- Formation plénière -
Jugement n° 2017-0021
Audiences publiques des 9 et 10 novembre 2017 Jugement prononcé le 21 décembre 2017
| établissement Public de Coopération Culturelle de l’Yonne (EPCCY)
(Département de l’Yonne)
PAIERIE DEPARTEMENTALE DE L'YONNE
Exercices 2008 à 2012 |
République Française
Au nom du peuple français
LA CHAMBRE RÉGIONALE DES COMPTES BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ,
Vu le réquisitoire n° 2014.013, enregistré en date du 22 septembre 2014, par lequel le procureur financier a saisi la chambre afin de statuer sur des opérations présumées constitutives de gestion de fait des deniers publics de l’établissement public de coopération culturelle de l’Yonne (EPCCY) ;
Vu l’arrêté n° 2016-04, attribuant l’instruction du réquisitoire à M. Nicolas Onimus ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des juridictions financières, notamment son article L. 231-3 ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu l’article 11 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité publique, en vigueur jusqu’au terme de l’année 2012 ;
Vu le décret n° 2007-1276 du 27 aout 2007 relatif aux comptables commis d’office pour la reddition des comptes des comptables publics et assimilés ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificatives pour 2011 ;
Vu le rapport n° 17-126 du 21 août 2017 de M. Nicolas Onimus, président de section ;
Vu les conclusions du 26 septembre 2017 de M. Jérôme Dossi, procureur financier ;
Ensemble, les pièces à l’appui ;
Entendus lors des audiences publiques des 9 et 10 novembre 2017, M. Nicolas Onimus, président de section en son rapport, M. Jérôme Dossi, procureur financier, en ses conclusions, M. X..., Mme Z... et MM. Y..., A... et B..., gestionnaires de fait présumés, dûment informés de la tenue de l’audience publique n’étant ni présents, ni représentés ;
Après avoir entendu en délibéré M. Bernard Perraud, premier conseiller, en ses observations et avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier ;
Sur la procédure
Attendu que, par son réquisitoire du 22 septembre 2014, le ministère public a saisi la chambre régionale des comptes de faits susceptibles de constituer une gestion irrégulière de fonds publics en raison de la location puis de la cession d’une partie du parc instrumental public, transféré à l’EPCCY par la commune d’Auxerre, par des personnes ne possédant pas la qualité de comptable public et qui, de ce fait, n’étaient pas autorisées à percevoir et à manier des fonds publics ; que le réquisitoire met en cause M. Y..., directeur et ordonnateur de l’EPCCY de 2008 à 2012, M. A..., président du conseil d’administration de l’EPCCY jusqu’au 4 novembre 2011, M. B..., régisseur de l’Association Départementale pour le Développement et l’Initiative de la Musique de l’Yonne (ADDIM 89) et salarié de l’EPCCY, M. X..., directeur financier de l’EPCCY et Mme Z…, salariée de l’EPPCY ;
Attendu qu’aux termes de l’article 11 du décret n 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur jusqu’au terme de l’année 2012, les comptables publics sont seuls chargés de la prise en charge et du recouvrement des ordres de recettes qui leur sont remis par les ordonnateurs, des créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou autre titre dont ils assurent la conservation ainsi que de l'encaissement des droits au comptant et des recettes de toute nature que les organismes publics sont habilités à recevoir ;
Attendu qu’aux termes du même article, les comptables publics sont également seuls chargés de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux organismes publics, du maniement des fonds et des mouvements de comptes de disponibilités, ainsi que de la conservation des pièces justificatives des opérations et des documents de comptabilité ;
Attendu qu’aux termes de l’article 60-XI de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963, toute personne qui, sans avoir la qualité de comptable public ou sans agir sous contrôle et pour le compte d'un comptable public, s'ingère dans le recouvrement de recettes affectées ou destinées à un organisme public doté d'un poste comptable ou dépendant d'un tel poste doit, nonobstant les poursuites qui pourraient être engagées devant les juridictions répressives, rendre compte au juge financier de l'emploi des fonds ou valeurs qu'elle a irrégulièrement détenus ou maniés ;
Attendu qu’il en est de même pour toute personne qui reçoit ou manie, directement ou indirectement, des fonds ou valeurs extraits irrégulièrement de la caisse d'un organisme public et pour toute personne qui, sans avoir la qualité de comptable public, procède à des opérations portant sur des fonds ou valeurs n'appartenant pas aux organismes publics, mais que les comptables publics sont exclusivement chargés d'exécuter en vertu de la réglementation en vigueur ;
Attendu qu’il appartient, en conséquence, à la chambre de se prononcer sur l’existence d’irrégularités présumées constitutives de gestion de fait ;
Sur les constats issus de l’instruction
Attendu que l’ADDIM 89 a été créée en 1989 avec le soutien du département de l’Yonne sous l’impulsion de M. Y... qui en a été son directeur de 1989 à 2012 ;
Attendu que M. A..., par délégation du président du conseil général, en a assuré la présidence de sa création à sa dissolution ;
Attendu que cette structure avait pour objet de développer la vie musicale dans le département, que, pour ce faire, elle a contribué, en partenariat avec les communes ou communauté de communes, à la création d’écoles de musique ; qu’elle a acquis, dès 1990, un parc instrumental qu’elle mettait en location à destination des élèves fréquentant ces écoles de musique ;
Attendu que l’ADDIM 89 a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire ; que M. X... a été désigné liquidateur bénévole de l’ADDIM 89 ;
Attendu que le département de l’Yonne a soutenu la création, en 1993, du centre de gestion des enseignements de musique et de danse (CDGEMD), qui a géré jusqu’à 180 professeurs de musique et que sa direction a été confiée à M. Y... ;
Attendu que M. Y... est également à l’initiative de la création de l’EPCCY, dont la ville d’Auxerre et le département de l’Yonne ont été les deux membres fondateurs ; que l’EPCCY devait coordonner les initiatives concernant l’enseignement de la musique et de la danse dans l’Yonne et assurer la gestion du conservatoire à rayonnement départemental, qu’à ce titre, il succédait notamment à l’école nationale de musique de la ville d’Auxerre ;
Attendu que l’EPCCY relève des dispositions de l’article L. 1431-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) en tant qu’établissement public de coopération culturelle ; qu’il était à ce titre un organisme soumis aux règles de la comptabilité publique ; que le comptable de cet établissement en était le payeur départemental de l’Yonne, en application de l’article 6 de l’arrêté préfectoral n° PREF/DCDD/2007/0512 en date du 21 décembre 2007 portant création de l’EPCCY ;
Sur le parc d’instruments de musique
Attendu qu’en tant qu’établissement successeur de l’école nationale de musique de la ville d’Auxerre (ENM), l’EPCCY s’est vu confiée par convention la gestion de son parc instrumental ;
Attendu que, dans les faits, ce parc est venu s’ajouter à celui déjà constitué de l’ADDIM 89 et qu’ainsi les instruments de l’ENM ont été mis en location auprès d’élèves du conservatoire ou des écoles de musique ;
Attendu qu’aucun acte juridique n’a autorisé la gestion par l’ADDIM 89 des instruments confiés à l’EPCCY ;
Attendu que les documents extraits des archives de l’ADDIM 89 (inventaire des instruments, contrats de location et factures sur lesquelles figure le code analytique correspondant aux instruments de l’ENM mis en locations) attestent que les recettes issues de la location faisaient l’objet d’une comptabilité analytique qui aurait pu permettre d’isoler les revenus produits par chaque instrument en fonction de son propriétaire (ADDIM ou ENM) ;
Sur la location d’instruments de musique appartenant à l’ENM
Attendu que l’ADDIM 89 louait des instruments de musique issus de son propre parc ainsi que d’autres issus du parc de l’ENM et que la totalité des recettes issues de ces locations était conservée par l’ADDIM 89 ;
Attendu que les recettes issues du parc de l’ENM sont de nature publique, qu’à ce titre doit leur être appliquée les règles de la comptabilité publique ;
Sur la vente d’instruments de musique appartenant à l’ENM
Attendu que dans le cadre de la liquidation de l’ADDIM 89, notamment de la 3ème résolution adoptée le 12 décembre 2011, les logiciels, les matériels bureautique et téléphonique ainsi que les mobiliers de l’ADDIM 89 devaient être remis aux structures utilisatrices au nombre desquelles figurait l’EPCCY ;
Attendu que certains instruments appartenant à l’ADDIM 89 devaient être vendus aux luthiers et magasins de l’Yonne et que d’autres instruments devaient être restitués à l’EPCCY ;
Attendu qu’à l’occasion de cette vente, au moins sept instruments appartenant à l’ENM ont également été cédés et le produit encaissé par l’ADDIM 89 ;
Sur les éléments nouveaux intervenus en audience publique
Attendu que, lors de l’audience publique du 9 novembre 2017, il a été fait mention du caractère incomplet des pièces déposées à la chambre lors de l’instruction du réquisitoire ; qu’il a ainsi été produit un inventaire complet des instruments de musique détenus par l’ADDIM 89 au moment de sa mise en liquidation, établi par le liquidateur judiciaire ;
Attendu que le directeur financier de l’EPCCY, liquidateur bénévole de l’ADDIM 89, a précisé, lors de la même audience qu’il estimait que l’ensemble des instruments détenus par l’ADDIM 89 au moment de sa liquidation ont fait l’objet d’une restitution à la commune d’Auxerre sur la base de cet inventaire ;
Attendu qu’a également été produite lors des audiences publiques des 9 et 10 novembre 2017 une délibération du conseil municipal de la ville d’Auxerre du 5 décembre 2013 portant acceptation d’une donation faite par l’ADDIM 89 à la ville d’Auxerre ; que cette délibération rappelle que l’ADDIM 89 a été dissoute en préfecture en 2013, que ses missions ont été reprises par l’EPCCY en 2010, qu’un liquidateur a été nommé en la personne de M. X... et que ce liquidateur a proposé de faire donation à la ville d’Auxerre de l’ensemble des instruments et du mobilier acquis par l’ADDIM 89 se trouvant dans le conservatoire de la ville d’Auxerre ; que le conseil municipal s’est prononcé favorablement sur cette donation et a affecté le matériel cédé au conservatoire à rayonnement départemental d’Auxerre ;
Attendu qu’est joint à cette délibération un bordereau récapitulatif qui rappelle les conditions de la cession à titre gracieux par l’ADDIM 89 des biens mobiliers, instruments et matériels divers dont une liste est jointe en annexe et, qu’à compter du 1er janvier 2014, la ville d’Auxerre est définitivement propriétaire des biens concernés ; que cette délibération précise également que l’ADDIM 89 et la ville d’Auxerre constatent que la plupart de ces matériels sont déjà usagés et que tous les matériels concernés sont comptablement intégralement amortis et d’une valeur comptable nulle à la date de la cession ;
Attendu que, ni la délibération du conseil municipal de la ville d’Auxerre du 5 décembre 2013, ni le bordereau récapitulatif, ni les documents joints à ces pièces ne précisent les conditions de dévolution de l’actif de l’ADDIM 89 à la ville d’Auxerre ; que des précisions sur ce sujet permettraient de déterminer si l’actif financier qui aurait pu être dévolu à la ville d’Auxerre aurait couvert tout au partie du produits de la location des instruments de musique, propriété de la commune, et du produit de leur vente ; que, dès lors, ces éclaircissements permettraient, le cas échéant, le rétablissement des formes budgétaires et comptables de la gestion patente ;
Attendu qu’il résulte de ces constats que la recherches de précisions relatives aux conditions de dévolution de l’actif financier de l’ADDIM 89, dont les conclusions seraient de nature à permettre d’identifier de manière plus complète le périmètre de la gestion de fait et l’implication des différents acteurs cités par le procureur financier dans son réquisitoire du 22 septembre 2014, nécessite la réouverture de l’instruction et la production par les parties d’éléments complémentaires ;
PAR CES MOTIFS,
DECIDE :
ARTICLE 1 : Avant dire droit au fond, l’affaire est renvoyée devant un magistrat instructeur qui sera désigné par arrêté du président de la chambre pour complément d’instruction ;
ARTICLE 2 : Le présent jugement sera notifié à MM. Y…, A..., B..., X... et Mme Z....
Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté, réunie en formation plénière, les neuf novembre et dix novembre deux mille dix-sept.
M. Fréderic Guthmann, président de section, président de séance,
M. Pierre Doucet, premier conseiller,
M. Bernard Perraud, premier conseiller, réviseur,
M. Julien Oger, premier conseiller,
Mme Julie Maillard, première conseillère,
Mme Valérie Rhein-Talard, première conseillère,
M. Guillaume Fournière, conseiller.
Signé : Mireille GREGOIRE, greffière et Frédéric GUTHMANN, président de séance, président de section de la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté.
Collationné, certifié conforme à la minute déposée au greffe de la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté.
La secrétaire générale,
Marie-Christine MEYER
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En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Voies et délais de recours
La présente décision juridictionnelle peut être déférée en appel devant la Cour des comptes dans un délai de deux mois à compter de la date de sa notification (articles L. 242-6 et R. 242‑19 à 28 du code des juridictions financières.
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