S2018-0877 | 1 / 5 |
DEUXIÈME CHAMBRE ------- Cinquième section ------- Arrêt n° 2018-0877
Audience publique du 9 février 2018
Prononcé du 10 avril 2018
| CHAMBRE DÉPARTEMENTALE D’AGRICULTURE DES HAUTES-ALPES
Exercices 2010 et 2011
Rapport n° R2017-1714
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République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu le réquisitoire n° 2016-68 RQ-DB en date du 20 octobre 2016, par lequel le Procureur général près la Cour des comptes a saisi la septième chambre de la Cour des comptes, devenue la deuxième chambre à compter du 1er janvier 2018, de charges soulevées à l’encontre de Mme X, agent comptable de la chambre départementale d’agriculture des Hautes-Alpes du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, notifié le 23 décembre 2016 à la comptable concernée ainsi qu’au président de la chambre départementale d’agriculture des Hautes-Alpes ;
Vu les comptes rendus en qualité d’agent comptable de la chambre départementale d’agriculture des Hautes-Alpes, par Mme X, du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code rural et de la pêche maritime, ainsi que les lois, décrets et règlements sur la comptabilité des établissements publics nationaux à caractère administratif et les textes spécifiques applicables aux chambres d'agriculture ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique alors en vigueur ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu l’arrêté du Premier Président de la Cour des comptes du 8 décembre 2017, modifiant l’arrêté n° 17-363 du 20 juillet 2017 portant organisation de la Cour des comptes et de ses travaux ;
Vu le rapport n° R2017-1714 à fin d’arrêt de Mme Florence LEGRAND, conseillère référendaire, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions n° 047 du Procureur général du 31 janvier 2018 ;
Entendu lors de l’audience publique du 9 février 2018, Mme Florence LEGRAND, conseillère référendaire en son rapport, M. Serge BARICHARD, avocat général, en les conclusions du ministère public, les parties informées de l’audience n’étant ni présentes, ni représentées ;
Entendu en délibéré M. Jacques BASSET, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;
Sur le droit applicable à l’ensemble des charges
Attendu qu’en application de l’article 60 de la loi n°63-156 du 23 février 1963, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables notamment du recouvrement des recettes et du paiement des dépenses ; qu’aux termes des articles 11 et 12-A du décret n°62-1587 du 29 décembre 1962, les comptables publics sont notamment tenus d’exercer le contrôle « de l’autorisation de percevoir la recette ; (…) de la mise en recouvrement des créances de l’organisme public et de la régularité des réductions et des annulations des ordres de recettes » ;
Attendu que la réglementation financière et comptable des établissements publics nationaux à caractère administratif dispose que « l’ordonnateur procède à l’émission d’un ordre d’annulation ou de réduction de recette dans les cas suivants : régularisation d’une erreur de liquidation commise au préjudice du débiteur ; régularisation dans le fondement même de la créance ; constat de rabais, remises, ristournes consentis à ses clients par un établissement effectuant des opérations commerciales ; transaction entre l’établissement et son débiteur (…) » et que « les régularisations sur recettes de l’exercice précédent donnent lieu à émission : d’une part d’un ordre de dépense, au nom de l’agent comptable, imputé sur les crédits du chapitre intéressé numéroté dans la série normale des ordres de dépenses ; et d’autre part, d’un ordre de réduction ou d’annulation de recettes, joint à l’appui de l’ordre de dépense. »
Sur la charge n° 1, soulevée à l’encontre de Mme X, au titre de l’exercice 2010 :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la Cour des comptes de la responsabilité encourue par Mme X à raison de l’annulation d’une créance sur un groupement pastoral, par mandat n° 156 du 11 mars 2010, pour un montant de 1 351,48 euros ; qu’aucune pièce à l’appui du mandat ne permettrait d’établir le motif de l’annulation ni de s’assurer de sa régularité, seule une mention manuscrite, non signée, « titre émis à tort. Prestation non réalisée » étant portée sur ce mandat ; que la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X pourrait donc être mise en jeu à hauteur de 1 351,48 euros au titre de l’exercice 2010 ;
Attendu que la comptable, en sa réponse, indique que l'ordre de recette n° 1308, bordereau n° 70 du 31 décembre 2009, d'un montant de 1 351,48 € aurait été régulièrement annulé par mandat n° 156, bordereau n° 12 du 11 mars 2010 ; qu’elle transmet, à l’appui de sa réponse, une décision d’annulation de l’ordre de recette susvisé, signé le 9 mars 2010, par l’ordonnateur, à savoir le président de la chambre départementale d’agriculture des
Hautes-Alpes, décision prise au motif que la prestation initialement prévue n’a pas été réalisée ;
Attendu que la comptable a produit l’ordre d’annulation de recettes signé par l’ordonnateur et motivé par l’absence de prestation, ce qui correspond à une régularisation dans le fondement même de la créance prévue par la réglementation ; que le mandat n° 156 de 1 351,48 euros a donc été émis le 11 mars 2010 avec les pièces nécessaires à l’exercice de son contrôle ;
Attendu que le Procureur général, dans ses conclusions, estime que cette pièce justificative, non produite antérieurement, apparaît suffisante pour permettre la prise en charge par l’agent comptable du mandat d’annulation ;
Attendu que l’émission du mandat a par conséquent été suffisamment justifiée et qu’il n’y a donc pas lieu d’engager la responsabilité de la comptable ;
Sur les charges n° 2 et 4, soulevées à l’encontre de Mme X, au titre des exercices 2010 et 2011 :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la Cour des comptes de la responsabilité encourue par Mme X, à raison, s’agissant de la charge n° 2, de l’annulation d’une créance sur un organisme public, par mandat n° 1159 du 17 décembre 2010, pour un montant de 2 605,50 euros, alors qu’aucune pièce à l’appui du mandat ne permettrait d’établir le motif de cette annulation ni de s’assurer de sa régularité ; que la charge n° 4 porte sur l’annulation, par mandat n° 1328 du 31 décembre 2011, d’ une créance sur le même organisme public pour un montant de 6 079,50 euros ; qu’aucune pièce à l’appui du mandat ne permettrait d’établir le motif de cette annulation ni de s’assurer de sa régularité, seule une mention manuscrite non signée « subvention annulée car opération non justifiée » étant portée sur ce mandat ;
Attendu que la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X était ainsi susceptible d’être mise en jeu à hauteur de 2 605,50 euros au titre de l’exercice 2010 et de
6 079,50 euros au titre de l’exercice 2011 ;
Attendu que la comptable a transmis un arrêté annuel attributif de subvention, Fonds social européen, objectif 3, de la Direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle qui avait attribué à la chambre d'agriculture des Hautes-Alpes une subvention d'un montant de 8 685 € pour la réalisation d'une étude de faisabilité d'un groupement d'employeurs à destination des saisonniers et pluriactifs ; qu’en son article 3, cet arrêté prévoyait un paiement en trois versements : versement d'une avance de 30% soit 2 605,50 €, d’un acompte de 20 % soit 1 737,00 € sur justification des dépenses effectuées à hauteur de 50% du coût total du projet et versement du solde ;
Attendu que la comptable a aussi transmis l’ordre de recettes n° 53 du 29 avril 2005 correspondant à l'avance susmentionnée de 2 605,50 € encaissée par la chambre par virement le 25 avril 2005 ainsi qu’un second ordre de recettes n° 381 émis le 31 décembre 2005 pour le solde de la subvention attendue, soit 6 079,50 € ;
Attendu que la comptable a transmis par ailleurs un courrier du directeur régional des entreprises de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi, adressé à la chambre d'agriculture le 18 mars 2010, qui indique que les éléments demandés sur l'action subventionnée « étude de faisabilité d'un groupement d'employeurs à destination des saisonniers et pluriactifs» n'avaient pas été produits et qu'en conséquence, il demandait le remboursement de l'avance versée de 2 605,50 € ; que la comptable joint le titre de perception de la Trésorerie Générale des Bouches-du-Rhône de 2 605,50 € qui a été adressé à la chambre d'agriculture, le 5 décembre 2010 ;
Attendu que la comptable explique que l'action subventionnée n'ayant pas eu lieu, et que le remboursement de l'avance ayant été réclamé par le directeur régional précité et la Trésorerie Générale, ce serait à bon droit que la recette initialement prévue a été annulée et que le titre n° 53 du 29 avril 2005 a fait l'objet d'une annulation par mandat n° 1159, bordereau n° 98 du 17 décembre 2010, signé par le président de la chambre d'agriculture ; que le solde attendu de la subvention (6 079,50 €) a suivi le même sort, ce qui a justifié l'annulation de l'ordre de recette n° 381, bordereau n° 53 du 31 décembre 2005, par mandat n° 1328, bordereau n° 108 du 31 décembre 2011, signé par le président de la chambre d'agriculture ;
Attendu que, pour les deuxième et quatrième charges, qui concernent la même affaire, la comptable a produit les pièces justifiant de l’absence de prestation, ce qui correspond à une régularisation dans le fondement même de la créance prévue par la réglementation ; qu’elle a produit les mandats d’annulation des ordres de recettes signés par l’ordonnateur ;
Attendu que le Procureur général, dans ses conclusions, estime que ces éléments peuvent être considérés comme suffisants pour la prise en charge, par Mme X, des mandats d’annulation ;
Attendu que les mandats n° 1159 de 2010, d’un montant de 2 605,50 euros, et
n° 1328 de 2011, d’un montant de 6 079,50 euros, ont donc été émis avec les pièces nécessaires à l’exercice de leur contrôle, que l’émission des deux mandats a été suffisamment justifiée et qu’il n’y a donc pas lieu d’engager la responsabilité de la comptable pour les deuxième et quatrième charges ;
Sur la charge n° 3, soulevée à l’encontre de Mme X, au titre de l’exercice 2011 :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la Cour des comptes de la responsabilité encourue par Mme X, à raison, de l’annulation, par mandat
n° 960 du 16 mars 2011, d’une créance d’un montant de 7 500 euros sur la chambre régionale d’agriculture de Provence-Alpes-Côte d’Azur (OR2008-BU-1400), relative au projet « Quel produit pour quel marché ? », alors que la décision d’annulation de l’ordonnateur n’était pas jointe au mandat, non plus que les pièces permettant de justifier l’annulation de cette créance ; que la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X était donc susceptible d’être mise en jeu à hauteur de 7 500 euros au titre de l’exercice 2011 ;
Attendu que la comptable a transmis dans sa réponse l’arrêté attributif d’une intervention financière de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur (dossier n° 2008-04-04764) indiquant que la chambre d'agriculture devait percevoir une subvention d'un montant de 15 000 € pour une action intitulée « Quel produit pour quel marché ? » ; que la comptable joint le titre de recette n° 1400 émis le 31 décembre 2008 pour un montant de 7 500 €, correspondant à une avance de 50 % prévue dans les modalités de paiement ;
Attendu que l’agent comptable explique que la Région a réclamé le remboursement de l'avance versée au motif que l'action réalisée ne correspondait pas à sa demande ; qu’elle transmet à l’appui un avis des sommes à payer en date du 30 août 2011 qui précise que « le réalisé ne correspond pas à la demande initiale », ainsi qu’une lettre de rappel de la paierie régionale en date du 13 octobre 2011 demandant le remboursement de la somme de 7 500 euros ;
Attendu que pour l’agent comptable, ces deux documents justifieraient l'annulation du titre n° 1400, bordereau 51 du 31 décembre 2008 par mandat n° 960, bordereau 76 du
16 novembre 2011, signé par le président de la chambre d'agriculture ; qu’une décision de remboursement de subvention signée par le président de la chambre est également jointe ;
Attendu que la comptable a produit les pièces justifiant de l’absence de prestation, ce qui correspond à une régularisation dans le fondement même de la créance prévue par la réglementation ; qu’elle a produit la décision et le mandat d’annulation des ordres de recettes, signés par l’ordonnateur ;
Attendu que l’erreur matérielle constatée sur le titre d’annulation par le ministère public en ses conclusions, le mandat d’annulation ayant été établi pour une créance concernant la chambre régionale d’agriculture et non la Région, est raisonnablement corrigée par les autres mentions relevées sur l’ensemble des documents ;
Attendu qu’il peut dès lors être considéré que le mandat n° 960 de 2011 a été émis avec les pièces nécessaires à l’exercice de son contrôle ; que l’émission de ce mandat a par conséquent été suffisamment justifiée et qu’il n’y a donc pas lieu d’engager la responsabilité de la comptable ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : En ce qui concerne la charge n° 1, il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de Mme X au titre de l’exercice 2010.
Article 2 : En ce qui concerne les charges n° 2 et 4, il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de Mme X au titre de l’exercice 2010 et de l’exercice 2011.
Article 3 : En ce qui concerne la charge n° 3, il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de Mme X au titre de l’exercice 2011.
Article 4 : Mme X est en conséquence déchargée de sa gestion pour les exercices 2010 et 2011.
Fait et jugé par Mme Annie PODEUR, présidente de section, présidente de la formation ; MM. Alain LE ROY, Gilles MILLER, Jacques BASSET et Pierre ROCCA, conseillers maîtres.
En présence de M. Aurélien LEFEBVRE, greffier de séance.
Aurélien LEFEBVRE |
Annie PODEUR |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.
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