Chambre plénière                                COMMUNE DE TALMONT-SAINT-HILAIRE

 

Jugement 2017-010

 

Audience publique du 8 juin 2017                 

 

Prononcé du 29 juin 2017

(Vendée)

 

Trésorerie Côte de Lumière

 

 

Exercices : 2013 et 2014

 

 

 

 

 

République Française

Au nom du peuple français

 

La Chambre,

 

 

 

Vu le réquisitoire en date du 5 octobre 2016, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X…, comptable de la commune de Talmont-Saint-Hilaire au titre d’opérations relatives aux exercices 2013 et 2014, notifié le 14 octobre 2016 au comptable concerné ;

 

Vu les comptes rendus en qualité de comptable de la commune de Talmont-Saint-Hilaire, par M. X…, du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, ensemble les comptes annexes ;

 

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

Vu le rapport de Mme Sandrine TAUPIN, première conseillère, magistrate chargée de l’instruction ;

Vu les conclusions du procureur financier ;

Vu les pièces du dossier et, notamment, la réponse du comptable en date du 23 février 2017 ;

 

 

2 / 6

Entendu lors de l’audience publique du 8 juin 2017 Mme Sandrine TAUPIN, première conseillère, en son rapport, M. Sébastien HEINTZ, procureur financier, en ses conclusions ;

Entendu en délibéré, M. Michel SOISSONG, Président de section-réviseur, en ses observations ;

 

 

 

Sur la présomption de charge unique, soulevée à l’encontre de M. X..., au titre des exercices 2013 et 2014 :

 

Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes des Pays de la Loire de la responsabilité encourue par M. X… à raison du paiement de la rémunération de M. Y, agent de la commune de Talmont-Saint-Hilaire, du 1er novembre 2013 au 31 mars 2014, pour un montant total de 28 475,37 , alors qu’il ne disposait pas des pièces prévues pour ce type de dépense par la nomenclature des pièces justificatives des dépenses des collectivités territoriales et des établissements publics locaux figurant en annexe du code général des collectivités territoriales (CGCT) et visée par son article D. 1617-19 ;

 

Attendu qu’en application de l'article 17 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des actes et contrôles qui leur incombent ; qu’en application des articles 19 et 20 du même décret, les comptables sont tenus d’exercer le contrôle de la validité de la dette, en veillant, en particulier, à la production des justifications ; qu’en application de l'article 50 du même décret, les opérations doivent être justifiées par des pièces dont la liste, pour les collectivités territoriales, est fixée par décret ; qu'en application de l'article 38 du même décret, lorsque le comptable public a constaté des irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de l'ordonnateur, il doit suspendre les paiements ;

 

Attendu que l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales modifié dispose que « Avant de procéder au paiement d’une dépense ne faisant pas l’objet d’un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales (…) ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l’annexe I du présent code », qu’en application de l’annexe I dudit article, il est demandé, pour les dépenses de personnel ultérieures à la première nomination de l’agent, « 3. Décision de l’autorité territoriale investie du pouvoir de nomination, portant modification de la situation administrative de l’intéressé entraînant une modification de sa rémunération avec indication de la date d’effet » ;

 

Attendu que par arrêté en date du 25 octobre 2012, la commune a mis fin au détachement de M. Y…, sur l’emploi fonctionnel de directeur général des services, à compter du 1er novembre 2012, l’a réintégré dans son cadre d’emplois d’origine et l’a maintenu en surnombre, pour une période maximale d’un an, en application des dispositions relatives aux conditions de cessation de fonction sur emploi fonctionnel prévues aux articles 53, 97, 97 bis de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

 

Attendu qu’en conséquence, l’arrêté du maire permettait au comptable de prendre en charge la rémunération de M. Y…, à compter du 1er novembre 2012, et pour une période maximale d’un an, soit, au plus tard, le 31 octobre 2013, et qu’à compter du 1er novembre 2013, l’agent ne pouvait plus être rémunéré par la collectivité sans nouvelle décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination ;

 

 

 

 

 

 

3 / 6

 

Attendu que M. Ya continué à être rémunéré par la commune au-delà du 31 octobre 2013, et jusqu’au 31 mars 2014, par les mandats suivants ;

 

Mois

Mandat n°

Total employeur - Bulletins de salaire

Mois

Mandat n°

Total employeur - Bulletins de salaire

Novembre 2013

3543

5 665,09 €

Janvier 2014

179

5 715,06 €

Décembre 2013

3781

5 665,09 €

Février 2014

505

5 715,06 €

Total 2013

11 330,18 €

Mars 2014

806

5 715,06 €

 

 

Total 2014

17 145,18 €

 

 

Attendu que M. Y a été admis à faire valoir ses droits à la retraite le 1er avril 2014 ;

 

Attendu que le comptable a répondu le 2 mai 2016, lors de l’instruction du contrôle des comptes et de la gestion de la commune : « Je ne suis malheureusement pas en mesure d’apporter un complément de pièce justifiant le maintien de M. Y… à compter du 1er novembre 2013. J’ai pris contact avec la collectivité, qui confirme avoir oublié de prendre un arrêté » ;

 

Attendu que ladite instruction a confirmé que l’autorité territoriale investie du pouvoir de nomination n’avait pas pris de décision portant modification de la situation administrative de l’intéressé entraînant une modification de sa rémunération ;

 

Attendu que, dans sa réponse précitée du 23 février 2017, le comptable n’a fait valoir aucun élément concernant la présomption de manquement ;

Attendu qu’il est ainsi constant que M. X... ne disposait, au moment du paiement de la rémunération de M. Y… pour les mois de novembre 2013, décembre 2013, janvier 2014, février 2014 et mars 2014, d’aucune pièce justificative ;

 

Attendu qu’à défaut de pièce justificative suffisante, le comptable n’était pas en mesure d’effectuer le contrôle de la validité de la dette auquel il était tenu ;

 

Attendu qu’aux termes des dispositions du I de l’article 60 de la loi n° 63156 du 23 février 1963 modifiée « (…) les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables (…) du paiement des dépenses (...) ». « La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue cidessus se trouve engagée dès lors (…) qu’une dépense a été irrégulièrement payée » ;

 

Attendu que les paiements recensés au titre de la présomption de manquement ont été effectués alors que M. X... ne disposait pas des pièces justificatives exigées par l’annexe I du CGCT visée à son article D. 1617-19 ; qu’en s’abstenant de suspendre les paiements, le comptable a manqué à ses obligations et engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire à hauteur de la somme de 11 330,18 € au titre de l’exercice 2013 et à hauteur de la somme de 17 145,18 € au titre de l’exercice 2014 ;

 

Attendu qu’aux termes du VI de l’article 60 de la loi  63-156 précitée, « La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue au I est mise en jeu par le ministre dont relève le comptable, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes dans les conditions qui suivent » ; que « Lorsque le manquement du comptable […] n'a pas causé de préjudice financier à l'organisme public concerné, le juge des comptes peut l'obliger à s'acquitter d'une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce (…). Lorsque le manquement du comptable (…) a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné (…), le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;

 

 

 

 

 

 

4 / 6

 

Attendu que, dans sa réponse précitée du 23 février 2017, le comptable n’a fait valoir aucun élément concernant le préjudice financier ;

 

Attendu qu’il résulte de la jurisprudence que le caractère indu de paiements par un comptable public sans justification emporte l’existence d’un préjudice financier à l’organisme public concerné ;

 

Attendu que le comptable en cause a effectué les paiements litigieux sans aucune pièce justificative, que par suite, le manquement du comptable a causé un préjudice financier à la commune de Talmont-Saint-Hilaire ;

 

Attendu qu’il n’est établi, ni même allégué par le comptable, aucune circonstance constitutive de la force majeure, au sens du premier alinéa du V de l’article 60 de la loi n° 63-156 précitée ;

 

Attendu qu’il y a ainsi lieu de constituer M. X... débiteur de la commune de TalmontSaintHilaire à hauteur de la somme de 11 330,18 € au titre de l’exercice 2013 et à hauteur de la somme de 17 145,18 € au titre de l’exercice 2014 ;

 

Attendu qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics », qu’en l’espèce, cette date est le 14 octobre 2016, date de réception du réquisitoire par M. X... ;

 

Attendu qu’en application du IX de l’article 60 de la loi  63-156 susvisée, les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu, peuvent obtenir du ministre chargé du budget une remise gracieuse, qui peut être totale, en cas de respect des règles de contrôle sélectif des dépenses ;

 

Attendu qu’en application de l’article 4 de l’arrêté du 25 juillet 2013 portant application de l’article 42 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique et encadrant le contrôle sélectif de la dépense modifié « Le comptable assignataire détermine la durée d'application du plan de contrôle hiérarchisé. Cette durée, qui peut être pluriannuelle, doit être mentionnée dans le plan de contrôle » ;

 

Attendu que pour le respect du contrôle sélectif des dépenses, le comptable a produit un plan de contrôle, signé par le comptable supérieur le 17 juin 2010 et portant la mention « exercice 2010 » ; qu’aucun élément figurant dans ce document n’indique une éventuelle validité pluriannuelle de ce plan, en particulier pour les exercices 2013 et 2014 en cause ; que dès lors, les dépenses litigieuses ne relevaient pas d’un plan de contrôle valide au moment du paiement ;

 

Attendu, dans ces circonstances, que le comptable ne pourra prétendre à une remise gracieuse intégrale des débets, et que la somme laissée à sa charge sera au moins égale à 3  du montant du cautionnement du poste comptable, conformément au IX de l’article 60 de la loi  63-156 précitée ; soit, en l’espèce 531  par exercice, soit 1 062 € au total ;

 

Par ces motifs,

 

DÉCIDE :

 

 

Article 1er : En ce qui concerne M. X..., au titre de l’exercice 2013, présomption de charge unique ;

 

M. X... est constitué débiteur de la commune de Talmont-Saint-Hilaire pour la somme de onze mille trois cent trente euros et dix-huit centimes (11 330,18 €), augmentée des intérêts de droit à compter du 14 octobre 2016.

 

5 / 6

 

 

Les paiements n’entraient pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif et devaient, par conséquent, faire l’objet d’un contrôle exhaustif. L’éventuelle remise gracieuse du ministre ne pourra ainsi être totale et la somme laissée à charge de M. X... ne pourra être inférieure à cinq cent trente-et-un euros (531 €) pour 2013.

 

Article 2 : En ce qui concerne M. X..., au titre de l’exercice 2014, présomption de charge unique ;

 

M. X... est constitué débiteur de la commune de Talmont-Saint-Hilaire pour la somme de dix-sept mille cent quarante-cinq euros et dix-huit centimes (17 145,18 €), augmentée des intérêts de droit à compter du 14 octobre 2016.

 

Les paiements n’entraient pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif et devaient, par conséquent, faire l’objet d’un contrôle exhaustif. L’éventuelle remise gracieuse du ministre ne pourra ainsi être totale et la somme laissée à charge de M. X... ne pourra être inférieure à cinq cent trente-et-un euros (531 €) pour 2014.

 

Article 3 : La décharge de M. X... pour les exercices 2013 et 2014 ne pourra être donnée qu’après apurement des débets, fixés ci-dessus.

 

 

 

Fait et jugé par M. Michel SOISSONG, Président de section, président de séance ; M. Bertrand SCHNEIDER, Mme Laure GERARD, premiers conseillers ;

 

 

 

En présence de Mme Sylvie BAYON, greffière de séance.

 

 

 

 

Sylvie BAYON

 

 

 

 

 

greffière de séance

 

Michel SOISSONG

 

 

 

 

 

président de séance

 

 


 

5 / 6

 

 

Les paiements n’entraient pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif et devaient, par conséquent, faire l’objet d’un contrôle exhaustif. L’éventuelle remise gracieuse du ministre ne pourra ainsi être totale et la somme laissée à charge de M. X... ne pourra être inférieure à cinq cent trente-et-un euros (531 €) pour 2013.

 

Article 2 : En ce qui concerne M. X..., au titre de l’exercice 2014, présomption de charge unique ;

 

M. X... est constitué débiteur de la commune de Talmont-Saint-Hilaire pour la somme de dix-sept mille cent quarante-cinq euros et dix-huit centimes (17 145,18 €), augmentée des intérêts de droit à compter du 14 octobre 2016.

 

Les paiements n’entraient pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif et devaient, par conséquent, faire l’objet d’un contrôle exhaustif. L’éventuelle remise gracieuse du ministre ne pourra ainsi être totale et la somme laissée à charge de M. X... ne pourra être inférieure à cinq cent trente-et-un euros (531 €) pour 2014.

 

Article 3 : La décharge de M. X... pour les exercices 2013 et 2014 ne pourra être donnée qu’après apurement des débets, fixés ci-dessus.

 

 

Fait et jugé par M. Michel SOISSONG, Président de section, président de séance ; M. Bertrand SCHNEIDER, Mme Laure GERARD, premiers conseillers ;

 

En présence de Mme Sylvie BAYON, greffière de séance.

 

Signé :               Sylvie BAYON, greffière de séance

                          Michel SOISSONG, président de séance

 

 

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

 

 

 

Ampliation certifiée conforme à l’original

 

 

 

Christophe GUILBAUD

secrétaire général

 

 

En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.