Jugement n° J2017-0003
Audience publique du 24 janVier 2017 Jugement prononcé le 28 février 2017 | CENTRE HOSPITALIER DE SENS
(Département de l’Yonne)
CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES DE SENS MUNICIPALE
Exercice 2013 |
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA CHAMBRE RÉGIONALE DES COMPTES BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ,
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu les comptes afférents à l’exercice 2013 produits par M. X ... ;
Vu le décret n° 2015-1199 du 30 septembre 2015 modifiant les dispositions relatives au siège et au ressort des chambres régionales des comptes ;
Vu le code de la santé publique, notamment ses articles D. 6145-54-3 et R. 6152-611 ;
Vu l’article 60 modifié de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 modifié relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu l’arrêté du 30 avril 2003 relatif à l’organisation et à l’indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ;
Vu l’arrêté n° 2017-01 du 23 décembre 2016 du président de la chambre, relatif aux formations de délibéré et aux attributions des sections de la chambre ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable du centre hospitalier de Sens pour l’exercice 2013 par M. X ... ;
Vu le réquisitoire n° 2015-036 en date du 27 novembre 2015, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X ..., comptable du centre hospitalier de Sens au titre d’opérations relatives à l’exercice 2013 ;
Vu les lettres de notification réquisitoire susvisé datées du 16 décembre 2015, adressées respectivement à M. X ... et au directeur du centre hospitalier, dont ils ont accusé réception respectivement les 19 décembre et 17 décembre 2015 ;
Vu la décision n° 2015-22 du 10 décembre 2015 du président de la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté attribuant l’instruction du réquisitoire à M. Bernard Perraud, premier conseiller ;
Vu le rapport n° 16-035 du 14 avril 2016 de M. Bernard Perraud, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions n° 2016-035 du 15 avril 2016 de M. Jérôme Dossi, procureur financier ;
Vu le jugement avant dire droit n° J2016-0039 de la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté, prononcé le 11 juillet 2016 ;
Vu le rapport complémentaire n° 16-172 du 19 décembre 2016 de M. Bernard Perraud, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions n° 16-172 du 20 décembre 2016 de M. Jérôme Dossi, procureur financier ;
Vu ensemble les pièces à l’appui ;
Entendus lors de l’audience publique du 24 janvier 2017, M. Bernard Perraud en son rapport et le procureur financier en ses conclusions ; M. X ... et le directeur du centre hospitalier de Sens, dûment informés de la tenue de l’audience, n’étant ni présents, ni représentés ;
Après avoir entendu en délibéré M. Michel Carles, premier conseiller réviseur, en ses observations et avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier ;
1.1. Sur la responsabilité du comptable
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté de la responsabilité encourue par M. X ... au motif du paiement irrégulier d’indemnisations des plages additionnelles effectuées par le docteur Y …, au cours de l’exercice 2013, pour un montant total de 21 911,16 euros ;
Attendu que le docteur Y... a signé, le 3 janvier 2013, un contrat n° 01/2013 d’indemnisation des plages horaires additionnelles avec la directrice de l’établissement ; que ce contrat spécifie que ce praticien doit être présent tous les jours dans l’établissement au-delà du service de jour et doit assurer, en outre, deux samedis par mois au-delà de ses obligations de service ; que ce même contrat prévoit alors une indemnisation de ses présences au-delà des obligations de service sur la base d’un quart de plage additionnelle de nuit, soit 79,39 euros, pour le service effectué en semaine au-delà de 18h30 et d’une plage additionnelle de jour, soit 317,55 euros, pour les samedis travaillés conformément à la réglementation alors en vigueur ; que, dans ce cadre, il est attribué au docteur Y... une indemnisation dont le montant est fixé de manière forfaitaire sur la base de 15 quarts de nuits mensuels, soit un total de 1 190,85 euros et de deux samedis mensuels, soit 635,10 euros, correspondant à une indemnité mensuelle forfaitaire totale de 1 825,93 euros bruts ; que l’article 3 dudit contrat précise que sa validité est soumise à l’examen des tableaux de service et au constat des plages additionnelles effectuées ;
Attendu qu’en l’espèce, les indemnités attribuées au docteur Y ... ont été versées sans modulation, à hauteur de 1 825,93 euros par mois pour l’ensemble de l’année 2013 ;
Attendu qu’en application du paragraphe 220224 de l’annexe I de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales listant les pièces justificatives dont doit disposer le comptable avant de procéder à une rémunération afférente au service de permanence des personnels médicaux, le paiement des primes d’indemnisation des plages horaires additionnelles attribuées à du personnel médical, s’inscrivant dans le cadre du service de permanence, doit être accompagné d’un « état récapitulatif périodique » et du « tableau mensuel de service (annexe H) annoté des modifications apportées et arrêté par le directeur comme état des services faits » ;
Attendu qu’’il ressort de l’instruction de la phase administrative du jugement des comptes du centre hospitalier de Sens que le comptable en fonctions en 2013 ne disposait pas d’un tableau mensuel de service et de l’état récapitulatif périodique, prévus par le paragraphe 220224, lui permettant, lors des paiements, de s’assurer de l’effectivité des gardes décomptées au bénéfice du praticien concerné, conformément aux exigences de service fait posées par l’article 4 de l’arrêté interministériel susvisé ;
Attendu qu’il est fait notamment grief au comptable d’avoir ouvert sa caisse alors qu’il ne disposait pas de la totalité des pièces justificatives dont la production était obligatoire, de n’avoir pas assuré le contrôle de la validité de la dépense, notamment la production des justifications et le contrôle de l’exactitude des calculs de liquidation, qui lui incombait en application des articles 19 et 20 du décret n° 2012-1246 susvisé ; que, conformément aux dispositions de l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963 modifiée, la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public pourrait se trouver engagée dès lors notamment qu'une dépense a été irrégulièrement payée ;
Attendu que, dans la réponse qu’il a adressée à la chambre le 13 mars 2016, le comptable public du centre hospitalier de Sens a produit les tableaux nominatifs de l’activité réalisée en demi-journées, pour les mois de janvier à décembre de l’année 2013, pour ce qui concerne le service de pneumologie du docteur Y ... ; que ces tableaux font apparaître les astreintes et les présences les samedis et les nuits effectuées par le docteur Y … ; qu’ils sont signés par le docteur Y ... lui-même ;
Attendu que, dans la réponse qu’il a adressée à la chambre le 16 novembre 2016, le comptable public du centre hospitalier de Sens a indiqué ne pas être en mesure de produire une délégation de signature du directeur de centre hospitalier de Sens accordée au Docteur Y… l’autorisant à signer, en son lieu et place, les tableaux nominatifs d’activité du service qu’il dirigeait en 2013 ;
Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article I de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, rubrique 220224, que les pièces justificatives suivantes sont requises pour le paiement d’indemnités de permanence des soins et de travail additionnel : état récapitulatif périodique, tableau mensuel de service annoté des modifications apportées et arrêté par le directeur et mentionnant le détail des temps de travail de jour, de nuit et d’astreinte à domicile ;
Attendu que l’arrêté du 30 avril 2003 susvisé prévoit notamment, en son article 21, la production au comptable d’un état quadrimestriel au titre des indemnités de temps de travail additionnel ; que ces dispositions prévoient également que « les mandatements des indemnités sont présentés au comptable sous forme d’un état collectif pour chaque mois et sont accompagnés du tableau mensuel de service visé à l’article 11 ci-dessus, préalablement annoté des modifications qui lui auraient été apportées et arrêté par le directeur de l’établissement comme état de services faits (…). Les montants dus au titre des indemnités pour temps de travail additionnel sont versés au terme de chaque quadrimestre, après déduction le cas échéant, des indemnités de sujétion déjà versées pour les mêmes périodes de temps de travail » ;
Attendu qu’il ressort des éléments produits par le comptable public que le paiement des indemnisations des plages horaires additionnelles effectuées par le docteur Y... est intervenu sur la base de tableaux nominatifs de services réalisés par demi-journées et avec mention des permanences de nuit ; que ces tableaux nominatifs sont signés du docteur Y …, responsable du service de médecine C dans lequel il exerce ses fonctions de praticien hospitalier ; que les tableaux mensuels de service n’ont pas été joints à l’appui des mandats ;
Attendu qu’en l’absence des pièces prévues à la rubrique 220224 de l’annexe I à l’article D. 1617-19 du CGCT, M. X... a manqué à ses obligations relatives au contrôle de la production des justifications ; qu’en l’absence desdites pièces, il n’était pas en mesure de procéder au contrôle de l’exactitude des calculs de liquidation des indemnités versées au titre du temps de travail additionnel ; que, par suite, sa responsabilité personnelle et pécuniaire est engagée au titre de ces paiements pour un montant total de 21 911,16 euros, sur le fondement du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 modifié ;
1.2. Sur l’existence d’un cas de force majeure exonératoire
Attendu que, dans un courriel du 11 avril 2014, le comptable public en fonctions en 2013 précise que la gestion du centre des finances publiques de Sens municipale a toujours fait l’objet d’une lourde charge ; que les relations entre le centre des finances publiques et les services du centre hospitalier de Sens n’ont pas permis d'apporter les améliorations souhaitées dans la production des pièces justificatives en matière de dépenses ;
Attendu que, sans en contester la réalité, ces difficultés de fonctionnement du poste comptable évoquées par le comptable public en fonctions en 2013 ne possèdent pas les caractéristiques susceptibles de qualifier celles-ci de circonstances de force majeure présentant un caractère exonératoire de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable ;
1.3. Sur le préjudice
Attendu que le comptable fait valoir que le paiement des indemnisations des plages horaires supplémentaires effectuées par le docteur Y ... est intervenu sur la base de tableaux nominatifs de services réalisés, par demi-journées et avec mention des permanences de nuit, bien que ces pièces ne soient pas jointes aux mandats correspondants ;
Attendu que les tableaux nominatifs constituent la seule pièce produite pour attester du service réalisé par le docteur Y ... ; que ces tableaux sont signés par le docteur Y ... lui-même en tant que responsable du service de médecine C dans lequel il exerçait en 2013 ; que le docteur Y ... ne disposait pas d’une délégation de signature du directeur du centre hospitalier de Sens l’autorisant à signer ces tableaux nominatifs ; que, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur l’exactitude des tableaux produits, l’incompétence de leur signataire, par ailleurs bénéficiaire des paiements en cause, ne permet pas d’établir que ces derniers étaient effectivement et intégralement dus ; que, par suite, le manquement de M. X … à ses obligations de contrôle doit être regardé comme ayant causé un préjudice financier au centre hospitalier de Sens ;
Attendu qu’il existe un lien de causalité direct et certain entre le manquement du comptable et ce préjudice financier ;
Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 modifiée, « lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’il y a lieu, en application de ces dispositions, de constituer M. X... débiteur du centre hospitalier de Sens pour la somme de 21 911,16 euros représentant le montant total des indemnisations des plages horaires supplémentaires effectuées par le médecin concerné au cours de l’exercice 2013 ;
Attendu qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 modifiée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, la date du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable est celle à laquelle le réquisitoire susvisé lui a été notifié, soit le 19 décembre 2015 ;
1.4. Sur le respect des règles de contrôle sélectif de la dépense
Attendu qu’aux termes du paragraphe IX de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 ,« [...] Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l'appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l'obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ;
Attendu que les documents relatifs au contrôle hiérarchisé de la dépense (CHD) validés par le directeur départemental des finances publiques de l’Yonne le 24 novembre 2006 ont été produits à la chambre ; que les modalités de contrôle de la paye restent en 2013 conformes aux plans validés en 2006 ; que le plan de contrôle de la paye prévoit des contrôles exhaustifs portant sur les nouveaux entrants et en mars, juillet et novembre, concernant la vérification des indemnités de temps additionnel à partir du document à joindre aux mandats ; que, dès lors, le paiement des indemnisations des plages additionnelles au docteur Y ... aurait dû faire l’objet d’un contrôle spécifique a priori pour les mois de janvier en raison de la qualité de nouvel entrant du Dr Y ..., ainsi qu’en mars, juillet et novembre 2013 ; qu’en ne suspendant pas les paiements au regard de l’insuffisance des pièces justificatives pour ces mois-là, le comptable public n’a pas respecté ledit plan de contrôle sélectif du centre hospitalier de Sens en vigueur en 2013 ; que dès lors, les conditions ouvrant droit à une remise gracieuse totale en faveur de M. X... ne sont pas remplies en l’espèce ;
2.1. Sur la responsabilité du comptable
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté de la responsabilité encourue par M. X ... au motif du paiement d’indemnisations des plages additionnelles effectuées par le docteur Z ... du mois de mai 2013 au mois de décembre 2013 pour un montant total de 30 674,32 euros ;
Attendu que le docteur Z... a signé, le 3 mai 2013, un contrat n° 01/2013 d’indemnisation des plages horaires additionnelles avec la directrice de l’établissement ; que ce contrat spécifie que l’intéressée est, dans le cadre de ses activités, présente tous les jours dans l’établissement au-delà du service de jour et assure, par ailleurs, deux samedis par mois et deux dimanches par mois au-delà de ses obligations de service ; que ce contrat prévoit une indemnisation de ses présences au-delà des obligations de service sur la base d’un quart de plage additionnelle de nuit, soit 118,49 euros, pour le service effectué en semaine au-delà de 18h30, d’une plage additionnelle de jour, soit 317,55 euros, pour les samedis travaillés et d’une plage additionnelle de nuit, dimanche ou jour férié pour les dimanches travaillés conformément à la réglementation alors en vigueur ; qu’il est attribué à l’intéressée une indemnisation dont le montant est fixé de manière forfaitaire sur la base de 19 quarts de nuits mensuels, soit un total de 2 251,31 euros, de deux samedis mensuels, soit 635,10 euros et de deux dimanches par mois, soit un total de 947,88 euros, correspondant à une indemnité mensuelle forfaitaire totale de 3 834,29 euros brut ; que l’article 3 dudit contrat stipule que sa validité est soumise à l’examen des tableaux de service et au constat des plages additionnelles effectuées ;
Attendu que les indemnités attribuées au docteur Z ... ont été versées sans modulation, à hauteur de 3 834,29 euros par mois de mai 2013 au 31 décembre 2013 ;
Attendu qu’en application du paragraphe 220224 de l’annexe I de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales listant les pièces justificatives dont doit disposer le comptable avant de procéder à une rémunération afférente au service de permanence des personnels médicaux, le paiement des primes d’indemnisation des plages horaires additionnelles attribuées à du personnel médical, s’inscrivant dans le cadre du service de permanence, doit être accompagné d’un « état récapitulatif périodique » et du « tableau mensuel de service (annexe H) annoté des modifications apportées et arrêté par le directeur comme état des services faits » ;
Attendu qu’il ressort de l’instruction de la phase administrative du jugement des comptes du centre hospitalier de Sens, que le comptable en fonctions en 2013 ne disposait pas d’un tableau mensuel de service et de l’état récapitulatif périodique, prévus par le paragraphe 220224, lui permettant, lors des paiements, de s’assurer de l’effectivité des gardes décomptées au bénéfice du praticien concerné, conformément aux exigences de service fait posées par l’article 4 de l’arrêté interministériel du 30 avril 2003 susvisé ;
Attendu qu’il est fait notamment grief au comptable d’avoir ouvert sa caisse alors qu’il ne disposait pas de la totalité des pièces justificatives dont la production était obligatoire, de n’avoir pas assuré le contrôle de la validité de la dépense, notamment la production des justifications et le contrôle de l’exactitude des calculs de liquidation, qui lui incombait en application des articles 19 et 20 du décret n° 2012-1246 susvisé ; que, conformément aux dispositions de l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963 modifiée, la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public pourrait se trouver engagée dès lors notamment « qu'une dépense a été irrégulièrement payée » ;
Attendu que, dans la réponse qu’il a adressée à la chambre le 13 mars 2016, le comptable public du centre hospitalier de Sens a produit les plannings d’astreinte et d’absences médicales pour les mois de mai à décembre de l’année 2013 pour ce qui concerne le service d’oncologie médicale auquel est rattaché le docteur Z ... ;
Attendu qu’aucune des cases des plannings d’astreinte et d’absences médicales du service d’oncologie transmis par le comptable public n’est, concernant le docteur Z ..., renseignée pour les mois de mai 2013 à décembre de l’année 2013, exception faite des mercredis pour lesquels il est indiqué que la praticienne est en consultation ;
Attendu qu’il résulte des dispositions de l’annexe I de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, rubrique 220224, que les pièces justificatives suivantes sont requises pour le paiement d’indemnités de permanence des soins et de travail additionnel : état récapitulatif périodique, tableau mensuel de service annoté des modifications apportées et arrêté par le directeur et mentionnant le détail des temps de travail de jour, de nuit et d’astreinte à domicile ;
Attendu que l’arrêté du 30 avril 2003 relatif à l’organisation et à l’indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d’hébergement pour personnes âgées dépendantes prévoit notamment, en son article 21, la production au comptable d’un état quadrimestriel au titre des indemnités de temps de travail additionnel ; que ces dispositions prévoient également que : « les mandatements des indemnités sont présentés au comptable sous forme d’un état collectif pour chaque mois et sont accompagnés du tableau mensuel de service visé à l’article 11 ci-dessus, préalablement annoté des modifications qui lui auraient été apportées et arrêté par le directeur de l’établissement comme état de services faits (…). Les montants dus au titre des indemnités pour temps de travail additionnel sont versés au terme de chaque quadrimestre, après déduction le cas échéant, des indemnités de sujétion déjà versées pour les mêmes périodes de temps de travail » ;
Attendu qu’il ressort des éléments transmis par le comptable public que le paiement des indemnisations des plages horaires additionnelles effectuées par le docteur Z ... est intervenu sur la base de tableaux nominatifs de service réalisés, par demi-journées et avec mention des permanences de nuit ; que les tableaux mensuels de service n’ont pas été joints à l’appui des mandats ;
Attendu que le caractère incomplet des plannings mensuels d’astreintes et absences du service d’oncologie médicale en ce qui concerne le docteur Z ... ne permettait pas au comptable de vérifier l’exactitude des calculs de liquidation de la dépense ;
Attendu que dès lors le comptable ne pouvait pas exercer les contrôles qui lui incombaient en application des articles 19 et 20 du décret n° 2012-1246 susvisé, à savoir notamment la vérification de l’exactitude des calculs de liquidation, faute d’avoir disposé lors du paiement des états récapitulatifs périodiques et des tableaux mensuels de service correctement renseignés ; qu’en l’absence de ces informations, M. X ... aurait dû suspendre le paiement des mandats litigieux ;
Attendu qu’en procédant aux paiements dont s’agit sans avoir vérifier l’exactitude des calculs de liquidation, faute d’avoir disposé, lors du paiement, des documents correctement renseignés, M. X... n’a pas assuré les contrôles qui lui incombaient en application des articles 19 et 20 du décret n° 2012-1246 susvisé ; que sa responsabilité pécuniaire se trouve dès lors engagée au titre de ces paiements pour un montant total de 30 674,32 euros en application de l’article 60 de la loi n° 63‑156 du 23 février 1963 modifiée ;
2.2. Sur l’existence d’un cas de force majeure exonératoire
Attendu que, dans un courriel du 11 avril 2014, le comptable public en fonctions en 2013 précise que la gestion du centre des finances publiques de Sens municipale a toujours fait l'objet d'une lourde charge ; que les relations entre le centre des finances et les services du centre hospitalier de Sens n'ont pas permis d'apporter les améliorations souhaitées dans la production des pièces justificatives en matière de dépenses ;
Attendu, que sans en contester la réalité, ces difficultés de fonctionnement du poste comptable évoquées par le comptable public en fonctions en 2013 ne possèdent pas les caractéristiques susceptibles de qualifier celles-ci de circonstances de force majeure présentant un caractère exonératoire de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable ;
2.3. Sur le préjudice financier
Attendu que le comptable fait valoir que le paiement des indemnisations des plages horaires supplémentaires effectuées par le docteur Z ... est intervenu sur la base de tableaux nominatifs de services réalisés, par demi-journées et avec mention des permanences de nuit, bien que ces pièces ne soient pas jointes aux mandats correspondants ;
Attendu le caractère incomplet des plannings mensuels d’astreintes et absences du service d’oncologie médicale tout particulièrement en ce qui concerne le docteur Z... ; que ces tableaux, non renseignés pour partie, constituent la seule pièce produite pour attester du service réalisé par le docteur Z... ; que, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la réalité et la consistance dudit service, le caractère incomplet des tableaux produits ne permet pas d’établir que les paiements dont a bénéficié le docteur Z... étaient effectivement et intégralement dus ; que, par suite, le manquement de M. X … à ses obligations de contrôle doit être regardé comme ayant causé un préjudice financier au centre hospitalier de Sens ;
Attendu qu’il existe un lien de causalité direct et certain entre le manquement du comptable et ce préjudice financier ;
Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’il y a lieu, en application de ces dispositions, de constituer M. X... débiteur du centre hospitalier de Sens pour la somme de 30 674,32 euros représentant le montant total des indemnisations des plages horaires supplémentaires effectuées par le médecin concerné au cours de l’exercice 2013 ;
Attendu qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 modifiée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, la date du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable est celle à laquelle le réquisitoire susvisé lui a été notifié, soit le 19 décembre 2015 ;
2.4. Sur le respect des règles de contrôle sélectif de la dépense
Attendu qu’aux termes du paragraphe IX de l'article 60 de la loi du 23 février 1963, « [...] Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l'appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l'obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ;
Attendu que les documents relatifs au contrôle hiérarchisé de la dépense (CHD) validés par le directeur départemental des finances publiques de l’Yonne le 24 novembre 2006 ont été produits à la chambre ; que les modalités de contrôle de la paye restent en 2013 conformes aux plans validés en 2006 ; que le plan de contrôle de la paye prévoit des contrôles exhaustifs portant sur les nouveaux entrants et en mars, juillet et novembre, concernant la vérification des indemnités de temps additionnel à partir du document à joindre aux mandats ; que, dès lors, le paiement des indemnisations des plages additionnelles au docteur Z... aurait dû faire l’objet d’un contrôle spécifique a priori pour les mois de juillet et novembre 2013 ; qu’en ne suspendant pas les paiements en considérant l’insuffisance des pièces justificatives pour ces mois-là, le comptable public n’a pas respecté ledit plan de contrôle sélectif du centre hospitalier de Sens en vigueur en 2013 ; que dès lors, les conditions ouvrant droit à une remise gracieuse totale en faveur de M. X... ne sont pas remplies en l’espèce ;
Attendu qu’il résulte de ce qui précède que M. X ... ne pourra être déchargé au titre de sa gestion 2013 qu’après apurement du débet prononcé ; qu’il ne pourra, par ailleurs, être déclaré quitte de sa gestion terminée le 14 décembre 2014 qu’après constatation de cet apurement ;
Attendu que le montant du cautionnement constitué par M. X ... au titre de l’année 2013 s’élève à 176 000 euros ; que par suite, pour l’application des dispositions du second alinéa du paragraphe IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, le montant de la remise gracieuse qui pourra être accordée au titre du débet prononcé à l’article 2 du dispositif ci-dessous, devra comporter un laissé à charge qui ne pourra être inférieur à 528 euros ;
PAR CES MOTIFS,
DÉCIDE :
Article 1er : La responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X ... est engagée au titre de l’exercice 2013 pour avoir procédé au versement d’indemnisations des plages additionnelles aux docteurs Y ... et Z ... sans disposer des pièces justificatives prévues par la réglementation ;
Article 2 : M. X... est constitué débiteur du centre hospitalier de Sens pour la somme de vingt et un mille neuf cent onze euros et seize centimes (21 911,16 euros) pour ce qui concerne les indemnisations des plages horaires supplémentaires versées au docteur Y ... et de trente mille six cent soixante-quatorze euros et trente-deux centimes (30 674,32 euros) pour ce qui concerne les indemnisations des plages horaires supplémentaires versées au docteur Z..., soit un montant total de cinquante-deux mille cinq cent quatre-vingt-cinq euros et quarante-huit centimes (52 585,48 euros), somme augmentée des intérêts légaux à compter du 19 décembre 2015 ;
Article 3 : Pour l’application des dispositions du second alinéa du paragraphe IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, le montant de la remise gracieuse qui pourra être accordée au titre du débet prononcé à l’article 2 ci-dessus, devra comporter un laissé à charge qui ne pourra être inférieur à 528 euros ;
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. X ... et au directeur du centre hospitalier de Sens ;
Article 5 : La décharge de M. X ... ne pourra être prononcée qu’après apurement du débet fixé ci-dessus.
Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté, réunie en formation plénière.
Madame Dominique SAINT CYR, présidente de séance, présidente de section,
Monsieur Nicolas ONIMUS, président de section,
Monsieur Pierre DOUCET, premier conseiller,
Monsieur Michel CARLES, premier conseiller, réviseur,
Monsieur Nicolas BONNEAU, premier conseiller.
Signé : Mireille GRÉGOIRE, greffière et Dominique SAINT CYR, présidente de séance, présidente de section de la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté.
Collationné, certifié conforme à la minute déposée au greffe de la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté.
La secrétaire générale,
Marie-Christine MEYER
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Voies et délais de recours
La présente décision juridictionnelle peut être déférée en appel devant la Cour des comptes dans un délai de deux mois à compter de la date de sa notification (articles L. 245-1 et R. 242‑14 à 25 du code des juridictions financières).
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