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3ème Section
Jugement n° 2017-0005
Audience publique du 14 mars 2017
Prononcé du 14 avril 2017 | Commune de Bréal-sous-Montfort (Ille-et-Vilaine)
Poste comptable : de Plélan-le-Grand
Exercices : 2011 à 2014 |
République Française
Au nom du peuple français
La chambre,
Vu le réquisitoire en date du 8 novembre 2016, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X, comptable de la commune de Bréal-sous-Montfort, au titre d’opérations relatives aux exercices 2011 à 2014, et notifié au comptable le 14 novembre 2016 ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable par M. X, à compter du 1er janvier 2011 ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique alors en vigueur et le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le rapport de M. Jean-François Forestier, président de section, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions du procureur financier ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendus lors de l’audience publique du 14 mars 2017, M. Jean-François Forestier, président de section, en son rapport, M. Patrick Prioleaud, procureur financier en ses conclusions, et M. Y, maire de Bréal-sous-Montfort, ordonnateur présent ayant eu la parole en dernier ;
Ayant délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier ;
Sur la présomption de charge unique soulevée à l’encontre de M. X, au titre des exercices 2011 à 2014 :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes de Bretagne de la responsabilité encourue par M. X, comptable de la commune de Bréal-sous-Montfort, à raison du paiement de dix mandats portant règlement de frais de déplacement pour un montant total de 2 794,25 euros, au bénéfice du maire et de six conseillers municipaux de la commune de Bréal-sous-Montfort au titre de leur participation aux congrès annuels de l’association des maires de France qui se sont déroulés de 2011 à 2014 ;
Attendu que le procureur financier relève que le comptable de la commune ne disposait pas, au moment du paiement, à l’appui de ces dépenses, de la délibération du conseil municipal de Bréal-sous-Montfort accordant un mandat spécial à ces élus les autorisant à se rendre aux congrès annuels de l’association des maires de France, et que l'absence de cette pièce justificative aurait dû conduire M. X à suspendre la prise en charge des mandats en cause, à en informer l’ordonnateur et à solliciter toute explication ou production des justifications nécessaires ;
Attendu que M. X, a accusé réception du réquisitoire le 14 novembre 2016, et, par courriel reçu au greffe de la chambre le 6 janvier 2017, a indiqué que le paiement de ces frais de déplacement n’a causé aucun préjudice financier à la collectivité dès lors que l’intention de la commune était de faire participer ses élus aux réunions de l’association des maires de France et qu’un plan de contrôle hiérarchisé de la dépense excluait le contrôle des mandats en cause ;
Sur l’existence d’un manquement :
Attendu qu’aux termes de l’article L. 2123-18 du code général des collectivités territoriales : « Les fonctions de maire, d'adjoint, de conseiller municipal, de président et membre de délégation spéciale donnent droit au remboursement des frais que nécessite l'exécution des mandats spéciaux. » ; qu’aux termes de l’article R. 2123-22-1 du même code : «Les membres du conseil municipal chargés de mandats spéciaux par leur assemblée peuvent prétendre, sur justificatif de la durée réelle du déplacement, d'une part, au paiement d'indemnités journalières destinées à rembourser forfaitairement leurs frais supplémentaires de repas et de nuitée nécessités par l'exercice de ces mandats et, d'autre part, au remboursement des frais de transport engagés à cette occasion. (…) » ;
Attendu que le mandat spécial, au sens des dispositions précitées de l'article L. 2123-18 du code général des collectivités territoriales, doit s'entendre de toutes les missions accomplies par un élu municipal avec l'autorisation du conseil municipal dans l'intérêt des affaires communales, à l'exclusion seulement de celles qui lui incombent en vertu d'une obligation résultant d'une disposition législative ou réglementaire ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier que la participation d’élus de la commune de Bréal-sous-Montfort aux congrès annuels de l’association des maires de France, qui se sont déroulés de 2011 à 2014 à Paris, doit être regardée comme une mission ne leur incombant pas en vertu d'une obligation résultant d'une disposition législative ou réglementaire ; que s’il n’est pas contesté qu’elle revêtait un intérêt pour les affaires communales, le conseil municipal devait, par délibération préalable, leur accorder un mandat spécial afin de les autoriser à se rendre et à participer à ces congrès annuels ;
Attendu qu’aux termes de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, "avant de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales (...) doivent exiger les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I du code précité "; que, s’agissant du remboursement des frais d’exécution d’un mandat spécial, les paiements doivent s’appuyer sur les pièces énumérées à la rubrique 3211, à savoir en particulier la délibération accordant un mandat spécial ; que le comptable ne disposait pas de cette délibération lors du paiement des frais de participation aux congrès de l’association des maires de France qui se sont déroulés de 2011 à 2014 ;
Attendu qu’aux termes du paragraphe I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 modifiée : « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière (…) de dépenses (…) dans les conditions prévues par le règlement général de la comptabilité publique. La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors (…) qu’une dépense a été irrégulièrement payée (…) » ; qu’aux termes de l’article 19-2 et du 3° et du 5° de l’article 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique en vigueur au moment des faits, le comptable est tenu en matière de dépenses d’exercer le contrôle de la validité de la dette et de s’assurer de l’intervention des contrôles préalables prescrits par la réglementation et de produire les pièces justificatives ; qu’en ouvrant sa caisse pour payer les mandats susvisés, sans avoir exigé l’ensemble des justifications prévues par la réglementation, M. X a commis un manquement de nature à engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire sur le fondement des dispositions de l’article 60 - I de la loi du 23 février 1963 modifiée ;
Sur les circonstances constitutives de la force majeure :
Attendu qu’aux termes du paragraphe V de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Lorsque (…) le juge des comptes constate l'existence de circonstances constitutives de la force majeure, il ne met pas en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public. / (…) / » ; qu’aucune circonstance constitutive de la force majeure n’a été constatée ; que la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable peut dès lors être engagée ;
Sur le lien de causalité entre le manquement et le préjudice financier :
Attendu que le paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 prévoit que « lorsque le manquement du comptable [à ses] obligations (…) n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce […]. Lorsque le manquement du comptable [à ses] obligations (…) a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […] le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
Attendu qu’aux termes de la réglementation sur les pièces justificatives de la dépense, il revient à l’assemblée délibérante d’accorder un mandat spécial aux élus pour toutes les missions accomplies dans l'intérêt des affaires communales, à l'exclusion seulement de celles qui lui incombent en vertu d'une obligation résultant d'une disposition législative ou réglementaire ; que le conseil municipal de la commune de Bréal-sous-Montfort n’avait pas accordé un tel mandat à la date du paiement des dépenses incriminées de 2011 à 2014 ; qu’en acceptant de payer les frais résultant de la participation des élus de la commune de Bréal-sous-Montfort aux congrès annuels de l’association des maires de France de 2011 à 2014 sans disposer de délibération leur accordant un mandat spécial pour ces missions, le comptable a procédé à des décaissements qui ont provoqué un appauvrissement patrimonial de la collectivité, non recherché par son assemblée délibérante, constitutif de ce fait d’un préjudice financier ;
Attendu qu’en application du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X se trouve engagée à hauteur de 574,75 euros au titre de l’exercice 2011, 710,50 euros au titre de l’exercice 2012, 864 euros au titre de l’exercice 2013 et 645 euros au titre de l’exercice 2014 ; qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 modifiée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; que la somme est augmentée des intérêts de droit à compter du 14 novembre 2016, date de réception par le comptable du réquisitoire du procureur financier ;
Sur le respect des règles du contrôle sélectif de la dépense et l’éventuel bénéfice d’une remise gracieuse :
Attendu qu’il résulte des dispositions des paragraphes VI et IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 que lorsque le manquement du comptable a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné, la remise gracieuse des sommes mises à sa charge qu’il est susceptible d’obtenir du ministre en charge du budget ne peut être totale, sauf à ce qu’il ait respecté les règles de contrôle sélectif des dépenses qui étaient applicables ; qu’il appartient au juge des comptes d’apprécier le respect par le comptable des dites règles ; que, dans le cas où les règles de contrôle sélectif des dépenses n’ont pas été respectées par le comptable, le ministre du budget est dans l'obligation de laisser à sa charge une somme au moins égale à deux fois le millième et demi du niveau de garanties que le comptable a dû constituer, conformément aux dispositions du paragraphe IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 modifiée ;
Attendu que les mandats litigieux ont été émis durant les exercices 2011 à 2014, pour lequel le comptable n’établit pas que le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense existant, lui permettait de s’exonérer du contrôle des mandats susvisés ; que dans ces conditions, en application du paragraphe IX de l’article 60 de la loi n° 63˗156 du 23 février 1963 modifiée et en l’absence de pièces établissant le respect des règles de contrôle sélectif de la dépense, M X ne peut bénéficier d'une remise gracieuse totale de la part du ministre chargé du budget ; qu'en l’espèce, il subsistera pour le comptable un laissé à charge au moins égal à 3 ‰ du montant de cautionnement qui s’élevait à 109 000 euros en 2011 et 2012 et 110 000 euros en 2013 et 2014 , soit 327 euros pour 2011 et 2012 et 330 euros pour 2013 et 2014
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : Au titre de l’exercice 2011, M. X est constitué débiteur de la commune de Bréal-sous-Montfort pour la somme de 574,75 euros, augmentée des intérêts de droit à compter du 14 novembre 2016, date de réception du réquisitoire.
Article 2 : Au titre de l’exercice 2012, M. X est constitué débiteur de la commune de Bréal-sous-Montfort pour la somme de 710,50 euros, augmentée des intérêts de droit à compter du 14 novembre 2016, date de réception du réquisitoire.
Article 3 : Au titre de l’exercice 2013, M. X est constitué débiteur de la commune de Bréal-sous-Montfort pour la somme de 864 euros, augmentée des intérêts de droit à compter du 14 novembre 2016, date de réception du réquisitoire.
Article 4 : Au titre de l’exercice 2014, M. X est constitué débiteur de la commune de Bréal-sous-Montfort pour la somme de 645 euros, augmentée des intérêts de droit à compter du 14 novembre 2016, date de réception du réquisitoire.
Les paiements n’entraient pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif.
Article 5 : Dans l’attente de l’apurement du débet, il est sursis à décharge de M. X au titre des exercices 2011 à 2014 ;
Article 6 : La décharge de M. X, comptable de la commune de Bréal-sous-Montfort, ne pourra être donnée qu’après apurement des débets fixés ci-dessus.
Fait et jugé par Mme Sophie Bergogne, présidente de séance ; MM Fabien Filliatre, Frédéric Chanliau, William Wichegrod et Eric Thibault, premiers conseillers ;
En présence de Mme Annie Fourmy, greffière de séance.
Signé de la greffière de séance Annie FOURMY |
Signé de la présidente Sophie BERGOGNE |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.[1]
La secrétaire générale
Catherine PELERIN
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En application des articles R. 242-14 à R. 242-16 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-17 à R. 242-19 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-26 du même code.
3, rue Robert d'Arbrissel - C.S. 64231 - 35042 Rennes Cedex - www.ccomptes.fr |
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[1] Sauf si non-lieu à charge