S3/2170356/MC 1/5

 

1ère section

 

Jugement 2017-0012 J

 

Audience publique du 31 mars 2017

 

Prononcé le 21 avril 2017 

 

 

 

 

Office public de l’habitat d’Argenteuil-Bezons

 

 

Exercices 2010 et 2011

 

 

 

République Française

Au nom du peuple français

La Chambre,

 

 

Vu le réquisitoire n° 2016-0206 du 7 juillet 2016 par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X..., Mme Y... et Mme Z..., comptables successifs de l’office public de l’habitat d’Argenteuil-Bezons, au titre des exercices 2010 et 2011, notifié aux comptables le 3 août 2016, et au directeur de l’office le 8 août 2016 ;

Vu les comptes rendus en qualité de comptable de l’office public de l’habitat
d’Argenteuil-Bezons par M. X..., du 1er janvier au 28 octobre 2010 et du 2 février 2011 au 30 juin 2011, par Mme Y..., du 29 octobre 2010 au 1er février 2011, et par Mme Z..., du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2011 ;

Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;

Vu larticle 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de la construction et de l’habitation ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique alors en vigueur ;

Vu le décret n° 64-685 du 2 juillet 1964 relatif à la constitution et à la libération du cautionnement exigé des comptables publics ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de larticle 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de larticle 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificatives pour 2011 ;

Vu le rapport de Mme Josée Espinosa, première conseillère, magistrate chargée de linstruction ;

Vu les conclusions du procureur financier ;

Vu les pièces du dossier ; 

Entendu lors de laudience publique du 31 mars 2017, M. Yves Bénichou, premier conseiller présentant le rapport de Mme Espinosa, M. Héritier, procureur financier, en ses conclusions ;

Entendu en délibéré M. Jean-Marc Dunoyer de Segonzac, premier conseiller, réviseur, en ses observations ;

Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X..., Mme Y... et Mme Z..., comptables successifs de l’office public de l’habitat d’Argenteuil-Bezons, au titre des exercices 2010 et 2011, pour avoir payé au directeur général de l’office, d’une part, une « prime annuelle RG » , sans disposer des pièces justificatives suffisantes (charge n° 1), et, d’autre part, une part variable sans avoir contrôlé l’exactitude des calculs de liquidation (charge n° 2) ;

Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière [...] de dépenses [...] dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. […] La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors […] qu'une dépense a été irrégulièrement payée » ; qu’en vertu de l’article 12 du décret du 29 décembre 1962 susvisé, alors en vigueur : « Les comptables sont tenus d'exercer [...] B) - En matière de dépenses, le contrôle […] de la validité de la créance dans les conditions prévues à l'article 13 ci-après […] » ; que l’article 13 du même décret précise qu’ : « En ce qui concerne la validité de la créance, le contrôle porte sur la justification du service fait et l’exactitude des calculs de liquidation ; l'intervention préalable des contrôles réglementaires et la production des justifications [] ».

Attendu qu’aux termes de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales : « Avant de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des associations syndicales de propriétaires ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I du présent code. » ; que la rubrique 210223 de ladite annexe I, laquelle constitue la nomenclature des pièces justificatives des dépenses publiques locales, prévoit que pour payer des primes et indemnités, le comptable public doit disposer des pièces suivantes : « 1 Décision de l'assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités ; 2. Décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination fixant le taux applicable à chaque agent. ».

Attendu qu’en application de l’article 37 du décret du 29 décembre 1962 précité : « Lorsque, à l'occasion de l'exercice du contrôle prévu à l'article 12 (alinéa B) ci-dessus, des irrégularités sont constatées, les comptables publics suspendent les paiements et en informent l'ordonnateur. » ;

 

 

Sur la présomption de charge n° 1 :

Attendu que les comptables ont payé au directeur général de l’office une indemnité complémentaire annuelle intitulée « prime annuelle RG », d’un montant de 845 € en 2010 (468 € en mai et 377 € en novembre) et de 470 € en mai 2011, représentant un montant total de 1 315  ;

Attendu que, lors du paiement, les comptables en cause disposaient du contrat de travail du 7 octobre 2008 de l’intéressé et de son avenant n° 1 du 6 mai 2010, qui ne mentionnent pas le versement d'une telle indemnité ; qu’en présence de documents contractuels ne prévoyant pas l’indemnité en cause, les comptables auraient dû, suspendre le paiement et demander des éléments complémentaires à l'ordonnateur ; qu’en s’en abstenant et en payant dans ces conditions, ils ont manqué aux obligations mentionnées au I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 et manqué à leurs obligations et engagé leur responsabilité personnelle et pécuniaire ;

Attendu qu’en l’absence de mention de cette prime dans les documents contractuels, ou dans tout autre document engageant l’office de l’habitat, les comptables ont payé une dépense que l’office ne devait pas ; qu’ainsi, leurs manquements ont causé un préjudice financier à l’office ; que, toutefois, la « prime annuelle RG » payée par M. X..., par le mandat n° 5484 du 19 mai 2011 à hauteur de 470 €, a fait l’objet d’une régularisation sous la forme d’une déduction faite sur la fiche de paie du mois d’avril 2013 du directeur général ; que, par suite, compte tenu de la régularisation intervenue, cette somme de 470 € ne doit pas être incluse dans le préjudice financier subi par l’office ;

Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l’organisme concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante. » ; que, dans cette hypothèse, le juge des compte ne peut tenir compte des diverses circonstances de l’espèce invoquées par les comptables sur la gestion de leur poste ; que, par suite, il y a lieu de constituer M. X..., comptable en fonction du 1er janvier 2010 au 28 octobre 2010, débiteur de l’office à hauteur de 468 €, et Mme Y..., comptable intérimaire du 29 octobre 2010 au 1er février 2011, à hauteur de 377 € ;

Attendu qu’aux termes du VII du même article : « Les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics. » ; que le réquisitoire a été notifié aux deux comptables le 3 août 2016 ;

Attendu qu’aux termes du IX du même article : « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou du respect par celui-ci sous l’appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, une remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l’obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ; que, selon le décret du 10 décembre 2012 susvisé : « La somme maximale pouvant être mise à la charge du comptable, conformément aux dispositions du deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, est fixée à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré. » ;

Attendu que le montant du cautionnement des comptables successifs de la trésorerie d’Argenteuil est fixé à 171 000 € pour l’exercice 2010 ; que si Mme Y..., comptable intérimaire, en fonctions un peu plus de trois mois, du 29 octobre 2010 au 1er février 2011, n’a pas souscrit de cautionnement compte tenu de son intérim inférieur à 6 mois, il convient, en application du décret du 2 juillet 1964 susvisé, de prendre en compte le cautionnement du poste comptable à la date du manquement, soit celui applicable en 2010 ;

Attendu qu’en l’absence d’un plan de contrôle sélectif de la dépense, la somme que le ministre devrait laisser à la charge de chacun des comptables doit être au moins égale à 513 euros ; que ce montant étant supérieur au montant des débets susmentionnés, le ministre ne pourra leur accorder aucune remise gracieuse ;

Sur la présomption de charge n° 2 :

Attendu qu’il était fait grief aux comptables d’avoir payé au directeur général une part variable en 2010, basée sur les résultats de 2009, et une part variable en 2011, fondée sur les résultats de 2010, alors que l’avenant du 6 mai 2010, au contrat de travail de l’intéressé fixe des modalités de calcul complexes, qui nécessitaient que le comptable dispose d’un décompte détaillé afin d’être en mesure de vérifier l’exactitude des calculs de liquidation, l’avenant seul ne permettant pas d’y procéder ;

Mais attendu que Mme Z... a produit les pièces justificatives qui permettaient aux comptables de contrôler la liquidation de la dépense, consistant en délibérations du 4 mai 2010 et du 1er février 2011 avec les deux décomptes joints ; qu’ainsi, M. X... et Mme Z... n'ont pas manqué à leurs obligations de contrôle ; que, dans ces conditions, leur responsabilité n’est pas engagée ;

 

Par ces motifs,

DÉCIDE :

 

Article 1er : M. X... est constitué débiteur de l’office public de l’habitat
d’Argenteuil-Bezons pour une somme de 468 €.

Article 2 : Mme Y... est constituée débitrice de l’office public de l’habitat d’Argenteuil-Bezons pour une somme de 377 €.

Article 3 : Ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 3 août 2016.

Article 4 : Le ministre chargé du budget ne pourra pas accorder de remise gracieuse de ces sommes.

Article 5 : Mme Z... est déchargée de sa gestion du 1er juillet 2011 au
31 décembre 2011.

Article 6 : La décharge de M. X... et de Mme Y... ne pourra être donnée qu’après apurement des débets fixés ci-dessus.


Fait et jugé par M. Alain Stéphan, président de séance, Mme Catherine Sanchez, présidente de section et Jean-Marc Dunoyer de Segonzac, premier conseiller.

En présence de M. Reynald Husson, greffier de séance.

Lu en audience publique, le vingt et un avril deux mille dix-sept.

 

 

 

 

 

 

Reynald Husson

Alain Stéphan

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance dy tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsquils en seront légalement requis.

 

En application des articles R. 242-14 à R. 242-16 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-17 à R. 242-19 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-26 du même code.