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PREMIERE CHAMBRE ------- Première section ------- Arrêt n° S 2016-2278 Audience publique du 23 juin 2016 Prononcé du 28 juillet 2016 | DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES DE CORSE ET DU DEPARTEMENT DE LA CORSE-DU-SUD Exercices 2011 et 2012 Rapport n° R-2016-0532
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République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu le réquisitoire en date du 29 septembre 2015, par lequel le Procureur général près la Cour des comptes a saisi la première chambre de la Cour des comptes de présomptions de charges en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X, directeur régional des finances publiques de Corse et du département de la Corse-du-Sud, au titre d’opérations relatives aux exercices 2011 et 2012, notifié le 8 octobre 2015 au comptable concerné ;
Vu les comptes rendus par M. X en qualité de directeur régional des finances publiques de Corse et du département de la Corse-du-Sud à compter du 2 décembre 2010 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n°63-156 du 23 février 1963 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;
Vu le décret n° 95-869 du 2 août 1995 fixant le statut particulier des personnels de la catégorie A du Trésor public, ensemble le décret n° 2010-986 du 26 août 2010 portant statut particulier des personnels de catégorie A de la direction générale des finances publiques ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifiée ;
Vu les instructions codificatrices n°10-014-B du 2 avril 2010 et n°11-017-B du 22 août 2011 relatives à la nomenclature des pièces justificatives de l’Etat ;
Vu le rapport de M. Alain LEVIONNOIS, conseiller référendaire, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions du Procureur général ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du 23 juin 2016, M. LEVIONNOIS, conseiller référendaire, en son rapport, M. Bertrand DIRINGER, avocat général, en les conclusions du ministère public, M. X, informé de l’audience, n’étant ni présent ni représenté ;
Entendu en délibéré Mme Dominique DUJOLS, conseillère maître, en ses observations ;
Sur la présomption de charge n° 1, soulevée à l’encontre de M. X, au titre de l’exercice 2012
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la première chambre de la Cour des comptes de la responsabilité encourue par M. X, au titre de sa gestion 2012, à raison d’une absence de justification du solde du compte 415 120 « redevables créances liées aux amendes et autres pénalités » d’un montant qui ne saurait être inférieur à 137 612,57 €, et pour défaut de conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité, de tenue de la comptabilité, et de recouvrement de recettes ;
Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations
Sur le droit applicable
Attendu qu’aux termes du I de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes […], de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste qu’ils dirigent[…] » ; qu’aux termes du même texte, leur responsabilité personnelle et pécuniaire « se trouve engagée dès lors qu’un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeur a été constaté, qu'une recette n'a pas été recouvrée […] » ;
Attendu que le III de l’article 60 modifié de cette même loi prévoit que la responsabilité pécuniaire des comptables publics « ne peut être mise en jeu à raison de la gestion de leurs prédécesseurs que pour les opérations prises en charge sans réserve lors de la remise de service ou qui n'auraient pas été contestées par le comptable entrant […] » ;
Attendu qu’aux termes de l’article 18 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, entré en vigueur le 12 novembre 2012, les comptables publics sont seuls chargés de la prise en charge et du recouvrement des ordres de recouvrer, du maniement des fonds et des mouvements de comptes de disponibilités et de la conservation des pièces justificatives des opérations transmises par les ordonnateurs, ainsi que des documents de comptabilité ;
Sur les faits
Attendu que le compte 415 120 présente un solde débiteur d’un montant de 11 629 942,70 € au 31 décembre 2012 ; que le comptable n’est en mesure de justifier la totalité de ce solde ni par l’état de développement produit à partir de l’application comptable CHORUS faisant ressortir un solde à hauteur de 10 703 099,83 €, ni par l’état nominatif des restes à recouvrer issu de l’application de comptabilité auxiliaire AMD qui fait apparaître un solde de 10 152 806,33 € ;
Attendu ainsi que le solde figurant au compte de gestion 2012 produit par M. X n’est appuyé de justifications qu’à hauteur de 10 152 806,33 € ; qu’il subsiste un écart non expliqué d’un montant de 1 477 136,37 € entre la comptabilité générale et la comptabilité auxiliaire ;
Sur les éléments apportés à décharge par le comptable
Attendu que M. X fait valoir que la différence de 926 842,87 € entre les soldes du compte 415 120 issus des applications Xémélios et Chorus trouve son origine dans le fait que l’application Xémélios couvre un champ plus large que celui des opérations de la direction régionale des finances publiques de Corse, et comprend les opérations des receveurs des douanes, dites intercom, pour un montant de 926 442,37 € ; que la différence résiduelle de 400,50 € est constituée par deux opérations liées à des erreurs de saisies intervenues en 2012, corrigées en 2013 ;
Attendu que M. X ajoute que la différence entre l’état nominatif des restes à recouvrer sur amendes issu de l’application de comptabilité auxiliaire AMD et le solde issu de l’application de comptabilité générale CHORUS doit être ramenée à 550 293,50 €, et non 550 294,50 € comme indiqué au réquisitoire, suite à la passation d’une écriture débitrice d’1 € le 31 décembre 2012, qui ne figurait pas dans l’état produit à l’appui du compte remis à la Cour ;
Attendu que M. X produit, pour les années 1973 à 1990, un état détaillé et nominatif de créances à recouvrer suivies sur fiches amendes, non prises en charge dans l’application AMD et faisant ressortir un montant de créances nominatives à hauteur de 410 709,79 € au 31 décembre 2012 ;
Attendu que le comptable explique que conformément aux dispositions de la note de service n° 2014/10/5284 de la DGFIP, une procédure d’apurement administratif a été engagée pour un montant de 137 612,57 € par une écriture de transfert au débit du compte de déficit et débet 463 213 en date du 31 décembre 2014 ; que ce montant correspond à l’écart constaté au 31 décembre 2011 entre l’ancienne application comptable CGL et l’application AMD, ledit écart n’ayant pu être antérieurement justifié et corrigé ;
Attendu qu’au vu des éléments susmentionnés, M. X indique qu’une différence de 1 971,14 € subsiste et reste inexpliquée et non justifiée à ce jour ;
Sur l’application au cas d’espèce
Attendu que les éléments produits par M. X justifient l’écart relevé par le réquisitoire à hauteur de 1 337 553,66 €, 926 842,87 € concernant des opérations des receveurs des douanes, 410 709,79 € concernant des créances suivies sur fiches amendes, et 1 € passé en écriture débitrice dans CHORUS le 31 décembre 2012 et non pris en compte dans le compte produit à la Cour ;
Attendu que l’écriture d’un montant de 137 612,57 € portée au débit du compte 463 213 le 31 décembre 2014, dont M. X a produit la justification, correspond à l’engagement d’une procédure d’apurement administratif d’un solde non justifié ;
Attendu que le juge des comptes n’est pas tenu, au stade de la mise en jeu de la responsabilité des comptables, par la solution donnée à l’occasion des procédures administratives d’apurement ;
Attendu ainsi que subsiste un écart non justifié d’un montant de 139 582,71 € entre le solde figurant en comptabilité générale CHORUS d’une part, et le montant des créances figurant sur les états nominatifs de comptabilité auxiliaire AMD et celles suivies sur fiches amendes d’autre part ; que ce solde non justifié, en méconnaissance des obligations précitées prévues au décret du 7 novembre 2012 susvisé, est constitutif d’un manquant en monnaie ou en valeur au sens de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée ;
Attendu que M. X n’a formulé aucune réserve sur la gestion de ses prédécesseurs ;
Attendu qu’ainsi il y a lieu d’engager la responsabilité de M. X au titre de l’exercice 2012 ;
Sur l’existence d’un préjudice financier pour le Trésor
Attendu qu‘un manquant en monnaie ou en valeur est constitutif d’un préjudice financier pour l’Etat ;
Attendu ainsi que le manquement du comptable a causé un préjudice à l’État, au sens des dispositions du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée ;
Attendu qu’aux termes du même article, « lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné [...], le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
Attendu qu’aucune somme n’ayant été laissée à sa charge dans le cadre de l’apurement administratif du solde, il y a lieu de constituer M. X débiteur de l’Etat pour la totalité de l’écart inexpliqué, soit une somme de 139 583,71 €, au titre de l’exercice 2012 ;
Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 susvisé de la loi du 23 février 1963, les débets portent intérêts au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics ; qu’en l’espèce, cette date est le 12 octobre 2015, date de réception du réquisitoire par M. X ;
Sur la présomption de charge n° 2, soulevée à l’encontre de M. X, au titre des exercices 2011 et 2012
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la première chambre de la Cour des comptes afin qu’elle juge la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X, à raison du paiement de loyers à des comptables chefs de poste dans les départements de la Haute-Corse et de Corse-du-Sud, alors que l’Etat n’était pas partie aux contrats de location concernés ;
Attendu que le Procureur général estime que M. X aurait manqué aux obligations de contrôle auxquelles il était tenu en application de l’article 11 du décret du 29 décembre 1962 susvisé, en particulier le contrôle de la validité de la créance, consistant notamment en un contrôle de l’exactitude des calculs de liquidation, de l’intervention préalable des contrôles réglementaires et de la production des justifications ; qu’il est demandé à la Cour de statuer sur la responsabilité de ce comptable pour des paiements intervenus en 2011 pour un montant total de 6 333,01 €, et en 2012 d’un montant qui pourrait être compris entre 88 601,88 € et 89 417,40 €.
Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations
Sur le droit applicable
Attendu qu’aux termes de l’article 33 du décret du 2 août 1995 susvisé, applicable jusqu’au 31 août 2011, « l’installation dans les fonctions de comptable chef de poste comporte l’obligation pour l’intéressé de résider, lorsqu’il en existe un, dans le logement de fonction attaché au poste, dans les conditions prévues à l’article R. 94 du code des domaines, alinéa 1, sauf dérogation accordée par le trésorier payeur général en ce qui concerne les trésoreries et par le directeur général de la comptabilité publique en ce qui concerne les recettes des finances » ; que l’article 26 du décret du 26 août 2010 susvisé, entré en vigueur le 1er septembre 2011, a repris ces dispositions ;
Attendu que les nomenclatures des pièces justificatives des dépenses de l’Etat des 2 avril 2010 et 22 août 2011 susvisées, applicables au moment des faits, prévoyaient notamment, s’agissant de dépenses locatives, la production au comptable d’une copie du bail ou de la convention de location ;
Attendu qu’aux termes de l’article 20 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, « les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire » ; qu’en outre, en application de l’article 2 du décret du 17 juillet 1985 susvisé, les fonctionnaires de l’Etat et des collectivités territoriales « ne peuvent bénéficier d’aucune indemnité autre que celles fixées par une loi ou un décret » ;
Attendu que les nomenclatures précitées prévoyaient, s’agissant des indemnités versées à des agents publics, que devaient être fournis au comptable la décision d’attribution et l’état liquidatif et nominatif faisant référence au texte institutif de l’indemnité et à l’arrêté fixant les taux en vigueur ;
Attendu que, selon les dispositions du B de l’article 12 du décret du 29 décembre 1962 susvisé, les comptables sont tenus d’assurer en matière de dépense « le contrôle de la qualité de l’ordonnateur ou de son délégué, de la disponibilité des crédits, de l’exacte imputation des dépenses aux chapitres qu’elles concernent selon leur nature ou leur objet, de la validité de la créance [...] et du caractère libératoire du règlement » ; que s’agissant de la validité de la créance, l’article 13 du même décret fait notamment porter le contrôle sur l’exactitude des calculs de liquidation et la production des justifications ;
Attendu que s’il n’appartient pas aux comptables publics de se faire juges de la légalité des décisions administratives sur lesquelles sont fondés les paiements, ils doivent en revanche vérifier la référence, comme le prévoit la nomenclature, à des textes de nature à justifier le paiement desdites indemnités, ainsi que les conditions d’application de ces textes ;
Attendu que, selon les dispositions de l’article 37 du décret du 29 décembre 1962 susvisé, « lorsque, à l'occasion de l'exercice du contrôle prévu à l'article 12 (alinéa B) ci-dessus, des irrégularités sont constatées, les comptables publics suspendent les paiements et en informent l'ordonnateur » ;
Attendu que selon le troisième alinéa du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics « se trouve engagée dès lors [...] qu’une dépense a été irrégulièrement payée » ;
Sur les faits
Attendu que M. X a pris en charge et payé en 2011 et 2012, respectivement à hauteur de 6 333,01 € et 88 602,24 €, des remboursements de loyers acquittés par des chefs de poste du Trésor public à des bailleurs privés, pour l’occupation locative de logements situés à distance des locaux administratifs des intéressés ; qu’il est constant que ces paiements sont intervenus sur le seul fondement d’une décision ministérielle du 6 février 1997 ;
Attendu que ces paiements ont été imputés aux comptes 611 311 et 611 312, qui correspondent en comptabilité générale à des charges relatives à des locations immobilières ;
Sur les éléments apportés à décharge par le comptable
Attendu que M. X rappelle que préalablement à la décision ministérielle précitée du 6 février 1997, les comptables chefs de poste du Trésor public en Corse bénéficiaient d’un arrêté de concession de logement, signé par le trésorier payeur général et régi par le code du domaine de l’Etat, en application du décret du 2 août 1995 susvisé ;
Attendu que M. X ajoute que la décision ministérielle précitée du 6 février 1997 a explicitement autorisé, à titre dérogatoire, les chefs de poste du Trésor public en Corse à prendre à bail un logement à titre personnel, les loyers payés leur étant intégralement remboursés par l’Etat ; que du fait d’attentats perpétrés sur des installations du Trésor public, ce dispositif d’exception relèverait de la force majeure, évoquée dans le guide de janvier 2008 sur les logements de fonction au Trésor public ;
Attendu que le comptable estime qu’à l’occasion du remboursement des loyers aux intéressés, la seule pièce justificative obligatoire prévue par les instructions codificatrices en vigueur sur la période concernée est le bail signé des parties ; que M. X considère avoir correctement exercé son contrôle de la dépense de l’Etat sur cette seule pièce justificative, qui s’imposait à lui, et estime dès lors que sa responsabilité personnelle et pécuniaire n’est pas engagée ;
Attendu que M. X produit les baux établis, l’accord de sa direction générale et les avis du service des domaines sur le montant des loyers pris en charge ;
Sur l’application au cas d’espèce
Attendu que les nomenclatures des pièces justificatives des dépenses de l’Etat des 2 avril 2010 et 22 août 2011 susvisées, applicables au moment des faits, exigeaient notamment, à la rubrique 6.2, la production d’une copie du bail ou de la convention de location ; que ces dispositions doivent s’entendre comme un contrat de bail signé par l’Etat, preneur, et le bailleur, dans le cas du versement audit bailleur, par l’Etat, du montant des loyers ;
Attendu qu’en l’espèce les baux ont été conclus entre un bailleur et un preneur intervenant l’un et l’autre à titre personnel ; que l’Etat n’étant pas partie à ces contrats, il n’était pas le preneur des logements loués ; qu’au surplus, le bénéficiaire des paiements litigieux n’était pas le bailleur, mais l’agent public locataire ; qu’ainsi la copie des baux en question ne pouvait constituer la pièce prévue par les nomenclatures précitées ;
Attendu, qu’à supposer que, nonobstant l’imputation comptable retenue, la somme versée aux agents s’analyse comme une indemnité au sens de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, le comptable aurait payé ladite indemnité en l’absence de la décision d’attribution de l’indemnité payée et un état liquidatif et nominatif faisant référence au texte institutif de l’indemnité et à l’arrêté fixant le(s) taux en vigueur, dont la décision ministérielle précitée ne saurait tenir lieu ; que de jurisprudence constante, un comptable commet un manquement en procédant à un paiement d’indemnité sans référence à un texte instituant valablement une indemnité lui permettant de vérifier la validité de la créance et l’exactitude des calculs de liquidation ;
Attendu qu’un comptable public ne saurait être délié de ses obligations au motif qu’il serait placé sous le contrôle hiérarchique du ministre chargé des finances, lequel aurait donné des instructions ;
Attendu ainsi qu’en s’abstenant de surseoir aux paiements litigieux, le comptable a engagé sa responsabilité, à raison d’un défaut de contrôle de validité de la créance, au titre des exercices 2011 et 2012 ;
Sur les circonstances de force majeure invoquées par M. X
Attendu que si les risques d’attentats en Corse caractérisent une situation exceptionnelle, ils ne s’opposaient pas à ce que le comptable sursoie à payer, dans l’attente d’une réquisition de payer de l’ordonnateur ou d’une régularisation du dispositif mis en place en 1997 ; que l’argument tenant à la force majeure doit ainsi être écarté ;
Sur l’existence d’un préjudice financier pour le Trésor
Attendu que les baux joints à l’appui des paiements ne justifiaient pas une dette locative contractée par l’État à l’égard des bénéficiaires des paiements ; qu’à supposer que ces paiements s’analysent comme des indemnités, ces dernières auraient été instituées sans texte réglementaire ou législatif ; qu’en toute hypothèse les paiements litigieux sont indus ;
Attendu ainsi que le manquement du comptable a causé un préjudice financier pour le Trésor, au sens des dispositions du troisième alinéa du VI de l’article 60 susvisé de la loi du 23 février 1963 ;
Attendu qu’aux termes du même article, « lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier, (…) le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante ».
Attendu ainsi qu’il y a lieu de constituer M. X débiteur de l’Etat pour la somme de 6 333,01 € au titre de l’exercice 2011 et de 88 602,24 € sur l’exercice 2012.
Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 susvisé de la loi du 23 février 1963, « les débets portent intérêts au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 12 octobre 2015, date de réception du réquisitoire par M. X;
Sur le contrôle sélectif des dépenses
Attendu que ces paiements entraient dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif, au sens du IX de l’article 60 susvisé de la loi du 23 février 1963 ;
Attendu que s’agissant de dépenses imputées aux comptes 611 311 et 611 312, les plans de contrôle hiérarchisé de la dépense applicables au cours des exercices 2011 et 2012 pour les dépenses ordonnancées sur le programme 156 ne prévoyaient un contrôle exhaustif que pour les mandats d’un montant unitaire supérieur ou égal à 5 000 € ; qu’au cas d’espèce, les règlements en cause portaient tous sur des montants inférieurs à 5 000 € par mandat ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Présomption de charge n°1, exercice 2012
Article 1er. – M. X est constitué débiteur de l’Etat au titre de l’exercice 2012, pour la somme de 139 583,71 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 12 octobre 2015.
Présomption de charge n°2, exercice 2011
Article 2. – M. X est constitué débiteur de l’Etat au titre de l’exercice 2011, pour la somme de 6 333,01 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 12 octobre 2015.
Les paiements entraient dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif. Les règles ne prévoyaient pas que ces paiements devaient être contrôlés.
Présomption de charge n°2, exercice 2012
Article 3. – M. X est constitué débiteur de l’Etat au titre de l’exercice 2012, pour la somme de 88 602,24 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 12 octobre 2015.
Les paiements entraient dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif. Les règles ne prévoyaient pas que ces paiements devaient être contrôlés.
Article 4. – La décharge de M. X pour les exercices 2011 et 2012 ne pourra être prononcée qu’après apurement des débets tels que fixés ci-dessus.
Fait et jugé par M. Philippe GEOFFROY, président de section, présidant la séance ; MM. Daniel-Georges COURTOIS, Olivier MOUSSON, Vincent FELLER, Jean-Christophe CHOUVET et Mme Dominique DUJOLS conseillers maîtres.
En présence de Mme Marie-Hélène PARIS-VARIN, greffière de séance.
Marie-Hélène Paris-Varin |
Philippe Geoffroy |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-16 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-15 du même code.
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