Cour de discipline budgétaire et financière  
Première section  
Arrêt du 6 avril 2018 « Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) »  
N° 219-793  
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE  
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS  
LA COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE,  
siégeant à la Cour des comptes, en audience publique, a rendu larrêt suivant  
:
er  
Vu le code des juridictions financières, notamment le titre 1 de son livre III, relatif à la  
Cour de discipline budgétaire et financière ;  
Vu la communication en date du 26 mai 2016, enregistrée le jour-même au parquet  
général, par laquelle le président de la cinquième chambre de la Cour des comptes a informé le  
procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline  
budgétaire et financière, de faits relatifs à la gestion administrative et financière de lAgence  
nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) au cours des exercices 2011 et 2012,  
conformément aux dispositions de larticle L. 314-1 du code des juridictions financières alors  
en vigueur ;  
Vu le réquisitoire du 23 septembre 2016 par lequel le procureur général a saisi de cette  
affaire le président de la Cour de discipline budgétaire et financière, conformément aux  
dispositions de larticle L. 314-3 du code des juridictions financières alors en vigueur ;  
Vu la décision du 11 octobre 2016 par laquelle le président de la Cour a désigné  
M. Olivier Lemaire, premier conseiller à la Cour administrative dappel de Paris, en qualité de  
rapporteur de laffaire ;  
Vu les lettres recommandées du procureur général des 15 décembre 2016, 17 janvier et  
6
mars 2017, ensemble les avis de réception de ces lettres, par lesquelles, conformément aux  
dispositions de l’article L. 314-4 du code des juridictions financières alors en vigueur, ont été  
respectivement mis en cause, au regard des faits de lespèce :  
-
M. Pierre X..., directeur général de lANRU du 1er août 2008 au  
6 décembre 2014 ;  
1
-
M. Laurent Y..., directeur de lanimation et de lappui aux acteurs de la rénovation  
urbaine au sein de lANRU du 1 janvier 2012 au 31 décembre 2015 ;  
er  
1
Vu la lettre du 16 juin 2017 du président de la Cour transmettant au ministère public le  
dossier de laffaire après le dépôt du rapport de M. Lemaire, en application de larticle  
L. 314-4 du code des juridictions financières alors en vigueur ;  
Vu la décision du 21 décembre 2017 du procureur général renvoyant MM. X... et Y...  
devant la Cour, en application de larticle L. 314-6 du code des juridictions financières ;  
Vu les lettres recommandées adressées par la greffière de la Cour à MM. X... et Y..., le  
2
6 décembre 2017, leur transmettant la décision de renvoi du procureur général, les avisant  
quils pouvaient produire un mémoire en défense, dans les conditions prévues à larticle  
L. 314-8 du code des juridictions financières, et les citant à comparaître le 23 mars 2018 devant  
la Cour, ensemble les avis de réception de ces lettres ;  
Vu le mémoire en défense de M. Y... du 26 février 2018, ensemble les pièces à l’appui ;  
Vu le mémoire en défense produit par Maître Seban dans l’intérêt de M. X...  
le 7 mars 2018, ensemble les pièces à l’appui ;  
Vu les autres pièces du dossier ;  
Entendu le représentant du ministère public, présentant la décision de renvoi, en  
application de larticle L. 314-12 du code des juridictions financières ;  
Entendu le procureur général en ses conclusions, en application de larticle L. 314-12 du  
code des juridictions financières ;  
Entendu en sa plaidoirie Maître Seban pour M. X..., MM. X... et Y... ayant été invités à  
présenter leurs explications et observations, la défense ayant eu la parole en dernier ;  
Après en avoir délibéré ;  
Sur la compétence de la Cour  
1
.
Considérant qu’en application du b) du I de l’article L. 312-1 du code des juridictions  
financières, la Cour de discipline budgétaire et financière est compétente pour connaître des  
infractions susceptibles d’avoir été commises dans l’exercice de leurs fonctions par « Tout  
fonctionnaire ou agent civil ou militaire de lÉtat, des collectivités territoriales ou de leurs  
établissements publics […] » ; que l’ANRU est un établissement public de l’État ; qu’à ce titre,  
son directeur général et son directeur de l’animation et de l’appui aux acteurs de la rénovation  
urbaine sont justiciables de la Cour ;  
Sur la prescription  
2
«
.
Considérant quaux termes de l’article L. 314-2 du code des juridictions financières :  
La Cour ne peut être saisie après lexpiration dun délai de cinq années révolues à compter  
du jour où aura été commis le fait de nature à donner lieu à lapplication des sanctions prévues  
par le présent titre. » ; quil en résulte que ne peuvent être valablement poursuivies et  
sanctionnées que les infractions commises moins de cinq ans avant la date à laquelle a été  
déférée au parquet général la communication du président de la cinquième chambre de la Cour  
des comptes susvisée, soit les faits commis depuis le 26 mai 2011 ;  
3
.
Considérant que les irrégularités pour lesquelles est saisie la Cour portent sur des faits  
qui sont tous postérieurs à cette date ;  
2
Sur les faits, leur qualification juridique et l’imputation des responsabilités  
Sur la signature d’un protocole d’accord transactionnel  
4
.
Considérant que Mme Maryse Z... a été engagée en qualité de secrétaire générale de  
l’ANRU, avec le statut d’agent de droit privé, par un contrat de travail à durée indéterminée du  
1
5
5 juin 2004 ; qu’elle a été licenciée par une décision du directeur général du 30 mai 2011 ;  
Considérant que, tout en contestant son licenciement, Mme Z... s’est montrée disposée  
.
à négocier les conditions de son départ ; que par un protocole d’accord transactionnel en date  
du 22 juin 2011, signé par le directeur général et Mme Z..., a été prévu le règlement des sommes  
suivantes, qui ont toutes été versées à Mme Z... :  
-
92 201,12  nets, à titre d’« indemnité transactionnelle forfaitaire et définitive,  
destinée à réparer le préjudice résultant de la rupture de son contrat de travail » ;  
-
-
14 133,90  bruts, à titre d’« indemnité compensatrice de préavis » ;  
37 101,49 €, à titre d’« indemnité de licenciement », dont 10 070,40 €  
d’« indemnité légale de licenciement » et 27 031,09  d’« indemnité  
réglementaire de licenciement avant précompte de CSG et CRDS » ;  
-
-
10 713,50  bruts, à titre d’« indemnité compensatrice de congés payés » ;  
851,25 bruts, à titre d’« indemnité compensatrice de RTT ».  
6
.
Considérant que l’article 5 du décret n° 2004-123 du 9 février 2004 relatif à l’ANRU,  
dans sa rédaction en vigueur à l’époque des faits, dispose que : « Le conseil dadministration  
…] exerce notamment les attributions suivantes : […] 10° Il approuve les transactions. […]  
[
Le conseil dadministration peut, dans les conditions quil détermine, déléguer au directeur  
général de lagence tout ou partie de ses attributions, à lexception de celles prévues aux 1°,  
2
° bis, 3°, 4°, 5°, 5° bis, 6°, 8°, 9° et 11° » ; que l’article 11 du même décret, s’il prévoit que le  
directeur général assure la gestion de l’agence, la représente en justice et dans tous les actes de  
la vie civile, recrute le personnel et a autorité sur lui, précise que c’est sur délégation du conseil  
d’administration et dans les conditions déterminées par celui-ci qu’il peut transiger ; qu’en  
l’occurrence, le conseil d’administration de l’ANRU n’a pas délégué au directeur général ce  
pouvoir ; qu’il en résulte que le « protocole daccord transactionnel » signé avec Mme Z..., qui  
constitue, comme son intitulé et son contenu l’indiquent, une « transaction » au sens des  
articles 5 et 11 du décret précité, aurait dû être approuvée par le conseil d’administration ; qu’il  
n’est pas contesté que cela n’a pas été le cas ;  
7
.
Considérant qu’en l’absence de cette approbation préalable par le conseil  
d’administration, la signature de cette transaction par le directeur général de l’Agence constitue  
une infraction aux règles relatives à l’exécution des dépenses, au sens de l’article L. 313-4 du  
code des juridictions financières ;  
8
.
Considérant que ce manquement est imputable à M. X..., directeur général de l’ANRU  
et signataire de ce protocole d’accord transactionnel ;  
3
Sur le paiement de frais de formation  
9
.
Considérant que la décision de licenciement du 30 mai 2011, signée du directeur  
général, précise que Mme Z... dispose d’un crédit de 48 heures, au titre du droit individuel à la  
formation ; que cette décision indique que serait pris pour référence, pour calculer le montant  
du droit à la formation, le montant forfaitaire horaire « visé au deuxième alinéa de  
larticle L. 6332-14 du code du travail (soit à ce jour : 9,15 euros) » ; que la prise en compte  
de ce montant forfaitaire, appliqué à 48 heures, correspond ainsi à un montant de 439,20 ;  
1
0.  
Considérant que, par lettre du 16 juin 2011, le directeur général a informé Mme Z... que  
l’ANRU prendrait en charge la moitié des frais pédagogiques liés à l’inscription de l’intéressée  
au master « sociologie de lentreprise et stratégie de changement » à l’établissement de  
formation A... ; que ce courrier précise que cette prise en charge, qui « représente un montant  
de 9 100 euros de frais sur un total global de 18 200 euros », « soldera ainsi les 48 h 00  
acquises à ce jour » ;  
1
1.  
Considérant que les frais de formation relatifs aux deux premiers trimestres ont fait  
l’objet de deux factures, datées respectivement des 10 octobre et 30 décembre 2011 ; que par  
une note du 19 janvier 2012, l’agent comptable de l’ANRU a informé le directeur général de sa  
décision de suspendre le paiement de ces deux factures, en raison de « […] lécart substantiel  
de 8 660,80  entre le droit à la formation non utilisé par Mme Z... au moment de son  
licenciement (soit 48 h représentant 439,20 €) et la prise en charge de 160 heures de formation  
à [l’établissement de formation A...] pour un montant de 9 100 . » ;  
1
2.  
Considérant que le directeur général, par un ordre de réquisition du 23 mars 2012, pris  
sur le fondement de l’article 192 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement  
général sur la comptabilité publique alors en vigueur, a enjoint au comptable de procéder au  
règlement de ces deux factures ; que, par des ordres de réquisition du 19 avril 2012 puis du  
1
1 juillet 2012, il a enjoint au comptable de procéder au règlement des factures du 28 mars 2012  
puis du 4 juillet 2012, qui correspondaient aux frais de formation relatifs respectivement aux  
troisième et quatrième trimestres ;  
1
3.  
Considérant que le protocole d’accord transactionnel signé avec Mme Z..., qui énumère  
de façon détaillée les différentes sommes dues à l’intéressée au titre de cette transaction, ne fait  
pas mention d’une quelconque prise en charge de frais de formation ;  
1
4.  
Considérant que l’ANRU a fait ainsi bénéficier Mme Z... d’une formation dont le coût  
dépassait la limite résultant de l’application des dispositions des articles L. 6332-14 et  
D. 6332-87 du code du travail, limite rappelée dans la décision de licenciement du  
3
0 mai 2011 ; qu’il en résulte que la prise en charge par l’Agence de cette dépense indue  
constitue une infraction aux règles relatives à l’exécution des dépenses au sens de l’article  
L. 313-4 du code des juridictions financières ; que cette prise en charge est également  
constitutive dun avantage injustifié, au sens de larticle L. 313-6 du code des juridictions  
financières, octroyé à Mme Z... et entraînant un préjudice financier pour l’ANRU ;  
1
5.  
Considérant que ces manquements sont imputables à M. X..., directeur général de  
l’ANRU ;  
Sur l’exécution du marché et la signature d’un protocole d’accord transactionnel avec la  
société B…  
er  
1
6.  
Considérant que lANRU et la société B... ont signé, le 1 mars 2010, un marché à bons  
de commande portant sur la conception des maquettes des synthèses thématiques des débats  
4
tenus lors des « forums régionaux des acteurs de la rénovation urbaine », lassistance à la  
conception rédactionnelle et limpression de ces synthèses ; qu’alors que l’ANRU s’est  
abstenue d’émettre les bons de commande prévus par ce marché, la société a néanmoins délivré  
des prestations, qui ont donné lieu à lémission dune facture datée du 29 mars 2012, dun  
montant de 47 863,92 € TTC ; que cette facture a fait lobjet dune certification du service fait  
suivie de la signature d’un bon à payer ;  
1
7.  
Considérant qu’en application l’article 43 du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005  
fixant les règles applicables aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs mentionnés à  
l’article 3 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines  
personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, alors en vigueur,  
un marché à bons de commande est « exécuté au fur et à mesure de l’émission des bons de  
commande » ; qu’en l’absence de bon de commande, le bon à payer n’aurait pas dû être signé ;  
que le comptable ayant toutefois suspendu le paiement, le bon à payer est resté sans effet ;  
1
8.  
Considérant qu’à la suite du refus du comptable de payer la facture du 29 mars 2012  
précitée, en l’absence des bons de commande correspondants, les responsables de lANRU ont  
décidé de conclure avec la société B... un protocole daccord transactionnel ; que cette  
transaction, qui prévoyait le versement de la somme de 47 600,80  TTC à cette société, a été  
signée par le directeur général le 27 août 2012 sans avoir été, au préalable, soumise pour  
approbation au conseil d’administration de l’Agence, contrairement aux dispositions  
susmentionnées des articles 5 et 11 du décret n° 2004-123 du 9 février 2004 ; qu’en l’absence  
de cette approbation préalable, la signature de cette transaction par le directeur général de  
l’Agence constitue une infraction aux règles relatives à l’exécution des dépenses au sens de  
l’article L. 313-4 du code des juridictions financières ;  
1
9.  
Considérant que la prestation de la société B... a bien été réalisée, conformément à  
l’objet du marché et dans la limite des quantités qu’il prévoyait ; que le montant de la transaction  
a été déterminé sur la base des prix unitaires stipulés dans le marché et au regard des prestations  
réalisées et des quantités réceptionnées et validées par l’ANRU ; qu’il en résulte que le  
versement effectué au titre du protocole transactionnel à la société B... n’est pas constitutif de  
l’infraction prévue à l’article L. 313-6 du code des juridictions financières ;  
2
0.  
Considérant que le manquement mentionné au considérant 18 est imputable à M. X...,  
directeur général de lANRU et signataire de l’accord transactionnel ;  
er  
2
1.  
Considérant que M. Y... a été recruté par l’ANRU le 1 janvier 2012, soit près de  
deux ans après la signature du marché passé avec la société B... ; que l’action de M. Y... s’est  
limitée à chercher une issue à la situation dans laquelle se trouvait l’Agence vis-à-vis de ce  
prestataire et à élaborer le protocole transactionnel après avoir consulté et recueilli l’avis de la  
responsable juridique de l’Agence ; qu’ainsi aucune infraction ne peut être relevée à son  
encontre ;  
Sur les circonstances  
2
2.  
Considérant qu’il résulte des pièces du dossier qu’à défaut d’avoir été mentionnée de  
manière explicite dans le protocole transactionnel, la prise en charge par l’Agence des dépenses  
de formation de Mme Z... faisait partie des engagements pris par le directeur général à son égard  
lors de la négociation des conditions de son départ ; qu’un tel engagement n’excédait pas, par  
son ampleur, la marge de négociation dont dispose un employeur public dans une telle  
situation ; que le directeur général s’était également engagé vis-à-vis de l’établissement de  
formation A... à s’acquitter du règlement d’une partie des frais pédagogiques de ladite  
5
formation ; que ces faits sont de nature à constituer des circonstances atténuantes de  
responsabilité ;  
Sur lamende  
2
3.  
Considérant quil sera fait une juste appréciation des irrégularités commises et des  
circonstances de l’espèce en infligeant à M. X... une amende de 800 euros ;  
Sur la publication de larrêt  
2
4.  
Considérant quil y a lieu, compte tenu des circonstances de lespèce, de publier le  
présent arrêt au Journal officiel de la République française, selon les modalités prévues par les  
articles L. 221-14 et R. 221-16 du code des relations entre le public et l’administration, et, sous  
forme anonymisée, sur le site Internet de la Cour, en application de larticle L. 313-15 du code  
des juridictions financières ; qu’il y a lieu également de mettre en place un lien entre le site  
Internet de la Cour et le Journal officiel qui restera actif pendant un mois à compter de la  
publication de l’arrêt ;  
ARRÊTE :  
er  
Article 1 : M. X... est condamné à une amende de 800  (huit cents euros).  
Article 2 : M. Y... est relaxé des fins de la poursuite.  
Article 3 : Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française et, sous  
forme anonymisée, sur le site Internet de la Cour. Un lien sera créé entre le site Internet de la  
Cour et le Journal officiel qui restera actif pendant un mois à compter de la publication de  
l’arrêt.  
Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, première section,  
le 23 mars deux mille dix-huit par M. Migaud, premier président de la Cour des comptes,  
président ; MM. Bouchez et Derepas, conseillers d’État ; MM. Maistre et Bertucci, conseillers  
maîtres à la Cour des comptes.  
Notifié le 6 avril 2018.  
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis  
de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République  
près les tribunaux de grande instance dy tenir la main, à tous les commandants et officiers de  
la force publique de prêter main-forte lorsquils en seront légalement requis.  
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président de la Cour et la greffière.  
Le président,  
La greffière,  
Didier MIGAUD  
Isabelle REYT  
6