Audience publique du 30 mai 2017 Commune de Chouilly (Marne)
Jugement n° 2017-006 N° de poste comptable : 051036
Prononcé du 19 juin 2017 Poste comptable :
Centre des finances publiques d’Epernay Municipale
Exercice : 2014
REPUBLIQUE FRANçAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANçAIS
La Chambre régionale des comptes Grand Est,
Vu le code général des collectivités territoriales, notamment son article D. 1617-19 ;
Vu le code des juridictions financières, notamment son article L. 242-4 ;
Vu l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 portant loi de finances pour 1963 ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 modifié relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 ;
Vu le décret n° 2001-495 du 6 juin 2001, pris en application de l’article 10 de la loi n° 2000‑321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu l’arrêté de charge provisoire n° PIAA035-2014-051036-153-04 du 26 septembre 2016 transmis au ministère public près la chambre par le chef du pôle interrégional d’apurement administratif de Rennes par courrier du 27 septembre 2016, enregistré au greffe de la chambre le 4 octobre 2016 ;
Vu le réquisitoire n° 2016/39 du 17 octobre 2016 du procureur financier près la chambre régionale des comptes Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine devenue chambre régionale des comptes Grand Est le 1er janvier 2017, notifié le 17 novembre 2016, à Mme X., comptable, et à M. Y., maire de Chouilly ;
Vu la lettre du 17 novembre 2016 du président de la chambre adressée à Mme X. et à M. Y. chargeant M. Christophe LUPRICH, président de section, rapporteur, de l’instruction du jugement des comptes de la commune de Chouilly ;
Vu les lettres du 7 décembre 2016 invitant Mme X. et M. le maire de Chouilly à faire part de leurs observations et à produire toute pièce utile ;
Vu les observations de M. Y., maire de Chouilly, enregistrées au greffe de la chambre le 21 décembre 2016 sous le numéro 1747 ;
Vu les observations de Mme X. du 20 décembre 2016 enregistrées au greffe de la chambre le 28 décembre suivant sous le numéro 1782 ;
Vu la lettre du 4 avril 2017 du président de la chambre adressée à Mme X. et à M. Y. les informant de la désignation de Mme Axelle TOUPET, première conseillère, rapporteur de l’instruction du jugement des comptes de la commune de Chouilly à la place de M. Christophe LUPRICH, président de section, appelé à d’autres fonctions ;
Vu le rapport n° 2017-42 de Mme Axelle TOUPET du 18 avril 2017, première conseillère, chargée de l’instruction ;
Vu les conclusions n° 42/2017 du 17 mai 2017 de M. Joël LEROUX, procureur financier ;
Vu les lettres du 18 mai 2017 informant les parties de l’inscription de l’affaire à l’audience publique ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Entendus à l’audience publique du 30 mai 2017, Mme Axelle TOUPET, première conseillère, en son rapport, puis M. Joël LEROUX, procureur financier, en ses conclusions ; Mme X. et M. Y., dûment informés de la tenue de l’audience, n’étaient ni présents, ni représentés ;
Après avoir entendu en délibéré M. Paul DELLAC, conseiller, réviseur, en ses observations et avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier ;
Sur l’unique charge portant sur le paiement d’une subvention d’un montant de 40 500 € à une association, en l’absence de convention signée entre le maire de Chouilly et l’association bénéficiaire – exercice 2014
1. Considérant que le I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 modifiée dispose que « […] les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière […] de dépenses […] dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors […] qu'une dépense a été irrégulièrement payée […] » ; qu’aux termes de l’article 19 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, « Le comptable public est tenu d’exercer le contrôle : […] 2° S’agissant des ordres de payer : […] d) de la validité de la dette dans les conditions prévues à l’article 20 » ; qu’aux termes de l’article 20 du même décret, « le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : […] 5° La production des pièces justificatives » ;
2. Considérant qu’aux termes de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable au moment des paiements en cause : « Avant de procéder au paiement d’une dépense […], les comptables publics des collectivités territoriales […] ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l’annexe I du présent code » ;
3. Considérant qu’en application de la rubrique n° 721 de l’annexe I, le comptable doit exiger, à l’appui du paiement des subventions de toute nature, la décision définie comme suit : « 1. […] lorsque la décision intervient à l'occasion de l'adoption du budget, […] référence sur le mandat au budget arrêtant le bénéficiaire et le montant ; dans les autres cas, décision arrêtant le bénéficiaire et le montant ainsi que l'objet et, le cas échéant, les conditions d'octroi et les charges d'emploi. 2. Le cas échéant, justifications particulières exigées par la décision. 3. Le cas échéant, convention entre le bénéficiaire et la collectivité (3) » ; que, dans ce dernier cas, la rubrique n° 721 indique pour ledit (3) qu’« En outre, les dispositions combinées de l'article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et du décret n° 2001-495 du 6 juin 2001 imposent la production d'une convention passée entre l'autorité administrative versante et l'organisme de droit privé bénéficiaire, pour toute subvention d'un montant supérieur à 23 000 euros » ;
4. Considérant que dans son réquisitoire, le procureur financier a relevé qu’il ressortait de l’arrêté de charge provisoire susvisé qu’au cours de l’exercice 2014, une subvention d’un montant de 40 500 € avait été payée par mandat n° 380 émis le 12 juin 2014 au profit de l’association « Familles rurales » de Chouilly sans qu’aucune convention n’ait été jointe à l’appui de ce mandat ; qu’en ouvrant sa caisse, alors qu’elle ne disposait pas des pièces justificatives prévues à la rubrique 721 de l’annexe I au code général des collectivités territoriales, Mme X. n’a pas assuré le contrôle de la validité de la dette dans les conditions prévues aux articles 19 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ; que le paiement irrégulier de cette dépense d’un montant de 40 500 €, au cours de l’exercice 2014, constituait un manquement de nature à engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire en application du I de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963 ;
5. Considérant que Mme X. a indiqué dans son courrier du 20 décembre 2016 que depuis de nombreuses années, la commune soutient l’association « Famille rurale de Chouilly », association qui gère les activités périscolaires des enfants de la commune ; que pour l’exercice 2014 un mandat de 40 500 € a été émis au bénéfice de ladite association ; que la production d’une convention entre la commune et l’association bénéficiaire n’a pas été relevée par ses services du fait du versement régulier depuis 2005 d’une subvention ; qu’à l’appui de sa réponse Mme X. produit le budget primitif de l’exercice 2014 et un certificat administratif établi le 12 août 2016 par l’ordonnateur, récapitulant les versements annuels à l’association entre 2005 et 2016 ; que dans son courrier du 16 décembre 2016, le maire confirme que le versement de subventions au bénéfice de l’association « Familles rurales » intervient depuis plus de dix ans et qu’il ignorait l’obligation d’établir une convention pour le versement d’une subvention supérieure à 23 000 € ;
6. Considérant qu’en l’absence d’établissement d’une convention pluriannuelle de subventionnement, la circonstance qu’une subvention ait été versée annuellement par la commune de Chouilly à l’association « Familles rurales » pendant une dizaine d’années n’est pas de nature à dispenser les parties d’établir, ni le comptable de produire, annuellement la convention justifiant le versement d’une subvention supérieure à 23 000 € ;
7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’à défaut de disposer des justificatifs prévus à la rubrique 721 de l’annexe I au code général des collectivités territoriales, au moment du paiement du mandat en cause, Mme X. a commis un manquement de nature à engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
8. Considérant qu’aux termes du V de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963, « Lorsque […] le juge des comptes constate l'existence de circonstances constitutives de la force majeure, il ne met pas en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public » ; que la force majeure est constituée par un événement imprévisible, irrésistible et extérieur ; qu’en l’espèce, les circonstances entourant le manquement de Mme X. n’ont pas un caractère de force majeure ;
9. Considérant, en conséquence, que la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X. est engagée sur le fondement des dispositions précitées du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 modifiée ;
10. Considérant qu’aux termes du VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 : « […] Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n'a pas causé de préjudice financier à l'organisme public concerné, le juge des comptes peut l'obliger à s'acquitter d'une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en Conseil d'Etat en fonction du niveau des garanties mentionnées au II. Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné […], le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
11. Considérant qu’un préjudice financier résulte du paiement d’une dépense indue, d’une perte provoquée par une opération de décaissement ou de non recouvrement d’une recette, donnant lieu à une constatation dans la comptabilité de l’organisme et se traduisant par un appauvrissement patrimonial de la personne publique ;
12. Considérant que, pour déterminer si le paiement irrégulier d'une dépense par un comptable public a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné, il appartient au juge des comptes d’apprécier si la dépense était effectivement due et, à ce titre, de vérifier notamment qu’elle n’était pas dépourvue de fondement juridique ; qu’en particulier, en l’absence d’autorisation préalable par l’assemblée délibérante, à l'occasion soit de l'adoption du budget soit d’une autre délibération arrêtant le bénéficiaire, le montant ainsi que l'objet et, le cas échéant, les conditions d'octroi d’une subvention, le versement d’une subvention cause un préjudice financier à la collectivité concernée ;
13. Considérant que, dans leurs courriers respectifs du 16 décembre 2016 et du 20 décembre 2016, le maire de Chouilly et Mme X. indiquent que la commune de Chouilly n’a pas subi de préjudice financier du fait du paiement de la somme litigieuse ; que la délibération du conseil municipal atteste certes de la volonté de la commune de verser la somme de 40 500 € pour l’année 2014 à l’association « Familles rurales », mais n’en précise pas les conditions d’attribution ; qu’en l’absence de convention exigée par la loi, la subvention ne pouvait, dès lors, être regardée comme due de façon certaine ; que la somme mentionnée n’était en effet pas acquise, faute, notamment, d’avoir fixé les conditions d’échelonnement et les modalités de versement de la subvention ; qu’en conséquence le manquement du comptable a causé un préjudice financier à la commune de Chouilly ;
14. Considérant que Mme X. doit être déclarée débitrice envers la commune de Chouilly, d’une somme de 40 500 € ; qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, le débet porte intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics ; qu’en l’occurrence, le point de départ du calcul des intérêts est fixé au 21 novembre 2016, date à laquelle Mme X. a accusé réception du réquisitoire du 17 octobre 2016 ;
15. Considérant qu’aux termes du IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 modifié : « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas du décès du comptable ou du respect par celui-ci, sous l’appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l’obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ;
16. Considérant qu’aucun plan de contrôle hiérarchisé de la dépense valide pour 2014 n’a été produit par Mme X. au cours de l’instruction, seul ayant été produit un plan de contrôle hiérarchisé pour l’exercice 2009 ; que dès lors, en l’absence de plan de contrôle sélectif de la dépense la somme laissée à la charge de Mme X. par le ministre chargé du budget ne pourra donc être inférieure à 3 ‰ du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable ;
DECIDE :
Article 1er : La responsabilité de Mme X. est engagée au titre de l’exercice 2014 à raison du paiement, sans disposer de convention passée entre la commune versante et l’association bénéficiaire, d’une subvention de 40 500 € à l’association « Familles rurales » de Chouilly.
Ce manquement ayant causé un préjudice financier à la commune, Mme X. est mise en débet pour la somme de quarante mille cinq cents euros (40 500 €) au titre de l’exercice 2014 ; cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la date de notification du réquisitoire, soit le 21 novembre 2016.
Article 2 : Pour l’application des dispositions du second alinéa du paragraphe IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, le montant de la remise gracieuse qui pourra être accordée à Mme X. au titre du débet prononcé ci-dessus, devra comporter un laissé à charge qui ne pourra être inférieur à cinq cent trente et un euros (531 €) soit 3 ‰ du montant du cautionnement du poste comptable pour l’exercice 2014 fixé à 177 000 €.
Article 3 : Il est sursis à statuer sur la décharge de Mme X. pour sa gestion au titre de l’exercice 2014 jusqu’à apurement du débet ci-dessus prononcé.
Article 4 : le présent jugement sera notifié à Mme X., comptable, au maire de Chouilly, ordonnateur, ainsi qu’au ministère public près la chambre.
Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Grand Est, le 30 mai deux mille dix-sept, par M. Dominique ROGUEZ, président de séance, Mme Laurence MOUYSSET, M. Christophe BERTHELOT, Mme Agnès KARBOUCH, présidents de section, MM. Bernard GONZALES, Thomas GROS, Mmes Carine PILLET, Carol KNOLL, premiers conseillers, MM. Paul DELLAC, Laurent OLIVIER et Marc SIMON, conseillers.
La greffière de séance,
Signé :
Corinne GERTSCH | Le président de séance,
Signé :
Dominique ROGUEZ |
La République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d'y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu'ils seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent jugement a été signé par le président de la chambre régionale des comptes Grand Est et par la secrétaire générale.
La secrétaire générale,
Signé :
Juliette FOURES | Le président de la chambre,
Signé :
Dominique ROGUEZ |
En application des articles R. 242-19 à R. 242-28 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de leur notification selon les modalités prévues aux articles R. 242-20 à R. 242-24 du même code.
Collationné, certifié conforme à la minute déposée au greffe
de la Chambre régionale des comptes Grand Est
A Metz, le 20 juin 2017
Carine COUNOT, greffière
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