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CINQUIEME CHAMBRE

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Première section

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Arrêt n° S 2016-0099

 

Audience publique du 8 décembre 2015

 

Prononcé du 18 janvier 2016

 

CONTROLEUR BUDGETAIRE ET COMPTABLE MINISTERIEL PLACé AUPRES DU MINISTERE DU TRAVAIL, DE L’EMPLOI, DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET DU DIALOGUE SOCIAL

 

 

 

Exercices 2008-2011

 

Rapport n° 2015-295-0

 

 

 

 

 

 

 République Française,

Au nom du peuple français,

 

 

La Cour,

 

 

Vu le réquisitoire en date du 19 février 2015, par lequel le Procureur général près la Cour des comptes a saisi la cinquième chambre de la Cour des comptes de présomptions de charges, en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de MM. X et Y, contrôleurs budgétaires et comptables ministériels placés auprès du ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, au titre d’opérations relatives aux exercices 2009-2011, notifié le 10 mars 2015 aux comptables concernés ;

Vu les comptes rendus par M. X, du 1er janvier 2008 au 2 octobre 2011, et M. Y, du 3 octobre 2011 au 31 décembre 2011, en qualité de comptables placés auprès du ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;

Vu les justifications produites au soutien du compte en jugement ;

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le décret n° 2005-1429 du 18 novembre 2005 modifié, relatif aux missions, à l’organisation et aux emplois de direction des services de contrôle budgétaire et comptable ministériel ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique alors en vigueur ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifiée dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

Vu les lettres de notification du réquisitoire du 10 mars 2015 ;

Vu le rapport de M. Francis CAHUZAC, conseiller maître, magistrat chargé de l’instruction ;

Vu les courriers adressés aux comptables, à l’ordonnateur, les réponses du comptable et les pièces produites ;

Vu les conclusions du Procureur généra ;

Vu les pièces du dossier ;

Entendu lors de l’audience publique du 8 décembre 2015, M. Francis CAHUZAC, conseiller maître, en son rapport, M. Frédéric GUTHMANN, substitut général, en les conclusions du ministère public, et MM. X et Y, comptables ;

Entendu en délibéré M. Philippe BACCOU, conseiller maître, en ses observations ;

 

 

Sur la présomption de charge numéro 1, soulevée à l’encontre de M. X, au titre de l’exercice 2009 :

 

Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la cinquième chambre de la Cour des comptes de la responsabilité encourue par M. X à raison d’un écart de 817 818 646,06 € au compte 652-28 de l'exercice 2009 entre la balance générale éditée sous le système de comptabilité générale CHORUS, d'un montant de 4 087 203 834,56 , et un état correspondant des mandats nationaux, d'un montant de 3 269 385 188,50  ; que des opérations auraient été réalisées à hauteur de 817 818 646,06 € en l'absence de production des pièces justificatives de la dépense ; que, selon ce réquisitoire, le défaut de justification de l'intégralité du solde du compte 652-28 ainsi que le défaut de contrôle de la validité des créances susmentionnées pourraient être présomptifs d'irrégularités susceptibles de fonder la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable ;

Attendu que le comptable fait valoir que l'écart de 817 818 646,06  se situe entre le compte de gestion produit par l'application « traitement central des comptabilités » et les états trimestriels des mandats nationaux des pièces de dépenses après ordonnancement, et plus particulièrement l’état trimestriel du 4ème trimestre 2009 ; que cet état n'a pas intégré les dossiers de liquidation de la dépense afférents à la période complémentaire, ainsi que leurs pièces justificatives ; que l'intégralité des dépenses imputées au compte 652-28 et figurant à la balance des comptes de l'exercice 2009 a bien été justifiée pour la somme totale de 4 087 203 834,56 €, et que l'ensemble des pièces justificatives de ces dépenses a été produit ;

Attendu que, dans ses conclusions, le Procureur général constate, au vu des informations fournies par le comptable et des investigations menées au cours de l’instruction de cette présomption de charge, que l'écart de 817 818 646,06 € a été justifié ;

Attendu que, selon l’article 11 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 alors applicable, le comptable public est chargé de la tenue de la comptabilité ; que, selon l’article 12 du même décret, il doit exercer le contrôle de la validité de la créance ;

Attendu que, lors de l’instruction, le comptable a produit deux fichiers comprenant la liste de tous les dossiers de liquidation ayant donné lieu à opération en janvier 2010, pendant la période complémentaire, pour un total de 817 818 646,06  ; que les informations des fichiers communiqués par le comptable sont suffisamment détaillées (liste des dépenses, compte imputé, imputation en période complémentaire) ;

Attendu, de surcroît, que les dossiers de liquidation et les pièces justificatives, produits au juge des comptes, justifient les paiements faits pour un total de 817 818 646,06 € au compte 652-28 ;

Attendu qu’il n’y a donc pas lieu de mettre en jeu la responsabilité du comptable à raison de la présomption de charge n° 1 ;

 

Sur la présomption de charge numéro 2, soulevée à l’encontre de M. Y au titre de l’exercice 2011 :

 

Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la cinquième chambre de la Cour des comptes de la responsabilité encourue par M. Y à raison d’un écart de 126 044,12 € au compte 631-1 de l’exercice 2011 entre les systèmes de comptabilité générale CGL et CHORUS ; que, selon ce réquisitoire, le système CGL ferait apparaître au 15 décembre 2011 un débit au compte 631-1 par un crédit au compte 4511 pour 185 044,12 €, tandis que le système CHORUS ferait apparaître au compte 6311000000 un paiement réalisé le 23 décembre 2011 pour 59 000  ; que la somme de 126 044,12 € n'aurait ainsi pas été intégralement justifiée ; que ces opérations auraient été réalisées en l'absence de production des pièces justificatives de la dépense ; qu’il en résulterait un défaut de contrôle de la validité des créances susmentionnées ;

Attendu que le comptable fait valoir que les comptabilisations sous CHORUS et CGL sont identiques et que l’écart présumé n’existe pas ; que, par ailleurs, les fichiers de l’état des mandats nationaux du 4ème trimestre 2011 ont été mouvementés en mars 2012, après un changement de l'imputation comptable en janvier 2012 des engagements juridiques correspondants ; qu’ainsi la somme de 126 044, 02 € a été réimputée au compte 631-2 ;

Attendu que, dans ses conclusions, le Procureur général constate, au vu des informations fournies par le comptable et des investigations menées au cours de l’instruction de cette présomption de charge, que l'écart de 126 044,12  a été justifié ;

Attendu que, selon l’article 11 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 alors applicable, le comptable public est chargé de la tenue de la comptabilité ; que, selon l’article 12 du même décret, il doit exercer le contrôle de la validité de la créance ;

Attendu que selon le moyen exposé par le comptable, dans l’état des mandats nationaux du 4ème trimestre 2011, la somme de 126 044,02 € a été réimputée au compte 631-2, et est sans effet sur la cohérence des écritures entre les systèmes CGL et CHORUS ;

Attendu que, lors de l’instruction, le comptable a produit deux fichiers extraits des systèmes CGL et CHORUS ; que, dans le fichier extrait de CGL, une opération de 185 044,12 € a été passée le 9 décembre 2011 au compte 631-1 et que, dans le fichier extrait de CHORUS, deux opérations de 59 000 € et 126 044,12 €, soit un total de 185 044,12 €, ont également été passées sur le compte 631-1000000 le 9 décembre 2011 ; que le dossier de paiement et les pièces justificatives ont été produits au juge des comptes et attestent qu’un paiement de 126 044,12  a été imputé au compte 631-1 et qu’il est justifié ;

Attendu qu’ainsi, il n’existe pas d’écart de 126 044,12 € au compte 631-1 de 1'exercice 2011 entre les systèmes CGL et CHORUS ;

Attendu qu’il n’y a donc pas lieu de mettre en jeu la responsabilité du comptable à raison de la présomption de charge n° 2 ;

 

Sur la présomption de charge numéro 3, soulevée à l’encontre de M. Y au titre de l’exercice 2011 :

 

Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la cinquième chambre de la Cour des comptes de la responsabilité encourue par M. Y à raison d’un écart de 1 049 112 396 € au compte 653-1211 de l'exercice 2011 entre les systèmes CGL et CHORUS ; que, selon ce réquisitoire, le système CGL ferait apparaître un solde débiteur de l'exercice 2011 de 848 172 116 € et le système CHORUS un solde débiteur de l'exercice 2011 de 1 897 284 512 € ; que, par conséquent, le solde débiteur de la balance générale de l’exercice 2011 ne serait pas justifié à hauteur de 1 049 112 396  ; que, par ailleurs, un état des mandats nationaux présenterait 51 mandats pour un montant total de 1 049 112 396 €, enregistrés au compte 653-1221 de l'exercice 2011, sans que le compte 653-1221 ait été mouvementé en 2011 dans la balance générale, ni dans le système CHORUS, ni dans le système CGL ; qu’il en résulterait un défaut de justification du solde débiteur du compte 653-1211 et un défaut de contrôle de la validité des créances ;

Attendu que le comptable fait valoir que les comptabilisations sous CHORUS et CGL sont identiques et que l’écart présumé n’existe pas ; que l’écart au compte 653-1221 entre CHORUS et l’état des mandats nationaux résulterait d’un changement de méthode comptable au 1er janvier 2012, le compte 653-1211 étant devenu le compte 653-1221 ;

Attendu que, dans ses conclusions, le Procureur général constate, au vu des informations fournies par le comptable et des investigations menées au cours de l’instruction de cette présomption de charge, que l'écart de 1 049 112 396 € a été justifié ;

Attendu que, selon l’article 11 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 alors applicable, le comptable public est chargé de la tenue de la comptabilité ; que, selon l’article 12 du même décret, il doit exercer le contrôle de la validité de la créance ;

Attendu que, lors de l’instruction, le comptable a produit divers fichiers dont deux sont extraits des systèmes CGL et CHORUS ; que ces deux fichiers sont relatifs au débit du compte 653-1211 et que chacun fait apparaître un solde identique de 1 897 284 512  ;

Attendu qu’il n’y a donc pas d’écart entre les soldes du compte 653-1211, selon qu’ils sont établis à partir de CHORUS ou de CGL ;

Attendu que le comptable a produit par ailleurs un état des mandats nationaux, établi en mars 2012, d’un montant de 1 049 112 396 € inscrits au compte 653-1221 ;

Attendu que, comme indiqué par le comptable, ce changement résulte d’un changement d’imputation comptable entré en vigueur au 1er janvier 2012 ; que ce changement a toutefois été sans effet sur les écritures en comptabilité générale passées avant le 1er janvier 2012 ; qu’en effet, les pièces justificatives pour le montant présumé non justifié, à savoir 1 049 112 396 €, ont été produites au juge des comptes et que ces dépenses ont été inscrites au compte 653-1211 ;

Attendu qu’il ne saurait être fait grief au comptable de ce que le compte 653-1221 n’ait pas été mouvementé en 2011 dans la balance générale ;

Attendu qu’il n’y a donc pas lieu de mettre en jeu la responsabilité du comptable à raison de la présomption de charge n° 3 ;

 

 

Sur la présomption de charge numéro 4, soulevée à l’encontre de M. X, au titre de l’exercice 2010 :

 

Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la cinquième chambre de la Cour des comptes de la responsabilité encourue par M. X pour avoir réglé en 2010, sur le compte 615-663 « Frais de représentation des ministres et des cabinets ministériels », par deux mandats de montants respectifs de 2 008,60 € et de 1 363, 99 €, des achats de denrées alimentaires et de fournitures associées (gobelets, tasses, serviettes), dépenses qui entreraient dans le cadre de l'enveloppe globale de fonctionnement allouée aux syndicats du ministère chargé du travail, selon la direction de l’administration générale et de la modernisation des services ; que, selon ce réquisitoire, les dossiers de liquidation de ces deux paiements n’auraient été accompagnés d’aucun certificat administratif ; qu’au surplus, la note du directeur de l’administration générale et de la modernisation des services fixant les règles de gestion de cette enveloppe n’indiquerait pas que l’administration doit prendre en charge des frais de réception ; qu’ainsi, les paiements des dépenses susmentionnées pourraient être présomptifs d'irrégularités susceptibles de fonder la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable ;

Attendu que le comptable fait valoir que puisque les dépenses en cause avaient la nature d’achats d’alimentation, il n’y avait pas lieu d’exiger la production du certificat administratif requis par une circulaire n°B-2E-94 du 24 septembre 1992 relative aux frais de représentation et de réception ;

Attendu que, dans ses conclusions, le Procureur général fait valoir que pour ces deux paiements, effectués sur un compte de frais de représentation, la production d’un certificat administratif serait exigée par la nomenclature ;

Attendu que, selon l’article 12 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 alors applicable, le comptable public doit exercer le contrôle de la validité de la créance ;

Attendu que les dispositions de la circulaire n° B-2E-94 du 24 septembre 1992 ci-dessus mentionnée, qui prévoient, à l’appui des dépenses de frais de représentation et de réception exposées à raison de l’accueil de personnalités étrangères à l’administration ou de manifestations internes à celle-ci, la production d’une attestation de l’organisateur, visée par l’autorité hiérarchique, n’étaient pas applicables aux paiements en cause ;

Attendu qu’il ressort des pièces produites que ces paiements étaient appuyés de bons de commande et de factures de denrées alimentaires et de fournitures, à livrer dans des locaux mis à la disposition de deux syndicats représentatifs par le ministère chargé du travail ;

Attendu que ces pièces justificatives sont celles qui correspondent à la nature desdites dépenses ;

Attendu qu’il n’y a donc pas lieu de mettre en jeu la responsabilité du comptable à raison de la présomption de charge n° 4 ;

 

Par ces motifs,

 

 

DÉCIDE :

 

 

Article 1er : En ce qui concerne M. X

 

 Au titre de l’exercice 2009 (présomption de charge n° 1) :

 

Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité du comptable au titre de la présomption de charge n°1 ;

 

 Au titre de l’exercice 2010 (présomption de charge n° 4) :

 

Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité du comptable au titre de la présomption de charge n° 4 ;

 

 

Article 2 : En ce qui concerne M. Y

 

 Au titre de l’exercice 2011 (présomptions de charges n° 2 et 3) :

 

Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité du comptable au titre des présomptions de charges n° 2 et 3 ; 

 

Article 3 :

 

M. X est déchargé de sa gestion pour la période du 1er janvier 2008 au 2 octobre 2011 ;

 

En conséquence, M. X est déclaré quitte et libéré de sa gestion terminée à la date ci-avant indiquée ;

 

Mainlevée peut être donnée et radiation peut être faite de toutes oppositions et inscriptions mises ou prises sur ses biens meubles et immeubles ou sur ceux de ses ayants cause pour sûreté de ladite gestion, et son cautionnement peut être restitué ou sa caution dégagée.

 

Article 4 :

 

M. Y est déchargé de sa gestion pour la période du 3 octobre 2011 au 31 décembre 2011.

 


Fait et jugé par M. Philippe Hayez président de section, MM Gilles Andreani, Philippe Baccou, Jean-Marie Sépulchre et Mme Nathalie Casas, conseillers maîtres.

 

 

En présence de Mme Valérie Guedj, greffière de séance.

 

 

 

 

 

 

Valérie GUEDJ

 

 

 

 

 

Philippe HAYEZ

 

 

 

 

 

 

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

 

 

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-16 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au paragraphe I de l’article R. 142-15 du même code.

 

 

 

 

 

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