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Section réunies Jugement n° 2017-0032 Audience publique du 23 novembre 2017 Prononcé du 7 décembre 2017 | COMMUNE DE NOYELLES-SOUS-LENS Poste comptable : CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES DE LENS MUNICIPALE Exercice 2015 |
République Française
Au nom du peuple français
La chambre,
Vu le réquisitoire en date du 7 septembre 2017 par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de
M. Jean-Pierre X, comptable de la commune de Noyelles-sous-Lens, au titre d’opérations relatives à l’exercice 2015, notifié le 14 septembre 2017 au comptable concerné ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable de la commune de Noyelles-sous-Lens par M. Jean-Pierre X du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 ;
Vu les justifications produites au soutien du compte en jugement ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
Vu le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 pris pour l’application du premier alinéa de
l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
Vu le décret n° 97-1223 du 26 décembre 1997 créant l’indemnité d’exercice des missions de préfecture et l’arrêté du 24 décembre 2012 en fixant les montants de référence ;
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Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le rapport de Mme Gasser-Sabouret, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions du procureur financier ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du 23 novembre 2017, Mme Gasser-Sabouret, premier conseiller en son rapport, M. Philippe Jamin, procureur financier, en ses conclusions,
M. Jean-Pierre X, comptable mis en cause n’étant ni présent ni représenté ;
Entendu en délibéré M. Denis Roquier, premier conseiller, en ses observations ;
Sur la présomption de charge unique, soulevée à l’encontre de Jean-Pierre X, au titre de l’exercice 2015 :
Sur l’existence d’un manquement :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes Hauts-de-France de la responsabilité encourue par M. Jean-Pierre X pour avoir procédé au paiement de l’indemnité d’exercice des missions de préfecture à quatre animateurs territoriaux et cinq agents d’animation, en l’absence de la décision de l’assemblée délibérante autorisant le versement de cette indemnité, à la filière animation, pour un montant de 18 703,70 € au titre de l’exercice 2015 ;
Attendu que, selon le premier alinéa du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « […] les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables […] du paiement des dépenses […]. Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière […] de dépenses […] dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors […] qu’une dépense a été irrégulièrement payée […] » ;
Attendu que l’article 19 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, prévoit qu’il incombe aux comptables, notamment s’agissant des ordres de payer, d’exercer le contrôle « […] de la validité de la dette dans les conditions prévues à l’article 20 » ; que l’article 20 du même décret précise que « Le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : 1° La justification du service fait ; 2° L’exactitude de la liquidation ; 3° L’intervention des contrôles préalables prescrits par la réglementation ; […] ; 5° La production des pièces justificatives ; 6° L’application des règles de prescription et de déchéance. » ;
Attendu que pour apprécier la validité des dettes, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications ; qu’à ce titre, il leur revient d’apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée ; que pour établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l’ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en deuxième lieu, si ces pièces sont, d’une part, complètes et précises, d’autre part, cohérentes au regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable et de la nature et de l’objet de la dépense telle qu’elle a été ordonnancée ;
Attendu que les comptables doivent s’assurer, en matière de versement de l’indemnité d’exercice des missions de préfecture, d’être en possession des pièces justificatives présentes dans la liste définie à l’annexe 1 (rubrique 210223 « primes et indemnités ») du code général des collectivités territoriales, telle que mentionnée à l’article D. 1617-19 dudit code ; que ces pièces, qui s’apprécient de manière cumulative, sont :
Attendu que le manquement du comptable en dépenses s’apprécie au moment du paiement ;
Attendu que le comptable et l’ordonnateur en fonctions ont adressé une délibération du
4 mai 2000 qui attribue l’indemnité d’exercice des missions de préfecture à certains cadres d’emplois et renvoie aux dispositions réglementaires applicables auxdites indemnités , les cadres d’empois de la filière animation ne figurant pas dans cette délibération ; qu’ils ont, cependant, transmis, pendant l’instruction, une délibération du conseil municipal en date du 25 mai 2005 qui prévoit l’extension de ladite indemnité aux agents de la filière animation ; que ces délibérations sont antérieures aux versements ; qu’il y a lieu de conclure que le comptable disposait bien d’une des pièces justificatives telle que figurant dans la liste précitée pour les neuf agents concernés ;
Attendu qu’avant de procéder au paiement de primes et indemnités, le comptable doit s’assurer, dans le cadre du contrôle de la validité des créances et de leur liquidation, de disposer de l’ensemble des pièces prévues à la rubrique 210223 de l’annexe 1 du code général des collectivités territoriales de l’article D. 1617-19 ;
Attendu, de plus, que le comptable disposait des arrêtés individuels pour quatre des neuf agents concernés ; que ces pièces étaient antérieures au paiement ; que le comptable disposait ainsi de l’ensemble des pièces justificatives du versement de l’indemnité d’exercice des missions de préfecture prévues dans la liste précitée du code général des collectivités territoriales pour quatre agents ; que ces pièces permettaient au comptable de contrôler l’exactitude des calculs de liquidation pour ces quatre agents ; qu’ainsi, la responsabilité du comptable ne saurait être engagée pour les paiements les concernant ; qu’il y a, en conséquence, lieu de diminuer la charge proposée dans le réquisitoire de 9 706,65 € correspondant aux indemnités versées à ces quatre agents d’animation sur l’exercice 2015 ;
Attendu que le comptable indique ne pas être en possession des arrêtés individuels pour cinq agents de la filière animation leur attribuant l’indemnité d’exercice des missions de préfecture et définissant le taux applicable à chaque agent ; que le comptable précise, dans ses éléments en réponse, que la délibération de mai 2000 était suffisamment explicite quant aux montants à liquider lui permettant de contrôler le versement de ces indemnités ; qu’il estime que la combinaison des deux délibérations de 2000 et 2005 avec les contrats de recrutement des cinq agents lui permettaient d’effectuer ses contrôles et que les délibérations et les contrats de recrutement produits confèrent un caractère juridiquement supérieur à l’arrêté du maire ;
Attendu que la délibération du 4 mai 2000 précise que le versement de l’indemnité d’exercice des préfectures se fera dans la limite des taux moyens fixés par la préfecture ; qu’il ressort des pièces de l’instruction que ni la délibération du 4 mai 2000, ni la délibération du 25 mai 2005 ne fixent les taux individuels applicables aux agents ; que ces délibérations ne pouvaient, en conséquence, se substituer aux décisions individuelles qui, seules, permettent au comptable de connaître le taux individuel applicable aux agents concernés ;
Attendu que le contrôle de la production des justifications par le comptable consiste à vérifier si l’ensemble des pièces que la nomenclature comptable requiert lui a été produit et si ces pièces sont complètes, précises et cohérentes au regard de la catégorie de la dépense telle qu’elle a été ordonnancée ; qu’il ressort de l’instruction qu’aucun des contrats et des arrêtés transmis par le comptable ne mentionne le montant de l’indemnité attribuée à chacun des agents ; qu’ils sont, en conséquence, incomplets et imprécis ; qu’il s’ensuit que le comptable ne disposait donc pas des éléments lui permettant de contrôler l’exactitude des calculs de liquidation au moment du paiement ;
Attendu que l’existence de délibérations et de contrats ou de décisions qui ne précisent pas l’attribution nominative et ne fixent pas les taux individuels applicables aux agents, ne peuvent fonder la créance au sens de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales et son annexe précitée ;
Attendu que le comptable mis en cause ne disposait pas, au moment des paiements, des décisions et arrêtés du maire fixant le taux applicable à chaque agent ; que, dès lors, le comptable ne s’est pas assuré de disposer de l’ensemble des pièces justificatives requises pour s’assurer de la validité de la dette ; qu’ainsi, en l’absence de justifications suffisantes,
M. Jean-Pierre X aurait dû suspendre le paiement considéré et demander toutes précisions à l’ordonnateur, conformément à l’article 38 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 susvisé ; qu’il a donc manqué à ses obligations de contrôle de validité de la dette et a ainsi engagé sa responsabilité au titre de l’article 60 de la loi n° 63-156 du
23 février 1963 ;
Sur l’existence d’un préjudice financier :
Attendu que, selon l’article 60 susvisé de la loi du 23 février 1963 modifiée, « la responsabilité personnelle et pécuniaire prévue au I est mise en jeu par le ministre dont relève le comptable, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes dans les conditions qui suivent » ; que
« lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […] le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
Attendu que l’ordonnateur en fonctions et le comptable considèrent que le versement de l’indemnité n’a pas constitué de préjudice à la collectivité ; que, cependant, le constat de l’existence, ou non, d’un préjudice financier et de son montant relève de la seule appréciation du juge des comptes au moment où il statue ;
Attendu qu’un préjudice financier résulte du paiement d’une dépense indue, d’une perte provoquée par une opération de décaissement ou de non recouvrement d’une recette, donnant lieu à une constatation dans la comptabilité de l’organisme et se traduisant par un appauvrissement patrimonial de la personne publique ;
Attendu qu’en l’absence de pièces définissant pour chaque agent le taux applicable, les indemnités étaient incertaines dans leur montant ; que les versements considérés constituent des dépenses indues ; que le défaut de contrôle de la validité de la dette a conduit le comptable mis en cause à payer une dépense qui n’aurait pas dû l’être ; que cinq agents ont perçu à tort des indemnités selon les montants repris en annexe ; qu’ainsi, le manquement du comptable a causé un préjudice financier à la commune de Noyelles-sous-Lens ;
Attendu qu’il y a donc lieu de constituer M. Jean-Pierre X débiteur de la commune de Noyelles-sous-Lens pour la somme de 8 997,05 € au titre de sa gestion au cours de
l’exercice 2015 ; qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 14 septembre 2017, date à laquelle M. Jean-Pierre X a eu connaissance, de façon certaine, de l’existence du réquisitoire ;
Sur le respect des règles de contrôle sélectif de la dépense :
Attendu que, le IX de l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée dispose que « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l’appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l’obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ;
Attendu que le comptable mis en cause a transmis un plan de contrôle hiérarchisé de la dépense signé et validé par la direction départementale des finances publiques ; que le comptable n’apporte pas cependant la preuve des conditions dans lesquelles il a appliqué et mis en œuvre le plan précité ; qu’en conséquence, rien n’atteste du respect, par le comptable, des règles du contrôle sélectif ; qu’ainsi, la remise gracieuse susceptible d’être accordée par le ministre chargé du budget ne pourra avoir pour effet de laisser à la charge du comptable une somme inférieure à trois pour mille du cautionnement lié au poste comptable, soit, en l’espèce, 531,00 € ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : En ce qui concerne M Jean-Pierre X, au titre de l’exercice 2015, présomption de charge unique
M. Jean-Pierre X est constitué débiteur de la commune de Noyelles-sous-Lens pour la somme de 8 997,05 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 14 septembre 2017.
Article 2 : La décharge de M. Jean-Pierre X pour sa gestion du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 ne pourra être donnée qu’après apurement du débet fixé ci-dessus.
Article 3 : La remise gracieuse susceptible d’être accordée par le ministre chargé du budget ne pourra avoir pour effet de laisser à la charge du comptable une somme inférieure à 531,00 €.
Fait et jugé par Mme Marie-Thérèse Ham, présidente de séance, MM. Stéphane Magnino et Denis Roquier, premiers conseillers.
En présence de M. Bernard Chabé, greffier de séance.
Bernard Chabé Marie-Thérèse Ham
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à
l’article R. 242-29 du même code.
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| Y | Z | A | B | C | Mandat | Bordereau | Date de solde de la pièce |
Février | 248,66 | 155,65 | 105,47 | 155,65 | 120,91 | 94 | 15 | 10/04/2015 |
Mars | 248,66 | 155,65 | 144,06 | 155,65 | 77,18 | 462 | 78 | 10/04/2015 |
Avril | 248,66 | 155,65 | 144,06 | 155,65 | 77,18 | 862 | 146 | 05/05/2015 |
Mai | 248,66 | 155,65 | 144,06 | 155,65 | 77,18 | 1149 | 190 | 05/06/2015 |
Juin | 248,66 | 155,65 | 144,06 | 155,65 | 77,18 | 1386 | 223 | 10/08/2015 |
Juillet | 248,66 | 155,65 | 154,35 | 155,65 | 77,18 | 1816 | 289 | 10/08/2015 |
Août | 248,66 | 155,65 | 154,35 | 155,65 | 154,35 | 2007 | 311 | 04/09/2015 |
Septembre | 248,66 | 155,65 | 154,35 | 155,65 | 154,35 | 2548 | 387 | 29/09/2015 |
Octobre | 248,66 | 155,65 | 154,35 | 155,65 | 154,35 | 2798 | 425 | 09/11/2015 |
Novembre | 248,66 | 155,65 | 154,35 | 155,65 | 154,35 | 3403 | 492 | 01/12/2015 |
Décembre | 248,66 | 155,65 | 154,35 | 155,65 | 105,47 | 3787 | 541 | 22/12/2015 |
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TOTAL | 2 735,26 | 1 712,15 | 1 607,81 | 1 712,15 | 1 229,68 | 8 997,05 |
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