Sections réunies

Jugement  2017-0003

Audience publique du 5 janvier 2017

Prononcé du 19 janvier 2017

COMMUNE DE LE QUESNOY (Nord)

Poste comptable : CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES DE LE QUESNOY MUNICIPALE

Exercice 2014

République française

Au nom du peuple français

La chambre,

Vu le réquisitoire en date du 9 septembre 2016, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de
M. Patrice X, comptable de la commune de Le Quesnoy, au titre d’opérations relatives à l’exercice 2014, notifié au comptable concerné le 14 septembre 2016 ;

Vu les comptes rendus en qualité de comptable de la commune de Le Quesnoy, par
M. Patrice X du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 ;

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

Vu le rapport de Mme Béatrice Convert-Rosenau, présidente de section, magistrate chargée de l’instruction ;

JU-2017-0003 – Commune de Le Quesnoy 1/6


 

Vu les conclusions du procureur financier ;

Vu les pièces du dossier ;

Entendu lors de l’audience publique du 5 janvier 2017, Mme Béatrice Convert-Rosenau, présidente de section, en son rapport, M. Philippe Jamin, procureur financier, en ses conclusions, et M. Patrice X, comptable ayant eu la parole en dernier ;

Sur la présomption de charge unique soulevée, à l’encontre de M. Patrice X au titre de l’exercice 2014 :

Attendu qu’il est reproché au comptable, M. Patrice X, d’avoir procédé au paiement de primes de vacances et de fin d’année à des agents contractuels, repris en annexe ci-jointe, pour un montant total de 14 990,64  au cours de l’exercice 2014, en l’absence de délibération autorisant le versement d’une prime annuelle au personnel non-titulaire de la commune de
Le Quesnoy ;

Sur l’existence d’un manquement :

Attendu qu’en application de l’article 111 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, « Par exception à la limite résultant du premier alinéa de l’article 88, les avantages collectivement acquis ayant le caractère de complément de rémunération, que les collectivités locales et leurs établissements publics ont mis en place avant l’entrée en vigueur de la présente loi, sont maintenus au profit de l’ensemble de leurs agents, lorsque ces avantages sont pris en compte dans le budget de la collectivité ou de l’établissement. » ;

Attendu que, conformément à l’article 136 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 susvisée qui rend applicable aux agents non-titulaires les 1er et 2ème alinéas de l’article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, les agents non-titulaires bénéficient de primes et d’indemnités au même titre que les fonctionnaires territoriaux titulaires ou stagiaires ;

Attendu que le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l’application de l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée et relatif aux agents non-titulaires de la fonction publique territoriale dispose, en son article 3, que « L’agent non-titulaire est recruté, soit par contrat, soit par décision administrative. L’acte d’engagement est écrit. Il précise l’article et, éventuellement, l’alinéa de l’article de la loi du 26 janvier 1984 précitée en vertu duquel il est établi. Il fixe la date à laquelle le recrutement prend effet et, le cas échéant, prend fin et définit le poste occupé et ses conditions d’emploi. Il indique les droits et obligations de l’agent. » ;

Attendu que l’article 2 du décret n° 91-875 du 6 septembre 1991, pris pour l’application du premier alinéa de l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dispose que « L’assemblée délibérante de la collectivité ou le conseil d’administration de l’établissement fixe, dans les limites prévues à l’article 1er, la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités ou établissements… L’autorité investie du pouvoir de nomination détermine… le taux individuel applicable à chaque fonctionnaire. » ;

 

 

Attendu qu’aux termes des dispositions du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 « […] les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables […] du paiement des dépenses […]. Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière […] de dépenses […] dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors […] qu’une dépense a été irrégulièrement payée […] » ;

Attendu qu’avant de procéder au paiement de la dépense, les comptables sont tenus d’exercer les contrôles prévus aux articles 19 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ; que ces contrôles portent notamment sur la production des pièces justificatives ;

Attendu qu’en application de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales et de l’annexe I à ce dernier, dans sa version applicable à l’exercice 2014, le comptable public des collectivités territoriales est tenu d’exiger, en ce qui concerne le paiement des primes et indemnités (rubrique 210223), la « décision de l’assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen des indemnités » et la « décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination fixant le taux applicable à chaque agent. » ;

Attendu que par délibération en date du 25 mars 1986, la commune de Le Quesnoy a décidé d’accorder des primes de vacances et de fin d’année uniquement au personnel communal titulaire ; que les délibérations du conseil municipal de ladite commune des 12 mai 2005 et
13 mai 2013 relatives au régime indemnitaire du personnel communal précisent que la délibération du 25 mars 1986 portant notamment sur l’attribution d’un 13ème mois est toujours applicable ;

Attendu qu’aucune délibération prise par la commune ne prévoit le versement de primes de vacances et de fin d’année aux agents contractuels ; que, de plus, les contrats des agents, repris en annexe, ne prévoyaient pas le versement de ces deux primes ;

Attendu qu’au moment du paiement, le comptable, M. Patrice X, ne disposait pas des pièces justificatives requises par la nomenclature afin de procéder au versement de primes de vacances et de fin d’année aux agents contractuels concernés ;

Attendu que le comptable aurait donc dû suspendre les paiements en cause ;
qu’en n’ayant pas satisfait aux contrôles prévus par les articles 19 et 20 du décret du
7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, en particulier les contrôles des pièces justificatives de la dépense, le comptable, M. Patrice X, a manqué à ses obligations et engagé sa responsabilité au titre de l’article 60 de la loi n° 63-156 du
23 février 1963 ;

Attendu que le comptable n’établit pas l’existence de circonstances constitutives de la force majeure, au sens du premier alinéa du V de l’article 60 de la loi n° 63-156 susvisée ;

Sur l’existence d’un préjudice financier :

Attendu que selon l’article 60 susvisé de la loi du 23 février 1963 modifiée « la responsabilité personnelle et pécuniaire prévue au I est mise en jeu par le ministre dont relève le comptable, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes dans les conditions qui suivent » ; que « lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné […] le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;

Attendu qu’en l’absence de délibération de la commune de Le Quesnoy approuvant le versement de primes de vacances et de fin d’année aux agents contractuels et de mention dans leurs contrats concernant le versement de ces deux primes, les agents bénéficiaires de ces primes, repris en annexe, doivent être regardés comme les ayant perçues à tort, le principe même de leur versement étant apparu irrégulier ;

Attendu que le comptable a payé des dépenses qui n’auraient pas dû l’être compte tenu de l’absence des pièces justificatives ; qu’ainsi, le manquement du comptable a causé un préjudice financier à la commune ;

Attendu qu’il y a lieu de constituer M. Patrice X débiteur de la commune de Le Quesnoy pour la somme de 14 990,64  ; qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du
23 février 1963 précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 14 septembre 2016, date à laquelle M. Patrice X a eu connaissance, de façon certaine, de l’existence du réquisitoire ;

Sur le respect des règles du contrôle sélectif de la dépense :

Attendu que le IX de l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée dispose que « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l'appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l'obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ;

Attendu que le comptable a produit un plan de contrôle relatif à la commune de Le Quesnoy pour l’exercice 2014 signé par le comptable et le représentant du directeur départemental des finances publiques ; que ce plan prévoit le contrôle obligatoire et exhaustif de la paie des entrants et sortants, titulaires et contractuels ; que, s’agissant de la prime de fin d’année, ce plan de contrôle prévoit une vérification par sondage de dix payes au mois de décembre ;

Attendu, qu’au vu des documents produits par le comptable, ce dernier a vérifié la paye du mois de décembre 2014 en application stricte et entière du plan de contrôle ;

Par ces motifs,

DÉCIDE :

Article 1er : En ce qui concerne M. Patrice X, au titre de l’exercice 2014, présomption de charge unique

 M. Patrice X est constitué débiteur de la commune de Le Quesnoy pour la somme de 14 990,64 , augmentée des intérêts de droit à compter du
14 septembre 2016.

Article 2 : La décharge de M. Patrice X, pour sa gestion du 1er janvier 2014 au
31 décembre 2014, ne pourra être donnée qu’après apurement du débet fixé
ci-dessus.

 

Fait et jugé par M. Sylvain Huet, président de séance, M. Antoine Boura, premier conseiller et Mme Dorine Derouault, conseillère.

En présence de Mme Nathalie Trinel, greffière de séance.

 Nathalie Trinel  Sylvain Huet

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

En application des articles R. 242-14 à R. 242-16 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-17 à R. 242-19 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à
l’article R. 242-26 du même code.

JU-2017-0003 – Commune de Le Quesnoy 1/6


 

ANNEXE

Charge unique : primes de vacances et de fin d’année – exercice 2014

Mois

N° Bordereau

N° Mandat

Date mandat

Didier Y

Laurence Z

Bernard A

Patrick B

Mathieu C

Sébastien D

Hélène E

Laurence F

Nicole G

Fabrice H

Total

Juin 2014

125

1088

19/06/2014

731,59 

731,59 

731,59 

731,59 

731,59 

0,00 

736,22 

731,59 

731,59 

731,59 

6 588,94 

Décembre 2014

280

2197

11/12/2014

731,59 

731,59 

731,59 

731,59 

731,59 

1812,76 

736,22 

731,59 

731,59 

731,59 

8 401,70 

Total général charge unique

14 990,64 

 

JU-2017-0003 – Commune de Le Quesnoy 1/6