Sections réunies
Jugement n° 2017-0035
Audience publique du 7 novembre 2017
Prononcé du 27 novembre 2017
| COMMUNE DE CANET-EN-ROUSSILLON
Poste comptable : Saint-Estève
N° codique : 066028037
Exercices 2011 et 2012 |
La République Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
VU les comptes, rendus en qualité de comptable de la trésorerie de Saint-Estève par M. X, du 1er janvier 2011 au 31 juillet 2012 ;
VU le réquisitoire, pris le 28 juillet 2017 et notifié le 8 août 2017, par lequel le procureur financier près la chambre régionale des comptes a saisi la juridiction de charges présomptives à l’encontre dudit comptable au titre d’opérations relatives aux exercices 2011 et 2012 ;
VU les justifications produites au soutien du compte ;
VU l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
VU le code des juridictions financières ;
VU les lois et règlements applicables aux communes ;
VU le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;
VU le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
VU le rapport de M. Matthieu JUVING, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
VU les conclusions de M. Denys ECHENE, procureur financier près la chambre ;
VU les pièces du dossier ;
ENTENDU, lors de l’audience publique du 7 novembre 2017, M. Matthieu JUVING, premier conseiller, en son rapport et M. Denys ECHENE, en ses conclusions ;
ENTENDU, lors de l’audience publique du 7 novembre 2017, M. Y, ordonnateur de la commune de Canet-en-Roussillon, représenté par son conseil, Me Edouard CHICHET ;
Après avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier près la chambre, M. X n’étant ni présent ni représenté à l’audience publique ;
Sur les présomptions de charge n° 1 et n° 2, soulevées à l’encontre de M. X, au titre des exercices 2011 et 2012
1 - Sur le réquisitoire
ATTENDU qu’en application de l’article 60-I de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ;
ATTENDU qu’en application des articles 12 et 13 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 susvisé, les comptables publics sont tenus, en matière de dépenses, d’exercer le contrôle de la validité de la créance ; que ce contrôle porte notamment sur l’intervention préalable des contrôles réglementaires et la production des justifications requises à l’appui de la dépense ;
ATTENDU qu’au cours des exercices 2011 et 2012, M. X, comptable de la commune de Canet-en-Roussillon alors en poste, a procédé au paiement de subventions supérieures à 23 000 € à différentes associations de droit privé ;
ATTENDU que nulle convention, ni justifications particulières, ni décompte récapitulatif d’avances ne figurent dans les pièces justificatives ;
ATTENDU que, sur ces fondements et par réquisitoire susvisé du 28 juillet 2017, le procureur financier près la chambre régionale des comptes a requis la juridiction, au motif que la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X pourrait être engagée, à concurrence de 253 500 € au titre de l’exercice 2011 et de 183 000 € au titre de l’exercice 2012 ;
2 - Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations
Sur le droit applicable :
ATTENDU que l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963 dispose que « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ;
ATTENDU qu’en application des articles 11 à 13 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 susvisé, les comptables publics sont tenus, en matière de dépenses, d’exercer le contrôle de la validité de la créance ; que ce contrôle porte notamment sur l’intervention préalable des contrôles réglementaires et la production des justifications requises à l’appui de la dépense ;
ATTENDU qu’aux termes de l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations et de l’article 1 du décret n° 2001-495 du 6 juin 2001 relatif à la transparence financière des aides octroyées par les personnes publiques, une convention doit être conclue avec l’association qui bénéficie d’une subvention si son montant annuel dépasse 23 000 € ; que cette convention doit définir l’objet, le montant et les conditions d’utilisation de la subvention attribuée ; que cette convention est mentionnée aux rubriques 7211 et 7212 de la liste des pièces justificatives de la dépense, en annexe I de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales ; qu’aux termes de l’article précité de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 dans sa version en vigueur en 2011, la seule exception à l’obligation de production d’une convention posée par cette loi concerne les organismes qui bénéficient de subventions pour l’amélioration, la construction, l’acquisition et l’amélioration des logements locatifs sociaux prévues au livre III du code de la construction et de l’habitation ;
ATTENDU que, selon le premier alinéa de l’article 60-I de la loi du 23 février 1963 susvisée, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables, entre autres, du paiement des dépenses et de la conservation des pièces justificatives ;
ATTENDU que, conformément au troisième alinéa l’article 60-I de la loi du 23 février 1963, la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables se trouvent engagée dès lors qu’une dépense a été irrégulièrement payée ;
ATTENDU qu’ainsi la production desdites justifications participe de façon substantielle de la régularité de la dépense ;
Sur les faits :
ATTENDU qu’au cours des exercices 2011 et 2012, M. X, comptable de la commune de Canet-en-Roussillon alors en poste, a procédé au paiement sur le compte 6574 « Subventions de fonctionnement aux associations et autres personnes de droit privé » du budget principal de subventions, pour un montant annuel excédant 23 000 €, aux associations suivantes :
- Pour l’exercice 2011 (charge n° 1) :
mandat n° 102 émis le 8 février 2011 au nom de l’association « Perpignan Canet football club PCFC » pour 38 000 €, pris en charge dans les écritures du comptable le 17 février 2011 ;
mandat n° 2031 émis le 28 juin 2011 au nom de l’association « Perpignan Canet football club PCFC » pour 19 000 €, pris en charge le 8 juillet 2011 ;
mandat n° 373 émis le 8 mars 2011 au nom de l’association « Mini basket association » pour un montant de 13 000 €, pris en charge le 14 mars 2011 ;
mandat n° 1061 émis le 26 avril 2011 au nom de l’association « Mini basket association » pour un montant de 12 500 €, pris en charge le 2 mai 2011 ;
mandat n° 3400 émis le 4 octobre 2011 au nom de l’association « Mini basket association » pour un montant de 11 000 €, pris en charge le 6 octobre 2011 ;
mandat n° 112 émis le 8 février 2011 au nom de l’association « Natation 66 » pour un montant de 55 000 €, pris en charge le 17 février 2011 ;
mandat n° 1060 émis le 26 avril 2011 au nom de l’association « Natation 66 » pour un montant de 55 000 €, pris en charge le 2 mai 2011 ;
mandat n° 3399 émis le 4 octobre 2011 au nom de l’association « Natation 66 » pour un montant de 50 000 € ; pris en charge le 6 octobre 2011 ;
- Pour l’exercice 2012 (charge n° 2):
mandat n° 455 émis le 6 mars 2012 au nom de l’association « Perpignan Canet football club PCFC » pour un montant de 38 000 €, pris en charge le 7 mars 2012 ;
mandat n° 453 émis le 6 mars 2012 au nom de l’association « Salanque Côte Radieuse » pour un montant de 9 000 €, pris en charge le 7 mars 2012 ;
mandat n° 454 émis le 6 mars 2012 au nom de l’association « Mini basket association » pour un montant de 13 000 €, pris en charge le 7 mars 2012 ;
mandat n° 1721 émis le 29 mai 2012 au nom de l’association « Canet en Roussillon basket club association mini basket », pris en charge le 4 juin 2012 ;
mandat n° 57 émis le 7 février 2012 au nom de l’association « Natation 66 » pour un montant de 55 000 €, pris en charge le 17 février 2012 ;
mandat n° 1718 émis le 29 mai 2012 au nom de l’association « Natation 66 » pour un montant de 55 000 €, pris en charge le 4 juin 2012 ;
ATTENDU que ces mandats n’étaient pas accompagnés d’une convention comme l’exigent les rubriques 7211 et 7212 de la liste des pièces justificatives de la dépense, en annexe I de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales ;
Sur les éléments apportés à la charge et à la décharge du comptable :
ATTENDU que, dans sa réponse écrite du 9 septembre 2017, le comptable ne conteste pas l’absence de convention au moment du paiement ;
ATTENDU qu’il fait valoir des difficultés managériales au sein du poste comptable ;
ATTENDU toutefois que le constat d’un manquement par le juge relève, en application de l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963, d’une appréciation objective sur le compte ;
ATTENDU que, dans sa réponse écrite du 4 septembre 2017, le maire de la commune fait valoir que les relations entre la collectivité et les associations percevant des subventions pour un montant de plus de 23 000 € ont été régularisées par la signature de conventions annuelles ou pluriannuelles d’objectifs prévus à l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
ATTENDU toutefois que le manquement en dépenses doit s’apprécier au moment du paiement ;
ATTENDU que, dans ses conclusions, le procureur financier près la chambre fait valoir que les conventions exigibles au cas d’espèce n’existaient pas en 2011 et 2012 ; que cette exigence vaut pour les subventions d’un montant cumulé annuel supérieur à 23 000 €, seuil que dépassent les subventions prises en charge par le comptable alors en exercice ; que le comptable aurait dû alors suspendre la prise en charge des mandats en cause ;
ATTENDU qu’aucune convention n’a été mise en oeuvre par la commune avec les associations avant l’année 2013 ; que seuls étaient joints les tableaux des budgets primitifs 2011 et 2012 récapitulant les montants des subventions par association ;
ATTENDU qu’en l’absence de la pièce justificative requise, à savoir une convention définissant notamment l’objet, le montant et les conditions d’utilisation de la subvention, le comptable aurait dû suspendre le paiement en application, respectivement, des articles 37 et 38 des décrets des 29 décembre 1962 et 7 novembre 2012 ; qu’à défaut de le faire, il a commis un manquement à ses obligations ci-dessus rappelées, manquement de nature à engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
ATTENDU qu’il y a lieu d’engager la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X sur ses gestions 2011 et 2012, au titre des charges n° 1 et n° 2 ;
ATTENDU toutefois que, sur l’exercice 2011, le mandat n° 373 d’un montant de 13 000 € et, sur l’exercice 2012, les mandats n° 453 d’un montant de 9 000 € et n° 454 d’un montant de 13 000 € portent sur des premiers paiements de subventions ; que leur montant est inférieur à 23 000 € ; que l’absence de convention ne saurait être reprochée au comptable qu’à partir du moment où cette pièce est exigible ;
ATTENDU qu’il y a lieu d’engager la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X sur ses gestions 2011 et 2012 au titre des charges n° 1 et n° 2, hors les mandats nos 373, 453 et 454 ;
3 - Sur l’existence d’un préjudice financier du fait du manquement du comptable
ATTENDU que, dans sa réponse écrite, le comptable fait valoir que, compte tenu de la promotion du sport voulue par la commune de Canet-en-Roussillon, la présence d’une convention n’aurait rien changé à la dépense ; que, selon ce dernier, les paiements en cause n’ont ainsi causé aucun préjudice à la commune ;
ATTENDU que, dans sa réponse écrite, l’ordonnateur fait valoir que ces associations sont parfaitement et de longue date connues de la ville ainsi que leurs actions, tant habituelles qu’exceptionnelles ; qu’il ressort d’une enquête administrative réalisée par les services de la commune, que les subventions versées ont été utilisées conformément aux objets sociaux des organismes subventionnés ; qu’ainsi, selon ce dernier, il n’y a pas eu de préjudice financier pour la collectivité ;
ATTENDU que, lors de l’audience, Me CHICHET, représentant de l’ordonnateur, a fait valoir que le fondement juridique de la volonté de l’assemblée délibérante d’octroyer lesdites subventions était constitué par la délibération portant vote du budget primitif au sein duquel l’annexe I précise le montant autorisé par l’assemblée délibérante et le nom de chaque bénéficiaire des subventions prévues ;
ATTENDU que, dans ses conclusions, le procureur financier près la chambre fait valoir qu’en l’absence de convention, aucune délibération suffisamment détaillée ne figurait à l’appui des mandats ou n’a été produite à l’instruction ; que si les associations sont bien individuellement identifiées dans l’annexe 1 précitée du budget primitif, ce document n’est revêtu d’aucune signature ou mention de validité ; que le document joint aux mandats en cause ne constitue ainsi pas une délibération expresse et détaillée, et ne manifeste pas la volonté de l’autorité compétente ; qu’il en résulte que le comptable a, à tort, pris en charge les mandats en cause, d’une part, sans la convention exigible au regard de la nomenclature alors applicable des pièces justificatives de la dépense et, d’autre part, sans aucune autre pièce qui aurait pu attester la volonté expresse, manifestée par l’autorité compétente, de réaliser ces dépenses ; que, par conséquent, un préjudice financier a été causé à la commune de Canet-en-Roussillon du fait du manquement commis, au titre des exercices 2011 et 2012, par le comptable mis en cause, préjudice qu’il y a lieu de sanctionner par un débet à due concurrence ;
ATTENDU que l’appréciation du juge des comptes quant à l’existence d’un préjudice financier n’est pas liée par une déclaration de l’organe délibérant ;
ATTENDU qu’en l’absence de convention, aucune délibération ne figure à l’appui des mandats ; que si les associations sont bien individuellement identifiées dans l’annexe 1 précitée du budget primitif, ladite annexe n’est revêtue d’aucune signature ou mention de validité ; que ce document joint aux mandats en cause ne constitue pas une délibération expresse et détaillée ; que s’agissant de subventions supérieures à 23 000 € pouvant être assorties de conditions d’octroi, l’article L. 2311-7 du code général des collectivités territoriales prévoit que leur attribution doit donner lieu à « une délibération distincte du vote du budget » ; que cette délibération distincte n’a pas été produite ; que le moyen invoqué par l’ordonnateur, selon lequel le fondement juridique de la volonté de l’assemblée délibérante d’octroyer lesdites subventions était constitué par la délibération portant vote du budget primitif, ne peut par conséquent être retenu ; que, plus généralement, aucune pièce ou document produit n’atteste valablement la volonté manifeste, complète et expresse de l’assemblée délibérante d’attribuer lesdites subventions, de fixer leurs objectifs, de déterminer les modalités de leur versement, ou encore de prévoir les contrôles qu’elle entend mettre en œuvre ; que lesdites dépenses sont dépourvues de fondement juridique et qu’elles ne sont donc pas dues ;
ATTENDU, par conséquent, que le manquement du comptable a causé un préjudice financier, au sens des dispositions du troisième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février susvisée, à la commune de Canet-en-Roussillon ;
4 - Sur la mise en œuvre de la responsabilité du comptable
ATTENDU qu’aux termes du troisième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février susvisée : « Lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’ainsi, il y a lieu de constituer M. X débiteur de la commune de Canet-en-Roussillon pour les sommes de deux cent quarante mille cinq cents euros (240 500 €) au titre de l’exercice 2011 et de cent soixante et un mille euros (161 000 €) au titre de l’exercice 2012 ;
ATTENDU que, aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée : « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 8 août 2017 ;
ATTENDU qu’aucun contrôle hiérarchisé de la dépense, ou contrôle sélectif de la dépense, n’avait été mis en place ;
Sur la présomption de charge n° 4, soulevée à l’encontre de M. X, au titre de 2012
1 - Sur le réquisitoire
ATTENDU que, au cours de l’exercice 2012, M. X, comptable de la commune de Canet-en-Roussillon, alors en fonctions, a pris en charge dans ses écritures le mandat n° 56 du 7 février 2012 d’un montant de 45 918 € annulant le titre 1089/08 émis le 31 décembre 2008 ;
ATTENDU que la rubrique 142 « Annulation ou réduction de recettes » de la liste des pièces justificatives des dépenses publiques locales, telle qu’elle figure en annexe de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales au moment des faits, impose que les opérations d’annulation de titres soient appuyées par la production d’un « état précisant, pour chaque titre, l’erreur commise » ;
ATTENDU que le mandat en cause n’est pas accompagné d’une telle pièce justificative ;
ATTENDU que l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963 dispose que « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ;
ATTENDU qu’en application des articles 12 et 13 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 susvisé, les comptables publics sont tenus, en matière de dépenses, d’exercer le contrôle de la validité de la créance ; que ce contrôle porte notamment sur l’intervention préalable des contrôles réglementaires et la production des justifications requises à l’appui de la dépense ;
ATTENDU que, sur ces fondements et par réquisitoire susvisé du 28 juillet 2017, le procureur financier près la chambre régionale des comptes a requis la juridiction, au motif que la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X pourrait être engagée jusqu’à concurrence de 45 918 € au titre de l’exercice 2012 ;
2 - Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations
ATTENDU que, dans leurs réponses, le comptable et l’ordonnateur ont précisé que le mandat d’annulation correspondait à une demande de transfert partiel de fonds de concours d’un montant initial de 530 000 € octroyé le 18 décembre 2008 par Perpignan Méditerranée Communauté d’Agglomération (PMCA) ;
ATTENDU que la commune a communiqué, le 7 septembre 2017, différentes délibérations de la ville et de l’agglomération permettant finalement de justifier le mandat d’annulation n° 56 du 7 février 2012 ;
ATTENDU que, dans ses conclusions, le procureur financier près la chambre fait valoir que l’absence de pièce justificative du mandat d’annulation au moment où ledit mandat a été pris en charge par le comptable n’est pas contesté par celui-ci ; qu’en l’absence de la pièce justificative exigée par la réglementation, le comptable aurait dû suspendre la prise en charge du mandat en cause ; que pour ne pas l’avoir fait, il a commis un manquement à ses obligations de contrôle telles que définies aux articles 12 et 13 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;
ATTENDU que par délibération n° 08/12/342 du 19 décembre 2008, PMCA a attribué un fonds de concours au titre de 695 000 € à la commune de Canet-en-Roussillon pour divers travaux, dont pour les travaux de la place Cassanyes un fonds de concours de 530 000 € ;
ATTENDU que, par délibération n° 2012/2 du 1er mars 2012, la ville précisait que les travaux réalisés sur les opérations subventionnées présentaient un montant inférieur au coût estimé ; qu’un reliquat de 45 918 € restait à percevoir ; que, compte tenu des travaux de rénovation de la piscine Arlette Franco, il convenait dès lors de passer un avenant à la convention portant acceptation de ces fonds pour aider au financement des travaux de la piscine Arlette Franco à hauteur de 45 918 € ;
ATTENDU que par délibération n° 12/09/192 du 24 septembre 2012, PMCA approuvait une participation pour les travaux de la piscine via fonds de concours à hauteur de 45 918 € ;
ATTENDU que ces délibérations n’étaient pas jointes au mandat et ont été produites par la commune ;
ATTENDU que le manquement en dépenses doit s’apprécier au moment du paiement ;
ATTENDU que par conséquent le comptable a ainsi commis un manquement susceptible d’engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
3 - Sur l’existence d’un préjudice financier du fait du manquement du comptable
ATTENDU que dans sa réponse le comptable fait valoir que l’annulation était justifiée, ne causant ainsi aucun préjudice à la commune ;
ATTENDU que, dans sa réponse, le maire de la commune de Canet-en-Roussillon fait valoir qu’ il n’y pas eu de préjudice pour la collectivité ;
ATTENDU que, dans ses conclusions, le procureur financier près la chambre fait valoir que le mandat n° 56 en cause a permis de réduire le titre de recettes initial relatif au fonds de concours de 530 000 € du montant d’un reliquat de crédits non consommés, afin de les reverser sur un autre programme de la commune ; que la commune ayant par ailleurs fait recette de ce reliquat, le manquement n’a pas entraîné de perte définitive de la créance et, par conséquent, qu’il n’existe pas de préjudice financier causé à la collectivité du fait du manquement commis, au titre de l’exercice 2012 (du 1er janvier au 31 juillet) par le comptable mis en cause ;
ATTENDU que l’appréciation du juge des comptes quant à l’existence d’un préjudice financier n’est pas liée par une déclaration de l’organe délibérant ;
ATTENDU que le préjudice financier au sens de l’article 60 de la loi n° 63-156 modifiée, est constitué en la présence d’un appauvrissement définitif ou d’un décaissement indu (arrêt d’appel n° 68961 du 13 mars 2014, Commune de Rivière-Pilote, charge n° 1 - décision n° 374708 du Conseil d’État du 27 mai 2015, TPG des Bouches du Rhône) ;
ATTENDU qu’au vu des pièces justificatives produites par l’ordonnateur, il ne saurait y avoir d’appauvrissement de la collectivité puisque le fonds de concours de PMCA de 530 000 € a bien été intégralement utilisé ; que le reliquat de 45 918 € a simplement été reporté sur une autre opération de la ville ;
ATTENDU par conséquent que le manquement du comptable n’a pas causé de préjudice financier à la collectivité.
4 - Sur la mise en œuvre de la responsabilité du comptable
ATTENDU qu’aux termes du deuxième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « lorsque le manquement du comptable […] n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce » ;
ATTENDU que le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 susvisé fixe le montant maximal de cette somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable ; que ce dernier montant s’établit, au moment de la commission des faits, à cent soixante seize mille euros (176 000 €) pour le poste comptable de Saint-Estève dont relève la commune de Canet-en-Roussillon ;
ATTENDU que le comptable fait valoir des difficultés managériales ou informatiques au sein du poste comptable ;
ATTENDU que, dans ses conclusions, le procureur financier près la chambre fait valoir qu’il y a lieu de laisser à la charge du comptable mis en cause une somme non rémissible ; que conformément à l’article 60-VI de la loi n° 63-156 du 23 février 1963, le montant maximum exigible par somme non rémissible laissée à la charge du comptable s’élève en l’espèce à 1,5 pour 1 000 du montant du cautionnement du poste pour 2012 (176 000 €), soit 264 €, que les moyens évoqués par le comptable pourraient être examinés par la formation de jugement sous l’angle de circonstances atténuant la somme non rémissible laissée à la charge du comptable ;
ATTENDU qu’ainsi, eu égard aux conditions de l’espèce, la chambre fera une juste appréciation de la somme non rémissible en fixant son montant à cent trente deux euros (132 €) ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : Sur la présomption de charge n° 1 au titre de l’exercice 2011 ;
M. X est constitué débiteur de la commune de Canet-en-Roussillon pour la somme de deux cent quarante mille cinq cents euros (240 500 €), augmentées des intérêts de droit à compter du 8 août 2017, date de notfication du réquisitoire.
Article 2 : Sur la présomption de charge n° 2 au titre de l’exercice 2012 ;
M. X est constitué débiteur de la commune de Canet-en-Roussillon pour la somme de cent soixante et un mille euros (161 000 €) augmentée des intérêts de droit à compter du 8 août 2017.
Article 3 : Sur la présomption de charge n° 4 au titre de l’exercice 2012 ;
M. X devra s’acquitter d’une somme de cent trente deux euros (132 €), en application du deuxième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963.
Article final : La décharge de M. X ne pourra être donnée qu’après apurement des débets et de la somme à acquitter, fixés ci-dessus.
Délibéré le 7 novembre 2017 par M. Stephane LUCIEN-BRUN, vice-président, président de séance ; M. Alain LE BRIS, premier conseiller, Mme Vanina DUWOYE, première conseillère.
En présence de M. Richard GINESTE, greffier de séance.
Richard GINESTE greffier de séance |
Stéphane LUCIEN-BRUN président de séance |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre les dispositions dudit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Jugement n° 2017-0035 page 1 sur 9
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Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la chambre régionale des comptes Occitanie, et délivré par moi, secrétaire générale,
Brigiette VIOLETTE, secrétaire générale |
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans un délai de deux mois à compter de leur notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code.
Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger.
La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.
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