Formation plénière

 

Jugement n° 2017-0028

 

Audience publique du 6 juin 2017

 

Prononcé du 31 juillet 2017

 

COMMUNE DE GRISOLLES

 

Poste comptable : Grisolles

 

 codique : 082007 075

 

Exercice 2010 (à compter du 4 octobre)

 

 

 

 

 

La République Française

Au nom du peuple français

 

La Chambre,

 

 

 

VU les comptes rendus en qualité de comptable de la commune de Grisolles, par Mme X…, du 4 octobre 2010 au 31 décembre 2010 ;

 

VU le réquisitoire n° 2016-0031, pris le 3 octobre 2016 et notifié le 10 octobre 2016 par lequel le procureur financier près la chambre régionale des comptes d’Occitanie a saisi la juridiction de la présomption d’une charge à l’encontre dudit comptable relative au paiement au titre de l’exercice de soldes sur marchés sans décompte de pénalités de retard ;

 

VU les justifications produites au soutien du compte ;

 

VU l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

 

VU le code des juridictions financières ;

 

VU les lois et règlements applicables à la commune de Grisolles ;

 

VU le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

 

VU le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l'article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

 

VU le décret n°2015-1199 du 30 septembre 2015 modifiant les dispositions relatives au siège et au ressort des chambres régionales des comptes ;

 

Vu l’article L. 212-1 du code des juridictions financières et l’arrêté du Premier président de la Cour des comptes du 25 novembre 2015 ;

 

VU le courrier du 9 février 2017 informant les parties du changement de rapporteur ;

 

VU les réponses de Mme X… enregistrées au greffe les 8 novembre 2016, 14, 20 et 21 février 2017 ;

 

VU la réponse de M. Y…, maire de la commune de Grisolles, enregistrée au greffe le 14 novembre 2016 ;

 

VU le rapport de M. Adrien GAUBERT, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;

 

VU les conclusions de Denys ECHÈNE, procureur financier près la chambre régionale des comptes d’Occitanie ;

 

VU les pièces du dossier ;

 

ENTENDU, lors de l’audience publique du 6 juin 2017, M. Adrien GAUBERT, premier conseiller, en son rapport et M. Denys ECHÈNE, procureur financier près la chambre, en ses conclusions ;

 

Après avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier près la chambre, Mme X… et le maire de Grisolles n’étant ni présents ni représentés à l’audience publique ;

 

 

 

 

Sur l’unique présomption de charge soulevée à l’encontre de Mme X… au titre de l’exercice 2010 relative au paiement de divers soldes sur marchés sans décompte de pénalités de retard

 

 

1 -     Sur le réquisitoire

 

ATTENDU que l’article 3.2 de l’acte d’engagement du marché à procédure adaptée du 18 septembre 2009 « aménagement de la rue Pézoulat » fixe à 5 mois le délai de réalisation des prestations (y compris les congés), avec comme point de départ la date fixée par l’ordre de service prescrivant le début des travaux ; qu’en cas de dépassement de ce délai, l’article 4-3.1 du cahier des clauses administratives particulières du même marché prévoit des pénalités de retard d’un montant de 150 par jour calendaire ;

 

ATTENDU que l’ordre de services n° 01 a fixé la date du début de computation du délai au 5 octobre 2009, soit une fin contractuelle des travaux au plus tard le 5 mars 2010, ce délai valant pour la totalité des lots constitutifs du marché ;

 

ATTENDU que les procès-verbaux des lots 1 et 3 attestent de la réception sans réserves des travaux correspondants le 31 mai 2010 ; que les travaux relatifs à ces lots ont été achevés avec 87 jours calendaires de retard sur la date limite inscrite au marché ; qu’en application dudit marché, le montant des pénalités de retard dues s’élève à 13 050  pour chacun des deux lots (87 x 150 €) ;

 

ATTENDU que les décomptes généraux définitifs (DGD) soldant ces deux lots ont été réglés, pour le lot 1, par mandat n° 2026/2010 du 15 décembre 2010 d’un montant de 8 795,86 € et, pour le lot 3, par le mandat n° 1843/2010 du 1er décembre 2010 d’un montant de 10 509,32  ;

 

ATTENDU que ni les DGD ni les mandats de paiement ainsi acquittés par la comptable de la commune ne comportent de décompte de pénalités de retard ;

 

ATTENDU qu’en matière de paiement du solde de marchés de travaux, la rubrique 43252 de la nomenclature des pièces justificatives telle que définie à l’article D. 1617-19 et l’annexe I du code général des collectivités territoriales prévoit notamment la production de « 4. Etat liquidatif des pénalités de retard encourues par le titulaire lorsque leur montant est déduit par l’ordonnateur sur les paiements ; en cas d’exonération ou de réduction de ces retenues : délibération motivée de l’autorité compétente prononçant l’exonération ou la réduction ou pour les EPS et les ESMS, décision motivée du directeur » ;

 

ATTENDU que les mandats en cause ne sont appuyés d’aucune décision portant exonération des pénalités correspondant aux retards constatés dans les travaux relatifs aux lots n° 1 et n° 3 ;

 

ATTENDU qu’en vertu de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963, les comptables sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique ;

 

ATTENDU qu’aux termes des articles 11 et 13 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, les comptables doivent, en matière de dépenses, contrôler notamment l’exactitude des calculs de liquidation et la production de justifications ; que si le comptable public ne peut vérifier la première ou si les secondes ne sont pas complètes, le comptable a pour obligation de suspendre les paiements en cause ;

 

ATTENDU qu’en n’ayant pas suspendu le paiement des mandats n° 2026/2010 et n° 1843/2010, la comptable semble avoir commis un manquement susceptible d’avoir causé un préjudice financier à la commune, à hauteur des pénalités de retard dont elle aurait dû bénéficier ;

 

ATTENDU que le montant des pénalités qui auraient dû être retenues sur le règlement des DGD ne peut logiquement s’élever, au maximum, qu’à due concurrence du montant desdits DGD ;

 

ATTENDU que la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X… pourrait être engagée à concurrence d’un montant de 19 305,18 € correspondant aux mandats précédemment évoqués au titre de l’exercice 2010 ;

 

 

2 -     Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations

 

ATTENDU que la comptable soutient en réponse au réquisitoire que les ordres de service du 5 octobre 2009 ont été notifiés aux contractants le 19 octobre 2009 pour le lot n° 1 et le 15 octobre 2009 pour le lot n° 3 ; qu’un procès-verbal de constat d’huissier dressé le 6 novembre 2009 constate que les travaux n’avaient pas commencé à cette date ; que pour le lot n° 1 des travaux supplémentaires ont été demandés par la commune par avenants des 18 février 2010 et 25 novembre 2010, respectivement notifiés au cocontractant les 22 mars 2010 et 6 décembre 2010 ; que deux arrêtés municipaux réglementant la circulation couvrant une période allant du 4 mars 2010 au 12 juin 2010 avaient été pris ;  qu’au vu de ces éléments, les entreprises n’ont fait que s’adapter jusqu’en novembre 2010 aux modifications et ajouts demandés par les maîtres d’œuvre et d’ouvrage et qu’aucune pénalité ne devait leur être réclamée, la commune n’ayant subi aucun préjudice ;

 

ATTENDU que l’ordonnateur fait valoir que suite au retard pris dans la réparation du chantier, dû notamment aux interventions des différents concessionnaires de réseaux, les travaux n’ont réellement commencé que mi-novembre 2009 ; que douze jours d’intempéries ralentissant les travaux ont été comptabilisés entre décembre 2009 et février 2010 ; que les entreprises ont terminé leurs prestations dans les délais impartis mais qu’il a fallu attendre l’intervention de la communauté de communes de Grisolles-Villebrumier, compétente en matière de travaux de reprofilement de la chaussée pour procéder à la réception des travaux au 31 mai 2010 ; que les travaux intialement prévus ont été modifiés par avenants avant et après cette réception ; que la commune étant à l’origine de ces modifications et n’ayant subi aucun préjudice financier, aucune pénalité de retard ne devait être réclamée aux entreprises ;

 

ATTENDU qu’en matière de paiement du solde de marchés de travaux, la rubrique 43252 de la nomenclature des pièces justificatives telle que définie à l’article D. 1617-19 et l’annexe I du code général des collectivités territoriales prévoit notamment la production de « 4. Etat liquidatif des pénalités de retard encourues par le titulaire lorsque leur montant est déduit par l'ordonnateur sur les paiements ; en cas d'exonération ou de réduction de ces retenues : délibération motivée de l'autorité compétente prononçant l'exonération ou la réduction ou pour les EPS et les ESMS, décision motivée du directeur » ;

 

ATTENDU qu’il convient de décompter le délai de réalisation des travaux à compter de la date de notification des ordres de service par les titulaires des lots et non de la date mentionnée dans ces ordres de service ; qu’ainsi calculés, ces délais correpondent à la date du 19 octobre 2009 pour le lot n° 1, et au 15 octobre 2009 pour le lot n° 3 ; que toutefois ce décompte des délais de réalisation des travaux à compter de la date de notification est sans effet sur l’exigibilité des pénalités ;

 

ATTENDU qu’à l’exception des douze jours d’intempérie, aucun des éléments allégués par la comptable ou l’ordonnateur n’a pour objet ou pour effet de prolonger le délai d’exécution fixé dans le cahier des clauses administratives particulières du marché ; que les avenants audit marché conclus en vue de la réalisation de travaux supplémentaires ne comportent pas de clauses relatives à la prolongation de la durée du marché ; qu’ainsi des pénalités de retard étaient dues à la commune ;

 

ATTENDU que la comptable disposait, lors du paiement du solde du marché pour chacun des lots numérotés 2, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, du cahier des clauses administratives particulières commun à tous les lots, de l’acte d’engagement de chaque entreprise pour chaque lot, de la lettre de notification de l’ordre de service n° 1 fixant le point de départ du délai d’exécution des travaux adressée aux titulaires des différents lots, et des procès-verbaux de réception joints aux décomptes définitifs ;

 

ATTENDU toutefois que la comptable ne disposait d’aucune délibération du conseil municipal visant à exonérer les entreprises titulaires des lots n° 1 et  3 de pénalités de retard ; qu’elle n’était pas en possession de pièces justificatives suffisantes pour lui permettre de vérifier l’exacte liquidation des sommes dues lors du paiement du solde du marché ; qu’elle était tenue de suspendre le paiement des mandats n° 2026 et n° 1843 ;

 

ATTENDU qu’en ne suspendant pas lesdits paiements en l’absence de production, à l’appui des mandats de paiements, des pièces justificatives exigées en matière de règlement de soldes de marchés de travaux quand des pénalités sont exigibles et qu’en s’abstenant de demander la production desdites pièces, la comptable a manqué à ses obligations de contrôle de la justification de la dépense ;

 

ATTENDU que les arguments présentés par la comptable ne caractérisent pas une situation de force majeure exonératoire de responsabilité ;

 

ATTENDU par conséquent que la comptable a commis un manquement susceptible d’engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;

 

 

3 -     Sur l’existence d’un préjudice financier du fait du manquement du comptable

 

ATTENDU que l’application de pénalités dues aux retards pris dans l’exécution des travaux est prévue dans le marché conclu par la commune ; que la non-application desdites pénalités constitue pour la commune un préjudice financier, seule l’assemblée délibérante pouvant décider de l’exonération de telles pénalités ;

 

ATTENDU que les douze jours d’intempéries attestées par la maître d’oeuvre pour le lot n° 1 constituent un dépassement de deux jours par rapport aux stipulations de l’article 4.2 du cahier des clauses administratives particulières qui prévoient un prolongement des délais d’exécution des travaux si les évènements climatiques dépassent une durée de dix jours ; qu’il y a donc lieu de déduire deux jours, soit 300 €, du calcul des pénalités auxquelles la commune avait droit au titre du lot n° 1 ;

 

ATTENDU que les pénalités exigibles sont de 150 € par jour de dépassement ; que les 71 jours de dépassement pour le lot n° 1 conduisent à des pénalités exigibles de 10 650  ; que les 77 jours de dépassement pour le lot n° 3 ouvrent droit à des pénalités de 11 550  ;

 

ATTENDU toutefois que ces montants sont supérieurs aux mandats portant solde des lots n° 1 et  3, soit respectivement 8 795 € (mandat n° 2026) et 10 509,32 € (mandat  1843) ; que le manquement portant sur des paiements, le montant du préjudice financier ne saurait être supérieur au montant des mandats en cause ; que par suite, le préjudice financier résultant dudit manquement doit être limité au montant des deux mandats irrégulièrement payés, soit à la somme de 19 305,18  ;

 

 

4 -     Sur la mise en œuvre de la responsabilité du comptable

 

 ATTENDU qu’aux termes du troisième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février susvisée : « Lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’il y a lieu de constituer Mme X… débitrice de la commune de Grisolles pour la somme de dix-neuf mille trois cent cinq euros et dix-huit centimes (19 305,18 €) ;

 

ATTENDU qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée : « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 10 octobre 2016 ;

 

ATTENDU que le contrôle hiérarchisé de la dépense applicable en 2010 et produit par la comptable faisait rérérence à deux types de marchés, les marchés à suivi exhaustif, et les marchés à suivi non exhaustif ; qu’en application du référentiel national de 2010, les marchés à procédure adaptée de travaux font partie de la catégorie des marchés à suivi exhaustif « dès lors qu’ils comportent une avance et/ou un acompte et/ou une clause de révision de prix et/ou de la sous-traitance » ; que les deux mandats en cause sont relatifs à un marché à procédure adaptée de travaux comportant une avance ; qu’ils ne relevaient donc pas de ceux devant être contrôlés par sondage ; que, par conséquent, la dépense, objet de la présente décision, n’entrait pas dans le champ du contrôle sélectif des dépenses mis en œuvre au sein de la commune de Grisolles ;

 

ATTENDU qu’en application du IX de l’article 60 modifié de la loi de finances  63-156 du 23 février 1963, la somme minimale que le ministre chargé du budget devra laisser à la charge du comptable s’élève à 3 du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable ; qu’au regard du montant de ce cautionnement pour l’exercice 2010 (109 000 ), cette somme s’élève à 327  ;

 

 

 

 


Par ces motifs,

 

DÉCIDE :

 

 

Article 1er : Sur la présomption de charge unique, au titre de l’exercice 2010 ;

 

Mme X… est constituée débitrice de la commune de Grisolles pour la somme de dix-neuf mille trois cent cinq euros et dix-huit centimes (19 305,18 €), augmentée des intérêts de droit à compter du 10 octobre 2016 ;

 

 

Article final : La décharge de Mme X… ne pourra être donnée qu’après apurement du débet fixé ci-dessus.

 

 

Délibéré le 6 juin 2017 par M. André PEZZIARDI, président de la chambre, président de séance ; Mme Brigitte ROMAN et M. Mickaël DUWOYE, premiers conseillers.

 

En présence de M. Morad RAMDANI, greffier de séance.

 

 

 

 

 

 

Morad RAMDANI,

greffier de séance

 

 

 

 

 

André PEZZIARDI,

président de séance

 

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre les dispositions dudit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

Jugement  2017-0028 page 1 sur 6

500, avenue des États du Languedoc CS 70755 34064 MONTPELLIER CEDEX 2 T +33 4 67 20 73 00 occitanie@crtc.ccomptes.fr


 

Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la chambre régionale des comptes d’Occitanie, et délivré par moi, secrétaire générale,

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Brigitte VIOLETTE

secrétaire générale

 

 

 

 

 

 

En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans un délai de deux mois à compter de leur notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code.

Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger.

La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.

Jugement  2017-0028 page 1 sur 6

500, avenue des États du Languedoc CS 70755 34064 MONTPELLIER CEDEX 2 T +33 4 67 20 73 00 occitanie@crtc.ccomptes.fr