Cour de discipline budgétaire et financière  
Seconde section  
Arrêt du 22 février 2018 « Société dinvestissements de la filière pêche de larchipel (SIFPA)  
de Saint-Pierre-et-Miquelon »  
N° 218-749  
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE  
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS  
LA COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE,  
siégeant à la Cour des comptes, en audience publique, a rendu larrêt suivant  
:
er  
Vu le code des juridictions financières, notamment le titre 1 de son livre III, relatif à la  
Cour de discipline budgétaire et financière ;  
Vu le code général des collectivités territoriales, notamment le titre II du livre V de sa  
première partie, relatif aux sociétés déconomie mixte locales ;  
Vu le code des relations entre le public et ladministration, notamment ses articles  
L. 221-14 et R. 221-16 ;  
Vu le décret n° 99-1060 du 16 décembre 1999 relatif aux subventions de lÉtat pour des  
projets dinvestissement ;  
Vu la communication en date du 24 juillet 2014, enregistrée au parquet général le  
2
8 juillet 2014, par laquelle le procureur financier près la chambre territoriale des comptes de  
Saint-Pierre-et-Miquelon a informé le procureur général près la Cour des comptes, ministère  
public près la Cour de discipline budgétaire et financière, de faits relatifs à la gestion de la  
Société dinvestissements de la filière pêche de larchipel (SIFPA) de Saint-Pierre-et-Miquelon,  
conformément aux dispositions de larticle L. 314-1 du code des juridictions financières alors  
en vigueur ;  
Vu le réquisitoire du 26 novembre 2014 par lequel le procureur général a saisi de cette  
affaire le Premier président de la Cour des comptes, président de la Cour de discipline  
budgétaire et financière, conformément aux dispositions de larticle L. 314-3 du code des  
juridictions financières alors en vigueur ;  
Vu la décision du 15 décembre 2014 par laquelle le président de la Cour de discipline  
budgétaire et financière, a désigné M. Nicolas Groper, à lépoque conseiller référendaire à la  
Cour des comptes, en qualité de rapporteur de laffaire, et la décision du 9 mars 2015 désignant  
M. Michel Provost, conseiller référendaire, en remplacement de M. Nicolas Groper, déchargé  
du dossier à sa demande ;  
1
Vu les lettres recommandées du 26 mai 2016 du procureur général, ensemble les avis  
de réception de ces lettres, par lesquelles, conformément aux dispositions de larticle L. 314-4  
du code des juridictions financières alors en vigueur, ont été respectivement mis en cause, au  
regard des faits de lespèce :  
-
M. Stéphane X..., qui exerçait les fonctions de président-directeur général de la  
SIFPA depuis la création de celle-ci le 17 août 2009 comme société anonyme  
déconomie mixte locale (SAEML) ;  
-
-
M. Jean-Pierre Y..., ancien préfet de Saint-Pierre-et-Miquelon, nommé le  
2
8 juillet 2008 et resté en fonction jusquau 23 novembre 2009 ;  
M. Jean-Régis Z..., ancien préfet de Saint-Pierre-et-Miquelon, en fonction du  
er  
1
décembre 2009 au 17 novembre 2011 ;  
Vu la lettre du 16 janvier 2017 du président de la Cour de discipline budgétaire et  
financière transmettant au ministère public le dossier de laffaire après le dépôt du rapport de  
M. Provost, en application de larticle L. 314-4 du code des juridictions financières alors en  
vigueur ;  
Vu la lettre du 7 février 2017 du procureur général informant le président de la Cour de  
discipline budgétaire et financière, après communication du dossier de laffaire, de sa décision  
de poursuivre la procédure en application de larticle L. 314-4 du code des juridictions  
financières alors en vigueur ;  
Vu les lettres du 8 février 2017 par lesquelles, en application de larticle L. 314-5 du code  
des juridictions financières alors en vigueur, le président de la Cour de discipline budgétaire et  
financière a transmis pour avis le dossier de laffaire au ministre de léconomie et des finances,  
à la ministre de lenvironnement, de lénergie et de la mer et à la ministre des outre-mer ;  
Vu la décision du 24 juillet 2017 du procureur général renvoyant MM. X..., Y... et Z...  
devant la Cour de discipline budgétaire et financière, en application de larticle L. 314-6 du  
code des juridictions financières ;  
Vu les lettres recommandées adressées par la greffière adjointe de la Cour de discipline  
budgétaire et financière à MM. X..., Y... et Z... le 25 juillet 2017, leur transmettant la décision  
de renvoi du procureur général, les avisant quils pouvaient produire un mémoire en défense  
dans les conditions prévues à larticle L. 314-8 du code des juridictions financières, et les citant  
à comparaître le 20 octobre 2017 devant la Cour de discipline budgétaire et financière, ensemble  
les avis de réception de ces lettres ;  
Vu le mémoire en défense produit par Maître Flécheux dans lintérêt de M. X...  
le 5 octobre 2017, ensemble les pièces à lappui ;  
Vu la décision du 19 octobre 2017 du procureur général renvoyant à titre  
complémentaire M. X... devant la Cour de discipline budgétaire et financière, en application de  
larticle L. 314-6 du code des juridictions financières ;  
Vu les lettres recommandées adressées par la greffière de la Cour de discipline  
budgétaire et financière à MM. X..., Y... et Z... le 30 novembre 2017, les avisant quils  
pouvaient produire un mémoire en défense dans les conditions prévues à larticle L. 314-8 du  
code des juridictions financières, et les citant à comparaître le 2 février 2018 devant la Cour de  
discipline budgétaire et financière, ensemble les avis de réception de ces lettres ;  
2
Vu le mémoire en défense complémentaire produit par Maître Flécheux dans lintérêt  
de M. X... le 18 janvier 2018 ;  
Vu les autres pièces du dossier ;  
Entendu le représentant du ministère public, présentant les décisions de renvoi, en  
application de larticle L. 314-12 du code des juridictions financières ;  
Entendu le procureur général en ses conclusions, en application de larticle L. 314-12  
du code des juridictions financières ;  
Entendu en sa plaidoirie Maître Flécheux pour M. X..., MM. X..., Y... et Z... ayant été  
invités à présenter leurs explications et observations, la défense ayant eu la parole en dernier ;  
Après en avoir délibéré ;  
Sur la compétence de la Cour  
1
.
Considérant quen application du b) du I de larticle L. 312-1 du code des juridictions  
financières, la Cour de discipline budgétaire et financière est compétente pour connaître des  
infractions susceptibles davoir été commises dans lexercice de leurs fonctions par « Tout  
fonctionnaire ou agent civil ou militaire de lÉtat, des collectivités territoriales ou de leurs  
établissements publics […] », catégories auxquelles appartenaient MM. Y... et Z..., membres  
respectivement du corps diplomatique et du corps préfectoral ; quen application du c) du I de  
larticle L. 312-1 du code des juridictions financières, la Cour de discipline budgétaire et  
financière est compétente pour connaître des infractions commises par « Tout représentant,  
administrateur ou agent des autres organismes qui sont soumis soit au contrôle de la Cour des  
comptes, soit au contrôle dune chambre régionale des comptes ou dune chambre territoriale  
des comptes », catégories à laquelle appartenait M. X... en sa qualité de président-directeur  
général de la SIFPA, organisme soumis au contrôle de la chambre territoriale de Saint-Pierre-  
et-Miquelon en application de larticle L. 252-9-2 du code des juridictions financières ;  
2
.
Considérant que larticle 15 des statuts de la SIFPA prévoit, conformément à larticle  
L. 1524-5 du code général des collectivités territoriales, que toute collectivité territoriale a droit  
à un ou plusieurs représentants au sein de son conseil dadministration et que ce ou ces  
représentants sont désignés par lassemblée délibérante de la collectivité, parmi ses membres ;  
que larticle 19 des mêmes statuts précise que la présidence du conseil dadministration peut  
être soit une personne physique, soit une collectivité territoriale, agissant alors par  
lintermédiaire dun représentant quelle désigne ; quil ne résulte pas de ces dispositions que  
cest en sa qualité de président du conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon que M. X... a  
exercé les fonctions de président-directeur général de la SIFPA, ni que ces fonctions puissent  
être regardées comme laccessoire obligé de sa fonction principale ; que, dès lors, ne trouvent  
pas à sappliquer en lespèce les dispositions du II de larticle L. 312-1 du code des juridictions  
financières, qui dispose que « Toutefois, ne sont pas justiciables de la Cour à raison des actes  
accomplis dans lexercice de leurs fonctions : […] l) le président du conseil territorial de Saint-  
Pierre-et-Miquelon [] » et que « Les personnes mentionnées aux a à l ne sont pas non plus  
justiciables de la Cour lorsquelles ont agi dans des fonctions qui, en raison de dispositions  
législatives ou réglementaires, sont laccessoire obligé de leur fonction principale. » ;  
3
.
Considérant, par conséquent, que MM. Y... et Z..., en leur qualité de préfet de la  
collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, et M. X..., en sa qualité de président-  
directeur général de la SIFPA, sont justiciables de la Cour de discipline budgétaire et  
financière ;  
3
Sur la prescription  
4
«
.
Considérant quaux termes de larticle L. 314-2 du code des juridictions financières :  
La Cour ne peut être saisie après lexpiration dun délai de cinq années révolues à compter  
du jour où aura été commis le fait de nature à donner lieu à lapplication des sanctions prévues  
par le présent titre. » ; quil en résulte que ne peuvent être valablement poursuivies et  
sanctionnées que les infractions commises moins de cinq ans avant la date à laquelle a été  
déférée au parquet général la communication du procureur financier près la chambre territoriale  
des comptes de Saint-Pierre-et-Miquelon susvisée, soit les faits commis depuis le  
2
9 juillet 2009 ;  
5
.
Considérant que les irrégularités pour lesquelles est saisie la Cour portent sur des faits  
qui sont tous postérieurs à cette date ;  
Sur les contestations relatives à la procédure  
6
1
.
Considérant que M. X... soutient que la décision de renvoi complémentaire du  
9 octobre 2017 est principalement justifiée par des éléments relatifs à une information pénale  
actuellement en cours, versés au dossier de la Cour par le procureur général à la suite dun  
échange de correspondances en date du 18 octobre 2017 avec le procureur de la République  
de Saint-Pierre-et-Miquelon ; que ces éléments étant couverts par le secret de linstruction et  
partiels, notamment en ce quils ne mentionnent pas un réquisitoire à fin de non-lieu en date  
du 12 avril 2016, leur prise en compte constituerait une atteinte aux droits de la défense et à  
léquité du procès ;  
7
.
Considérant cependant quil résulte de son texte même que la décision de renvoi  
complémentaire se fonde principalement sur le mémoire dobservations de Maître Flécheux  
agissant pour M. X..., du 5 octobre 2017, et les pièces qui lui sont jointes, notamment le procès-  
verbal de lassemblée générale mixte de la SIFPA du 23 décembre 2010 ; que si la  
communication du procureur de la République de Saint-Pierre-et-Miquelon du  
1
8 octobre 2017 est également visée et mentionnée, il napparaît pas que cette communication  
et les pièces jointes apportent à lappui des deux manquements ajoutés à la procédure, traités  
dans le rapport dinstruction mais non retenus dans la décision de renvoi initiale, quelque  
élément utile dont la défense naurait pas eu déjà connaissance ; quau surplus M. X... et son  
conseil ont pu, postérieurement à la décision de renvoi complémentaire et au versement  
corrélatif de pièces additionnelles au dossier, présenter par écrit ou oralement lors de  
laudience toutes les observations que cette décision et ces pièces appelaient de leur part ; par  
suite le moyen mentionné ci-dessus, tiré de la méconnaissance des droits de la défense et de  
latteinte à léquité du procès, ne peut quêtre écarté ;  
Sur les faits, leur qualification juridique et limputation des responsabilités  
Sur le contexte des opérations  
8
.
Considérant que la création de la SIFPA avait pour objectif de réactiver lexploitation  
dune usine de transformation des produits de la pêche de Saint-Pierre-et-Miquelon, construite  
en 1971, après la mise en liquidation judiciaire du précédent exploitant, la société A..., et la  
reprise des actifs par le groupe canadien B... ; quen particulier, aux termes de ses statuts, cette  
société avait pour objet lacquisition, la gestion, la cession et lexploitation des moyens  
techniques de production et de transformation des produits de la pêche, et plus généralement de  
tous moyens matériels destinés à la filière pêche française ;  
4
9
.
Considérant que lintervention du groupe canadien sest faite dans le cadre de deux  
sociétés constituées en droit français : la société C..., chargée de lexploitation du site, et la  
société D..., société dinvestissement intervenant dans le capital de la SIFPA ;  
1
0.  
Considérant que les actions de la SIFPA ont été principalement détenues, de sa création  
jusquen avril 2010, par la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon et la société D...  
à hauteur respective de 51 % et 40 % des actions ; que la souscription de cette société privée au  
capital de la SIFPA avait inclus, en labsence dévaluation patrimoniale initiale, un apport en  
nature dactifs issus de la liquidation du précédent exploitant, à la valeur symbolique de 1 € ;  
1
1.  
Considérant que par délibération n° 217-009 du 17 septembre 2009 portant attribution  
à la SIFPA dun concours financier d’un montant de 2,5 M€ destiné à la réorganisation de la  
transformation des produits de la mer, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon a  
confié à cette SAEML la mission dintérêt général dexploiter la filière pêche et décidé de  
conclure avec elle un contrat de concession après avoir désintéressé le précédent exploitant, la  
société A... ;  
Sur les conditions dexploitation dune usine de transformation des produits de la pêche  
1
2.  
Considérant que la SIFPA, aux termes de la délibération du 17 septembre 2009  
mentionnée ci-dessus de la collectivité territoriale, devait prendre « […] les dispositions  
nécessaires pour conclure les conventions doccupation du domaine public maritime avec  
lÉtat sur le périmètre intégrant les bâtiments et annexes concernés par lexploitation, la  
transformation et la commercialisation des produits de la mer. » ; quaux termes du rapport au  
conseil territorial présenté à loccasion de cette délibération, et non dailleurs de cette  
délibération elle-même, la SIFPA devait établir un bail commercial avec la société C... aux  
termes duquel elle devait percevoir un loyer dont le montant serait fonction des données de  
lexploitation ;  
Sur le défaut de régularisation de loccupation du domaine public maritime  
1
3.  
Considérant que, comme le relève la décision de renvoi, aucun dispositif juridique  
transférant les droits doccupation des emprises foncières du domaine public de lÉtat na été  
formalisé en amont ou en parallèle à la mise en place du nouveau dispositif ; que seule une  
convention entre lÉtat et la collectivité territoriale visant à régler la question des emprises  
foncières a été élaborée, et de façon tardive ; quelle na pris effet quà compter du  
er  
1
janvier 2011, soit plus de dix-huit mois après la reprise de lusine ; quen conséquence, le  
domaine public a été occupé sans titre ;  
1
4. Considérant quil nest pas contesté que ni M. X..., en sa qualité de président-directeur  
général de la SIFPA, ni MM. Y... et Z..., représentants de lÉtat à Saint-Pierre-et-Miquelon, ne  
se sont personnellement et activement attachés au traitement rapide de cette question ; que,  
cependant, la situation des multiples autorisations doccupation du domaine maritime qui  
prévalait lors de la création de la SIFPA sest avérée particulièrement complexe ; que leur  
remise à plat, de même que lévaluation des indemnisations dues le cas échéant en raison de  
leur fin anticipée, nécessitait un travail de fond et des échanges impliquant plusieurs services  
de lÉtat, à titre principal le service chargé du domaine ; que ce travail a été mis en œuvre dès  
la fin de lannée 2009 et a trouvé sa conclusion par la signature, en octobre 2010, dune  
convention passée entre lÉtat et la collectivité territoriale de Saint Pierre-et-Miquelon et non  
pas la SIFPA ; que, dans ces conditions, ni la responsabilité des préfets Y... et Z..., ni celle de  
M. X..., président-directeur général de la SIFPA ne peut être retenue de ce chef sur le fondement  
des articles L. 313-4 et L. 313-6 du code des juridictions financières ;  
5
Sur le défaut de conclusion dun bail commercial entre la SIFPA et la société C...  
Considérant quaucun acte formalisant les relations juridiques entre la SIFPA et son  
1
5.  
exploitant na non plus été conclu ; que lexploitation de lusine par lentreprise C... sest de ce  
fait exercée sans titre au cours des années 2009 à 2010 ; quen labsence de contrat de bail passé  
entre la SIFPA et la société C..., aucun loyer nétait susceptible dêtre perçu par la société  
déconomie mixte ; que, de ce fait, la préservation des intérêts de cette dernière nétait a priori  
pas assurée ;  
1
1
6.  
Considérant que si, aux termes de la délibération du conseil territorial du  
7 septembre 2009 mentionnée ci-dessus, la première tâche assignée à la SIFPA était de  
prendre les dispositions nécessaires pour régulariser loccupation du domaine public, et que  
cette opération supposait, comme il a été dit ci-dessus, un travail lourd incombant aux services  
de lÉtat, il ne résulte pas de linstruction que la société déconomie mixte se trouvait dans  
limpossibilité de conclure avec lexploitant un bail commercial relatif à lutilisation des actifs  
industriels apportés par la SIFPA ;  
1
7.  
Considérant quil revenait en particulier à M. X..., président-directeur général de la  
SIFPA depuis sa création, de veiller à ne pas laisser lexploitant utiliser sans aucun titre ces  
actifs industriels mis à sa disposition ;  
1
8.  
Considérant que cette absence délaboration dun cadre juridique et financier constitue  
une infraction aux règles dexécution des recettes, au sens de larticle L. 313-4 du code des  
juridictions financières ; quelle est imputable à M. X..., président-directeur général de la  
SIFPA ;  
1
9.  
Considérant quil ne ressort toutefois pas du dossier, quen lespèce, eu égard à la  
situation financière de la société C..., dégradée dès le début de lexploitation, le fait quaucun  
loyer nait été versé à la SIFPA soit principalement imputable à labsence de contrat ; que dès  
lors linfraction prévue à larticle L. 313-6 du code des juridictions financières nest pas  
caractérisée ;  
Sur les conditions demploi dune subvention déquipement  
2
0.  
Considérant que par arrêté du 6 août 2009, signé par le secrétaire général de la  
préfecture, le préfet de Saint-Pierre-et-Miquelon a attribué une subvention de 1,76 M€ au  
conseil territorial pour la mise aux normes de lex-usine A... et la modernisation de loutil de  
production ; que cette subvention devait être versée en fonction des conditions davancement  
des travaux de rénovation de lusine, justifiées par la présentation à la préfecture des preuves  
de réalisation du projet sous forme dattestations de paiement certifiées conformes par le  
trésorier-payeur général ;  
2
1.  
Considérant que la lettre du 14 août 2009 de notification de la subvention au président  
du conseil territorial, signée également par le secrétaire général de la préfecture, indiquait que  
les crédits attribués avaient vocation à être dédiés en premier lieu à la réfection du système de  
refroidissement de lusine pour laquelle le préfet avait mis en demeure lexploitant ;  
6
2
2.  
a décidé le transfert de la subvention de 1,76 M€ à la SIFPA, qui devait laffecter à hauteur de  
00 000 € à la rénovation du bâtiment, notamment à la conversion du système de congélation à  
Considérant que par délibération n° 219-009 du 17 septembre 2009, le conseil territorial  
8
lammoniac au système à base de fréon et, à hauteur de 960 000 €, à lacquisition de nouveaux  
équipements ; que cinq acomptes ont été versés à cet effet à la SIFPA, le solde étant payé le  
1
5 décembre 2009 ; que ces sommes ont été effectivement et immédiatement reversées à  
lexploitant C... ;  
2
3.  
Considérant que, sagissant des travaux, la SIFPA na exercé aucun contrôle propre,  
sen remettant au suivi de lÉtat au titre des installations classées ; quun rapport dexpertise a  
montré ultérieurement que le système de refroidissement de lusine avait simplement été remis  
en état sans être modifié ;  
2
4.  
Considérant quil résulte de linstruction que les versements intervenus au titre de la  
subvention lont été, à chaque fois, au vu de justifications présentées sous la signature du  
président du conseil territorial ainsi que de factures dûment certifiées par le trésorier-payeur  
général et conformes au plan dinvestissement ; que par ailleurs la régularité formelle de ces  
paiements nest pas mise en cause ; que toutefois sagissant de lacquisition des matériels, les  
paiements sont intervenus au vu de factures permettant dattester de la passation de commandes  
mais non de la réalité de larrivée à Saint-Pierre-et-Miquelon et de la mise en place de ces  
matériels, compte tenu des délais dacheminement ;  
2
5.  
Considérant quil est apparu, postérieurement à ces paiements, que dans un certain  
nombre de cas, les factures produites par lexploitant étaient fausses, les matériels non  
effectivement commandés ou mis en place ; quen définitive, lexploitant na pu justifier  
lutilisation de la subvention conformément à son objet quà hauteur de 0,505 M€ ;  
2
6.  
Considérant que dans ces circonstances le préfet de Saint-Pierre-et-Miquelon a porté à  
er  
la connaissance du procureur de la République, le 1 février 2011, des faits susceptibles de  
constituer une infraction pénale ; que le commissaire aux comptes et le président-directeur  
général de la SIFPA ont également procédé à un signalement le 20 décembre 2010 ; que la  
collectivité territoriale et la SIFPA se sont portées parties civiles, une information judiciaire  
ayant été ouverte ;  
Sur la responsabilité des préfets  
2
7.  
Considérant que le décret n° 99-1060 du 16 décembre 1999 relatif aux subventions de  
lÉtat pour des projets dinvestissement dispose en son article 16 que « Lautorité qui attribue  
la subvention effectue un suivi régulier de la réalisation du projet et sassure de la conformité  
de ses caractéristiques par rapport à la décision attributive. » et que « Cette autorité met en  
place un dispositif dévaluation des projets réalisés. » ; que la bonne application de ces  
dispositions impliquait de vérifier, au-delà de la régularité formelle des documents présentés  
pour paiement de la subvention, la réalité des opérations correspondant à ces documents,  
notamment la disponibilité effective des matériels achetés ;  
2
8.  
Considérant quil ne ressort pas du dossier quun quelconque dispositif de suivi et  
dévaluation du projet de modernisation de loutil de production industriel, objet de la  
subvention, ait été mis en place ; quun tel dispositif aurait pu permettre de détecter plus tôt les  
graves anomalies mentionnées ci-dessus, imputables à lexploitant ; quainsi les préfets, qui  
doivent être regardés comme lautorité attributive de la subvention au sens du décret du  
1
6 décembre 1999 cité ci-dessus, nont pas respecté les obligations quils tenaient de ce décret ;  
que leur responsabilité de ce chef doit être mise en cause ;  
7
Sur la responsabilité du président-directeur général de la SIFPA  
2
«
9.  
Considérant que larticle 2 des statuts de la SIFPA précise que la société a pour objet,  
lacquisition, la gestion, la cession et lexploitation des moyens techniques de production et  
de transformation des produits de la pêche, et plus généralement de tous moyens matériels  
destinés à la filière pêche française […] » ; quil revenait à cet effet à la société deffectuer  
«
[…] toutes opérations mobilières, immobilières, commerciales, industrielles et  
financières […] » se rapportant aux objets ainsi définis ;  
3
0.  
Considérant que si ces dispositions ne faisaient pas obstacle à ce que, conformément au  
dispositif retenu, lexploitation des moyens techniques de production et de transformation des  
produits de la pêche soit confiée au partenaire privé canadien, la société déconomie mixte  
tenait de ses statuts précités lobligation, dans cette hypothèse, de sassurer des conditions  
matérielles effectives de fonctionnement de lusine et du bon emploi des subventions  
dinvestissement quelle avait elle-même reçues aux fins de réactiver la filière pêche dans  
larchipel ; quil ne ressort pas du dossier que des diligences aient été effectuées par la SIFPA  
à cet effet ; que de ce fait la responsabilité de son dirigeant, M. X..., doit être mise en cause ;  
3
1.  
Considérant que des défaillances graves ont ainsi affecté lensemble de la chaîne de la  
dépense ; que les faits constatés sont constitutifs de manquements aux règles dexécution de la  
dépense, au sens de larticle L. 313-4 du code des juridictions financières, et sont de nature à  
avoir procuré un avantage injustifié à autrui au sens de larticle L. 313-6 du même code, en  
loccurrence à la société C... ; que ces manquements sont imputables à MM. Y... et Z..., préfets  
de la collectivité territoriale au moment des faits ainsi quà M. X..., président-directeur général  
de la SIFPA ;  
Sur le rachat dactions détenues dans le capital social de la SIFPA par la société D...  
3
1
2.  
Considérant que lassemblée générale de la SIFPA a autorisé, par une délibération du  
6 avril 2010, la cession de 32 % des parts détenues par la société D..., à la collectivité  
territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon pour un montant maximum de 1 928 425,60 €, cession  
finalement réalisée au prix de 1 865 000 € ;  
3
3.  
Considérant que le cabinet E... sest vu confier au cours du premier semestre 2010, pour  
les besoins de cette cession, lévaluation des actifs de la SIFPA ; que, jusquà son éviction à la  
fin de lexercice 2010, ce cabinet exerçait en qualité dexpert-comptable à la fois de la  
société D... (société mère), de la société C... (société exploitante) et de la SIFPA ;  
3
4.  
Considérant en outre, que cette évaluation, fondée sur une évaluation des actifs présents  
dans la société et sur la valeur dopportunité des projets dacquisition ou de développement  
sest révélée comporter de nombreuses imperfections, lestimation bilancielle, par exemple, ne  
prenant pas en compte le calcul des amortissements des exercices 2007 à 2009 et intégrant dans  
les actifs de la SIFPA un volume de 1,25 M€ d’actifs dits « à venir », prévus dans un deuxième  
plan dinvestissement ; que le rapport dexpertise produit par M. F..., expert maritime, dans le  
cadre du contentieux lié à lemploi des subventions de lÉtat, concluait que le rachat des parts  
aurait dû être fixé à 942 150 € au lieu de 1 865 000 € ; quainsi lévaluation du cabinet E...,  
effectuée sur des bases manifestement erronées, a eu pour conséquence une surévaluation de  
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22 850 € des actifs rachetés par la collectivité ;  
8
3
5.  
Considérant quil est fait grief à M. X... de ce que le cabinet E..., en raison de la situation  
ci-dessus décrite, ne disposait pas, de ce fait, de lindépendance nécessaire au regard des  
intervenants de ce dossier ; quil lui est également reproché davoir manqué à son devoir de  
surveillance et de bonne gestion en sétant abstenu dexiger une analyse plus fiable de la valeur  
des actifs en cause ;  
3
6.  
Considérant toutefois qualors même que M. X... aurait recommandé le recours au  
cabinet E..., ou encore que lassemblée générale de la SIFPA aurait approuvé les conditions de  
cession des parts détenues par la société D..., cette cession est intervenue au seul bénéfice de la  
collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, à qui il appartenait de prendre toute  
disposition pour préserver au mieux ses intérêts ; que si des reproches peuvent être fait à ce  
sujet à M. X..., cest en sa qualité de président du conseil territorial de la collectivité et non en  
sa qualité de président-directeur général de la SIFPA ; que par suite, en application du l) du II  
de larticle L. 312-1 du code des juridictions financières, M. X... ne peut être mis en cause à ce  
titre ;  
Sur la qualité des comptes de la SIFPA  
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7.  
Considérant que linstruction a établi que la comptabilisation des actifs de la SIFPA  
était erronée et quelle sappuyait sur des inventaires inexacts ; que les matériels et bâtiments  
nétaient en outre pas assurés, ce qui constitue une faute de gestion dans la préservation des  
actifs portés au bilan ;  
3
8.  
Considérant que ces irrégularités sont constitutives dun manquement aux règles  
dexécution des recettes et des dépenses au sens de larticle L. 313-4 du code des juridictions  
financières ; quelles sont imputables à M. X..., en sa qualité de président-directeur général de  
la SIFPA ;  
Sur les circonstances  
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9.  
Considérant que dans le contexte de la relance de la filière pêche à Saint-Pierre-et-  
Miquelon, après successivement la mise en liquidation judiciaire du précédent exploitant, puis  
linterruption du fonctionnement de lusine due à des fuites dammoniac, la priorité était  
manifestement donnée à la reprise de lactivité industrielle et à la préservation de lemploi ; que  
par ailleurs les espoirs placés dans le repreneur de lactivité, la société C... ont été très  
rapidement déçus par la fragilité financière de cette dernière et la révélation de pratiques qui  
ont conduit MM. X... et Z... à saisir le procureur de la République sur le fondement de larticle  
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0 du code de procédure pénale, dès quils ont eu connaissance des anomalies relatives à  
lutilisation de la subvention ; que ces éléments sont de nature à constituer des circonstances  
atténuantes de leur responsabilité ;  
4
0.  
Considérant que M. X... a fait preuve de diligence pour changer de cabinet comptable  
et alerter lassemblée générale de la SIFPA, dès quil a pris conscience de la mauvaise qualité  
des comptes tels quils étaient tenus par le cabinet E... ; que ces faits sont de nature à constituer  
des circonstances atténuantes de sa responsabilité ;  
4
1.  
Considérant que MM. Y... et Z..., préfets de la collectivité territoriale, étaient  
parfaitement informés de limportance du dossier concernant lactivité « pêche » pour Saint-  
Pierre-et-Miquelon ; que cela aurait dû justifier une vigilance accrue sur ce dossier sensible ;  
que ces faits sont de nature à constituer des circonstances aggravantes de leur responsabilité ;  
9
Sur lamende  
2. Considérant quil sera fait une juste appréciation des irrégularités commises et des  
4
circonstances de lespèce en infligeant à M. X... une amende de mille deux cents euros, à M. Y...  
une amende six cents euros et à M. Z... une amende de six cents euros ;  
Sur la publication de larrêt  
4
3.  
Considérant quil y a lieu, compte tenu des circonstances de lespèce, de publier le  
présent arrêt au Journal officiel de la République française, selon les modalités prévues par les  
articles L. 221-14 et R. 221-16 du code des relations entre le public et ladministration, et, sous  
forme anonymisée, sur le site Internet de la Cour, en application de larticle L. 313-15 du code  
des juridictions financières ;  
ARRÊTE :  
er  
Article 1 : M. X... est condamné à une amende de 1 200 € (mille deux cents euros).  
Article 2 : M. Y... est condamné à une amende de 600 € (six cents euros).  
Article 3 : M. Z... est condamné à une amende de 600 € (six cents euros).  
Article 4 : Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française et, sous  
forme anonymisée, sur le site Internet de la Cour.  
Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, seconde section,  
le 2 février deux mille dix-huit par M. Gaeremynck, président de la section des finances du  
Conseil dÉtat, président ; M. Bouchez, conseiller dÉtat ; M. Geoffroy, Mmes Vergnet et  
Coudurier, conseillers maîtres à la Cour des comptes.  
Notifié le 22 février 2018.  
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis  
de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République  
près les tribunaux de grande instance dy tenir la main, à tous les commandants et officiers de  
la force publique de prêter main-forte lorsquils en seront légalement requis.  
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président de la Cour et la greffière.  
Le président,  
La greffière,  
Jean GAEREMYNCK  
Isabelle REYT  
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