rapport n° 2017-0089

commune de Ville-la-Grand
(Haute-Savoie)

jugement n° 2017-0028

trésorerie d’Annemasse

audience publique du 23 mai 2017

code n° 074005305

délibéré du 23 mai 2017

exercice 2012

prononcÉ le : 28 juin 2017

 

République française

 

Au nom du peuple français

 

La chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-ALPES
(Statuant en 5èmesection)

 

Vu le réquisitoire n° 01-GP/2017 à fin d’instruction de charges pris le 10 janvier 2017 par le procureur financier près la chambre régionale des comptes Auvergne-RhôneAlpes ;

Vu les courriers de notification du réquisitoire en date du 03 février 2017 adressés à M. Michel X..., comptable concerné, et à Mme Nadine Y..., maire de la commune Ville-la-Grand, dont ils ont accusé réception le 06 février 2017 ;

VU le code général des collectivités territoriales ;

VU le code des juridictions financières ;

VU l’article 60 de la loi de finances pour 1963 n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;

VU le décret n°1962-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

VU les arrêtés de la présidente de la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes relatifs aux attributions, à la composition et aux compétences des sections et des formations de délibéré ;

VU l’arrêté de la présidente de la chambre régionale des comptes portant délégation de signature à M. Alain LAIOLO, président de la 5ème section ;

VU l’arrêté du président de la cinquième section de la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes en date du 23 janvier 2017, désignant M. Joris MARTIN, conseiller, comme rapporteur pour instruire la charge identifiée dans le réquisitoire susvisé ;

VU la demande d’informations adressée le 15 février 2017 à M. Michel X..., comptable mis en cause, et à Mme Nadine Y..., maire de la commune de Ville-la-Grand ;

VU les observations écrites de M. Michel X... en date du 1er mars 2017 ;

VU le compte produit en qualité de comptable de la commune de Ville-la-Grand par M. Michel X... du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012 ;

VU le rapport n° 2017-0089 de M. Bruno VIETTI, président de section, magistrat instructeur, déposé au greffe de la chambre le 13 avril 2017 ;

VU les lettres du 14 avril 2017 informant le comptable concerné et l’ordonnateur de la clôture de l’instruction ;

VU les lettres du 25 avril 2017 informant la comptable et l’ordonnateur de la date fixée pour l’audience publique et les accusés de réception délivrés le 26 avril 2017 par M. Michel X... et Mme Nadine Y... ;  

Vu les conclusions n° 17-089 du procureur financier en date du 20 avril 2017 ;

Entendu en audience publique M. Bruno VIETTI, président de section, en son rapport et Mme Marie-Odile ALLARD, procureur financier, en ses conclusions ;

En l’absence de l’ordonnateur et du comptable dûment informés de la tenue de l’audience ;

Après avoir délibéré hors la présence du public, du rapporteur et du procureur financier ;

En ce qui concerne la charge unique relative à la prise en charge d’un mandat d’annulation de titre de 54 149.81 € sur l’exercice 2012 en l’absence de pièces justificatives et de contrôle de la liquidation

Sur les réquisitions du ministère public,

Attendu que par le réquisitoire n° 04-GP/2016 du 17 janvier 2017, le procureur financier près la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes a saisi la juridiction sur le fondement du § III de l’article L. 242-4 du code des juridictions financières, à fin d’ouverture d’une instance à l’encontre de M. Michel X... au titre de sa gestion comptable sur l’exercice 2012 de la commune de Ville-la-Grand ;

Attendu qu’en son réquisitoire, le procureur financier relève que le comptable public mis en cause a pris en charge au compte 673, le 30 octobre 2012, le mandat n°293 du 29 octobre 2012 d’annulation du titre n°458 du 13 septembre 2012 émis à l’encontre de la société BATI d’un montant de 54 149,81 € ; que toutefois, une annulation partielle de titre n’était justifiée par l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon qu’à hauteur de 45 275,40 € ; que dès lors la somme de 7 420,08 € restait due par la société BATI à la commune et n’aurait donc pas dû faire l’objet d’une annulation de créance ; qu’en conséquence M. X... a pris en charge le mandat d’annulation en présence d’une pièce justificative incohérente et sans contrôler l’exactitude de la liquidation ;              

Attendu que le procureur conclut de ce qui précède qu’en l’absence des pièces justificatives devant être jointes à l’appui des mandats de paiement en application de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, M. Michel X... paraît avoir engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ; qu’il se trouverait ainsi dans le cas déterminé par les dispositions de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 et qu’il y a lieu, en conséquence, d’ouvrir l’instance prévue au § III de l’article L. 242-4 du code des juridictions financières aux fins de déterminer la responsabilité encourue ;

 

Sur les observations de M. Michel X..., comptable mis en cause,

Attendu que par ses observations écrites en date du 1er mars 2017, M. Michel X... précise que sa trésorerie a indiscutablement commis une erreur en prenant en charge le mandat d’annulation précité ; que pour corriger cette erreur, la commune a émis un titre de recettes d’un montant de 7 420,08 € le 23 février 2017 ; que ce titre a été pris en charge par la trésorerie d’Annemasse le 28 février suivant ; qu’il fait valoir, qu’au regard des délais de prescription non expirés, l’existence d’un préjudice financier définitif subi par la collectivité n’est, à ce jour, pas avéré ;

Sur les conclusions du ministère public,

Attendu que dans ses conclusions en date du 20 avril 2017, le procureur financier près la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes fait valoir que le préjudice financier s’apprécie à la date du paiement et que tout paiement indu cause nécessairement un préjudice financier ; qu’ainsi au jour de l’audience, faute de recouvrement, la chambre devra conclure à l’existence d’un préjudice financier ;

Sur la responsabilité du comptable,

Attendu qu'aux termes de l'article 60-1 modifié de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables (…) du paiement des dépenses, (…) de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité » ; que « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière (…) de dépenses» ; que leur « responsabilité personnelle et pécuniaire prévue (ci-dessus) se trouve engagée dès lors (…) qu’une dépense a été irrégulièrement payée » ;

Attendu que l’article 13 du décret n°1962-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, « qu’en ce qui concerne la validité de la créance, le contrôle porte sur : la justification du service fait et l’exactitude des calculs de la liquidation (…) l’intervention préalable des contrôles réglementaires et la production des justifications… » ;

Attendu qu’il résulte de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, qu’avant de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I du présent code ; que, pour ce qui concerne les annulations ou réduction d’une recette, la rubrique 142 de la nomenclature des pièces justificatives exige la production « d’un état précisant, pour chaque titre, l’erreur commise » ;

Attendu qu’il ressort de l’instruction que M. Michel X... a pris en charge le mandat d’annulation de titre n°293/2012 sans disposer de la pièce justificative requise et sans contrôler l’exactitude de la liquidation du fait de l’incohérence entre le montant du mandat d’annulation et le montant justifié par l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon en date du 22 septembre 2011 ; qu’en conséquence, le mandat précité aurait dû être rejeté ;

Attendu qu’en procédant à la prise en charge du mandat litigieux sans disposer de la pièce justificative prévue par la nomenclature des pièces justificatives et sans s’assurer de l’exactitude de la liquidation, M. Michel X... a manqué à ses obligations de contrôle de la validité de la créance telle que définies par l’article 13 du décret portant règlement général sur la comptabilité publique précité ; que sa responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve ainsi engagée à hauteur de 54 149,81 ;

Sur le préjudice financier pour la commune,

Attendu que l’article 60-VI de la loi du 23 février 1963, modifié par la loi n° 20111978 du 28 décembre 2011, dispose que, « lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n'a pas causé de préjudice financier à l'organisme public concerné, le juge des comptes peut l'obliger à s'acquitter d'une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce » ;

Attendu que le comptable a demandé à l’ordonnateur la réémission d’un titre pour le montant annulé à tort ; que ce titre n°113/2017 a été pris en charge le 28 février 2017 et n’est donc pas touché par la prescription de l’action en recouvrement ; que dès lors, à la date de l’audience, le manquement de M. X... a ses obligations a été régularisé ; qu’ainsi la commune de Ville-la-Grand n’a pas subi de préjudice financier, nonobstant l’absence d’encaissement effectif ;

Attendu que si le ministère public soutient à juste titre que tout paiement indu cause nécessairement un préjudice financier, le réquisitoire du procureur financier ne vise pas la prise en charge du mandat de paiement initial  mais seulement la prise en charge d’un mandat d’annulation de titre en l’absence de pièces justificatives et de contrôle de la liquidation ; que dès lors la réémission d’un titre fait obstacle à la caractérisation d’un préjudice financier, ce dernier s’appréciant au regard de la comptabilité d’engagement et non d’une comptabilité de caisse ;

Sur la somme mise à la charge du comptable,

Attendu que le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du § VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dispose dans son article 1 que « la somme maximale pouvant être mise à la charge du comptable, conformément aux dispositions du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, est fixée à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré » ;qu’au regard du cautionnement du poste comptable, la somme irrémissible susceptible d’être laissée à la charge de M. Michal X... ne peut excéder 226 € sur l’exercice 2012;

Attendu que si la carence du comptable est réelle, ce dernier a entreprise des diligences rapides en vue du recouvrement de la créance, qu’il y a donc lieu pour la chambre, en faisant une juste appréciation des circonstances de l’espèce, de laisser à la charge de M. Michel X... une somme non rémissible de 100 € ;

 

PAR CES MOTIFS

DECIDE

Article 1 :

Il est laissé à la charge de M. Michel X... une somme non rémissible de 100  € sur l’exercice 2012 au titre de la présomption de charge unique élevée par le réquisitoire du procureur financier;

 

Article 2 :

M. Michel X... ne pourra être déchargé de sa gestion du 2 avril 2012 au 31 décembre 2012 qu’après avoir justifié du paiement de la somme non rémissible mise à sa charge.

 

 

Fait et délibéré en la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes, 5èmesection, le vingt-trois mai deux mille dix-sept.

 

Présents : M Alain LAIOLO, président de section, président de séance ; 

M. Michel BON, premier conseiller ;

M. Joris MARTIN, conseiller.

 

 

La greffière

Le président de séance

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Corinne VITALE-BOVET

Alain LAIOLO

 

 

 

 

Voies et délais de recours :

 

Article R. 242-19 du code des juridictions financières : « Les jugements et ordonnances rendus par les chambres régionales des comptes peuvent être attaqués dans leurs dispositions définitives par la voie de l'appel devant la Cour des comptes ».

Article R. 242-22 du code des juridictions financières : « La requête en appel, signée par l'intéressé, doit être déposée ou adressée par lettre recommandée au greffe de la chambre régionale des comptes.

La requête doit contenir, à peine de nullité, l'exposé des faits et moyens, ainsi que les conclusions du requérant. Elle doit être accompagnée des documents sur lesquels elle s'appuie et d'une copie du jugement ou de l’ordonnance attaqué ».

Article R. 242-23 du code des juridictions financières : « L'appel doit être formé dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement ou de l’ordonnance (…) ».

1/5 – jugement n° 2017-0028