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1ère section

Jugement 2017-0008

 

Audience publique du 20 mars 2017

 

Prononcé du 20 avril 2017

SIEA de Kernevec, Côtes d’Armor

 

 

Poste comptable : Tréguier

 

Exercice : 2011

 

 

 

 

République Française

Au nom du peuple français

 

 

La chambre,

 

 

Vu le réquisitoire en date du 17 juin 2016, par lequel le Procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X, comptable du syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement (SIEA) de Kernevec au titre d’opérations relatives à l’exercice 2011, notifié le 7 juillet 2016 à la comptable concernée ;

 

Vu les comptes rendus en qualité de comptable du SIEA de Kernevec, par Mme X, du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011 ;

 

Vu les justifications produites au soutien du compte en jugement ;

 

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

 

Vu le code des juridictions financières ;

 

Vu le code général des collectivités territoriales ;

 

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique alors en vigueur ;

 

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

 

 

 

 

 

Vu le rapport de M. Thomas ROCHE, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;

 

Vu les conclusions du procureur financier ;

 

Vu les pièces du dossier ; 

 

Entendu lors de l’audience publique du 20 mars 2017 M. Thomas ROCHE, premier conseiller en son rapport, M. Patrick PRIOLEAUD, en ses conclusions ; 

 

 

Sur la présomption de charge unique, soulevée à l’encontre de Mme X, au titre de l’exercice 2011 :

 

 

Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes de Bretagne au motif que Mme X a méconnu son obligation de contrôle de la validité de la créance, imposée par l’article 13 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962, en procédant deux fois au paiement d’une même facture relative à la fourniture de dix-huit regards pour compteurs d’eau, une première fois par mandat n° 272 du 28 juin 2011 pour un montant de 3 452,85 € TTC au vu d’un duplicata d’une facture du 30 avril 2011, et une seconde fois, par mandat n° 309 du 12 juillet 2011, pour le même montant, sur la base de la facture originale ;

 

 

Sur labsence de force majeure

 

Attendu que dans sa réponse au réquisitoire du procureur financier la comptable ne conteste pas le double paiement mais évoque des relations tendues avec l’ancienne directrice du syndicat, qui notamment aurait refusé de la rencontrer, pour justifier de ses difficultés à exercer un contrôle approprié ;

 

Attendu que, dans ses conclusions, le procureur financier, considère que ces relations difficiles ne constituent pas des circonstances constitutives de la force majeure ;

 

Attendu que les éléments évoqués par la comptable ne présentent pas un caractère extérieur, imprévisible et irrésistible, et par suite, ne constituent pas des circonstances de nature à l’exonérer de sa responsabilité personnelle et pécuniaire sur le fondement de la force majeure ;

 

 

Sur l’existence d’un manquement

 

Attendu que dans sa réponse au réquisitoire du procureur financier, la comptable ne conteste pas l’existence d’un double paiement de la même facture ;

 

Attendu que l’ordonnateur n’a présenté aucune observation en réponse au réquisitoire du procureur financier ;

 

Attendu que, dans ses conclusions, le procureur financier considère, pour les mêmes motifs que ceux du réquisitoire, que la comptable a commis un manquement ;

 

 

 

 

 

Attendu qu’              aux termes du I de l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 : «  (…) les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux différentes personnes morales de droit public dotées d'un comptable public, désignées ci-après par le terme d'organismes publics, du maniement des fonds et des mouvements de comptes de disponibilités, de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils dirigent. / Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. / La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu'un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu'une recette n'a pas été recouvrée, qu'une dépense a été irrégulièrement payée (…) » ;

 

Attendu qu’aux termes de l’article 12 du décret susvisé n° 62-1587 du 29 décembre 1962, applicable à l’exercice budgétaire 2011 : « Les comptables sont tenus d'exercer : (…) / B. - En matière de dépenses, le contrôle : / (…) De la validité de la créance dans les conditions prévues à l'article 13 (…) » ; que l’article 13 dispose que : « En ce qui concerne la validité de la créance, le contrôle porte sur : / La justification du service fait et l'exactitude des calculs de liquidation ; / L'intervention préalable des contrôles réglementaires et la production des justifications (…) » ;

 

Attendu qu’il ressort de l’instruction que Mme X a accepté de procéder au paiement du mandat n° 272 du 28 juin 2011 relatif à la fourniture de dix-huit regards pour compteurs d’eau pour un montant de 3 452,85 € TTC au vu du duplicata d’une facture du 30 avril 2011 ; qu’il lui appartenait, dans ces conditions, de s’assurer de l’absence de double paiement ; qu’elle a néanmoins procédé au paiement de la créance une seconde fois, au vu du mandat n° 309 du 12 juillet 2011, accompagné de l’original de la même facture ; quen procédant au paiement du deuxième mandat, la comptable n’a pas satisfait à l’obligation de contrôle de la justification du service fait et de la production des justifications, au titre de la validité de la créance, qui lui incombait en vertu des dispositions de l’article 13 du décret n° 62- 1587 du 29 décembre 1962 ;

 

Attendu qu’il y a lieu de constater un manquement de la part de la comptable, de nature à engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire sur le fondement de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 ;

 

 

Sur l’existence d’un préjudice financier

 

Attendu que dans sa réponse au réquisitoire, la comptable ne conteste pas l’existence d’un double paiement ;

 

Attendu que dans ses conclusions le procureur financier considère que la preuve de la réintégration dans la caisse de la comptable de la somme indûment sortie n’ayant pas été apportée, le double paiement a entraîné un manquant dans la caisse et que le préjudice subi par l’organisme public est établi ;

 

 

 

 

 

 

Attendu qu’aux termes du 3ième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 : « Lorsque le manquement du comptable (…) a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné (…), le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante. » ; qu’aux termes du paragraphe VIII du même article  « Les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ;

 

Attendu que la comptable n’apporte pas la preuve du remboursement dans sa caisse de la somme irrégulièrement payée ; qu’il y a lieu de considérer que le manquement a causé un préjudice financier au syndicat et, par suite, de constituer Mme X débitrice du syndicat pour un montant de 3 452,85 € augmenté des intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2016, date de notification du réquisitoire ;

 

 

Sur le respect des règles du contrôle sélectif de la dépense

 

Attendu qu’il résulte des dispositions des VI et IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 que lorsque le manquement du comptable a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné, la remise gracieuse des sommes mises à sa charge qu’il est susceptible d’obtenir du ministre en charge du budget ne peut être totale, sauf à ce qu’il ait respecté les règles de contrôle sélectif des dépenses qui étaient applicables ; qu’il appartient au juge des comptes d’apprécier le respect par le comptable des dites règles ; que, dans le cas où les règles de contrôle sélectif des dépenses n’ont pas été respectées par le comptable, le ministre du budget est dans l'obligation de laisser à sa charge une somme au moins égale à trois millièmes du montant du cautionnement du poste comptable ;

 

Attendu que le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense agréé le 14 mars 2007 par la direction départementale des finances publiques des Côtes d’Armor, communiqué par la comptable, ne permet pas à la chambre, compte tenu de son caractère très succinct et peu explicite, d’établir clairement si le mandat litigieux était ou non éligible au contrôle hiérarchisé et d’apprécier son respect ; que dès lors le respect du plan ne peut, sur cette seule base, être considéré comme établi ;

 

Attendu que la comptable a indiqué au cours de l’instruction que le mandat litigieux était inclus dans le contrôle hiérarchisé de la dépense tel qu’il avait été transposé dans le système informatique Hélios, et avait été signalé en anomalie par le système, en raison de l’absence de numéro d’inventaire ; que selon les anomalies il appartient au contrôleur de valider, rectifier ou rejeter le mandat ; que le manque de numéro d’inventaire n’étant pas un motif de rejet, le mandat litigieux a été pris en charge et payé ;

 

Attendu qu’il résulte de ce qui précède qu’alors même qu’une anomalie avait été signalée par le système informatique, le mandat en cause n’a fait l’objet d’aucun contrôle ou demande d’explication à l’ordonnateur de la part de la comptable, qui n’a pas cherché à le faire compléter ou rectifier avant sa prise en charge ; qu’ainsi, le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense n’a pas été respecté ;

 

Attendu en conséquence quen cas de remise gracieuse, le ministre en charge du budget devra laisser à la charge de Mme X une somme au moins égale à trois millièmes du montant du cautionnement du poste comptable ;

 

 

 

 

Par ces motifs,

 

DÉCIDE :

 

 

Article 1er :

 

Au titre de l’exercice 2011,

 

Mme X est constituée débitrice du syndicat intercommunal de l’eau et de l’assainissement de Kernevec pour la somme de 3 452,85 euros augmentée des intérêts de droit à compter du 7 juillet 2016.

 

Le paiement entrait dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif. Ces règles n’ont pas été respectées par Mme X.

 

Article 2 : La décharge de Mme X ne pourra être donnée qu’après apurement du débet fici-dessus.

 

 

 

Fait et jugé par Mme Francine Dosseh, présidente de séance, Mme Brigitte Talpain, première conseillère, et M. Bernard Prigent, premier conseiller.

 

En présence de Mme Annie Fourmy, greffière de séance.

 

 

Signé la greffière de séance

Annie FOURMY

Signé la présidente de séance

Francine DOSSEH

 

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.[1]

 

 La secrétaire générale

 

 

 

 Catherine PELERIN

 

 

En application des articles R. 242-14 à R. 242-16 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-17 à R. 242-19 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-26 du même code.

3, rue Robert d'Arbrissel - C.S. 64231 - 35042 Rennes Cedex - www.ccomptes.fr

 

 


[1] Sauf si uniquement non-lieu à charge