S3/2170935/MC | 1 / 5 |
Première section
Jugement n° 2017-0030 J
Audience publique du 15 décembre 2017
Prononcé du 22 décembre 2017 | Département de la Seine-Saint-Denis (93)
Paierie départementale de la Seine-Saint-Denis
Exercices : 2010 et 2011 |
République Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
Vu le réquisitoire du 25 mai 2016, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X…, comptable du département de la Seine-Saint-Denis, au titre d’opérations relatives aux exercices 2010 et 2011, notifié le 6 juin 2016 à la comptable concernée ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable du département de la Seine-Saint-Denis, par Mme X…, pour les exercices 2010 et 2011 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n°63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des marchés publics, alors en vigueur, modifié notamment par le décret n° 2011‑1000 du 25 août 2011 modifiant certaines dispositions applicables aux marchés et contrats relevant de la commande publique ;
Vu le décret n°62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique alors en vigueur ;
Vu le décret n°2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n°2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le rapport de M. Pierre Petit, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions du procureur financier ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du 15 décembre 2017, M. Petit en son rapport et M. Luc Héritier, procureur financier, en ses conclusions, l’ordonnateur et Mme X…, informés de la date de l’audience, n’étant ni présents, ni représentés ;
Entendu en délibéré M. Yves Bénichou, réviseur, en ses observations ;
Attendu qu’aux termes du premier alinéa du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Outre la responsabilité attachée à leur qualité d'agent public, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux différentes personnes morales de droit public dotées d'un comptable public, désignées ci-après par le terme d'organismes publics, du maniement des fonds et des mouvements de comptes de disponibilités, de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils dirigent. » ; que, selon le troisième alinéa du même article : « La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu'un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu'une recette n'a pas été recouvrée, qu'une dépense a été irrégulièrement payée […] » ;
Attendu qu’en application de l’article 12 du décret n°62-1587 du 29 décembre 1962 susvisé portant règlement général sur la comptabilité publique alors applicable : « Les comptables publics sont tenus d’exercer : A En matière de recettes, le contrôle : […] Dans la limite des éléments dont ils disposent, de la mise en recouvrement des créances […] de l’organisme public. » ; B En matière de dépenses, le contrôle : […] de la validité de la créance dans les conditions prévues à l’article 13 ci-après […] ; que l’article 13 du même décret dispose que : « En ce qui concerne la validité de la créance, le contrôle porte sur […] l’exactitude des calculs de liquidation, l’intervention préalable des contrôles réglementaires et la production des justifications […] » ;
Sur la présomption de charge n° 1 relative au paiement de prestations :
Attendu que par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes Île-de-France, de la responsabilité encourue par Mme X… pour avoir manqué à ses obligations de contrôle de la validité de la dépense, en particulier de la production des justifications et de l’exactitude des calculs de liquidation, en payant une facture d’un montant de 10 655,78 € HT sans disposer d’un contrat écrit ou d’un certificat administratif ;
Attendu qu’aux termes de l’article D.1617-19 du code général des collectivités territoriales : « Avant de procéder au paiement d’une dépense ne faisant pas l’objet d’un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales […] ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l’annexe 1 du présent code. » ; que dans sa rédaction en vigueur au moment du paiement de la facture incriminée, cette annexe énumère ainsi les pièces justificatives requises pour le paiement : / « 42. Marchés publics passés selon une procédure adaptée prévue par les articles 28 ou 30 du code des marchés publics / […] / 423.Prestations fixées par contrat / Tout contrat mentionné dans une pièce justificative (facture, …) doit être produit à l‘appui du mandat […] 425. Autres prestations / 1. Mémoire ou facture […] » ;
Attendu qu’aux termes de l’article 11 du code des marchés publics, alors applicable, dans sa rédaction résultant du décret du 25 août 2011 modifiant certaines dispositions applicables aux marchés et contrats relevant de la commande publique : « Les marchés et accords‑cadres d'un montant égal ou supérieur à 20 000 euros HT sont passés sous forme écrite. » ; que ce seuil était distinct de celui mentionné à l’article 28 du même code, relatif à la procédure de passation des marchés, alors fixé à 4 000 € ;
Attendu que Mme X… a payé au vu du mandat n°107311 du 29 décembre 2011 une facture d’un montant de 10 655,78 € HT du 19 octobre 2011 ; que la facture faisait référence au numéro d’un contrat de prestations de services, signé le 8 octobre 2004 par le département ; que la comptable a également joint le nouveau contrat conclu le 9 décembre 2013 entre le département et la même société ; que le contrat, signé en 2004 d’une durée d’un an, n’a pas été reconduit ; qu’au demeurant, l’ordonnateur a reconnu que « l’exécution du contrat […] signé en 2004, s’est poursuivie au-delà de sa période de validité, sans contrat écrit, jusqu’à la négociation de 2013. » ;
Attendu, en premier lieu, que la facture jointe à l’appui du mandat litigieux, datée du 19 octobre 2011, s’élevait à 10 655,78 € HT, soit un montant inférieur à celui mentionné à l’article 11 du code des marchés publics alors applicable ; qu’ainsi, le département n’avait pas l’obligation de passer ce marché sous forme écrite ; qu’ainsi, Mme X… n’a pas manqué à ses obligations de contrôle de la production des justifications ;
Attendu en second lieu, que la facture faisait référence au contrat initialement signé par le département et la société Finance Active en le 8 octobre 2004 ; que l’application de la formule de révision, avec les valeurs auxquelles fait référence ce contrat, permet d’attester l’exactitude du calcul de liquidation pour 2011 ; qu’alors même que ce contrat n’avait plus, à la date du paiement, de force juridique, la comptable pouvait se fonder sur les éléments indiqués dans ce document pour vérifier l’exactitude des calculs de liquidation ; qu’ainsi, elle n’a pas davantage manqué à ses obligations à ce titre ;
Attendu que dans ces conditions, Mme X… n’a pas commis de manquement de nature à engager la mise en jeu de sa responsabilité personnelle et pécuniaire ; qu’ainsi, il n’y a pas lieu de prononcer de charge au titre de la première présomption ;
Sur la présomption de charge n°2 relative au recouvrement des recettes :
Attendu qu’il ressort de l’état des restes à recouvrer du département de la Seine-Saint-Denis au 31 décembre 2013, qu’une société restait redevable envers le département d’une créance objet du titre de recettes n°532, émis le 1er février 2008, pris en charge par le comptable le 6 février 2008, d’un montant initial de 173 040 €, ramené à 151 958,60 €, compte tenu de trois paiements partiels ; que ce titre correspondait à une astreinte prononcée par ordonnance du 30 novembre 2007 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, confirmée par une décision du Conseil d’État du 26 mai 2008 ;
Attendu que la société débitrice ayant été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris du 26 novembre 2009, publié au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) du 24 décembre 2009, le comptable alors en poste disposait d’un délai de deux mois à compter de la date de cette publication, pour déclarer la créance, soit jusqu’au 24 février 2010 ; que cette déclaration a été faite tardivement le 2 août 2010 ;
Attenu que Mme X… fait état des procédures entamées dès 2008 pour obtenir le recouvrement de ce titre ; que tous ces actes de poursuite ont été contestées devant la juridiction administrative, qui les a rejetés en dernier lieu par un arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles du 23 juin 2011 ; qu’elle fait également valoir qu’elle n’a pu suivre la procédure de mise en redressement judiciaire de cette société, dont le siège se trouvait à Paris, alors que l’adresse dont elle disposait était située à Charenton et enfin que le conseil départemental a déclaré la créance auprès du mandataire judiciaire le 22 janvier 2010 ;
Attendu enfin que Mme X… a transmis la réponse du liquidateur judiciaire du 25 juillet 2010, qui lui a précisé que « la liquidation tend vers la clôture pour insuffisance d’actif. Aucun actif ne sera distribué », ainsi que la publication au BODACC du 3 février 2015 du jugement de clôture pour insuffisance d’actif ;
Attendu qu’en cas de procédure de liquidation d’une société commerciale débitrice, les créances qui n’ont pas été déclarées dans le délai réglementaire de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture de la procédure au BODACC, et dont la forclusion n’a pas été relevée, sont éteintes à l’issue du délai de deux mois dont disposait le créancier pour faire valoir ses droits, soit le 24 février 2010 ; que la société étant en liquidation, les diligences effectuées postérieurement ne pouvaient aboutir à aucun recouvrement ;
Attendu qu’en l’absence de diligences adéquates, complètes et rapides de la part de la comptable pendant la période de validité du titre, son recouvrement s’est retrouvé définitivement compromis à la date du 24 février 2010 ; qu’ainsi, Mme X… a manqué à ses obligations en matière de recouvrement des recettes ;
Attendu que lorsque le comptable a manqué aux obligations qui lui incombent au titre du recouvrement des recettes, faute d'avoir exercé les diligences et les contrôles requis, le manquement du comptable doit, sauf insolvabilité avérée du débiteur à la date du manquement, être regardé comme ayant causé un préjudice financier à l'organisme public concerné ; que le liquidateur de la société dans un courrier du 25 juillet 2010 a confirmé l’absence d’actif à redistribuer, qui a été entérinée par le jugement pour insuffisance d’actif publié le 3 février 2015 rappelé ci-dessus ; que dans ces conditions, le préjudice financier subi par le département de la Seine-Saint-Denis n’a pas été causé par le manquement de la comptable ;
Attendu qu’aux termes du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce » ; que, selon le l’article 1er du décret du 10 décembre 2012 : « La somme maximale pouvant être mise à la charge du comptable, conformément aux dispositions du deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, est fixée à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré. » ;
Attendu que les arguments présentés par la comptable, qui seraient de nature à moduler la somme ainsi mise à sa charge, relatifs à l’organisation du poste comptable, n’apportent pas d’éléments susceptibles d’atténuer sa responsabilité devant le juge des comptes ; que dans ces conditions, il y a lieu d’arrêter somme dont la comptable devra s’acquitter au montant de 340,50 € ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : Il n’y a pas lieu de prononcer de charge au titre de la présomption n°1 au titre de l’année 2011.
Article 2 : Mme X… devra s’acquitter, au titre de la présomption de charge n°2 relative à l’exercice 2010, d’une somme de 340,50 euros.
Article 3 : La décharge de Mme X…ne pourra être donnée qu’après paiement de la somme fixée à l’article 2 ci-dessus.
Fait et jugé par M. Alain Stéphan, président de séance ; Mme Catherine Sanchez, présidente section ; M. Yves Bénichou, premier conseiller.
En présence de M. Reynald Husson, greffier de séance.
Reynald Husson |
Alain Stéphan |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.
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