles qu’ils sont tenus d’exercer en cette matière dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique ; que leur responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve engagée dès lors qu’une recette n’a pas été recouvrée ; que la responsabilité du comptable public en matière de recettes s’apprécie au regard de ses diligences, celles-ci devant être adéquates, complètes et rapides ;
Attendu qu’en application de l’article L. 622-24 du code de commerce, « A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat […] » ; que l’article R. 622-24 du même code fixe ledit délai à deux mois ;
Sur les faits
Attendu que la SCI de construction-vente Le Clos Charlemagne restait redevable de 15 075 € au titre de la taxe sur la valeur ajoutée mise en recouvrement les 18 février 2009 et 8 février 2010 ; que ladite société a été déclarée en liquidation judiciaire par jugement du 26 mars 2010, publié au BODACC du 7 mai 2010 ; que ces créances ont été déclarées au passif de cette procédure le 4 juin 2010 ; qu’un jugement de clôture pour insuffisance d’actif est intervenu le 27 mai 2011 et a été publié le 29 juin 2011 ;
Attendu que le capital de la SCI était initialement réparti entre deux associés, la SA Piera Finance à hauteur de 55 %, et la SA Piera Promotion à hauteur de 45 % des parts sociales ;
Attendu que la SA Piera Finance a été dissoute et radiée du registre du commerce le 17 février 2008 ;
Attendu que la SA Piera Promotion a fait l’objet d’un jugement de sauvegarde le 25 septembre 2009, publié le 14 octobre 2009 ; que la procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 12 mai 2010, publié au BODACC du 3 juin 2010 ; que la quote-part de la créance de l’Etat incombant à l’associé Piera Promotion ne figure pas sur l’état des créances admises au passif de la société, publié au BODACC du 12 juin 2012 ; que la procédure collective ouverte à l’encontre de cette société n’est pas encore clôturée au moment où la Cour juge ; que nonobstant l’arrêt des voies d’exécution prévu par le code de commerce, le service a émis le 24 octobre 2011 à l’encontre de ladite société, un avis à tiers détenteur bancaire qui a produit une somme de 3 149 €, encaissée le 9 janvier 2012 ;
Attendu qu’aucune autre diligence n’est alléguée ;
Attendu que ces créances ont été admises en non-valeur le 14 février 2012 pour un montant de 11 925 € ;
Sur l’application au cas d’espèce
Attendu que la Cour n’est pas tenue par les décisions administratives d’admission ennon-valeur dans son appréciation de la responsabilité des comptables ;
Attendu qu’en vertu de l’article L. 211-2 du code de la construction et de l’habitation les associés d’une SCI de construction vente sont tenus à proportion de leurs droits sociaux de l’ensemble du passif de la société ; qu’il revenait ainsi au comptable de poursuivre le recouvrement des créances auprès des deux associés de la SCI Le Clos Charlemagne ;
Attendu ainsi, d’une part, qu’il revenait au comptable, sauf à engager sa responsabilité, de poursuivre, auprès du nouvel acquéreur des parts anciennement détenues par la SA Piera Finance, le recouvrement de la quote-part lui incombant ; qu’il s’en est abstenu ;
Attendu, d’autre part, qu’il revenait également au comptable de déclarer la quote-part incombant à la SA Piera Promotion au passif de la procédure collective de celle-ci ; qu’en l’absence de cette diligence, la créance correspondante s’est trouvée perdue le 17 novembre 2010 ;
Attendu dès lors que M. Ducuing, comptable en fonctions à compter du 26 novembre 2008, a manqué à son obligation de diligences adéquates, complètes et rapides en vue de préserver et de recouvrer la créance de l’Etat, d’une part sur l’associé ayant succédé à la SA Piera Finance, et d’autre part sur la la SA Piera Promotion ; qu’il y a donc lieu d’engager sa responsabilité à ce motif au titre de l’exercice 2010 ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
Attendu que le non recouvrement d’une créance cause par principe un préjudice financier à la collectivité publique créancière ; qu’il n’y a absence de préjudice que s’il est établi que l’Etat n’aurait pas pu être désintéressé, quand bien même le comptable aurait satisfait à ses obligations ;
Attendu, d’une part, qu’aucun élément n’est invoqué à cet égard, au regard des parts anciennement détenues par la SA Piera Finance ; d’autre part, que la procédure de liquidation judiciaire de la SA Piera Promotion étant toujours en cours, il n’est pas établi que la quote-part de la créance aurait été irrécouvrable ; que les manquements du comptable ont donc causé un préjudice financier à l’Etat ;
Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée : « lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier, le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
Attendu que la Cour statue dans les limites des présomptions de charges dont elle est saisie par le parquet général en application du III de l’article L. 142-1 du code des juridictions financières ; que la présomption de charge porte en l’espèce sur un montant maximum de 11 925,20 €, cette somme correspondant à la créance initiale diminuée du versement de 3 149 € en application de l’avis à tiers détenteur précité ; qu’ainsi, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le caractère définitif ou non de ce recouvrement, il y a lieu de plafonner le débet au montant indiqué dans le réquisitoire ;
Attendu qu’il y a lieu, par conséquent, de constituer M. X débiteur envers l’Etat de la somme de 11 925,20 € au titre de l’exercice 2010, augmentée des intérêts au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de sa responsabilité personnelle et pécuniaire, soit le 4 février 2016, date de sa réception du réquisitoire susvisé ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Au titre de l’exercice 2010, (présomption de charge n° 3)
Article 1. – M. X est constitué débiteur envers l’Etat au titre de l’exercice 2010, de la somme de 11 925,20 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 4 février 2016.
Article 2. – M. X ne pourra être déchargé de sa gestion pour 2010 qu’après apurement du débet tel que fixé ci-dessus.
Fait et jugé par M. Philippe GEOFFROY, président de section, président de la formation ; MM. Daniel-Georges COURTOIS, Jean-Christophe CHOUVET,Mme Dominique DUJOLS, MM. Pierre ROCCA et Alain LEVIONNOIS, conseillers maîtres.
En présence de Mme Marie-Noëlle TOTH, greffière de séance.
Marie-Noëlle TOTH
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Philippe GEOFFROY |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-16 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-15 du même code.
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