rapport n° 2017-0019

Centre hospitalier de la Roche-sur-Foron
(Haute-Savoie)

jugement n° 2017-0011

Trésorerie de la Roche-sur-Foron

audience publique du 28/03/2017

code n° 074021998

délibéré du 28/03/2017

exercice 2014

PRONONCÉ le 13 avril 2017

 

 

République française

 

Au nom du peuple français

 

La chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-ALPES
(Statuant en cinquième section)

 

Vu le réquisitoire n° 18-GP/2016 à fin d’instruction de charges pris le 03 novembre 2016 par le procureur financier près la chambre régionale des comptes d’Auvergne-RhôneAlpes ;

Vu les courriers de notification du réquisitoire en date du 15 novembre 2016 adressés à M. Claude X..., comptable concerné, et à Mme Nathalie Y..., directrice du centre hospitalier de la Roche-sur-Foron, dont ils ont accusé réception le 16 novembre 2016 ;

VU le code général des collectivités territoriales ;

VU le code des juridictions financières ;

VU l’article 60 de la loi de finances pour 1963 n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée, notamment par l’article 90 de la loi de finances rectificative n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;

VU le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

VU les lois et règlements relatifs à la comptabilité des établissements publics de santé ;

VU les arrêtés n° 128 du 16 décembre 2015 et n° 81 du 14 décembre 2016 de la présidente de la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes relatifs aux attributions, à la composition et aux compétences des sections et des formations de délibéré ;

VU l’arrêté du 6 janvier 2016 de la présidente de la chambre régionale des comptes portant délégation de signature à M. Alain LAIOLO, président de la 5ème section ;

VU l’arrêté du président de la cinquième section de la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes en date du 15 novembre 2016, désignant M. Joris MARTIN, conseiller, comme rapporteur pour instruire la charge identifiée dans le réquisitoire susvisé ;

VU la demande d’informations adressée le 28 novembre 2016 à M. Claude X..., comptable mis en cause, ainsi qu’à Mme Nathalie Y..., directrice du centre hospitalier ;

VU les observations écrites de M. Claude X..., enregistrées au greffe le 20 décembre 2016 et le 24 mars 2017 ;

VU les observations écrites de l’ordonnateur, enregistrées au greffe le 06 décembre 2016 ;

VU le compte produit en qualité de comptable public du centre hospitalier de la Roche-sur-Foron par M. Claude X... du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 ;

VU le rapport n° 2017-0019 de M. Joris MARTIN, conseiller, magistrat instructeur, déposé au greffe de la chambre le 8 février 2017 ;

VU les lettres du 13 février 2017 informant le comptable concernés et l’ordonnateur de la clôture de l’instruction ;

VU les lettres du 6 mars 2017 informant le comptable et l’ordonnateur de la date fixée pour l’audience publique et les accusés de réception délivrés le 7 mars 2017 par M. X... et le 7 mars 2017 par Mme Y... ;

Vu les conclusions n° 17-019 du procureur financier en date du 28 février 2017 ;

Entendu en audience publique M. Joris MARTIN, conseiller, en son rapport ;

Entendu en audience publique M. Denis LARRIBAU, procureur financier, en ses conclusions ;

En l’absence du comptable concerné et de l’ordonnateur dûment informés de la tenue de l’audience ;

Après avoir délibéré hors la présence du public, du rapporteur et du procureur financier ;

 

 

En ce qui concerne la présomption de charge unique relative au paiement d’une prime spécifique à des agents contractuels non-médicaux en l’absence de pièces justificatives sur l’exercice 2014 pour un montant total de 3 498

 

 

Sur les réquisitions du ministère public,

Attendu que par le réquisitoire n° 18-GP/2016 du 03 novembre 2017, le procureur financier près la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes a saisi la juridiction sur le fondement du § III de l’article L. 242-1 du code des juridictions financières, à fin d’ouverture d’une instance à l’encontre de M. Claude X... au titre de sa gestion comptable sur l’exercice 2014 du centre hospitalier de la Roche-sur-Foron ;

Attendu quen son réquisitoire, le procureur financier relève que le comptable mis en cause a payé une prime spécifique à des agents contractuels du centre hospitalier sans disposer des pièces justificatives prévues par la rubrique 220223 « primes et indemnités » de l’annexe I à l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales pour un montant total de 3 498,00 ;

Attendu que le représentant du ministère public conclut de ce qui précède qu’en l’absence des pièces justificatives devant être jointes à l’appui des mandats de paiement en application de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, M. Claude X... parait avoir engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ; qu’il se trouverait ainsi dans le cas déterminé par les dispositions de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 et qu’il y a lieu, en conséquence, d’ouvrir l’instance prévue au § III de l’article L. 242-1 du code des juridictions financières aux fins de déterminer la responsabilité encourue ;

 

 

Sur les observations des parties,

Attendu que, dans ses observations enregistrées au greffe de la chambre le 20 décembre 2016, M. Claude X... a reconnu qu’il n’avait pas été en possession de toutes pièces justificatives requises pour le paiement de la prime spécifique ; qu’il précise avoir cru que les termes « primes afférentes » figurant dans les contrats de travail étaient suffisants et que les attributions réglementaires des directeurs d’établissements publics de santé permettaient de penser que les contrats signés équivalaient à des décisions individuelles d’attribution ; que dans l’hypothèse où la chambre devait reconnaitre l’existence d’un manquement à son encontre, M. X... fait valoir que ce dernier n’aurait pas causé de préjudice financier à l’établissement public de santé ;

Attendu que, dans ses observations enregistrées au greffe de la chambre le 8 décembre 2016, Mme Nathalie Y... a précisé, d’une part, que la situation des agents listés par le réquisitoire avait été régularisée et a indiqué, d’autre part, que son établissement n’avait pas subi de préjudice financier du fait des paiements litigieux 

 

 

Sur la règlementation applicable,

Attendu que la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose, dans son article 20, que « les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire (…) » ;

Attendu que la  loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa version en vigueur à la date des paiements, dispose, dans son article 9, que « par dérogation à l'article 3 du titre 1er du statut général, les emplois permanents mentionnés au premier alinéa de l'article 2 peuvent être occupés par des agents contractuels lorsque la nature des fonctions ou les besoins du service le justifient, notamment lorsqu'il n'existe pas de corps de fonctionnaires hospitaliers susceptibles d'assurer ces fonctions ou lorsqu'il s'agit de fonctions nouvellement prises en charge par l'administration ou nécessitant des connaissances techniques hautement spécialisées (…) » ; que l’article 10 du même texte dispose qu’ « un décret en Conseil d'État pris après avis du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière fixe les dispositions générales applicables aux agents contractuels recrutés dans les conditions prévues aux articles 9 et 91 » ;

Attendu que le décret  91-155 du 6 février 1991, relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements publics hospitaliers, pris après avis du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, dispose, dans son article 1, que « Les dispositions du présent décret s'appliquent aux agents contractuels de droit public des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 susvisée, recrutés dans les conditions prévues aux articles 9 et 9-1 de cette loi (…) » ; qu’aucune disposition ne définit les modalités de détermination de la rémunération des agents contractuels, qui résultent en conséquence des seules dispositions du contrat signé entre le représentant légal de l’établissement public de santé et l’agent recruté, sous le contrôle du juge administratif ;

Attendu qu’il résulte de la jurisprudence administrative qu’en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires relatives à la fixation de la rémunération des agents non titulaires, l'autorité compétente dispose d'une large marge d'appréciation pour déterminer, en tenant compte notamment des fonctions confiées à l'agent et de la qualification requise pour les exercer, le montant de la rémunération des agents contractuels non médicaux ; que les dispositions règlementaires déterminant l’attribution de primes et indemnités aux fonctionnaires ne peuvent être extrapolées aux agents contractuels, la loi n’ayant pas donné compétence au pouvoir règlementaire pour en disposer en dehors des fonctionnaires ;

Attendu qu’il en résulte que pour le paiement d’une indemnité à un agent contractuel non médical, le comptable ne doit exiger que la production des pièces prévues à la nomenclature ;

 

 

Sur la responsabilité du comptable,

Attendu qu’aux termes de l’article 60-I modifié de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables (…) du paiement des dépenses, (…) de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu’ils dirigent » ; que « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière (…) de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ; que « leur responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors (…) qu’une dépense a été irrégulièrement payée » ;

Attendu que l’article 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique dispose que « le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : (…) 5°/ la production des pièces justificatives ».

Attendu que l’article D. 6145-54-3 du code de la santé publique dispose que : « Les dispositions des articles D. 1611-1, D. 1617-19, D. 1617-21 et D. 1617-23 du code général des collectivités territoriales sont applicables aux établissements publics de santé » ;

Attendu qu’il résulte de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, dans sa version applicable sur l’exercice 2014 résultant du décret n°2007-450 du 25 mars 2007, qu’avant de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de réquisition, les comptables publics ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I du présent code ; que, pour ce qui concerne les primes litigieuses objets du réquisitoire, la sous-rubrique n° 220223 c) de ladite annexe, relative aux primes et indemnités des personnels non médicaux, prévoit la production d’une part, d’une décision individuelle d’attribution prise par le directeur et, d’autre part, d’une mention aux contrats des agents ;

Attendu que M. Claude X... a pris en charge, sur l’exercice 2014, divers mandats relatifs aux paiements d’une prime spécifique à des personnels contractuels non médicaux pour un montant total de 3 498;

Attendu qu’une décision individuelle d’attribution prise par le directeur aurait dû être jointe à l’appui des mandats de paiements ; qu’en outre, les contrats de travail des agents concernés auraient dû contenir une mention précise indiquant nommément les primes versées, les conditions de leur octroi et les modalités de leur liquidation ;

Attendu qu’il résulte de l’instruction que le comptable mis en cause ne disposait pas, au moment de la prise en charge des mandats litigieux, de décisions individuelles d’attributions prises par le directeur ;

Attendu que les contrats des agents ayant bénéficié du paiement de la prime spécifique ne contenaient qu’une mention générale stipulant que « l’agent percevra les primes et indemnités afférentes audit emploi » ; qu’une telle formulation ne satisfait pas aux exigences de la nomenclature des pièces justificatives, à défaut de mentionner précisément les primes dont il s’agit, d’en fixer les conditions d’octroi et les modalités de liquidation ;

Attendu, ainsi, qu’en procédant au paiement d’une prime spécifique au bénéfice d’agents contractuels non médicaux en l’absence de décisions individuelles d’attributions prises par le directeur et d’une mention précise aux contrats des agents, pièces justificatives devant être jointes à l’appui des mandats en application de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, dont les dispositions sont applicables aux établissements publics de santé,  M. Claude X... a manqué à ses obligations de contrôle de la validité de la créance telle que définie par l’article 20 du décret relatif à la gestion budgétaire et comptable publique précité ; que sa responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve ainsi engagée à hauteur de 3 498  ;

 

 

Sur le préjudice financier pour l’établissement public de santé et l’existence d’un plan de contrôle hiérarchisé de la dépense,

Attendu que l’article 60-VI de la loi du 23 février 1963, modifié par la loi n° 20111978 du 28 décembre 2011, dispose que, « lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n'a pas causé de préjudice financier à l'organisme public concerné, le juge des comptes peut l'obliger à s'acquitter d'une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en Conseil d'État en fonction du niveau des garanties mentionnées au II. / Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné (…) le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;

Attendu que ni la justification du service fait, ni l’affirmation de l’ordonnateur selon laquelle le manquement du comptable n’a pas causé de préjudice financier à son établissement ne font obstacle à la reconnaissance d’un tel préjudice par le juge des comptes ;

Attendu que les paiements de la prime litigieuse en l’absence des deux pièces exigées par la liste des pièces justificatives revêtent un caractère, non seulement irrégulier, mais également indu ; qu’en effet, en l’absence de décisions individuelles d’attribution prises par le directeur ou de mention aux contrats des agents, il y a lieu de considérer que les droits au paiement n’ont pas été ouverts par l’autorité compétente ;

Attendu qu’il en résulte que les dépenses ainsi payées, du fait du manquement des comptables à leurs obligations de contrôle de la validité de la dette, ont causé un préjudice financier au centre hospitalier de la Roche-sur-Foron ; qu’il y a lieu, en conséquence, de prononcer un débet à l’encontre de M. Claude X... et de mettre à sa charge, au titre de l’exercice 2014, une somme de 3 498,00 € de même montant que les dépenses irrégulièrement payées  ; qu’en application des dispositions de l’article 60-IX de la loi précitée du 23 février 1963, ledit débet de 3 498,00 € porte intérêts de droit à compter de la notification du réquisitoire intervenue à la date du 16 novembre 2016 ;

Attendu que le comptable mis en cause a produit le plan de contrôle hiérarchisé de la paye applicable sur l’exercice 2014 ; que ce plan prévoit un contrôle a posteriori des entrants chaque mois ; que deux des agents visés par le réquisitoire ont bénéficié du paiement de la prime spécifique objet du réquisitoire dès leur mois de recrutement, en janvier 2014 ; que leurs payes du mois de janvier auraient ainsi dû être contrôlées en application du plan relatif au contrôle hiérarchisé de la paye ; que cette circonstance fait obstacle à la remise gracieuse totale du débet ;

 

PAR CES MOTIFS

DECIDE

Article 1 :

M. Claude X... est constitué débiteur envers le centre hospitalier de la Roche-sur-Foron d’une somme de 3 498, augmentée des intérêts de droit calculés au taux légal à compter de la date du 16 novembre 2016 de notification du réquisitoire du procureur financier près la chambre régionale des comptes ;

 

Article 2 :

M. Claude X... ne pourra être déchargé de sa gestion du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 qu’après avoir justifié de l’apurement, en principal et intérêts, du débet prononcé à son encontre.

 

 

Fait et délibéré en la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes, cinquième section, le vingt-huit mars deux mille dix-sept.

 

Présents : M. Alain LAIOLO, président de section ;

                       M. Bruno VIETTI, président de section ;

M. Michel BON, premier conseiller ;

 

 

La greffière

Le président de séance

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Corinne VITALE-BOVET

Alain LAÏOLO

 

 

 

 

 

 

 

La République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

 

 

Voies et délais de recours :

 

Article R. 242-14 du code des juridictions financières : « Les jugements et ordonnances rendus par les chambres régionales des comptes peuvent être attaqués dans leurs dispositions définitives par la voie de l'appel devant la Cour des comptes ».             
Article R. 242-17 du code des juridictions financières : « La requête en appel, signée par l'intéressé, doit être déposée ou adressée par lettre recommandée au greffe de la chambre régionale des comptes.             
La requête doit contenir, à peine de nullité, l'exposé des faits et moyens, ainsi que les conclusions du requérant. Elle doit être accompagnée des documents sur lesquels elle s'appuie et d'une copie du jugement ou de l’ordonnance attaqué ».             
Article R. 242-18 du code des juridictions financières : « L'appel doit être formé dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement ou de l’ordonnance (…) ».

La requête en appel ou la demande de révision éventuelle doivent, sous peine d’irrecevabilité ou de rejet d’office, justifier de l’acquittement de la contribution pour l’aide juridique, prévue à l’article 1635 bis Q du code général des impôts, dont l’application relève, pour les juridictions financières, de l’article 18 du décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011 relatif au droit affecté au fonds d’indemnisation de la profession d’avoué près les cours d’appel et à la contribution pour l’aide juridique.

 

1/7 – jugement n° 2017-0011