Section réunies

Jugement  2017-0031

Audience publique du 23 novembre 2017

Prononcé du 7 décembre 2017

GROUPEMENT D’INTÉRÊT PUBLIC (GIP) « MAISON DÉPARTEMENTALE DES PERSONNES HANDICAPÉES
DU PAS-DE-CALAIS (PAS-DE-CALAIS)

Poste comptable : PAIERIE DÉPARTEMENTALE DU PAS-DE-CALAIS

Exercice 2015

République Française

Au nom du peuple français

 

La chambre,

Vu le réquisitoire en date du 31 juillet 2017 par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de
Mme Marie-Dominique X, comptable du GIP « Maison départementale des personnes handicapées du Pas-de-Calais » au titre d’opérations relatives à l’exercice 2015, notifié le 4 août 2017 au comptable concerné ;

Vu les comptes rendus en qualité de comptable du GIP « Maison départementale des personnes handicapées du Pas-de-Calais », par Mme Marie-Dominique X du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 ;

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

Vu le rapport de M. Jean-Bernard Mattret, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;

JU-2017-0031GIP Maison départementale des personnes handicapées du Pas-de-Calais 1/5


 

 

Vu les conclusions du procureur financier ;

Vu les pièces du dossier ;

Entendu lors de l’audience publique du 23 novembre 2017, M. Jean-Bernard Mattret, premier conseiller en son rapport, M. Philippe Jamin, procureur financier en ses conclusions, et
Mme Marie-Dominique X, comptable présent ayant eu la parole en dernier, l’ordonnateur n’étant ni présent ni représenté ;

Entendu en délibéré M. Michel Demarquette, premier conseiller, en ses observations ;

Sur la présomption de charge unique, soulevée à l’encontre de
Mme Marie-Dominique X, au titre de l’exercice 2015 :

Sur l’existence d’un manquement de la comptable :

Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes Hauts-de-France de la responsabilité encourue par Mme Marie-Dominique X à raison d’un possible manquement à son obligation de contrôle de la qualité de l’ordonnateur et de la validité de la créance, au titre de l’exercice 2015 et pour un montant total de 2 010 470,37 , le détail des mandats concernés étant annexé au réquisitoire ; qu’en effet, la comptable ne semblait pas disposer au moment des paiements de décisions de délégation valides concernant les signataires des ordres de payer relatifs à ces mandats ;

Attendu que la comptable fait valoir que la position de l’agent comptable reste parfois délicate pour exercer dans de bonnes conditions les contrôles qui lui échoient, dont celui de la qualité de l’ordonnateur ; qu’elle s’est attachée à vérifier que les bordereaux de mandats en cause de la Maison départementale des personnes handicapées étaient signés par ses interlocuteurs habituels, c’est-à-dire les délégataires mentionnés sur la délégation en sa possession, […], délégation qui, non rapportée, restait à son avis exécutoire pour le poste ; que le réquisitoire ne retiendrait pas une absence de justification de la dépense mais de défaut de contrôle de la qualité de l’ordonnateur et tout au plus de la justification de la qualité du délégant de celui-ci ;

Attendu que, dans ses conclusions, sur le premier moyen soulevé par la comptable, le procureur financier fait valoir que la description de contexte, opérée en l’espèce, est étrangère à la discussion d’un éventuel manquement ; que, sur le second moyen, le ministère public estime que l’agent comptable, au lieu et place d’un contrôle d’habitude, devait s’assurer de l’habilitation des personnes concernées à engager la dépense et qu’un tel contrôle, en l’occurrence, aurait permis de constater le défaut d’habilitation après le renouvellement départemental, ce qui aurait dû conduire le comptable à suspendre les paiements ; qu’enfin, sur le troisième moyen, le procureur financier rappelle que le réquisitoire visait l’absence de contrôle de la qualité de l’ordonnateur et de la validité de la créance qui englobe celui de la qualité de l’ordonnateur à l’origine de l’ordre de payer ;

Attendu que la chambre partage l’analyse du procureur financier pour écarter les trois moyens soulevés par la comptable ;

Attendu que, dans sa réponse, lordonnateur fait valoir que le directeur de la Maison départementale des personnes handicapées, et dans une moindre mesure les autres délégataires, ont continué à signer les bordereaux de paiement entre la date du renouvellement de l’assemblée départementale et la nouvelle désignation du président de la commission exécutive et ordonnateur de la Maison départementale des personnes handicapées ; que lesdites signatures avaient pour souci de garantir la continuité du fonctionnement de celle-ci ;

Attendu que, dans ses conclusions, le procureur financier fait observer que le constat de l’ordonnateur est partiel, puisque les personnels concernés ont continué à signer les bordereaux de mandat du groupement d’intérêt public « Maison départementale des personnes handicapées du Pas-de-Calais » jusqu’au 14 mars 2016, date du nouvel arrêté leur délégant la signature du président ; que, sur le deuxième moyen soulevé par l’ordonnateur, l’office du juge porte sur la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable non sur celle des signataires desdits mandats de paiement ;

Attendu que la chambre partage l’analyse du procureur financier pour écarter les deux moyens soulevés par l’ordonnateur ;

Attendu que l’article D. 1617-23 du code général des collectivités territoriales dispose, dans son alinéa 2, que « La signature manuscrite, ou électronique, conformément aux modalités fixées par arrêté du ministre en charge du budget, du bordereau récapitulant les mandats de dépense emporte certification du service fait des dépenses concernées et attestation du caractère exécutoire des pièces justifiant les dépenses concernées » ;

Attendu qu’en l’espèce, Mme X a payé, pour un montant total de 2 010 470,37 , des mandats dont les bordereaux récapitulatifs étaient signés par des personnes qui ne disposaient alors d’aucune délégation recevable pour le faire ; que ces irrégularités auraient dû conduire la comptable à suspendre le paiement des mandats considérés et à en informer l’ordonnateur en fonctions conformément à l’article 38 du décret n° 2012-1246 du
7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ; que dans ces conditions,
Mme Marie-Dominique X a manqué à ses obligations de contrôle de la qualité de l’ordonnateur prévues par l’article 19 du décret précité ;

Sur l’existence d’un préjudice financier :

Attendu que la comptable fait valoir que les dépenses incriminées annexées au réquisitoire, soit des traitements et des charges sociales, correspondent bien à des prestations effectuées, que ces dépenses devaient être payées pour assurer la continuité du service de la Maison départementale des personnes handicapées ; qu’elle se fonde sur deux décisions rendues par la Cour des comptes (n° 72 504 du 23 juin 2015, Office National de l’eau et des milieux aquatiques ONEMA) et par le Conseil d’Etat (n° 397 924 du 22 février 2017, Ministre des finances et des comptes publics – Grand port maritime de Rouen) pour justifier l’absence de préjudice financier pour la Maison départementale des personnes handicapées ;

Attendu que, dans sa réponse, l’ordonnateur fait valoir que les délais techniques de désignation des élus, à la suite du renouvellement de l’assemblée départementale, insécurisent juridiquement les décisions des assemblées concernées et, en cascade, via la délégation de signature, celles du directeur ; que, dans le cas d’espèce, l’élection départementale de 2015 ne s’est traduite ni par un changement du délégant ni par un changement de délégataires ; que l’absence de délégation de signature juridiquement valable sur cette période n’a causé aucun préjudice financier au groupement d’intérêt public « Maison départementale des personnes handicapées du Pas-de-Calais » ; qu’en effet, les dépenses engagées sur la période concernaient principalement le paiement du personnel et d’autres dépenses courantes effectives permettant ainsi de garantir le fonctionnement du groupement ; que ces dépenses auraient été engagées et mandatées quelle que soit l’identité de l’ordonnateur ;

 

 

 

Attendu que, dans ses conclusions, sur le premier moyen développé par la comptable, le procureur financier fait valoir que le service fait ne suffit pas à prouver l’absence de préjudice financier ; sur le second moyen, que la signature des différents bordereaux de mandats par une personne n’ayant pas qualité pour le faire semble ôter tout fondement juridique aux paiements effectués ; que les manquements de la comptable ont conduit à des paiements irréguliers sans entraîner cependant – eu égard à la nature des dépenses effectuées – de préjudice financier pour le groupement d’intérêt public « Maison départementale des personnes handicapées du
Pas-de-Calais » ;

Attendu que, au vu des arguments qui précèdent, la chambre considère que le manquement de la comptable n’a pas causé de préjudice financier au groupement d’intérêt public « Maison départementale des personnes handicapées du Pas-de-Calais » ;

Sur la somme non rémissible à acquitter par le comptable :

Attendu, qu’aux termes des dispositions du deuxième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « lorsque le manquement du comptable […] n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce » ; que le décret du 10 décembre 2012 susvisé fixe le montant maximal de cette somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable ;

Attendu que le montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré, pour l’exercice 2015, est fixé à 243 000  ; qu’il y a lieu de retenir le montant maximum de la somme susceptible d’être mise à la charge de Mme Marie-Dominique X au cas d’espèce ; que celui-ci s’élève à 364,50  ;

Par ces motifs,

DÉCIDE :

Article 1er :  En ce qui concerne Mme Marie-Dominique X, au titre de
l’exercice 2015, présomption de charge unique

 Mme Marie-Dominique X devra s’acquitter d’une somme de 364,50 €, en application du deuxième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ; cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du paragraphe IX de l’article 60 précité.

Article 2 :  La décharge de Mme Marie-Dominique X pour sa gestion du
1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 ne pourra être donnée qu’après apurement de la somme à acquitter, fixée ci-dessus.

 

 

 

Fait et jugé par Mme Marie-Thérèse Ham, présidente de séance, MM. Michel Demarquette et Denis Roquier, premiers conseillers.

En présence de M. Bernard Chabé, greffier de séance.

 

 Bernard Chabé Marie-Thérèse Ham

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à
l’article R. 242-29 du même code.

JU-2017-0031GIP Maison départementale des personnes handicapées du Pas-de-Calais 1/5