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République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu la requête, enregistrée le 13 janvier 2017 au greffe de la chambre régionale des comptes d’Auvergne, Rhône-Alpes, par laquelle Mme X, comptable de la commune de
Saint-Egrève, a relevé appel du jugement n° 2016-0059 du 17 novembre 2016 par lequel ladite chambre régionale l’a constituée débitrice envers cette commune de la somme de 1 898,56 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 27 avril 2015 ;
Vu les pièces de la procédure suivie en première instance ;
Vu le code général des collectivités territoriales, notamment l’article D. 1617-19 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963 ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;
Vu la lettre en date du 29 janvier 2018 de Mme X, adressant à la Cour copie d’une délibération du conseil municipal de Saint-Egrève en date du 15 février 2017 donnant un avis favorable à une demande de remise gracieuse de sa part auprès du ministre de l’économie et des finances ;
Vu le rapport de Mme Anne FROMENT-MEURICE, présidente de chambre maintenue en activité, chargée de l’instruction ;
Vu les conclusions n° 046 du Procureur général du 31 janvier 2018 ;
Entendu, lors de l’audience publique du 8 février 2018, Mme Anne FROMENT-MEURICE, en son rapport, Mme Loguivy ROCHE, avocate générale, en les conclusions du ministère public, Mme X, appelante, informée de l’audience, n’étant ni présente, ni représentée ;
Entendu en délibéré Mme Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS, conseillère maître, réviseure, en ses observations ;
Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes d’Auvergne, Rhône-Alpes a constitué Mme X débitrice envers la commune de Saint-Egrève de la somme de 1 898,56 €, pour avoir pris en charge un mandat n° 8 émis le 12 janvier 2010 pour l’annulation d’ordres de recettes, en l’absence des justifications requises ; que, constatant qu’était inscrite sur le mandat la mention « remise gracieuse » et que ne figurait à l’appui qu’un simple courrier de la commune annonçant l’émission auprès de la trésorerie d’un ordre d’annulation de dettes, la chambre a jugé que la comptable aurait dû exiger la production d’une délibération du conseil municipal autorisant la remise gracieuse de la dette ; qu’après avoir établi le manquement, elle a estimé que l’assemblée délibérante étant seule compétente pour autoriser une remise gracieuse, la charge était indue et avait nécessairement causé un préjudice financier à la commune de Saint-Egrève ;
Attendu que Mme X conteste, dans sa requête, l’existence d’un manquement et celle d’un préjudice ;
Sur l’existence d’un manquement
Attendu que Mme X fait valoir qu’au mandat litigieux était joint un courrier du 12 janvier 2010 signé par le conseiller municipal délégataire de la compétence sur le budget de l’eau, notifiant au directeur du foyer départemental pour enfants « Le Chemin » une décision expresse d’annulation de la dette de l’établissement ; qu’elle soutient qu’une telle décision ne requérait pas la production d’une délibération du conseil municipal, et que l’imputation dudit mandat au compte 673 « Titres annulés sur exercices antérieurs » était conforme à cette décision ; qu’elle admet que le libellé « remise gracieuse » porté sur le mandat litigieux aurait dû conduire les services de la trésorerie à suspendre sa prise en charge pour demander à l’ordonnateur d’émettre un mandat portant un libellé conforme à la décision notifiée au foyer départemental ; qu’elle estime toutefois que, pour engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire, la chambre régionale a retenu le seul libellé « remise gracieuse » indiqué sur le mandat litigieux, sans prendre en compte cette décision notifiée par le représentant de la commune au foyer départemental ;
Attendu que la chambre régionale des comptes d’Auvergne, Rhône-Alpes rappelle, dans le jugement entrepris, que la réglementation prévoit l’obligation de produire certaines pièces justificatives en matière d’annulation ou de réduction de recettes ; qu’en application de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, l’annexe I, rubrique 142 de ce code dispose que doit être joint à l’appui de la dépense un « état précisant, pour chaque titre, l'erreur commise » ;
Attendu qu’il résulte des énonciations du jugement attaqué que le mandat litigieux était uniquement accompagné du courrier précité du 12 janvier 2010, lequel d’une part, accuse réception de la lettre du directeur du foyer en date du 16 décembre 2009 demandant, pour éviter un possible mandatement d’office des deux factures d’eau en souffrance depuis 2001, l’organisation rapide d’une réunion conclusive pour régler définitivement le problème entre la mairie et le foyer et, d’autre part, indique qu’afin de régler définitivement le contentieux existant, un ordre d’annulation des dettes était émis auprès de la trésorerie ; qu’il ressort des pièces du dossier que cette lettre visait à mettre fin au différend existant depuis 2001 entre la commune de Saint-Egrève et le foyer départemental à propos du rattachement du droit d’eau à un ou plusieurs compteurs de ce foyer ;
Attendu que ce courrier ne saurait s’analyser comme un état précisant l’erreur commise sur les deux factures d’eau anciennes de 2001 annulées par le mandat n° 8 du 12 janvier 2010, et qu’il n’explicite ni la nature ni la cause du contentieux évoqué ; qu’en conséquence, la comptable ne disposait pas, au moment du paiement, de la pièce précitée requise par la nomenclature à la rubrique 142, susceptible de justifier l’annulation des factures en cause et leur imputation au compte 673 ;
Attendu dans ces circonstances que, contrairement à ce que soutient la comptable, ledit mandat ne peut s’analyser que comme une remise gracieuse mettant fin au différend opposant la commune au foyer départemental ; que, dès lors, il appartenait à la comptable de suspendre la prise en charge du mandat d’annulation, en tout état de cause en raison de l’incohérence de la mention « remise gracieuse » portée sur le mandat d’annulation et de l’imputation de ce dernier au compte 673 ; qu’en outre, faute de disposer des pièces requises, elle devait demander, à l’appui du mandat, comme exigé par la nomenclature à la rubrique 192 « Remise gracieuse », une délibération du conseil municipal l’autorisant ;
Attendu qu’en l’absence des pièces justificatives requises, Mme X n’a pu procéder au contrôle de la régularité de la remise gracieuse des créances de la commune ; qu’elle a dès lors manqué à ses obligations, et que c’est à bon droit que la chambre régionale des comptes a mis en jeu sa responsabilité personnelle et pécuniaire ; qu’en conséquence, les moyens de l’appelante qui tendent à remettre en cause l’existence d’un manquement doivent être écartés ;
Sur le préjudice financier
Attendu que la comptable demande à la Cour qu’elle admette que l’existence d’un préjudice financier causé à la commune de Saint-Égrève n’est pas précisément établie, sans toutefois motiver ce moyen autrement qu’en renvoyant au courrier du 12 janvier 2010 qui annule les ordres de recette en cause ; qu’en outre, dans sa lettre susvisée du
29 janvier 2018, elle demande à la Cour de prendre en considération la délibération du
15 février 2017 par laquelle le conseil municipal de Saint-Egrève a donné un avis favorable à sa demande de remise gracieuse, dans l’hypothèse où la Cour confirmerait le manquement ;
Attendu qu’est constitutive d’un préjudice financier, une perte de recette causée par une réduction ou annulation de titre qui n’est pas fondée sur l’inexistence ou l’inexactitude de la créance, sauf lorsque l’autorité investie du pouvoir de remettre les dettes régulièrement constituées en faveur de l’organisme public s’est expressément prononcée, antérieurement au paiement, sur le principe d’une remise de cette dette ; qu’en l’absence d’une décision explicite de l’assemblée délibérante de la commune de Saint-Egrève, seule autorité compétente pour décider la remise de dette, d’annuler les ordres de recette à l’encontre du foyer départemental, le paiement du mandat d’annulation litigieux est indu et a causé un préjudice financier pour la commune ;
Attendu que la délibération du 15 février 2017 par laquelle le conseil municipal de Saint-Egrève a donné un avis favorable à la demande de remise gracieuse de Mme X est sans effet sur l’appréciation par la Cour de l’existence d’un préjudice ; que dès lors ce moyen est inopérant ;
Attendu que c’est ainsi à bon droit que la chambre régionale des comptes a considéré que le manquement de la comptable avait entraîné un préjudice financier pour la collectivité et qu’elle l’a constituée en débet du montant de la dépense correspondant à la prise en charge du mandat d’annulation ; que les moyens invoqués à ce titre par Mme X doivent être en conséquence écartés ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article unique – La requête de Mme X est rejetée.
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Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents : M. Yves ROLLAND, président de section, président de la formation ; MM. Jean‑Yves BERTUCCI, Denis BERTHOMIER, Olivier ORTIZ, Mmes Dominique DUJOLS et Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS, conseillers maîtres.
En présence de M. Aurélien LEFEBVRE, greffier de séance.
Aurélien LEFEBVRE |
Yves ROLLAND
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En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.
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