rapport n° 2017-0323

Commune de MONTVALEZAN
(Savoie)

jugement n° 2017-0052

Trésorerie de Bourg-Saint-Maurice

audience publique du 8 décembre 2017

code n° 073007176

délibéré du 8 décembre 2017

exercice 2014

proNONCÉ LE : 21 decembre 2017

 

 

 

 

République française

 

Au nom du peuple français

 

La chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-ALPES
(Statuant en 5èmesection)

 

Vu le réquisitoire29-GP/2017 à fin d’instruction de charge pris le 30 mai 2017 par le procureur financier près la chambre régionale des comptes Auvergne-RhôneAlpes ;

Vu l’arrêté de charge provisoire n°31/2014-0733007-176-04 du 25 avril 2017 du pôle régional d’apurement administratif de Toulouse ;

Vu les courriers de notification du réquisitoire en date du 26 juin 2017 adressés à M. Jean-Marie X..., comptable concerné, et à M. Jean-Claude Y..., maire de la commune de Montvalezan, dont ils ont accusé réception le 27 juin 2017 ;

VU le code général des collectivités territoriales ;

VU le code des juridictions financières ;

VU l’article 60 de la loi de finances pour 1963 n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée, notamment par l’article 90 de la loi de finances rectificative n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;

VU le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du § VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifiée ;

VU le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

VU les lois et règlements relatifs à la comptabilité des communes et des établissements publics locaux ;

Vu l’arrêté du 6 janvier 2016 de la présidente de la chambre régionale des comptes portant délégation de signature à M. Alain LAIOLO, président de la 5ème section ;

VU l’arrêté du président de la cinquième section de la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes en date du 23 juin 2017, désignant M. Joris MARTIN, conseiller, comme rapporteur pour instruire la charge identifiée dans le réquisitoire susvisé ;

VU la demande d’informations adressée le 30 juin 2017 à M. Jean-Marie X..., comptable mis en cause, et à M. Jean-Claude Y..., maire de la commune de Montvalezan ;

VU les observations écrites de M. Jean-Marie X..., enregistrées au greffe de la juridiction le 13 septembre 2017 ;

VU le compte produit en qualité de comptable de la commune de Montvalezan par M. Jean-Marie X... du 6 janvier 2014 au 31 décembre 2014 ;

VU le rapport n° 2017-323 de M. Joris MARTIN, conseiller, magistrat instructeur, déposé au greffe de la chambre le 24 octobre 2017 ;

VU les lettres du 31 octobre 2017 informant le comptable concerné et l’ordonnateur de la clôture de l’instruction ;

VU les lettres du 8 novembre 2017 informant le comptable et l’ordonnateur de la date fixée pour l’audience publique et les accusés de réception délivrés le 10 novembre 2017 par M. Jean-Marie X... et M. Jean-Claude Y... ;

Vu les conclusions n° 17-323 du procureur financier en date du 7 novembre 2017 ;

Entendu en audience publique M. Joris MARTIN, conseiller, en son rapport ;

Entendu en audience publique Mme Marie-Odile ALLARD, procureur financier, en ses conclusions ;

En l’absence du comptable concerné et de l’ordonnateur dûment informés de la tenue de l’audience ;

Après avoir délibéré hors la présence du public, du rapporteur et du procureur financier ;

 

En ce qui concerne la présomption de charge unique relative au paiement d’une subvention supérieure à 23 000 € au bénéfice de deux associations en l’absence de pièces justificatives

Sur les réquisitions du ministère public,

Attendu que par le réquisitoire n° 29-GP/2017 du 30 mai 2017, le procureur financier près la chambre régionale des comptes Auvergne, Rhône-Alpes, à la suite d’un arrêté de charges provisoires du directeur du pôle interrégional d’apurement administratif de Toulouse du 25 avril 2017 a saisi la juridiction sur le fondement du § III de l’article L. 242-1 du code des juridictions financières, à fin d’ouverture d’une instance à l’encontre de M. Jean-Marie X... au titre de sa gestion comptable sur l’exercice 2014 de la commune de Montvalezan ;

Attendu quen son réquisitoire, le procureur financier relève que le comptable mise en cause a payé deux subventions, d’une part une subvention d’un montant de 26 000 € au profit de l’association « union sportive Montvalezan » et, d’autre part une subvention de 30 000 € au profit de l’organisme « ESF La Rosière », sans disposer des pièces justificatives prévues par la sous-rubrique 7211 « premier paiement » de la rubrique 72 « subventions et primes de toute nature » de la liste des pièces justificatives des dépenses publiques locales annexée à l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales et notamment d’une convention passée entre la collectivité et les associations bénéficiaires, dès lors que la subvention versée est d’un montant supérieur à 23 000 € ;

Attendu que le procureur conclut de ce qui précède qu’en l’absence des pièces justificatives devant être jointes à l’appui des mandats de paiement en application de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, M. Jean-Marie X... paraît avoir engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ; qu’il se trouverait ainsi dans le cas déterminé par les dispositions de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 et qu’il y a lieu, en conséquence, d’ouvrir l’instance prévue au § III de l’article L. 242-1 du code des juridictions financières aux fins de déterminer la responsabilité encourue ;

Sur les observations de M. Jean-Marie X...,

Attendu que dans ses observations produites à la chambre, M. Jean-Marie X... expose que le centre des finances publiques de Bourg-Saint Maurice est en sous-effectif et doit de façon récurrente faire appel à l’équipe de renfort départementale ; que par ailleurs, selon lui les services de la commune de Montvalezan ont connu des problèmes de compétence et de personnel entre 2010 et 2014 ; que, sur le fond, il fait valoir que les subventions litigieuses ont été accordées par le conseil municipal via des délibérations du 26 février 2014 ; que dès lors, la commune de Montvalezan n’a pas subi de préjudice financier ; qu’enfin des conventions d’objectifs et de financement ont été conclues entre la commune et les associations à compter de l’exercice 2016 ;

Sur la responsabilité du comptable,

Attendu qu’aux termes de l’article 60-I modifié de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux différentes personnes morales de droit public» ; que « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ; que « leur responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu’un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu’une recette n’a pas été recouvrée, qu’une dépense a été irrégulièrement payée » ;

Attendu que l’article 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, applicable sur les exercices 2014 et 2015, dispose que « le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : (…) 5°/ la production des pièces justificatives » ;

Attendu qu’il résulte de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, qu’avant de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I du présent code ; que, pour ce qui concerne le paiement d’une subvention à une association, la sous rubrique 7211 « premier paiement » de la rubrique 72 « subventions et primes de toute nature » prévoit, d’une part, en son premier point la production d’une « décision arrêtant le bénéficiaire et le montant ainsi que l’objet et, le cas échéants, les condition d’octroi et les charges d’emploi » ou « lorsque la décision intervient à l’occasion de l’adoption du budget, dans les conditions définies au deuxième alinéa de l’article L. 2311-7 du CGCT, référence sur le budget arrêtant le bénéficiaire et le montant » et, d’autre part, en son troisième point, une convention entre le bénéficiaire et la collectivité dès lors que le montant de la subvention versée est supérieur à 23 000 € ;

Attendu que sur l’exercice 2014, M. Jean-Marie X... a payé au compte 6574 « subventions de fonctionnement aux personnes de droit privé » une subvention de 26 000 € à l’association « union sportive Montvalezan » ;

Attendu que sur le même exercice, Jean-Marie X... a également payé une subvention de 30 000 € à l’école du ski français de La Rosière ;

Attendu que par une délibération en date du 26 février 2014, le conseil municipal de Montvalezan a alloué une subvention de 26 000 € à l’association « union sportive Montvalezan » ; ainsi qu’une subvention de 30 000 € à l’association « ESF La Rosière » ; que ces délibérations sont antérieures à la prise en charge des mandats de paiement litigieux ; que dès lors, M. Jean-Marie X... était bien en possession de décisions d’attribution comme l’exigence la nomenclature des pièces justificatives ;

Attendu qu’en vertu des dispositions combinées de l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et du décret 2001-495 du 6 juin 2001, l’autorité administrative qui attribue une subvention supérieure à 23 000 € doit conclure une convention avec l’organisme de droit privé qui en bénéficie, définissant l’objet le montant et les conditions d’utilisation de la subvention attribuée ; que la production de cette convention est prévue par la nomenclature des pièces justificatives des dépenses publiques locales ; que dès lors, un comptable public doit suspendre le paiement d’une subvention supérieur à 23 000 €, lorsque n’est pas jointe à l’appui des mandats une telle convention ;

Attendu qu’en l’espèce, aucune convention n’a été passée entre la commune de Montvalezan et les deux associations précitées alors que ces dernières recevaient des montants de subventions supérieurs à 23 000 € de la collectivité sur l’exercice ; qu’il en résulte donc que M. Jean-Marie X... a manqué à ses obligations de contrôle de la production des pièces justificatives telles que définies par l’article 20 du décret portant gestion budgétaire et comptable publique; que sa responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve ainsi engagée à hauteur de 56 000 ;

 

Sur le préjudice financier pour la commune,

Attendu que l’article 60-VI de la loi du 23 février 1963, modifié par la loi n° 20111978 du 28 décembre 2011, dispose que, « lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n'a pas causé de préjudice financier à l'organisme public concerné, le juge des comptes peut l'obliger à s'acquitter d'une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en Conseil d'État en fonction du niveau des garanties mentionnées au II./ Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public, l'organisme public a dû procéder à l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers ou a dû rétribuer un commis d'office pour produire les comptes, le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;

Attendu que par la délibération précédemment mentionnées du 26 février 2014, la commune de Montvalezan a voté l’octroi des subventions aux associations « union sportive Montvalezan » et « ESF la Rosière » ; que, dès lors, le paiement des mandats litigieux, bien qu’irrégulier du fait de l’absence de convention, n’était pas indu ; qu’ainsi le manquement du comptable a ses obligations n’a pas causé de préjudice financier à la commune de Montvalezan ;

 

Sur la somme mise à charge du comptable,

Attendu que le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du § VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dispose dans son article 1 que « la somme maximale pouvant être mise à la charge du comptable, conformément aux dispositions du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, est fixée à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré » ; que le cautionnement fixé pour le poste comptable de Bourg-Saint-Maurice en 2014 était de 179 000 ; que le montant maximal de la somme dont la chambre peut obliger la comptable à s’acquitter ne peut dès lors excéder 268,50 € pour l’exercice 2014;

 Attendu que compte tenu des circonstances de l’espèce, il y a lieu de laisser à la charge de M. Jean-Marie X... une somme non rémissible de 140 ;

 

 

PAR CES MOTIFS

DECIDE

Article 1 :

Il est mis à la charge de M. Jean-Marie X... en application du § VI alinéa 2 de l’article 60 modifiée de la loi n°636156 du 23 février 1963 une somme non rémissible de 140.

 

 

Article 2 :

M. Jean-Marie X... ne pourra être déchargé de sa gestion du 6 janvier 2014 au 31 décembre 2014 par le directeur du pôle interrégional d’apurement administratif de Toulouse qu’après avoir justifié du paiement de la somme mise à sa charge.

 

 

 

Fait et jugé par M. Alain LAIOLO, président de section, président de séance ;

Mme Sophie CORVELLEC, première conseillère, Mme Jennifer EL BAZ, conseillère. 

En présence de Mme Brigitte DESVIGNES, greffière de séance.

 

 

 

La greffière de séance

Le président de séance

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Brigitte DESVIGNES

Alain LAÏOLO

 

 

 

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis

 

 

En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.

 

 

 

1/6 – jugement  2017-0052