CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES

PROVENCE–ALPES-CÔTE DAZUR

 

Chambre

 

Jugement n° 2017-0031

 

 

Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) des Alpes-Maritimes

Département des Alpes-Maritimes

Exercice 2015

Rapport n° 2017-0240

Audience publique du 14 novembre 2017

Délibéré le 14 novembre 2017

Prononcé le 4 décembre 2017

 

 

 

JUGEMENT

 

REPUBLIQUE  FRANÇAISE

AU  NOM  DU  PEUPLE  FRANÇAIS

 

 

La chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte dAzur,

 

VU le réquisitoire  2017-0036 en date du 1er août 2017 par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X, comptable du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) des Alpes-Maritimes, au titre dopérations relatives à lexercice 2015 ;

VU la notification du réquisitoire du procureur financier et du nom du magistrat chargé de linstruction au président du SDIS des Alpes-Maritimes et à M. X, intervenue respectivement le 7 août et le 10 août 2017 ;

VU les comptes du SDIS des Alpes-Maritimes pour lexercice 2015 ;

VU le code général des collectivités territoriales, notamment ses articles L. 1424-27 et
L. 1424-30 ;

VU le code des juridictions financières ;

VU larticle 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;

VU le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

VU le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du paragraphe VI de larticle 60 de la loi du 23 février 1963 modifié, dans sa rédaction issue de larticle 90 de la loi n° 2011-1978 de finances rectificative pour 2011 ;

VU les questionnaires adressés par le magistrat instructeur au comptable et à lordonnateur le 31 août 2017 ;

VU les justifications en réponse transmises par le comptable par lettre du 8 septembre enregistrée au greffe de la chambre le 13 septembre 2017 et par le président du SDIS des Alpes-Maritimes par courrier du 11 septembre enregistré au greffe de la chambre le 15 septembre 2017 ;

VU les pièces transmises par la paierie départementale des Alpes-Maritimes par courriels reçus et enregistrés au greffe de la chambre les 20 et 28 septembre 2017 ;

VU le rapport déposé le 29 septembre 2017 par M. Bernard Debruyne, président de section ;

VU les conclusions du procureur financier ;

Après avoir entendu en audience publique le rapporteur et les conclusions orales de M. Marc Larue, procureur financier, M. X et lordonnateur, dûment informés de laudience, nétant ni présents ni représentés ;

Après en avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier et après avoir entendu M. Patrick Caiani, président de section, réviseur, en ses observations ;

ATTENDU quaucune circonstance constitutive de la force majeure na été établie ni même alléguée ;

 

 

Charge unique : indemnités versées aux vice-présidents sur le fondement du mandat collectif n° 10423 du 10 décembre 2015

 

En ce qui concerne le réquisitoire

 

ATTENDU que par le réquisitoire susvisé du 1er août 2017, le procureur financier a requis la chambre au motif que, sur le fondement du mandat collectif susmentionné, imputé au compte 6531 « Indemnités », le comptable a payé à trois vice-présidents du SDIS des Alpes-Maritimes des indemnités de fonctions pour un montant total de 1 621,61  alors qu’il ne disposait pas de l’ensemble des pièces justificatives prévues par la réglementation pour ce type de dépense ;

 

ATTENDU qu’après avoir rappelé qu’aux termes de la sous-rubrique 3111 « Premier paiement » de sa rubrique 311 « Indemnité de fonction d’un élu local », la nomenclature des pièces justificatives des dépenses des collectivités territoriales et des établissements publics locaux mentionnée à l’article D. 1617-19 et figurant en annexe du code général des collectivités territoriales prévoit la production d’une délibération fixant les conditions d’octroi de l’indemnité et son montant ainsi que, le cas échéant, d’un arrêté de délégation de fonctions, le représentant du ministère public a relevé qu’en l’espèce, M. X avait payé les indemnités précitées alors qu’il ne disposait d’aucun arrêté de délégation de fonctions aux vice-présidents concernés, sur le seul fondement de deux délibérations du 5 mai 2011 et du 21 mai 2015 relatives aux indemnités de fonctions de président et de vice-président du conseil d’administration ;


ATTENDU que le procureur financier a précisé que, comme l’a rappelé la Cour des comptes dans un arrêt du 24 octobre 2013, commune de Maurepas, la mention « le cas échéant » figurant dans la nomenclature signifie juridiquement « si la législation ou la réglementation le prévoit » ; que la lecture des dispositions figurant aux articles L. 1424-30 et L. 1424-27 du code général des collectivités territoriales (CGCT), aux termes desquelles, d’une part, le président du SDIS « peut déléguer, par arrêté, sous sa surveillance et sa responsabilité, l’exercice d’une partie de ses fonctions aux membres du bureau du conseil d’administration » et, d’autre part, « les indemnités maximales votées par le conseil d’administration du service d’incendie et de secours pour l’exercice effectif des fonctions de président ou de vice-président sont déterminées par référence au barème prévu, en fonction de la population du département, pour les indemnités de conseillers départementaux par l’article L. 3123-16 dans la limite de 50% pour le président et de 25% pour chacun des vice-présidents », montre que tel est bien le cas en l’espèce ; qu’il résulte en effet de ces dispositions que le versement d’une indemnité de fonction est subordonné à l’exercice effectif de fonctions exécutives ; que dans le cas particulier des vice-présidents, cela signifie qu’ainsi que l’a précisé à propos d’un élu municipal le Conseil d’Etat dans une décision du 21 juillet 2006, commune de Boulogne-sur-Mer, la délégation « doit porter sur des attributions effectives, identifiées de façon suffisamment précise pour permettre d'en apprécier la consistance » ;

 

 

Sur le manquement du comptable à ses obligations

 

ATTENDU que dans sa réponse du 8 septembre 2017 au réquisitoire du procureur financier et au questionnaire du rapporteur, M. X a signalé que le réquisitoire était entaché d’une erreur en ce qui concerne l’identité de l’un des trois vice-présidents ayant bénéficié des indemnités de fonctions, fait valoir que le président du conseil d’administration du SDIS des Alpes-Maritimes avait désigné le premier des deux autres vice-présidents concernés comme son suppléant dans diverses commissions et le second comme président de la commission d’appel d’offres de l’établissement public et produit copie des arrêtés faisant mention de ces désignations et de pièces attestant de la participation de l’un de ces vice-présidents aux travaux de certaines des commissions mentionnées ;

 

ATTENDU que M. X a fait valoir par ailleurs, à titre d’« éléments de contexte », d’une part, que le fonctionnement de la paierie départementale des Alpes-Maritimes avait souffert depuis 2013 des effets de suppressions de postes et du non-remplacement d’agents placés en congés maladie ou maternité et, d’autre part, qu’il avait organisé les 16 juin et 30 juin 2015 « des réunions de service à l’attention des agents du service de la Dépense pour les sensibiliser [notamment sur le] caractère obligatoire de la nomenclature des pièces justificatives annexée au CGCT et demander une application stricte de celle-ci » ;

 

ATTENDU que dans la mesure où elle ne concerne ni les paiements litigieux, ni les motifs pour lesquels le procureur financier a estimé que le comptable avait manqué à ses obligations, l’erreur matérielle identifiée par M. X dans sa réponse n’affecte pas la validité du réquisitoire ;

 

ATTENDU que les arrêtés produits par le comptable à l’appui de sa réponse ne constituent pas des arrêtés de délégation de fonctions au sens des dispositions précitées de l’article L. 1424-30 du CGCT ; qu’en effet, aucun d’entre eux n’a prévu la délégation par le président aux vice-présidents du SDIS d’attributions effectives, identifiées de façon suffisamment précise pour permettre d'en apprécier la consistance ; qu’au demeurant, il semble ressortir d’un document paraissant avoir été joint à la délibération susmentionnée du 21 mai 2015, détaillant la composition du conseil d’administration et du bureau du SDIS, que le président n’aurait délégué aucune de ses fonctions aux vice-présidents de l’établissement public ; qu’y figure en effet, sous un tableau mentionnant les noms des cinq membres du bureau, parmi lesquels sont inscrits ceux des trois vice-présidents ayant bénéficié des indemnités visées dans le réquisitoire, la mention « aucune délégation » ;

ATTENDU que les éléments de contexte invoqués par le comptable sont sans effet sur lappréciation de sa responsabilité personnelle et pécuniaire ; qu’en revanche M. X pourrait valablement en faire état à lappui dune demande de remise gracieuse dun débet prononcé par la chambre ;

 

ATTENDU quaux termes du paragraphe I de larticle 60 de la loi du 23 février 1963 susvisé, « les comptables sont personnellement et pécuniairement responsables (…) du paiement des dépenses (…) » et que leur « responsabilité personnelle et pécuniaire (…) se trouve engagée dès lors (…) quune dépense a été irrégulièrement payée (…) » ;

 

ATTENDU quaux termes de larticle 19 du décret susvisé du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, « le comptable est tenu dexercer le contrôle : (…)  Sagissant des ordres de payer : (…) d) De la validité de la dette dans les conditions prévues à larticle 20 (…) » ; que selon larticle 20, « le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur (…) la production des pièces justificatives (…) » ; que larticle 38 dispose que « lorsquà loccasion de lexercice des contrôles prévus au 2° de larticle 19 le comptable public a constaté des irrégularités (…), il suspend le paiement et en informe lordonnateur » ;

 

ATTENDU quil résulte de ce qui précède que M. X a engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire en sabstenant de suspendre le paiement du mandat visé dans le réquisitoire alors qu’il ne disposait d’aucun arrêté de délégation de fonctions au sens de l’article L. 1424-30 du CGCT ;

 

 

Sur le préjudice financier

 

ATTENDU quaux termes des deuxième et troisième alinéas du paragraphe VI de larticle 60 de la loi du 23 février 1963 susvisé, « lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I na pas causé de préjudice financier à lorganisme concerné, le juge des comptes peut lobliger à sacquitter dune somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de lespèce (…). Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à lorganisme public concerné (…), le comptable a lobligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante (…) » ;

 

ATTENDU que dans sa réponse du 8 septembre 2017 au réquisitoire du procureur financier et au questionnaire du rapporteur, M. X a fait valoir que, compte tenu des activités exercées par les vice-présidents comme suppléant du président du SDIS au sein de diverses commissions pour l’un d’entre eux et président de la commission d’appel d’offres pour un autre et dans la mesure « il convient, sans doute, de rajouter diverses activités de représentation » ayant incombé aux vice-présidents concernés, « il ne semble pas que le SDIS 06 ait subi un quelconque préjudice financier » ;

 

ATTENDU que dans sa réponse du 11 septembre 2017 au réquisitoire du procureur financier et au questionnaire du rapporteur, le président de l’établissement public a fait valoir, au soutien de la même thèse, que « les montants () en cause [avaient] bien été versés aux vice-présidents désignés par la délibération du conseil d’administration du 21 mai 2015 (…) dans l’exercice de leur fonction » et que « ces montants [étaient] conformes à la délibération du conseil d’administration du 5 mai 2011 fixant les indemnités de fonction de président et de vice-président (…) » ;


ATTENDU toutefois qu’il résulte des pièces du dossier que le paiement des indemnités visées dans le réquisitoire est intervenu en l’absence d’acte exprès du président du conseil d’administration, seule autorité compétente pour déléguer aux vice-présidents du SDIS  l’exercice effectif de ses attributions ; qu’en conséquence les dépenses correspondantes étaient indues et ont donc causé un préjudice financier à létablissement public ; quil y a donc lieu de constituer M. X en débet à hauteur de leur montant total, soit 1 621,61  ;

 

ATTENDU quaux termes du paragraphe VIII de larticle 60 de la loi du 23 février 1963 susvisé, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; que le premier acte de la mise en jeu de la responsabilité des comptables correspond à la notification du réquisitoire, intervenue en lespèce le 10 août 2017 ;

 

 

Sur le respect des règles de contrôle sélectif de la dépense

 

ATTENDU quaux termes du deuxième alinéa du paragraphe IX de larticle 60 de la loi du 23 février 1963 susvisé, les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du paragraphe VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse totale des sommes mises à leur charge sils ont respecté les règles de contrôle sélectif des dépenses ; que cette condition est déterminée « sous lappréciation du juge des comptes » ;

 

ATTENDU que par courriel du 28 septembre 2017, la paierie départementale a transmis les copies d’un extrait concernant la paie du plan de contrôle hiérarchisé de la dépense applicable au SDIS des Alpes-Maritimes, de deux tableaux récapitulant la substance et le calendrier des contrôles prévus dans ce domaine et d’une lettre, en date du 5 juin 2015, par laquelle le directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes a approuvé ce plan pour 2015 ;

 

ATTENDU qu’il ressort de ces documents qu’en ce qui concerne la paie des élus, deux contrôles devaient être réalisés a posteriori, l’un, portant de manière exhaustive sur la paie des nouveaux élus, en juin, l’autre, ciblé sur les indemnités de l’ensemble des élus, au premier quadrimestre ; que le paiement des indemnités visées dans le réquisitoire ayant été réalisé en décembre 2015, le plan de contrôle a été respecté ;

 


 

 

 

Par ces motifs :

 

DÉCIDE :

 

 

Article 1er : M. X est constitué débiteur du SDIS des Alpes-Maritimes, au titre de lexercice 2015, pour la somme de 1 621,61 , augmentée des intérêts de droit à compter du 10 août 2017.

 

Les règles de contrôle sélectif des dépenses ont été respectées au cas despèce.

 

Article 2 : Il est sursis à la décharge de M. X pour sa gestion au titre de lexercice 2015 dans lattente de lapurement du débet mentionné à larticle 1er.

 

Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte dAzur, le
quatorze novembre deux mille dix-sept.

 

Présents : M. Louis Vallernaud, président de la chambre, président de séance, M. Patrick Caiani, président de section, M. Jean-François Kuntgen, premier conseiller, Mme Emmanuelle Colomb, première conseillère et Mme Sophie Leduc-Denizot, première conseillère.

 

 

 

La greffière adjointe,

 

 

 

 

 

Bérénice BAH

Le président de la chambre,

président de séance

 

 

 

 

Louis VALLERNAUD

 

 

 

 

La République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.

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