Sections réunies
Jugement n° 2017-0044
Audience publique du 21 novembre 2017
Prononcé du 11 décembre 2017
| COMMUNE DE VERFEIL
Poste comptable : Centre des finances publiques des Vallées du Tarn et du Girou
N° codique : 031016 573
Exercice 2013
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La République Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
VU l’arrêté de charge provisoire en date du 23 mai 2016, pris par le pôle interrégional d’apurement administratif de Toulouse à l’encontre de M. X, comptable de la commune de Verfeil, et communiqué au procureur financier près la chambre régionale des comptes le 26 mai 2016 ;
VU le réquisitoire n° 2017-0038, pris le 19 juin 2017 et notifié le 5 juillet 2017, par lequel le procureur financier près la chambre régionale des comptes a saisi la juridiction d’une charge présomptive à l’encontre dudit comptable au titre d’opérations relatives à l’exercice 2013 ;
VU les justifications produites à l’appui de l’arrêté de charge provisoire ;
VU l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
VU le code des juridictions financières ;
VU les lois et règlements applicables aux communes ;
VU le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;
VU le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
VU le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
VU le rapport de Mme Clarisse MOYNIER, conseillère, magistrate chargée de l’instruction ;
VU la décision n° 2017-23 du 31 octobre 2017 désignant M. Alain SERRE, premier conseiller, en tant que rapporteur de ce dossier à fin de remplacement de Mme Clarisse MOYNIER, empêchée ;
VU les conclusions de M. Denys ECHENE, procureur financier près la chambre ;
VU les pièces du dossier ;
ENTENDU, lors de l’audience publique du 21 novembre 2017, M. Alain SERRE, premier conseiller, en son rapport, et M. Denys ECHENE en ses conclusions ;
Après avoir délibéré hors la présence des rapporteurs et du procureur financier près la chambre, M. Y, ordonnateur, et M. X, comptable, n’étant ni présents ni représentés à l’audience publique ;
Sur la présomption de charge unique soulevée à l’encontre de M. X, au titre de l’exercice 2013 :
1 - Sur le réquisitoire
ATTENDU qu’en application de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable se trouve engagée dès lors qu’une dépense a été irrégulièrement payée ;
ATTENDU qu’en vertu de l’article 19 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, le comptable public est tenu d’exercer le contrôle : « 2° S’agissant des ordres de payer : […] d) De la validité de la dette dans les conditions prévues à l’article 20 » ; que ce dernier article dispose que : « Le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : […] 3° L’intervention des contrôles préalables prescrits par la réglementation […] ; 5° La production des pièces justificatives […] » ; que l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales dispose que : « avant de procéder au paiement d’une dépense (…) les comptables publics des collectivités territoriales (…) ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l’annexe 1 du présent code » ; que les rubriques 7211 et 7212 de ladite annexe, régissant alors les justifications exigées lors du paiement de subventions et primes de toute nature, prévoient que :
« 7211 - Premier paiement
1. Décision ( …)
lorsque la décision intervient à l’occasion de l’adoption du budget, dans les conditions définies au deuxième alinéa de l’article L. 2311-7 du CGCT, référence sur le mandat au budget arrêtant le bénéficiaire et le montant ;
dans les autres cas, décision arrêtant le bénéficiaire et le montant ainsi que l’objet et, le cas échéant, les conditions d’octroi et les charges d’emploi.
2. Le cas échéant, justifications particulières exigées par la décision.
3. Le cas échéant, convention entre le bénéficiaire et la collectivité (3).
(3) Notamment, au regard des dispositions de l’article L. 1523-7 du code général des collectivités territoriales. En outre, les dispositions combinées de l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et du décret n° 2001-495 du 6 juin 2001 imposent la production d’une convention passée entre l’autorité administrative versante et l’organisme de droit privé bénéficiaire, pour toute subvention d’un montant supérieur à 23 000 euros.
7212 - Autres paiements
1. Le cas échéant, justifications particulières exigées par la décision.
2. Décompte portant récapitulation des sommes déjà versées. »
ATTENDU que l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 dispose que : « (…) L’autorité administrative qui attribue une subvention doit, lorsque cette subvention dépasse un seuil défini par décret, conclure une convention avec l’organisme de droit privé qui en bénéficie, définissant l’objet, le montant et les conditions d’utilisation de la subvention attribuée. Cette disposition ne s’applique pas aux organismes qui bénéficient de subventions pour l’amélioration, la construction, l’acquisition et l’amélioration des logements locatifs sociaux prévues au livre III du code de la construction et de l’habitation » ; que selon l’article 1 du décret n° 2001-495 du 6 juin 2001, « l’obligation de conclure une convention, prévue par le troisième alinéa de l’article 10 de la loi du 12 avril 2000 susvisée, s’applique aux subventions dont le montant annuel dépasse la somme de 23 000 euros » ;
ATTENDU que, sur ces fondements et par réquisitoire susvisé du 19 juin 2017, le procureur financier près la chambre régionale des comptes a requis la juridiction, au motif que le comptable a procédé au paiement de subventions supérieures à 23 000 € sans pièce justificative ; qu’en effet, M. X, comptable mis en cause, a procédé au paiement d’un premier mandat (n° 1021) en date du 23 août 2013 d’un montant de 10 000 € au profit du créancier « Crèche Scoubidou », correspondant au premier acompte d’une subvention d’un montant total de 65 101 € ; qu’au cours du même exercice, un mandat n° 1141 en date du 1er octobre 2013 d’un montant de 25 000 €, et un mandat n° 1518 du 5 décembre 2013 d’un montant de 30 101 € ont été payés au profit du même créancier ; que la « Crèche Scoubidou », établissement d’accueil de jeunes enfants, créé en 1990 sous un statut d’association loi 1901 à but non lucratif, constitue une personne morale de droit privé ; que cette association, eu égard à son objet, ne saurait satisfaire à l’exception prévue par l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 d’obligation de production d’une convention pour toutes subventions d’un montant supérieur à 23 000 € ; qu’aucune convention ne figure dans les pièces justificatives des trois mandats en cause ; qu’aucune justification particulière ou aucun décompte récapitulatif d’avance ne figure dans ces pièces justificatives, de sorte que le comptable public n’a pas respecté l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales et son annexe 1 avant de procéder au paiement d’une dépense ne faisant pas l’objet d’un ordre de réquisition ; que si, pour le premier mandat, le seuil de 23 000 € n’a pas été dépassé, pour les deux suivants, le montant versé à l’association excède ce seuil sans qu’une convention ne soit passée ; qu’ainsi, la responsabilité du comptable alors en fonction est susceptible, selon le ministère public, d’être engagée jusqu’à concurrence de 55 101 € pour l’exercice 2013 ;
2 - Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations
ATTENDU que le comptable fait valoir qu’il ne conteste pas l’absence de convention signée entre la commune et l’association mais que cette subvention étant inscrite régulièrement au budget de la commune, il ne s’est pas opposé à son versement ;
ATTENDU que le budget primitif de l’année 2013 prévoyait une subvention d’un montant total de 65 101 € au profit de la « Crèche Scoubidou » ; que cette dernière, un établissement d’accueil de jeunes enfants, créé en 1990 sous un statut d’association loi 1901 à but non lucratif, constitue une personne morale de droit privé ;
ATTENDU que le comptable a procédé au paiement d’un premier mandat (n° 1021) en date du 23 août 2013 d’un montant de 10 000 € au profit de la crèche ; qu’au cours du même exercice, un mandat n° 1141 en date du 1er octobre 2013, d’un montant de 25 000 €, et un mandat n° 1518 du 5 décembre 2013, d’un montant de 30 101 € ont été payés au profit du même créancier ; que pourtant nulle convention ne figurait dans les pièces justificatives des trois mandats en cause ; qu’en outre, cette association, eu égard à son objet, ne saurait satisfaire à l’exception prévue par l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 d’obligation de production d’une convention pour toutes subventions d’un montant supérieur à 23 000 € ;
ATTENDU qu’au moment où le comptable a effectué le paiement du mandat n° 1021, la production d’une convention n’était pas exigée, ce mandat se limitant à 10 000 € ; qu’en revanche, lorsqu’il a procédé au paiement des mandats nos 1141 et 1518, le seuil des 23 000 € fixé par la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 imposait la production d’une telle convention ; qu’en tout état de cause, aucune justification particulière ou aucun décompte récapitulatif d’avance ne justifiait le paiement des mandats en cause, de sorte que le comptable n’a pas respecté les dispositions de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, en son annexe 1, rubriques 7211 et 7212 ;
ATTENDU par conséquent qu’en ne suspendant pas le paiement des mandats nos 1141 et 1518 et en n’exigeant pas la production d’une convention, le comptable a commis un manquement susceptible d’engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
3 - Sur l’existence d’un préjudice financier du fait du manquement du comptable
ATTENDU que le comptable fait valoir que la commune n’a pas subi de préjudice financier du fait du paiement d’une subvention à l’association « Crèche Scoubidou » par mandats nos 1141 et 1518 en l’absence de convention ; qu’en effet, la subvention dont il s’agit correspondait à un service rendu au bénéfice des habitants, et que les faits en cause se limitent au non-respect de certaines formalités ;
ATTENDU que le préjudice financier, au sens des dispositions du troisième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, est constitué par un appauvrissement définitif du patrimoine de la collectivité ; que, s’agissant des subventions, la convention prévue à l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 a pour finalité de permettre à la collectivité de préciser les conditions d’utilisation des sommes qu’elle a décidé d’attribuer ;
ATTENDU qu’en l’absence de convention, la collectivité a pris le risque que les subventions qu’elle attribue ne soient pas utilisées conformément aux conditions qu’elle a fixées ; que toutefois ce risque ne constitue pas un préjudice financier au sens et pour l’application des dispositions du troisième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 ; qu’en effet, le versement de la subvention ne peut donner lieu à un appauvrissement définitif du patrimoine de la collectivité, et donc à un préjudice, que s’il n’a pas été consenti par la collectivité ; qu’en l’espèce, le budget primitif 2013 de la commune de Verfeil voté par l’assemblée délibérante précisait en son annexe B1.7 sous l’intitulé « subventions versées dans le cadre du vote du budget » le détail des versements du compte 6574 « Subventions de fonctionnement aux associations » ; qu’en particulier figurait la mention de l’association « Crèche Scoubidou », pour un montant de 65 101 € ; que dès lors, la commune a explicitement manifesté sa volonté de verser la subvention en cause ; que par voie de conséquence, cette subvention irrégulièrement payée par le comptable n’a pas causé de préjudice financier à la commune ;
4 - Sur la mise en œuvre de la responsabilité du comptable
ATTENDU qu’aux termes du deuxième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « lorsque le manquement du comptable […] n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce » ;
ATTENDU que le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 susvisé, fixe le montant maximal de cette somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable ; que ce dernier montant s’établit, au moment de la commission des faits, à 151 000 € pour le poste comptable des Vallées du Tarn-et-Girou, dont relève la commune de Verfeil ;
ATTENDU qu’ainsi, eu égard aux circonstances de l’espèce, il y a lieu d’arrêter le montant de la somme non rémissible laissée à la charge du comptable à deux cent vingt-six euros et cinquante centimes (226,50 €) ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : Sur la présomption de charge unique, au titre de l’exercice 2013 :
M. X devra s’acquitter d’une somme de deux cent vingt-six euros et cinquante centimes (226,50 €), en application du deuxième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963.
Article final : La décharge de M. X ne pourra être donnée qu’après apurement de la somme à acquitter, fixée ci-dessus.
Délibéré le 21 novembre 2017 par M. Jean-Paul SALEILLE, président de section, président de séance, Mme Chrystelle NAUDAN, première conseillère, et M. Nicolas Raphaël FOUQUE, premier conseiller.
En présence de M. Morad RAMDANI, greffier de séance.
Morad RAMDANI, greffier de séance |
Jean-Paul SALEILLE, président de séance |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre les dispositions dudit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Jugement n° 2017-0044 page 1 sur 5
500, avenue des États du Languedoc CS 70755 34064 MONTPELLIER CEDEX 2 T +33 4 67 20 73 00 occitanie@crtc.ccomptes.fr
Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la chambre régionale des comptes Occitanie, et délivré par moi, secrétaire générale,
Brigitte VIOLETTE secrétaire générale |
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans un délai de deux mois à compter de leur notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code.
Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger.
La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.
Jugement n° 2017-0044 page 1 sur 5
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