rapport n° 2017-0105

Commune de Chamonix-Mont-Blanc (Haute-Savoie)

jugement n° 2017-0031

Trésorerie de Chamonix-Mont-Blanc

audience publique du 4 juillet 2017

code n° 074 012 056

délibéré du 4 juillet 2017

exercices 2012 et 2013

Prononcé le 10 juillet 2017

 

 

 

République française

 

Au nom du peuple français

 

La chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-ALPES
(Statuant en 5ème Section)

 

Vu le réquisitoire 07-GP/2017 à fin d’instruction de charge pris le 2 février 2017 par le procureur financier près la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes ;

Vu les courriers de notification du réquisitoire adressés le 13 février 2017 à Mme Danielle X..., comptable concernée, et à M. Eric Y..., maire de Chamonix-Mont-Blanc, dont ils ont accusé réception respectivement les 16 et 14 février 2017 ;

VU le code général des collectivités territoriales ;

VU le code des juridictions financières ;

VU l’article 60 de la loi de finances pour 1963 n° 63-156 du 23 février 1963, modifiée notamment par l’article 90 de la loi de finances rectificative n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;

VU le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique et le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

VU les lois et règlements relatifs à la comptabilité des communes et des établissements publics locaux ;

VU larrêté de la présidente de la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes relatif aux attributions, à la composition et aux compétences des sections et des formations de délibéré ;

VU larrêté de la présidente de la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes portant délégation de signature au président de la 5ème section ;

VU la décision n° 19 D du 9 février 2017 du président de la 5ème section de la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes, désignant M. Michel BON, premier conseiller, comme rapporteur pour instruire les charges identifiées dans le réquisitoire susvisé ;

VU les questionnaires adressés le 28 février 2017 à Mme Danielle X..., comptable concernée, et à M. Eric Y..., maire de Chamonix-Mont-Blanc, dont ils ont accusé réception le 1er mars 2017 et les questionnaires complémentaires adressés à la commune de Chamonix-Mont-Blanc par courriers électroniques des 30 mars, 2 et 3 avril 2017 ;

VU les observations écrites de Mme Danielle X..., datées du 16 mars 2017 et enregistrées au greffe le 24 mars 2017 ;

VU les observations écrites du maire de Chamonix-Mont-Blanc, datées du 23 mars 2017 et enregistrées au greffe le 24 mars 2017 ; ensemble les compléments transmis par courriers électroniques des 31 mars, 2, 3 et 6 avril 2017 ;

VU les observations écrites de Me Alain de BELENET, avocat représentant la commune de Chamonix-Mont-Blanc, enregistrées au greffe le 29 juin2017 après la clôture de l’instruction ;

VU les comptes produits en qualité de comptable de la commune de Chamonix-Mont-Blanc par Mme Danielle X... du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 ;

VU le rapport n° 2017-0105 de M. Michel BON, premier conseiller, magistrat instructeur, déposé au greffe de la chambre le 2 mai 2017 ;

VU les lettres du 4 mai 2017 informant le comptable et l’ordonnateur de la clôture de l’instruction ;

VU les lettres du 14 juin 2017 informant le comptable et l’ordonnateur de la date fixée pour l’audience publique et les accusés de réception correspondants délivrés par Mme Danielle X... et M. Eric Y... ;

Vu les conclusions n° 17-105 du procureur financier en date du 1er juin 2017 ;

Entendu en audience publique M. Michel BON, premier conseiller, en son rapport ;

Entendu en audience publique, Mme Marie-Odile ALLARD, procureur financier, en ses conclusions ;

Entendu en audience publique, Me Alain de BELENET, avocat représentant la commune de Chamonix-Mont-Blanc, dument invité à s’exprimer en dernier à l’issue des débats ;

En l’absence de Mme Danielle X..., comptable en cause, dûment informée de la tenue de l’audience ;

Après avoir délibéré hors la présence du public, du rapporteur et du procureur financier ;

 


En ce qui concerne la charge unique, relative au paiement de la rémunération à un agent contractuel en l’absence de contrat conforme aux dispositions de la nomenclature des pièces justificatives par Mme Danielle X... pour un montant de 87 368,02 € sur les exercices 2012 et 2013

Sur les réquisitions du ministère public,

Attendu qu’en son réquisitoire, le procureur financier relève que la comptable, Mme Danielle X..., a pris en charge sur l’exercice 2012, de juillet à décembre, et sur l’exercice 2013, de janvier à décembre, le paiement de la rémunération d’un agent contractuel recruté en tant que chargé de mission par contrat n° 150/12 du 11 juillet 2012 avec effet au 9 juillet 2012 ; qu’il constate qu’au vu du contrat de travail et des bulletins de salaires, le total des rémunérations versées s’établit à 87 368,02  ;

Attendu que le représentant du ministère public rappelle qu’avant de mettre en paiement la rémunération d’un agent contractuel, le comptable doit s’assurer de disposer de l’ensemble des pièces justificatives mentionnées à la rubrique 2101 de l’annexe I à l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales qui exige notamment, à l’appui du premier paiement, la production de « l’acte d’engagement mentionnant la référence à la délibération créant l’emploi » ; qu’il constate que le contrat de travail de l’intéressé ne fait référence à aucune délibération du conseil municipal et qu’aucune délibération créant l’emploi de chargé de mission correspondant aux fonctions décrites par le contrat de travail n’a été produite pour les exercices 2012 et 2013 ; qu’une délibération datée du 30 juillet 2015, postérieure au recrutement et produite au cours du contrôle des comptes ne comporte ni la date de transmission en préfecture ni celle de son caractère exécutoire et ne saurait ouvrir de droits rétroactifs ;

Attendu que selon le procureur financier, le comptable a ainsi payé, au cours des exercices 2012 et 2013, les rémunérations de cet agent sans droits ouverts et en l’absence de la pièce justificative manifestant la volonté de l’assemblée délibérante, seule compétente pour décider la création d’un emploi ; que faute d’avoir disposé de la délibération requise par la liste des pièces justificatives, le comptable ne disposait pas au moment du paiement, de l’ensemble des pièces justificatives lui permettant d’effectuer le contrôle des sommes dues aux agents de la collectivité ;

Attendu que le représentant du ministère public indique que la comptable, en l’absence des pièces requises aurait dû alerter l’ordonnateur et suspendre les paiements et considère qu’en ayant néanmoins procédé au paiement des mandats, Mme Danielle X... est susceptible d’avoir engagé sa responsabilité pour le montant total de 87 368,02 € ; qu’elle se trouverait ainsi dans le cas prévu par les dispositions de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 et qu’il y a lieu en conséquence d’ouvrir l’instance prévue à l’article L. 242-4 du code des juridictions financières aux fins de déterminer les responsabilités encourues ;

 

Sur les observations des parties,

Attendu que, dans sa réponse enregistrée au greffe le 24 mars 2017, Mme Danielle X... indique que la vacance du poste en question a fait l’objet d’une déclaration auprès du centre de gestion, le contrat de travail lui-même y faisant référence, mais que la délibération de création du poste ainsi que celle de déclaration de vacance du poste n’ont pas été produites au comptable ; qu’elle précise qu’il s’agissait bien d’une création et non d’un poste préalablement pourvu ; que, selon elle, la commune n’a subi aucun préjudice puisque la personne a été recrutée pour occuper un poste bien identifié et travailler sur la nouvelle délégation de service public des remontées mécaniques de Chamonix ; que si la commune avait fait appel à un cabinet spécialisé pour suivre et coordonner cette délégation, la charge en découlant aurait été supérieure ; qu’elle a également produit le plan de contrôle hiérarchisé de la paie pour 2012, plan reconduit en 2013 ; qu’elle indique que le contrôle de la paie s’effectue par sondage et que la personne en question n’a jamais fait partie de l’échantillon ; qu’enfin, Mme Danielle X... fait état des difficultés de gestion du poste comptable, les vacances de postes et la rotation du personnel ne permettant pas d’effectuer un travail de qualité ;

Attendu que, dans sa réponse enregistrée au greffe le 24 mars 2017, M. éric Y..., maire de Chamonix-Mont-Blanc, indique que la commune souhaitait renégocier ses délégations de service public depuis 2008 ; que la complexité du montage juridique, technique et financier a conduit la commune à s’adjoindre les services d’un agent expérimenté et qualifié ; qu’il précise que le poste de chargé de mission pour le suivi des délégations de service public et affaires juridiques occupé depuis le 9 juillet 2012, figure dans l’organigramme de la mairie avec l’intitulé « Chargé du développement économique et touristique » ; que, lors du recrutement initial, la commune a déclaré le poste auprès du centre de gestion, témoignant de son souhait d’agir en conformité avec les textes ; que, si la rémunération de l’agent peut paraître élevée, elle correspond à une expertise particulière et rare sur le marché du travail ;

Attendu que, par courriers électroniques des 3 et 6 avril 2017 reçus les mêmes jours, le directeur général des services de la commune de Chamonix-Mont-Blanc a transmis l’état des postes ouverts au budget 2013 de la commune ainsi qu’un tableau mentionnant les quatre agents contractuels positionnés sur ces postes, le cinquième poste restant vacant ;

Attendu que, dans ses observations reçues le 29 juin 2017, après la clôture de l’instruction, Me Alain de BELENET, avocat représentant la commune de Chamonix-Mont-Blanc, indique qu’il résulte de décisions d’autres chambres régionales des comptes, qu’un paiement irrégulier ne créé pas de préjudice à la collectivité dès lors que le contrat signé a donné lieu à la réalisation effective d’un travail par la personne engagée et que l’ordonnateur a confirmé sa volonté de contracter pour recruter cette dernière ; que différents éléments attestent de la réalisation effective d’un travail par l’agent contractuel recrutée ;

 

Sur la charge présumée,

Attendu que la présomption de charge formulée au réquisitoire est fondée sur l’insuffisance des pièces justificatives produites à l’appui du paiement des rémunérations versées à un agent contractuel de la commune de Chamonix-Mont-Blanc ; qu’il résulte des feuilles de paie jointes au réquisitoire que l’agent en question a perçu, des rémunérations nettes de 28 286,38 € sur l’exercice 2012 et de 59 081,64 € sur l’exercice 2013 ; que le montant total des rémunérations perçues s’établit ainsi à 87 368,02 € comme mentionné au réquisitoire ;

 

Sur les obligations du comptable en matière de contrôle des justifications,

Attendu que l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 dispose que les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du paiement des dépenses, et que cette responsabilité se trouve engagée dès lors qu'une dépense a été irrégulièrement payée ;

Attendu que le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2012, dispose à son article 12 que les comptables sont tenus d'exercer en matière de dépenses, le contrôle de la validité de la créance dans les conditions prévues à l'article 13, cet article 13 précisant que le contrôle porte notamment sur l'intervention préalable des contrôles réglementaires et la production des justifications ; que le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, applicable à compter du 1er janvier 2013, reprend les mêmes dispositions dans ses articles 19 et 20 ; que l’article 37 du décret du 29 décembre 1962 et l’article 38 du décret  du 7 novembre 2012 précisent que lorsque, à l'occasion de ces contrôles, des irrégularités sont constatées, le comptable public suspend les paiements et en informe l'ordonnateur ; que ce dernier a alors la faculté d'opérer une régularisation ou de requérir par écrit le comptable public de payer ;

Attendu que l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales dispose que, « Avant de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales (…) ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I du présent code » ; que ladite annexe I précise, dans un §5 relatif à l’utilisation de la liste des pièces justificatives pour le contrôle de la dépense, que lorsqu'une dépense est répertoriée dans la liste, les pièces justificatives nécessaires au paiement de cette dépense y sont toutes énumérées et que la liste est obligatoire en ce qu'elle constitue à la fois le minimum et le maximum des pièces justificatives exigibles par le comptable et s'impose à la fois aux ordonnateurs, aux comptables et aux juges des comptes ;

Attendu que la rubrique 210 de la nomenclature fixe la liste des pièces justificatives devant être produites à l’appui des paiements de la rémunération du personnel des collectivités territoriales ; que la sous-rubrique 2101 prévoit qu’à l’appui du premier paiement de la rémunération doit être produit, outre la feuille de paie, l’acte d'engagement mentionnant notamment la référence à la délibération créant l'emploi ou à la délibération autorisant l'engagement pour les agents des services publics industriels et commerciaux, les contrats aidés ou les vacataires ; que la rubrique 2102 prévoit, pour les paiements ultérieurs, que doivent être produites la feuille de paie et, le cas échéant, la décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination portant modification de la situation administrative de l'intéressé entraînant une modification de sa rémunération avec indication de la date d'effet, ou avenant au contrat de recrutement comportant les mêmes énonciations ; qu’ainsi, à l’appui du mandat de paiement de la première rémunération d’un agent contractuel, le comptable doit exiger un contrat de travail faisant référence à la délibération créant l'emploi ; quil ne lui revient pas d’exiger la production de ladite délibération ni, sauf à se faire juge de la légalité interne des actes qui lui sont produits, de s’assurer que ladite délibération est effectivement exécutoire et qu’elle est cohérente avec les conditions d’emploi ou de rémunération ;

 

Sur la responsabilité du comptable,

Attendu que Mme Danielle X... a pris en charge le paiement de la première rémunération de Mme Fanny Z..., agent contractuel de la commune de Chamonix-Mont-Blanc, sur le mandat collectif de paie de juillet 2012 ; qu’à l’appui de ce paiement, il lui revenait d’exiger les pièces justificatives prévues à la rubrique 2101 susmentionnée de la nomenclature ;

Attendu qu’à l’appui de ce premier paiement de rémunération, la comptable disposait du contrat de travail de l’intéressé ; que ce contrat, signé le 11 juillet 2012, mentionne que l’intéressée est recrutée pour une durée de trois ans à compter du 9 juillet 2012, sur un emploi à temps complet et percevra une rémunération mensuelle brute indexée sur l’évolution du traitement des fonctionnaires ; que ce contrat vise le code général des collectivités territoriales, la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et le décret du 15 février 1988 relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ; qu’il vise également la déclaration de vacance de poste faite auprès du centre de gestion et enregistrée sous le numéro 2025 et qui a fait l’objet d’une publication le 12 juin 2012 ;  qu’en revanche, ce contrat de travail ne fait aucune mention de la délibération du conseil municipal de Chamonix-Mont-Blanc ayant créé l’emploi sur lequel l’agent en question a été recruté ; qu’il ne peut alors qu’être constaté que le contrat de travail produit à l’appui du premier paiement de la rémunération de l’agent n’est pas conforme aux dispositions de la rubrique 2101 de la nomenclature des pièces justificatives ;

Attendu qu’en présence d’une pièce justificative ne présentant pas les spécifications exigées par l’annexe I du code général des collectivités territoriales, le comptable devait suspendre le paiement du premier mandat et informer l’ordonnateur ;

Attendu qu’ayant constaté l’absence de la pièce justificative requise à l’appui du premier paiement de la rémunération de l’intéressée, la comptable devait également suspendre les paiements des rémunérations ultérieures jusqu’à production d’une pièce justificative conforme à la nomenclature ou d’une réquisition de paiement de l’ordonnateur

Attendu qu’en s’abstenant de suspendre les paiements de la première rémunération et des rémunérations ultérieures, la comptable a en conséquence engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire à hauteur de 28 286,38 € sur l’exercice 2012 et de 59 081,64 € sur l’exercice 2013 ;

 

Sur le préjudice financier,

Attendu que le § VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 dispose que « Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n'a pas causé de préjudice financier à l'organisme public concerné, le juge des comptes peut l'obliger à s'acquitter d'une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en Conseil d'État en fonction du niveau des garanties mentionnées au II.

Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public, l'organisme public a dû procéder à l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers ou a dû rétribuer un commis d'office pour produire les comptes, le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;

Attendu que dans sa réponse du 24 mars 2017, l’ordonnateur précise que le poste occupé depuis le 9 juillet 2012, figure dans l’organigramme de la mairie avec l’intitulé « Chargé du développement économique et touristique » ; que l’agent en question occupe ainsi le poste en question comme en atteste l’avis de publication de marchés pour la DSP portant sur la construction et l'exploitation des domaines skiables de Chamonix-Mont-Blanc du 20 février 2013 ; que l’attestation du service fait est par ailleurs apportée par signature des bordereaux de mandats ; qu’il résulte toutefois de la jurisprudence de la Cour des comptes que, s’il est en principe nécessaire que le service fait soit attesté pour qu’un manquement ne soit pas considéré comme ayant causé un préjudice financier, à l’inverse, il ne suffit pas d’une telle attestation pour écarter l’existence d’un préjudice financier causé par un manquement ;

Attendu qu’il résulte des tableaux annexés aux budgets de la commune de Chamonix-Mont-Blanc, que cinq postes de chargés de mission étaient ouverts ; que, selon les pièces produites par la commune dans la réponse du 6 avril 2017, l’agent contractuel en cause figurait bien au nombre des quatre chargés de mission employés par la commune à la date du recrutement comme durant la période jusqu’au 31 décembre 2013, le cinquième poste ouvert étant resté vacant ;

Attendu qu’il résulte de la réponse de Mme Danielle X... comme de celle de l’ordonnateur enregistrée le 24 mars 2017, quaucune délibération spécifique n’a été prise par le conseil municipal pour créer l’emploi de chargé de mission pour le suivi des délégations de service public et affaires juridiques ;

Attendu que l’article 34 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dispose que « Les emplois de chaque collectivité ou établissement sont créés par l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement.

La délibération précise le grade ou, le cas échéant, les grades correspondant à l'emploi créé. Elle indique, le cas échéant, si l'emploi peut également être pourvu par un agent contractuel sur le fondement de l'article 3-3. Dans ce cas, le motif invoqué, la nature des fonctions, les niveaux de recrutement et de rémunération de l'emploi créé sont précisés.

Aucune création d'emploi ne peut intervenir si les crédits disponibles au chapitre budgétaire correspondant ne le permettent » ;

Attendu que le bénéficiaire de la rémunération est un agent contractuel recruté en application de l’article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 qui dispose que, « Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et sous réserve de l'article 34 de la présente loi, des emplois permanents peuvent être occupés de manière permanente par des agents contractuels dans les cas suivants :

1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ;

2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A lorsque les besoins des services ou la nature des fonctions le justifient et sous réserve qu'aucun fonctionnaire n'ait pu être recruté dans les conditions prévues par la présente loi (…) » ;

Attendu qu’en application des dispositions de l’article 34 susmentionnée, il revenait au conseil municipal de Chamonix-Mont-Blanc de déterminer le grade correspondant à l’emploi créé et pouvant être mentionné dans le tableau des postes ouverts annexé aux budgets de la commune, mais également de préciser le motif invoqué pour le recrutement dudit agent contractuel, la nature de ses fonctions, le niveau de recrutement et de rémunération de l'emploi créé ;

Attendu qu’en l’absence de délibération du conseil municipal pour créer l’emploi de chargé de mission pour le suivi des délégations de service public et affaires juridiques, attestée par le comptable en cause et par l’ordonnateur, la volonté de l’organe délibérant d’ouvrir un poste dans les conditions dans lesquelles l’activité a effectivement été exercée ne peut être attestée ; qu’il en résulte que la rémunération telle que versée à l’agent contractuel sur la période en question ne peut être considérée comme due ; que le paiement d’une dépense indue constitue un préjudice financier pour la collectivité ; que si les irrégularités constatées trouvent leur origine dans des actes de gestion de la collectivité, c’est l’absence de contrôle des justificatifs par la comptable qui en a permis le paiement ;

Attendu que le manquement de la comptable à ses obligations de contrôle ayant ainsi causé un préjudice financier à la commune de Chamonix-Mont-Blanc, il y a lieu de prononcer à l’encontre de Mme Danielle X... un débet de 28 286,38 € au titre de sa gestion de l’exercice 2012 et de 59 081,64 € au titre de sa gestion de l’exercice 2013, soit un montant total de 87 368,02 €, de même montant que les rémunérations irrégulièrement et indûment payées ; 

Attendu qu’en application des dispositions de l’article 60-VIII de la loi précitée du 23 février 1963 prescrivant que les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de mise en jeu de la responsabilité du comptable, le débet de 87 368,02 € mis à la charge de Mme Danielle X... porte intérêts de droit à compter de la date du 16 février 2017 de notification à l’intéressée du réquisitoire introductif de l’instance juridictionnelle ;

 

Sur la situation de la comptable,

Attendu qu’en conséquence des développements précédents, Mme Danielle X... ne pourra être déchargée de sa gestion sur les exercices 2012 et 2013, qu’après avoir justifié de l’apurement, en principal et intérêts, du débet prononcé à son encontre ;

Sur le contrôle hiérarchisé de la dépense,

Attendu que l’article 60-IX de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 dispose que « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l'appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l'obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ;

Attendu que le plan de contrôle hiérarchisé de la paie de la commune de Chamonix-Mont-Blanc pour l’exercice 2012 transmis par Mme Danielle X... dans sa réponse reçue le 24 mars 2017 a été prorogé sur 2013 en l’absence de modification ; que ce plan prévoit, pour toutes les collectivités de la trésorerie de Chamonix-Mont-Blanc, un contrôle exhaustif mensuel des entrants et sortants, un contrôle exhaustif des nouveaux élus et un contrôle a priori par sondage pour différents éléments de paie ;

Attendu que la rémunération versée à l’agent contractuel en question sur le mandat collectif de paie de juillet 2012, appuyée d’un contrat de travail signé le 12 juillet 2012, doit être considéré comme constituant la rémunération d’un nouvel entrant pour lequel le plan de contrôle prévoyait un contrôle exhaustif ;

Attendu que le débet prononcé à l’encontre de la comptable est fondé sur le paiement de rémunérations en l’absence de pièces justificatives exigibles ; que le respect par la comptable du plan de contrôle de la paie aurait dû la conduire à relever l’absence de pièce justificative exigible à l’appui de la première rémunération ;

Attendu que le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense n’ayant été respecté, le ministre chargé du budget n’aura pas la possibilité de faire remise gracieuse de l’intégralité du débet prononcé à l’encontre de Mme Danielle X... ;

 

Par ces motifs,

Décide

 

Article 1 :

Mme Danielle X... est constituée débitrice envers la commune de Chamonix-Mont-Blanc des sommes de 28 286,38 € sur l’exercice 2012 et de 59 081,64 € sur l’exercice 2013, augmentées des intérêts de droit au taux légal à compter de la date du 16 février 2017 de notification du réquisitoire du procureur financier près la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes ;

 

Article 2 :

Mme Danielle X... ne pourra être déchargée de sa gestion de la commune de Chamonix-Mont-Blanc du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 qu'après avoir justifié de l’apurement, en principal et en intérêts, des débets prononcés à son encontre ;

 

 

 

Fait et délibéré en la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes, cinquième section, le quatre juillet deux mille dix-sept.

 

Présents :  M. Alain LAÏOLO, président de section, président de séance ;

Mme Sophie CORVELLEC, première conseillère ;

M. Joris MARTIN, conseiller.

 

 

la greffière

le président de séance

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Corinne VITALE-BOVET

Alain LAÏOLO

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

 

 

En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.

1/9 – jugement n° 2017-0031