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rapport n°2017-0094

CENTRE HOSPITALIER DE BRIOUDE

jugement n° 2017-0023

TRESORERIE DE BRIOUDE

 

 

audience publique du 30 MAI 2017

code n° 043034286

délibéré du 30 MAI 2017

exercice 2014

prononcÉ le : 15 juin 2017

 

 

République Française

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
 

 

LA CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES d’AUVERGNE-RHÔNE-ALPES

(STATUANT EN SECTIONS REUNIES)

 

1/9 – jugement n° 2017-0023

 


 

VU le réquisitoire n°23-GP/2016 à fin d’instruction de charges du procureur financier près la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes et ses pièces annexes, en date du 19 décembre 2016 ;

VU les comptes produits par M. Gérard X... en qualité de comptable du centre hospitalier de Brioude, pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 ;

VU le code des juridictions financières ;

VU le code général des collectivités territoriales ;

VU l’article 60 de la loi de finances pour 1963 n° 63-156 du 23 février 1963 ;

VU le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

VU les lois et règlements relatifs à la comptabilité des collectivités territoriales et des établissements publics locaux ;

VU l’arrêté de la présidente de la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes fixant la composition et la compétence des sections, et l’arrêté portant délégation de signature aux présidents de section ;

VU l’arrêté de M. Alain LAIOLO, président de section, du 1er février 2017, désignant Mme Sophie CORVELLEC, premier conseiller, comme rapporteur pour instruire les charges identifiées dans le réquisitoire susvisé ;

VU la notification du réquisitoire susvisé à M. Gérard X..., agent comptable, et à Mme Claire Y..., ordonnateur, par courriers du 3 février 2017, dont ils ont accusé réception, respectivement, les 4 et 6 février 2017 ;

VU les questionnaires adressés par courrier du 14 février 2017 à M. Gérard X..., comptable concerné, et à Mme Claire Y..., directrice du centre hospitalier de Brioude, et le questionnaire complémentaire adressé à M. Gérard X... par courrier électronique du 31 mars 2017 ;

VU les observations écrites présentées par M. Gérard X... enregistrées au greffe les 9 février, 23 mars et 7 avril 2017 ;

VU les observations écrites présentées par Mme Claire Y... enregistrées au greffe le 23 février 2017 ;

VU le rapport n°2007-0094 de Mme Sophie CORVELLEC, premier conseiller, magistrat instructeur, déposé au greffe de la chambre le 18 avril 2017 ;

VU les lettres du 25 avril 2017 informant le comptable concerné et l’ordonnateur de la clôture de l’instruction dont ils ont accusé réception le 26 avril 2017 ;

VU les lettres du 5 mai 2017 informant le comptable concerné et l’ordonnateur de la date fixée pour l’audience publique dont ils ont accusé réception, respectivement, les 6 et 9 mai 2017 ;

VU les conclusions n°17-094 du procureur financier en date du 10 mai 2017 ;

Après avoir entendu Mme Sophie CORVELLEC, premier conseiller, en son rapport et le procureur financier en ses conclusions, les parties n’étant pas présentes à l’audience ;

Après en avoir délibéré hors la présence du public, du rapporteur et du procureur financier ;

Attendu que, par le réquisitoire n°23-GP/2016 du 19 décembre 2016, le procureur financier près la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes a saisi la juridiction sur le fondement du III de l’article L. 242-1 du code des juridictions financières, depuis devenu article L. 242-4 du même code, à fin d’ouverture d’une instance à l’encontre de M. Gérard X... au titre de sa gestion comptable de l’exercice 2014 du centre hospitalier de Brioude, à raison de deux présomptions de charge ;

 

 

EN CE QUI CONCERNE LA PREMIERE PRESOMPTION DE CHARGE :

 

Sur les réquisitions du ministère public,

 

Attendu qu’en son réquisitoire, le procureur financier relève que le comptable mis en cause a versé au Dr Z..., praticien contractuel, une rémunération de 2 200 €, au mois de décembre 2014, sans disposer d’un contrat de travail fixant précisément les modalités de sa rémunération, tel qu’exigé par la rubrique 2213 de l’annexe I du code général des collectivités territoriales ; qu’en outre, aucun document établissant le temps de travail effectivement réalisé par l’intéressé n’était joint, alors que le montant de sa rémunération en dépend, d’après les stipulations de son contrat de recrutement ; que le procureur financier en conclut que le comptable a ainsi commis un manquement à ses obligations de contrôle de la liquidation des dépenses, susceptible d’avoir causé un préjudice financier à l’établissement public hospitalier et demande que sa responsabilité personnelle et pécuniaire soit engagée, en application de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée ;

 

Sur les observations des parties,

 

Attendu que M. Gérard X..., comptable mis en cause, indique que le Dr Z... a été recruté pour pallier une vacance de poste et a, à ce titre, perçu une « indemnité compensatrice », destinée à remédier au manque d’attractivité de l’établissement auprès du personnel médical ; qu’il a, en outre, produit un nouvel exemplaire du contrat de recrutement du praticien, deux tableaux de garde des mois de novembre et décembre 2014 ; que le comptable confirme avoir procédé aux paiements en litige au vu des seules pièces jointes au dossier ; qu’il précise en outre qu’un contrat ayant été produit, il n’a pas été jugé nécessaire de procéder à un contrôle plus approfondi de la liquidation de ces dépenses, lequel est en outre rendu difficile par la situation financière des établissements hospitaliers ; que, selon lui, les heures payées ayant été effectuées, ce manquement n’a pas causé de préjudice à l’établissement hospitalier ; qu’il souligne également les insuffisances de personnel qu’a connues son poste comptable au cours du deuxième semestre de l’année 2014 et estime que ces circonstances, outre la lourdeur du poste, justifieraient, dans l’hypothèse où la chambre devait retenir l’existence d’un préjudice financier, une minoration de la somme laissée à sa charge ; qu’il précise enfin que le plan de contrôle applicable à l’exercice 2014 incluait le contrôle de ces dépenses, sans qu’il ne puisse se souvenir avoir supervisé sa mise en œuvre, et ajoute que les difficultés du poste comptable n'ont pas permis d'effectuer, chaque mois et selon les thèmes programmés, un contrôle très rigoureux ;

 

Attendu que Mme Claire Y..., ordonnateur en fonctions, expose que les établissements hospitaliers de petite taille, comme celui de Brioude, sont parfois contraints de proposer des rémunérations dépassant celles prévues statutairement pour être attractifs et assurer le fonctionnement continu des services ; que les lacunes relevées par le réquisitoire quant au montant exact de certaines rémunérations ont depuis été rectifiées ; que les versements en litige n’ont pas causé de préjudice à l’établissement hospitalier, les services ayant été effectivement réalisés et payés en accord avec la direction alors en poste ;

 

Sur la responsabilité du comptable,

 

Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, dans sa rédaction applicable : « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables (…) du paiement des dépenses, de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils dirigent », ainsi que « des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ; que leur responsabilité personnelle et pécuniaire « se trouve engagée dès lors qu'un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu'une recette n'a pas été recouvrée, qu'une dépense a été irrégulièrement payée (…) » ;

 

Attendu que l’article 19 du décret susvisé du 7 novembre 2012, portant règlement général sur la comptabilité publique, applicable en l’espèce, dispose que : « Le comptable public est tenu d'exercer le contrôle : (…) 2° S'agissant des ordres de payer : (…) d) De la validité de la dette dans les conditions prévues à l'article 20 (…) » ; que son article 20 précise que : « Le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : (…) 2° L'exactitude de la liquidation ; (…) 5° La production des pièces justificatives (…) » ;

 

Attendu que l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales prévoit que : « Avant de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des associations syndicales de propriétaires ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I du présent code. » ; que cette annexe est applicable aux établissements publics de santé d’après l’article D. 6145-54-3 du code de la santé publique ;

 

Attendu que le paragraphe 2201 de la rubrique 220 de cette annexe, intitulée « rémunération du personnel », subordonne tout premier paiement à la production du « contrat mentionnant (…) les conditions d’emploi », à savoir la quotité de temps de travail et « les modalités de rémunération de l’agent » ; que cette rubrique est applicable aux médecins recrutés par contrat, lesquels font partie du personnel de l’établissement d’après l’article L. 6152-1 du code de la santé publique ;

 

Attendu que, pour apprécier la validité des créances, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications ; qu’à ce titre, il leur revient d'apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée ; que, pour établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l'ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en deuxième lieu, si ces pièces sont, d'une part, complètes et précises, d'autre part, cohérentes au regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable et de la nature et de l'objet de la dépense telle qu'elle a été ordonnancée ;

 

Attendu qu’il résulte de l’instruction que M. Gérard X... a procédé au paiement de la rémunération du Dr Z..., sur le fondement d’un premier mandat d’acompte n°14294 d’un montant de 1 200 euros, le 18 décembre 2014, ainsi que, le même jour, d’un second mandat collectif n°14394 ; que ces deux mandats, d’un montant total de 2 200 , étant datés et ayant été pris en charge le même jour et payés par la même fiche de paie, ils doivent être regardés comme constituant, dans leur ensemble, un premier paiement, au sens de la nomenclature des pièces justificatives ;

 

Attendu que le contrat d’engagement du Dr Z... en qualité de « praticien contractuel », signé le 24 octobre 2014, indique seulement, en son article 1, que « sa rémunération sera établie en fonction du tableau de garde mensuel » et, en son article 2, que « Monsieur Aurelian Z... perçoit, après service fait des émoluments mensuels dont le montant a été convenu d’un commun accord avec l’intéressé » ; qu’il est ainsi dépourvu de toute précision quant à la quotité de travail attendu de l’intéressé et aux modalités de calcul de sa rémunération ; qu’incomplet et imprécis, ce contrat ne saurait constituer le justificatif requis par la rubrique 2201 pour procéder à un premier paiement et n’a pas pu permettre au comptable de procéder au contrôle qui lui incombe de la liquidation de la dépense ; qu’en tout état de cause, l’insuffisance de ce justificatif ne saurait être palliée par les tableaux de garde prévisionnels des mois de novembre et de décembre 2014 produits par M. Gérard X..., lesquels ne permettent pas davantage, compte tenu de l’imprécision du contrat de recrutement, de contrôler la liquidation de la rémunération du praticien ;

 

Attendu qu’en procédant à ces paiements sans disposer d’un contrat de travail répondant aux exigences de la rubrique 2201 de l’annexe I du code général des collectivités territoriales, M. Gérard X... a manqué à ses obligations de contrôle de la production des justificatifs requis et de l’exactitude de la liquidation, telles que définies à l’article 20 du décret précité du 7 novembre 2012 ; que sa responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve donc engagée ;

 

 

Sur le préjudice financier causé au centre hospitalier de Brioude,

 

Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné (…), le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;

 

 

 

Attendu que, pour déterminer si le paiement irrégulier d'une dépense par un comptable public a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné, il appartient au juge des comptes d'apprécier si la dépense était effectivement due et, à ce titre, de vérifier notamment qu'elle n'était pas dépourvue de fondement juridique ;

 

Attendu que si les dépenses en litige correspondent à des prestations effectivement réalisées au profit de l'établissement, cette circonstance ne suffit pas à elle seule à justifier l'absence de préjudice financier pour l'établissement, dès lors, en particulier, qu'il est impossible d'établir avec certitude le montant auquel aurait pu s'élever un hypothétique paiement régulier de telles prestations par l'établissement, en l'absence de stipulations contractuelles fixant précisément le montant de la rémunération due, ou ses modalités de calcul ; qu’à défaut de telles stipulations, ces versements étaient indus et ont dès lors causé un préjudice au centre hospitalier ; qu’il en est de même des « indemnités compensatrices » que comprenait la rémunération ainsi versée, celles-ci, non prévues au contrat, ne figurant pas davantage parmi les indemnités énumérées par l’article D. 6152-417 du code de la santé publique auxquelles un praticien contractuel peut prétendre en l’absence même de stipulation contractuelle ;

 

Attendu qu’il y a lieu, en conséquence, de constituer M. Gérard X... débiteur du centre hospitalier de Brioude à hauteur des dépenses irrégulièrement payées, soit 2 200, sans que l’article 60 de la loi susvisée du 23 février 1963 ne permette de réduire cette somme, comme le comptable le demande, en raison des difficultés particulières qu’aurait connues le poste comptable au cours du second semestre 2014 ; qu’en application du VIII du même article, ce débet porte intérêts à compter du 4 février 2017, date de notification du réquisitoire à M. Gérard X... ;

 

Sur le respect du plan de contrôle hiérarchisé de la dépense,

 

Attendu qu’aux termes du deuxième alinéa du IX de de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l'appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l'obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ;

 

Attendu que l’article 42 du décret du 7 novembre 2012 susvisé dispose que : « Le comptable public peut opérer les contrôles définis au 2° de l'article 19 et à l'article 20 de manière hiérarchisée, en fonction des caractéristiques des opérations relevant de la compétence des ordonnateurs et de son appréciation des risques afférents à celles-ci. A cet effet, il adapte l'intensité, la périodicité et le périmètre de ses contrôles en se conformant à un plan de contrôle établi suivant les règles fixées par arrêté du ministre chargé du budget (…) » ;

 

Attendu que le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense produit par le comptable mis en cause, approuvé en 2011 et reconduit jusqu’en 2014, prévoyait, s’agissant du contrôle des paies du centre hospitalier de Brioude, un contrôle mensuel exhaustif de la prise en charge des nouveaux agents contractuels, susceptible d’être effectué a posteriori ; que, précisément interrogé sur les mesures en œuvre pour contrôler les dépenses en litige dans le cadre de ce plan de contrôle hiérarchisé de la dépense, le comptable mis en cause a indiqué ne plus se souvenir avoir supervisé ces contrôles, en précisant que les difficultés de personnel du poste comptable ne permettaient pas un contrôle « rigoureux », selon les mois et les thèmes de contrôle retenus, et en admettant que le contrôle s’est certainement borné à contrôler l’existence d’un contrat de recrutement, sans relever de difficultés relatives au versement d’indemnités ; que, dans ces conditions, M. Gérard X... n’établit pas avoir opéré, même a posteriori, les contrôles qui lui incombaient à l’égard des dépenses en litige, dans le cadre de ce plan de contrôle hiérarchisé de la dépense ;  que cette circonstance fera obstacle à qu’une remise gracieuse totale du débet prononcé lui soit accordée, conformément au deuxième alinéa du IX de de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 ;

 

 

 

EN CE QUI CONCERNE LA SECONDE PRESOMPTION DE CHARGE :

 

Sur les réquisitions du ministère public,

 

Attendu qu’après avoir rappelé, en introduction de son réquisitoire, les dispositions du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 et des articles 17, 18 et 20 du décret du 7 novembre 2012, en particulier ce qu’elles prévoient que le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte, notamment, sur l’exactitude de la liquidation et la production des pièces justificatives, le procureur financier relève que le comptable mis en cause a versé au Dr A..., praticien contractuel, des « indemnités compensatrices » pour un montant total de 7 059,75 €, aux mois de mai, juin, juillet, août, novembre et décembre 2014, sans s’assurer préalablement que leur versement était prévu par les contrats de recrutement de cette dernière ; qu’il en conclut qu’en s’abstenant de suspendre ces paiements, le comptable a commis un manquement à ses obligations de contrôle, susceptible d’avoir causé un préjudice financier à l’établissement public hospitalier, et demande que sa responsabilité personnelle et pécuniaire soit engagée, en application de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée ;

 

Sur les observations des parties,

 

Attendu que M. Gérard X... a présenté, à l’encontre de cette seconde présomption de charge, les mêmes observations que celles précédemment rappelées à l’égard de la première présomption, en rappelant que l’« indemnité compensatrice » versée au Dr A... est destinée à remédier au manque d’attractivité de l’établissement auprès du personnel médical, en produisant un nouvel exemplaire des trois contrats de recrutement du praticien déjà joints au réquisitoire et en confirmant avoir procédé aux paiements en litige au vu des seules pièces jointes au dossier ;

 

Attendu que Mme Claire Y... a présenté des observations communes aux deux présomptions de charge ;

 

Sur la responsabilité du comptable,

 

Attendu, d’une part, que, comme indiqué précédemment, le paragraphe 2201 de la rubrique 220 de l’annexe I du code général des collectivités territoriales exige que soit produit à l’appui d’un premier paiement de rémunération du personnel un « contrat mentionnant (…) les conditions d’emploi », notamment « les modalités de rémunération de l’agent » ; que, conformément aux « définitions et principes » figurant en introduction de cette nomenclature, référence doit également être faite à ce contrat dans les justificatifs produits à l’appui de paiements ultérieurs ;

 

Attendu que les contrôles incombant aux comptables à l’égard des justificatifs produits impliquent non seulement qu’ils vérifient si l'ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et si ces pièces sont complètes et précises, mais aussi si elles sont cohérentes au regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable et de la nature et de l'objet de la dépense telle qu'elle a été ordonnancée ;

 

Attendu, d’autre part, que, s’agissant de la rémunération des praticiens hospitaliers contractuels, l’article D. 6152-416 du code de la santé publique dispose que ceux-ci sont rémunérés : « sur la base des émoluments applicables aux praticiens hospitaliers ou aux praticiens des hôpitaux recrutés en début de carrière, proportionnellement à la durée de travail définie au contrat en ce qui concerne les praticiens des hôpitaux. Ces émoluments peuvent être majorés dans la limite des émoluments applicables aux praticiens parvenus au 4e échelon de la carrière, majorés de 10 % » ; que l’article D. 6152-417 du même code prévoit que s’y ajoutent « le cas échéant, les indemnités suivantes : 1° Des indemnités de sujétion correspondant au temps de travail accompli, dans le cadre des obligations de service hebdomadaires, la nuit, le samedi après-midi, le dimanche et les jours fériés ; 2° Des indemnités forfaitaires pour tout temps de travail additionnel accompli, sur la base du volontariat, au-delà des obligations de service hebdomadaires ; 3° Des indemnités correspondant aux astreintes et aux déplacements auxquels elles peuvent donner lieu ; (…) Les montants et les modalités de versement des indemnités mentionnées aux 1°, 2° et 3° sont fixés par arrêté des ministres chargés du budget et de la santé ; ils sont revalorisés comme les traitements de la fonction publique par arrêté du ministre chargé de la santé ; 4° Des indemnités pour remboursement des frais de déplacements peuvent être allouées aux praticiens contractuels à l'occasion des déplacements temporaires effectués pour les besoins du service dans les conditions prévues à l'article R. 6152-32 à l'exclusion du remboursement des frais de changement de résidence » ;

 

Attendu que les conditions d’octroi et les modalités de calcul de ces indemnités sont déterminées par le code de la santé publique, complété par des arrêtés ministériels ; que, dès lors, la nomenclature des pièces justificatives ne prévoit pas de pièces spécifiques à produire à l’appui de leur paiement, au-delà des pièces générales que sont le contrat de recrutement et l’état nominatif que peut constituer la fiche de paie ; qu’il revient alors au comptable de rapprocher le montant des indemnités attribuées au praticien des textes réglementaires qui les régissent ;

 

Attendu qu’il ressort, en l’espèce, des fiches de paie annexées au réquisitoire que le comptable mis en cause a versé au Dr A..., outre un traitement de base et une indemnité de sujétion, des « indemnités compensatrices » d’un montant de 209,31 € au mois de mai 2014, de 947,59 € au mois de juin 2014, de 1 290 € au mois de juillet 2014, de 1 493,52 € au mois d’août 2014, de 1 625,82 € au mois de novembre 2014 et de 1 493,51 € au mois de décembre 2014 ; que ces indemnités ont été versées dans le cadre de trois contrats de recrutement signés respectivement le 27 mars 2014 pour une période du 13 au 14 avril 2014, le 16 mai 2014 pour deux périodes du 16 au 17 et du 20 au 21 mai 2014 et le 2 juin 2014 pour une période du 1er juin au 31 décembre 2014 ; que ces contrats stipulaient, en leur article 3, « Madame le Dr A... est rémunérée, après service fait, sur la base du 6e échelon d’un praticien hospitalier, à hauteur de trois journées d’activité pour une permanence, associées à une indemnité de sujétion de nuit, dimanche ou jour férié et de temps additionnel » ; qu’ainsi, ils ne prévoyaient pas le versement d’une indemnité dite de « compensation » laquelle avait pour objet, d’après le comptable interrogé sur ce point, de pallier le manque d’attractivité de l’établissement ; que dès lors, l’examen des pièces justificatives ainsi mises à la disposition du comptable, et plus particulièrement la comparaison entre les fiches de paie, d’une part, et les contrats de recrutement et les textes applicables, d’autres part, étaient de nature à révéler une contradiction entre le traitement et les indemnités auxquels le praticien était régulièrement en droit de prétendre et l’indemnité compensatrice qu’il était demandé au comptable de verser, celle-ci ne figurant ni dans le code de la santé publique, ni dans les contrats de recrutement ; que cette incohérence quant à l’objet de la dépense mandatée aurait dû mener le comptable à suspendre ces paiements, qu’il s’agisse des premiers paiements effectués aux mois de mai, juin et juillet 2014, au vu des trois contrats de recrutement signés avec le praticien, ou qu’il s’agisse des trois paiements ultérieurs effectués aux mois d’août, novembre et décembre 2014, dans le cadre du contrat signé le 2 juin 2014 ;

 

Attendu que, dès lors, en procédant au versement de ces « indemnités compensatrices », le comptable a manqué à ses obligations de contrôle de la production des justificatifs et de l’exactitude de la liquidation de la dépense, telles que définies à l’article 20 du décret précité du 7 novembre 2012 portant règlement général sur la comptabilité publique ; que sa responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve donc engagée ;

 

 

 

Sur le préjudice financier causé au centre hospitalier de Brioude,

 

Attendu que les indemnités compensatrices en litige, dont l’objet était de pallier le manque d’attractivité du centre hospitalier de Brioude, ne figurent pas parmi les indemnités, limitativement énumérées par l’article D. 6152-417 du code de la santé publique, qu’un praticien contractuel est en droit de percevoir, en l’absence même de stipulation contractuelle, et n’étaient, en tout état de cause, pas davantage prévues par les différents contrats de recrutement conclus avec le Dr A... ; que, dans ces conditions, et alors même qu’ils rémunéraient des prestations effectivement réalisées au profit de l'établissement, ces versements étaient indus et ont dès lors causé un préjudice au centre hospitalier ;

 

Attendu qu’il y a lieu, par suite, de constituer M. Gérard X... débiteur du centre hospitalier de Brioude à hauteur du montant total des indemnités indûment versées, soit 7 059,75 €, sans que l’article 60 de la loi n°63-156 du 23 février 1963 ne permette de réduire cette somme, comme le comptable le demande, en raison des difficultés particulières qu’aurait connues le poste comptable au cours du second semestre 2014 ; qu’en application du VIII de ce même article, ce débet porte intérêts à compter du 4 février 2017, date de notification du réquisitoire à M. Gérard X... ;

 

Sur le respect du plan de contrôle hiérarchisé de la dépense,

 

Attendu que cette seconde présomption étant de même nature que la première, les modalités de contrôle prévues par le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense applicable à l’exercice 2014 étaient similaires ; que, compte tenu des observations du comptable, communes à ces deux présomptions de charge, celui-ci n’établit pas, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés, avoir opéré, même a posteriori, les contrôles qui lui incombaient à l’égard des dépenses visées par cette seconde présomption de charge ; que cette circonstance fera obstacle à qu’une remise gracieuse totale du débet prononcé lui soit accordée, conformément au deuxième alinéa du IX de de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 ;

PAR CES MOTIFS,

DECIDE

Article 1 : M. Gérard X... est constitué débiteur du centre hospitalier de Brioude, au titre de la première charge, sur l’exercice 2014, pour la somme de 2 200 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 4 février 2017 ;

Article 2 : M. Gérard X... est constitué débiteur du centre hospitalier de Brioude, au titre de la seconde charge, sur l’exercice 2014, pour la somme de 7 059,75 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 4 février 2017 ;

Article 3 : M. Gérard X... ne pourra être déchargé de sa gestion du centre hospitalier de Brioude, au titre de l’exercice 2014, qu’après avoir justifié de l’apurement en principal et en intérêts des débets prononcés ci-dessus.

 

 

Fait et délibéré en la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes, en sections réunies, le trente mai deux mille dix-sept.

Présents :  M. Michel PROVOST, vice-président, président de séance ;

M. Alain LAÏOLO, président de section ;

MM. Michel BON et Patrick BILLAN, premiers conseillers ;

M. Joris MARTIN, conseiller. 

 

 

la greffière

le président de séance

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Corinne VITALE-BOVET

Michel PROVOST

 

La République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

Voies et délais de recours :

Article R. 242-19 du code des juridictions financières : « Les jugements et ordonnances rendus par les chambres régionales des comptes peuvent être attaqués dans leurs dispositions définitives par la voie de l'appel devant la Cour des comptes ».

Article R. 242-22 du code des juridictions financières : « La requête en appel, signée par l'intéressé, doit être déposée ou adressée par lettre recommandée au greffe de la chambre régionale des comptes.

La requête doit contenir, à peine de nullité, l'exposé des faits et moyens, ainsi que les conclusions du requérant. Elle doit être accompagnée des documents sur lesquels elle s'appuie et d'une copie du jugement ou de l’ordonnance attaqué ».

Article R. 242-23 du code des juridictions financières : « L'appel doit être formé dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement ou de l’ordonnance (…) ».

1/9 – jugement n° 2017-0023