rapport n° 2016-0430

COMMUNE DE BELLEGARDE-SUR-VALSERINE
(Ain)

jugement n° 2017-0010

Trésorerie de BELLEGARDE-SUR-VALSERINE

audience publique du 7 MARS 2017

code n° 001 002 033

délibéré du 7 MARS 2017

exercice 2014

PRONONCÉ LE : 31 MARS 2017

 

 

République française

 

Au nom du peuple français

 

La chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-ALPES
(Statuant en cinquieme section)

 

Vu le réquisitoire n° 14-GP/2016 à fin d’instruction de charge pris le 19 juillet 2016 par le procureur financier près la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes ;

Vu les courriers de notification du réquisitoire en date du 9 août 2016 adressés à M. Michel X..., comptable concerné, et à M. Régis Y..., maire de la commune de Bellegarde-sur-Valserine, dont ils ont respectivement accusé réception le 10 du même mois ;

VU le code général des collectivités territoriales ;

VU le code des juridictions financières ;

VU l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963, modifiée notamment par l’article 90 de la loi de finances rectificative n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;

VU le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique et le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

VU les lois et règlements relatifs à la comptabilité des communes et des établissements publics locaux ;

VU les arrêtés du 17 décembre 2014, du 16 décembre 2015 et du 14 décembre 2016 de la présidente de la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes relatifs aux attributions, à la composition et aux compétences des sections et des formations de délibéré ;

VU la décision n° 54-D du 3 août 2016 désignant M. Bruno VIETTI, président de section, comme rapporteur pour instruire la charge identifiée dans le réquisitoire susvisé ;

VU les questionnaires adressés le 11 août 2016 au comptable concerné et à l’ordonnateur ;

VU les observations écrites de M. X... enregistrées au greffe de la chambre le 21 septembre 2016 ;

VU les observations écrites du maire de Bellegarde-sur-Valserine enregistrées au greffe de la chambre le 24 octobre 2016 ;

VU le compte de l’exercice 2014 produit en qualité de comptable de la commune de Bellegarde-sur-Valserine par M. X..., du 1er janvier au 31 décembre ;

VU le rapport n° 2016-0430 de M. Bruno VIETTI, président de section, magistrat instructeur, déposé au greffe de la chambre le 23 décembre 2016 ;

VU les lettres du greffe du 28 décembre 2016 informant le comptable concerné et l’ordonnateur de la clôture de l’instruction ;

Vu les conclusions n° 16-430 du procureur financier en date du 31 janvier 2017 ;

VU les lettres du greffe en date du 15 février 2017 informant le comptable concerné et l’ordonnateur de la date fixée pour l’audience publique, dont ils ont respectivement accusé réception le 17 du même mois ;

Entendu en audience publique M. Bruno VIETTI, président de section, en son rapport ;

Entendu en audience publique M. Denis LARRIBAU, procureur financier, en ses conclusions ;

En l’absence du comptable concerné et de l’ordonnateur dûment informés de la tenue de l’audience ;

Après avoir délibéré hors la présence du public, du rapporteur et du procureur financier ;

En ce qui concerne la charge unique relative au paiement d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS) en l’absence de délibération fixant la liste des emplois susceptibles d’effectuer des heures supplémentaires pour un montant total de 4 4562,94

Sur les réquisitions du ministère public,

Attendu que par le réquisitoire n° 14-GP/2016 du 19 juillet 2016, le procureur financier près la chambre régionale des comptes d’Auvergne, Rhône-Alpes a saisi la juridiction sur le fondement du § III de l’article L. 242-1 du code des juridictions financières, à fin d’ouverture d’une instance à l’encontre de M. Michel X... au titre de sa gestion comptable de l’exercice 2014 de la commune de Bellegarde-sur-Valserine ;

Attendu qu’en son réquisitoire, le procureur financier relève que le comptable public mis en cause a payé au cours de l’exercice 2014 des indemnités horaires pour travaux supplémentaires au profit d’agents titulaires et non titulaires de la commune sans disposer des pièces justificatives prévues par la liste des pièces justificatives des dépenses publiques locales annexée à l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales dont notamment une délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires ;

 

Attendu que le procureur conclut de ce qui précède qu’en l’absence des pièces justificatives devant être jointes à l’appui des mandats de paiement  en application de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, M. Michel X... paraît avoir engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ; qu’il se trouverait ainsi dans le cas déterminé par les dispositions de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 et qu’il y a lieu, en conséquence, d’ouvrir l’instance prévue au § III de l’article L. 242-1 du code des juridictions financières aux fins de déterminer la responsabilité encourue ;

Sur les observations des parties,

Attendu que, dans ses observations reçues à la chambre le 21 septembre 2016, M. Michel X... a indiqué que les contrôles qu’il opérait sur le paiement des indemnités horaires pour travaux supplémentaires ne portaient que sur la bonne liquidation du montant de ces indemnités plutôt que sur la possibilité ou non de les verser aux agents concernés, l’ordonnateur attestant du service fait et admet que la formalisation des contrôles n’était pas complètement assurée ;

Attendu que, dans ses observations reçues à la chambre le 24 octobre 2016, le maire de Bellegarde-sur-Valserine a indiqué que c’était à tort que la commune n’avait pas réactualisé les modalités de fonctionnement du régime des indemnités horaires pour travaux supplémentaires et n’avait pas fixé la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires ;

Sur la responsabilité du comptable,

Attendu qu'aux termes de l'article 60-1 modifié de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux différentes personnes morales de droit public (…), du maniement des fonds et des mouvements de comptes de disponibilités, de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité » ; que « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ; que leur « responsabilité personnelle et pécuniaire prévue (ci-dessus) se trouve engagée dès lors qu’un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu’une recette n’a pas été recouvrée, qu’une dépense a été irrégulièrement payée » ;

Attendu qu'il résulte de l'article 18 du décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique que les comptables publics sont seuls chargés du paiement des dépenses soit sur ordres émanant des ordonnateurs accrédités, soit au vu des titres présentés par les créanciers ; que l'article 19 du même texte dispose qu'en matière de dépenses, les comptables sont tenus d'exercer le contrôle de la qualité de l’ordonnateur ou de son délégué, de la disponibilité des crédits, de l’exacte imputation des dépenses aux chapitres qu’elles concernent selon leur nature ou leur objet, de la validité de la créance dans les conditions prévues à l’article 20 du décret et du caractère libératoire du règlement ; que le contrôle de la validité de la créance, tel que défini à l’article 20, porte sur la justification du service fait et l’exactitude des calculs de liquidation, l’intervention préalable des contrôles prescrits par la réglementation, … la production des pièces justificatives et enfin, l’application des règles de prescription et de déchéance ; qu’en application des dispositions de l’article 17 de ce décret, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des actes et contrôles qui leur incombent en application des articles 18, 19, 20 dudit décret, dans les conditions fixées par l’article 60 de la loi du 23 février 1963 ;

Attendu qu’il résulte de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, qu’avant de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I du présent code ; que, pour ce qui concerne les indemnités horaires pour travaux supplémentaires, la rubrique 210224 de la liste des pièces justificatives des dépenses publiques locales annexée à l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales prévoit, en son premier point, la production d’une « délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effectives d’heures supplémentaires » ;

Attendu que les délibérations prises par le conseil municipal de Bellegarde-sur-Valserine déterminant le régime indemnitaire des agents de la commune ne peuvent être regardées comme étant suffisamment précises au regard de la nomenclature des pièces justificatives à défaut de fixer la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires ; qu’en effet, la référence à des catégories de fonctionnaires ou à des niveaux d’indice brut n’équivaut pas à une liste d’emplois ; que la dernière délibération produite par le comptable en date du 21 novembre 2011 ne répond également pas aux exigences de la nomenclature des pièces justificatives ;

Attendu que M. Michel X... a payé des indemnités horaires pour travaux supplémentaires sur l’exercice 2014 par les mandats collectifs de paye n°225 (bordereau n°28) du 17 janvier 2014, n°746 (bordereau n°137) du 19 février 2014, n°1136 (bordereau n°215) du 18 mars 2014, n°1771 (bordereau n°337) du 17 avril 2014, n°2135 (bordereau n°411) du 19 mai 2014, n°2521 (bordereau n°500) du 13 juin 2014, n°2888 (bordereau n°583) du 15 juillet 2014, n°3325 (bordereau n°660) du 14 août 2014, n°3838 (bordereau n°766) du 17 septembre 2014, n°4236 (bordereau n°859) du 16 octobre 2014, n°4562 (bordereau n°922) du 14 novembre 2014, n°5116 (bordereau n°992) du 10 décembre 2014, comprenant le paiement à des agents communaux titulaires ou contractuels de catégorie A, d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires institués par le décret n°2002-60 du 14 janvier 2002, pour un montant total de 3 188,84  ;

Attendu qu’en procédant à ces paiements litigieux en l’absence d’une délibération répondant aux exigences de la nomenclature des pièces justificatives, M. Michel X... a manqué à ses obligations de contrôle de la validité de la créance telle que définies par l’article 20 du décret relatif à la gestion budgétaire et comptable publique précité ; que sa responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve ainsi engagée à hauteur de 3 188,84 ;

Sur le préjudice financier pour la commune,

Attendu que l’article 60-VI de la loi du 23 février 1963, modifié par la loi n° 20111978 du 28 décembre 2011, dispose que, « lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n'a pas causé de préjudice financier à l'organisme public concerné, le juge des comptes peut l'obliger à s'acquitter d'une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en Conseil d'État en fonction du niveau des garanties mentionnées au II./ Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public, l'organisme public a dû procéder à l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers ou a dû rétribuer un commis d'office pour produire les comptes, le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;

 

 

Attendu que les paiements d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires en l’absence d’une délibération répondant aux exigences de la nomenclature des pièces justificatives revêtent un caractère, non seulement irrégulier, mais également indu ; qu’en effet, une telle délibération est une pièce justificative nécessaire pour considérer que les droits au paiement étaient ouverts par l’autorité compétente ;

Attendu qu’il en résulte que les dépenses ainsi payées, du fait du manquement du comptable à ses obligations de contrôle de la validité de la dette, ont causé un préjudice financier à la commune de Bellegarde-sur-Valserine ; qu’il y a lieu, en conséquence, de prononcer un débet à l’encontre de M. Michel X..., et de mettre à sa charge une somme de 3 188,84 € de même montant que les dépenses irrégulièrement payées ; qu’en application des dispositions de l’article 60-IX de la loi précitée du 23 février 1963, ledit débet de 3 188,84 € porte intérêts de droit à compter de la notification du réquisitoire intervenue à la date du 10 août 2016 ;

En ce qui concerne le respect du plan de contrôle hiérarchisé de la dépense,

Attendu que le comptable mis en cause a joint à sa réponse une copie du plan de contrôle hiérarchisé de la dépense de l’exercice 2014, progressivement mis en place à partir du mois de septembre 2014 ;

Attendu que selon ce plan, le comptable devait effectuer le contrôle de l’ensemble des éléments de la paye pour au moins dix agents de la commune, dont les indemnités horaires pour travaux supplémentaires ; qu’il n’apparaît pas qu’un contrôle ait été opéré sur les agents ayant bénéficié du paiement d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires ; que dès lors, le plan de contrôle hiérarchisé n’a pas été respecté ;

Attendu que cette circonstance fait obstacle à la remise gracieuse totale du débet ;

 

PAR CES MOTIFS

DECIDE

 

Article 1 :

M. Michel X... est constitué débiteur envers la commune de Bellegarde-sur-Valserine d’une somme de 3 188,84 €, augmentée des intérêts de droit calculés au taux légal à compter de la date du 10 août 2016 de notification du réquisitoire du procureur financier près la chambre régionale des comptes ;

 

Article 2 :

M. Michel X... ne pourra être déchargé de sa gestion du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 qu’après avoir justifié, de l’apurement, en principal et intérêts, du débet prononcé à son encontre.

 

 

 

Fait et délibéré en la chambre régionale des comptes d’Auvergne-RhôneAlpes, cinquième section, le sept mars deux mille dix-sept.

Présents : M. Alain LAÏOLO, président de section, président de séance ;

 Mme Sophie CORVELLEC, premier conseiller ;

 M. Nicolas BILLEBAUD, conseiller.

 

 

 

 

la greffière

le président de séance

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Corinne VITALE-BOVET

Alain LAÏOLO

 

 

 

La République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

 

 

 

 

 

Voies et délais de recours :

 

Article R. 242-14 du code des juridictions financières : « Les jugements et ordonnances rendus par les chambres régionales des comptes peuvent être attaqués dans leurs dispositions définitives par la voie de l'appel devant la Cour des comptes ».             
Article R. 242-17 du code des juridictions financières : « La requête en appel, signée par l'intéressé, doit être déposée ou adressée par lettre recommandée au greffe de la chambre régionale des comptes.             
La requête doit contenir, à peine de nullité, l'exposé des faits et moyens, ainsi que les conclusions du requérant. Elle doit être accompagnée des documents sur lesquels elle s'appuie et d'une copie du jugement ou de l’ordonnance attaqué ».             
Article R. 242-18 du code des juridictions financières : « L'appel doit être formé dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement ou de l’ordonnance (…) ».

La requête en appel ou la demande de révision éventuelle doivent, sous peine d’irrecevabilité ou de rejet d’office, justifier de l’acquittement de la contribution pour l’aide juridique, prévue à l’article 1635 bis Q du code général des impôts, dont l’application relève, pour les juridictions financières, de l’article 18 du décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011 relatif au droit affecté au fonds d’indemnisation de la profession d’avoué près les cours d’appel et à la contribution pour l’aide juridique.

1/6 – jugement n° 2017-0010