3ème section
Jugement n° 2017-0004
Audience publique du 14 mars 2017
Prononcé du 14 avril 2017 | Commune de Saint-Armel (Ille-et-Vilaine)
Poste comptable : Châteaugiron
Exercice : 2014 |
République Française
Au nom du peuple français
La chambre,
Vu l’arrêté de charge provisoire du 9 décembre 2016, enregistré au greffe le 19 décembre 2016, et pris à l’encontre de Mme X, comptable de la trésorerie de Châteaugiron, du 1er janvier au 31 décembre 2014, transmis par le pôle interrégional d’apurement administratif de Rennes, ensemble les pièces à l’appui ;
Vu le réquisitoire n° 2017-08 en date du 9 janvier 2017, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X, comptable de la commune de Saint-Armel, au titre d’opérations relatives à l’exercice 2014, et notifié à la comptable le 13 janvier 2017 ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable de la commune de Saint-Armel, par Mme X, du 1er janvier au 31 décembre 2014 ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificatives pour 2011 ;
Vu le rapport de M. Eric Thibault, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions du procureur financier ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du 14 mars 2017 M. Eric Thibault, premier conseiller, en son rapport, et M. Patrick Prioleaud, procureur financier en ses conclusions ;
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Sur la présomption de charge unique soulevée à l’encontre de Mme X, au titre de l’exercice 2014 :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes de Bretagne de la responsabilité encourue par Mme X, comptable de la commune de Saint-Armel à raison du versement d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS) au bénéfice de quatre agents de la collectivité précitée au cours de l’exercice 2014, pour un montant de 1067,42 euros ;
Attendu que le procureur financier relève que le comptable ne disposait pas, au moment du paiement, à l’appui de ces dépenses, de la délibération du conseil municipal de Saint-Armel fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires, et que l'absence de cette pièce justificative aurait dû conduire Mme X à suspendre la prise en charge des mandats en cause, à en informer l’ordonnateur et à solliciter toute explication ou production des justifications nécessaires ;
Attendu que Mme X, bien qu’ayant accusé réception du réquisitoire le 13 janvier 2017, n’a pas apporté de réponse à la lettre qui lui a été envoyée le 12 janvier 2017, lui demandant de faire part de ses observations ;
Sur l’existence d’un manquement :
Attendu qu’aux termes de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, "avant de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales (...) doivent exiger les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I du code précité "; que, s’agissant des heures supplémentaires, les paiements doivent s’appuyer sur les pièces énumérées à la rubrique 210224, à savoir en particulier la délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires ; que le comptable ne disposait pas de cette délibération lors du paiement des indemnités horaires pour travaux supplémentaires au bénéfice de certains agents de la commune de Saint-Armel ;
Attendu qu’aux termes du paragraphe I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 modifiée « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière (…) de dépenses (…) dans les conditions prévues par le règlement général de la comptabilité publique. La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors (…) qu’une dépense a été irrégulièrement payée (…) » ; qu’aux termes de l’article 19-2 et du 3° et du 5° de l’article 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique en vigueur au moment des faits, le comptable est tenu en matière de dépenses d’exercer le contrôle de la validité de la dette et de s’assurer de l’intervention des contrôles préalables prescrits par la réglementation et de produire les pièces justificatives ; qu’en ouvrant sa caisse pour payer les mandats susvisés, sans avoir exigé l’ensemble des justifications prévues par la réglementation, Mme X a commis un manquement de nature à engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire sur le fondement des dispositions de l’article 60 - I de la loi du 23 février 1963 modifiée ;
Sur les circonstances constitutives de la force majeure :
Attendu qu’aux termes du paragraphe V de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Lorsque (…) le juge des comptes constate l'existence de circonstances constitutives de la force majeure, il ne met pas en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public. / (…) / » ; qu’aucune circonstance constitutive de la force majeure n’a été constatée ; que la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable peut dès lors être engagée ;
-3-
Sur le lien de causalité entre le manquement et le préjudice financier :
Attendu que le paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 prévoit que « lorsque le manquement du comptable [à ses] obligations (…) n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce […]. Lorsque le manquement du comptable [à ses] obligations (…) a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […] le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
Attendu qu’aux termes de la réglementation sur les pièces justificatives de la dépense, il revient à l’assemblée délibérante de fixer la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires ; que le conseil municipal de la commune de Saint-Armel n’avait pas fixé cette liste à la date du paiement de la dépense incriminée ; qu’en acceptant de payer des indemnités horaires pour travaux supplémentaires sans disposer de délibération le prévoyant, le comptable a procédé à des décaissements qui ont provoqué un appauvrissement patrimonial de la collectivité, non recherché par son assemblée délibérante, constitutif de ce fait d’un préjudice financier ;
Attendu qu’en application du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X se trouve engagée à hauteur de 1 067,42 euros au titre de l’exercice 2014, pour les mois de janvier à octobre 2014 ; qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 modifiée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; que la somme est augmentée des intérêts de droit à compter du 13 janvier 2017, date de réception par le comptable du réquisitoire du procureur financier ;
Sur le respect des règles du contrôle sélectif de la dépense et l’éventuel bénéfice d’une remise gracieuse :
Attendu qu’il résulte des dispositions des paragraphes VI et IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 que, lorsque le manquement du comptable a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné, la remise gracieuse des sommes mises à sa charge qu’il est susceptible d’obtenir du ministre en charge du budget ne peut être totale, sauf à ce qu’il ait respecté les règles de contrôle sélectif des dépenses qui étaient applicables ; qu’il appartient au juge des comptes d’apprécier le respect par le comptable des dites règles ; que, dans le cas où les règles de contrôle sélectif des dépenses n’ont pas été respectées par le comptable, le ministre du budget est dans l'obligation de laisser à sa charge une somme au moins égale à deux fois le millième et demi du niveau des garanties que le comptable a dû constituer, conformément aux dispositions du paragraphe IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 suscitée ;
Attendu que les mandats litigieux ont été émis durant l’exercice 2014, pour lequel le comptable n’établit pas qu’il existait un plan de contrôle hiérarchisé de la dépense ; que, dans ces conditions, en application du paragraphe IX de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée et en l’absence de pièces établissant le respect des règles de contrôle sélectif de la dépense, Mme X ne peut bénéficier d'une remise gracieuse totale de la part du ministre chargé du budget ; qu'en l’espèce, il subsistera pour la comptable un laissé à charge au moins égal à 3 ‰ du montant de cautionnement qui s’élevait à 149 000 euros, soit 447 euros ;
4-
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : Au titre de l’exercice 2014, Mme X est constituée débiteur de la commune de Saint Armel pour la somme de 1 067,42 euros, augmentée des intérêts de droit à compter du 13 janvier 2017, date de réception du réquisitoire. Les paiements n’entraient pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif.
Article 2 : Dans l’attente de l’apurement du débet, il est sursis à décharge de Mme X au titre de l’exercice 2014.
Article 3 : Conformément à l’article D. 231-26 du code des juridictions financières, il appartiendra au Pôle interrégional d’apurement administratif de Rennes de prendre un arrêté de décharge du comptable Mme X, pour sa gestion de l’exercice 2014, une fois l’apurement du débet constaté.
Fait et jugé par M. Jean-François Forestier, président de séance, MM. Fabien Filliatre et William Wichegrod, premiers conseillers.
En présence de Mme Annie Fourmy, greffière de séance.
Signé de la greffière de séance Annie FOURMY |
Signé du président de séance Jean-François FORESTIER |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.[1]
La secrétaire générale
Catherine PELERIN
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En application des articles R. 242-14 à R. 242-16 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-17 à R. 242-19 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-26 du même code.
3, rue Robert d'Arbrissel - C.S. 64231 - 35042 Rennes Cedex - www.ccomptes.fr
[1] Sauf si non-lieu à charge