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République Française, Au nom du peuple français, La Cour, |
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Vu la requête enregistrée le 25 novembre 2016 au greffe de la chambre régionale des comptes d'Aquitaine, Limousin, Poitou-Charentes et la requête complémentaire enregistrée le 30 novembre 2016, par lesquelles M. X, comptable de la Régie communautaire d'exploitation de parcs de stationnement-PARCUB, a élevé appel du jugement n° 2016-0025 du 5 septembre 2016 par lequel la chambre régionale l'a déclaré débiteur envers cet établissement de la somme de 578 122,49 euros ;
Vu les pièces de la procédure suivie en première instance et notamment le réquisitoire du procureur financier près la chambre régionale n° 2015-0022 du 22 mai 2015 ;
Vu l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le décret n° 2008-227 du 5 mars 2008 relatif à la responsabilité personnelle et pécuniaire des régisseurs ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi de finances du 23 février 1963 modifié ;
Vu le rapport de M. François ADAM, conseiller maître, chargé de l’instruction ;
Vu les courriers en réponses de M. X en date des 10 et 28 juillet 2017 ;
Vu les conclusions du Procureur général n° 024 du 18 janvier 2018 ;
Entendu lors de l’audience publique du 25 janvier 2018, M. ADAM, en son rapport, M. Benoît GUÉRIN, avocat général, en les conclusions du ministère public, M. X, comptable appelant, étant présent et ayant eu la parole en dernier ;
Entendu en délibéré Mme Anne FROMENT-MEURICE, présidente de chambre maintenue en activité, réviseure, en ses observations ;
Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes d'Aquitaine, Limousin, Poitou-Charentes a déclaré M. X débiteur de la somme de 578 122,49 euros envers la Régie communautaire d'exploitation de parc de stationnement-PARCUB, pour le
non-recouvrement partiel d'un titre de recettes n° 2010-93 émis le 30 septembre 2010 par l'ordonnateur de l'établissement, en régularisation de recettes préalablement encaissées par le régisseur de recettes ; que ce titre de recettes figurant à l’état des restes à recouvrer du compte de gestion au 31 décembre 2012, la chambre régionale a considéré que le comptable n'avait pas exercé les diligences adéquates, complètes et rapides en vue de son recouvrement, créant un préjudice financier pour l'établissement public PARCUB, de nature à engager la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable ;
Attendu que l’appelant demande l'annulation du jugement précité en soulevant plusieurs moyens tenant d’une part, à la régularité de la procédure et d’autre part, à l'appréciation de la chambre sur ses diligences en matière de recouvrement des créances et sur les conséquences qu’elle en a tirées quant à la mise en jeu de sa responsabilité ;
Sur la régularité de la procédure et en premier lieu, sur l'impartialité de la formation de jugement :
Attendu que M. X considère que l'impartialité de la formation de jugement ne pouvait être assurée compte tenu des observations formulées par la chambre régionale dans un rapport d'observations définitives notifié antérieurement au jugement contesté ; qu'il souligne que comme ce rapport, publié en juillet 2016, analyse le titre de recettes de 578 122,49 euros émis en 2010 et son non-recouvrement et constate qu’aucune réponse n’a été apportée par PARCUB au manquant observé dans les comptes, ses observations constituent un "pré‑jugement" ; qu’il demande en conséquence à la Cour des comptes de constater "l'irrégularité de la procédure et la violation des droits de la défense en résultant" ;
Attendu que le rapport précité consacre sa partie 5 à une analyse approfondie des difficultés de fonctionnement de la régie d'avances et de recettes de PARCUB ; qu'il évoque à cette occasion l'existence du titre n° 2010-93 émis en septembre 2010 et son non-recouvrement partiel ainsi que les différentes analyses effectuées de 2009 à 2012 pour tenter de comprendre l'origine de cette situation ; que ce rapport adressé à l'ordonnateur de la régie communautaire PARCUB ne comporte aucune mention du rôle ni des obligations professionnelles du comptable public ou d'éventuelles conséquences de l'absence d'apurement du titre de recettes sur sa responsabilité personnelle et pécuniaire ; que l'impartialité de la procédure juridictionnelle menée en première instance ne peut donc être mise en cause ; qu'ainsi le jugement attaqué n'est entaché, sur ce point, d'aucune irrégularité et qu'il convient dès lors d'écarter le moyen du requérant ;
Sur le respect des droits de la défense
Attendu que M. X invoque en second lieu la communication tardive des conclusions du ministère public qu'il a reçues le 11 juillet 2016, soit un jour avant l'audience publique tenue par la chambre régionale le 12 juillet 2016 ; qu'il considère que ce court délai ne lui a pas permis de préparer au mieux sa défense et qu'en conséquence les droits de la défense et les droits au procès équitable n'ont pas été, selon lui, respectés ;
Attendu qu'en application de l'article R 242-5 du Code des juridictions financières dans la version en vigueur lors du prononcé du jugement de première instance, les parties auxquelles le réquisitoire a été notifié doivent être informées du dépôt des conclusions du ministère public avant l'audience publique de jugement, sans toutefois qu'un délai soit explicitement fixé par le texte réglementaire ;
Attendu que M. X a assisté et a pu s'exprimer lors de l'audience publique du 12 juillet 2016, et qu'il a confirmé lors de l’audience publique susvisée, qu'il n’avait pas formulé de demande de report de l'audience devant le premier juge ;
Attendu qu'au cas d'espèce, la procédure contradictoire a préservé l'équilibre des droits des parties, en tant qu'exigence d'un procès équitable, au sens de l'article 6-1 susvisé de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en conséquence, le moyen invoqué ne saurait être accueilli ;
Sur les conséquences de l'absence d'ouverture d'une procédure de gestion de fait à l'encontre du régisseur de recettes et d'avances de PARCUB :
Attendu que l’appelant considère par ailleurs que la chambre régionale, en s'abstenant d'ouvrir une procédure de gestion de fait à l'encontre du régisseur de recettes et d’avances de PARCUB qui aurait exécuté, selon les rapports d'observations définitives de la chambre relatifs à la gestion de PARCUB publiés en 2012 et 2016, des opérations excédant le périmètre réglementaire de la régie jusqu'à la régularisation opérée en 2011, n'a pas procédé à une exacte appréciation de la responsabilité du comptable public qu'il argue que le régisseur aurait dû être considéré comme comptable de fait, devenant à ce titre responsable des manquements constatés dans le recouvrement du titre n° 2010-93 et du préjudice qui en résulte et que la chambre régionale aurait donc dû engager la responsabilité du régisseur et non la sienne ;
Attendu qu’il ressort du III de l'article 60 de la loi n° 63-156 du 20 février 1963 susvisée que les comptables publics sont responsables des actes des comptables de fait, s'ils ont eu connaissance de ces actes et ne les ont pas signalés à leur supérieur hiérarchique ; qu'ainsi une déclaration de gestion de fait peut n'être pas sans conséquences sur l'étendue de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public ;
Attendu toutefois, sans qu’il soit besoin d’examiner au fond cet argument de l’appelant, que les articles L 242-1-III et R 212-19-IV du Code des juridictions financières alors applicables donnent une compétence exclusive au ministère public près une chambre régionale des comptes pour requérir l'ouverture d'une procédure de gestion de fait des deniers d'un organisme relevant du champ de compétences de cette chambre ;
Attendu qu'aucun réquisitoire n'a été pris en ce sens s'agissant des deniers de l'établissement public Régie communautaire des parcs de stationnement-PARCUB pour la période considérée ; et que seule la responsabilité propre du comptable public de cet établissement a été mise en cause devant la chambre régionale par le réquisitoire susvisé, pour ne pas avoir effectué des diligences suffisantes pour recouvrer le titre de recettes en cause ; qu'il convient ainsi de rejeter le moyen soulevé ;
Sur l'existence d'un manquement dans le recouvrement des recettes
Attendu que l'appelant considère avoir conduit les seules diligences possibles, compte tenu de la nature particulière du titre de recettes pris en charge ; qu’il rappelle les initiatives qu'il a prises en qualité de comptable public afin de parvenir à une remise en ordre de la comptabilité de la régie d'avances et de recettes de PARCUB ; qu'il considère que le dépôt des disponibilités de la régie auprès de la Caisse des dépôts et consignations, mis en place antérieurement à son entrée en fonction, constituait un obstacle aux diligences du comptable public, jusqu'à ce qu'il soit mis fin à ce dispositif en septembre 2012 ; qu'il fait valoir enfin que la mise en jeu de la responsabilité du régisseur, évoquée dans les attendus du jugement contesté, relève de la responsabilité de l'ordonnateur et non pas de celle du comptable public ;
Attendu qu'aux termes de l'article 60 de la loi n° 63-156 du 20 février 1963, le comptable public est personnellement et pécuniairement responsable du recouvrement des recettes, et que sa responsabilité se trouve engagée dès lors qu'il n'a pas mené les diligences adéquates, complètes et rapides à cet effet ;
Attendu que M. X s'est attaché à obtenir le reversement complet des disponibilités de la régie d'avances et de recettes qui constituaient le seul actif permettant de contribuer à l'apurement du titre de recettes n° 2010-93 et qu'il a également conduit des travaux pour tenter d'expliquer les décalages comptables constatés dans la comptabilité de la régie, travaux qui n'ont toutefois pas abouti ;
Attendu qu'il résulte de l'instruction qu'en dépit des errements constatés dans la gestion de la régie depuis sa prise de fonction, M. X n'a pas sollicité de l'ordonnateur de PARCUB la mise en jeu de la responsabilité pécuniaire du régisseur dans le cadre des articles 7 et 8 du décret n° 2008-227 du 5 mars 2008 relatif à la responsabilité personnelle et pécuniaire des régisseurs susvisé ; qu’il lui appartenait en effet dans ces circonstances de faire diligence auprès de l’ordonnateur pour qu’il émette un ordre de versement à l’encontre du régisseur pour le recouvrement des recettes en cause ; qu’en cas d’inaction de l’ordonnateur à ce titre, M. X devait saisir sa hiérarchie, en application de l’article 11 du décret précité pour obtenir l’émission d’un arrêté de débet à l’encontre du régisseur ; qu’au cours de l’audience publique susvisée, M. X a admis qu’il aurait dû solliciter l’ordonnateur à cette fin ;
Attendu en conséquence que le moyen de l'appelant sur l'absence de manquement dans le recouvrement du titre de recettes en cause doit être rejeté et qu’il y a lieu d’engager la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X à ce titre ;
Sur le lien de causalité entre le manquement constaté et le préjudice financier
Attendu que l'appelant, dans le cas où un manquement dans le recouvrement des recettes serait reconnu, conteste le lien de causalité entre ce manquement et le préjudice financier constaté ; qu’il considère en effet que le préjudice ne résulte pas d’un défaut de recouvrement du comptable, impossible dans le cadre du montage juridique en cause, mais d’un défaut de versement de PARCUB dans sa caisse ;
Attendu que selon le VI de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, "lorsque le manquement du comptable a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné [...], le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante" ; qu'il en résulte que la somme correspondant au préjudice financier ne peut être mise à la charge du comptable que si son manquement est la cause d'un préjudice direct et certain ;
Attendu que, dans le cas d'espèce, s’il est indéniable que le manquant est né de l’absence de reversement par le régisseur dans la caisse du comptable de la totalité des recettes de stationnement du compte de la régie ouvert à la Caisse des dépôts, il appartenait au comptable d’effectuer, en plus de ses démarches sus rappelées, les diligences appropriées auprès de l'ordonnateur pour obtenir la mise en jeu de la responsabilité du régisseur, à l’origine du manquant dans les comptes et responsable de nombreux errements dans le fonctionnement de la régie d’avances et de recettes mis à jour par M. X lui-même ; que le comptable ne fait valoir aucun argument de nature à démontrer l’inutilité de telles diligences alors que, pour imputer le préjudice subi par la régie PARCUB au manquement constaté, le jugement de première instance entrepris estimait qu’elles pouvaient permettre, dès lors que le recouvrement des recettes en cause n’était pas impossible, de pallier l’insuffisance des disponibilités du compte géré par le régisseur par la mise en jeu de la responsabilité propre de ce dernier ; que M. X n’apporte à cet égard aucun élément de preuve sur l’impossibilité de recouvrer la recette, ni sur la situation du régisseur ;
Attendu dès lors que l'absence de saisine de l'ordonnateur par le comptable public pour obtenir l’apurement du titre, puis, en cas d’inaction de ce dernier, de son autorité hiérarchique pour l’émission d’un arrêté de débet, a compromis toute possibilité de recouvrement des créances en cause de PARCUB et causé en conséquence un préjudice financier à la régie, au sens de l’article 60.VI de la loi du 23 février 1963 précité ; qu’il y a donc lieu de rejeter le moyen de M. X sur l’absence de lien de causalité entre son manquement et le préjudice financier subi par la régie ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article unique – La requête de M. X est rejetée.
Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section Présents : M. Yves ROLLAND, président de section, président de la formation ; Mme Anne FROMENT-MEURICE, présidente de chambre maintenue en activité, MM. Jean‑Yves BERTUCCI, Olivier ORTIZ et Mme Dominique DUJOLS, conseillers maîtres.
En présence de Mme Marie-Hélène PARIS-VARIN, greffière de séance.
Marie-Hélène PARIS-VARIN |
Yves ROLLAND |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.
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