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PREMIERE CHAMBRE ------- Première section ------- Arrêt n° S2018-0057
Audience publique du 20 décembre 2017
Prononcé du 1er février 2018 | DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DE MEURTHE-ET-MOSELLE
SERVICE DES IMPÔTS DES ENTREPRISES (SIE) DE LUNEVILLE
Exercices 2010 et 2011
Rapport n° R-2017-1423 |
République Française,
Au nom du Peuple Français,
La Cour,
Vu le réquisitoire n° 2017-2 RQ-DB du 12 janvier 2017, par lequel le Procureur général près la Cour des comptes a saisi la première chambre de ladite Cour en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X, comptable du service des impôts (SIE) de Lunéville, à raison d’opérations relatives aux exercices 2010 ou 2011, ensemble la preuve de sa notification à la comptable le 28 janvier 2017, au directeur départemental des finances publiques de Meurthe-et-Moselle le 30 janvier 2017 et au directeur général des finances publiques le 30 janvier 2017 ;
Vu les comptes rendus par le directeur départemental des finances publiques de Meurthe-et-Moselle pour les exercices 2010 et 2011, y annexés les états des restes à recouvrer établis, en sa qualité de comptable du SIE de Lunéville, par Mme X en fonction du 11 août 2010 au 31 octobre 2014 ;
Vu les justifications produites au soutien des états des restes à recouvrer, ensemble les pièces recueillies au cours de l’instruction ;
Vu le code de commerce, notamment ses articles L. 622-24, L. 622-26, L. 624-1 et R. 622-24
Vu le code général des impôts, ensemble son annexe III et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;
Vu le décret n° 77-1017 du 1er septembre 1977 relatif à la responsabilité des receveurs des administrations financières ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu les observations écrites présentées les 31 janvier et 25 février 2017 par Mme X et le 2 mars 2017 par le directeur départemental des finances publiques de Meurthe-et-Moselle ;
Vu le rapport de M. Vincent Feller, conseiller maître, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions du Procureur général n° 955 du 12 décembre 2017 ;
Entendu, lors de l’audience publique du 20 décembre 2017, M. Vincent FELLER, conseiller maître, en son rapport, M. Bertrand DIRINGER, avocat général, en les conclusions du ministère public, les parties, informées de l’audience, n’étant ni présentes ni représentées ;
Entendu en délibéré Mme Sophie Thibault, conseillère maître, en ses observations ;
Sur la charge unique soulevée à l’encontre de Mme X sur les exercices 2010 ou 2011
Attendu que par le réquisitoire susvisé le Procureur général a estimé que la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X, comptable du service des entreprises de Lunéville, pourrait se trouver engagée, sur les exercices 2010 ou 2011, au motif qu’une créance sur une entreprise, faisant suite à un contrôle fiscal externe, d’un montant de 186 101 € en droits, n’avait pas été recouvrée à la clôture de l’exercice 2011, faute de diligences suffisantes de la part de ladite comptable ; que la comptable n’aurait pas apporté la preuve de l’admission à titre définitif de cette créance au passif de la procédure collective ouverte à l’encontre de la société ; que cette créance aurait fait l’objet d’une admission en non‑valeur ;
Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations
Sur le droit applicable
Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes et des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière de recettes, dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique susvisé ; que leur responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve engagée dès lors qu'une recette n'a pas été recouvrée ; que la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics en matière de recouvrement des recettes s’apprécie au regard de leurs diligences, celles-ci devant être adéquates, complètes et rapides ;
Attendu qu’aux termes de l’article 11 du décret du 29 décembre 1962 susvisé, « Les comptables publics sont seuls chargés : / De la prise en charge et du recouvrement des ordres de recettes qui leur sont remis par les ordonnateurs, des créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou autre titre dont ils assurent la conservation ainsi que de l'encaissement des droits au comptant et des recettes de toute nature que les organismes publics sont habilités à recevoir » ; qu’aux termes de l’article 12 du même texte, « Les comptables sont tenus d'exercer : A. - En matière de recettes, le contrôle : Dans les conditions prévues pour chaque catégorie d'organisme public par les lois et règlements, de l'autorisation de percevoir la recette ; / Dans la limite des éléments dont ils disposent, de la mise en recouvrement des créances de l'organisme public et de la régularité des réductions et des annulations des ordres de recettes » ;
Attendu qu’aux termes des dispositions combinées des articles L. 622-24 et R. 622-24 du code de commerce, à partir de la publication du jugement d’ouverture de la procédure collective, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement audit jugement, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans le délai de deux mois ; qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 622-24 du même code, les créances du Trésor public qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré et que leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai fixé par l'article L. 624-1 du code précité, en l'occurrence le délai fixé par le tribunal pour l'établissement de la liste des créances déclarées ; qu’aux termes de l’article L. 622-26 du même code, faute d’avoir déclaré leurs créances dans le délai prévu, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes, à moins que les juges commissaires ne les relèvent de leur forclusion s’ils établissent que leur défaillance n’est pas due à leur fait ;
Sur les faits
Attendu que la société désignée dans le réquisitoire a été déclarée en redressement judiciaire par un jugement du 2 février 2010, publié le 19 février 2010 et ouvrant une période d’observation de six mois ; que cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 9 mars 2010, publié le 25 mars 2010, mettant fin à la période d’observation ; que la procédure de liquidation judiciaire a été close pour insuffisance d’actif par un jugement du 19 mars 2013, publié le 3 avril 2013 ;
Attendu que 186 101 € ont été déclarés à titre provisionnel le 8 avril 2010 ; que la comptable a sollicité par requête du 7 mars 2011 l’admission définitive des créances déclarées à titre provisionnel, soit après le délai fixé en application de l’article L. 624-1 du code de commerce expirant le 19 février 2011 ; que les créances ont été admises en non-valeur par décision du 17 septembre 2013 ;
Sur les éléments apportés à décharge par les comptables
Attendu que, dans ses observations susvisées, Mme X a fait valoir que, malgré plusieurs rappels au service vérificateur, les résultats du contrôle fiscal ont été communiqués au SIE de Lunéville hors délais pour la conversion des créances déclarées à titre provisionnel ; que, suite à une requête en date du 2 mars 2011 auprès du juge commissaire, une ordonnance d’admission définitive du SIE de Lunéville a été délivrée le 6 juin 2011 pour la somme de 260 319 € incluant les créances litigieuses ; que la comptable a produit à l’appui de sa réponse une copie de cette ordonnance ;
Attendu que, dans ses observations susvisées, le directeur départemental des finances publiques de Meurthe-et-Moselle a développé des arguments similaires quant à ladite ordonnance, dont il a joint également une copie ; qu’il précise que ce dossier, constitué de créances issues d’un contrôle fiscal externe, a été admis en non-valeur ;
Sur l’application au cas d’espèce
Attendu que l’admission en non-valeur constitue un mode d’apurement administratif et budgétaire dont l’objet est de retirer des comptes les créances irrécouvrables ; qu’elle ne lie pas le juge des comptes dans son appréciation des diligences exercées par le comptable public pour recouvrer les recettes ou en préserver le recouvrement ;
Attendu toutefois que la comptable a apporté la preuve que les créances ont été admises au passif de la procédure collective, bien que la demande de conversion ait été formulée hors délai ; qu’en conséquence il y a lieu de considérer qu’en l’espèce les diligences de la comptable ont été suffisantes ; qu’il n’y a donc pas lieu à charge ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Charge unique. Exercices 2010 et 2011.
Article unique. – Il n’y a pas lieu d’engager la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X à raison de la charge unique soulevée dans le réquisitoire susvisé.
Fait et jugé par M. Philippe Geoffroy, président de section, présidant la formation ; M. Olivier Mousson, Mme Dominique Dujols, MM. Guy Fialon, Alain Levionnois et Mme Sophie Thibault, conseillers maîtres.
En présence de M. Aurélien Lefebvre, greffier de séance.
Aurélien Lefebvre |
Philippe Geoffroy |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.
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