Sections réunies
Jugement n° 2017-0039
Audience publique du 21 novembre 2017
Prononcé du 8 décembre 2017
| Communauté de communes du Ségala-Carmausin
Poste comptable : Trésorerie de Carmaux-Monesties-Pampelonne
N° codique : 081005936
Exercices : 2012 à 2013
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La République Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
VU les comptes, rendus en qualité de comptable de la communauté de communes du Ségala-Carmausin par M. X, du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 ;
VU le réquisitoire, pris le 31 août 2017 et notifié le 7 septembre 2017, par lequel le procureur financier près la chambre régionale des comptes a saisi la juridiction de charges présomptives à l’encontre dudit comptable au titre d’opérations relatives aux exercices 2012 et 2013 ;
VU les justifications produites au soutien du compte ;
VU l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
VU le code des juridictions financières ;
VU les lois et règlements applicables aux communautés de communes ;
VU le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;
VU le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
VU le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l'article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales et notamment son annexe I fixant la liste des pièces justificatives exigibles par le comptable ;
VU le rapport de M. Jean-François BRUNET, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
VU les conclusions de M. Denys ECHENE, procureur financier près la chambre ;
VU les pièces du dossier ;
ENTENDU, lors de l’audience publique du 21 novembre 2017, M. Jean-François BRUNET, premier conseiller, en son rapport, et M. Denys ECHENE, procureur financier, en ses conclusions ;
Après avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier près la chambre, M. X et le président de la communauté de communes n’étant ni présents ni représentés à l’audience publique ;
Sur la présomption de la charge unique, soulevée à l’encontre de M. X, au titre de l’exercice 2012 :
1 - Sur le réquisitoire
ATTENDU qu’en application de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’exercer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ;
ATTENDU qu’en application des articles 12 et 13 combinés du décret n°62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, les comptables publics sont notamment chargés, en matière de dépenses, d’exercer le contrôle de la validité de la créance, à travers notamment la production des pièces justificatives ;
ATTENDU que sur ces fondements et par réquisitoire susvisé du 31 août 2017, le procureur financier près la chambre régionale des comptes a requis la juridiction, au motif que M. X paraît avoir engagé sa responsabilité en acceptant de prendre en charge la rémunération d’un agent contractuel dont le contrat avait été modifié substantiellement du fait du relèvement de la base de sa rémunération indiciaire de 125 points, à partir du mois de février 2012, sans exiger de la collectivité les pièces justificatives nécessaires ;
ATTENDU que la responsabilité du comptable pourrait être engagée jusqu’à concurrence de 36 857,84 €, au titre des exercices 2012 et 2013, ce dernier dans l’éventualité où une partie des prises en charges et/ou des paiements relatifs aux mandats en cause lui seraient rattachables ;
2 - Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations
ATTENDU que l’instruction et les réponses du comptable ont confirmé l’absence de pièces justificatives prévues par la réglementation pour les paies de février à août 2012, qu’ainsi seul l’exercice 2012 est concerné ;
ATTENDU que le comptable fait valoir que l’avenant au contrat de travail, signé le 31 janvier 2012, majorant la rémunération indiciaire du directeur général des services, a été produit au cours de l’instruction lors de sa phase non contentieuse ; qu’une copie de cet avenant lui avait été transmise par le contrôle de légalité le 27 août 2012 ; que l’absence de ladite pièce à l’appui de la totalité des mandats 2012, même après cette transmission, lui semble résulter d’une simple erreur matérielle ; que l’application du plan de contrôle sélectif de la dépense ne prévoyait pas le contrôle des dépenses de rémunération lorsque leur montant n’était pas modifié ; qu’en l’espèce l’augmentation de la rémunération indiciaire dans le contrat modifié avait été compensée en valeur par une diminution corrélative des primes et indemnités ; qu’ainsi le total de la rémunération était identique entre les mois de janvier et février 2012 ; que par ailleurs un seul agent au sein de la trésorerie était en charge du contrôle d’un grand nombre de mandats ; que sans aide informatique spécifique il ne pouvait s’apercevoir de la modification intervenue ; que le contrat de travail a été réexaminé par l’assemblée délibérante le 5 décembre 2012 et a donné lieu à un avenant ;
ATTENDU que, dans ses conclusions, le procureur financier près la chambre fait valoir que le caractère incomplet des justifications produites à l’appui de tous les paiements en cause suffit à caractériser le manquement ; que la « simple erreur matérielle » alléguée par le comptable est inopérante à dégager sa responsabilité en matière de contrôle de la justification des mandats de dépense ; que la régularisation du contrat de travail de l’agent par le conseil communautaire en décembre 2012, évoquée par le comptable, est intervenue postérieurement aux paiements en cause ;
ATTENDU que la responsabilité du comptable s’apprécie au moment du paiement ; que l’étendue des moyens et ressources affectés au poste comptable ne sont pas un motif d’exonération de la responsabilité du comptable ; que l’application du contrôle sélectif de la dépense ne saurait être un obstacle à l’exercice des missions du comptable notamment celle du contrôle de la dépense ;
ATTENDU que le comptable est tenu de contrôler la validité de la créance ainsi que les éléments de sa liquidation, qu’en présence d’une variation du traitement indiciaire dans une dépense de rémunération, il doit interroger l’ordonnateur sur les raisons de cette évolution, exiger les justificatifs associés et à défaut suspendre le paiement ;
ATTENDU que l’annexe I de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales liste les pièces justificatives à produire à l’appui des paiements ; que la sous-rubrique 21021 de cette annexe indique pour les dépenses de personnel au-delà du premier paiement, que le comptable doit disposer de « 1. l’état nominatif […] énonçant […] pour chaque agent […] l’indice […] » et de « 4. La décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination portant modification de la situation administrative de l’interessé, entrainant une modification de sa rémunération […] avec indication de la date d’effet, ou avenant au contrat de recrutement comportant les mêmes énonciations ».
ATTENDU qu’en ne suspendant pas le paiement des mandats visés au réquisitoire, alors que les pièces réglementairement requises lors d’une modification de la rémunération indiciaire d’un agent ne lui étaient pas produites, et n’en informant pas l’ordonnateur, M. X a commis un manquement susceptible d’engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire, en application des dispositions de l'article 37 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;
3 - Sur l’existence d’un préjudice financier du fait du manquement du comptable
ATTENDU que le comptable fait valoir que le montant de la rémunération totale versée au directeur général des services n’a pas été modifiée au cours de l’année 2012 ; que la modification du contrat n’a ainsi pas entrainé de préjudice financier pour la collectivité ;
ATTENDU que dans ses observations, l’ordonnateur fait valoir que la communauté de communes n’a subi aucun préjudice financier, l’accroissement de la rémunération indiciaire du directeur général des services s’étant accompagnée d’une réduction à due concurrence de son régime indemnitaire ;
ATTENDU que dans ses conclusions le procureur financier près la chambre rappelle qu’en l’absence d’une pièce justificative exigible, les dépenses exposées ont été irrégulièrement payées et sont indues ; que toutefois, au cas d’espèce, le comptable a été en mesure de produire la pièce manquante, fut-ce a posteriori ; que l’avenant n° 2 du 31 janvier 2012 prévoit et justifie les modifications apportées à partir de février, à la rémunération de l’agent en question ;
ATTENDU que la pièce produite manifeste la commune intention des parties au contrat de modifier l’indice de l’agent concerné ; qu’en outre cette modification indiciaire s’est accompagnée d’une réduction à due concurrence du régime indemnitaire de l’agent ; que la rémunération totale versée à l’agent n’a donc pas été modifiée ;
ATTENDU que dans ces conditions le manquement du comptable n’a pas causé de préjudice financier au sens des dispositions du troisième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février susvisée, à la communauté de communes du Ségala-Carmausin ;
4 - Sur la mise à la charge du comptable d’une somme non rémissible
ATTENDU qu’aux termes du deuxième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « lorsque le manquement du comptable […] n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce »;
ATTENDU que le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 susvisé, fixe le montant maximal de cette somme à « un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable » ; que ce dernier montant s’établit, au moment de la commission des faits, à 149 000 € ; pour le poste comptable de Carmaux-Monesties-Pampelonne dont relève la communauté de communes du Ségala-Carmausin, et qu’ainsi le montant maximum de la somme susceptible d’être mise à la charge du comptable s’élève à 223,50 € ;
ATTENDU que les éléments rappelés ou apportés en réponse par le comptable, notamment le fait que la rémunération globale est demeurée inchangée et que le premier avenant a été communiqué au comptable en août 2012 seulement, conduisent à retenir des circonstances de nature à atténuer la responsabilité de ce dernier ; que cette somme peut dans ces conditions être arrêtée à un montant de 150 € ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1 : Sur la présomption de charge, au titre de l’exercice 2012 :
M. X devra s’acquitter d’une somme de cent cinquante euros (150 €) en application du deuxième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ; cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du paragraphe IX de l’article 60 précité.
Article 2 : Sur la présomption de charge, au titre de l’exercice 2013 :
M. X est déchargé de sa gestion au titre de l’exercice 2013.
Article final : La décharge M X au titre de 2012 ne pourra être donnée qu’après apurement de la somme à acquitter, fixée ci-dessus.
Délibéré le 21 novembre 2017 par M. Dominique JOUBERT, président de séance ; M. Mickael DUWOYE, Mme Céline BRIL, et M. Matthieu JUVING, premiers conseillers ; M. Erwan RIGAUD, conseiller.
En présence de Mme Véronique MONTILLET, grefffière de séance.
Véronique MONTILLET greffière de séance |
Dominique JOUBERT président de séance |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre les dispositions dudit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Jugement n°2017-0039 page 1 sur 4
500, avenue des États du Languedoc CS 70755 34064 MONTPELLIER CEDEX 2 T +33 4 67 20 73 00 occitanie@crtc.ccomptes.fr
Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la chambre régionale des comptes Occitanie, et délivré par moi, secrétaire générale,
Brigitte VIOLETTE secrétaire générale |
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans un délai de deux mois à compter de leur notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code.
Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger.
La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.
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