Sections réunies Jugement n° 2017-0016 Audience publique du 27 avril 2017 Prononcé du 11 mai 2017 | COMMUNE DE LENS (Pas-de-Calais) Poste comptable : CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES DE LENS MUNICIPALE Exercices 2011 à 2014 |
République Française
Au nom du peuple français
La chambre,
Vu le réquisitoire en date du 13 décembre 2016, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de
MM. Jean-Michel X, Jean-Pierre Y et Jean-Pierre Z, comptables de la commune de Lens, au titre d’opérations relatives aux exercices 2011 à 2014, notifié le 21 décembre 2016 à M. Y et le 22 décembre 2016 à MM. X et Z ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptables de la commune de Lens, par
M. Jean-Michel X, du 1er janvier 2011 au 12 avril 2011, M. Jean-Pierre Y, du
13 avril 2011 au 4 mai 2014, et M. Jean-Pierre Z, à compter du 5 mai 2014, ensemble les comptes annexes ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales, notamment son article L. 1617-5 ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique alors en vigueur et le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
JU-2017-0016 – Commune de Lens 1/6
Vu le décret n° 2001-495 du 6 juin 2001 pris pour l'application de l'article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le rapport de M. Frédéric Mahieu, conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions du procureur financier ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du 27 avril 2017, M. Frédéric Mahieu, conseiller, en son rapport, M. Philippe Jamin, procureur financier, en ses conclusions, et MM. Jean-Michel X et Jean-Pierre Y, comptables, présents, ayant eu la parole en dernier ;
Sur la présomption de charge n° 1, soulevée à l’encontre de MM. Jean-Michel X,
Jean-Pierre Y et Jean-Pierre Z au titre des exercices 2011 à 2014 :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes Hauts-de-France de la responsabilité encourue par MM. Jean-Michel X,
Jean-Pierre Y et Jean-Pierre Z, pour absence de diligences adéquates, complètes et rapides en vue du recouvrement du titre n° 883, émis le 27 avril 2004 pour un montant de 6 671,00 €, ayant fait l’objet d’un règlement partiel d’un montant de 20,00 € en date du
6 août 2008 et se trouvant, de ce fait, possiblement prescrit à la date du 6 août 2012 pour un montant total de 6 651,00 € ;
Sur l’existence d’un manquement :
Attendu qu’aux termes des dispositions du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 « (…) les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes (…). Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes (…) dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors (…) qu’une recette n’a pas été recouvrée (…) » ;
Attendu qu’en application de l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, « l’action des comptables publics chargés de recouvrer les créances des (…) communes (…) se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge du titre de recettes » et que « le délai de quatre ans (…) est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des débiteurs et par tous actes interruptifs de la prescription » ;
Attendu que le titre n° 883 émis le 27 avril 2004 pour un montant de 6 671,00 € a été pris en charge le 7 mai 2004 par le comptable public et qu’aucun acte interruptif de prescription n’est intervenu avant le 8 mai 2008 ;
Attendu que la créance visée était atteinte par la prescription de l’action en recouvrement à la date du 8 mai 2008 et que son recouvrement était définitivement compromis à cette date ;
Attendu que le paiement supposé d’une partie du titre, en date du 6 août 2008, est intervenu postérieurement à la prescription de l’action en recouvrement et ne peut, de ce fait, interrompre le délai de prescription ;
Attendu que le comptable en fonctions au cours l’exercice 2008 a été déchargé de sa gestion ; qu’en conséquence, il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de MM. Jean-Michel X, Jean-Pierre Y et Jean-Pierre Z au titre des exercices 2011 à 2014 ;
Sur la présomption de charge n° 2, soulevée à l’encontre de M. Jean-Pierre Y au titre de l’exercice 2011 :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes Hauts-de-France de la responsabilité encourue par M. Jean-Pierre Y, pour le paiement d’une subvention d’un montant supérieur à 23 000 € en l’absence de convention conclue entre la commune et l’organisme bénéficiaire ;
Sur l’existence d’un manquement :
Attendu qu’aux termes des dispositions du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 « (…) les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables (…) du paiement des dépenses (…). Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière (…) de dépenses (…) dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors (…) qu’une dépense a été irrégulièrement payée (…) » ;
Attendu qu’avant de procéder au paiement de la dépense, les comptables sont tenus d’exercer les contrôles prévus aux articles 12 et 13 du décret susvisé du 29 décembre 1962 ;
Attendu qu’aux termes de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales : « Avant de procéder au paiement d'une dépense (…) les comptables publics (…) ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I du présent code. » ; que cette annexe I prévoit, à sa rubrique n° 72, pour le versement des subventions, lors du premier paiement, la production des pièces justificatives suivantes : « 1- Une décision ; 2- Le cas échéant, justifications particulières exigées par la décision ; 3- Le cas échéant, convention entre le bénéficiaire et la collectivité » ;
Attendu qu’il résulte des dispositions combinées de l’article 10 de la loi du 12 avril 2000 susvisée et de l’article 1er du décret du 6 juin 2001 susvisé, que l'autorité administrative qui attribue une subvention doit, lorsque le montant annuel de cette subvention dépasse le seuil de 23 000 €, conclure une convention avec l'organisme de droit privé qui en bénéficie, définissant l'objet, le montant et les conditions d'utilisation de la subvention attribuée ;
Attendu que le comptable a payé au cours de l’exercice 2011 un montant total de 50 100 € de subventions à l’association « Centre lensois d’éducation et de découvertes sportives », en exécution de six mandats de montants respectifs de 10 000 €, 1 000 €, 8 000 €, 10 200 €, 20 600 € et 300 € ;
Attendu qu’il n’est pas contesté par les parties qu’aucune convention n’a été conclue entre la commune et l’association définissant l’objet, le montant et les conditions d’utilisation des subventions attribuées en 2011 ;
Attendu, d’une part, que le comptable fait valoir, en défense, que trois paiements, respectivement à hauteur de 1 000 €, 8 000 € et 10 200 €, ont un objet spécifique, lié au financement d’actions de politique de la ville, et ne peuvent, dès lors, être cumulés avec les subventions de fonctionnement courant de l’association, au regard des exigences de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Attendu néanmoins que le respect du seuil de 23 000 € prévu par les dispositions précitées s’apprécie indépendamment de l’objet des subventions et de leur nature ;
Attendu, d’autre part, que le comptable fait valoir que chaque versement a été effectué à l’appui d’une délibération distincte du conseil municipal décidant d’un montant de subvention inférieur à 23 000 €, que les délibérations étaient chacune exécutoire et que le comptable n’est pas juge des décisions souveraines prises par le conseil municipal ;
Attendu, cependant, qu’il revient au comptable d'apprécier si les pièces fournies à l’appui d’un mandat présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée ; que pour établir ce caractère suffisant, il lui appartient de vérifier, en premier lieu, si l'ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable lui ont été fournies, et ce quand bien même les délibérations du conseil municipal sont régulières et revêtues du caractère exécutoire ;
Attendu qu’il appartient au comptable public, pour vérifier la production de pièces justificatives requises par la nomenclature, de contrôler le montant annuel de subvention versée à un organisme de droit privé ; que l’attribution de subventions à travers des délibérations successives ne s’oppose pas à ce que le comptable effectue ses contrôles sur le montant global annuel versé ; que dès lors, en l’absence de justifications suffisantes, le comptable aurait dû suspendre le paiement du mandat n° 6785 d’un montant de 10 200 € déclenchant le dépassement du seuil de 23 000 €, ainsi que les mandats suivants n° 7422 d’un montant de 20 600 € et n° 11164 d’un montant de 300 € ; que cette suspension, prévue par l’article 37 du décret du 29 décembre 1962, ne s’apparente pas à un contrôle de la légalité de la délibération considérée ;
Attendu, enfin, que la circonstance, alléguée par le comptable, que les mandats ont été visés par des agents différents qui ont considéré que chaque paiement constituait une subvention unique est sans incidence sur la responsabilité du comptable assignataire ;
Attendu qu’en payant les mandats considérés en l’absence de toute convention, le comptable a manqué à ses obligations et a ainsi engagé sa responsabilité au titre de l’article 60 de la
loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Sur l’existence d’un préjudice financier :
Attendu que la volonté de l’organe délibérant de verser ces subventions à l’association « Centre lensois d’éducation et de découvertes sportives » est attestée par le vote de délibérations du conseil municipal ; que les délibérations jointes aux mandats concernés attestent de la validité des créances ; que, dès lors, la dépense étant due, le manquement du comptable n’a pas causé de préjudice financier à la commune de Lens ;
Attendu qu’en application des dispositions de l’article 60-VI, 2ème alinéa, de la loi du
23 février 1963 susvisée, « lorsque le manquement du comptable (…) n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce » ; que le décret du 10 décembre 2012 susvisé, fixe le montant maximal de cette somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable ;
Attendu que le montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré pour l’exercice 2011 est fixé à 176 000 € ; qu’ainsi, le montant maximum de la somme susceptible d’être mise à la charge de M. Jean-Pierre Y s’élève à 264 € ;
Attendu que, compte-tenu des circonstances de l’espèce, il sera fait une juste appréciation de l’affaire en laissant à la charge de M. Y une somme de 100 € ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : En ce qui concerne M. Jean-Michel X, présomption de charge n° 1
Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité du comptable au titre de la présomption de charge n° 1.
M. Jean-Michel X est déchargé de sa gestion pour la période du 1er janvier au 12 avril 2011.
M. Jean-Michel X est déclaré quitte et libéré de sa gestion terminée le
12 avril 2011.
Article 2 : En ce qui concerne M. Jean-Pierre Y, présomption de charge n° 1
Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité du comptable au titre de la présomption de charge n° 1.
M. Jean-Pierre Y est déchargé de sa gestion pour la période du
1er janvier 2012 au 4 mai 2014.
Article 3 : En ce qui concerne M. Jean-Pierre Z, présomption de charge n° 1
Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité du comptable au titre de la présomption de charge n° 1.
M. Jean-Pierre Z est déchargé de sa gestion pour la période du 5 mai au 31 décembre 2014.
Article 4 : En ce qui concerne M. Jean-Pierre Y, au titre de l’exercice 2011, présomption de charge n° 2
M. Jean-Pierre Y devra s’acquitter d’une somme de 100 €, en application du deuxième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du
23 février 1963 ; cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du paragraphe IX de l’article 60 précité.
La décharge de M. Jean-Pierre Y, pour la période du 13 avril 2011 au 31 décembre 2011, ne pourra être donnée qu’après apurement de la somme à acquitter, fixée ci-dessus.
Fait et jugé par M. Philippe Sire, président de séance, MM. Jean-Bernard Mattret et
Guillaume Vandenberghe, premiers conseillers.
En présence de M. Bernard Chabé, greffier de séance.
Bernard Chabé Philippe Sire
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article
R. 242-29 du même code.
JU-2017-0016 – Commune de Lens 1/6