Jugement n° 2017-0001
Audience publique du 10 janvier 2017 Jugement prononcé le 15 février 2017
| SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR LE RAMASSAGE ET LE TRAITEMENT DES ORDURES MÉNAGÈRES DE LA VALLÉE DE LA GROSNE
(Département de Saône-et-Loire)
Centre des finances publiques de Cluny
Exercices 2013 et 2014
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RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA CHAMBRE RÉGIONALE DES COMPTES BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ,
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu les textes législatifs et réglementaires relatifs à la comptabilité des syndicats ;
Vu l’arrêté n° 2017-01 du 23 décembre 2016 du président de la chambre relatif aux formations de délibéré et aux attributions des sections de la chambre ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable du syndicat intercommunal pour le ramassage et le traitement des ordures ménagères (SIRTOM) de la Vallée de la Grosne pour les exercices 2013 et 2014 par Mme X ... ;
Vu le réquisitoire n° 2016-022 du 7 juillet 2016 du procureur financier près la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté ;
Vu le rapport n° 16-159 du 30 novembre 2016 de M. Nicolas BONNEAU, premier conseiller, rapporteur ;
Vu les conclusions n° 2016-159 du 1er décembre 2016 de M. Jérôme DOSSI, procureur financier ;
Vu l’ensemble des pièces du dossier ;
Entendus lors de l’audience publique du 10 janvier 2017, M. Nicolas BONNEAU, premier conseiller, en son rapport, M. Jérôme DOSSI, procureur financier, en ses conclusions, et Mme X..., comptable public, ayant pris la parole en dernier ; l’ordonnateur dûment averti de la tenue de l’audience n’étant ni présent ni représenté ;
Après avoir entendu en délibéré Mme Valérie BIGOT, première conseillère réviseure, en ses observations et avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier ;
Sur la présomption de charge unique relative au versement d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires
Sur la responsabilité de la comptable
Attendu qu’en application de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisé, « Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière […] de dépenses […] La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors […] qu’une dépense a été irrégulièrement payée […] » ;
Attendu que les articles 19 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 susvisé imposent au comptable de vérifier la validité des dettes dont le paiement est sollicité, ce contrôle portant notamment sur la production des pièces justificatives mentionnées à l’annexe I de l’article D. 1617‑19 du code général des collectivités territoriales ; qu’il résulte de la rubrique n° 210224 « Indemnités horaires pour travaux supplémentaires » de cette annexe qu’au moment du paiement d’une dépense de cette nature, le comptable doit disposer d’une délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires et d’un décompte indiquant par agent et par taux d’indemnisation, la nombre d’heures effectuées, ainsi que, le cas échéant, la décision justifiant le dépassement du contingent mensuel autorisé ;
Attendu que par réquisitoire susvisé du 7 juillet 2016, le procureur financier a soulevé à l’encontre de Mme X..., comptable du SIRTOM de la Vallée de la Grosne, une charge unique, d’un montant total de 2 995,84 €, portant sur les exercices 2013 et 2014, à raison du paiement irrégulier d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS) à un agent contractuel, Mme Y..., chargée de mission pour la réalisation du programme local de prévention des déchets, pour les mois de septembre, octobre et novembre 2013, et mai, juin, novembre et décembre 2014 ;
Attendu que, pour apprécier la validité des dettes, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications ; qu'à ce titre, il leur revient d'apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée ; que pour établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l'ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur a été fourni et, en deuxième lieu, si ces pièces sont, d'une part, complètes et précises, d'autre part, cohérentes au regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable et de la nature et de l'objet de la dépense telle qu'elle a été ordonnancée ; que si ce contrôle peut conduire les comptables à porter une appréciation juridique sur les actes administratifs à l'origine de la créance et s'il leur appartient alors d'en donner une interprétation conforme à la réglementation en vigueur, ils n'ont pas le pouvoir de se faire juges de leur légalité ; qu'enfin, lorsque les pièces justificatives fournies sont insuffisantes pour établir la validité de la dette, il appartient aux comptables de suspendre le paiement jusqu'à ce que l'ordonnateur leur ait produit les justifications nécessaires ;
Attendu qu’au moment du paiement des IHTS, la comptable disposait de la délibération du conseil syndical en date du 14 février 2012 fixant le régime indemnitaire applicable aux agents du SIRTOM de la Vallée de la Grosne ; que cette délibération prévoit le versement d’IHTS aux agents de la catégorie C ; qu’ainsi, en se référant à la seule catégorie des agents, le conseil syndical s’est abstenu d’énumérer les emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires ;
Attendu qu’il en résulte que la délibération produite par l’ordonnateur à titre de pièce justificative était incomplète et imprécise au regard de la réglementation précitée ; qu’en conséquence, conformément au principe précédemment rappelé, la comptable ne pouvait prendre en charge le paiement des IHTS en présence d’une pièce qui s'avérait insuffisante, sans qu’elle ait à se livrer à un examen de la légalité de la pièce en cause ;
Attendu que le président du SIRTOM de la Vallée de la Grosne fait valoir que, dans le corps de la délibération, les postes sont explicitement nommés avec pour chaque emploi les grades et catégories correspondants ; que, par suite, l’ensemble des emplois cités, de catégorie C, peut bénéficier des IHTS ; que toutefois, en ne mentionnant que la catégorie des agents qui peuvent bénéficier des IHTS sans préciser les emplois concernés, notamment celui de chargé de mission pour la réalisation du programme local de prévention des déchets, la délibération n’apparait pas conforme à la réglementation ;
Attendu que la circonstance que l’organe délibérant du SIRTOM aurait, postérieurement aux paiements litigieux, adopté une délibération suffisamment précise est sans incidence sur la responsabilité du comptable qui s’apprécie au moment du paiement ;
Attendu que Mme X... aurait donc dû, eu égard à l’insuffisance de la délibération produite, suspendre les paiements en cause et demander à l’ordonnateur de produire les justifications nécessaires ; que, par suite, en payant irrégulièrement ces indemnités, la comptable a manqué à ses obligations de contrôle et engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire au titre des exercices 2013 et 2014 ;
Sur le préjudice financier
Attendu qu’en application de l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963 susvisé, lorsque la responsabilité du comptable public est mise en jeu, il a obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante, sauf si le manquement dont il s’est rendu responsable n’a pas causé de préjudice financier à la collectivité, auquel cas le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce ; qu’il y a lieu, ainsi, de rechercher si le manquement ci-dessus défini a causé un tel préjudice au SIRTOM de la Vallée de la Grosne ; que le préjudice financier résulte d'une perte provoquée par une opération de décaissement ou un défaut de recouvrement d'une recette, donnant lieu à une constatation dans la comptabilité de l'organisme et se traduisant par un appauvrissement patrimonial définitif de la personne publique non recherché par cette dernière ;
Attendu que faute d’une délibération complète et précise, la volonté de l’assemblée délibérante, seule compétente pour désigner les emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires, ne saurait être présumée ; que dès lors, les IHTS versées n’étaient pas dues et que leur paiement a, du seul fait de leur caractère indu, entraîné un préjudice financier pour le syndicat ;
Attendu que le préjudice financier subi par le syndicat à l’occasion du paiement litigieux est imputable au manquement de la comptable ; qu’il y a donc lieu de constituer Mme X... débitrice du SIRTOM de la Vallée de la Grosne ;
Sur les débets
Attendu que le préjudice financier subi par le syndicat correspond au paiement irrégulier des IHTS en 2013 pour un montant de 1 243,52 € et 2014 pour un montant de 1 752,32 € ;
Attendu qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, la date du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de la comptable est celle à laquelle le réquisitoire susvisé lui a été notifié, soit le 5 septembre 2016 ;
Sur le respect des règles de contrôle sélectif de la dépense
Attendu qu’aux termes du paragraphe IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « hormis le cas du décès du comptable ou du respect par celui-ci, sous l’appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes » ;
Attendu qu’il ressort du plan de contrôle sélectif des dépenses en vigueur que la comptable devait contrôler, de manière exhaustive au mois de juin de chaque année, les IHTS, ainsi que les rémunérations des entrants et des sortants ; qu’en ne suspendant pas les paiements d’IHTS au bénéfice de Mme Y..., au mois de juin 2014, ainsi qu’aux mois de novembre 2013 et novembre 2014, lorsqu’elle commençait un nouveau contrat, et aux mois d’octobre 2013 et décembre 2014, alors que son contrat se terminait, la comptable n’a pas respecté ledit plan de contrôle sélectif ; que dès lors, Mme X... ne peut prétendre à une remise gracieuse totale ;
PAR CES MOTIFS,
DÉCIDE,
Article 1er : Mme X... est constituée débitrice du SIRTOM de la Vallée de la Grosne pour les sommes de mille deux cent quarante-trois euros et cinquante-deux centimes (1 243,52 €) au titre de l’année 2013 et de mille sept cent cinquante-deux euros et trente-deux centimes (1 752,32 €) au titre de l’année 2014, sommes qui porteront intérêt au taux légal à compter du 5 septembre 2016 ;
Article 2 : Pour l’application des dispositions du second alinéa du paragraphe IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, le montant de la remise gracieuse qui pourra lui être accordée au titre du débet prononcé à l’article 1 ci-dessus, devra comporter un laissé à charge qui ne pourra être inférieur à neuf cent six euros (906 €) ;
Article 3 : Mme X... ne pourra être déchargée de sa gestion des exercices 2013 et 2014 qu’après apurement du débet prononcé à l’article 1er ci-dessus.
Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté réunie en formation de sections réunies.
Mme Dominique SAINT CYR, présidente de section, présidente de séance,
M. Michel CARLES, premier conseiller,
M. Bernard PERRAUD, premier conseiller,
M. Julien OGER, premier conseiller,
Mme Valérie BIGOT, première conseillère, réviseure.
Signé : Mireille GRÉGOIRE, greffière et Dominique SAINT CYR, présidente de section de la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté.
Collationné, certifié conforme à la minute déposée au greffe de la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté.
La secrétaire générale,
Marie-Christine MEYER
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Voies et délais de recours
La présente décision juridictionnelle peut être déférée en appel devant la Cour des comptes dans un délai de deux mois à compter de la date de sa notification (articles L. 245-1 et R. 242‑14 à 25 du code des juridictions financières).
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