S3/2170747/MC | 1 / 5 |
1ère section
Jugement n° 2017-0022 J
Audience publique du 18 septembre 2017
Prononcé du 18 octobre 2017 | Centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger à Aulnay-sous-Bois
Poste comptable : Trésorerie d’Aulnay-sous-Bois centre hospitalier (93)
Exercice : 2013 |
République Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
Vu le réquisitoire en date du 19 août 2016, par lequel le Procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X…, comptable du centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger au titre d’opérations relatives à l’exercice 2013, notifié le 29 août 2016 au comptable concerné ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable du centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger, par M. X..., du 3 septembre 2012 au 31 décembre 2013, ensemble les comptes annexes ;
Vu l’arrêté de délégation de la Cour des comptes du 1er juin 2010, relatif au jugement des comptes de certaines catégories d’établissements publics de santé par les chambres régionales des comptes ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique alors en vigueur et/ou le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le rapport de M. Yves Bénichou, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions du Procureur financier ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du 18 septembre 2017 M. Yves Bénichou, premier conseiller en son rapport, M. Luc Héritier, Procureur financier en ses conclusions, et M. X..., comptable présent ayant eu la parole en dernier ;
Entendu en délibéré M. Hervé Beaudin, premier conseiller, en ses observations ;
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la Chambre régionale des comptes d’Île-de-France de la responsabilité encourue par M. X... à raison du paiement d’une indemnité versée à un ingénieur hospitalier, d’un montant total de 36 000 €, au cours de l’exercice 2013 sans qu’il disposât d'un arrêté prévoyant son attribution et en fixant le montant ;
Attendu qu'aux termes des dispositions du I de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 visée ci‑dessus, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière [...) de dépenses [...) dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » et que « la responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors [...) qu'une dépense a été irrégulièrement payée » ;
Attendu que, selon l'article 19 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, le comptable public est tenu d'exercer le contrôle, s'agissant des ordres de payer, de « la validité de la dette dans les conditions prévues à l'article 20 » ; que l'article 20 du même décret dispose que « le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur [...) l'exactitude de la liquidation [...) [et] la production des pièces justificatives [...) » ; que, selon l'article 38, lorsqu'à l'occasion de l'exercice de ces contrôles, « le comptable public a constaté des irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de l'ordonnateur, il suspend le paiement et en informe l'ordonnateur. Ce dernier a alors la faculté de requérir par écrit le comptable public de payer » ;
Attendu qu’en vertu de l'article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, « avant de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales (…) ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I du présent code » ;
Attendu que la rubrique 220223 c) « Primes et indemnités des personnels non médicaux » de la liste des pièces justificatives des dépenses publiques locales prévoit que, pour procéder au paiement de ce type de dépense des établissements publics de santé, le comptable doit disposer des pièces suivantes : 1) Pour les indemnités horaires pour travaux supplémentaires, l’état de liquidation précisant les mois concernés, s'il s'agit d'un rappel, et indiquant le nombre d'heures effectuées ainsi que les taux appliqués au moment de la réalisation des travaux supplémentaires ; 2) Pour les autres primes et indemnités, la décision individuelle d'attribution prise par le directeur, ou, pour les agents contractuels, la mention au contrat, et, pour la prime de service, le décompte précisant les modalités de détermination du crédit global affecté au paiement de la prime ;
Sur les manquements présumés de M. X...
En ce qui concerne la présomption de charge n° 1 :
Attendu que M. X... a payé une indemnité versée à un ingénieur hospitalier, d’un montant total de 36 000 €, au cours de l’exercice 2013 ; que ces paiements ont été effectués par les mandats n° 92 du 17 janvier 2013, 743 du 18 février, 2100 du 18 mars, 4970 du 17 avril, 7333 du 17 mai, 9113 du 18 juin, 11462 du 16 juillet, 13642 du 14 août, 15350 du 17 septembre, 17546 du 16 octobre, 19755 du 19 novembre et 22030 du 17 décembre 2013 ;
Attendu qu’il ressort de l’instruction l’existence d’un document interne dénommé « accord de recrutement » ; que ce document ne précise pas, cependant, la nature des indemnités versées à son bénéficiaire, ni leur montant exact ;
Attendu qu’en l'absence d’une pièce attestant le montant décidé par le directeur, le comptable aurait dû suspendre le paiement de ces mandats et demander à l'ordonnateur la production d'éléments complémentaires ; qu’en s'en abstenant et en payant cette dépense dans ces conditions, le comptable a manqué à ses obligations de contrôle de la validité de la dette telles qu’elles ressortent des textes rappelés ci-dessus ;
Attendu que le comptable, au moment du paiement, n’était pas en mesure de contrôler la validité de la dette dès lors qu’aucune décision individuelle d’attribution prise par le directeur de l’établissement n’accompagnait l’ordre de payer ;
Attendu en conséquence que M. X... a manqué à son obligation de contrôle de la dépense telle qu’elle résulte des textes rappelés ci-dessus et qu’il a, en conséquence, engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire pour la somme de 36 000 € ;
En ce qui concerne la présomption de charge n° 2 :
Attendu que M. X... a payé en 2013 à M. Y…, informaticien non titulaire, une « prime de technicité travaux » de 848,27 € par mois, représentant un montant annuel total de 10 179,24 € (= 848,27 € x 12), par les mandats no 96 du 25 janvier, 747 du 22 février, 2104 du 25 mars, 4974 du 24 avril, 7337 du 27 mai, 9117 du 24 juin, 11466 du 25 juillet, 13646 du 26 août, 15354 du 24 septembre, 17550 du 25 octobre, 19759 du 25 novembre et 22034 du 20 décembre 2013, sans justification aucune ;
Attendu qu’aucune décision attributive de cette prime antérieure à celle qui a été prise le 2 novembre 2015 n’a pu justifier les paiements intervenus en 2013 ; qu’en conséquence, pour les mêmes motifs que pour la charge n° 1, la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X... se trouve engagée au titre de l'exercice 2013 pour avoir, en l’absence des pièces justificatives requises par la nomenclature, manqué de procéder au contrôle de la dépense ;
Sur les conséquences des manquements de M. X...
Attendu que, dans sa réponse du 4 novembre 2016, reçu à la chambre le 29 novembre suivant, le directeur de l’établissement estime que les manquements précités ne sont pas constitutifs d’un préjudice financier pour l’établissement ;
Attendu par ailleurs qu’a été transmis à la chambre, au cours de l’instruction, un arrêté, daté du 2 novembre 2015, attribuant le bénéfice des deux primes précitées aux bénéficiaires ; que cet arrêté n’existait pas au moment du paiement des mandats précités ; qu’en l’absence de la décision de l’autorité compétente, la prime n’était pas due ; que son paiement a, dès lors, constitué un préjudice financier pour l’organisme ;
Attendu que, selon les dispositions du IV de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné [...], le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
Attendu ainsi qu’il y a lieu de constituer M. X... débiteur du centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger d’Aulnay-sous-Bois pour les montants de 36 000 €, au titre de la charge n° 1, et de 10 179,24 €, au titre de la charge n° 2 ;
Attendu qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, la réception, par M. X..., du réquisitoire date du 29 août 2016 ;
Attendu par ailleurs que, selon le second alinéa du paragraphe IX de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisé : « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l'appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l'obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ; que, selon le décret du 10 décembre 2012 susvisé : « La somme maximale pouvant être mise à la charge du comptable, conformément aux dispositions du deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, est fixée à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré » ;
Attendu que, selon le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense applicable en 2013, le comptable devait contrôler les dépenses de personnel en fonction, d'une part, de flux indiquant de fortes fluctuations par rapport au mois précédent, et, d'autre part, de leur appartenance à un échantillon de 30 dossiers selon une proposition de calendrier et de thèmes décidés en commun par la trésorerie et la direction départementale des finances publiques ; qu’en l’occurrence, les thèmes retenus pour l’exercice 2013 ne comportaient pas les indemnités en cause ; qu’en conséquence, M. X..., en ne contrôlant pas les indemnités mensuelles en cause, s’est conformé au contrôle hiérarchisé des dépenses pour 2013 ; qu’il en résulte que le ministre chargé du budget pourra laisser à la charge du comptable une somme inférieure à 531 € ; que ce laissé à charge sera calculé indépendamment pour chacun des deux débets ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Au titre de l’exercice 2013,
Article 1er : M. X... est constitué débiteur du centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger d’Aulnay-sous-Bois de la somme de 36 000 € au titre de la charge n° 1, et de la somme de 10 179,24 € au titre de la charge n° 2, augmentées des intérêts de droit à compter du 29 août 2016.
Article 2 : Le ministre chargé du budget pourra laisser à la charge du comptable, pour chacun de ces débets, une somme inférieure à 531 €.
Article 3 : Sursis à décharge est prononcé pour M. X... pour sa gestion allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013.
Article 4 : La décharge de M. X... ne pourra être donnée qu’après apurement des débets fixés ci-dessus.
Fait et jugé par M. Alain Stéphan, Président de séance ; M. Hervé Beaudin et M. Jean‑Marc Dunoyer de Segonzac, premiers conseillers.
En présence de Mme Marie-Christine Bernier, greffier de séance.
Marie-Christine Bernier, greffier de séance |
Alain Stéphan, président de section |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.
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