Sections réunies

Jugement  2017-0014

Audience publique du 27 avril 2017

Prononcé du 11 mai 2017

COMMUNE D’ORRY-LA-VILLE (Oise)

Poste comptable : CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES DE SENLIS MUNICIPALE

Exercice 2013

République Française

Au nom du peuple français

La chambre,

Vu l’arrêté de charge provisoire du 20 septembre 2016 pris par le responsable du pôle interrégional d’apurement administratif de Rennes à l’encontre de M. Michel X, pour sa gestion au titre de l’année 2013, concernant les comptes de la commune d’Orry-la-Ville, enregistré à la chambre le 30 septembre 2016 ;

Vu le réquisitoire en date du 5 décembre 2016, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. Michel X, comptable de la commune d’Orry-la-Ville au titre d’opérations relatives à l’exercice 2013, notifié le 19 décembre 2016 au comptable concerné ;

Vu le compte rendu en qualité de comptable de la commune d’Orry-la-Ville, par
M. Michel X, pour l’exercice 2013 ;

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique alors en vigueur et le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

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Vu le rapport de Mme Virginie Haldric, première conseillère, magistrate chargée de l’instruction ;

Vu les conclusions du procureur financier ;

Vu les pièces du dossier ; 

Entendu lors de l’audience publique du 27 avril 2017 Mme Virginie Haldric, en son rapport, et
M. Philippe Jamin, en ses conclusions ;

Sur la présomption de charge unique, soulevée à l’encontre de M. Michel X, au titre de l’exercice 2013 :

Sur l’existence d’un manquement :

Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes Hauts-de-France de la responsabilité encourue par M. X à raison du paiement de dépenses dont la liste est annexée au présent jugement, pour un montant total de 21 107,62 €, au motif que le service fait n’était pas justifié, les mandats de paiement et bordereaux récapitulatifs correspondants ne comportant aucun visa de l’ordonnateur ou d’une personne régulièrement habilitée ;

Attendu que le comptable fait valoir, en défense, que les deux bordereaux de mandats non signés par l’ordonnateur qu’il a pris en charge (n° 30 du 22/02/2013 pour un montant de 17 708,13 € et n° 135 du 26/07/2013 pour un montant de 3 399,49 €) ont été suivis de bordereaux (s 31 et 136), signés par l’ordonnateur, qui reprenaient le total des bordereaux précédents et qu’indirectement, ceci constituait une attestation du service fait des dépenses figurant sur les bordereaux de mandats s 30 et 135 ; que le total général des bordereaux de mandats de 2013 est repris dans le tableau de résultats du compte de gestion 2013 qui a fait l’objet d’une délibération du conseil municipal le validant, en cohérence avec les résultats du compte administratif 2013 ;

Attendu que, conformément aux conclusions du procureur financier, et en réponse aux arguments avancés par le comptable, la signature de l’ordonnateur ne peut valoir que pour un bordereau donné et les dépenses afférentes, et non pour les dépenses antérieures ; que le report des montants litigieux sur des bordereaux postérieurs ne saurait constituer une certification indirecte du montant des bordereaux non signés ; qu’aux termes de la loi et selon une jurisprudence constante, le manquement du comptable en dépenses s’apprécie au jour du paiement et qu’une régularisation a posteriori n’est pas recevable ; qu’enfin, la concordance des résultats entre le compte de gestion et le compte administratif ne signifie pas que les dépenses sont régulières, au sens des dispositions du décret n° 2012-1246 précité ;

Attendu quil incombe aux comptables, en application des articles 19 et 20 du
décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, notamment s’agissant des ordres de payer, d’exercer le contrôle « [] de la validité de la dette dans les conditions prévues à l’article 20 » ; que l’article 20 du même décret précise que « le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : 1° La justification du service fait ; […] » ;

Attendu que l’article D. 1617-23 du code général des collectivités territoriales dispose dans son alinéa 2 que « la signature manuscrite ou électronique, conformément aux modalités fixées par arrêté du ministre en charge du budget, du bordereau récapitulant les mandats de dépense emporte certification du service fait des dépenses concernées et attestation du caractère exécutoire des pièces justifiant les dépenses concernées » ;

Attendu que M. Michel X a procédé, pour un montant total de 21 107,62 €, au paiement de mandats dont les bordereaux récapitulatifs n’étaient pas signés ; que, dès lors, l’absence de signature de l’ordonnateur sur les bordereaux repris au réquisitoire emporte absence de justification du service fait pour les dépenses précitées, pour un montant total de 21 107,62  ;

Attendu que ces irrégularités auraient dû conduire M. Michel X à suspendre le paiement des mandats considérés et à en informer l’ordonnateur, conformément aux dispositions de l’article 38 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ; que, dès lors, en procédant au paiement de dépenses dont le service fait n’était pas justifié, M. Michel X a manqué à ses obligations de contrôle de validité de la dette, dans les conditions reprises aux articles 19 et 20 du décret précité ;

Sur l’existence d’un préjudice financier :

Attendu que le comptable n’apporte aucun élément permettant de considérer que les dépenses étaient dues et que leur paiement n’a causé aucun préjudice financier à la commune
d’Orry-la-Ville ;

Attendu que le préjudice financier résulte du paiement d’une dépense indue, d’une perte provoquée par une opération de décaissement ou de non-recouvrement d’une recette, donnant lieu à une constatation dans la comptabilité de l’organisme et se traduisant par un appauvrissement patrimonial de la personne publique ; qu’en l’espèce, en l’absence de justification du service fait, la réalité de la dette et le droit aux paiements correspondants n’étaient pas établis ; qu’en conséquence, ces dépenses étaient indues ;

Attendu qu’il s’ensuit que le manquement du comptable et le paiement de dépenses dont le service fait n’était pas justifié ont causé un préjudice financier à la commune d’Orry-la-Ville, au sens des dispositions du troisième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du
23 février 1963 susvisée ;

Attendu qu’aux termes du même article, « Lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’ainsi, il y a lieu de constituer M. Michel X débiteur de la commune d’Orry-la-Ville pour la somme de 21 107,62  ;

Attendu qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 19 décembre 2016, date de réception du réquisitoire par M. Michel X ;

Sur le respect des règles du contrôle sélectif de la dépense :

Attendu que le IX de l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée dispose que « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l'appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l'obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ;

Attendu que M. Michel X n’a pas pu produire un plan de contrôle des dépenses validé par la direction départementale des finances publiques de l’Oise, au titre de l’exercice 2013 ; que rien n’atteste que le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense daté du 14 octobre 2010, produit par l’intéressé, prévoyant en tout état de cause un contrôle exhaustif des dépenses de la commune, était valide au titre des dépenses de l’exercice 2013 ; que, dès lors, les mandats de paiement concernés devaient faire l’objet d’un contrôle exhaustif ;

Par ces motifs,

DÉCIDE :

Article unique :  En ce qui concerne M. Michel X au titre de l’exercice 2013, présomption de charge unique

 M. Michel X est constitué débiteur de la commune d’Orry-la-Ville pour la somme 21 107,62 , augmentée des intérêts de droit à compter du
19 décembre 2016.

Fait et jugé par M. Philippe Sire, président de séance, MM. Jean-Bernard Mattret et
Guillaume Vandenberghe, premiers conseillers.

En présence de M. Bernard Chabé, greffier de séance.

 Bernard Chabé  Philippe Sire

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

 

 

 

 

En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article
R. 242-29 du même code.

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ANNEXE

Bordereaux de mandats non signés – exercice 2013

Bordereau n° 30 émis le 22 février 2013

N° mandat

Compte

Montant

237

60632

42,75 

238

6064

92,12 

239

611

1474,37 

240

611

2 124,99 

241

611

13 046,29 

242

6156

123,51 

243

6156

123,51 

244

6156

123,51 

245

6226

500,00 

246

6262

37,08 

247

6532

20,00 

Total

17 708,13 

 

Bordereau n° 135 émis le 26 juillet 2013

N° mandat

Compte

Montant

865

60632

65,60 

866

61522

643,83 

867

6232

224,25 

868

6232

2 000,00 

869

6232

146,87 

870

6262

37,08 

871

6262

61,95 

872

6262

98,45 

873

6262

53,17 

874

6262

68,29 

Total

3 399,49 

Total général

21 107,62 

 

JU-2017-0014Commune d’Orry-la-Ville 1/5