J 2017-0018 du 8 décembre 2017
1.
Audience publique du 7 Novembre 2017
Prononcé du 8 décembre 2017
Jugement n° 2017-0018
| Communauté de communes du Lunévillois (Meurthe-et-Moselle)
Poste comptable : Centre des finances publiques de Lunéville - collectivités
Exercice : 2013 |
République Française
Au nom du peuple français
La Chambre régionale des comptes Grand Est,
Vu le réquisitoire n° 2016-13 en date du 26 février 2016, par lequel le procureur financier a saisi la Chambre régionale des comptes Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine, devenue chambre régionale des comptes Grand Est le 1er janvier 2017, notifié le 3 mars 2016 à Mme X, comptable, à M. Y, en sa qualité de président de la communauté de communes du Lunévillois le 3 mars 2016 et le 18 janvier 2017 en sa qualité de président de la communauté de communes du territoire de Lunéville à Baccarat, nouvel établissement public de coopération intercommunal issu d’un processus de fusion extension dans le cadre des articles L. 521-43 et suivants du code général des collectivités territoriales ;
Vu les observations de M. Y, président de la communauté du Lunévillois, adressées par lettre du 19 avril 2016, enregistrées au greffe le 25 avril 2016 ;
Vu les observations de Mme X, adressées par lettre du 17 mars 2016, enregistrées au greffe le 31 mars 2016 ;
Vu le rapport à fin de jugement n° 2016-0186 du 27 octobre 2016 de M. Laurent PICQUENOT, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu le rapport complémentaire à fin de jugement n° 2016-0186-01 du 7 juin 2017 de M. Laurent PICQUENOT, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions n° 0186/2016 du 19 décembre 2016, de M. Thierry FARENC, procureur financier ;
Vu les conclusions complémentaires n° 2016-0186-01 du 20 juin 2017, de M. Thierry FARENC, procureur financier ;
Vu les lettres en date du 24 octobre 2017 (accusées réception en date du 27 octobre 2017) informant les parties de l’inscription de l’affaire à l’audience publique ;
Vu les pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales, notamment son article D. 1617-19 ;
Vu le code des juridictions financières, notamment son article L. 242-1 ;
Vu l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 portant loi de finances pour 1963 ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 ;
Vu l’article 19 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Entendu lors de l’audience publique du 7 novembre 2017 M. Laurent PICQUENOT, premier conseiller en son rapport, M. Thierry FARENC, procureur financier, en ses conclusions,
M. Y, ordonnateur et Mme X, comptable, étaient absents et non représentés ;
Entendu en délibéré M. Bernard GONZALES, premier conseiller, en ses observations ;
Sur la charge unique portant sur le paiement d’un montant de 5 073,29 € à la société SAUR, en l’absence de toute pièce justificative, la convention étant devenue caduque depuis 2006 - Exercice 2013 :
1. Considérant que le I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 modifiée dispose que « […] les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière […] de dépenses […] dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. […] / La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors […] qu'une dépense a été irrégulièrement payée […] » ; qu’aux termes de l’article 19 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, « Le comptable public est tenu d’exercer le contrôle : / […] / 2° S’agissant des ordres de payer : / […] / d) de la validité de la dette dans les conditions prévues à l’article 20 » ; qu’aux termes de l’article 20 du même décret, « le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : / […] / 5° La production des pièces justificatives » ; qu’aux termes de l’article 38 du même décret : « […] lorsqu’à l’occasion de l’exercice des contrôles prévus au 2° de l’article 19 le comptable public a constaté des irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de l’ordonnateur, il suspend le paiement et en informe l’ordonnateur. […] » ; qu’en vertu de l’article 50 du même décret, les opérations de dépense « doivent être justifiées par des pièces prévues dans des nomenclatures établies » ;
2. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, pour apprécier la validité des dettes, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications ; qu’à ce titre, il leur revient d’apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée ; que pour établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l’ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en deuxième lieu, si ces pièces sont, d’une part, complètes et précises, d’autre part, cohérentes au regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable et de la nature et de l’objet de la dépense telle qu’elle a été ordonnancée ; que lorsque les pièces justificatives fournies sont insuffisantes pour établir la validité de la dette, il appartient aux comptables de suspendre le paiement jusqu’à ce que l’ordonnateur leur ait produit les justifications nécessaires ;
3. Considérant qu’aux termes de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable au moment des paiements en cause : « Avant de procéder au paiement d’une dépense […], les comptables publics des collectivités territoriales […] ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l’annexe I du présent code » ;
4. Considérant que dans son réquisitoire, le procureur financier a considéré qu’au cours de l’exercice 2013, la comptable de la communauté de communes du Lunévillois, avait procédé au paiement d’une facture d’un montant de 5 073,29 € en application d’une convention dont la durée de validité était expirée. Qu’en ouvrant sa caisse pour procéder au paiement d’une somme en l’absence de convention, Mme X n’a pas assuré le contrôle de validité de la dette dans les conditions prévues aux articles 19 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ; que le paiement irrégulier de cette dépense d’un montant de 5 073,29 €, au cours de l’exercice 2013, constitue un manquement de nature à engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire en application du I de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963 ;
5. Considérant que M. Y, président de la communauté de communes du Lunévillois, dans sa réponse du 19 avril 2016, indique le caractère effectif de la prestation effectuée par la SAUR et précise que la communauté des communes n’a pas subi de préjudice financier ;
6. Considérant que pour exercer son contrôle sur les pièces justificatives, il appartenait à Mme X, d’apprécier les pièces fournies à l’appui du mandat ; que dans son courrier en date du 17 mars 2016, Mme X précise que « la facture émise par la SAUR correspond à des frais de gestion sur la redevance assainissement dont elle assure la facturation pour le compte de la CCL. Ces prestations sont réalisées dans le cadre d’une convention dont le terme était 2006 ». Elle ajoute qu’elle n’est pas « en mesure de produire des documents complémentaires » et reconnaît avoir « réglé ce mandat uniquement au vu de la facture détaillée jointe, sans m’enquérir de pièces justificatives plus appropriées » ;
7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’à défaut de disposer des justificatifs prévus à l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, au moment du paiement du mandat n° 171 émis le 6 mars 2013, Mme X a commis un manquement de nature à engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
8. Considérant qu’aux termes du V de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963, « Lorsque […] le juge des comptes constate l'existence de circonstances constitutives de la force majeure, il ne met pas en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public » ; que la force majeure est constituée par un événement imprévisible, irrésistible et extérieur ; qu’en l’espèce, Mme X ne fait valoir aucun élément constitutif de la force majeure ;
9. Considérant, en conséquence, que la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X est engagée sur le fondement des dispositions précitées du I de l’article 60 de la loi du
23 février 1963 modifiée ;
10. Considérant qu’aux termes du VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 : « […] Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante […] » ; que pour l’application de ces dispositions, un préjudice financier résulte du paiement d’une dépense indue, d’une perte provoquée par une opération de décaissement ou de non recouvrement d’une recette, donnant lieu à une constatation dans la comptabilité de l’organisme et se traduisant par un appauvrissement patrimonial de la personne publique ;
11. Considérant que, pour déterminer si le paiement irrégulier d'une dépense par un comptable public a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné, il appartient au juge des comptes d’apprécier si la dépense était effectivement due et, à ce titre, de vérifier notamment qu’elle n’était pas dépourvue de fondement juridique ; qu’en particulier, en l’absence de convention valide , le montant ainsi que l'objet du paiement du mandat n° 171 du 6 mars 2013, cause un préjudice financier à la communauté de communes du Lunévillois ;
12. Considérant qu’en application du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, le débet porte intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics ; qu’en l’occurrence, le point de départ du calcul des intérêts est fixé au 13 mars 2016, date à laquelle Mme X a accusé réception du réquisitoire ;
13. Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa du IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l’appréciation du juge des comptes, des règles du contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l’obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ;
14. Considérant que le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense, produit par Mme X pour l’exercice 2013, prévoit que les marchés devaient faire l'objet d'un contrôle exhaustif à compter du 1er janvier 2012 ; qu’il ressort des pièces du dossier que cette prévision exhaustive n’a pas été mise en œuvre et n’a pas permis de relever l’irrégularité de la dépense en cause ; que dans l’éventualité où le ministre chargé du budget déciderait d’effectuer une remise gracieuse du débet, la somme laissée à la charge du comptable ne pourra être inférieure à 3 ‰ du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable ;
Par ces motifs, décide :
Article 1er : La responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X est engagée au titre de l’exercice 2013 à raison du paiement irrégulier à la société SAUR d’une facture d’un montant de 5 073,29 €, en l’absence de pièce justificative, notamment d’une convention valide liant la SAUR à la communauté de communes du Lunévillois ;
Article 2 : Le paiement en date du 8 aout 2013 du mandat n° 171 émis le 6 mars 2013 n’est fondé sur aucune pièce légale. Il est par conséquent indu et constitue un préjudice financier pour la communauté de communes du Lunévillois ;
Article 3 : Mme X est constituée débitrice de la communauté de communes du Lunévillois pour la somme de cinq mille soixante-treize euros et vingt-neuf centimes, augmentée des intérêts de droit à compter du 3 mars 2016, conformément au VIII de l'article 60 de la loi de finances du 23 février 1963 ;
Article 4 : Le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense n’ayant pas été respecté, une éventuelle remise gracieuse devra laisser à la charge de la comptable une somme ne pouvant être inférieure à 3 ‰ du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable, soit la somme de cinq cent trente et un euros (531 euros) ;
Article 5 : Il est sursis à décharge de Mme X pour sa gestion au titre de l’exercice 2013, ladite décharge ne pouvant intervenir qu’après apurement du débet.
Article 6 : Le présent jugement sera notifié à Mme X, comptable, au président de la communauté de communes du territoire de Lunéville à Baccarat, ordonnateur, ainsi qu’au ministère public près la chambre.
Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Grand Est, hors la présence du rapporteur et du procureur financier, le 7 novembre 2017, par M. Dominique ROGUEZ, président de la chambre régionale Grand Est, président de séance, M. Christophe BERTHELOT, président de section, M. Bernard LEUYET, M. Michel PAWLOSKI, Mme Axelle TOUPET, M. Henri MENNECIER, M. Bernard GONZALES, M. Christophe LEBLANC, M. Thomas GROS, Mme Carine PILLET, Mme Carol KNOLL, premiers conseillers, M. Laurent OLIVIER et Mme Maryline LATHELIZE, conseillers.
Carine COUNOT
Signé
Greffière de séance |
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Dominique ROGUEZ
Signé
Président de séance |
La République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d'y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu'ils seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent jugement a été signé par le président de la chambre régionale des comptes Grand Est et par la secrétaire générale.
Pour la secrétaire générale empêchée, et par délégation, La greffière,
Signé
Carine COUNOT
| Le président de la chambre,
Signé
Dominique ROGUEZ
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En application des articles R. 242-19 à R. 242-24 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de leur notification selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code.
Collationné, certifié conforme à la minute
déposée au greffe de la chambre régionale
des comptes Grand Est, par moi
A Metz, le 8 décembre 2017
Carine Counot, greffière
3-5 rue de la Citadelle – 57000 METZ -T 03 54 22 30 49 – E-mail : grandest@crtc.ccomptes.fr
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