S2018-0925 1/5
République Française, Au nom du peuple français,
La Cour,
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Vu la requête enregistrée le 13 juillet 2015 au greffe de la chambre régionale des comptes de Nord-Pas-de-Calais, Picardie, par laquelle le procureur financier près ladite chambre régionale, a élevé appel du jugement n° 2015-0021 du 13 mai 2015 de la chambre régionale de Nord-Pas-de-Calais, Picardie en ce qu’il a condamné Mme X, comptable de la communauté de communes du pays de Valois au versement d’une somme non rémissible de 100 € au titre de la charge n°3 et a prononcé un non-lieu au titre de la charge n°4 ;
Vu les pièces de la procédure suivie en première instance et notamment le réquisitoire du procureur financier près la chambre régionale de Nord-Pas-de-Calais, Picardie n° 2014-0069 du 21 novembre 2014 notifié le 8 décembre 2014 ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l'article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le rapport à fin d’arrêt de Mme Isabelle GRAVIERE-TROADEC, conseillère maître, chargée de l’instruction ;
Vu les conclusions n° 192 du Procureur général du 15 mars 2018 ;
Entendu, lors de l’audience publique du 22 mars 2018, Mme Isabelle GRAVIERE-TROADEC, conseillère maître, en son rapport, Mme Loguivy ROCHE, avocate générale, en les conclusions du ministère public ; les parties, informées de l’audience, n’étant ni présentes ni représentées ;
Après avoir entendu en délibéré Mme Dominique DUJOLS, conseillère maître, réviseure, en ses observations ;
Sur la charge n° 3 du jugement
Attendu que par le jugement entrepris, la Chambre régionale des comptes de Nord-Pas-de-Calais, Picardie a engagé la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X pour avoir procédé, au règlement d’indemnités spécifiques, au titre des mois de mai et juin 2011, à un technicien territorial, sans disposer d’une des pièces justificatives requises ; que, toutefois, elle a jugé que le manquement du comptable n’avait pas causé de préjudice financier pour la communauté de communes et a prononcé une somme non rémissible de 100 € à l’encontre de Mme X ;
Attendu que l’appelant conteste le raisonnement suivi par la chambre régionale des comptes
pour écarter le préjudice financier ; qu’il demande d’infirmer le jugement en ce qu’il n’a pas retenu ce préjudice à l’encontre de Mme X ; qu’à l’appui de sa requête, il fait valoir qu’au moment du paiement des indemnités incriminées, la comptable était en possession de la délibération du conseil communautaire du 27 juin 2002 mais pas de la décision de l’autorité compétente fixant le taux applicable à chaque agent ; qu’il soutient que l’expression de la volonté de la commune, matérialisée dans la délibération du conseil communautaire précitée, d’attribuer l’indemnité spécifique de service (ISS) aux techniciens territoriaux n’apporte pas la preuve de l’absence de préjudice ; qu’il allègue qu’une dépense insuffisamment justifiée est indue et que son paiement entraine un préjudice financier pour la collectivité ; qu’il en déduit qu’en ne relevant pas le caractère indu des dépenses en cause alors qu’elle constatait l’absence de l’une des pièces requises par la nomenclature des pièces justificatives, la chambre régionale des comptes a commis une erreur de droit ;
Attendu que la comptable a payé l’indemnité incriminée en l’absence d’une des pièces exigées par l’annexe I de l’article D.1617-19 du code général des collectivités territoriales, en l’occurrence la décision individuelle de l’autorité compétente fixant le taux applicable ; que, si elle disposait de la délibération de la collectivité mettant en place l’indemnité spécifique de service, cette délibération ne suffisait pas, en l’absence de décision individuelle, à rendre la créance de l’agent certaine dans son principe et dans le montant attribué ; qu’au demeurant ladite délibération rappelait expressément la nécessité d’une décision individuelle de l’autorité territoriale ; que l’absence de cette décision suffisait donc à conférer un caractère indu aux paiements effectués ; que l’affirmation d’une absence de préjudice causé à la collectivité, mentionnée dans un courrier du président de la communauté de commune postérieur au réquisitoire ne saurait conférer au paiement le caractère d’une dette certaine ;
Attendu que, dès lors que le paiement est indu, la collectivité subit un préjudice financier ; que la chambre régionale des comptes a commis une erreur de droit ;
Attendu que les arguments présentés en défense par la comptable invoquant les difficultés liées à la situation en effectifs du poste comptable ne sont pas de nature à remettre en question l’existence d’un préjudice financier, mais pourront être présentés à l’appui d’une éventuelle demande de remise gracieuse de la comptable auprès du ministre chargé du budget ;
Attendu qu’il y a donc lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a écarté un préjudice financier à l’encontre de la communauté de communes du pays de Valois et mis une somme non rémissible de 100 € à la charge de Mme X ;
Attendu qu’en raison de l’effet dévolutif de l’appel, il y a lieu de statuer sur la 3ème charge du réquisitoire du procureur financier susvisé et, eu égard au caractère indu de la dépense, de constituer Mme X débitrice de la communauté de communes à hauteur de 621,18 € augmentés des intérêts à compter du 8 décembre 2014, date de notification du réquisitoire.
Attendu que Mme X a produit un plan de contrôle hiérarchisé de la dépense approuvé pour l’exercice 2011 ; que ledit plan prévoyait la vérification des paies effectuées pour le seul mois d’avril 2011, mais non pour mai et juin 2011, date des paiements visés par la charge ;
Sur la charge n° 4 du jugement
Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes de Nord-Pas-de-Calais, Picardie a constaté que Mme X avait payé, au titre des mois de juillet 2011 à décembre 2012, un montant total de 7 716,06 € correspondant à l’indemnité spécifique de service versée à un technicien territorial, en disposant des pièces justificatives requises par l’annexe I de l’article D.1617-19 du CGCT ; que ledit jugement a constaté que l’arrêté portant attribution individuelle, à compter de juillet 2011, de ladite prime à l’agent concerné avait appliqué, pour le calcul de cette prime, un coefficient multiplicateur non conforme au texte règlementaire en vigueur ; qu’il a toutefois rappelé qu’il n’appartient pas au comptable de contrôler la légalité des pièces justificatives ; qu’il a considéré en conséquence que Mme X n’avait pas manqué à ses obligations de contrôle des dépenses en cause et qu’il n’y avait donc pas lieu de mettre en cause sa responsabilité personnelle et pécuniaire au titre de cette charge ;
Attendu que, d’une part, l’appelant considère que la chambre a commis une erreur de droit en fondant son analyse sur le seul contrôle de la production des pièces justificatives ; qu’il y a selon lui complémentarité de ce contrôle et celui de l’exactitude du calcul de liquidation « dans la mesure où ce sont les pièces justificatives fournies au comptable qui lui permettent de s’assurer de l’exactitude des calculs ayant abouti au montant de la dépense à régler » ; que, par ailleurs, il estime que le comptable doit effectuer le contrôle de l’exactitude des calculs de liquidation par référence aux textes réglementaires en vigueur ;
Attendu qu’il ressort du jugement que la chambre régionale des comptes, tout en constatant que l’arrêté du président de la communauté de communes fixant le montant de la prime à verser a fait application d’un coefficient qui n’était pas conforme aux textes réglementaires en vigueur, a cependant considéré que la comptable était en possession des pièces justificatives exigées par la nomenclature pour procéder au paiement de cette indemnité, à savoir une délibération du conseil communautaire et une décision d’attribution, établies en forme régulière par les autorités compétentes ; qu’il n’appartient pas à un comptable de se faire juge de la légalité des pièces justificatives ; qu’il ne peut ainsi refuser le paiement de ces mandats au motif que l’arrêté joint contrevenait aux dispositions de la réglementation ;
Attendu qu’en statuant ainsi la chambre régionale des comptes de Nord-Pas-de-Calais, Picardie a considéré que ce contrôle avait été effectué sur la base des pièces qui s’imposaient à elle dès lors qu’elle ne pouvait se faire juge de leur légalité interne ; qu’ainsi la chambre régionale n’a pas commis d’erreur de droit en ne mettant pas en cause la responsabilité personnelle et pécuniaire de la comptable ; qu’il convient donc d’écarter ce moyen ;
Attendu que, d’autre part, l’appelant considère que la décision d’attribution de l’indemnité faisait référence dans ses visas à un texte abrogé ; que la pièce justificative était donc imprécise car elle ne permettait pas au comptable de vérifier l’exactitude des calculs de liquidation ; que la comptable devait en conséquence suspendre le paiement ;
Attendu que le grief sur lequel le réquisitoire du procureur financier fondait la charge n° 4 reposait sur le paiement par la comptable de ces indemnités sur le fondement d’un coefficient mentionné dans la décision du directeur mais supérieur au coefficient stipulé par le décret en vigueur et qu’en présence d’éléments contradictoires elle aurait dû suspendre les paiements ; qu’en s’abstenant de le faire, elle a manqué à son obligation de contrôle de l’exact calcul de liquidation ; que le juge d’appel comme le juge de premier ressort est tenu par les charges soulevées par le ministère public dans le réquisitoire ; qu’au cas d’espèce, il n’était pas fait grief à la comptable de ne pas avoir tiré les conséquences d’un visa erroné figurant sur la décision d’attribution rendant la pièce présentée insuffisamment précise pour être en mesure de contrôler l’exactitude des calculs de liquidation ; que le moyen de l’appelant est donc inopérant ;
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1er – Le jugement n° 2015-0021 du 13 mai 2015 est infirmé en ce qu’il a mis à la charge de Mme X une somme non rémissible de 100 € au titre de la charge n°3.
Article 2 – Mme X est constituée débitrice de la communauté de communes du pays de Valois, au titre de la charge n° 3 (exercice 2011), de la somme de 621,18 €, assortie des intérêts de droit à compter du 8 décembre 2014.
Les paiements entraient dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif qui ont été respectées.
Article 3 – La requête du procureur financier près la chambre régionale des comptes de Nord-Pas-de-Calais, Picardie est rejetée en ce qui concerne la charge n°4.
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Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section.
Présents : M. Jean-Philippe VACHIA, président de chambre, président de la formation ; M. Yves ROLLAND, président de section, MM. Denis BERTHOMIER et Olivier ORTIZ, conseillers maîtres, Mmes Dominique DUJOLS, Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS, conseillères maîtres, et M. Jean-Luc GIRARDI, conseiller maître.
En présence de M. Aurélien LEFEBVRE, greffier de séance.
Aurélien LEFEBVRE
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Jean-Philippe VACHIA
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En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-120 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.
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