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QUATRIÈME CHAMBRE ------- Première section ------- Arrêt n° S2016-1459
Audience publique du 21 avril 2016
Prononcé du 26 mai 2016 | COMMUNE DE MALLEMORT (BOUCHES-DU-RHÔNE)
Appel d’un jugement de la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur
Rapport n° R-2016-0297
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République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu la requête, enregistrée le 16 octobre 2014 au greffe de la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur, par laquelle M. X, comptable de la commune de Mallemort pour l’exercice 2011, a élevé appel du jugement n° 2014-0010 du 8 septembre 2014 par lequel ladite chambre régionale l’a constitué débiteur envers cette commune de la somme de 5 676,48 euros au titre de l’exercice 2011, augmentée des intérêts de droit à compter du 26 décembre 2013 ;
Vu le réquisitoire du Procureur général près la Cour des comptes n° 2015-007 du 28 janvier 2015 transmettant à la Cour les requêtes précitées ;
Vu les pièces de la procédure suivie en première instance et produites en appel, notamment le réquisitoire n° 2013-0038 du 13 décembre 2013 du procureur financier près la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales, notamment son article D. 1617-19 ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et notamment son article 111 ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi de finances pour 1963 modifiée, dans sa rédaction issue de l'article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le rapport de M. Nicolas HAUPTMANN, auditeur ;
Vu les conclusions du Procureur général n° 253 du 12 avril 2016 ;
Entendus, lors de l’audience publique du 21 avril 2016, M. HAUPTMANN, en son rapport, M. Christian MICHAUT, avocat général, en les conclusions du ministère public ;
Entendue en délibéré Mme Anne FROMENT-MEURICE, présidente de chambre maintenue en activité, en ses observations ;
Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur a constitué M. X débiteur envers la commune de Mallemort de la somme de 5 676,48 euros, au titre de l’exercice 2011, pour avoir procédé au paiement de primes de vacances en l’absence de délibération permettant de liquider la dépense sur les bases retenues par le mandat ;
Attendu que M. X demande à la Cour d’infirmer le jugement dès lors qu’il estime qu’aucun manquement à ses obligations de contrôle ne lui est imputable ; qu’en effet, il affirme avoir détenu, au moment du paiement, les pièces justificatives requises par la réglementation, en l’occurrence la délibération du conseil municipal du 13 avril 2011 ; qu’il soutient également que, même en l’absence de référence à un texte, cette délibération était exécutoire à la date de mise en paiement des salaires et qu’il ne pouvait s’opposer au paiement, au risque sinon de se faire juge de la légalité interne de la délibération ; qu’à titre subsidiaire, il demande à la Cour d’admettre, dans le cas où un manquement devrait être retenu, que ce manquement n’est pas la cause d’un préjudice financier avéré pour la commune puisque la volonté non équivoque de celle-ci était d’attribuer une prime revalorisée ;
Sur l’existence d’un manquement
Attendu que la commune de Mallemort a pris une délibération le 24 mai 1991, en application de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, considérant comme un avantage collectivement acquis la prime de vacances servie par l’amicale du personnel depuis 1975 ; que cette délibération du 24 mai 1991 fixait pour l’année 1991 le montant de cette prime de vacances à 480 francs (soit 73,18 euros) par agent ; que cette délibération ne fait nullement état d’une revalorisation ou d’une modulation en fonction du statut des agents ;
Attendu que le comptable a pris en charge, sur la base d’une délibération du conseil municipal en date du 13 avril 2011, ne faisant aucune référence explicite à un texte mais visant la délibération précitée du 24 mai 1991, le mandat n° 928 du 14 juin 2011 d’un montant de 104 338,39 euros et a payé à l’ensemble du personnel une prime intitulée « prime de vacances » ; que ladite prime, dont le montant total s’est élevé à 10 140,46 euros, a été liquidée à raison de 170 euros par agent titulaire et 177 euros par agent non titulaire ; que la revalorisation et la modulation de la prime ainsi appliquées par rapport au montant fixé par la délibération de 1991 n’avaient pas été prévues expressément par ladite délibération ; qu’ainsi, elles étaient contraires aux dispositions de la loi du 26 janvier 1984 ; que la liquidation de la prime sur les bases retenues par le mandat précité était donc erronée ;
Attendu cependant qu’à compter de l’adoption de la délibération du 13 avril 2011, le comptable disposait d’une décision exécutoire de l’organe délibérant ; que cette délibération était une pièce justificative suffisante dans la mesure où elle émanait de l'autorité compétente, elle était complète et précise et elle ne laissait subsister aucune ambiguïté sur la volonté de payer la prime aux montants revalorisés et modulés en fonction du statut des agents ; que cette délibération s’imposait donc au comptable qui aurait excédé sa compétence, s’il en avait discuté la légalité ;
Attendu, en conséquence, qu’il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris qui a constitué M. X en débet de la somme de 5 676,48 euros pour avoir payé la prime de vacances en l’absence de délibération lui permettant de liquider la prime sur les bases retenues par le mandat ;
Attendu que saisie par l’effet dévolutif de l’appel, il appartient à la Cour de statuer sur la présomption de charge à l’encontre de M. X figurant dans le réquisitoire susvisé du procureur financier près la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur, en date du 13 décembre 2013 ;
Attendu qu’il incombe au comptable de veiller à la production de l’ensemble des justifications prévues par l’article D.1617-19 du code général des collectivités territoriales, à savoir non seulement la délibération de l’autorité budgétaire instituant cette prime mais également la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination fixant le taux applicable à chaque agent ; qu’il n’est pas contesté qu’au moment de la liquidation de la prime de vacances, le comptable ne disposait pas de cette dernière pièce justificative ; que, dès lors, il aurait dû suspendre le paiement de la prime conformément à l’article 37 du décret du 29 décembre 1962 susvisé ; qu’en s’abstenant d’une telle suspension, le comptable a manqué à son obligation de contrôle de la production de l’ensemble des justifications ;
Attendu de plus que l’examen des bulletins de paie des agents communaux pour le mois de juin 2011 fait apparaître, dans un certain nombre de cas, que la prime de vacances a été payée à des montants différents de ceux fixés par la délibération du 13 avril 2011, qui ne prévoyait pas de modulation mais fixait simplement deux montants, selon que l’agent est titulaire ou non titulaire ; qu’en conséquence, le comptable a également manqué à son obligation de contrôle de l’exactitude du calcul de la liquidation de la prime comme le lui imposait pourtant l’article 13 du décret du 29 décembre 1962 susvisé ;
Sur le préjudice financier
Attendu que l’article 60 de la loi de finances susvisée du 23 février 1963 modifiée subordonne la mise en débet du comptable public au fait que le manquement à ses obligations relevé par le juge ait entraîné un préjudice financier pour l’organisme public concerné ;
Attendu que, si le paiement de la prime en l’absence de la décision formelle de l’autorité investie du pouvoir de nomination fixant le taux applicable à chaque agent constitue bien un manquement du comptable à ses obligations de contrôle, celui-ci disposait d’une délibération exécutoire de l’organe délibérant, antérieure au paiement, décidant du principe de la dépense, du versement d’une prime revalorisée aux agents de la commune de Mallemort et en fixant le montant par statut d’agents ; que les erreurs constatées dans le calcul de la liquidation ont été limitées et l’ont toutes été au profit de la commune, seuls sept agents sur soixante-et-un ayant bénéficié de montants inférieurs aux deux taux prévus par la délibération pour les agents titulaires et non titulaires ;
Attendu dès lors que les manquements du comptable à ses obligations ne sauraient, en l’espèce, avoir causé un préjudice financier à la commune ;
Sur la fixation de la somme irrémissible
Attendu qu’il résulte de l’article 60 précité de la loi du 23 février 1963 modifiée et du décret du 10 décembre 2012 susvisé que, lorsque le manquement du comptable à ses obligations n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge peut mettre à sa charge, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce, une somme irrémissible n’excédant pas 1,5 ‰ du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable, soit en l’espèce 165 euros ;
Attendu que M. X n’invoque aucune circonstance particulière justifiant de baisser ce montant ;
Attendu qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce d’une part, pour le manquement relatif à l’erreur dans le calcul de liquidation, en décidant un non-lieu à mise à la charge de M. X d’une somme irrémissible et, d’autre part, pour le manquement relatif à la production des justifications, en mettant à la charge de M. X une somme irrémissible de 165 euros ;
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1er – Le jugement n° 2014-0010 du 8 septembre 2014 de la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur est infirmé en ce qu’il a constitué M. X débiteur de la somme de 5 676,48 €, augmentée des intérêts de droit calculés à compter du 26 décembre 2013.
Article 2 – Il est mis à la charge de M. X une somme irrémissible de 165 euros pour l’exercice 2011.
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Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents : MM. Jean-Philippe VACHIA, président, Yves ROLLAND, président de section, Mme Anne FROMENT-MEURICE, présidente de chambre maintenue en activité, MM. Gérard GANSER, Franc-Gilbert BANQUEY, Jean-Yves BERTUCCI, Noël DIRICQ et Francis CAHUZAC, conseillers maîtres.
En présence de Mme Annie LE BARON, greffière de séance.
Annie LE BARON
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Jean-Philippe VACHIA
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En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de
la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-16 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au paragraphe I de l’article R. 142-15 du même code.
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