rapport n° 2017-0308

Commune de Chambéry (Savoie)

jugement n° 2017-0054

Trésorerie de Chambéry municipale

audience publique du 12 décembre 2017

code n° 073 010 065

délibéré du 12 décembre 2017

exercices 2012 et 2013

Prononcé le 21 decembre 2017

 

 

 

 

République française

 

Au nom du peuple français

 

La chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-ALPES
(Statuant en sections réunies)

 

Vu le réquisitoire en date du 9 mai 2017, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. Roland X... et de M. Michel Y..., comptables de la commune de Chambéry au titre d’opérations relatives aux exercices 2012 et 2013, notifié les 22 et 26 juin 2017 aux comptables concernés ;

VU les comptes rendus en qualité de comptables de la commune de Chambéry par M. Roland X... du 1er janvier 2012 au 1er septembre 2013 et par M. Michel Y... du 2 septembre 2013 au 31 décembre 2013 ;

VU l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

VU le code des juridictions financières ;

VU le code général des collectivités territoriales ;

VU le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique et le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

VU les observations écrites présentées par M. Roland X..., enregistrées au greffe le 17 août 2017, ainsi que les observations complémentaires, transmises après clôture de l’instruction et enregistrées au greffe le 9 novembre 2017 ;

VU les observations écrites présentées par M. Michel Y..., enregistrées sur le site de partage de fichiers des juridictions financières le 4 octobre 2017, ainsi que les observations complémentaires transmises après clôture de l’instruction et enregistrées au greffe le 31 octobre 2017 ;

VU les observations écrites présentées par M. Michel Z..., maire de Chambéry, transmises après clôture de l’instruction et enregistrées au greffe le 11 décembre 2017 ;

VU le rapport de M. Michel BON, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;

Vu les conclusions du Procureur financier ;

Vu les pièces du dossier ;

Entendu lors de l’audience publique du 12 décembre 2017, M. Michel BON, premier conseiller, en son rapport, Mme Marie-Odile ALLARD, procureur financier, en ses conclusions ;

Entendu en délibéré M. Alain LAïolo, président de section, réviseur, en ses observations ;

Après avoir délibéré hors la présence du public, du rapporteur et du procureur financier ;

 

Sur la présomption de charge n° 1, soulevée à l’encontre de M. Michel Y... au titre de l’exercice 2013

Sur les réquisitions du ministère public,

Attendu qu’en son réquisitoire, le procureur financier relève que le comptable M. Michel Y... aurait procédé, en date du 24 décembre 2013, au paiement du bordereau de mandats n° 770 en l’absence de signature de l’ordonnateur et pour un montant de 14 158,57 € ; qu’en conséquence, il lui apparaît que le comptable n’aurait pas contrôlé la qualité de l’ordonnateur et que le service fait n’aurait pas été attesté ;

Attendu que le représentant du ministère public considère que la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. Michel Y... a pu être engagée sur sa gestion au cours de l’exercice 2013 pour un total de 14 158,57 € pour le paiement du bordereau de mandats n° 770 et qu’il se trouverait ainsi dans le cas prévu par les dispositions de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 ; qu’il y a lieu en conséquence d’ouvrir l’instance prévue au III de l’article L. 242-1 du code des juridictions financières aux fins de déterminer les responsabilités encourues ;

 

Sur les observations des parties,

Attendu que, dans sa réponse du 3 octobre 2017, M. Michel Y... reconnait qu’aucun des trois exemplaires du bordereau de mandats n° 770 n'était signé par l'ordonnateur ; qu’il précise toutefois que, par certificat administratif joint à sa réponse, le maire de Chambéry atteste du service fait pour l'ensemble des mandats du bordereau ;

 

Sur la charge présumée,

Attendu que la présomption de charge formulée au réquisitoire est fondée sur le paiement des dépenses répertoriées sur le bordereau de mandats n° 770, transmis au comptable le 18 décembre 2013 sans avoir été signé par le maire de Chambéry ou par une personne ayant reçu délégation ; que le bordereau de mandats en question produit à l’appui du réquisitoire, récapitule cinquante et un mandats pour un montant total de 56 236,82 € ; que la présomption de charge telle que formulée au réquisitoire doit ainsi être étendue à la prise en charge de l’ensemble des mandats répertoriés sur ledit bordereau n° 770, et que le montant en cause doit alors être réévaluée à 56 236,82 € ; que le comptable mis en cause a été appelé à formuler ses observations sur le paiement de l’ensemble des mandats en question pour le montant ainsi évalué ;

Sur la responsabilité du comptable,

Attendu que l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 dispose que, « I. - (…) les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables (…) du paiement des dépenses, (…), de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils dirigent. / (…) La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu'une dépense a été irrégulièrement payée (…) » ;

Attendu que le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique dispose à son article 17 que les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des actes et contrôles qui leur incombent en application des dispositions des articles 18, 19 et 20, dans les conditions fixées par l'article 60 de la loi du 23 février 1963 ; que l’article 18 indique que le comptable public est seul chargé du paiement des dépenses sur ordre émanant des ordonnateurs ; que l’article 19 dispose que le comptable public est tenu d'exercer le contrôle, s'agissant des ordres de payer, de la qualité de l’ordonnateur et de la validité de la dette dans les conditions prévues à l'article 20, cet article précisant que le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte notamment sur la certification du service fait ;

Attendu que l’article D. 1617-23 du code général des collectivités territoriales dispose que « La signature (…) du bordereau récapitulant les mandats de dépense emporte certification du service fait des dépenses concernées et attestation du caractère exécutoire des pièces justifiant les dépenses concernées » ;

Attendu que l’instruction budgétaire et comptable M14, dans sa version applicable à la date des paiements dispose que « Les mandats appuyés des pièces justificatives et des documents relatifs au mode de règlement des dépenses sont récapitulés dans l’ordre croissant des articles budgétaires sur un bordereau établi en trois exemplaires (…) Le bordereau est arrêté selon les mêmes modalités que le mandat et il est signé par l’ordonnateur ou son délégataire » ;

Attendu que M. Michel Y... a pris en charge les cinquante et un mandats de paiement récapitulées dans le bordereau de mandats n° 770 du 18 décembre 2013 ; que le bordereau de mandats n’était pas signé et qu’en conséquence le comptable n’a pas été en mesure d’effectuer le contrôle de la qualité de l’ordonnateur et de la certification du service fait auquel il est astreint par les dispositions du décret du 7 novembre 2012 susmentionné ;

Attendu toutefois que le mandat n° 16478 d’un montant de 150,00 €, émis au bénéfice de « ADM Trésorerie municipale de Chambéry » a pour objet l’achat, par la direction de la petite enfance de la commune de Chambéry, de cartes de stationnement sur voirie de la ville de Chambéry ; que la prise en charge du mandat en question n’a pas eu pour effet de libérer la commune d’une dette détenue envers une personne juridiquement distincte ; que le comptable n’a en conséquence pas ouvert indûment sa caisse en effectuant l’opération en question qui ne peut ainsi constituer un paiement au sens des dispositions législatives et règlementaires susmentionnées et engager la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable ;

Attendu qu’il doit donc être considéré qu’en prenant en charge les cinquante mandats émis à l’encontre de tiers répertoriés sur le bordereau de mandats n° 770 non signé par l’ordonnateur, M. Michel Y... a engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire à hauteur de 56 086,82  sur l’exercice 2013 ;

 

 

 

Sur le préjudice financier causé à la collectivité,

Attendu que le § VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 dispose que « Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n'a pas causé de préjudice financier à l'organisme public concerné, le juge des comptes peut l'obliger à s'acquitter d'une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en Conseil d'État en fonction du niveau des garanties mentionnées au II. / Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public, l'organisme public a dû procéder à l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers ou a dû rétribuer un commis d'office pour produire les comptes, le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;

Attendu que, par certificat administratif du 11 juillet 2017 joint à la réponse du comptable, M. Michel Z..., maire de Chambéry, atteste le service fait relatif aux dépenses répertoriées sur le bordereau de mandats en question ; que l’ordonnateur actuel n’était toutefois pas en fonction à la date des paiements et ne peut ainsi attester de la réalité du service fait ; qu’en tout état de cause, l’absence de signature du bordereau de mandats constitue une absence d’ordonnancement de la part de l’ordonnateur ayant conduit le comptable à régler des dépenses sans ordre de payer valide, conduisant de fait à préjudice financier pour la collectivité ;

Attendu que le manquement du comptable à ses obligations de contrôle ayant ainsi causé un préjudice financier à la commune de Chambéry, il y a lieu de prononcer à l’encontre de M. Michel Y... un débet de 56 086,82  au titre de sa gestion de l’exercice 2013, de même montant que les mandats irrégulièrement et indument payés ;

Attendu qu’en application des dispositions de l’article 60-VIII de la loi précitée du 23 février 1963 prescrivant que les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de mise en jeu de la responsabilité du comptable, le débet de 56 086,82  mis à la charge de M. Michel Y... porte intérêts de droit à compter de la date du 26 juin 2017, de notification à l’intéressé du réquisitoire introductif de l’instance juridictionnelle ;

 

Sur le respect du plan de contrôle hiérarchisé de la dépense,

Attendu que l’article 60-IX de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 dispose que « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l'appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l'obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ;

Attendu que le plan de contrôle en vigueur pour l’année 2013 est établi selon le modèle général qui indique que, dans l’exercice de ses contrôles en qualité de payeur, le comptable public doit réaliser un certain nombre de vérifications avant d’accepter une dépense effectuée sur la base des pièces justificatives et des pièces comptables qui lui sont produites par l’ordonnateur ; qu’il lui revient, dans ce cadre, de vérifier la qualité de l’ordonnateur à l’origine de la dépense ; que le contrôle de la signature du bordereau de mandats ne relève pas de ce type de vérification et qu’il n’entre donc pas dans le périmètre des contrôles dont le comptable pourrait être exempté en application du plan de contrôle hiérarchisé de la dépense ;

Attendu que le plan de contrôle sélectif de la dépense n’ayant pas été respecté, le ministre chargé du budget ne pourra faire remise gracieuse totale du débet prononcé à l’encontre de M. Michel Y... au titre de la charge n° 1 ;

 

Sur la présomption de charge n° 2, soulevée à l’encontre de M. Roland X... au titre de l’exercice 2012

Sur les réquisitions du ministère public,

Attendu qu’en son réquisitoire, le procureur financier relève que plusieurs mandats relatifs à l’admission en non-valeur de titres émis en 2008 et 2009 ont été pris en charge durant l’exercice 2012 sur le compte 654 « Pertes sur créances irrécouvrables » pour un montant total de 24 007,81 € ;

Attendu que le représentant du ministère public considère, au vu des pièces portées au dossier, que les créances en question n’auraient pas fait l’objet de diligences de recouvrement adéquates, complètes et rapides, rappelées par l’instruction codificatrice en vigueur ; qu’il considère que la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. Roland X... a pu être engagée sur sa gestion de l’exercice 2012 pour la prise en charge de mandats imputés sur le compte 654 « Pertes sur créances irrécouvrables » pour un montant de 24 007,81 € et relatifs à des titres émis en 2008 et 2009 et qu’il se trouverait ainsi dans le cas prévu par les dispositions de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 ; qu’il y a lieu en conséquence d’ouvrir l’instance prévue au III de l’article L. 2421 du code des juridictions financières aux fins de déterminer les responsabilités encourues ;

 

Sur les observations des parties,

Attendu que, par courrier enregistré au greffe le 17 août 2017, M. Roland X... donne procuration à son successeur M. Michel Y... pour répondre en son nom à l’action engagée à son encontre par le réquisitoire ; qu’en l’absence de dispositions législatives et réglementaires s’y opposant, celle-ci peut être accueillie ;

Attendu que, dans sa réponse du 3 octobre 2017, M. Michel Y... par procuration de M. Roland X..., indique que, suite à restructuration des locaux du poste comptable en 2014, certains dossiers archivés ont été détruits ; que des dossiers n'auraient ainsi pas été conservés rendant impossible la production des pièces justificatives d'irrécouvrabilité qui devaient figurer dans les documents papier ; qu’il a toutefois apporté des observations pour les différents débiteurs identifiés ainsi que les justifications à sa disposition ; qu’il en déduit que les redevables étant notoirement insolvables et que les procédures collectives ayant conduit à une clôture pour insuffisance d'actif, la commune de Chambéry n’a subi aucun préjudice financier ;

Attendu que, dans sa réponse enregistrée le 9 novembre 2017, après la clôture de l’instruction, M. Roland X... indique que les créances détenues à l’encontre de la société CLARE SARL ont été produites au liquidateur le 25 juillet 2011 et que sa responsabilité ne peut dès lors être engagée ; qu’à l’appui de sa réponse est joint un document mentionné comme provenant du mandataire judiciaire ;

Attendu que, dans sa réponse enregistrée le 31 octobre 2017, après la clôture de l’instruction, M. Michel Y... indique que, contrairement aux mentions du rapport d’instruction, la taxe d’habitation pour 2014 de M. A... Petrisor a bien fait l’objet d’un dégrèvement total ; qu’à l’appui de sa réponse sont joints les avis de dégrèvement de la taxe d’habitation ainsi que de la contribution à l’audiovisuel public ;

Attendu que, dans sa réponse enregistrée le 11 décembre 2017, après la clôture de l’instruction, M. Michel Z..., maire de Chambéry, indique prendre acte des observations de M. Roland X... dans le dossier CLARE SARL et informe la juridiction que la ville considère ne pas avoir subi de préjudice dans cette affaire ;

 

Sur la charge présumée,

Attendu que la présomption de charge formulée au réquisitoire est fondée, non sur la prise en charge des mandats d’admission en non-valeur qui apparaissent accompagnés des pièces justificatives prévues par la nomenclature, mais sur l’admission en non-valeur de créances qui semblent irrécouvrables du fait du comptable, celui-ci n’ayant pas exercé les diligences adéquates, complètes et rapides nécessaires à leur recouvrement ;

Attendu que l’identification, dans le réquisitoire, des titres de recettes pour lesquels les diligences de recouvrement auraient été insuffisantes, résulte des états joints aux délibérations du conseil municipal produites elles-mêmes à l’appui des mandats d’admission en non-valeur conformément à la nomenclature des pièces justificatives ;

Attendu qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour des comptes que la mise en jeu de la responsabilité des comptables pour défaut de diligences peut être apportée par toutes pièces attestant l’existence, la date et le montant des titres litigieux ; que, du fait de leur valeur comptable et de leur certification par le comptable en fonctions durant l’exercice suivant, les états de restes à recouvrer produits à l’appui des comptes de gestion peuvent être retenus comme attestant l’existence et l’identification des titres de recettes, l’identité du débiteur, le montant restant à recouvrer et les diligences de recouvrement effectuées ; qu’en revanche, l’état produit à l’appui de la délibération de l’assemblée délibérante autorisant l’admission en non-valeur ne peut être retenu comme une pièce de valeur comptable à même d’attester l’existence des titres de recettes litigieux ;

Attendu qu’en raison de leur admission en non-valeur durant l’exercice 2012, les titres de recettes concernés ont été supprimés des états de restes à recouvrer joints au compte de gestion 2012 ; que les titres de recettes fondant la présomption de charge ayant été pris en charge en 2008 et 2009 et restant à recouvrer lors de la prise en charge des mandats d’admission en non valeur en 2012, devaient donc nécessairement figurer dans l’état des restes à recouvrer produit à l’appui du compte de gestion 2011 ; que le rapprochement de l’état produit à l’appui des délibérations d’admission en non-valeur et de l’état de restes à recouvrer joint au compte de gestion 2011 ne permet pas d’attester l’existence des titres portant les numéros R 149-11, R 149-16, T-565 et T815  sur l’état joint à la délibération d’admission en non-valeur et absent de l’état des restes à recouvrer produit à l’appui du compte de gestion 2011 ;

Attendu que l’existence de ces titres de recettes ne pouvant être attestée, la responsabilité du comptable ne peut être mise en jeu pour défaut de diligences en vue de leur recouvrement ; que le montant de la présomption de charge est ainsi limité à 19 146,33 € ; que la contradiction avec le comptable mis en cause a été effectuée sur ces fondements ;

 

Sur la responsabilité du comptable,

Attendu que l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 dispose que, « I. - (…) les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables (…) du recouvrement des recettes, (…), de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils dirigent. / (…) La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu'une recette n'a pas été recouvrée, qu'une dépense a été irrégulièrement payée (…) » ;

Attendu que le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2012, dispose, dans son article 11, que « Les comptables publics sont seuls chargés : De la prise en charge et du recouvrement des ordres de recettes qui leur sont remis par les ordonnateurs, (…)  Du paiement des dépenses soit sur ordres émanant des ordonnateurs accrédités (…) » ;

Attendu que le réquisitoire introductif de l’instance porte sur l’absence de diligences adéquates et rapides des titres recettes mentionnés dans l’état joint à la délibération d’admission en non-valeur et dont l’existence est attestée par l’état des restes à recouvrer produit à l’appui du compte de gestion 2011 ; que ces titres de recettes concernent neuf débiteurs ; que les diligences effectuées par le comptable se rapportent aux différents débiteurs identifiés ; que l’analyse de la responsabilité du comptable sera, en conséquence, réalisée en examinant la situation du recouvrement des titres émis à l’encontre de chacun des débiteurs concernés ;

Débiteur M. B... Medhi

Attendu que les montants restant à recouvrer sur les dix-huit titres de recettes émis à l’encontre de M. B... Medhi, dont l’existence est attestée et qui figurent dans l’état joint au mandat d’admission en non-valeur, peuvent être présentés ainsi qu’au tableau ci-après ;

Attendu qu’il résulte de la réponse du comptable et des pièces produites à l’appui, que les avis d’impôts sur le revenu du débiteur, relatifs aux années 2008 à 2012, mettent en évidence un revenu brut global nul justifiant ainsi le procès-verbal de carence mentionné dans l’état des restes à recouvrer ; que l’insolvabilité avérée du débiteur, constatée par le comptable par les moyens à sa disposition, rendait ainsi inutile l’exercice de mesures de recouvrement forcé ; qu’en conséquence, l’irrécouvrabilité des titres de recettes n’a pas pour origine un défaut de diligences du comptable dont la responsabilité ne peut être engagée sur ce motif ;

 

 

Débiteurs M. A... Petrisor / MM. A... Petrisor et C... Ra.

Attendu que quatre titres de recettes ont été pris en charge à l’encontre de MM. A... Petrisor et C... Ra entre le 25 novembre 2008 et le 26 mars 2009, puis cinq titres au nom de M. A... Petrisor entre le 23 avril 2009 et le 24 juillet 2009 ; que bien que mentionné à l’état des restes sous deux identités différentes, le débiteur apparaît unique ; que les montants restant à recouvrer sur les neuf titres de recettes, dont l’existence est attestée et qui figurent dans l’état joint au mandat d’admission en non-valeur, peuvent être présentés ainsi qu’au tableau ci-après ;

Attendu qu’il ressort de l’annonce publié au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) du 27 novembre 2015 que l’intéressé a été radié du registre du commerce, son activité de commerçant ayant cessé le 9 juillet 2011 ; qu’il résulte des réponses du comptable et des pièces produites à l’appui, que le débiteur n’a déclaré aucun revenu sur la période ; que la taxe d’habitation à laquelle il était assujetti au titre de l’année 2014 a, par ailleurs, fait l’objet d’un dégrèvement total ; que l’état des restes à recouvrer produit à l’appui du compte de gestion 2011 fait état de diligences de recouvrement amiable exercées par le comptable en 2009 et 2010 ; que l’insolvabilité avérée du débiteur, constatée par le comptable par les moyens à sa disposition, rendait ainsi inutile l’exercice de mesures de recouvrement forcé ; qu’en conséquence, l’irrécouvrabilité des titres de recettes n’a pas pour origine un défaut de diligences du comptable dont la responsabilité ne peut être engagée sur ce motif ;

Débiteur M. D... Bruno

Attendu que les montants restant à recouvrer sur le titre de recettes émis à l’encontre de M. D... Bruno, dont l’existence est attestée et qui figure dans l’état joint au mandat d’admission en non-valeur, peuvent être présentés ainsi qu’au tableau ci-après ;

Attendu qu’il résulte de la réponse du comptable et des pièces produites à l’appui, que les avis d’impôts sur le revenu du débiteur, relatifs aux années 2011 à 2012, mettent en évidence un revenu brut global nul ; que l’état des restes à recouvrer produit à l’appui du compte de gestion 2011 fait état de diligences de recouvrement amiables exercées par le comptable en 2008 et 2011 ; que l’insolvabilité avérée du débiteur, constatée par le comptable par les moyens à sa disposition, rendait ainsi inutile l’exercice de mesures de recouvrement forcé ; qu’en conséquence, l’irrécouvrabilité du titre de recettes n’a pas pour origine un défaut de diligences du comptable dont la responsabilité ne peut être engagée sur ce motif ;

Débitrice Mme E... Linda

Attendu que les montants restant à recouvrer sur le titre de recettes émis à l’encontre de Mme E... Linda, dont l’existence est attestée et qui figure dans l’état joint au mandat d’admission en non-valeur, peuvent être présentés ainsi qu’au tableau ci-après ;

Attendu qu’il résulte de la réponse du comptable et des pièces produites à l’appui, que l’huissier du Trésor, mandaté pour effectuer une saisie-vente des biens de la débitrice pour le recouvrement de différentes créances de l’état, a établi un procès-verbal de carence le 28 janvier 2010 constatant que les biens de la débitrice sont insaisissables en vertu des dispositions législatives et règlementaires ; que, bien que la procédure diligentée ne concerne pas la créance détenue par la commune mais des recettes relevant de la fiscalité, il ne peut qu’être constaté que le comptable de la commune de Chambéry, par ailleurs collecteur de l’impôt, avait connaissance de l’insolvabilité de la débitrice par des diligences qu’il a lui-même effectuées, rendant ainsi inutile l’exercice des mesures de recouvrement forcé pour le titre en question ; qu’en conséquence, l’irrécouvrabilité du titre de recettes n’a pas pour origine un défaut de diligences du comptable dont la responsabilité ne peut être engagée sur ce motif ;

Débitrice Mme F... Sandra

Attendu que les montants restant à recouvrer sur le titre de recettes émis à l’encontre de Mme F... Sandra, dont l’existence est attestée et qui figure au nom de ZARILLO Sandra dans l’état joint au mandat d’admission en non-valeur, peuvent être présentés ainsi qu’au tableau ci-après ;

Attendu qu’il résulte de la réponse du comptable que le titre de recette a été émis au nom de Mme F... Sandra pour des frais de cantine et/ou de garderie pour sa fille ; que pour une raison inconnue, le redevable a été inscrit dans l’applicatif de suivi d’Hélios au nom de famille de la fille, rendant ainsi inopérantes les poursuites ; que les avis d’impôts sur le revenu de la débitrice, relatifs aux années 2010 à 2011 font état d’un revenu brut de référence modeste ; que l’état des restes à recouvrer produit à l’appui du compte de gestion 2011 mentionne l’exercice de diligences de recouvrement amiables exercées par le comptable en 2008 et 2009 ;

Attendu toutefois que la substitution de nom de la débitrice dans l’applicatif d’Hélios relève d’une erreur du comptable mis en cause, en poste depuis 2006 ; que sans cette erreur, les poursuites amiables auraient pu s’exercer efficacement et conduire à recouvrement sans recours à des procédures de recouvrement forcé, la débitrice, malgré ses moyens modestes, ne figurant pas à l’état des restes à recouvrer pour d’autres dettes ; qu’en conséquence, l’irrécouvrabilité des titres de recettes a pour origine un défaut de suivi de la créance rendant inefficaces les diligences du comptable dont la responsabilité est alors engagée à hauteur de 508,75 € ;

Débiteur TPMS

Attendu que les montants restant à recouvrer sur le titre de recettes émis à l’encontre de TPMS, dont l’existence est attestée et qui figure dans l’état joint au mandat d’admission en non-valeur, peuvent être présentés ainsi qu’au tableau ci-après ;

Attendu que le titre de recettes, pris en charge le 3 décembre 2009, est établi au nom de la société TPMS Me Saint-Pierre ; qu’il résulte des annonces publiées au BODACC que la société a été mise en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Chambéry du 23 octobre 2006 puis qu’un plan de redressement a été décidé le 5 mai 2008 ; que Me Saint-Pierre avait alors été désigné mandataire judiciaire puis commissaire à l’exécution du plan ; que par jugement du même tribunal du 22 juin 2009, paru au BODACC le 19 juillet 2009 la société a été mise en liquidation judiciaire ; que les créances devaient alors être produites avant le 19 septembre 2009 ; que la commune de Chambéry a émis le titre de recettes le 30 novembre 2009, soit plus de quatre mois après la parution au BODACC du jugement de liquidation judiciaire de l’entreprise ; que la créance inconnue du comptable ne pouvait ainsi être intégrée à l’état à transmettre au liquidateur ; que le comptable était ainsi dans l’impossibilité de recouvrer le titre de recette émis tardivement par l’ordonnateur et que sa responsabilité ne peut être engagée à ce titre ;

Débiteur ATPMR

Attendu que les montants restant à recouvrer sur les cinq titres de recettes émis à l’encontre d’ATPMR, dont l’existence est attestée et qui figurent dans l’état joint au mandat d’admission en non-valeur, peuvent être présentés ainsi qu’au tableau ci-après ;

 

 

Attendu qu’il résulte de l’annonce publiée au BODACC le 12 octobre 2010, que l’association pour le transport de personnes à mobilité réduite (ATPMR) a été placée en redressement judiciaire par jugement du 7 septembre 2010 ; que, par la suite, la liquidation judiciaire de l’association a été prononcée par jugement du 9 novembre 2010 paru au BODACC du 14 décembre 2010 ; que les titres de recettes ayant été pris en charge en 2009, les créances auraient ainsi dû être produites au mandataire judiciaire en charge du redressement judiciaire dans les deux mois suivant la parution du jugement au BODACC, soit avant le 12 décembre 2010 ; que M. Roland X... étant déchargé de sa gestion de l’exercice 2010 par effet de la loi, sa responsabilité ne peut être engagée sur ce fondement ;

Débiteur CLARE SARL

Attendu que les montants restant à recouvrer sur le titre de recettes émis à l’encontre de CLARE SARL, dont l’existence est attestée et qui figure dans l’état joint au mandat d’admission en non-valeur, peuvent être présentés ainsi qu’au tableau ci-après ;

Attendu qu’il résulte de l’annonce publiée au BODACC le 29 avril 2011, que la société CLARE SARL a cessé son activité avec vente du fonds le 18 mars 2011 ; qu’à la suite de cette cession, la société a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 20 juin 2011 paru au BODACC du 5 juillet 2011 ; qu’une erreur s’étant glissée dans l’annonce, un rectificatif a été publié au BODACC du 19 janvier 2012, reportant la limite de production des créances à deux mois après cette publication, soit le 19 mars 2012 ; que le comptable devait alors produire la créance au liquidateur avant cette date, son action en recouvrement n’étant pas prescrite ;

Attendu qu’à l’appui de sa réponse enregistrée le 9 novembre 2017, M. Roland X... indique que la créance en question a été produite au mandataire judiciaire le 25 juillet 2011 ; qu’il joint à sa réponse un document présenté comme correspondant à des copies d’écran de l’application du mandataire judiciaire mentionnant ladite déclaration ;

Attendu toutefois que le document transmis ne fait pas référence à l’identité du mandataire chargé de la liquidation ; qu’il mentionne une déclaration de créances produite par la trésorerie de Chambéry pour un montant total de 5 778,24 € mais ne précise pas si les créances produites correspondent à des créances détenues par la commune de Chambéry et plus particulièrement si elles correspondent au titre de recettes restant à recouvrer en question ; qu’ainsi, le document transmis par le comptable ne peut venir en décharge de la responsabilité du comptable qui se trouve ainsi engagée à hauteur de 1 573,50 € pour ne pas avoir effectué les diligences adéquates en vue du recouvrement du titre de recettes en question ;

Synthèse

Attendu qu’il résulte des développements précédents que M. Roland X... a engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire à hauteur de 2 082,25 € sur l’exercice 2012 en n’effectuant pas les diligences adéquates en vue du recouvrement du titre n° T-1471 émis au nom de Mme F... Sandra, pris en charge le 1er octobre 2008 et restant à recouvrer à hauteur de 508,75 €, ainsi que du titre T-900001001729 émis au nom de CLARE SARL, pris en charge le 22 mai 2009 et restant à recouvrer à hauteur de 1 573,50 € ;

 

Sur le préjudice financier causé à la collectivité,

Attendu que, dans sa réponse enregistrée le 3 octobre 2017, M. Michel Y... estime que les justificatifs apportés attestant que les redevables étaient notoirement insolvables et que les procédures de liquidation judiciaires se sont conclues par une clôture pour insuffisance d'actif, la commune de Chambéry n’a pas subi de préjudice financier ;

Attendu toutefois que l’absence de recouvrement d’une créance conduit à appauvrissement de la collectivité, confirmé par la charge budgétaire résultant de la prise en charge du mandat d’admission en non-valeur ; que la décision du conseil municipal relative à l’admission en non-valeur des créances présentées par le comptable ne vaut pas remise gracieuse des créances mais au contraire reconnaissance d’une charge pour la commune ;

Attendu que le manquement du comptable à ses obligations de contrôle ayant ainsi causé un préjudice financier à la commune de Chambéry, il y a lieu de prononcer à l’encontre de M. Roland X... un débet de 2 082,25  au titre de sa gestion de l’exercice 2012, de même montant que les titres non recouvrés ;

Attendu qu’en application des dispositions de l’article 60-VIII de la loi précitée du 23 février 1963 prescrivant que les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de mise en jeu de la responsabilité du comptable, le débet de 2 082,25  mis à la charge de M. Roland X... porte intérêts de droit à compter de la date du 22 juin 2017, de notification à l’intéressé du réquisitoire introductif de l’instance juridictionnelle ;

 

 

Sur la présomption de charge n° 3, soulevée à l’encontre de M. Roland X... au titre de l’exercice 2012

Sur les réquisitions du ministère public,

Attendu qu’en son réquisitoire, le procureur financier relève que le comptable, M. Roland X..., a pris en charge sur l’exercice 2012, le mandat collectif de paie de décembre 2012 comprenant le versement à seize agents de la commune de Chambéry, d’une indemnité de mise en bière et d’une indemnité de portage de bière, pour un montant total de 2 495,79 € ;

Attendu que le représentant du ministère public rappelle qu’à l’appui du premier paiement des primes et indemnités aux personnels de collectivités territoriales, la rubrique 210223 de l’annexe I du CGCT, auquel renvoie l’article D. 1617-19 de ce même code, prévoit la production d’une décision de l’assemblée délibérante ainsi que d’une décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination fixant le taux applicable à chaque agent ;

Attendu que le procureur financier considère que, faute d’avoir disposé de ces éléments d’information, le comptable ne disposait pas, au moment du paiement, de l’ensemble des pièces justificatives lui permettant d’effectuer le contrôle de la liquidation des sommes dues au titre desdites primes ; qu’il estime que la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. Roland X... a pu être engagée sur sa gestion au cours de l’exercice 2012 pour la prise en charge du mandat collectif de paye du mois de décembre 2012 pour un montant total de 2 495,79 € et qu’il se trouverait ainsi dans le cas prévu par les dispositions de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 ; qu’il y a lieu en conséquence d’ouvrir l’instance prévue au III de l’article L. 2421 du code des juridictions financières aux fins de déterminer les responsabilités encourues ;

 

 

Sur les observations des parties,

Attendu que, dans sa réponse du 3 octobre 2017 apportée par procuration de M. Roland X..., M. Michel Y... confirme que la délibération du conseil municipal de Chambéry du 1er mars 2004 sur le régime indemnitaire et les délibérations ultérieures ne mentionnent pas expressément le versement des indemnités de mise en bière et de portage de bière, considérées comme des primes spécifiques liées aux fonctions ; que selon lui, ces indemnités des agents des services municipaux d'inhumation sont prévues par l'arrêté ministériel du 17 février 1977 modifié par l'arrêté ministériel du 7 avril 1982 et sont versées par agent et par opération selon un état justificatif joint à la réponse ;

 

Sur la charge présumée,

Attendu que la présomption de charge formulée au réquisitoire est fondée sur l’absence de production, à l’appui du mandat collectif de paye de décembre 2012, des pièces justificatives permettant de justifier l’attribution d’indemnités de mise en bière et d’indemnités de portage de bière, et permettant le contrôle de l’exactitude de la liquidation ; qu’il résulte des feuilles de paie jointes au réquisitoire, qu’une indemnité dite « de mise en bière » (rubrique de paie 497.00) et qu’une indemnité dite « de portage de bière » (rubrique de paie 499.00) ont été versées sur la paie de décembre 2012, à seize agents de la commune de Chambéry ainsi qu’au tableau ciaprès ; que c’est sur le montant d’indemnités versé de 2 495,79 €, conforme au réquisitoire, que le comptable mis en cause a été appelé à présenter ses observations ;

 

Sur la responsabilité du comptable,

Attendu que l’article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable durant l’exercice 2012, dispose que « L'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale (…) fixe les régimes indemnitaires dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat (…) » ;

Attendu que l’article 2 du décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 pris pour l'application du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 dispose que « L'assemblée délibérante de la collectivité ou le conseil d'administration de l'établissement fixe (…) la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités (…) » ;

Attendu que l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales dispose que, « Avant de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales (…) ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I du présent code » ;

Attendu que la sous-rubrique 210223 de l’annexe I du code général des collectivités territoriales relative aux primes et indemnités, précise que doivent être produites, d’une part la décision de l'assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités, et d’autre part la décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination fixant le taux applicable à chaque agent ; qu’il est précisé que les primes et indemnités s’entendent « au sens de l'article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale » ;

Attendu que le comptable a pris en charge le mandat collectif de paie de décembre 2012 du personnel de la commune de Chambéry comportant le paiement, à seize agents, d’une prime dite de mise en bière et d’une prime dite de portage de bière ; qu’à l’appui du paiement, étaient produites les feuilles de paie des agents faisant état de l’attribution desdites primes mais qu’aucune délibération du conseil municipal de Chambéry instituant ces primes n’était jointe au mandat dans le compte de gestion de l’exercice 2012 ;

Attendu que, dans sa réponse du 3 octobre 2017, M. Michel Y... confirme que ni la délibération du 1er mars 2004 sur le régime indemnitaire du personnel de la commune de Chambéry, ni aucune délibération ultérieure ne mentionne le versement des indemnités de mise en bière et de portage de bière, qui sont considérées comme des primes spécifiques liées aux fonctions ;

Attendu qu’aucune disposition légale ou règlementaire ne permet au comptable de considérer qu’une prime spécifique liée à la fonction du bénéficiaire serait exonérée de l’obligation de production d’une délibération de l’assemblée délibérante, l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984, auquel fait référence la nomenclature des pièces justificatives, mentionnant explicitement que l’assemblée délibérante fixe le régime indemnitaire de la collectivité ;

Attendu quen l’absence de délibération fixant la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des primes et de décisions individuelles pour chacun des bénéficiaires, le comptable n’était pas en mesure d’effectuer le contrôle de l’exactitude des calculs de liquidation ;

Attendu quen s’abstenant de contrôler la production des pièces justificatives devant être produites à l’appui des paiements des indemnités de mise en bière et de portage de bière, et ne pouvant de ce fait exercer son contrôle de l’exactitude des calculs de liquidation, M. Roland X... a engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire à hauteur de 2 495,79 € sur l’exercice 2012 ;

 

Sur le préjudice financier causé à la collectivité,

Attendu que, dans sa réponse enregistrée le 3 octobre 2017, M. Michel Y... indique que les primes en question relèvent d’arrêtés ministériels des 17 février 1977 et 7 avril 1982 ; que, selon lui, l’ordonnateur a mandaté les indemnités concernées en toute connaissance de cause, en s’appuyant sur les textes réglementaires en vigueur ; que la dépense correspond à un service fait effectif ; qu’en conséquence la commune n’a pas subi de préjudice financier ;

Attendu que l’arrêté du 17 février 1977 prévoit que les agents des services municipaux d’inhumation peuvent percevoir une indemnité d’exhumation, une indemnité de mise en bière et une indemnité pour portage de bière présentant des difficultés particulières pour des montants forfaitaires modifiés par l’arrêté du 7 avril 1982 ; que les dispositions de ces textes ne sont pas dérogatoires aux principes légaux selon lesquels leur attribution au personnel d’une commune doit être décidée par le conseil municipal ; que si les montants attribués aux bénéficiaires sont conformes aux dispositions réglementaires régissant lesdites primes et que les bénéficiaires ont effectivement effectué des activités correspondantes, il ne peut qu’être constaté que le conseil municipal de Chambéry n’a pas décidé l’attribution de ces indemnités au personnel communal ; que leur versement en l’absence de décision est indu et constitue ainsi un préjudice financier pour la commune de Chambéry

Attendu que si, comme le relève le comptable, c’est bien l'ordonnateur qui a mandaté les indemnités concernées en connaissance de la réalité de l’activité et en se référant à des textes réglementaires en vigueur, c’est bien le manquement du comptable à ses obligations de contrôle de la production des pièces justificatives et de l’exactitude des calculs de liquidation qui a permis le paiement de ces indemnités indues ayant causé un préjudice financier à la commune ;

Attendu que le manquement du comptable à ses obligations de contrôle ayant ainsi causé un préjudice financier à la commune de Chambéry, il y a lieu de prononcer à l’encontre de M. Roland X... un débet de 2 495,79 € au titre de sa gestion de l’exercice 2012, de même montant que les indemnités irrégulièrement et indument payées ;

Attendu qu’en application des dispositions de l’article 60-VIII de la loi précitée du 23 février 1963 prescrivant que les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de mise en jeu de la responsabilité du comptable, le débet de 2 495,79  mis à la charge de M. Roland X... porte intérêts de droit à compter de la date du 22 juin 2017, de notification à l’intéressé du réquisitoire introductif de l’instance juridictionnelle ;

 

Sur le respect du plan de contrôle hiérarchisé de la dépense,

Attendu que le plan de contrôle en vigueur pour l’année 2012 a été validé par la direction départementale des finances publiques de la Savoie le 26 juin 2012 ; qu’il est établi selon le modèle général ; que pour la paie, le calendrier thématique de contrôle prévoit qu’aucun contrôle ne sera effectué sur le premier trimestre, que la prime de fin d’année sera contrôlée au deuxième trimestre et que pour les autres trimestres, des thèmes de contrôle sont à définir ; que pour l’exercice en question, le calendrier thématique de contrôle a été retenu comme au tableau ciaprès ;

 

Attendu que la charge est fondée sur le paiement des indemnités de mise en bière et de portage de bière sur la paie de décembre 2012 ; que les contrôles thématiques retenus dans le plan de contrôle sur le mois de décembre portent uniquement sur les rémunérations présentant des écarts d’un mois sur l’autre, et sur la régularité de la quotité saisissable sur la prime de fin d’année ; qu’aucun élément produit à l’appui du réquisitoire ne permet d’établir une évolution de la rémunération des bénéficiaires susceptible de justifier un contrôle exhaustif a priori ; qu’en conséquence le comptable a respecté les règles de contrôle sélectif de la dépense en payant les primes en question sur la paie de décembre 2012 ; qu’ainsi le ministre chargé du budget pourra faire remise gracieuse totale du débet prononcé à l’encontre de M. Roland X... au titre de la charge n° 3 ;

 

Sur la situation de la comptable,

Attendu qu’en conséquence des développements précédents, M. Roland X... ne pourra être déchargée de sa gestion du 1er janvier 2012 au 1er septembre 2013 et déclaré quitte de sa gestion terminée à cette date, qu’après constatation de l’apurement, en principal et en intérêts, du débet prononcé à son encontre ; que M. Michel Y... ne pourra être déchargé de sa gestion du 2 septembre 2013 au 31 septembre 2013 qu’après constatation de l’apurement, en principal et en intérêts, du débet prononcé à son encontre ;

 

Par ces motifs,

Décide

Article 1 :

M. Michel Y... est constitué débiteur de la commune de Chambéry au titre de la première charge, sur l’exercice 2013, pour la somme de 56 086,82 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 26 juin 2017 ;

 

Article 2 :

M. Roland X... est constitué débiteur de la commune de Chambéry au titre de la deuxième charge, sur l’exercice 2012, pour la somme de 2 082,25 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 22 juin 2017 ;

 

Article 3 :

M. Roland X... est constitué débiteur de la commune de Chambéry au titre de la troisième charge, sur l’exercice 2012, pour la somme de 2 495,79 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 22 juin 2017 ;

 

Article 4 :

M. Roland X... ne pourra être déchargé de sa gestion de la commune de Chambéry au titre des exercices 2012 et 2013, jusqu’au 1er septembre, et déclaré quitte de sa gestion terminée le 1er septembre 2013, qu’après avoir justifié de l’apurement, en principal et en intérêts des débets prononcés cidessus ;

 

Article 5 :

M. Michel Y... ne pourra être déchargé de sa gestion de la commune de Chambéry au titre de l’exercice 2013, depuis le 2 septembre, qu’après avoir justifié de l’apurement, en principal et en intérêts du débet prononcé cidessus.

 

Fait et jugé par M. Michel PROVOST, vice-président, président de séance ; Mme Paule GUILLOT, M. Gérard CHAUVET, Mme Geneviève GUYENOT, M. Alain LAïolo, présidents de section ; M. Gilles JAILLOT, premier conseiller ; M. Joris MARTIN, conseiller.

En présence de Mme Brigitte DESVIGNES, greffière de séance.

 

 

 

 

La greffière de séance

Le président de séance

 

 

 

 

 

 

 

 

Brigitte desvignes

Michel PROVOST

 

 

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis

 

 

En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.

 

 

1/17 – jugement n° 2017-0054