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DEUXIÈME CHAMBRE ------- Cinquième section ------- Arrêt n° S2018-1640
Audience publique du 13 avril 2018
Prononcé du 15 juin 2018 | PORT AUTONOME DE PARIS
Exercices 2010, 2011 et 2013
Rapport n° R-2018-0241-1
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République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu le réquisitoire, en date du 31 mai 2016, par lequel le Procureur général près la Cour des comptes a saisi la septième chambre de la Cour des comptes (devenue la deuxième chambre au 1er janvier 2018) de charges soulevées à l’encontre de M. X, agent comptable du port autonome de Paris, au titre des exercices 2010, 2011 et 2013, notifié le 21 juin 2016 au comptable concerné ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable du port autonome de Paris par M. X, du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2013 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code des transports, ainsi que les lois et règlements applicables aux établissements publics nationaux à caractère industriel et commercial ;
Vu la loi n° 68-917 du 24 octobre 1968 modifiée relative au port autonome de Paris et le décret n° 69-535 du 21 mai 1969 portant application de la loi n° 68-917 du
24 octobre 1968 relative au port autonome de Paris ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique et le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu l’arrêté du Premier Président de la Cour des comptes du 8 décembre 2017, modifiant l’arrêté n° 17-363 du 20 juillet 2017 portant organisation de la Cour des comptes et de ses travaux ;
Vu le rapport n° R-2018-0241-1 de M. Frédéric ANGERMANN, conseiller maître, chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions n° 225 du Procureur général du 27 mars 2018 ;
Entendu lors de l’audience publique du 13 avril 2018 M. Frédéric ANGERMANN, conseiller maître, en son rapport, M. Serge BARICHARD, avocat général, en les conclusions du ministère public, et M. X, agent comptable, présent et ayant eu la parole en dernier ;
Entendu en délibéré Mme Catherine PAILOT-BONNÉTAT, conseillère maître, réviseur, en ses observations ;
Sur la charge n° 1, soulevée à l’encontre de M. X, au titre de l’exercice 2013 :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la Cour des comptes de la responsabilité encourue par M. X à raison de l’insuffisance des diligences effectuées en vue d’assurer le recouvrement d’une facture émise le 11 octobre 2007 par le port autonome de Paris à l’encontre de l’association ARTE VIVA, pour un montant total de 4 789,64 €, ramenée le 23 juin 2008 à 4 526,84 € ;
Sur le droit applicable
Attendu qu’en application de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963,
« les comptables sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes (…) » ; que la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics
« se trouve engagée dès lors (…) qu’une recette n’a pas été recouvrée » ;
Attendu qu’aux termes des articles 17, 18 et 19 du décret n° 2012-1246 du
7 novembre 2012, « les comptables sont personnellement et pécuniairement responsables des actes et contrôles qui leur incombent » ; que les comptables publics sont seuls chargés « de la prise en charge des ordres de recouvrer qui [leur] sont remis par les ordonnateurs ; du recouvrement des ordres de recouvrer et des créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou tout autre titre exécutoire ; de l’encaissement des ordres au comptant et des recettes liées à l’exécution des ordres de recouvrer » ; qu’ils sont tenus d’exercer le contrôle « de la régularité de l’autorisation de percevoir la recette ; (…) de la mise en recouvrement des créances et de la régularité des réductions et des annulations des ordres de
recouvrer » ;
Sur les faits
Attendu que la facture n° 3697 de 4 004,72 € HT, soit 4 789,64 € TTC, a été émise le 20 octobre 2007 par le port autonome de Paris à l’encontre de l’association
ARTE VIVA au titre d’une indemnité d’occupation sans titre du domaine public ; qu’un état exécutoire n° 121490 du même montant a été émis le 8 janvier 2008, et adressé le 11 janvier 2008 à l’association ARTE VIVA qui en a accusé réception le 16 janvier 2008 ; que cet état a été transmis le 26 mars 2008 à un huissier pour signification et, en cas de non-paiement, exécution ; qu’un chèque de 4 789,64 €, daté du 7 mars 2008 et signé par le responsable de l’association ARTE VIVA, a conduit l’agent comptable à mettre fin le 16 avril 2008 à la mission de l’huissier ;
Attendu que le port autonome de Paris a été informé le 24 avril 2008 que ledit chèque a été rejeté le 18 avril 2008 pour insuffisance de provision ; que l’agent comptable a rappelé au débiteur, par courrier du 24 avril 2008 que la dette non éteinte restait due ; que le 23 juin 2008, après prise en compte d’un avoir n° 2271 de 262,80 € ramenant la dette à
4 526,84 €, une relance de l’agent comptable a été effectuée par courrier à l’association ARTE VIVA ;
Attendu que deux lettres recommandées, respectivement des 11 mars 2009 et 29 octobre 2009, et enfin un courrier du 1er décembre 2009 ont été ensuite adressés à l’association redevable, mais que ces diligences se sont révélées infructueuses et ont conduit à l’admission en non-valeur de la créance par le directoire du port autonome de Paris, le 23 février 2015 ;
Sur les éléments apportés à décharge par le comptable et par l’ordonnateur
Attendu que l’agent comptable fait valoir que le titre de recette correspond à une indemnité d'occupation sans titre du domaine public en 2007 de la péniche « bateau fantôme » au port de Charenton ; qu’il ajoute que la péniche a occupé plusieurs emplacements sur le domaine du port autonome de Paris de façon irrégulière et, en dernier lieu, sur la période de juillet et août 2007 ; qu’en l'absence de recouvrement spontané, un état exécutoire a été adressé à l'association ARTE-VIVA le 8 janvier 2008, puis qu’un commandement aux fins de saisie-vente a été notifié le 7 avril 2008 au 6, rue Drevet
75018 Paris, seule adresse connue ;
Attendu qu’il ajoute qu’aux termes de l'acte dressé le 14 avril 2008 par l'huissier, est domicilié à cette adresse l'établissement « au petit théâtre du bonheur » et
« qu'elle sert de simple domiciliation postale à l'association » ; que cette démarche a vraisemblablement conduit le « responsable de l'association », à émettre le 16 avril 2008 un chèque de 4 789,64 € en règlement du solde de la dette avant que celui-ci ne fasse l'objet d'un rejet par la banque pour défaut de provision ;
Attendu que l’agent comptable précise ensuite qu’« aucune poursuite complémentaire n'a pu être faite à l'encontre de l'émetteur du chèque qui n'était pas le redevable de la créance et dont l'adresse postale est par ailleurs incertaine (même adresse que l'association). Les différentes relances, notamment la mise en demeure de 2009 ont également été faites sans succès, aucune nouvelle adresse n'ayant été communiquée. Les adresses de l'association, ainsi que de M. P..., étant inconnues, et aucun patrimoine n'ayant été identifié, les recherches menées sont à considérer comme vaines » ;
Attendu qu’il souligne enfin qu’ « il convient de noter, s'agissant de bateaux ne faisant pas l'objet de convention d'occupation temporaire, que l'identification des débiteurs reste de fait imprécise et soumise aux renseignements que les agents du port chargés de la surveillance des berges peuvent recueillir sur place » ;
Sur l’existence d’un manquement
Attendu que la phase initiale de la procédure de recouvrement, de l’émission du titre le 20 octobre 2007 à l’intervention de l’huissier le 26 mars 2008, n’appelle pas d’observation, puisque le débiteur accuse réception le 16 janvier 2008 de l’état exécutoire et que la première démarche de l’huissier confirme la pertinence de l’adresse du débiteur, ce qui a pour conséquence l’émission d’un chèque reçu le 16 avril 2008 ;
Attendu qu’en revanche ledit chèque n’a pas été émis par le débiteur désigné, et n’est donc pas de nature à revêtir un caractère libératoire ; que néanmoins, dès réception, l’agent comptable a mis fin à la mission de l’huissier qu’il avait requis ; que le rejet du chèque deux jours plus tard n’a entraîné, en dehors d’un courrier simple en date du 24 avril 2008, aucune reprise de la procédure de recouvrement ; que les quatre courriers ultérieurs, du
23 juin 2008 au 1er décembre 2009, adressés soit à l’association, personne morale débitrice, soit à la personne physique émettrice du chèque précité dont l’agent comptable reconnaît qu’elle « n'était pas le redevable de la créance », ne sont pas des actes interruptifs de prescription ;
Attendu par ailleurs qu’aucun élément du dossier ne vient appuyer l’affirmation de l’agent comptable selon laquelle « les adresses de l'association, ainsi que de M. P… étant inconnues, et aucun patrimoine n'ayant été identifié, les recherches menées sont à considérer comme vaines », ni démontrer que le débiteur avait changé d’adresse ou qu’il était insolvable ;
Attendu que, dans ces conditions, le comptable n’a pas exercé des diligences adéquates, complètes et rapides, et a compromis le recouvrement de la créance dont la prescription a été acquise le 19 juin 2013 par application des dispositions de la loi
n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile ;
Attendu dès lors que l’agent comptable a engagé sa responsabilité au titre de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
Attendu que le manquement du comptable et la prescription de la créance en cause ont causé un préjudice financier, au sens des dispositions du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février susvisée, au port autonome de Paris ; que, dans son réquisitoire susvisé, le procureur général limite le reste à recouvrer à 4 526,84 € ;
Attendu qu’aux termes du même article, « lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné (ou l’État) […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’ainsi, il y a lieu de constituer M. X débiteur du port autonome de Paris pour la somme de 4 526,84 € ;
Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 22 juin 2016, date de réception du réquisitoire par M. X ;
Sur la charge n° 2, soulevée à l’encontre de M. X au titre de l’exercice 2013 :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la Cour des comptes de la responsabilité encourue par M. X à raison de l’insuffisance des diligences effectuées en vue d’assurer le recouvrement de vingt factures émises entre 2005 et 2006 par le port autonome de Paris à l’encontre de Mme R..., pour un montant total de 3 610,24 € ;
Sur le droit applicable
Attendu qu’en application de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963,
« les comptables sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses (…) » ; que la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics « se trouve engagée dès lors (…) qu’un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté » ;
Attendu qu’aux termes des articles 17, 18 et 19 du décret n° 2012-1246 du
7 novembre 2012, « les comptables sont personnellement et pécuniairement responsables des actes et contrôles qui leur incombent » ; que les comptables publics sont seuls chargés « de la prise en charge des ordres de payer qui [leur] sont remis par les ordonnateurs ; du paiement des dépenses, soit sur ordre émanant des ordonnateurs, soit au vu des titres présentés par les créanciers, soit de leur propre initiative » ; que le comptable public est tenu d’exercer le contrôle, s’agissant des ordres de recouvrer, « de la validité de la dette dans les conditions prévues à l’article 20 » ;
Sur les faits
Attendu que les créances sont relatives au paiement d’indemnités d'occupation sans titre du domaine public pour un bateau logement stationnaire « La Louise
ex YSER-BR19920B », qu’il s’agit, d’une part, de cinq factures d’un montant total de
1 009,15 €, qui n'auraient plus fait l'objet d'aucune poursuite entre le 26 octobre 2006, date à laquelle l'huissier de justice saisi a retourné le dossier de saisie-vente à l' agence comptable pour défaut d'identification du domicile de la débitrice, et le 24 mai 2012 et, d’autre part, de quinze factures émises en 2005 et 2006 à l'encontre de la même débitrice pour un montant total de 2 601,09 € ;
Attendu que les cinq premières factures ont été émises entre le 7 septembre 2005 et le 31 décembre 2005 à l’encontre de Mme R… ; que, faute de recouvrement, elles ont fait l’objet le 4 avril 2006 d’un état exécutoire transmis à la débitrice par lettre recommandée avec accusé de réception le 6 avril 2006 à l’adresse de stationnement, quai Voltaire à Dammarie-les-Lys (77) ;
Attendu que l’huissier chargé de le notifier a constaté le 7 août 2006 l’absence du bateau à l’adresse indiquée ; qu’un responsable de la Subdivision de Melun du Service navigation de la Seine, saisie le 30 août 2006 pour confirmer ce départ, indique par fax du
18 septembre 2006, à la fois que « « le bateau La Louise » stationne ce jour, quai Voltaire à Dammarie-les-Lys comme [j’ai pu] le constater », et que la propriété du bateau est l’objet d’une contestation de la part de la débitrice ;
Attendu que l’huissier informe l’agence comptable le 26 octobre 2006 du caractère infructueux de ses démarches ; que nulle autre diligence ne sera effectuée avant un dernier courrier simple de relance auprès de la débitrice, le 24 mai 2012, resté sans réponse ;
Attendu que l’état des restes à recouvrer au 22 mai 2012 fait état de quinze factures émises en 2005 et 2006, adressées à la même débitrice pour un total de
2 601,09 € ; que, contrairement aux cinq factures précédentes, et à l’exception de la même relance par courrier simple en date du 24 mai 2012, il n’est fait aucune mention de diligences pour procéder à leur recouvrement ;
Sur les éléments apportés à décharge par le comptable
Attendu que le comptable indique que, si les créances correspondent à des indemnités d’occupation sans titre du domaine public pour la péniche « La Louise ex-Yser », le bateau avait par ailleurs fait l’objet d’une contravention de grande voierie pour stationnement sans autorisation sur le domaine public fluvial géré par Voies navigables de France (VNF), en rive gauche du petit bras de Seine au niveau de l’Ile Saint-Etienne au
Mée-sur-Seine depuis 1996 (PV du 18 juin 2004) ; que ce fait a conduit le tribunal administratif de Melun le 22 septembre 2005 à condamner Mme R... à payer une amende de 1 500 euros et à évacuer le bateau précité sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
Attendu qu’il précise que les différentes poursuites se sont révélées vaines et notamment que les courriers en recommandé n’ont pas été réclamés, qu’une signification d’état exécutoire effectuée le 25 octobre 2005 n’a pu être remise à Mme R..., absente, mais dont « le nom [du destinataire] figure sur la boîte à lettres » et qu’un procès-verbal de tentative de saisie-vente a été transformé en procès-verbal de perquisition le 3 avril 2006 au motif que la débitrice se trouvait alors « sans domicile, ni résidence connus » ;
Attendu qu’il ajoute qu’une incertitude existe sur l’identité du propriétaire réel du bateau en cause, qui n’aurait pas été inscrit au registre français des immatriculations après sa radiation du registre belge le 22 septembre 1989, date de sa vente à M. V... qui l’aurait cédé à Mme R... par acte sous seing privé le 10 mars 1996 ; que cette dernière a contesté cet état de fait par courrier adressé le 2 janvier 2006 auprès du Service de navigation de la Seine ;
Sur l’existence d’un manquement
Attendu qu’un état exécutoire relatif à cinq factures de 2005, pour des montants partiels, a été émis le 4 avril 2006 et que diverses mesures ont été prises dont le recours à un huissier ; que la décision de l’huissier de mettre fin à la procédure le 26 octobre 2006 n’a pas été remise en cause par l’agent comptable ; que la seule démarche connue ensuite a été effectuée le 24 mai 2012 ; que, par ailleurs, il n’apparaît pas que les factures relatives à l’année 2006 aient fait l’objet de diligences de recouvrement à l’exception d’un seul courrier simple portant la même date en 2012 ;
Attendu que l’ensemble de ces factures n’a ainsi fait l’objet que de diligences incomplètes ;
Attendu que la circonstance que la débitrice n’ait pu être jointe et que le bateau ne stationnait pas à son emplacement habituel lors du passage de l’huissier le 7 août 2006 ne semble pas un empêchement définitif, dans la mesure où le Service navigation de la Seine attestait le 18 septembre 2006 de la présence du bateau à ce même emplacement ; que l’incertitude alléguée de la propriété du bateau, sur laquelle l’agent comptable aurait dû attirer l’attention de l’ordonnateur, ne semble pas plus un obstacle, dans la mesure où l’huissier dans son acte de signification du premier état exécutoire, le 25 octobre 2005, note que « le nom du destinataire figure sur la boite aux lettres » ; que, sauf à démontrer que les factures émises en 2006 soient sans fondement, leur existence et leur absence de contestation attestent que le bateau en cause stationnait encore à cette période sur le domaine public fluvial ;
Attendu que, en outre, le port autonome de Paris a présenté le 9 décembre 2006 une requête au tribunal administratif de Melun lui demandant, sur la base d’un constat d’occupation en date du 30 octobre 2006 du domaine public, de procéder à son profit à la liquidation de l’astreinte prononcée, dans son jugement précité du 22 septembre 2005, au profit de Voies Navigables de France (VNF) pour la période comprise entre le 16 janvier et le 30 octobre 2006 ; qu’il apparaît donc que, contrairement à ce qui est allégué par l’agent comptable, le bateau en cause était localisé par les services du port et que l’adresse de la débitrice était connue ; que, si le tribunal a rejeté la demande par ordonnance du 19 février 2009, c’est pour le seul motif qu’« une astreinte ne peut être liquidée qu’au bénéfice de la partie au procès en faveur de laquelle la condamnation assortie doit être exécutée » ;
Attendu, au surplus, que VNF a obtenu par procédure d’huissier, en dernier lieu en octobre 2007, le paiement de l’ensemble des arriérés dus par Mme R... sur la période 2002-2006 ; qu’il ne peut dès lors être soutenu que la créance du port autonome de Paris était devenue irrécouvrable dès la fin de l’année 2006 ;
Attendu que l’agent comptable n’a donc pas exercé des diligences adéquates, complètes et rapides, et a compromis le recouvrement des créances dont la prescription a été acquise le 19 juin 2013 par application des dispositions de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile ;
Attendu dès lors que l’agent comptable a engagé sa responsabilité au titre de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
Attendu que le manquement du comptable et la prescription des créances en cause ont causé un préjudice financier, au sens des dispositions du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février susvisée, au port autonome de Paris ;
Attendu qu’aux termes du même article, « lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné (ou l’État) […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’ainsi il y a lieu de constituer M. X débiteur du port autonome de Paris pour la somme de 3 610,24 € ;
Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 22 juin 2016, date de réception du réquisitoire par M. X ;
Sur la charge n° 3, soulevée à l’encontre de M. X au titre de l’exercice 2010 :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la Cour des comptes de la responsabilité encourue par M. X à raison de l’admission en non-valeur de quatre créances concernant des sociétés ayant fait l’objet de procédures collectives de redressement judiciaire, pour un montant total de 278 026,56 €, admission en non-valeur qui ne serait appuyée par aucune pièce permettant d’établir le caractère irrécouvrable des créances ;
Attendu que les montants des trois premières créances ne correspondraient pas à ceux des créances déclarées dans le cadre des procédures collectives et que les écarts de montant ne seraient pas justifiés par des titres de recette ou des preuves de recouvrement partiel ; que les opérations ainsi effectuées, sans vérifier si l'ensemble des pièces nécessaires avaient été fournies, ni si ces pièces étaient complètes, précises et cohérentes au regard de la nature de la dépense telle qu'elle a été ordonnancée, seraient présomptives d'irrégularités susceptibles de fonder la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X à hauteur de 260 322,13 euros TTC au titre de l'exercice 2010, pour défaut de contrôle de la production des pièces justificatives et défaut de contrôle de la régularité des annulations et réductions de recettes ;
Attendu que, s'agissant de la quatrième créance, la somme admise en non-valeur correspondrait à celle que le port entendait recouvrer en faisant jouer la garantie bancaire dont bénéficiait la société débitrice ; qu’aucune autre diligence en vue du recouvrement de cette recette auprès du garant de la société n’aurait été réalisée, et que les opérations ainsi effectuées seraient présomptives d'irrégularités susceptibles de fonder la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X à hauteur de 17 704,43 euros TTC au titre de l'exercice 2010, pour défaut de contrôle de la production des pièces justificatives, défaut de contrôle de la régularité des annulations et réductions de recettes et pour incomplétude des diligences dans le recouvrement des recettes ;
Sur le droit applicable
Attendu qu’en application de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963,
« les comptables sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses (…) » ; que la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics « se trouve engagée dès lors (…) qu’un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté » ;
Attendu qu’aux termes des articles 11 et 12 du décret n° 62-1587 du
29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, les comptables publics sont seuls chargés « de la prise en charge et du recouvrement des ordres de recettes qui leur sont remis par les ordonnateurs, des créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou autre titre dont ils assurent la conservation ainsi que de l’encaissement des droits au comptant et des recettes de toute nature que les organismes publics sont habilités à recevoir ; du paiement des dépenses…» ; que les comptables publics sont tenus d’exercer le contrôle « de l’autorisation de percevoir la recette ; (…) de la mise en recouvrement des créances de l’organisme public et de la régularité des réductions et des annulations des ordres de recettes » ;
Sur les faits
Attendu que les quatre admissions en non-valeur en cause ont été décidées par délibération du conseil d’administration du port autonome de Paris en date du 24 novembre 2010, sur le rapport de l’agent comptable en date du 4 novembre 2010 ;
Sur les éléments apportés à décharge par le comptable
Attendu que, dans sa réponse du 22 août 2016, l’agent comptable a apporté des éléments sur chacun des points du réquisitoire, soulevés au sujet des admissions en non-valeur concernées ;
Attendu qu’il produit la copie de son rapport en date du 4 novembre 2010 proposant les admissions en non-valeur présentées au conseil d’administration du port autonome de Paris le 24 novembre 2010 ; qu’il y indique que les quatre dossiers de l’espèce sont « relatifs à des procédures collectives clôturées pour insuffisance d’actif » et qu’ils ont été proposés « après avis favorable de Monsieur le Contrôleur Général » ; qu’en annexe à ce rapport, chaque proposition fait l’objet d’une fiche synthétique par débiteur reprenant la liste des factures (exercice, dates, montants), le calendrier de la procédure judiciaire jusqu’à la clôture pour insuffisance d’actif ; qu’il fournit également pour chaque débiteur des éléments confirmant cette clôture ;
Attendu que l’agent comptable précise et justifie ensuite, pour les trois premières admissions en non-valeur, les écarts entre le montant des créances produites au juge et celui des admissions proposées au conseil d’administration ; que ces différences sont liées à des règlements partiels obtenus dans le cadre de plans de continuation ou au contraire à des créances supplémentaires, nées postérieurement à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ;
Attendu que, s’agissant de la non-mise en jeu de la garantie bancaire relative à la quatrième créance, l’agent comptable rappelle que le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé le 16 juillet 1995 le redressement judiciaire de la société et que le jugement du
2 juin 2003 a acté la résolution du plan de continuation, puis placé la société en liquidation judiciaire, le prononcé de la clôture pour insuffisance d'actif ayant eu lieu le 12 avril 2010 ;
Attendu que la mise en jeu initiale de la garantie a été faite par courrier du
31 août 1995, renouvelé le 7 juillet 1997 et le 15 février 2000 ; qu’en réponse, le cautionnaire, Le Crédit Lyonnais, a fait valoir que l'acceptation par le port autonome de Paris du règlement différé de sa créance sur 10 ans faisait obstacle à la mise en jeu de la garantie ; qu’en outre les conditions générales de résiliation de cette garantie prévoyaient que son engagement devenait caduc un mois après la date de résiliation du contrat de bail, soit le 31 juillet 1995 ;
Sur l’existence d’un manquement
Attendu que les quatre admissions en non-valeur en cause ont été décidées par délibération du conseil d’administration du port autonome de Paris en date du 24 novembre 2010, sur rapport circonstancié de l’agent comptable en date du 4 novembre 2010 ; qu’elles ont pour motivation identique l’insolvabilité des quatre débiteurs à la suite d’un jugement de clôture pour insuffisance d’actif préalable à l’admission en non-valeur ;
Attendu que les créances pour lesquelles des factures avaient été émises entre 1995 et 2003 ont été produites dans les délais prévus en cas de procédure collective de redressement judiciaire, pour un montant de 300 229,05 € ; que la clôture pour insuffisance d’actif de ces quatre procédures, intervenue respectivement les 2 avril 2009 et les 12 avril, 22 juin et 5 août 2010, a conduit à l’admission en non-valeur des créances en cause pour un montant total de 278 026,56 € ; que les écarts de montant entre créances présentées et admises en non-valeur ont été justifiés ;
Attendu que, même si l’agent comptable ne disposait pas d’autres moyens de droit à sa disposition, cela n’a pas fait obstacle à ce que, dans le cadre des procédures de continuation d’activité, le port autonome de Paris obtienne le recouvrement partiel de ses créances ;
Attendu que la circonstance que les jugements de clôture pour insuffisance d’actif n’auraient pas été produits à l’appui de la demande d’admission en non-valeur de l’agent comptable n’apparaît pas de nature à remettre en cause le fait qu’à la date de leur admission en non-valeur, le reste des créances était irrécouvrable ;
Attendu que les justifications apportées quant à la garantie bancaire indiquent que celle-ci était en fait limitée au 31 juillet 1995 ;
Attendu qu’en fonction de l’analyse qui précède, il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité du comptable à raison de la charge n° 3 à l’encontre de M. X, au titre de sa gestion de l’exercice 2010 ;
Sur la charge n° 4, soulevée à l’encontre de M. X au titre de l’exercice 2011 :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la Cour des comptes de la responsabilité encourue par M. X à raison de l’admission en non-valeur d’une créance, qui ne serait appuyée d’aucune pièce permettant d’établir le caractère irrécouvrable de la recette, pour un montant total de 25 347,91 € ; que par ailleurs, le montant de la créance admise en non-valeur ne correspondrait pas à celui de créance déclarée dans le cadre de la procédure collective, soit 18 674,51 €, et que l’écart de montant ne serait pas justifié par des titres de recette ou des preuves de recouvrement partiel ; que les opérations ainsi effectuées, sans vérifier si l'ensemble des pièces nécessaires avaient été fournies, ni si ces pièces étaient complètes, précises et cohérentes au regard de la nature de la dépense telle qu'elle a été ordonnancée, seraient présomptives d'irrégularités susceptibles de fonder la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X à hauteur de 25 347,91 euros TTC au titre de l'exercice 2011, pour défaut de contrôle de la production des pièces justificatives et défaut de contrôle de la régularité des annulations et réductions de recettes ;
Sur le droit applicable
Attendu qu’en application de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963,
« les comptables sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes (…) » ; que la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics
« se trouve engagée dès lors (…) qu’une recette n’a pas été recouvrée » ;
Attendu qu’aux termes des articles 17, 18 et 19 du décret n° 2012-1246 du
7 novembre 2012, « les comptables sont personnellement et pécuniairement responsables des actes et contrôles qui leur incombent » ; que les comptables publics sont seuls chargés « de la prise en charge des ordres de recouvrer qui [leur] sont remis par les ordonnateurs ; du recouvrement des ordres de recouvrer et des créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou tout autre titre exécutoire ; de l’encaissement des ordres au comptant et des recettes liées à l’exécution des ordres de recouvrer » ; qu’ils sont tenus d’exercer le contrôle « de la régularité de l’autorisation de percevoir la recette ; (…) de la mise en recouvrement des créances et de la régularité des réductions et des annulations des ordres de
recouvrer » ;
Sur les faits
Attendu que l’admission en non-valeur en cause a été décidée par délibération du conseil d’administration du port autonome de Paris en date du 23 novembre 2011, sur rapport circonstancié de l’agent comptable en date du 4 novembre 2011 ;
Sur les éléments apportés à décharge par le comptable
Attendu que, dans sa réponse du 22 août 2016, l’agent comptable a apporté des éléments sur chacun des points du réquisitoire, soulevés au sujet de l’admission en non-valeur concernée ;
Attendu qu’il produit la copie de son rapport en date du 4 novembre 2011 proposant les admissions en non-valeur présentées au conseil d’administration du port autonome de Paris, le 23 novembre 2011 ; qu’il y indique que les dossiers sont « relatifs à des procédures collectives clôturées pour insuffisance d’actif » et qu’ils sont proposés « après avis favorable de Monsieur le Contrôleur Général » ; qu’en annexe à ce rapport, chaque proposition fait l’objet d’une fiche synthétique par débiteur reprenant la liste des factures (exercice, dates, montants), le calendrier et la procédure judiciaires jusqu’à la clôture pour insuffisance d’actif ; qu’il fournit également pour chaque débiteur des éléments confirmant cette clôture :
Attendu que l’agent comptable précise et justifie ensuite l’écart entre le montant de la créance produite au juge et celui de l’admission en non-valeur correspondante ; qu’ainsi l’écart de 6 673,35 € entre le montant de la déclaration de créance de 18 674,51 € TTC et celui de l’admission en non-valeur de 25 347,91 € TTC s’explique par la prolongation de l’activité, la mise en jeu du dépôt de garantie et la non imputation des frais d’huissiers ;
Sur l’existence d’un manquement
Attendu que l’admission en non-valeur en cause a été décidée par délibération du conseil d’administration du port autonome de Paris en date du 23 novembre 2011, sur rapport circonstancié de l’agent comptable en date du 4 novembre 2011 ; qu’elle est motivée par l’insolvabilité du débiteur à la suite d’un jugement de clôture pour insuffisance d’actif préalable à l’admission en non-valeur ;
Attendu que la créance a été produite le 27 mai 2004, dans les délais prévus en cas de procédure collective de redressement judiciaire, pour un montant de 18 674,51 € ; que la clôture pour insuffisance d’actif intervenue le 9 septembre 2011 a conduit à l’admission en non-valeur de cette créance pour un montant total de 25 347,91 €, et que les écarts de montant entre créances présentées et admises en non-valeur ont été justifiés ;
Attendu que la circonstance que le jugement de clôture pour insuffisance d’actif n’aurait pas été produit à l’appui de la demande d’admission en non-valeur de l’agent comptable n’apparaît pas de nature à remettre en cause le fait qu’à la date de son admission en non-valeur, la créance était irrécouvrable ;
Attendu qu’en fonction de l’analyse qui précède, il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité du comptable à raison de la charge n° 4 à l’encontre de M. X, au titre de sa gestion de l’exercice 2011 ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
En ce qui concerne M. X
Au titre de l’exercice 2013 (charge n° 1)
Article 1er. - M. X est constitué débiteur du Port autonome de Paris au titre de l’exercice 2013 pour la somme de 4 526,84 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 22 juin 2016.
Au titre de l’exercice 2013 (charge n° 2)
Article 2. - M. X est constitué débiteur du Port autonome de Paris au titre de l’exercice 2013 pour la somme de 3 610,24 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 22 juin 2016.
Au titre de l’exercice 2010 (charge n° 3)
Article 3. – Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité du comptable au titre de la charge n °3.
Au titre de l’exercice 2011 (charge n° 4)
Article 4. – Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité du comptable au titre de la charge n °4.
Article 5. – La décharge de M. X au titre de l’exercice 2013 ne pourra être donnée qu’après apurement des débets à acquitter, fixés ci-dessus.
Article 6. – M. X est déchargé de sa gestion pour les exercices 2010 et 2011.
Fait et jugé par Mme Annie PODEUR, présidente de section, présidente de la formation ; MM. Alain LE ROY, Gilles MILLER, Jacques BASSET et Mme Catherine PAILOT-BONNÉTAT, conseillers maîtres.
En présence de M. Aurélien LEFEBVRE, greffier de séance.
Aurélien LEFEBVRE |
Annie PODEUR |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.
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