S3/2170547/SH 1/5
1ère section
Jugement n° 2017-0015 J
Audience publique du 6 juillet 2017
Prononcé le 28 juillet 2017 |
Collège Gérard Philipe à Cergy (Val-d’Oise)
Exercice 2012 |
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République Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
Vu l’arrêté de charge provisoire du 2 juin 2015, reçu à la chambre le 8 juin 2015, par lequel le service d’apurement administratif des établissements publics locaux d’enseignement du pôle interrégional d’apurement administratif a enjoint M. X, comptable du collège Gérard Philipe à Cergy, de produire les pièces permettant d’exercer le contrôle prévu par l’article D. 231‑26 du code des juridictions financières, et a provisoirement mis à sa charge la somme de 64 112,29 € pour sa gestion du 1er janvier au 31 décembre 2012 ;
Vu les conclusions n° 2016‑0020 du 29 février 2016 du procureur financier près la chambre sur l’arrêté de charge provisoire susvisé ;
Vu le réquisitoire n° 2016‑0004 du 29 février 2016, notifié au comptable le 25 mai 2016 et au principal de l’établissement le 4 mai 2016, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X au titre de l’exercice 2012 ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable du collège Gérard Philipe à Cergy par M. X du 1er janvier au 31 décembre 2012 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;
Vu l’article 60 de la loi n° 63‑156 du 23 février 1963 de finances pour 1963 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;
Vu le décret n° 64-685 du 2 juillet 1964 relatif à la constitution et à la libération du cautionnement exigé des comptables publics ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificatives pour 2011 ;
Vu le rapport de M. Hervé Beaudin, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions du procureur financier ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du 6 juillet 2017 M. Hervé Beaudin, premier conseiller, en son rapport, et M. Alexandre Couturier, procureur financier, présentant les conclusions de M. Luc Héritier, procureur financier dirigeant le ministère public ;
Entendu en délibéré M. Nicolas Sachot, conseiller, réviseur, en ses observations ;
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X, comptable du collège Gérard Philipe à Cergy, au titre de l’exercice 2012, pour avoir manqué à ses obligations de recouvrement de créances en laissant subsister, au compte 4111 « Familles – Frais scolaires – Exercices antérieurs », un solde débiteur non justifié de 62 371,98 € au 31 décembre 2012, d’une part (présomption de charge n° 1) ; et en laissant subsister, au compte 5117 « Chèques impayés », un solde débiteur non justifié de 1 740,31 €, d’autre part (présomption de charge n° 2) ;
Attendu qu’aux termes du I de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière de recettes […]. / La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu’un déficit ou un manquant en denier ou en valeur a été constaté, qu'une recette n'a pas été recouvrée […] » ; qu’aux termes du III du même article : « La responsabilité pécuniaire des comptables publics s'étend à toutes les opérations du poste comptable qu'ils dirigent depuis la date de leur installation jusqu'à la date de cessation des fonctions. […] ; Elle ne peut être mise en jeu à raison de la gestion de leurs prédécesseurs que pour les opérations prises en charge sans réserve lors de la remise de service ou qui n'auraient pas été contestées par le comptable entrant […] » ;
Attendu que, selon l’article 11 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, alors en vigueur : « Les comptables publics sont seuls chargés : / De la prise en charge et du recouvrement des ordres de recettes qui leur sont remis par les ordonnateurs, des créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou autre titre dont ils assurent la conservation […] ; / De la conservation des pièces justificatives des opérations et des documents de comptabilité […] » ; qu’aux termes de l’article 12 du même décret : « Les comptables sont tenus d’exercer : / A.- En matière de recettes, le contrôle : / […] Dans la limite des éléments dont ils disposent, de la mise en recouvrement des créances […] de l’organisme public » ;
Attendu qu’aux termes du 3° de l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : « L’action des comptables publics chargés de recouvrer les créances des régions, des départements, des communes et des établissements publics locaux se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge du titre de recettes. / Le délai de quatre ans mentionné à l’alinéa précédent est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des débiteurs et par tous actes interruptifs de la prescription » ;
Sur la présomption de charge n° 1 :
Attendu que le compte 4111 « Familles – Frais scolaires – Exercices antérieurs » présente un solde débiteur de 62 371,98 € au 31 décembre 2012 ;
Attendu que le comptable n’a pas fourni d’éléments permettant, d’une part, d’expliquer ce solde, ni d’autre part d’établir qu’il avait effectué des diligences visant à recouvrer les sommes correspondantes, composées de créances sur frais scolaires constatées au cours d’exercices antérieurs à 2012 ;
Attendu que l’action des comptables en vue du recouvrement des créances constatées antérieurement à 2012, faute d’actes comportant reconnaissance de la part des débiteurs et d’actes interruptifs de la prescription, s’est prescrite au plus tard le 31 décembre 2015, soit au cours de le gestion de M. X ; que M. X ne précise pas les réserves qu’il aurait faites sur ce compte lors de sa prise de fonction ; que les sommes non recouvrées composant le solde débiteur du compte 4111 au 31 décembre 2012 constituent un manquant en deniers dans la caisse du collège Gérard Philipe à Cergy ; qu’ainsi, le comptable a manqué aux obligations mentionnées au I précité de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 et engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
Attendu que ce manquant en deniers constitue un préjudice financier subi par l’établissement qui trouve une cause directe dans le manquement de M. X à ses obligations, tant de recouvrement que de justification de ses écritures ;
Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances pour 1963 susvisée : « Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l’organisme concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; que dans cette hypothèse, le juge des compte ne peut tenir compte des diverses circonstances de l’espèce invoquées par les comptables sur la gestion de leur poste, telles que les désordres comptables affectant le poste et le manque de formation initiale ; que, par suite, il y a lieu de constituer M. X, comptable en fonction du 1er janvier au 31 décembre 2012, débiteur du collège Gérard Philipe à Cergy à hauteur de 62 371,98 € ;
Attendu qu’aux termes du VIII du même article : « Les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; que le débet ci-dessus portera intérêt à compter de la notification du réquisitoire, le 25 mai 2016 ;
Sur la présomption de charge n° 2 :
Attendu que le compte 5117 « Chèques impayés » présente un solde débiteur de 1 740,31 € au 31 décembre 2012 ;
Attendu que le comptable n’a pas fourni d’éléments permettant, d’une part, d’expliquer le solde débiteur du compte 5117, ni d’autre part d’établir qu’il avait effectué des diligences visant à recouvrer les sommes correspondantes, composées d’impayés constatés au cours des exercices 2012 et antérieurs ;
Attendu que les créances constatées en 2012 et antérieurement, faute d’actes comportant reconnaissance de la part des débiteurs et d’actes interruptifs de la prescription, se sont prescrites au plus tard le 31 décembre 2016 ;
Attendu que les sommes non recouvrées composant le solde débiteur du compte 5117 au 31 décembre 2012 constituent dès lors un manquant en deniers dans la caisse du collège Gérard Philipe à Cergy ; que ce manquant en deniers doit s’analyser comme un préjudice financier subi par l’établissement ;
Attendu, en revanche, que M. X avait émis lors de sa prise de poste des réserves sur la gestion de son prédécesseur, au nombre desquelles figurait un solde débiteur inexpliqué de 1 454,20 € au compte 5117 figurant dans les écritures d’entrée de l’exercice 2004 ; que la chambre, dans son jugement du 2 juin 2006, avait admis la validité de la réserve émise par M. X sur le compte 5117 ; que la composition du solde débiteur du compte 5117 demeure inconnue ; qu’aucun état de développement ne permet de connaître la part du solde au 31 décembre 2012 imputable aux sommes sur lesquelles M. X a valablement émis des réserves lors de sa prise de poste ; qu’en tout état de cause, dans l’hypothèse la plus favorable pour lui, M. X doit être tenu comptable de la différence entre le solde débiteur du compte 5117 porté dans les écritures d’entrée de l’exercice 2004 et le solde débiteur du même compte au 31 décembre 2012, soit un montant de 286,11 € ;
Attendu que cette part du préjudice financier subi par l’établissement, imputable de façon certaine à la gestion de M. X, trouve une cause directe dans le manquement du comptable à ses obligations tant de recouvrement que de contrôle en matière de recettes ; qu’ainsi, le comptable a manqué aux obligations mentionnées au I précité de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 et engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
Attendu qu’en application du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, lorsque le juge des comptes estime que le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l’organisme concerné, il ne peut tenir compte des diverses circonstances de l’espèce invoquées par les comptables sur la gestion de leur poste ; que, par suite, il y a lieu de constituer M. X, comptable en fonction du 1er janvier au 31 décembre 2012, débiteur du collège Gérard Philipe à Cergy à hauteur de 286,11 € ; qu’en application du VIII du même article, ce débet portera intérêt au taux légal à compter de la notification du réquisitoire, le 25 mai 2016 ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : M. X est constitué débiteur du collège Gérard Philipe à Cergy de la somme de 62 371,98 € au titre de la charge n° 1 et de 286,11 € au titre de la charge n° 2.
Article 2 : Ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 25 mai 2016.
Article 3 : La décharge de M. X ne pourra être donnée qu’après apurement des débets fixés ci-dessus.
Fait et jugé par M. Alain Stéphan, président de section, président de séance, M. Jean-Marc Dunoyer de Segonzac, premier conseiller, et M. Nicolas Sachot, conseiller.
En présence de Mme Lionelle Nivore, greffier de séance.
Lu en audience publique, le vingt-huit juillet deux mille dix-sept.
Lionelle Nivore | Alain Stéphan |
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En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En application des articles R. 242-14 à R. 242-16 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-17 à R. 242-19 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-26 du même code.