rapport n° 2017-0322

commune de venosc
(Isère)

jugement n° 2017-0051

tresorerie de bourg d’oisans

audience publique du 8 décembre 2017

code n° 038005534

délibéré du 8 décembre 2017

exercice 2014

proNONCÉ LE : 14 decembre 2017

 

 

 

 

République française

 

Au nom du peuple français

 

La chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-ALPES
(Statuant en 5ème section)

 

Vu le réquisitoire30-GP/2017 à fin d’instruction de charge pris le 31 mai 2017 par le procureur financier près la chambre régionale des comptes Auvergne-RhôneAlpes ;

Vu l’arrêté de charge provisoire n° 31/2014-038005-534-04 du 27 avril 2017 du pôle régional d’apurement administratif de Toulouse ;

Vu les courriers de notification du réquisitoire en date du 26 juin 2017 adressés à M. Emmanuel X..., comptable concerné, et à M. Pierre Y..., maire de la commune de Venosc, dont ils ont accusé réception respectivement le 28 et le 27 juin 2017 ;

VU le code général des collectivités territoriales ;

VU le code des juridictions financières ;

VU l’article 60 de la loi de finances pour 1963 n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée, notamment par l’article 90 de la loi de finances rectificative n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;

VU le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du § VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifiée ;

VU le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

VU les lois et règlements relatifs à la comptabilité des communes et des établissements publics locaux ;

Vu l’arrêté du 6 janvier 2016 de la présidente de la chambre régionale des comptes portant délégation de signature à M. Alain LAIOLO, président de la 5ème section ;

VU l’arrêté du président de la cinquième section de la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes en date du 23 juin 2017, désignant M. Joris MARTIN, conseiller, comme rapporteur pour instruire la charge identifiée dans le réquisitoire susvisé ;

VU la demande d’informations adressée le 30 juin 2017 à M. Emmanuel X..., comptable mis en cause, et à M. Pierre Y..., maire de la commune de Venosc ;

VU les observations écrites de M. Emmanuel X..., enregistrées au greffe de la juridiction le 12 septembre 2017 ;

VU les observations du maire de la commune de Venosc enregistrées au greffe de la chambre le 19 juillet 2017 ;

VU le compte produit en qualité de comptable de la commune de Venosc par M. Emmanuel X... du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 ;

VU le rapport n° 2016-322 de M. Joris MARTIN, conseiller, magistrat instructeur, déposé au greffe de la chambre le 24 octobre 2017 ;

VU les lettres du 31 octobre 2017 informant le comptable concerné et l’ordonnateur de la clôture de l’instruction ;

VU les lettres du 8 novembre 2017 informant le comptable et l’ordonnateur de la date fixée pour l’audience publique et les accusés de réception délivrés le 10 novembre 2017 par M. Emmanuel X... et M. Pierre Y... ;

Vu les conclusions n° 17-322 du procureur financier en date du 7 novembre 2017 ;

Entendu en audience publique M. Joris MARTIN, conseiller, en son rapport ;

Entendu en audience publique Mme Marie-Odile ALLARD, procureur financier, en ses conclusions ;

En l’absence du comptable concerné et de l’ordonnateur dûment informés de la tenue de l’audience ;

Après avoir délibéré hors la présence du public, du rapporteur et du procureur financier ;

 

En ce qui concerne la présomption de charge unique relative au paiement d’une subvention supérieure à 23 000 € à une personne de droit privé en l’absence de pièces justificatives

Sur les réquisitions du ministère public,

Attendu que par le réquisitoire n° 30-GP/2017 du 30 mai 2017, le procureur financier près la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes, à la suite d’un arrêté de charges provisoires du directeur du pôle interrégional d’apurement administratif de Toulouse du 27 avril 2017, a saisi la juridiction sur le fondement du § III de l’article L. 242-1 du code des juridictions financières, à fin d’ouverture d’une instance à l’encontre de M. Emmanuel X... au titre de sa gestion comptable sur l’exercice 2014 de la commune de Venosc ;

Attendu quen son réquisitoire, le procureur financier relève que le comptable mis en cause, a payé une subvention de 78 500 € au profit de l’office de tourisme de la commune, sans disposer des pièces justificatives prévues par la sous-rubrique 7211 « premier paiement » de la rubrique 72 « subventions et primes de toute nature » de la liste des pièces justificatives des dépenses publiques locales annexée à l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales et notamment d’une convention passée entre la collectivité et les associations bénéficiaires dès lors que la subvention versée est d’un montant supérieur à 23 000 € ;

Attendu que le procureur conclut de ce qui précède, qu’en l’absence des pièces justificatives devant être jointes à l’appui des mandats de paiement, en application de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, M. Emmanuel X... paraît avoir engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ; qu’il se trouverait ainsi dans le cas déterminé par les dispositions de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 et qu’il y a lieu, en conséquence, d’ouvrir l’instance prévue au § III de l’article L. 242-1 du code des juridictions financières aux fins de déterminer la responsabilité encourue ;

Sur les observations de M. Emmanuel X...,

Attendu que dans ses observations produites à la chambre, M. Emmanuel X... fait valoir qu’il existait bien une convention d’objectifs conclue le 8 février 2012 entre la commune de Venosc et l’office de tourisme ; que l’article 10 de cette convention stipule que : sauf dénonciation avant le 30 octobre de chaque année, la convention sera renouvelée tacitement ; que cette convention n’ayant pas été dénoncée au 30 octobre 2013, il existait donc bien une convention sur l’exercice 2014 ; qu’il estime ainsi qu’aucun manquement ne saurait lui être reproché ; que dans l’hypothèse où la chambre estimerait au contraire, qu’il y a lieu de caractériser l’existence d’un manquement, ce dernier n’aurait pas causé de préjudice financier à la commune de Venosc ;

Sur les observations du maire de Venosc,

Attendu que dans ses observations, le maire de la commune indique que la charge en cause n’a porté aucun préjudice financier à sa commune ; que par ailleurs, il produit à la chambre l’annexe du budget comportant la liste des associations subventionnées et développe les mêmes arguments que M. X... quant à l’existence d’une convention ;

Sur la responsabilité du comptable,

Attendu qu’aux termes de l’article 60-I modifié de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux différentes personnes morales de droit public» ; que « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ; que « leur responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu’un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu’une recette n’a pas été recouvrée, qu’une dépense a été irrégulièrement payée » ;

Attendu que l’article 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, applicable sur les exercices 2014 et 2015, dispose que « le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : (…) 5°/ la production des pièces justificatives » ;

Attendu qu’il résulte de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, qu’avant de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I du présent code ; que, pour ce qui concerne le paiement d’une subvention à une personne de droit privé, la sous rubrique 7211 « premier paiement » de la rubrique 72 « subventions et primes de toute nature » prévoit, d’une part, en son premier point la production d’une « décision arrêtant le bénéficiaire et le montant ainsi que l’objet et, le cas échéant, les condition d’octroi et les charges d’emploi » ou « lorsque la décision intervient à l’occasion de l’adoption du budget, dans les conditions définies au deuxième alinéa de l’article L. 2311-7 du CGCT, référence sur le budget arrêtant le bénéficiaire et le montant » et, d’autre part, en son troisième point, une convention entre le bénéficiaire et la collectivité dès lors que le montant de la subvention versée est supérieur à 23 000 € ;

Attendu que selon les dispositions de l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et du décret n° 2001-495 du 6 juin 2001, cette convention doit définir l’objet, le montant, les modalités de versement et les conditions d’utilisation de la subvention attribuée ;

Attendu que sur l’exercice 2014, M. Emmanuel X... a payé, sur trois mandats au compte 6547, une subvention d’un montant total de 78 500 € au profit de l’office de tourisme de Venosc ;

Attendu qu’il ressort de l’instruction qu’une convention a été conclue entre la commune de Venosc et son office de tourisme le 8 février 2012 ; que l’article 10 de cette convention stipule que cette dernière est tacitement reconduite chaque année à défaut d’être dénoncée avant le 30 octobre ; que cette convention précise les modalités de fonctionnement de l’office de tourisme ainsi que le principe d’une subvention annuelle ;

Attendu que n’ayant pas été dénoncée avant le 30 octobre 2013, cette convention était toujours en vigueur sur l’exercice en jugement ; que toutefois, à défaut de fixer le montant des subventions attribuées chaque année, cette convention ne satisfait pas aux exigences de la nomenclature des pièces justificatives telles que découlant de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ; que dès lors, en présence d’une pièce justificative imprécise, le comptable mis en cause aurait dû suspendre les paiements 

Attendu qu’il en résulte donc que M. Emmanuel X... a manqué à ses obligations de contrôle de la production des pièces justificatives telles que définies par l’article 20 du décret portant gestion budgétaire et comptable publique; que sa responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve ainsi engagée à hauteur de 78 500 ;

 

Sur le préjudice financier pour la commune,

Attendu que l’article 60-VI de la loi du 23 février 1963, modifié par la loi n° 20111978 du
28 décembre 2011, dispose que, « lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n'a pas causé de préjudice financier à l'organisme public concerné, le juge des comptes peut l'obliger à s'acquitter d'une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en Conseil d'État en fonction du niveau des garanties mentionnées au II./ Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public, l'organisme public a dû procéder à l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers ou a dû rétribuer un commis d'office pour produire les comptes, le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;

Attendu qu’il résulte des documents produits par l’ordonnateur que l’octroi de la subvention objet de la présomption de charge a été voté par le conseil municipal de la commune de Venosc ; que les droits au paiement étant ainsi ouverts par l’organe délibérant, le manquement du comptable ne saurait avoir causé un préjudice financier à la collectivité ;

 

Sur la somme mise à charge du comptable,

Attendu que le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du § VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dispose dans son article
1 que « la somme maximale pouvant être mise à la charge du comptable, conformément aux dispositions du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, est fixée à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré » ; que le cautionnement fixé pour le poste comptable du Bourg d’Oisans en 2014 était de 177 000 € ; que le montant maximal de la somme dont la chambre peut obliger la comptable à s’acquitter ne peut dès lors excéder 265,50 € pour l’exercice 2014;

Attendu compte tenu des circonstances de l’espèce, qu’il y a lieu de laisser à la charge de M. Emmanuel X... une somme non rémissible de 130 ;

 

PAR CES MOTIFS

DECIDE

Article 1 :

Il est mis à la charge de M. Emmanuel X... en application du § VI alinéa 2 de l’article 60 modifiée de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 une somme non rémissible de 130.

 

Article 2 :

M. Emmanuel X... ne pourra être déchargée de sa gestion du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 par le directeur du pôle interrégional d’apurement administratif de Toulouse qu’après avoir justifié du paiement de la somme mise à sa charge.

 

Fait et délibéré en la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes, cinquième section, le huit décembre deux mille dix-sept.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Présents : M. Alain LAIOLO, président de section, président de séance ;

Mme Sophie CORVELLEC, première conseillère ;

Mme Jennifer EL BAZ, conseillère.

 

 

 

 

La greffière

Le président de séance

 

 

 

 

 

 

 

 

Corinne VITALE-BOVET

Alain LAIOLO

 

 

 

 

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis

 

 

En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.

 

1/6 – jugement  2017-0051