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QUATRIEME CHAMBRE ------- Première section ------- Arrêt n° S 2016-3855
Audience publique du 1er décembre 2016
Prononcé du 15 décembre 2016
| CENTRE HOSPITALIER SAINT-MORAND D’ALTKIRCH (HAUT-RHIN)
Appel d’un jugement de la chambre régionale des comptes d’Alsace
Rapport n° R-2016-1347
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République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu la requête en appel déposée par le procureur financier près la chambre régionale des comptes d’Alsace enregistrée au greffe de la même chambre le 3 décembre 2014 contre le jugement n° 2014-011 en date du 13 novembre 2014, lequel n’a pas retenu de charges à l’encontre de MM. X et Y, comptables du Centre Hospitalier Saint-Morand d’Altkirch, pour le paiement, au cours des exercices 2010 et 2011, de la nouvelle bonification indiciaire à onze agents du centre hospitalier de St-Morand d’Altkirch ;
Vu le réquisitoire du Procureur général près la Cour des comptes n° 2015-17 du 9 mars 2015, transmettant à la quatrième chambre de la Cour la requête précitée ;
Vu les pièces de la procédure suivie en première instance ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique ;
Vu les lois et règlements relatifs à la comptabilité des établissements publics de santé ;
Vu le rapport de Mme Mireille Faugère, conseillère maître ;
Vu le mémoire en défense du 30 décembre 2014 produit par M. Y, comptable du centre hospitalier, ainsi que son message électronique du 29 novembre 2016 ;
Vu les conclusions du Procureur général n° 786 du 28 novembre 2016 ;
Entendu, lors de l’audience publique de ce jour, Mme Faugère, en son rapport, M. Christian Michaut, avocat général, en les conclusions du ministère public ;
Entendu, en délibéré, M. Francis Cahuzac, conseiller maître, en ses observations ;
Sur l’obligation de contrôle de l’exactitude des calculs de liquidation de paiement de NBI
Attendu que le requérant demande l’infirmation du jugement entrepris au motif que le paiement de la nouvelle bonification indiciaire au cours des exercices 2010 et 2011 à des agents non titulaires est indu car versé à des agents contractuels ; qu’il demande à la Cour de constituer MM. X et Y débiteurs du centre hospitalier à hauteur respectivement de 3 697,77 € (2 943,64 € pour l’exercice 2010 et 754,13 € sur l’exercice 2011) pour M. X et de 1 930,09 € sur l’exercice 2011 pour M. Y qu’il s’appuie sur une jurisprudence antérieure de la Cour ;
Attendu que dans son mémoire en défense, M. Y, comptable du centre hospitalier, soutient que les textes instituant la nouvelle bonification indiciaire ne distinguent pas le statut des agents titulaires des non titulaires ; qu’il n'avait pas à rechercher des dispositions plus précises ; que chaque contrat administratif d'emploi d'un agent à durée indéterminée conclu pour le recrutement des agents en cause mentionnait explicitement que l'intéressé percevrait en outre, le cas échéant, le supplément familial de traitement et les indemnités et primes afférentes audit emploi ; que dès lors aucune incohérence ne peut être constatée entre les pièces justificatives ;
Attendu que par jugement n° 2014-011 du 13 novembre 2014, la chambre régionale des comptes n'a pas retenu de charges à l'encontre de MM. X et Y pour le paiement de la nouvelle bonification indiciaire à onze agents contractuels, considérant que les comptables, qui doivent exiger des pièces à l'appui des paiements, l'ont fait en se référant aux textes instituant la nouvelle bonification indiciaire, texte de portée générale, qui ne distinguent pas le statut des agents titulaires ou non titulaires pour l’attribution de celle-ci ; qu’ils n'avaient pas à rechercher des dispositions plus précises et que le fait que les bulletins de paye des agents concernés comportent la mention « non titulaire » n’était pas une indication permettant aux comptables de considérer que cette nouvelle bonification indiciaire ne pouvait être versée qu’à des agents titulaires ;
Attendu de plus, que le jugement entrepris soutient « qu'il est constant que chaque contrat administratif d'emploi d'un agent à durée indéterminée conclu pour le recrutement des agents en cause mentionnait explicitement que l'intéressé « percevra[it] en outre, le cas échéant, le supplément familial de traitement et les indemnités et primes afférentes audit emploi » ; que, dès lors qu'aucune incohérence ne peut être constatée entre les pièces justificatives détenues, les comptables ont, à bon droit, payé cette indemnité » ;
Attendu toutefois que les dispositions de l’article 27 de la loi du 18 janvier 1991 afférentes à la NBI mentionnent les seuls « fonctionnaires et militaires » de l'Etat, ainsi que les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers ; qu’il en résulte que cet abondement ne peut être attribué à des agents contractuels ;
Attendu de plus, que la nouvelle bonification indiciaire consistant en l'attribution de points d'indice majorés et étant attribuée de plein droit du fait de l'exercice de certaines fonctions, elle ne peut être regardée comme une indemnité ou une prime mais comme un élément de la rémunération principale ;
Attendu que le jugement attaqué doit en conséquence être infirmé, en ce qu’il a considéré que la nouvelle bonification indiciaire peut être payée à des agents contractuels et que la nouvelle bonification indiciaire est une indemnité ;
Attendu que, par l'effet dévolutif de l’appel, il y a lieu de statuer sur l’existence d’un manquement et, le cas échéant, sur celle d’un préjudice financier à 1'établissement public ;
Sur l‘existence d’un manquement
Attendu que, selon l’article 13 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962, le comptable public doit veiller à l’exactitude des calculs de liquidation et la production des justifications ;
Attendu que si l’appelant invoque, à l’appui de son moyen, un arrêt de la Cour des comptes, l’existence d’un préjudice relevé dans une affaire prétendument similaire est sans portée ; qu’en effet, le juge d’appel n’est pas davantage tenu qu’un juge de première instance par la solution donnée par un autre juge ou le même juge dans une affaire supposée similaire ;
Attendu que le contrôle de la production de pièces justificatives à l’appui des paiements devait être effectué en référence à l'article D.1617-19 du code général des collectivités territoriales modifié par le décret n° 2007-450 du 25 mars 2007 qui fixe la liste des pièces à l'appui des paiements, à savoir, pour la dépense de nouvelle bonification indiciaire, l'annexe 1, rubrique 220222 - Nouvelle Bonification Indiciaire (NBI), qui vise la décision du directeur fixant le nombre de points attribués à l'agent ;
Attendu que le contrôle du comptable consiste ainsi à vérifier si l'ensemble des pièces que la nomenclature comptable requiert lui ont été fournies et si ces pièces sont, d'une part, complètes et précises, d'autre part, cohérentes au regard de la catégorie de dépense telle qu'elle a été ordonnancée ;
Attendu que les mandats de paiement n 'étaient pas accompagnés de ces pièces ; qu’elles ont été adressées au magistrat instructeur en cours d'instruction ; que le comptable n’apporte pas la preuve qu’il disposait bien de ces pièces au moment du paiement ; que le comptable a ainsi manqué, au moment du paiement, à ses obligations en matière de production des justifications ; que sa responsabilité personnelle et pécuniaire doit donc être mise en jeu ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
Attendu que les décisions de l’ordonnateur communiquées en cours d’instruction désignent les bénéficiaires et le montant des points attribués ; qu’elles sont complètes, précises et cohérentes au regard de la catégorie de dépense ordonnancée ; que les montants servis sont conformes aux décisions de l'ordonnateur ;
Attendu, par voie de conséquence, que le manquement n’a pas entraîné de préjudice ;
Attendu qu’aux termes des dispositions du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « lorsque le manquement du comptable […] n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce » ; que le décret du 10 décembre 2012 susvisé fixe le montant maximal de cette somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable ;
Attendu que le montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré pour les exercices 2010 et 2011 était fixé à 149 000 € ; qu’ainsi le montant maximum de la somme susceptible d’être mise à la charge de chacun des comptables, M. X et Y s’élève à 223,5 € ;
Attendu qu’eu égard aux circonstances, il y a lieu d’arrêter cette somme, par exercice et par comptable, à 150 € ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1 – Le jugement n° 2014-011 en date du 13 novembre 2014 de la chambre régionale des comptes d’Alsace est infirmé en ce qu’il a considéré, à tort, que la nouvelle bonification indiciaire peut être payée à des agents contractuels et que la nouvelle bonification indiciaire est une indemnité.
Article 2 - M. X devra, pour l’exercice 2010, s’acquitter d’une somme non rémissible de 150 €, en application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ; cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du IX de l’article 60 précité ;
Article 3 - M. Y devra, pour l’exercice 2011, s’acquitter d’une somme non rémissible de 150 €, en application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ; cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du IX de l’article 60 précité.
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Fait et jugé par M. Yves ROLLAND, président de section, président de séance;
MM. Noël DIRICQ, Francis CAHUZAC, Olivier ORTIZ, conseillers maîtres
et Mme Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS, conseillère maître.
En présence de Mme Marie-Hélène PARIS-VARIN, greffière de séance.
Marie-Hélène PARIS-VARIN
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Yves ROLLAND
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