Sections réunies

 

Jugement n° 2017-0038

 

Audience publique du 21 novembre 2017

 

Prononcé du 11 décembre 2017

 

COMMUNE DE BAGNÈRES-DE-BIGORRE

 

Poste comptable : CFP de Bagnères-de-Bigorre

 

 codique : 065005 059

 

Exercices 2013 et 2014

 

 

 

 

 

La République Française

Au nom du peuple français

 

 

La Chambre,

 

 

 

VU les comptes, rendus en qualité de comptable de la commune de Bagnères-de-Bigorre, par Mme X, pour les exercices 2013 et 2014 ;

 

VU le réquisitoire, pris le 17 août 2017 et notifié le 24 août 2017, par lequel le procureur financier près la chambre régionale des comptes a saisi la juridiction dune charge présomptive à lencontre de ladite comptable au titre dopérations relatives aux exercices 2013 et 2014 ;

 

VU les justifications produites au soutien du compte ;

 

VU larticle 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

 

VU le code des juridictions financières ;

 

VU les lois et règlements applicables aux communes ;

 

VU le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

 

VU le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

 

VU le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de larticle 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de larticle 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

 

VU la demande dinformations complémentaires adressées par la chambre à Mme X par courrier le 5 septembre 2017 ;

 

VU la réponse de Mme X par courrier du 25 septembre 2017 et enregistré le 2 octobre 2017 au greffe de la chambre ;

 

VU le rapport de M. Alain SERRE, premier conseiller, magistrat chargé de linstruction ;

 

VU les conclusions de M. Denys ECHENE, procureur financier près la chambre ;

 

VU les pièces du dossier ;

 

ENTENDU, lors de laudience publique du 21 novembre 2017, M. Alain SERRE, premier conseiller, en son rapport et M. Denys ECHENE, en ses conclusions ;

 

ENTENDU, lors de laudience publique du 21 novembre 2017 Mme X, comptable du centre des finances publiques de Bagnères-de-Bigorre ;

 

Après avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier près la chambre, le maire de la commune de Bagnères-de-Bigorre nétant ni présent ni représenté à laudience publique ;

 

 

 

Sur la présomption de charge unique soulevée à lencontre de Mme X, au titre des exercices 2013 et 2014 :

 

1 -     Sur le réquisitoire

 

ATTENDU quen application de larticle 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable se trouve engagée dès lors quune dépense a été irrégulièrement payée ;

 

ATTENDU quen vertu de larticle 19 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, le comptable public est tenu dexercer le contrôle « 2° Sagissant des ordres de payer : […] d) De la validité de la dette dans les conditions prévues à larticle 20 » ; que ce dernier dispose que « Le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : […]  Lintervention des contrôles préalables prescrits par la réglementation […] ; 5° La production des pièces justificatives […] » ; que larticle D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales dispose que « avant de procéder au paiement dune dépense [] les comptables publics des collectivités territoriales [] ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à lannexe 1 du présent code » ; que les rubriques 7211 et 7212 de ladite annexe, régissant alors les justifications exigées lors du paiement de subventions et primes de toute nature, prévoient que :

« 7211 - Premier paiement

1. Décision ( )

- lorsque la décision intervient à loccasion de ladoption du budget, dans les conditions définies au deuxième alinéa de larticle L. 2311-7 du CGCT, référence sur le mandat au budget arrêtant le bénéficiaire et le montant ;

- dans les autres cas, décision arrêtant le bénéficiaire et le montant ainsi que lobjet et, le cas échéant, les conditions doctroi et les charges demploi.

2. Le cas échéant, justifications particulières exigées par la décision.

3. Le cas échéant, convention entre le bénéficiaire et la collectivité (3).

(3) Notamment, au regard des dispositions de larticle L. 1523-7 du code général des collectivités territoriales. En outre, les dispositions combinées de larticle 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et du décret n° 2001-495 du 6 juin 2001 imposent la production dune convention passée entre lautorité administrative versante et lorganisme de droit privé bénéficiaire, pour toute subvention dun montant supérieur à 23 000 euros.

7212 - Autres paiements

1. Le cas échéant, justifications particulières exigées par la décision.

2. Décompte portant récapitulation des sommes déjà versées. » ;

 

ATTENDU que larticle 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 dispose que « [] Lautorité administrative qui attribue une subvention doit, lorsque cette subvention dépasse un seuil défini par décret, conclure une convention avec lorganisme de droit privé qui en bénéficie, définissant lobjet, le montant et les conditions dutilisation de la subvention attribuée. Cette disposition ne sapplique pas aux organismes qui bénéficient de subventions pour lamélioration, la construction, lacquisition et lamélioration des logements locatifs sociaux prévues au livre III du code de la construction et de lhabitation » ; que selon larticle 1 du décret n° 2001-495 du 6 juin 2001, « lobligation de conclure une convention, prévue par le troisième alinéa de larticle 10 de la loi du 12 avril 2000 susvisée, sapplique aux subventions dont le montant annuel dépasse la somme de 23 000 euros » ;

 

ATTENDU que, sur ces fondements et par réquisitoire susvisé du 17 août 2017, le procureur financier près la chambre régionale des comptes a requis la juridiction, au motif que le comptable a procédé au paiement de subventions supérieures à 23 000 € sans pièce justificative ;

 

ATTENDU que la comptable a procédé au cours des exercices 2013 et 2014 au paiement au profit du « Stade Bagnerais Rugby » dun premier mandat n° 1853, du 13 juin 2013, dun montant de 60 000 , puis dun second mandat n° 1853, du 30 juin 2014, du même montant de 60 000  ;

 

ATTENDU que la comptable a procédé au cours de lexercice 2013 au paiement, au profit de lassociation « Office du tourisme de Bagnères-de-Bigorre, la Mongie et la Haute Bigorre, secteur Bagnères tonique animation », dun premier mandat n° 809 de 10 000 , du 27 février 2013, puis dun second mandat n° 1486, du 7 mai 2013, de 23 500  ;

 

ATTENDU que ces subventions, attribuées par la commune de Bagnères-de-Bigorre à des organismes de droit privé, sont dun montant annuel supérieur à 23 000  ;

 

ATTENDU quaux termes de larticle 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 le versement dune subvention annuelle supérieure à 23 000 € est conditionnée à lobligation de production dune convention ;

 

ATTENDU que nulle convention ne figure dans les pièces justificatives daucun des quatre mandats en cause ; quaucune justification particulière ou aucun décompte récapitulatif davance ne figure également dans ces pièces justificatives, de sorte que le comptable public na pas respecté larticle D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales et de son annexe 1 avant de procéder au paiement dune dépense ne faisant pas lobjet dun ordre de réquisition ; que si pour le mandat n° 809 au bénéfice de « Bagnères tonique animation » le seuil de 23 000 € navait pas été dépassé, celui-ci a toutefois été franchi au cours de la même année le 7 mai 2013 à la suite du second mandat n° 1486, sans que pour autant une convention ne soit produite ;

 

ATTENDU quainsi, la responsabilité de la comptable alors en fonction était susceptible, selon le ministère public, dêtre engagée jusquà concurrence de 83 500 au titre de lexercice 2013 et 60 000 € au titre de lexercice 2014, soit un total de 143 500  ;

 

 

2 -     Sur lexistence dun manquement du comptable à ses obligations

 

ATTENDU que la comptable ne conteste pas labsence de convention produite à lappui des mandats ;

 

ATTENDU quen labsence de la pièce justificative prévue par la règlementation, la comptable aurait dû suspendre les deux mandats n° 1853 du 13 juin 2013 et du 30 juin 2014 au bénéfice du « Stade Bagnerais Rugby » ainsi que le mandat n° 1486 du 7 mai 2013 au bénéfice de lassociation « Office du tourisme de Bagnères-de-Bigorre, la Mongie et la Haute Bigorre, secteur Bagnères tonique animation » ;

 

ATTENDU quen dépit de la production a posteriori de la convention du 10 décembre 2002 liant la commune à lassociation « Office du tourisme de Bagnères-de-Bigorre, la Mongie et la Haute Bigorre, secteur Bagnères tonique animation » et de la convention du 10 décembre 2002 et de son avenant du 7 septembre 2012 liant la commune au « Stade Bagnerais Rugby », la comptable ne saurait être exonérée de sa responsabilité, celle-ci sappréciant, en dépenses, au moment du paiement ;

 

ATTENDU quen ne suspendant pas le paiement des mandats n° 1853 du 13 juin 2013 et du 30 juin 2014 au bénéfice du « Stade Bagnerais Rugby », et le mandat n° 1486 du 7 mai 2013 au bénéfice de lassociation « Office du tourisme de Bagnères-de-Bigorre, la Mongie et la Haute Bigorre, secteur Bagnères tonique animation », la comptable a commis un manquement susceptible dengager sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;

 

 

3 -     Sur lexistence dun préjudice financier du fait du manquement du comptable

 

ATTENDU que la comptable na pas apporté la preuve du reversement des sommes en cause sur ses deniers propres ou par le bénéficiaire des paiement irrégulièrement consentis ;

 

ATTENDU cependant quelle fait valoir que le paiement des subventions versées au profit de lassociation « Stade Bagnerais Rugby » et de lassociation « Office du tourisme de Bagnères-de-Bigorre, la Mongie et la Haute Bigorre, secteur Bagnères tonique animation » ne saurait constituer un préjudice financier pour la commune ; quen effet, les subventions ont fait lobjet de conventions en date du 10 décembre 2002 et, pour la seule association « Stade Bagnerais Rugby », dun avenant en date du 7 septembre 2012 ; que dès lors le manquement commis nétait que formel ;

 

ATTENDU que le préjudice financier, au sens des dispositions du troisième alinéa du paragraphe VI de larticle 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, est constitué par un appauvrissement définitif du patrimoine de la collectivité ;

 

ATTENDU que les montants versés à lassociation « Office du tourisme de Bagnères-de-Bigorre, la Mongie et la Haute Bigorre, secteur Bagnères tonique animation » sont conformes à la convention du 10 décembre 2002, approuvée par délibération du conseil municipal du 9 décembre 2002 ; que cette convention demeurait exécutoire, puisquelle navait pas été dénoncée par lune ou lautre des parties signataires ;

 

ATTENDU que les montants versés à lassociation « Stade Bagnerais Rugby », soit 60 000 € au titre de lexercice 2013 et 60 000 € au titre de lexercice 2014, sont inférieurs aux montants figurant à la convention du 10 décembre 2002, approuvée par délibération du conseil municipal du 9 décembre 2002 et modifiée par son avenant du 7 septembre 2012 approuvé par délibération du conseil municipal du 4 septembre 2012 soit 100 000  ; que cette convention et son avenant nont pas été dénoncés par lune ou lautre des parties signataires et quelles demeuraient exécutoires en 2013 et en 2014 ; que si lavenant du 7 septembre 2012 conditionnait le versement dun montant de subvention de 100 000 à la présence du « Stade Bagnerais Rugby » en championnat de fédérale 1, cette condition était satisfaite en 2013 (versement au titre de la saison 2012-2013) et en 2014 (versement au titre de la saison 2013-1014) ; quainsi, les montants versés irrégulièrement correspondaient aux dispositions conventionnelles approuvées par lordonnateur de la commune, et ne sauraient être assimilés à un appauvrissement définitif du patrimoine de la collectivité ;

 

ATTENDU dès lors que le manquement du comptable na pas causé un préjudice financier, au sens des dispositions du troisième alinéa du paragraphe VI de larticle 60 de la loi du 23 février susvisée, à la commune de Bagnère-de-Bigorre ;

 

 

4 -     Sur la mise en œuvre de la responsabilité du comptable

 

ATTENDU quaux termes du deuxième alinéa du paragraphe VI de larticle 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « lorsque le manquement du comptable […] na pas causé de préjudice financier à lorganisme public concerné, le juge des comptes peut lobliger à sacquitter dune somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de lespèce » ;

 

ATTENDU que le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 susvisé, fixe le montant maximal de cette somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable ; que ce dernier montant sétablit, au moment de la commission des faits, à 177 000 € pour le poste comptable de Bagnères-de-Bigorre, dont relève la commune de Bagnères-de-Bigorre ;

 

ATTENDU quainsi, eu égard aux circonstances de lespèce, il y a lieu darrêter le montant de la somme non rémissible laissée à la charge du comptable à deux cent vingt-six euros cinquante centimes (226,50 €) au titre de lexercice 2013 et à deux cent vingt-six euros cinquante centimes (226,50 €) au titre de lexercice 2014 ;


Par ces motifs,

 

DÉCIDE :

 

 

 

Article 1er  : Sur la présomption de charge unique au titre de lexercice 2013 ;

 

Mme X devra sacquitter dune somme de deux cent vingt-six euros et cinquante centimes (226,50 €), en application du deuxième alinéa du paragraphe VI de larticle 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963.

 

 

Article 2 : Sur la présomption de charge unique au titre de lexercice 2014 ;

 

Mme X devra sacquitter dune somme de deux cent vingt-six euros et cinquante centimes (226,50 €), en application du deuxième alinéa du paragraphe VI de larticle 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963.

 

 

Article final : La décharge de Mme X ne pourra être donnée quaprès apurement des sommes à acquitter fixées ci-dessus.

 

 

Délibéré le 21 novembre 2017 par M. Jean-Paul SALEILLE, président de section, président de séance, Mme Chrystelle NAUDAN, première conseillère et M. Nicolas-Raphaël FOUQUE, premier conseiller.

 

En présence de M. Morad RAMDANI, greffier de séance.

 

 

 

 

 

 

Morad RAMDANI,

greffier de séance

 

 

 

 

 

Jean-Paul SALEILLE

président de séance

 

 

 

 

 

 

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre les dispositions dudit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance dy tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsquils en seront légalement requis.

Jugement  2007-0038 page 1 sur 5

 

500, avenue des États du Languedoc CS 70755 34064 MONTPELLIER CEDEX 2 T +33 4 67 20 73 00 occitanie@crtc.ccomptes.fr


 

 

 

 

 

 

 

 

Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la chambre régionale des comptes Occitanie, et délivré par moi, secrétaire générale,

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Brigitte VIOLETTE,

secrétaire générale

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés dappel devant la Cour des comptes dans un délai de deux mois à compter de leur notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code.

Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à létranger.

La révision dun jugement peut être demandée après expiration des délais dappel, et ce dans les conditions prévues à larticle R. 242-29 du même code.

Jugement  2007-0038 page 1 sur 5

 

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