rapport n° 2017-0271

Commune de Grigny (Rhône)

jugement n° 2017-0045

Trésorerie de Givors

audience publique du 21 novembre 2017

code n° 069 007 096

délibéré du 21 novembre 2017

exercice 2013

Prononcé le 24 novembre 2017

 

 

 

 

République française

 

Au nom du peuple français

 

La chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-ALPES
(Statuant en 5ème Section)

 

Vu le réquisitoire 22-GP/2016 à fin d’instruction de charge pris le 14 décembre 2016 par le procureur financier près la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes ;

Vu les courriers de notification du réquisitoire adressés le 19 janvier 2017 à M. Robert X..., comptable concerné, et à M. Xavier Y..., maire de Grigny, dont ils ont accusé réception les 23 et 20 janvier 2017 ;

VU le code général des collectivités territoriales ;

VU le code des juridictions financières ;

VU l’article 60 de la loi de finances pour 1963 n° 63-156 du 23 février 1963 ;

VU le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

VU les lois et règlements relatifs à la comptabilité des communes et des établissements publics locaux ;

VU larrêté de la présidente de la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes relatif aux attributions, à la composition et aux compétences des sections et des formations de délibéré et celui portant délégation de signature au président de la 5ème section ;

VU la décision n° 85 D du 27 décembre 2016 du président de la 5ème section de la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes, désignant M. Michel BON, premier conseiller, comme rapporteur pour instruire les charges identifiées dans le réquisitoire susvisé ;

VU les questionnaires transmis le 24 août 2017 à M. Robert X..., comptable concerné, et à M. Xavier Y..., maire de Grigny, dont ils ont accusé réception les 1er septembre et 25 août 2017 ;

VU les observations écrites de M. Robert X..., comptable en cause, enregistrées au greffe le 27 septembre 2017 ;

VU les comptes produits en qualité de comptable de la commune de Grigny par M. Robert X... pour la période du 1er janvier 2013 au 14 avril 2013 ;

VU le rapport n° 2017-0271 de M. Michel BON, premier conseiller, magistrat instructeur, déposé au greffe de la chambre le 3 octobre 2017 ;

VU les lettres du 5 octobre 2017 informant le comptable et l’ordonnateur de la clôture de l’instruction ;

VU les lettres du 24 octobre 2017 informant M. Robert X... et M. Xavier Y... de la date fixée pour l’audience publique et les accusés de réception correspondants ;

Vu les conclusions n° 17-271 du procureur financier en date du 19 octobre 2017 ;

Entendu en audience publique M. Michel BON, premier conseiller, en son rapport ;

Entendu en audience publique, Mme Marie-Odile ALLARD, procureur financier, en ses conclusions ;

En l’absence du comptable en cause et de l’ordonnateur, dûment informés de la tenue de l’audience ;

Après avoir délibéré hors la présence du public, du rapporteur et du procureur financier ;

 

En ce qui concerne la charge unique, relative au paiement par M. Robert X... sur l’exercice 2013 d’un marché de 22 246,20 € sans production d’un contrat écrit

Sur les réquisitions du ministère public,

Attendu qu’en son réquisitoire, le procureur financier relève que le comptable de la commune de Grigny, M. Robert X..., a pris en charge et payé le 28 janvier 2013 le mandat n° 79, émis le 22 janvier 2013, d’un montant 22 246,20 € ; qu’il constate que le comptable a payé sur simple facture une dépense pour laquelle un contrat écrit aurait dû être établi, conformément aux dispositions de l'article 11 du code des marchés publics alors en vigueur ;

Attendu que le représentant du ministère public estime qu’en agissant ainsi M. Robert X... a méconnu les dispositions précitées du code des marchés publics ainsi que celles de la nomenclature des pièces justificatives de dépenses annexée à l'article D.1617-19 du code général des collectivités territoriales qui exige, dans sa rubrique 4.2.3 « prestations fixées par contrat », la production du contrat ;

Attendu que le procureur financier considère qu’en ayant néanmoins procédé au paiement de ce mandat, M. Robert X... est susceptible d’avoir engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire pour le montant total de 22 246,20 € et qu’il se trouverait ainsi dans le cas prévu par les dispositions de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 ; qu’il y a lieu en conséquence d’ouvrir l’instance prévue au III de l’article L. 242-1 du code des juridictions financières aux fins de déterminer les responsabilités encourues ;

Sur les observations des parties,

Attendu que, dans sa réponse du 27 septembre 2017, M. Robert X... indique ne pas avoir de remarque à formuler dans le cadre de l’instance de jugement de la commune de Grigny ; qu’il indique par ailleurs que le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense a été transmis à la chambre par le comptable en fonctions dans le cadre du contrôle des comptes de la commune ;

 

Sur la charge présumée,

Attendu que la présomption de charge formulée au réquisitoire est fondée sur le paiement du mandat n° 79 du 22 janvier 2013 d’un montant de 22 246,20 €, émis au bénéfice de la société FERNANDES SARL, en l’absence de contrat écrit alors que la dépense dépassait le seuil à partir duquel un contrat écrit doit être signé et produit à l’appui du paiement ; que c’est sur ce montant, conforme au réquisitoire, que le comptable mis en cause a été appelé à formuler ses observations ;

 

Sur la responsabilité des comptables en matière de paiement de dépenses

Attendu que l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 dispose que, « I. - (…) les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables (…) du paiement des dépenses, (…), de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils dirigent. / (…) La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu'une dépense a été irrégulièrement payée (…) » ;

Attendu que le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique dispose à son article 17 que les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des actes et contrôles qui leur incombent en application des dispositions des articles 18, 19 et 20, dans les conditions fixées par l'article 60 de la loi du 23 février 1963 ; que l’article 18 indique que le comptable public est seul chargé du paiement des dépenses sur ordre émanant des ordonnateurs ; que l’article 19 dispose que le comptable public est tenu d'exercer le contrôle, s'agissant des ordres de payer, de la validité de la dette dans les conditions prévues à l'article 20, cet article précisant que le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte notamment sur la production des pièces justificatives ; que l’article 38 dispose que, lorsqu'à l'occasion de l'exercice des contrôles prévus au 2° de l'article 19 le comptable public a constaté des irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de l'ordonnateur, il suspend le paiement et en informe l'ordonnateur ;

Attendu que l’annexe I du code général des collectivités territoriales fixant la liste des pièces justificatives des dépenses publiques locales précise, dans un §5 relatif à l’utilisation de la liste des pièces justificatives pour le contrôle de la dépense, que lorsqu'une dépense est répertoriée dans la liste, les pièces justificatives nécessaires au paiement de cette dépense y sont toutes énumérées et que la liste est obligatoire en ce qu'elle constitue à la fois le minimum et le maximum des pièces justificatives exigibles par le comptable et s'impose à la fois aux ordonnateurs, aux comptables et aux juges des comptes ;

Attendu qu’à la rubrique 4 relative aux marchés publics, un renvoi (2) précise que « La dépense est présentée sous la seule responsabilité de l'ordonnateur, selon l'une des sous-rubriques décrites dans la présente rubrique n° 4 » ; que la sous-rubrique 423 relative aux marchés à procédure adaptée relatifs à des prestations fixées par contrat mentionne que, dans ce cas, doivent être produits le contrat ainsi que la facture ; que pour les marchés relatifs aux autres prestations, incluant donc les marchés publics pour lesquels aucun contrat écrit n’est exigé, la rubrique 425 ne mentionne que le mémoire ou la facture ;

Attendu qu’il résulte de la jurisprudence du Conseil d’Etat que le comptable auquel est présenté un mandat appuyé d’une seule facture, et donc rattaché par l’ordonnateur à la rubrique 425, d’un montant supérieur au seuil de l’écrit et devant donc se rattacher à la rubrique 423, doit suspendre le paiement et exiger la production des justifications nécessaires ;

 

Sur la responsabilité du comptable,

Attendu que M. Robert X... a pris en charge le mandat n° 79 du 22 janvier 2013 de 22 246,20 € au bénéfice de la société FERNANDES SARL pour la réalisation d’une rampe d’accès handicapés au parc du Manoir ; que ce mandat est appuyé d’une facture de ladite entreprise d’un montant de 18 600,50 € hors taxes qui, après prise en compte de la TVA, conduit au montant mandaté de 22 246,20 € toutes taxes comprises ;

Attendu qu’à la date de la commande en question, le code des marchés publics disposait, à son article 11, que « Les marchés et accords-cadres d'un montant égal ou supérieur à 15 000 euros HT sont passés sous forme écrite » ;

Attendu que la facture produite à l’appui du mandat étant supérieure au seuil à partir duquel un contrat écrit doit être passé, il revenait au comptable de suspendre le paiement et exiger la production des justifications nécessaires ; qu’en s’abstenant de le faire, le comptable a engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire à hauteur de 22 246,20 € sur l’exercice 2013 ;

 

Sur le préjudice financier,

Attendu que le § VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 dispose que « Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n'a pas causé de préjudice financier à l'organisme public concerné, le juge des comptes peut l'obliger à s'acquitter d'une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en Conseil d'État en fonction du niveau des garanties mentionnées au II.

Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public, l'organisme public a dû procéder à l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers ou a dû rétribuer un commis d'office pour produire les comptes, le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;

Attendu que M. Robert X... n’a pas formulé d’observations relatives à un éventuel préjudice pour la commune de Grigny ;

Attendu que la dépense en question dépassant 15 000 € HT, elle devait faire l’objet d’un contrat écrit, acte précisant le contenu de la prestation et matérialisant la volonté de l’ordonnateur ; qu’en l’absence de contrat écrit, la prestation effectuée et payée ne peut être prise en considération comme répondant à une décision régulière de l’ordonnateur ; que la dépense apparaît ainsi indue conduisant à préjudice financier pour la commune de Grigny ;

Attendu que le manquement du comptable à ses obligations de contrôle ayant ainsi causé un préjudice financier à la commune de Grigny, il y a lieu de prononcer à l’encontre de M. Robert X... un débet de 22 246,20 € au titre de sa gestion de l’exercice 2013, de même montant que la dépense irrégulièrement et indument payée ;

 

Attendu qu’en application des dispositions de l’article 60-VIII de la loi précitée du 23 février 1963 prescrivant que les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de mise en jeu de la responsabilité du comptable, le débet de 22 246,20 € mis à la charge de M. Robert X... porte intérêts de droit à compter de la date du 23 janvier 2017, de notification à l’intéressé du réquisitoire introductif de l’instance juridictionnelle ;

 

Sur le contrôle hiérarchisé de la dépense,

Attendu que l’article 60-IX de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 dispose que « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l'appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l'obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ;

Attendu que dans sa réponse reçue le 27 septembre 2017, M. Robert X... indique que le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense pour l’année 2013 a été transmis par le comptable en fonctions dans le cadre du contrôle juridictionnel des comptes de la commune ; que, toutefois, le plan de contrôle des dépenses ne figure pas au dossier d’instruction de ce contrôle ; qu’en l’absence de production du plan de contrôle hiérarchisé de la dépense pour 2013, la chambre n’est donc pas en mesure de vérifier que le paiement en question a été réalisé dans le respect des règles de contrôle sélectif de la dépense retenues pour la commune de Grigny ; qu’ainsi le ministre chargé du budget ne sera pas en mesure de faire remise gracieuse totale du débet prononcé à l’encontre de M. Robert X... ;

 

Sur la situation du comptable,

Attendu qu’en conséquence des développements précédents, M. Robert X... ne pourra être déchargée de sa gestion du 1er janvier 2013 au 14 avril 2013 et déclaré quitte de sa gestion terminée à cette date, qu’après justification de l’apurement, en principal et intérêts, du débet prononcé à son encontre ;

 

Par ces motifs,

Décide

 

Article 1 :

M. Robert X... est constitué débiteur envers la commune de Grigny de la somme de 22 246,20 € sur l’exercice 2013, augmentée des intérêts de droit au taux légal à compter de la date du 23 janvier 2017 de notification du réquisitoire du procureur financier près la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes ;

 

Article 2 :

M. Robert X... ne pourra être déchargé de sa gestion de l’exercice 2013 et déclaré quitte de sa gestion terminée le 14 avril 2013, qu'après avoir justifié de l’apurement, en principal et en intérêts, du débet prononcé à son encontre ;

 

Fait et délibéré en la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes, cinquième section, le vingt-et-un novembre deux mille dix-sept.

Présents : M. Alain LAÏOLO, président de section, président de séance ;

M. Pierrick BILLAN, premier conseiller, Mme Sophie CORVELLEC, première conseillère, M. Joris MARTIN, conseiller, Mme Jennifer EL-BAZ, conseillère.

 

 

la greffière

le président de séance

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Corinne VITALE-BOVET

Alain LAÏOLO

 

 

 

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

 

En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article
R. 242-29 du même code.

 

1/6 – jugement n° 2017-0045