Sections réunies
Jugement n° 2017-0043
Audience publique du 21 novembre 2017
Prononcé du 8 décembre 2017
| Communauté d’agglomération du Carcassonnais
Poste comptable : Centre des finances publiques de Carcassonne agglomération
N° codique : 011013982
Exercices 2011 et 2012 |
La République Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
VU les comptes, rendus en qualité de comptable de la communauté d’agglomération du Carcassonnais par M. X, du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 ;
VU le réquisitoire, pris le 31 août 2017, notifié le 8 septembre 2017, par lequel le procureur financier près la chambre régionale des comptes a saisi la chambre d’une charge unique présomptive à l’encontre dudit comptable, au titre d’opérations relatives aux exercices 2011 et 2012 ;
VU les justifications produites au soutien du compte ;
VU l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
VU le code des juridictions financières ;
VU les lois et règlements applicables aux communautés d’agglomération ;
VU le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;
VU le rapport de M. Alain LE BRIS, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
VU les conclusions de M. Denys ECHENE, procureur financier près la chambre ;
VU les pièces du dossier ;
ENTENDU, lors de l’audience publique du 21 novembre 2017, M. Alain LE BRIS, premier conseiller, en son rapport et M. Denys ECHENE, procureur financier, en ses conclusions ;
Après avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier près la chambre, le comptable et l’ordonnateur, dûment avisés de la tenue de l’audience, n’étant ni présents, ni représentés ;
Sur la présomption de charge unique, soulevée à l’encontre de M. X, au titre des exercices 2011 et 2012 :
1 - Sur le réquisitoire
ATTENDU qu’en application de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ;
ATTENDU qu'en application de l’article 12 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 susvisé, les comptables sont notamment tenus d'exercer, en matière de dépenses, le contrôle de la validité de la créance ; qu’en application de l’article 13 dudit décret, ce contrôle doit être exercé au regard, en particulier, de la production des justifications requises à l’appui de la dépense et de l’exactitude des calculs de liquidation ;
ATTENDU que les dispositions combinées de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales et de l’annexe I du même code, fixent la liste des pièces justificatives qui doivent figurer à l’appui des dépenses ; qu’il y a lieu, au-delà du premier paiement, d’appliquer aux dépenses relatives aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires la nomenclature des pièces justificatives de la rubrique 210224 de ladite annexe ; que le paiement desdites indemnités est conditionné par la production d’une « délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires », d’un décompte « précisant pour chaque agent, par mois et par taux d’indemnisation le nombre d’heures effectuées et, le cas échéant, d’une décision justifiant le dépassement du contingent mensuel autorisé » ;
ATTENDU que, sur présentation de neuf mandats collectifs entre janvier et décembre 2011, M. X a procédé au paiement d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires au-delà du contingent mensuel de 25 heures, à 33 reprises et pour un montant maximum évalué à 6 816,35 € ;
ATTENDU que, par réquisitoire du 31 août 2017, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes au motif que M. X, comptable de la communauté d’agglomération du Carcassonnais, aurait ainsi procédé au paiement des sommes en cause sans disposer de toutes les pièces justificatives requises à l’appui ;
ATTENDU que, selon le réquisitoire, la comptable ne disposait d’aucune décision de l’assemblée délibérante définissant les fonctions et les circonstances exceptionnelles ouvrant droit à l’attribution d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires aux agents de l’établissement au-delà du contingent mensuel de 25 heures ; qu’il n’avait pas systématiquement à sa disposition le décompte indiquant par agent et par taux d’indemnisation le nombre d’heures effectuées, ni, lorsque cela était nécessaire, la décision justifiant le dépassement du contingent mensuel autorisé ;
2 - Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations
ATTENDU que le comptable a produit une délibération du conseil communautaire du 16 décembre 2011 précisant les fonctions, circonstances et évènements susceptibles de déroger au contingentement mensuel des indemnités horaires pour travaux supplémentaires ; que cette décision constitue une des pièces justificatives prévues par les dispositions combinées de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales et de l’annexe I du même code ;
ATTENDU toutefois que cette décision est postérieure aux paiements en cause ; que le comptable ne conteste pas l’absence d’une telle pièce à l’appui de ces paiements ;
ATTENDU que le comptable fait valoir qu’en dépit de ses demandes, le contexte local et la nouvelle gouvernance de la collectivité ne lui ont pas permis d’obtenir dans des délais plus brefs cette décision de l’assemblée délibérante ;
ATTENDU toutefois que les circonstances soulevées par le comptable, en particulier l’annulation des élections municipales de la ville de Carcassonne, n’ont pas eu pour conséquence d’empêcher l’organe délibérant de l’établissement public de régler par ses délibérations les affaires qui sont de la compétence de la communauté d’agglomération ; que le même constat peut être établi quant à la capacité d’agir des deux autres organes de l’établissement public que sont la présidence et le bureau ;
ATTENDU que le ministère public conclut à l’existence d’un manquement commis par le comptable en cause au regard de ses obligations de contrôle de la validité de la créance, notamment en ce qui concerne la production des justifications et l’exactitude des calculs de liquidation.
ATTENDU que M. X n’avait pas en sa possession au moment des paiements les pièces justificatives listées à l’annexe I à l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales ; qu’en application des dispositions de l'article 37 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, il aurait dû suspendre le paiement des mandats en cause et informer l’ordonnateur ; qu’en ne le faisant pas, M. X a manqué à ses obligations de contrôle en matière de dépenses ; que sa responsabilité est donc engagée pour un montant qui peut être ajusté à 6 211,20 € ;
ATTENDU que le comptable ne fait pas état de circonstances constitutives de la force majeure ;
ATTENDU qu’aucune des dépenses en cause n’est rattachable à l’exercice 2012 ;
3 - Sur l’existence d’un préjudice financier du fait du manquement du comptable
ATTENDU que le comptable fait valoir que les heures supplémentaires ont bien été réalisées et que les crédits ont été régulièrement ouverts et validés par le conseil communautaire lors de l’approbation du compte administratif dans la séance du 22 juin 2012 ;
ATTENDU que l’ordonnateur fait valoir que les heures payées au-delà du contingent ont bien été réalisées par les agents de l’établissement dans le cadre de leurs fonctions ;
ATTENDU toutefois que la réalité du service fait ne saurait exonérer le comptable de ses obligations de contrôle ; que la volonté de l’ordonnateur invoquée par le comptable ne saurait se substituer à celle du conseil communautaire de la communauté d’agglomération, qui devait se traduire par l’adoption de la délibération requise ;
ATTENDU que le ministère public conclut à l’existence d’un préjudice financier causé à la communauté d’agglomération du Carcassonnais, aujourd’hui Carcassonne Agglo, du fait du manquement du comptable ;
ATTENDU qu’en l’absence d’une pièce justificative exigible, les dépenses en cause sont indues ; qu’elles ont, par conséquent, été irrégulièrement payées ; qu’elles sont constitutives d’un préjudice financier causé à la communauté d’agglomération du Carcassonnais, aujourd’hui Carcassonne Agglo, pour un montant de 6 211,20 € ; que ce préjudice financier est directement lié au manquement du comptable ;
4 - Sur la mise en œuvre de la responsabilité du comptable
ATTENDU qu’aux termes du troisième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’ainsi, il y a lieu de constituer M. X débiteur de la communauté d’agglomération Carcassonne Agglo pour la somme de six mille deux cent onze euros et vingt centimes (6 211,20 €) ;
ATTENDU qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée : « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 8 septembre 2017, date de réception par le comptable du réquisitoire du ministère public ;
ATTENDU qu’en 2011, le comptable pratiquait un contrôle sélectif de la dépense sur le fondement d’un guide méthodologique qui constituait un référentiel national ; que, s’agissant des dépenses relatives à la paye, le référentiel n’était qu’indicatif, hormis pour les nouveaux entrants et sortants et que le contrôle sélectif des dépenses de personnel était laissé à son appréciation ; qu’il n’a pas mis en œuvre de dispositif spécifique au contrôle de ces dépenses ; que dès lors un contrôle exhaustif devait être appliqué ;
ATTENDU que des règles de contrôle sélectif de la dépense n’étaient pas définies pour ce qui regarde les dépenses de personnel ; que le comptable ne saurait donc se prévaloir de leur respect ; que la chambre estime dès lors qu’une remise gracieuse totale ne pourrait être accordée au comptable ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : Sur la présomption de charge unique, au titre de l’exercice 2011 :
M. X est constitué débiteur de la communauté d’agglomération du Carcassonnais, aujourd’hui Carcassonne Agglo, pour la somme de six mille deux cent onze euros et vingt centimes (6 211,20 €), augmentée des intérêts de droit à compter du 8 septembre 2017.
Article 2 : Sur la présomption de charge unique, au titre de l’exercice 2012 :
M. X est déchargé de sa gestion au titre de l’exercice 2012.
Article final : La décharge de M. X au titre de l’exercice 2011 ne pourra être donnée qu’après apurement du débet à acquitter, dont le montant est fixé ci-dessus.
Délibéré le 21 novembre 2017 par M. Dominique JOUBERT, président de séance ; M. Mickael DUWOYE, Mme Céline BRIL, et M. Matthieu JUVING, premiers conseillers ; M. Erwan RIGAUD, conseiller.
En présence de Madame Véronique MONTILLET, greffière de séance.
Véronique MONTILLET greffière de séance |
Dominique JOUBERT président de séance |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre les dispositions dudit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Jugement n° 2017-0043 page 1 sur 4
500, avenue des États du Languedoc CS 70755 34064 MONTPELLIER CEDEX 2 T +33 4 67 20 73 00 occitanie@crtc.ccomptes.fr
Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la chambre régionale des comptes Occitanie, et délivré par moi, secrétaire générale,
Brigitte VIOLETTE secrétaire générale |
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans un délai de deux mois à compter de leur notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code.
Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger.
La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.
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