S3/2170238/MC
1ère section
Jugement n° 2017-0008 J
Audience publique du 28 février 2017
Prononcé le 21 mars 2017 | Commune de Thieux (77)
Poste comptable : Dammartin-en-Goële
Exercice 2010 | |
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République Française
Au nom du peuple français
La chambre,
Vu les réquisitoires du 26 janvier 2015, par lesquels le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu des responsabilités personnelles et pécuniaires de M. X... et Mme Y..., comptables de la commune de Thieux, au titre d’opérations relatives à l’exercice 2010, ayant fait l’objet des arrêtés de charge provisoires du chef du pôle interrégional d’apurement administratif de Rennes du 21 mai 2013 ;
Vu les notifications des réquisitoires, le 10 avril 2015, aux comptables concernés et au maire de la commune de Thieux ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptables de la commune de Thieux, par M. X..., du 1er janvier au 6 septembre 2010 et Mme Y... du 7 septembre au 31 décembre 2010 ;
Vu les justifications produites au soutien du compte en jugement ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique alors en vigueur ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
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S3/2170238/MC
Vu le rapport de M. Yves Bénichou, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions du procureur financier ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendus lors de l’audience publique du 28 février 2017 M. Yves Bénichou, premier conseiller, en son rapport, M. Luc Héritier, procureur financier, en ses conclusions, l’ordonnateur et les comptables, informés de la tenue de cette dernière, n’étant ni présents ni représentés ;
Entendu en délibéré M. Jean-Marc Dunoyer de Segonzac, premier conseiller, en ses observations ;
Attendu que, par un arrêté de charge provisoire du 21 mai 2013, le chef du pôle interrégional d’apurement administratif de Rennes fait grief à M. X... et Mme Y..., comptables de la communes de Thieux de n’avoir pas contrôlé la validité de la créance et la production des justifications requises, au cours de l’exercice 2010, lors du paiement de primes et d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires à trois agents ; que, par les réquisitoires susvisés du 26 janvier 2015, le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu des responsabilités personnelles et pécuniaires de M. X... et Mme Y... ;
Attendu qu’aux termes du deuxième alinéa du I de l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963 : « Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière […] de dépenses […] dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. » ; que, selon le troisième alinéa : « La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors […] qu’une dépense a été irrégulièrement payée » ; qu’aux termes de l’article 12 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, alors en vigueur : « Les comptables sont tenus d'exercer [...] en matière de dépenses, le contrôle […] de la validité de la créance dans les conditions prévues à l’article 13 ci-après » ; que, selon l’article 13 du même décret : « En ce qui concerne la validité de la créance, le contrôle porte sur : la justification du service fait et l’exactitude des calculs de liquidation ; l’intervention préalable des contrôles réglementaires et la production des justifications […] » ;
Attendu que selon l’article D.1617-19 du code général des collectivités territoriales : « Avant de procéder au paiement d’une dépense ne faisant pas l’objet d’un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales […] ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l’annexe I du présent code » ;
Attendu qu’aux termes de l’article 37 du décret du 29 décembre 1962 susvisé : « Lorsqu’à l’occasion de l’exercice du contrôle prévu à l’article 12 (alinéa B) ci-dessus, des irrégularités sont constatées, les comptables publics suspendent les paiements et en informent l’ordonnateur » ;
Sur les présomptions de charges relatives au paiement de l’indemnité d’administration et de technicité et de l’indemnité d’exercice des missions de préfecture à des agents communaux :
Attendu qu’il était fait grief à M. X... et Mme Y... d’avoir payé de janvier à août 2010 et de septembre à décembre 2010 à deux agents des indemnités d’administration et de technicité (IAT) pour la somme de 3 255,40 € en ce qui concerne M. X... et la somme de 1 647,28 € en ce qui concerne Mme Y..., sans disposer de la décision de l’assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen de l’indemnité et de la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination fixant le taux applicable à l’agent ;
Mais attendu que les comptables mis en cause ont produit une délibération du 3 mars 2003 instaurant l’IAT et des arrêtés du 13 mai 2008 accordant aux deux agents concernés celle-ci pour des montants correspondant à ceux qui leur ont été versés, et qu’il n’y a donc pas lieu d’engager leur responsabilité au titre de l’IAT ;
Attendu qu’il était fait grief à M. X... et Mme Y... d’avoir payé en mars et juin 2010 d’une part et septembre et décembre 2010 d’autre part au même agent des indemnités d’exercice des missions de préfecture (IEMP) pour la somme de 2 058,06 € en ce qui concerne les deux comptables, sans disposer de la décision de l’assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen de l’indemnité et la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination fixant le taux applicable à l’agent ;
Mais attendu que les comptables mis en cause ont produit une délibération du 29 octobre 1998 autorisant le versement de cette indemnité aux agents du cadre d’emploi auquel appartient le bénéficiaire ainsi qu’un arrêté du 4 avril 2001 précisant le coefficient multiplicateur applicable à l’intéressée ; que les montants payés à l’intéressée par les deux comptables correspondent bien à ceux qui devaient être versés, en application des dispositions de cet arrêté ; qu’il n’y a donc pas lieu d’engager leur responsabilité au titre de l’IEMP ;
Sur la présomptions de charge relative au paiement de l’indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires :
Attendu que l’annexe I mentionnée à l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales indique, en sa rubrique 210223 « Primes et indemnités », que pour payer les primes et indemnités, le comptable doit disposer des pièces suivantes : « 1. Décision de l’assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen des indemnités ; 2. Décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination, fixant le taux applicable à chaque agent (…) » ;
Attendu que M. X... et Mme Y... ont payé de janvier à août 2010 et de septembre à décembre 2010 à un agent des indemnités forfaitaires pour travaux supplémentaires (IFTS) pour la somme de 5 703,19 € en ce qui concerne M. X... et la somme de 2 876,52 € en ce qui concerne Mme Y..., sans disposer de la décision de l’assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen de l’indemnité et la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination fixant le taux applicable à l’agent ; qu’en effet la délibération du 3 mars 2003 instituant les IFTS ne permettait pas, en l’absence d’un arrêté pris en application de cette délibération, de déterminer le montant de l’IFTS à verser à l’agent concernée;
Attendu qu’en l’absence de cette pièce, les comptables ne pouvaient vérifier la validité et le montant de la créance et devaient suspendre le paiement de ces indemnités et demander à l’ordonnateur les précisions nécessaires et qu’il y a donc lieu d’engager leurs responsabilités personnelles et pécuniaires pour le paiement de ces IFTS à cette agent ;
Attendu que lorsque le manquement résulte du paiement irrégulier d’une dépense par le comptable, il cause un préjudice financier à l’organisme public concerné s’il en résulte pour celui-ci une dépense qui n’était pas due ; qu’aux termes du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné […], le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; que la bénéficiaire pouvait les percevoir au taux applicable en 2010 par la délibération susmentionnée du 3 mars 2003 ; que le montant du préjudice est limité à la différence entre les montants versés, qui doivent correspondre au taux annuel affecté du coefficient multiplicateur non justifié et le taux applicable en 2010, soit pour M. X... à 4 984,04 € (au lieu de 5 703,19 € retenus dans le réquisitoire) et 2 516,96 € pour Mme Y... (au lieu de 2 876,52 € dans le réquisitoire) ; que par conséquent les débets prononcés à leur encontre peuvent être arrêtés à ces montants ;
Sur la présomption de charge relative au paiement d’heures supplémentaires à un agent communal :
Attendu que l’annexe I mentionnée à l’article D. 1617-19 du code général des collectvités territoriales indique, à sa rubrique 210224 concernant le paiement des indemnités horaires pour travaux supplémentaires, que le comptable doit exiger les pièces suivantes : « 1. Délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effectives d’heures supplémentaires ; 2. Décompte indiquant par agent et par taux d’indemnisation le nombre d’heures effectuées ; 3. Le cas échéant, décision justifiant le dépassement du contingent mensuel autorisé » ; qu’en effet, l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984 dispose que : « L’assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale […] fixe les régimes indemnitaires […] » ;
Attendu que M. X... et Mme Y... ont payé de janvier à juillet 2010 et d’octobre à décembre 2010 à un agent des indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS) pour la somme de 644,51 € en ce qui concerne M. X... et la somme de 265,37 € en ce qui concerne Mme Y..., sans disposer de la décision de l’assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen de l’indemnité, le décompte des heures effectuées et la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination validant le dépassement du contingent autorisé ; que la délibération du 3 mars 2003 ci-dessus mentionnée ne prévoit pas le versement d’IHTS et se contente de poser le principe des heures supplémentaires et que la délibération du 15 septembre 2015 relative aux IHTS, produite par l’ordonnateur,étant postérieure aux paiements effectués par les comptables, ne saurait être prise en compte pour justifier ceux-ci ;
Attendu qu’en l’absence de ces pièces, les comptables ne pouvaient vérifier la validité et le montant de la créance et devaient suspendre le paiement de ces indemnités et demander à l’ordonnateur les précisions nécessaires et qu’il y a donc lieu d’engager leurs responsabilités personnelles et pécuniaires pour le paiement de ces IHTS à cet agent ;
Attendu qu’en l’absence de délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effectives d’heures supplémentaires, le comptable a payé une somme que la commune de Thieux ne devait pas ; que, son manquement a causé à la commune un préjudice financier ; qu’aux termes du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné […], le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’il y a donc lieu de constituer M. X... et Mme Y... débiteurs de la commune de Thieux, pour les sommes de 4 984,04 € et 644,51 € pour le premier et de 2 516,96 € et 265,37 € pour la seconde ;
Sur les intérêts et l’éventuelle remise gracieuse du ministre chargé du budget :
Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Les débets portent intérêts au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; que le débet mentionné ci-dessus portera intérêt au taux légal à compter de la date de notification du réquisitoire à M. X... et Mme Y... le 10 avril 2015 ;
Attendu qu’aux termes du IX du même article : « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du […] VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l'appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l'obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI. » ; qu’aux termes du décret du 10 décembre 2012 susvisé : « La somme maximale pouvant être mise à la charge du comptable, conformément aux dispositions du deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, est fixée à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré. » ;
Attendu que le montant du cautionnement de M. X... et de Mme Y... pour le poste comptable de Dammartin-en-Goële était de 176 000 € en 2010 ; qu’en l’absence d’un contrôle sélectif des dépenses applicable en 2010, les comptables étaient tenu à un contrôle exhaustif des dépenses litigieuses ; qu’ainsi, le ministre chargé du budget devra laisser à la charge de chacun des comptables une somme au moins égale à 528 € ; qu’en revanche, l’ensemble des manquements retenus ci-dessus étant de même nature, le ministre pourra laisser à la charge de chacun une somme unique ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : M. X... est constitué débiteur de la commune de Thieux pour les sommes de 4 984,04 € et 644,51 €, majorées des intérêts de droit à compter du 10 avril 2015.
Article 2 : Mme Y... est constituée débitrice de la commune de Thieux pour les sommes de 2 516,96 € et 265,37 €, majorées des intérêts de droit à compter du 10 avril 2015.
Article 3 : En cas de remise gracieuse des débets ci-dessus prononcés, le ministre laissera à la charge des comptables une somme au moins égale à 528 €.
Article 4 : Dans l’attente de l’apurement des débets ci-dessus prononcés, il est sursis à la décharge de M. X... et de Mme Y... pour leurs gestions sur l’exercice 2010.
Fait et jugé par M. Alain Stéphan, président de séance ; M.Jean-Marc Dunoyer de Segonzac et Mme Catherine Salmon, premiers conseillers.
En présence de Mme Marie-Christine Bernier-Liparo, greffière de séance.
Marie-Christine Bernier-Liparo, Alain Stéphan,
Auxiliaire de greffe président de section
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En application des articles R. 242-14 à R. 242-16 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-17 à R. 242-19 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-26 du même code.
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