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PREMIERE CHAMBRE

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Première section

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Arrêt n° S2016-3594

 

Audience publique du 18 octobre 2016

 

Prononcé du 1er décembre 2016

DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES, DIRECTION DES SERVICES FISCAUX DE HAUTE-SAVOIE

 

SERVICE DES IMPOTS DES ENTREPRISES (SIE) d’ANNEMASSE

 

 

Exercices 2009 à 2011

 

Rapport n° R-2016-0975-2

 

 

 

République Française,

Au nom du peuple français,

 

La Cour,

 

 

 

Vu le réquisitoire en date du 27 novembre 2015, par lequel le Procureur général près la Cour des comptes a saisi la première chambre de la Cour des comptes de présomptions de charges, en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X et M. Y, comptables du service des impôts des entreprises (SIE) d’ANNEMASSE, au titre d’opérations relatives aux exercices 2009 à 2011, notifié le 1er février 2016 aux comptables concernés ;

 

Vu les comptes de la direction départementale des finances publiques de Haute-Savoie rendus pour les exercices 2009 à 2011, y annexés les états des restes à recouvrer établis en leur qualité de receveur des administrations financières, par Mme X, pour la période du 30 août 2008 au 31 mars 2011, et M. Y, pour la période du 1er avril 2011 au 31 décembre 2011 ;

 

Vu les justifications produites au soutien de ces états annexes, ensemble les pièces recueillies au cours de l’instruction ;

Vu le code de commerce, notamment ses articles L. 622-24, L. 622-26 et R. 622-24 ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;

Vu le décret n° 77-1017 du 1er septembre 1977 relatif à la responsabilité des receveurs des administrations financières ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifiée dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificatives pour 2011 ;

Vu les pièces du dossier, notamment le mémoire en défense de M. Y en date du 9 mars 2016 ;

 

Vu le rapport de M. Benjamin LANCAR, auditeur, rapporteur, magistrat chargé de l’instruction ;

 

Vu les conclusions du Procureur général ;

 

Vu le document produit à l’audience par Mme X ;

Entendu, lors de l’audience publique du 18 octobre 2016, M. Benjamin LANCAR, en son rapport, M. Bertrand DIRINGER, avocat général, en les conclusions du ministère public, Mme X, présente, ayant eu la parole en dernier ; 

Entendu en délibéré Mme Dominique DUJOLS, conseillère maître, en ses observations ;

 

Sur la présomption de charge n° 1, soulevée à l’encontre de Mme X, au titre de l’exercice 2010

 

Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la première chambre de la Cour des comptes de la responsabilité encourue par Mme X, comptable en fonctions au SIE d’Annemasse du 30 août 2008 au 31 mars 2011, à raison de l’insuffisance des diligences au titre de l’exercice 2010, en vue du recouvrement d’une créance sur la société SAS MENONI, à hauteur de 21 107  ;

 

Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations

 

Sur la règle de droit

 

Attendu qu’aux termes de la loi du 23 février 1963 susvisée, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes et des contrôles qu’ils sont tenus d’exercer en cette matière dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique ; que leur responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve engagée dès lors qu’une recette n’a pas été recouvrée ; que la responsabilité du comptable public en matière de recettes s’apprécie au regard de ses diligences, celles-ci devant être adéquates, complètes et rapides ;

 

Attendu qu’en application de l’article L. 622-24 du code de commerce susvisé, « A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat […] » ; que l’article R. 622-24 du même code fixe ledit délai à deux mois ;

 

Sur les faits

 

Attendu que la SAS Menoni restait redevable d’un montant total de 367 854,64 € en droits au titre de divers impôts et taxes, mis en recouvrement de 2005 à 2011 ;

 

Attendu que ladite société a été déclarée en redressement judiciaire par jugement du 2 décembre 2005 publié au BODACC du 26 janvier 2006, puis en liquidation judiciaire, sur résolution d’un plan de continuation, par jugement du 27 août 2010 publié au BODACC du 17 septembre 2010 ;

 

Attendu qu’en l’espèce, le délai de production des créances de deux mois à compter de la publication du jugement, expirait le 17 novembre 2010 ; que le comptable n’a pas déclaré dans ce délai les créances de cotisation foncière des entreprises (CFE) pour 2010, d’un montant de 21 107 € en droits ;

 

 

 

 

 

 

Sur les éléments apportés à décharge par le comptable

 

Attendu que Mme X a fait état lors de l’audience de difficultés tenant au poste et de problèmes liés à la multiplicité des établissements à contrôler ;

 

Sur l’application au cas d’espèce

 

Attendu qu’un montant de 21 107 €, concernant la CFE, mis en recouvrement le 31 octobre 2010, n’a pas été recouvré ; que l’absence de déclaration au passif de la procédure collective de la créance en cause, n’est pas contestée ; que cette créance est perdue depuis le 17 novembre 2010, du fait de l’absence de diligences adéquates, complètes et rapides de Mme X, alors en fonctions ;

 

Attendu que les difficultés invoquées par Mme X s’agissant du fonctionnement du service ou de la complexité des tâches, ne peuvent l’exonérer de sa responsabilité ;

 

Attendu dès lors qu’il y a lieu d’engager la responsabilité de Mme X à ce motif au titre de l’exercice 2010 ;

 

Sur l’existence d’un préjudice financier

 

Attendu que le non recouvrement d’une créance cause par principe un préjudice financier à la collectivité publique créancière ; qu’il n’y a absence de préjudice que s’il est établi que l’Etat n’aurait pas pu être désintéressé, quand bien même le comptable aurait satisfait à ses obligations ;

 

Attendu qu’en l’espèce la procédure de liquidation est toujours en cours ; que le certificat d’irrécouvrabilité émis le 27 mars 2012 par le mandataire liquidateur n’a qu’une valeur indicative ; qu’il en va de même du document remis à l’audience, sous forme de copie d’un courriel émanant des services du mandataire, et mentionnant que le produit d’une cession immobilière est « pour l’heure, totalement absorbé par le remboursement des avances superprivilégiées, sans que l’on puisse désintéresser le créancier hypothécaire de premier rang qui […] prime » ; qu’il nest donc pas démontré que le manquement n’a pas porté préjudice financier à l’État ;

 

Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée : « lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier, le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;

 

Attendu que le service a prononcé le 14 octobre 2011 un dégrèvement d’office de 7 036 € pour cause de cessation d’activité en cours d’année, sur la base des dispositions du deuxième alinéa du I de l’article 1478 du code général des impôts ; que le montant de la créance a ainsi été ramené à 14 071  ;

 

Attendu qu’il y a donc lieu de constituer Mme X débitrice envers l’Etat de la somme de 14 071 € au titre de l’exercice 2010, augmentée des intérêts au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de sa responsabilité personnelle et pécuniaire, soit le 2 février 2016, date de sa réception du réquisitoire susvisé ;

 

 

 

 

 

 

 

Sur la présomption de charge n° 2, soulevée à l’encontre de M. Y, au titre de l’exercice 2011

 

Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la première chambre de la Cour des comptes de la responsabilité encourue par M. Y, comptable en fonctions au SIE d’Annemasse du 1er avril 2011 au 31 janvier 2012, à raison de l’insuffisance des diligences au titre de l’exercice 2011, en vue du recouvrement d’une créance sur la société SAS Chalets Tardy, au titre de la cotisation foncière des entreprises (CFE) à hauteur de 3 176 € pour 2010 et 5 875  pour 2011 ;

 

Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations

 

Sur la règle de droit

 

Attendu qu’aux termes de la loi du 23 février 1963 susvisée, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes et des contrôles qu’ils sont tenus d’exercer en cette matière dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique ; que leur responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve engagée dès lors qu’une recette n’a pas été recouvrée ; que la responsabilité du comptable public en matière de recettes s’apprécie au regard de ses diligences, celles-ci devant être adéquates, complètes et rapides ;

 

Attendu qu’en application de l’article L. 622-24 du code de commerce, « A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat […]  » ; que l’article R. 622-24 du même code fixe ledit délai à deux mois ;

 

Sur les faits

 

Attendu que la SAS Chalets Tardy restait redevable de 3 176 € de CFE au titre de 2010, mise en recouvrement en 2010 ; que ladite société a été déclarée en redressement judiciaire par jugement du 21 mars 2011 publié au BODACC du 10 avril 2011 ; que cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire, par jugement du 26 avril 2011 publié au BODACC du 12 mai 2011 ; que Maître Thierry Bouvet a été désigné par le tribunal de commerce de Chambéry en qualité, tout d’abord, de représentant des créanciers, puis de liquidateur ;

 

Attendu que le service a adressé une déclaration de créances le 18 mai 2011, pour un montant de 2 702 € à titre définitif et 25 344 € à titre provisionnel, à une autre personne, soit Maître Chatel-Louroz ; que ce dernier a retourné cette déclaration le 30 mai 2011 en indiquant qu’elle ne le concernait pas ; qu’aucune déclaration rectificative n’a été effectuée dans le délai de deux mois imparti aux créanciers pour produire leurs créances, lequel expirait le 10 juin 2011 ;

 

Attendu qu’une requête en relevé de forclusion, adressée au tribunal le 7 octobre 2011, a été rejetée par décision du 28 novembre 2011 ;

 

Sur les éléments invoqués à décharge par le comptable

 

Attendu que le comptable fait valoir des arguments relatifs aux conditions de fonctionnement de son service et de ses effectifs ;

 

Sur l’application au cas d’espèce

 

Attendu que les difficultés invoquées par M. Y, s’agissant du fonctionnement du service, ne peuvent l’exonérer de sa responsabilité ;

 

Attendu que la créance est perdue depuis le 28 novembre 2011 en l’absence de diligences adéquates, complètes et rapides de la part de M. Y, alors en fonctions ;

 

Attendu, dès lors, qu’il y a lieu d’engager sa responsabilité à ce motif au titre de l’exercice 2011 ;

 

Sur l’existence d’un préjudice financier

 

Attendu que le non recouvrement d’une créance cause par principe un préjudice financier à la collectivité publique créancière ; qu’il n’y a absence de préjudice que s’il est établi que l’Etat n’aurait pas pu être désintéressé, quand bien même le comptable aurait satisfait à ses obligations ;

 

Attendu qu’en l’espèce, la procédure de liquidation est toujours en cours ; qu’il n‘est donc pas démontré que le manquement n’a pas porté préjudice financier à l’État ;

 

Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée : « lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier, le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;

 

Attendu que le service a prononcé le 4 mai 2012 deux dégrèvements d’office de CFE, de 5 377  et de 498 , sur la base des dispositions du deuxième alinéa du I de l’article 1478 du code général des impôts ; que le montant de la créance déclarée à titre provisionnel pour 6 100  et mise en recouvrement à hauteur de 5 875 € au titre de l’année 2011 a été annulé ; que le montant de la créance a ainsi été ramené à 3 176 ;

 

Attendu qu’il y a lieu, par conséquent, de constituer M. Y débiteur envers l’Etat de la somme de 3 176 € au titre de l’exercice 2011, augmentée des intérêts au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de sa responsabilité personnelle et pécuniaire, soit le 3 février 2016, date de sa réception du réquisitoire susvisé ;

 

 

Par ces motifs,

 

 

DÉCIDE :

 

 

En ce qui concerne Mme X

 

Au titre de l’exercice 2010, (présomption de charge n° 1)

 

Article 1er. – Mme X est constituée débitrice envers l’Etat au titre de l’exercice 2010, pour la somme de 14 071 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 2 février 2016.

 

En ce qui concerne M. Y

 

Au titre de l’exercice 2011, (présomption de charge n° 2)

 

Article 2. – M. Y est constitué débiteur envers l’Etat au titre de l’exercice 2011, pour la somme de 3 176 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 3 février 2016.

 

Article 3.  La décharge de Mme X pour l’année 2010 et de M. Y pour l’année 2011 ne pourra être prononcée qu’après apurement des débets tels que fixés ci-dessus.

 

 

 

Fait et jugé par M. Philippe GEOFFROY, président de section, président de la formation ; MM. Daniel-Georges COURTOIS, Jean-Christophe CHOUVET, Mme Dominique DUJOLS, MM. Pierre ROCCA et Alain LEVIONNOIS, conseillers maîtres.

En présence de Mme Marie-Noëlle TOTH, greffière de séance.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Marie-Noëlle TOTH

 

 

 

 

 

 

 

 

Philippe GEOFFROY

 

 

 

 

 

 

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

 

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-16 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-15 du même code.

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