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Jugement n° 2017-0028
Audience publique du 12 octobre 2017
Prononcé du 13 novembre 2017 | Syndicat intercommunal à vocation multiple du Cavo
Poste comptable : Trésorerie de Levie
Exercice : 2014 |
République Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
Vu le réquisitoire n° 2016-0015 du 18 octobre 2016, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X…, comptable du syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) du Cavo, au titre d’opérations relatives à l’exercice 2014 ;
Vu la notification du réquisitoire le 21 octobre 2016 à Mme X… et le 24 octobre 2016 à M. Y…, président du SIVOM du Cavo ;
Vu le compte rendu en qualité de comptable du SIVOM du Cavo par Mme X… du 1er janvier au 31 décembre 2014 ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales (CGCT) ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 modifié relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le rapport de M. François Gajan, président de section, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions du procureur financier ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendus lors de l’audience publique du 12 octobre 2017 M. François Gajan, président de section, en son rapport, et M. Jacques Barrière, procureur financier, en ses conclusions ; la comptable et l’ordonnateur n’étant ni présents, ni représentés ;
Entendu en délibéré M. Jan Martin, premier conseiller, réviseur, en ses observations ;
Sur la présomption de charge unique soulevée à l’encontre de Mme X… au titre de l’exercice 2014 ;
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes de Corse de la responsabilité encourue par Mme X… pour avoir payé, en 2014 sur le compte 6531, une indemnité mensuelle de fonctions à M. Y…, président du conseil syndical du SIVOM du Cavo, pour un montant total de 8 839,44 €, sans disposer des pièces justificatives exigées par la réglementation ;
Sur l’existence d’un manquement de la comptable à ses obligations
Attendu que, pour apprécier la validité des créances ou des dettes, obligation que leur fixe l’article 19 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications ; qu’à ce titre, il leur revient d’apprécier si les pièces produites présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée ; que pour établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l’ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur ont été transmises et, en deuxième lieu, si ces pièces sont, d’une part, complètes et précises, d’autre part, cohérentes au regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable et de la nature et de l’objet de la dépense telle qu’elle a été ordonnancée ;
Attendu qu’aux termes du 2ème alinéa du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 : « Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière (…) de dépenses (…) dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ; qu’il résulte des articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, que le comptable est seul chargé, s’agissant des ordres de payer, d’exercer le contrôle de la validité de la créance, notamment au travers de la production des pièces justificatives qui lui ont été transmises et figurant à l’appui du mandat ;
Attendu qu’en application de l’article D. 1617-19 du CGCT, et de son annexe I, les comptables publics doivent, en matière de primes et indemnités, disposer à l’appui des paiements des pièces énumérées à la rubrique 311, à savoir, lors du premier paiement, la délibération fixant les conditions d’octroi de l’indemnité et son montant et, lors des paiements ultérieurs, l’état liquidatif précisant le montant brut de l’indemnité, le montant des précomptes, le montant net versé (…) ;
Attendu que M. Y… exerce le mandat de président du conseil syndical du SIVOM du Cavo depuis avril 1980 ; que Mme X… ne disposait pas, lors des paiements mensuels, de l’indemnité de fonctions de M. Y… de l’indemnité de fonctions de M. Y…, au cours de l’exercice 2014, des pièces permettant de vérifier la validité des calculs de liquidation ; qu’elle ne disposait pas davantage de la délibération fixant ladite indemnité, prévue à l’article L. 5211-12 du CGCT, suite au renouvellement de l’organe délibérant de l’établissement public intervenu à l’issue des élections municipales de mars 2014 ; qu’en ne suspendant pas les versements de cette indemnité, elle a manqué aux obligations de contrôle de la dépense publique et dès lors engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
Attendu que pour déterminer si le paiement irrégulier d'une dépense par un comptable public a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné, il appartient au juge des comptes d'apprécier si la dépense était effectivement due et, à ce titre, de vérifier notamment qu'elle n'était pas dépourvue de fondement juridique ; qu’il appartient ensuite au juge des comptes d’évaluer l’ampleur du préjudice subi ; qu’il doit, à cette fin, apprécier l’existence et le montant du préjudice à la date à laquelle il statue en prenant en compte, le cas échéant, des faits postérieurs au manquement tels qu’un éventuel reversement dans la caisse du comptable de sommes correspondant à des dépenses irrégulièrement payées ou à des recettes non recouvrées ; que le comptable peut s’exonérer de la responsabilité en apportant la preuve du reversement de la somme sur ses deniers propres ou par le bénéficiaire, avant que le juge ne se prononce ;
Attendu, en premier lieu, que le fait que le comptable et l’ordonnateur font valoir que le versement de l’indemnité mensuelle de fonctions au président du conseil syndical du SIVOM du Cavo est régulièrement inscrit au budget du syndicat et que M. Y… en est le seul bénéficiaire, n’est pas de nature à constituer le fondement juridique de ces paiements ; que la délibération du 6 juillet 2016 par laquelle le SIVOM du Cavo a décidé de fixer le montant de cette indemnité, n’a pas pour effet de régulariser rétroactivement l’indemnité de fonction versée au président du SIVOM du Cavo en 2014 ;
Attendu, en second lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que, le 13 juin 2017, Mme X… a pris en charge un titre de recette d’un montant de 6 100,90 €, correspondant au montant d’un chèque émis par M. Y…, le 12 juin 2017 ; que, par une lettre adressée au préfet de la Corse-du-Sud, le 30 mai 2017, le président du SIVOM du Cavo indique que ce montant correspond au remboursement d’une partie de son indemnité de fonctions perçue de 2014 à 2017 ; qu’il ressort de la réponse de la comptable que la part de cette somme correspondant à l’exercice 2014 est de 1 447,83 € ; qu’il y a lieu de déduire cette somme du montant total de l’indemnité de fonctions versée indûment au président du SIVOM du Cavo en 2014 qui s’élève dès lors à 7 391,61 € ;
Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 « lorsque le manquement du comptable (…) a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné (…) le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’il y a lieu de constituer Mme X… débitrice du SIVOM du Cavo pour la somme de 7 391,61 € au titre de l’exercice 2014 ;
Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; que le débet susmentionné porte intérêt au taux légal à compter de la date de notification à la comptable du réquisitoire susvisé, soit le 21 octobre 2016 ;
Attendu que n’existait pas, pour la période considérée, de plan de contrôle sélectif des dépenses au SIVOM du Cavo ; que cette circonstance fait obstacle à une remise gracieuse totale du débet ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : Mme X… est constituée débitrice du SIVOM du Cavo pour un montant total de 7 391,61 €, au titre de l’exercice 2014, augmenté des intérêts de droit à compter du 21 octobre 2016.
Article 2 : La décharge de Mme X… pour sa gestion du 1er janvier au 31 décembre 2014 ne pourra lui être donnée qu’après apurement du débet fixé ci-dessus.
Fait et jugé par M. Jacques Delmas, président de séance, M. Jan Martin, premier conseiller et Mme Carole Saj, conseiller.
En présence de Mme Maddy Azzopardi, greffière de séance.
Maddy Azzopardi
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Jacques Delmas
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En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
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En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.
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