rapport n° 2017-0321

Commune de Livet et Gavet
(Isère)

jugement n° 2017-0053

Trésorerie du Bourg d’Oisans

audience publique du 8 decembre 2017

code n° 038005212

délibéré du 8 decembre 2017

exercice 2014

prononcÉ le : 20 decembre 2017

 

 

République française

 

Au nom du peuple français

 

La chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-ALPES
(Statuant en 5èmesection)

 

Vu le réquisitoire n° 31-GP/2017 à fin d’instruction de charge pris le 7 juin 2017 par le procureur financier près la chambre régionale des comptes Auvergne-RhôneAlpes ;

VU l’arrêté de charge provisoire du n°031-2014-038005-212-04 en date du 27 avril 2017 du pôle interrégional d’apurement administratif de Toulouse ;

Vu les courriers de notification du réquisitoire en date du 26 juin 2017 adressés à M. Emmanuel X..., comptable mis en cause ainsi qu’à M. Gilbert Y..., maire de la commune de Livet et Gavet, dont ils ont accusé réception respectivement les 28 et 27 juin 2017 ;

VU le code général des collectivités territoriales ;

VU le code des juridictions financières ;

VU l’article 60 de la loi de finances pour 1963 n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée, notamment par l’article 90 de la loi de finances rectificative n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;

VU le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du § VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifiée ;

VU le décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

VU les lois et règlements relatifs à la comptabilité des communes et des établissements publics locaux ;

VU l’arrêté du 6 janvier 2016 de la présidente de la chambre régionale des comptes portant délégation de signature à M. Alain LAIOLO, président de la 5ème section ;

VU l’arrêté du président de la cinquième section de la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes en date du 23 juin 2017, désignant M. Joris MARTIN, conseiller, comme rapporteur pour instruire la charge identifiée dans le réquisitoire susvisé ;

VU la demande d’informations adressée aux parties le 30 juin 2017 ;

VU les observations écrites de M. Emmanuel X... en date du 12 septembre 2017;

VU les observations écrites de M. Gilbert Y..., enregistrées au greffe le 18 juillet 2017 ;

VU le compte produit en qualité de comptable de la commune de Livet et Gavet par M. Emmanuel X... du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014;

VU le rapport n° 2017-0321 de M. Joris MARTIN, conseiller, magistrat instructeur, déposé au greffe de la chambre le 24 octobre 2017 ;

VU les lettres du 31 octobre 2017 informant le comptable concerné et l’ordonnateur de la clôture de l’instruction ;

VU les lettres du 8 novembre 2017 informant les comptables et l’ordonnateur de la date fixée pour l’audience publique et les accusés de réception délivrés le 10 novembre 2017 par M. Emmanuel X... et M. Gilbert Y... ;

Vu les conclusions n° 17-321 du procureur financier en date du 7 novembre 2017 ;

Entendu en audience publique M. Joris MARTIN, conseiller, en son rapport ;

Entendu en audience publique Mme Marie-Odile ALLARD, procureur financier, en ses conclusions ;

En l’absence des comptables concernées et de l’ordonnateur dûment informés de la tenue de l’audience ;

Après avoir délibéré hors la présence du public, du rapporteur et du procureur financier ;

 

 

 

 

 

 

 

En ce qui concerne la présomption de charge unique relative à l’absence de diligences adéquates, complètes et rapides afin de permettre le recouvrement d’un titre de recettes d’un montant de 1 743,50

 

Sur les réquisitions du ministère public,

Attendu que par le réquisitoire n° 31-GP/2017 du 7 juin 2017, le procureur financier près la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes, à la suite d’un arrêté de charges provisoires du directeur du pôle interrégional d’apurement administratif de Toulouse du 27 avril 2017, a saisi la juridiction sur le fondement du § III de l’article L. 242-1 du code des juridictions financières, à fin d’ouverture d’une instance à l’encontre de M. Emmanuel X..., comptable de la commune de Livet et Gavet sur l’exercice 2014 ;

Attendu quen son réquisitoire, le procureur financier relève que le comptable public mis en cause n’aurait pas accompli les diligences adéquates, complètes et rapides afin de recouvrer le titre de recettes n°619/2010 d’un montant de 1 743,50 , pris en charge sur l’exercice 2010, et émis à l’encontre de la commune de Séchilienne ; que ce titre aurait ainsi été touché par la prescription de l’action en recouvrement au cours de l’exercice 2014 ;

Attendu que le procureur financier conclut de ce qui précède que M. Emmanuel X... a pu engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire par l’insuffisance des diligences exercées en vue du recouvrement du titre de recettes susmentionné; qu’il se trouverait ainsi dans le cas prévu par les dispositions de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, et qu’il y a lieu en conséquence d’ouvrir l’instance prévue au § III de l’article L. 242-1 du code des juridictions financières aux fins de déterminer leur responsabilité encourue ;

Sur le titre retenu par le réquisitoire,

Attendu que l’état des restes à recouvrer au 31 décembre 2014 de la commune de Livet et Gavet fait état d’un titre n°619/2010 d’un montant de 1 743,50 € pris en charge le 25 août 2010 ; que ce titre, émis à l’encontre de la commune de Séchilienne, est relatif à la facturation de la fréquentation de la piscine de Livet et Gavet par les écoliers de Séchilienne sur la période de mars à mai 2010 ;

Sur les observations des parties,

Attendu que dans ses observations écrites, M. Emmanuel X... indique que son successeur à la trésorerie de Bourg d’Oisans n’a trouvé aucune trace de mise en demeure concernant ce titre ; qu’aucune procédure de mandatement d’office n’a été manifestement initiée à l’encontre de ce débiteur public ; qu’il précise enfin ne pas avoir gardé de copies des dossiers de redevables de son ancienne affectation ; que si un manquement était retenu à son encontre, ce dernier n’aurait pas causé de préjudice financier à la collectivité conformément aux observations de l’ordonnateur ;

Attendu que dans ses observations écrites, le maire de Livet et Gavet fait valoir que la charge en cause n’a pas causé de préjudice financier à sa collectivité ;

Sur l’interruption de la prescription de l’action en recouvrement,

Attendu que l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales dispose, dans son 3°, que « L'action des comptables publics chargés de recouvrer les créances des régions, des départements, des communes et des établissements publics locaux se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge du titre de recettes. / Le délai de quatre ans mentionné à l'alinéa précédent est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des débiteurs et par tous actes interruptifs de la prescription » ; que le 5° du même article précise que « (…) La mise en demeure de payer interrompt la prescription de l'action en recouvrement (…) » et le 7° que « Les comptables publics compétents chargés du recouvrement de ces titres peuvent procéder par la voie de l'opposition à tiers détenteur lorsque les sommes dues par un redevable au même poste comptable sont supérieures à un montant, fixé par décret en Conseil d'Etat, pour chacune des catégories de tiers détenteur./ Le comptable public chargé du recouvrement notifie cette opposition au redevable en même temps qu'elle est adressée au tiers détenteur » ;

Attendu que pour interrompre la prescription de l’action en recouvrement des comptables publics, les actes de poursuites doivent avoir été notifiés aux débiteurs ; que la preuve de la notification doit être apportée par le comptable ; que la transmission par lettre recommandée avec avis de réception constitue une preuve de la notification à la date de la signature de l’avis de réception ;

 

Sur la responsabilité du comptable,

Attendu qu’aux termes de l’article 60-I modifié de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux différentes personnes morales de droit public (…), du maniement des fonds et des mouvements de comptes de disponibilités, de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu’ils dirigent » ; que « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ; que « leur responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu’un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu’une recette n’a pas été recouvrée, qu’une dépense a été irrégulièrement payée » ;

Attendu qu’il résulte de l’article 18 du décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique que les comptables publics sont seuls chargés du recouvrement des ordres de recouvrer constatés par un titre exécutoire ;

Attendu que l’état des restes à recouvrer fait apparaitre s’agissant du titre litigieux, l’existence d’un commandement avec frais en date du 26 novembre 2010 ; que toutefois aucun élément ne permet prouver la réception de ce commandement par le débiteur du titre ; que même si ce commandement de payer avait interrompu le cours de la prescription, il n’en demeure pas moins que le titre objet du litige a été touché par le cours de le prescription de l’action en recouvrement au cours de l’exercice 2014, soit sous la gestion de M. Emmanuel X... 

Attendu qu’à défaut de diligences adéquates, rapides et complètes de nature à préserver le cours de la prescription quadriennale prévue à l’article L. 1617-5 précité du code général des collectivités territoriales, le recouvrement du titre de recettes retenu par le réquisitoire s’est trouvé définitivement compromis ; qu’en conséquence M. Emmanuel X... a engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire à hauteur de 1 743,50 € sur le fondement de l’article 60 de la loi précitée du 26 février 1963 ;

 

Sur le préjudice financier pour la commune de Livet et Gavet,

Attendu que l’article 60-VI de la loi du 23 février 1963, modifié par la loi n° 20111978 du 28 décembre 2011, dispose que, « lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n'a pas causé de préjudice financier à l'organisme public concerné, le juge des comptes peut l'obliger à s'acquitter d'une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en Conseil d'État en fonction du niveau des garanties mentionnées au II./ Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public, l'organisme public a dû procéder à l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers ou a dû rétribuer un commis d'office pour produire les comptes, le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;

Attendu que lorsqu’un comptable n’a pas exercé dans les délais appropriés toutes les diligences requises pour le recouvrement d’une créance, ce manquement doit en principe être regardé comme ayant causé un préjudice financier à l’organisme concerné ; qu’il ne peut en aller autrement que lorsqu’il résulte des pièces du dossier, et en particulier des éléments produits par le comptable, qu’à la date du manquement, la recette était irrécouvrable en raison notamment de l’insolvabilité de la personne qui en était redevable ;

Attendu qu’en l’espèce, le débiteur du titre litigieux est un débiteur public par nature solvable; que dès lors le manquement du comptable a nécessairement causé un préjudice financier à la commune de Livet et Gavet ;

Attendu qu’il découle de ce qui précède qu’il y a lieu de prononcer un débet à l’encontre de M. Emmanuel X... un débet de 1 743,50 € sur l’exercice 2014, qu’en application des dispositions de l’article 60-IX de la loi précitée du 23 février 1963, ledit débet porte intérêts de droit à compter de la notification du réquisitoire intervenue à la date du 28 juin 2017 ;

 

PAR CES MOTIFS

DECIDE

Article 1 :

M. Emmanuel X... est constitué débiteur envers la commune de Livet et Gavet d’une somme de 1 743,50 € augmentée des intérêts de droit calculés au taux légal à compter de la date du 28 juin 2017 de notification du réquisitoire du procureur financier près la chambre régionale des comptes ;

 

Article 2 :

M. Emmanuel X... ne pourra être déchargé de sa gestion du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 par le directeur du pôle interrégional d’apurement administratif qu’après avoir justifié de l’apurement, en principal et intérêts du débet mis à sa charge.

 

 

 

Fait et jugé par M. Alain LAIOLO, président de section, président de séance ;

Mme Sophie CORVELLEC, première conseillère, Mme Jennifer EL BAZ, conseillère. 

En présence de Mme Brigitte DESVIGNES, greffière de séance.

 

 

 

 

La greffière de séance

Le président de séance

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Brigitte DESVIGNES

Alain LAÏOLO

 

 

 

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis

 

 

En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.

 

 

1/6 – jugement  2017-0053