Cour de discipline budgétaire et financière  
Première section  
Arrêt du 3 mai 2018 « Office national des anciens combattants et victimes de guerre  
(ONAC-VG) »  
N° 220-783  
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE  
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS  
LA COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE,  
siégeant à la Cour des comptes, en audience publique, a rendu larrêt suivant  
:
er  
Vu le code des juridictions financières, notamment le titre I de son livre III, relatif à la  
Cour de discipline budgétaire et financière ;  
er  
Vu la communication en date du 31 août 2015, enregistrée le 1 septembre suivant au  
parquet général, par laquelle le président de la deuxième chambre de la Cour des comptes a  
informé le procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de  
discipline budgétaire et financière, de faits relatifs à la gestion administrative et financière de  
l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG), conformément  
aux dispositions de larticle L. 314-1 du code des juridictions financières alors en vigueur ;  
Vu le réquisitoire du 9 juin 2016 par lequel le procureur général a saisi de cette affaire  
le président de la Cour de discipline budgétaire et financière, conformément aux dispositions  
de larticle L. 314-3 du code des juridictions financières alors en vigueur ;  
Vu la décision du 11 octobre 2016 par laquelle le président de la Cour a désigné  
M. Guillaume de La Taille Lolainville, premier conseiller de tribunal administratif et de cour  
administrative dappel, en qualité de rapporteur de laffaire ;  
Vu le réquisitoire supplétif du 10 février 2017 ;  
Vu la lettre recommandée du 14 février 2017 et son avis de réception par laquelle,  
conformément aux dispositions de l’article L. 314-4 du code des juridictions financières dans  
sa rédaction alors en vigueur, M. Rémy X..., directeur général de l’ONAC-VG du  
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2 mars 2007 au 13 janvier 2013, a été mis en cause ;  
Vu la lettre du 3 mai 2017 du président de la Cour transmettant au ministère public le  
dossier de laffaire après le dépôt du rapport de M. de La Taille Lolainville, en application de  
larticle L. 314-4 du code des juridictions financières alors en vigueur ;  
1
Vu la décision du 22 décembre 2017 du procureur général renvoyant M. X... devant la  
Cour de discipline budgétaire et financière, en application de larticle L. 314-6 du code des  
juridictions financières ;  
Vu la lettre recommandée adressée par la greffière de la Cour de discipline budgétaire  
et financière à M. X..., le 10 janvier 2018, lui transmettant la décision de renvoi du procureur  
général, l’avisant qu’il pouvait produire un mémoire en défense dans les conditions prévues à  
larticle L. 314-8 du code des juridictions financières et le citant à comparaître le 13 avril  
2
018 devant la Cour de discipline budgétaire et financière, ensemble l’avis de réception de  
cette lettre ;  
Vu le mémoire en défense produit par M. X... le 23 mars 2018 ;  
Vu les autres pièces du dossier ;  
Entendu le représentant du ministère public, présentant la décision de renvoi, en  
application de larticle L. 314-12 du code des juridictions financières ;  
Entendu le procureur général en ses conclusions, en application de larticle L. 314-12  
du code des juridictions financières ;  
Entendu M. X... en ses observations, l’intéressé ayant eu la parole en dernier ;  
Après en avoir délibéré ;  
Sur la compétence de la Cour  
1
.
Considérant qu’en application du b) du I de l’article L. 312-1 du code des juridictions  
financières, la Cour de discipline budgétaire et financière est compétente pour connaître des  
infractions susceptibles d’avoir été commises dans l’exercice de leurs fonctions par « Tout  
fonctionnaire ou agent civil ou militaire de lÉtat, des collectivités territoriales, de leurs  
établissements publics […] » ; que l’ONAC-VG est un établissement public de l’État ; qu’à ce  
titre, son directeur général est justiciable de la Cour ;  
Sur la prescription  
2
«
.
Considérant quaux termes de l’article L. 314-2 du code des juridictions financières :  
La Cour ne peut être saisie après lexpiration dun délai de cinq années révolues à compter  
du jour où aura été commis le fait de nature à donner lieu à lapplication des sanctions  
prévues par le présent titre. » ; quil en résulte que ne peuvent être valablement poursuivies et  
sanctionnées que les infractions commises moins de cinq ans avant la date à laquelle a été  
déférée au parquet général la communication du président de la deuxième chambre de la Cour  
er  
des comptes susvisée, soit en l’espèce les faits commis depuis le 1 septembre 2010 ;  
3
.
Considérant que les irrégularités pour lesquelles la Cour est saisie portent sur treize  
er  
marchés publics, dont trois ont été conclus avant le 1 septembre 2010 ;  
4
.
Considérant que les irrégularités entachant la procédure de passation de ces trois  
marchés, conclus à des dates où la prescription était acquise, sont, à les supposer établies,  
couvertes par la prescription ;  
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.
Considérant, en revanche, que la règle de prescription ne fait pas obstacle à ce que la  
Cour procède à l’examen des conditions d’exécution de ces marchés publics, pour la période  
er  
d’exécution postérieure au 1 septembre 2010 ;  
2
Sur les faits, leur qualification juridique et l’imputation des responsabilités  
Considérant qu’en application de l’article 2 du code des marchés publics, en vigueur  
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.
au moment des faits et du dernier alinéa de l’article D. 450 du code des pensions militaires  
d’invalidité et des victimes de guerre, alors applicable, l’ONAC-VG est un « pouvoir  
adjudicateur » qui devait respecter, pour l’attribution de ses marchés et pour leur exécution,  
les règles propres à l’État définies, jusqu’au 31 mars 2016, par le code des marchés publics ;  
7
.
Considérant que pour assurer l’adaptation de l’application informatique dénommée  
KAPTA, l’ONAC-VG a passé avec la société Y... vingt-et-un contrats de services entre le  
er  
1
février 2008 et le 31 janvier 2012, dont treize pour lesquels la Cour est saisie ; que ces  
conventions se présentent comme des marchés à bons de commande pour des prestations  
d’assistance à maîtrise d’ouvrage et des prestations d’exécution ; que les treize marchés ont  
stipulé un minimum total de 626 980 euros hors taxes et un maximum de  
1
368 665 euros hors taxes ;  
Sur la définition des besoins et les procédures de passation des marchés  
Considérant que lONAC-VG a confié à la société Y..., par trois marchés, une mission  
8
.
dassistance à maîtrise douvrage tendant à la définition de son propre besoin en matière  
dadaptation de lapplication KAPTA ; que les marchés correspondants ont été renouvelés, sur  
la seule période non couverte par la prescription, à quatre reprises ;  
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.
Considérant que parallèlement, et par sept marchés successifs, lONAC-VG a confié à  
la société Y... la réalisation effective des prestations que la société elle-même avait identifiées  
comme nécessaires ; que ces contrats dexécution prévoyaient essentiellement que les  
prestations seraient réalisées à travers la mise à disposition de développeurs ;  
1
0.  
Considérant que lesdits marchés, dont le montant total a atteint 771 369,40 hors taxe,  
ont été passés en procédure adaptée et négociés avec la société Y... sans aucune publicité ni  
mise en concurrence préalables ;  
1
1.  
Considérant qu’en application du II de l’article 26 du code des marchés publics, alors  
en vigueur, les marchés publics de services, tels les marchés litigieux, pouvaient être passés  
en « procédure adaptée » par des pouvoirs adjudicateurs soumis aux règles applicables à l’État  
lorsque le montant estimé du besoin est inférieur à 125 000 euros hors taxes ; que ce seuil a  
er  
été porté à 130 000 euros hors taxes par l’effet de l’article 1 du décret n° 2011-2027 du  
2
9 décembre 2011 modifiant les seuils applicables aux marchés et contrats relevant de la  
er  
commande publique, applicable à compter du 1 janvier 2012 ;  
1
2. Considérant que le montant des maxima de chacun des deux ensembles homogènes de  
prestations acquis en plusieurs marchés par l’ONAC-VG définition des besoins et exécution  
des prestations , a excédé très notablement le seuil des procédures formalisées ; que les  
marchés litigieux de l’ONAC-VG n’ont pu afficher des montants inférieurs aux seuils qu’en  
raison d’une division de la prestation d’ensemble en plusieurs marchés ; qu’aux termes du I de  
l’article 27 du code des marchés publics, un pouvoir adjudicateur ne pouvait se soustraire à  
l’application des règles de publicité et de mise en concurrence en scindant ses achats ;  
3
1
3.  
Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en s’abstenant de mettre en œuvre les  
procédures formalisées de passation pour les dix marchés litigieux et en scindant ses marchés,  
l’ONAC-VG a méconnu les articles 26 et 27 du code des marchés publics ;  
1
4.  
Considérant, en outre, qu’à supposer même que lONAC-VG eût pu recourir à la  
procédure adaptée, il ne pouvait se dispenser, comme il la fait, de toute publicité et mise en  
concurrence, dès lors que les marchés passés selon cette procédure sont soumis, quel que soit  
leur montant, aux principes fondamentaux de la commande publique que sont la liberté  
d’accès, l’égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures par le II de  
er  
l’article 1 du code des marchés publics ; que si lacheteur est libre, lorsquil décide de  
recourir à la procédure adaptée, de déterminer les modalités de publicité et de mise en  
concurrence appropriées aux caractéristiques du marché en cause, notamment à son objet, à  
son montant, au degré de concurrence entre les entreprises concernées et aux conditions dans  
lesquelles il est passé, il doit veiller à respecter ces principes généraux ; que seuls les marchés  
dun montant inférieur à un seuil qui, au cours de la période litigieuse, na jamais dépassé  
2
0 000 euros HT pouvaient être dispensés, en vertu du dernier alinéa de larticle 28, de toute  
mesure de publicité et de mise en concurrence ;  
1
5.  
Considérant quen lespèce les marchés à bons de commande litigieux ont été passés  
sans publicité ni mise en concurrence quoiquaucun dentre eux ne stipulât un maximum  
inférieur au seuil de 20 000 euros hors taxes ;  
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1
6.  
Considérant ainsi que pour les dix marchés litigieux, lONAC-VG a méconnu larticle  
du code des marchés publics ;  
er  
Sur les règles de liquidation des dépenses  
7. Considérant quen vertu de l’article 30 du décret du 29 décembre 1962 portant  
1
règlement général sur la comptabilité publique, dont la teneur est reprise, à compter du  
er  
1
janvier 2013, à l’article 31 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et  
comptable publique, la liquidation dune opération de dépense, qui consiste à vérifier la réalité  
de la dette et à arrêter le montant de la dépense, comporte notamment la certification du  
service fait ;  
1
«
8.  
Considérant que la société Y... sest fait rémunérer sur la base de 3 749 journées de  
services faits », ce qui correspond à 4,3 informaticiens mis à disposition de lONAC-VG en  
permanence pendant les quatre années de développement de la prestation commandée, chiffre  
à rapprocher de leffectif déclaré de cette entreprise (5 ou 6 salariés) ; que certaines de ces  
journées de travail n’ont pas été réalisées dans les locaux de l’ONAC-VG contrairement à ce  
que prévoyaient les cahiers de clauses particulières desdits marchés ; quaucun des marchés  
en cause na formalisé la moindre obligation de résultat particulière ; qu’il est établi que les  
prestations n’ont fait l’objet d’aucune recette officielle de la part de lONAC-VG et que si  
M. X... a affirmé lors de l’audience publique que l’application fonctionnait de façon  
satisfaisante lorsqu’il a quitté ses fonctions à la direction de l’ONAC-VG, il a reconnu quil  
ny avait aucun élément concret et tangible permettant dévaluer le service fait ; quen outre,  
le prestataire na jamais livré la documentation technique sur le logiciel qui était attendue de  
lui ;  
1
9.  
Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il ny a pas eu de vérification du service  
fait lors de lexécution des treize marchés litigieux, en méconnaissance des dispositions  
applicables ;  
4
Sur la qualification juridique des faits et l’imputation des responsabilités  
0. Considérant que le non-respect des règles de passation des marchés et le défaut de  
2
vérification du service fait constituent une infraction aux règles relatives à l’exécution des  
dépenses au sens de l’article L. 313-4 du code des juridictions financières ;  
2
1.  
Considérant qu’il revenait à M. X..., directeur général de l’ONAC-VG et responsable à  
ce titre de la passation des marchés de l’établissement public, de s’assurer que les conditions  
d’engagement et de liquidation des dépenses étaient régulières ; que ces manquements lui sont  
imputables ; qu’il ne les conteste d’ailleurs pas ;  
2
2.  
Considérant que si la conclusion répétée de marchés publics avec la société Y... en  
l’absence de toute mise en concurrence et de publicité préalable peut être constitutive d’un  
avantage injustifié octroyé à cette société, l’infraction sanctionnée par l’article L. 313-6 du  
code des juridictions financières suppose également l’existence d’un préjudice subi par la  
personne publique ; que l’existence d’un tel préjudice n’est en l’espèce pas irréfutablement  
établie, de sorte que l’infraction n’est pas constituée ;  
Sur les circonstances  
2
3.  
Considérant que l’ONAC-VG était pressé d’agir par sa tutelle pour régler, dans  
l’urgence, l’afflux des demandes algériennes de cartes de combattant ; que ni l’agent  
comptable de l’établissement, ni le contrôleur budgétaire n’ont, à aucun moment, alerté le  
directeur général sur les conditions de passation et d’exécution des marchés passés avec la  
société Y... ; que ces faits sont de nature à constituer des circonstances atténuantes de  
responsabilité ;  
2
4.  
Considérant toutefois que le caractère répété et particulièrement caractérisé des  
manquements aux règles de la commande publique constitue une circonstance aggravante de  
responsabilité ;  
Sur lamende  
2
5.  
Considérant quil sera fait une juste appréciation des irrégularités commises et des  
circonstances de l’espèce en infligeant à M. X... une amende de 1 500 euros ;  
Sur la publication de larrêt  
2
6.  
Considérant quil y a lieu, compte tenu des circonstances de lespèce, de publier le  
présent arrêt au Journal officiel de la République française, selon les modalités prévues par les  
articles L. 221-14 et R. 221-16 du code des relations entre le public et l’administration, et,  
sous forme anonymisée, sur le site Internet de la Cour, en application de larticle L. 313-15 du  
code des juridictions financières ; qu’il y a lieu également de mettre en place un lien entre le  
site Internet de la Cour et le Journal officiel qui restera actif pendant un mois à compter de la  
publication de l’arrêt ;  
5
ARRÊTE :  
er  
Article 1 : M. X... est condamné à une amende de 1 500 € (mille cinq cents euros).  
Article 2 : Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française et, sous  
forme anonymisée, sur le site Internet de la Cour. Un lien sera créé entre le site Internet de la  
Cour et le Journal officiel qui restera actif pendant un mois à compter de la publication de  
l’arrêt.  
Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, première section,  
le 13 avril deux mille dix-huit par M. Migaud, premier président de la Cour des comptes,  
président ; MM. Bouchez et Derepas, conseillers d’État ; M. Maistre, conseiller maître à la  
Cour des comptes.  
Notifié le 3 mai 2018.  
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce  
requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la  
République près les tribunaux de grande instance dy tenir la main, à tous les commandants et  
officiers de la force publique de prêter main-forte lorsquils en seront légalement requis.  
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président de la Cour et la greffière.  
Le président,  
La greffière,  
Didier MIGAUD  
Isabelle REYT  
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