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Première section

 

Jugement n° 2017-0025 J

 

Audience publique du 11 octobre 2017

 

Prononcé du 14 novembre 2017

Commune de Vitry-sur-Seine (94)

 

Trésorerie de Vitry-sur-Seine

 

Exercice : 2012

 

 

 

République Française

Au nom du peuple français

 

 

La Chambre,

 

 

Vu le réquisitoire 20170173 en date du 12 juillet 2017 par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X, comptable de la commune de Vitry-sur-Seine, au titre de l’exercice 2012, pour des opérations en recettes, notifié le 18 juillet 2017 au comptable concerné ;

Vu le compte rendu en qualité de comptable de la commune de Vitry-sur-Seine par M. X du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2013 ;

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’État, les départements, les communes et les établissements publics ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

Vu le rapport de M. Régis Mircher, premier conseiller, chargé de l’instruction ;

Vu les conclusions du procureur financier ;

Vu les pièces du dossier ;


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Entendu lors de l’audience publique du 11 octobre 2017 M. Régis Mircher, premier conseiller, en son rapport, et M. Alexandre Couturier, procureur financier, présentant les conclusions de M. Luc Héritier, procureur financier dirigeant le ministère public, M. X, informé de l’audience, n’étant ni présent ni représenté ;

Entendu en délibéré M. Nicolas Sachot, conseiller, réviseur, en ses observations ;

Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre de la responsabilité encourue par M. X pour n’avoir pas accompli dans les délais appropriés toutes les diligences requises en vue de recouvrer des titres de recettes dus par des personnes publiques (présomption de charge n° 1) et par une personne privée (présomption de charge n° 2) ;

Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963 susvisé : « […] les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux différentes personnes morales de droit public dotées d'un comptable public, désignées ci-après par le terme d'organismes publics, du maniement des fonds et des mouvements de comptes de disponibilités, de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils dirigent. […] La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors […] qu'une recette n'a pas été recouvrée […] ;

Attendu que, selon l’article 12 du décret du 29 décembre susvisé, dans le poste comptable qu'il dirige, le comptable public est seul chargé de la prise en charge des ordres de recouvrer qui lui sont remis par les ordonnateurs, et de leur recouvrement ; qu’aux termes de l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : « L’action des comptables publics chargés de recouvrer les créances des régions, des départements, des communes et des établissements publics locaux se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge du titre de recette. / Le délai de quatre ans mentionné à l’alinéa précédent est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des débiteurs et par tous actes interruptifs de la prescription » ;

Sur la présomption de charge n° 1 :

Attendu que, lorsque le redevable est une personne publique dotée d’un comptable public, la prescription prévue à l’article L. 1617-5 précité du code général des collectivités territoriales est interrompue par l’un des actes mentionnée à l’article 2 de la loi du 31 décembre 1968 susvisée ; qu’aux termes dudit article : « La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; / Toute émission de moyen de règlement, même si ce règlement ne couvre qu'une partie de la créance ou si le créancier n'a pas été exactement désigné » ;


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Attendu qu’il ressort de l’examen des états de restes à recouvrer du compte 4111 arrêtés respectivement les 2 juin et 17 mai 2016 que M. X a pris en charge deux titres de recettes émis le 24 décembre 2008 à l’encontre, pour le premier (n° 2480), de la commune d’Arcueil (94), d’un montant de 6 051,99 €, et pour le second (n° 2843), de la commune du Diamant (972), d’un montant de 9 634,85 , soit un total de 15 686,84  ;

Attendu que les lettres de relance et les mises en demeure effectuées par le comptable en recouvrement des deux titres susvisés ont été envoyées par lettres simples ; que le comptable n’apporte pas la preuve de leur réception par leurs destinataires respectifs ; que dès lors, il n’est pas acquis qu’elles aient effectivement interrompu le délai de prescription de quatre ans dont disposait le comptable pour recouvrer les sommes dues ;

Attendu que le comptable n’a pas saisi les chambres régionales des comptes territorialement compétentes en vue de faire inscrire ces dépenses au budget des communes d’Arcueil et du Diamant en application de l’article L. 161215 du code général des collectivités territoriales ;

Attendu que, faute de preuve de l’envoi d’un acte interruptif de la prescription dans les délais requis, l’action en recouvrement du comptable doit être regardée comme prescrite à compter du 24 décembre 2012 pour les deux titres, sous la gestion de M. X ;

Attendu que dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le comptable n’a pas exercé dans les délais appropriés toutes les diligences requises pour le recouvrement des créances sur les communes d’Arcueil et du Diamant ; qu’il a ainsi manqué aux obligations mentionnées au I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, et engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;

Attendu que lorsque le comptable a manqué aux obligations qui lui incombent au titre du recouvrement des recettes, faute d’avoir exercé les diligences et les contrôles requis, le manquement du comptable doit, sauf insolvabilité du débiteur à la date du manquement, qui n’est pas alléguée en l’espèce, être regardé comme ayant causé un préjudice financier à l’organisme public concerné ;

Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l’organisme concerné [], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; que par suite, il y a lieu de constituer M. X débiteur de la commune de Vitry-sur-Seine pour la somme de 15 686,84  (charge n° 1 au titre de l’année 2012) ;

Sur la présomption de charge n° 2 :

Attendu qu’il ressort de l’examen de l’état des restes à recouvrer du compte 46726 arrêté au 13 mai 2016 que le comptable a pris en charge le 31 décembre 2003 le titre de recette n° 5666 émis à l’encontre de M. Y pour un montant initial de 6994,39  ; que le montant restant à recouvrer s’élevait, à la date du 13 mai 2016, à 3 103,73 €, dont 204 € de frais ;

Attendu que la dette de M. Y a fait l’objet d’un plan d’étalement ordonné par jugement du tribunal de grande instance de Créteil en date du 1er octobre 2008 sur recommandation de la commission de surendettement des particuliers du Val-de-Marne ; qu’en vertu des recommandations de cette commission, lesquelles ont acquis force exécutoire, les mesures d’étalement devenaient de plein droit caduques quinze jours après une mise en demeure restée infructueuse adressée par le créancier au débiteur d’avoir à exécuter ses obligations ;


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Attendu que le jugement du tribunal de grande instance de Créteil a été notifié au comptable de Vitry-sur-Seine le 17 octobre 2008 ; que le comptable n’a par la suite adressé aucune mise en demeure à M. Y, lequel n’a pas exécuté le jugement ; que dès lors, faute d’avoir interrompu la prescription de l’action en recouvrement, l’inaction du comptable a causé la déchéance de la créance susvisée le 17 octobre 2012 ;

Attendu qu’en l’absence d’actes interruptifs de la prescription, M. X a manqué aux obligations mentionnées au I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée et engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ; que la somme en cause étant, par l’inaction du comptable, devenue définitivement irrécouvrable au 17 octobre 2012, le manquement de M. X doit être regardé comme ayant causé un préjudice financier à la commune de Vitry-sur-Seine ; que, par suite, en application du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi précité, il y a lieu de constituer M. X débiteur de la commune de Vitry-sur-Seine pour la somme de 3 103,73  (charge n° 2 au titre de l’exercice 2012) ;

Sur les intérêts :

Attendu qu’aux termes du VII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; que le réquisitoire a été notifié au comptable le 18 juillet 2017 ;

 

 

Par ces motifs,

 

 

DÉCIDE :

 

Article 1er : M. X est constitué débiteur de la commune de Vitry-sur-Seine pour les sommes de

-          15 686,84 € au titre de la charge n° 1 ;

-          3 103,73 € au titre de la charge n° 2.

Article 2 : Les sommes mises à la charge de M. X porteront intérêt au taux légal à compter du 18 juillet 2017.

Article 3 : La décharge de M. X ne pourra être donnée qu’après apurement des débets fixés ci-dessus.

 

Fait et jugé par M. Alain Stéphan, président de section, président de séance ; M. Hervé Beaudin, premier conseiller, et M. Nicolas Sachot, conseiller.

 

En présence de Mme Lionelle Nivore, greffier de séance.

 

Lu en audience publique, le quatorze novembre deux mille dix-sept.

 

 

 

 

 

Lionelle Nivore

 

 

 

Alain Stéphan

 


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En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

 

En application des articles R. 242-14 à R. 242-16 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-17 à R. 242-19 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-26 du même code.