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Chambre plénière
Jugement n° 2017-022
Audience publique du 14 novembre 2017
Prononcé du 28 novembre 2017 | CENTRE GÉRIATRIQUE DE SAINT-JEAN DE MONTS (Vendée)
Poste comptable : SAINT-JEAN DE MONTS
Exercices : 2011 à 2014 |
République Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
Vu le réquisitoire en date du 28 mars 2017, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de MM. X… et Y…, comptables du centre gériatrique de Saint-Jean de Monts, au titre d’opérations relatives aux exercices 2011 à 2014, notifié le 30 mars 2017 aux comptables concernés ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptables du centre gériatrique de Saint-Jean de Monts, par M. X…, du 1er janvier 2011 au 1er janvier 2013 et M. Y…, du 2 janvier 2013 au 31 décembre 2014, ensemble les comptes annexes ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code civil ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le rapport de Madame Sandrine TAUPIN, première conseillère, magistrate chargée de l’instruction ;
Vu les conclusions du procureur financier ;
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Vu les pièces du dossier, et, notamment, les réponses de MM. X…,
Y… enregistrées au greffe de la chambre respectivement les 13 juin 2017, et 30 juin 2017 et 22 août 2017, et la réponse de l’ordonnateur du centre gériatrique enregistrée au greffe de la chambre le 19 juin 2017 ;
Entendu lors de l’audience publique du 14 novembre 2017, Mme Sandrine TAUPIN, première conseillère, en son rapport, M. Sébastien HEINTZ, procureur financier, en ses conclusions, et M. Y…, présent, ayant eu la parole en dernier ; M. X… n’étant ni présent, ni représenté ;
Entendu en délibéré M. Michel SOISSONG, président de section, réviseur, en ses observations ;
Sur la présomption de charge unique, soulevée à l’encontre de M. X… ou de M. Y…, au titre de leur gestion respective :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes des Pays de la Loire de la responsabilité encourue par M. X… ou par M. Y… à raison de l’absence de recouvrement de deux titres émis en 2010 à l’encontre de M. Z… pour un montant total de 2 146,62 €, détaillé dans le tableau ci‑dessous ;
Exercices | N° pièce | Date PEC | Objet | Restes à recouvrer au 31/12/2014 |
2010 | T-1505 | 07/10/2010 | Facturation du 01/09/2010 au 30/09/2010 M. Z… | 1 694,70 € |
2010 | T-1671 | 09/11/2010 | Facturation du 01/09/2010 au 30/09/2010 M. Z… | 451,92 € |
TOTAL | 2 146,62 € |
Attendu que sur l’état des restes à recouvrer du centre gériatrique de Saint-Jean de Monts, établi au 31 décembre 2014, figurent ces deux titres pris en charge le 7 octobre 2010 et le 9 novembre 2010 ;
Attendu qu’il ressort de l’instruction que le débiteur concerné est décédé le 2 janvier 2011 ; qu’aucun élément n’atteste que les créances auraient été régulièrement déclarées au domicile élu de la succession dans le délai requis par les articles 792 et 976 du code civil ; que faute de document probant, aucun acte interruptif de prescription ne semble non plus être intervenu dans les quatre années qui ont suivi la naissance desdites créances ;
Attendu que faute de présentation régulière des créances dans le cadre de la succession conformément aux dispositions précitées du code civil, leur recouvrement se serait trouvé définitivement compromis à l’expiration du délai de 15 mois suivant la publicité donnée à l’acceptation officielle de la succession à concurrence de l’actif net, soit au plus tôt, le
2 avril 2012, sous la gestion de M. X… ;
Attendu que dans l’hypothèse où les créances auraient été valablement produites auprès de la succession, en tout état de cause, aucun acte de poursuite susceptible d’avoir interrompu la prescription de recouvrement ne semble avoir été pris ; qu’il résulte dès lors que l’action en recouvrement du comptable public pourrait s’être trouvée prescrite et donc définitivement compromise les 7 octobre et 9 novembre 2014, sous la gestion de M. Y… ;
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Attendu que les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu’ils dirigent, en application de l’article 60-I (1er alinéa) de la loi n° 63‑156 du 23 février 1963 modifiée, de l’article 11 du décret du 29 décembre 1962 susvisé, applicable aux exercices 2010 à 2012, et de l’article 18 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, applicable à partir de l’exercice 2013 ;
Attendu qu’en application de l’article 60-I (3e alinéa) de la loi du 23 février 1963, la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable se trouve engagée dès lors qu'une recette n'a pas été recouvrée ; que la jurisprudence constante de la Cour permet au comptable de dégager sa responsabilité en apportant la preuve que ses diligences en vue du recouvrement ont été adéquates, complètes et rapides ; que, lorsque tel n'est pas le cas, son action doit être regardée comme insuffisante et sa responsabilité engagée, s'il est établi que les possibilités de recouvrement ont été, de ce fait, compromises ;
Attendu que l’article L. 6145-9 du code de la santé publique dispose que « les créances des établissements sont recouvrées comme il est dit à l’article L. 1611-5 et à l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales » ;
Attendu que l’article L. 1617-5 (3e alinéa) du code général des collectivités territoriales dispose que « l’action des comptables publics chargés de recouvrer les créances des régions, des départements, des communes et des établissements publics locaux se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge des titres de recettes ; le délai de quatre ans … est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des débiteurs et par tous actes interruptifs de la prescription » ;
Attendu que lorsque le décès est intervenu sans qu’une mise en cause des obligés alimentaires ait été réalisée, le règlement de la créance ne peut être demandé que dans le cadre de la succession ; que le recouvrement doit être poursuivi à l’encontre de cette dernière au moyen d’un titre de recettes pour ordre émis à son nom, soit auprès du (ou des) héritier(s) qui a (ont) accepté la succession (article 782 à 786 du code civil), soit au domicile de la succession dans un délai de 15 mois dans le cas d’une succession acceptée à concurrence de l’actif net (article 792 du code civil), soit, enfin, auprès de l’autorité administrative chargée du domaine, curateur d’une succession vacante (articles 809 et suivant du code civil) ;
Attendu qu’en réponse, M. X…, comptable en fonction du 1er janvier 2011 au 1er janvier 2013, indique que suite au décès de M. Z… aucune information n’a été portée à sa connaissance sur l’ouverture d’une succession chez un notaire lui permettant de déclarer les créances au passif de la succession tel que rapporté aux articles 792 et 796 du code civil ; qu’à sa connaissance, il n’y avait pas de vacance de la succession ; que seuls des courriers ont été adressés à la fille de M. Z…, que cette dernière n’a jamais répondu aux différents courriers ;
Attendu, cependant, qu’il résulte de l’instruction que M. X… n’a pas pu fournir d’accusés de réception pour valoir notification des oppositions à tiers détenteur (OTD) adressées, ainsi que des courriers transmis à la fille de M. Z… ;
Attendu qu’en outre, M. X… a ajouté que faute d’éléments transmis par la fille de M. Z…, la bonne procédure n’a pas pu être mise en œuvre ; qu’il souligne le manque de temps pour effectuer des recherches dans la réglementation ainsi que la difficulté à effectuer un suivi régulier des dossiers débiteurs, ces derniers étant nombreux, avec des moyens humains réduits et une rotation des personnels ; qu’un soutien quasi quotidien de sa part était nécessaire pour éviter les retards de paiement dans le secteur des dépenses des collectivités locales ; que, toutefois, ces éléments, à les supposer établis, sont sans incidence sur la présomption de manquement en cause ;
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Attendu qu’en l’espèce, il appartenait en effet au comptable d’effectuer les recherches auprès des héritiers ou du notaire chargé de la succession lui permettant ainsi d’effectuer la déclaration des créances ;
Attendu qu’en complément de sa réponse, M. Y…, comptable en fonction du 2 janvier 2013 au 31 décembre 2014, n’a apporté aucun élément sur l’ouverture de la succession ni même sur la date de l’acceptation de la succession ;
Attendu que les seules informations transmises par M. Y…, concernent l’épouse et la fille de M. Z… ; que l’épouse de ce dernier est décédée le 13 février 2013 et que sa fille était, selon lui, au demeurant introuvable ;
Attendu que dans sa réponse, Mme A…, directrice du centre gériatrique, et à ce titre, ordonnateur, a précisé que M. Z… avait fait une demande d’aide sociale établie auprès du conseil départemental le 31 décembre 2009 pour ensuite l’annuler le 1er mars 2010 au motif qu’il était en capacité de régler ses frais d’hébergement ;
Attendu que Mme A…, a précisé que M. Z… a quitté la structure le 9 octobre 2010, pour intégrer une autre structure ; qu’il est décédé à son domicile de Saint-Jean de Monts en 2011 ; que l’intéressé avait une épouse, elle‑même décédée le 13 février 2013 et avait deux enfants ;
Attendu, cependant, qu’il est constant qu’aucune diligence n’a été effectuée auprès de la succession ; qu’aucune preuve de contacts avec le notaire ou les héritiers après le décès de M. Z… pour connaître la situation de la succession (acceptation, acceptation à due concurrence ou renoncement) n’a été produite ;
Attendu qu’ainsi et faute d’interruption des délais de prescription, par des actes de recouvrement forcé, par la déclaration auprès de la succession ou par la saisine du juge aux fins de régler la dette, le recouvrement des créances s’est trouvé irrémédiablement compromis, quatre ans après leur date de prise en charge, soit respectivement le 7 octobre 2014 et le 9 novembre 2014, sous la gestion de M. Y… ;
Attendu qu’il résulte de ce qui précède que M. Y… n’a pas apporté la preuve que ses diligences ont été adéquates, complètes et rapides, et qu’il a, de ce fait, manqué à ses obligations en matière de recouvrement ;
Attendu qu’il n’est établi, ni même allégué par le comptable, aucune circonstance constitutive de la force majeure ;
Attendu, en conséquence, qu’il y a lieu de mettre en jeu sa responsabilité personnelle et pécuniaire à hauteur de la somme totale de 2 146,62 € ;
Attendu qu’il existe un lien direct de causalité entre le manquement précité du comptable et l’absence de recouvrement des titres en cause ; qu’en conséquence, le centre gériatrique de Saint-Jean de Monts a subi un préjudice financier, au sens des dispositions du troisième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février susvisée ;
Attendu qu’aux termes du même article, « lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
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Attendu qu’il y a lieu de constituer M. Y… débiteur du centre gériatrique de Saint-Jean de Monts pour la somme de 2 146,62 €, au titre de l’exercice 2014 ;
Attendu qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics », c’est-à-dire à la date de réception par le comptable de la notification du réquisitoire du ministère public ; qu’il convient de fixer, au cas particulier, le point de départ des intérêts au 30 mars 2017 ;
Attendu qu’en application du paragraphe IX de l’article 60 de la loi n° 63-156 précitée, les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans ce cadre ne peuvent obtenir du ministre chargé du budget une remise gracieuse totale ; que la somme laissée à la charge de M. Y… par le ministre ne pourra être inférieure à 3 ‰ du montant de son cautionnement (fixé à 151 000 €), soit une somme de quatre cent cinquante-trois euros (453 €) ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : En ce qui concerne M. X…, au titre des exercices 2011 à 2013, jusqu’au 1er janvier (présomption de charge unique)
Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de M. X… au titre de la présomption de charge unique, pour les exercices 2011 à 2013, jusqu’au 1er janvier.
M. X… est déchargé de sa gestion pour la période du 1er janvier 2011 au 1er janvier 2013.
M. X… est déclaré quitte et libéré de sa gestion terminée le 1er janvier 2013.
Mainlevée peut être donnée et radiation peut être faite de toutes oppositions et inscriptions mises ou prises sur ses biens meubles ou immeubles ou sur ceux de ses ayants cause pour sûreté de ladite gestion et son cautionnement peut être restitué ou ses cautions dégagées.
Article 2 : En ce qui concerne M. Y…, au titre de l’exercice 2013, du 2 janvier au 31 décembre (présomption de charge unique)
Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de M. Y… au titre de la présomption de charge unique, pour l’exercice 2013.
M. Y… est déchargé de sa gestion pour la période du 2 janvier 2013 au 31 décembre 2013.
Article 3 : En ce qui concerne M. Y…, au titre de l’exercice 2014 (présomption de charge unique)
M. Y… est constitué débiteur du centre gériatrique de Saint-Jean de Monts pour la somme de deux mille cent quarante-six euros et soixante-deux centimes (2 146,62 €), augmentée des intérêts de droit à compter du 30 mars 2017.
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L’éventuelle remise gracieuse du ministre ne pourra être totale et la somme laissée à la charge de M. Y… ne pourra être inférieure à quatre cent cinquante-trois euros (453 €).
Article 4 : La décharge de M. Y… ne pourra être donnée qu’après apurement du débet, fixé ci-dessus.
Fait et jugé par M. François MONTI, président, président de séance, M. Michel SOISSONG, président de section, MM. Jean-Luc MARGUET, Bertrand SCHNEIDER, Pierre COTTON, premiers conseillers.
En présence de Marie-Andrée SUPIOT, greffière de séance.
Marie-Andrée SUPIOT
greffière de séance | François MONTI
président de séance |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
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L’éventuelle remise gracieuse du ministre ne pourra être totale et la somme laissée à la charge de M. Y… ne pourra être inférieure à quatre cent cinquante-trois euros (453 €).
Article 4 : La décharge de M. Y... ne pourra être donnée qu’après apurement du débet, fixé ci-dessus.
Fait et jugé par M. François MONTI, président, président de séance, M. Michel SOISSONG, président de section, MM. Jean-Luc MARGUET, Bertrand SCHNEIDER, Pierre COTTON, premiers conseillers.
En présence de Marie-Andrée SUPIOT, greffière de séance.
Signé : Marie-Andrée SUPIOT, greffière de séance
François MONTI, président de séance
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Ampliation certifiée conforme à l’original
Christophe GUILBAUD secrétaire général |
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.
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