1ère section
Jugement n° 2017-0003 J
Audience publique du 26 janvier 2017
Prononcé le 16 février 2017 | Commune de Oissery (77)
Poste comptable : Dammartin-en-Goële
Exercice 2012 | |
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République Française
Au nom du peuple français
La chambre,
Vu le réquisitoire du 3 novembre 2015, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de
Mme X..., comptable de la commune de Oissery, au titre d’opérations relatives à l’exercice 2012, ayant fait l’objet de l’arrêté de charge provisoire du chef du pôle interrégional d’apurement administratif de Rennes du 1er septembre 2015 ;
Vu les notifications du réquisitoire, le 6 novembre 2015, à la comptable concernée et au maire de la commune de Oissery;
Vu le compte rendu en qualité de comptable de la commune de Oissery, par
Mme X..., du 1er janvier au 31 décembre 2012 ;
Vu les justifications produites au soutien du compte en jugement ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique alors en vigueur ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le rapport de M. Hervé Beaudin, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions du procureur financier ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendus lors de l’audience publique du 26 janvier 2017 M. Hervé Beaudin, premier conseiller, en son rapport, M. Luc Héritier, Procureur financier, en ses conclusions, l’ordonnateur et le comptable, informés de la tenue de cette dernière, n’étant ni présents ni représentés ;
Entendu en délibéré M. Jean-Marc Dunoyer de Segonzac, premier conseiller, en ses observations ;
Attendu que par un arrêté du 1er septembre 2015, le responsable du pôle d’apurement administratif de Rennes a mis provisoirement à la charge de Mme X... une somme de 15 914,87 € pour avoir procédé au cours de l’exercice 2012 au paiement d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS), d’indemnités d’exercice des missions de préfecture (IEMP) et de primes de 13éme mois à des agents de la commune de Oissery sans avoir disposé à l’appui des paiements des pièces justificatives requises, en particulier les délibérations exécutoires fixant les modalités, les taux et la liste des emplois pouvant en bénéficier ; que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes d’Île-de-France de la responsabilité encourue par Mme X... à ce titre ;
Attendu qu’aux termes du deuxième alinéa du I de l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963 : « Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière […] de dépenses […] dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. » ; que, selon le troisième alinéa : « La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors […] qu’une dépense a été irrégulièrement payée » ; qu’aux termes de l’article 12 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique : « Les comptables sont tenus d'exercer [...] : B. En matière de dépenses, le contrôle […] de la validité de la créance dans les conditions prévues à l'article 13 ci-après» ; que selon l’article 13 du même décret : « En ce qui concerne la validité de la créance, le contrôle porte sur la justification du service fait et l'exactitude des calculs de liquidation ; l’intervention préalable des contrôles règlementaires et la production des justifications […] » ;
Attendu que l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales dispose qu’ : « Avant de procéder au paiement d’une dépense ne faisant pas l’objet d’un ordre de réquisition, le comptables publics des collectivités territoriales […] ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l’annexe 1 du présent code. » ; que ladite liste indique à la rubrique 210223 « Primes et indemnités » que les dépenses de cette nature doivent être justifiées par la production de « 1. Décision de l’assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen des indemnités […] » ; qu’elle indique, à la rubrique 210224 « indemnités horaires pour travaux supplémentaires » que ces dépenses doivent être justifiées par une « 1. Délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d'heures supplémentaires […] » ; qu’en effet, l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984 dispose que : « L’assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale […] fixe les régimes indemnitaires […] » ;
Attendu qu’aux termes de l’article 37 du décret du 29 décembre 1962 susvisé : « Lorsqu’à l’occasion de l’exercice du contrôle prévu à l’article 12 (alinéa B) ci-dessus, des irrégularités sont constatées, les comptables publics suspendent les paiements et en informent l’ordonnateur » ;
Attendu, en premier lieu, que Mme X... a payé au cours de l’exercice 2012 une somme de 3 550,62 € correspondant au paiement d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS) à un agent de la commune sans disposer à l’appui des paiements de la délibération exécutoire fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires ; que si la comptable a produit une délibération du 4 novembre 2013 autorisant le versement d’IHTS, les justifications postérieures ne sont pas de nature à régulariser l’absence de production de pièces à la date du paiement ; qu’à défaut d’avoir suspendu le paiement des IHTS et d’avoir exigé la production de la délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d'heures supplémentaires, la comptable a manqué aux obligations mentionnées au I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 et a engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
Attendu, en deuxième lieu, que Mme X... a payé au cours de l’exercice 2012 une somme de 3 430,20 € correspondant à l’indemnité d’exercice des missions de préfecture (IEMP) à un agent de la commune, sur la seule base d’un arrêté individuel du 19 avril 2005 et en l’absence d’une délibération autorisant l’octroi de cette indemnité à l’agent concerné ; qu’en l’absence de cette pièce, la comptable aurait dû suspendre le paiement de cette indemnité ; qu’en payant cette dépense dans ces conditions, la comptable a manqué aux obligations mentionnées au I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 et a engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
Attendu, en troisième lieu, que Mme X... a payé en janvier 2012 une somme de 8 934,05 € correspondant à des primes de fin d’année calculée au titre de l’exercice 2011, dites de 13ème mois, à cinq agents de la commune, en l’absence d’une délibération autorisant l’octroi de ces primes aux agents concernés ; que la délibération du 9 janvier 2006 produite par la comptable n’était applicable que jusqu’à l’année 2008 et que le décompte établi par le maire le 14 janvier 2013, fixant le taux applicable à chaque agent, ne concernait que l’exercice 2012 et non les taux applicables à l’exercices 2011, qui ont été payés en janvier 2012 ; qu’en l’absence d’une délibération exécutoire, la comptable aurait dû suspendre le paiement de cette indemnité ; qu’en payant cette dépense dans ces conditions, la comptable a manqué aux obligations mentionnées au I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 et a engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
Attendu qu’en l’absence des justifications requises, les versements susmentionnés des IHTS, de l’IEMP et des primes de fin d’année sont privés de tout fondement juridique ; qu’il s’ensuit que les paiements en cause ont représenté une dépense que la commune ne devait pas ; qu’en payant ces dépenses, la comptable a causé un préjudice financier à la commune de Oissery ; que les décisions susmentionnées postérieures au paiement, dépourvues de caractère rétroactif, n’ont pas fait disparaître ce préjudice financier ;
Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu'ainsi, il y a lieu de constituer Mme X... débitrice de la commune de Oissery, des sommes de 3 550,68 €, 3 430,20 € et 8 934,05 € au titre de l’exercice 2012 ;
Attendu qu’aux termes du VIII du même article : « Les débets portent intérêts au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; que les trois débets prononcés ci-dessus porteront intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2015, date de réception du réquisitoire par Mme X... ;
Attendu qu’aux termes du deuxième alinéa du IX du même article : « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou du respect par celui-ci sous l’appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, une remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l’obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ; qu’aux termes de l’article 1er du décret du 10 décembre 2012 susvisé : « La somme maximale pouvant être mise à la charge du comptable, conformément aux dispositions du deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, est fixée à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré. » ;
Attendu que la comptable n’ayant pas précisé au cours de l’instruction s’il existait pour l’exercice 2012 un contrôle sélectif de la dépense, il y a lieu de considérer qu’elle devait contrôler de manière exhaustive l’ensemble des dépenses de la commune ; qu’ainsi, le ministre chargé du budget devra laisser à la charge de Mme X... une somme au moins égale à trois millièmes de montant de son cautionnement soit une somme de 528 € pour la première des charges ; que le ministre pourra confondre cette somme avec celles dues aux titre des deux autres charges ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : Mme X... est constituée débitrice de la commune de Oissery pour les sommes de 3 550,68 €, 3 430,20 € et 8 934,05 €.
Article 2 : Ces sommes porteront intérêt à compter du 6 novembre 2015.
Article 3 : Le ministre chargé du budget laissera à la charge de Mme X... une somme au moins égale à 528 €.
Article 4 : Il est sursis à la décharge de Mme X... pour sa gestion du 1er janvier au 31 décembre 2012, jusqu’à la constatation de l’apurement des débets ci-dessus prononcés.
Fait et jugé par M. Alain Stéphan, président de section, président de séance ; MM. Jean-Marc Dunoyer de Segonzac et Yves Bénichou, premiers conseillers.
En présence de Mme Marie-Christine Bernier-Liparo, greffière de séance.
Marie-Christine Bernier-Liparo Alain Stéphan
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En application des articles R. 242-14 à R. 242-16 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-17 à R. 242-19 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-26 du même code.