1 / 6

 

 

 

 

 

Première section

 

Jugement 2017-0027 J

 

Audience publique du 28 novembre 2017

 

Prononcé du 15 décembre 2017

Agence régionale des espaces verts

de la région Île-de-France (75)

 

 

Trésorerie des établissements publics locaux

 

Exercices : 2011 à 2013

 

 

République Française

Au nom du peuple français

 

La chambre,

 

 

Vu le réquisitoire en date du 30 septembre 2016, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X…, comptable de l’agence des espaces verts de la région Île-de-France au titre d’opérations relatives aux exercices 2011 à 2013, notifié le 7 octobre 2016 au comptable concerné ;

 

Vu les comptes rendus en qualité de comptable de l’agence des espaces verts de la région Ile-France, par M. X…, pour les exercices 2011 à 2013 ;

 

Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;

 

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le décret n°62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique et le décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

Vu le décret n°2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

Vu le rapport de M. Pierre Petit premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;

Vu les conclusions du procureur financier ;

Vu les pièces du dossier ;

 

6, cours des Roches - Noisiel  - B.P. 187 - 77315 Marne-la-Vallée Cedex 2 - www.ccomptes.fr

 

 


 

 

 1 / 6

 

Entendu lors de l’audience publique du 28 novembre 2017, M. Petit en son rapport, Mme Isabelle Banderet-Rouet, procureur financier, en ses conclusions, et M. X…, comptable présent, ayant eu la parole en dernier, l’ordonnateur, informé de la date de l’audience, n’étant ni présent, ni représenté ; 

Entendu en délibéré M. Yves Bénichou, réviseur, en ses observations ;

 

Attendu qu’aux termes du premier alinéa du I de l’article de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Outre la responsabilité attachée à leur qualité d'agent public, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux différentes personnes morales de droit public dotées d'un comptable public, désignées ci-après par le terme d'organismes publics, du maniement des fonds et des mouvements de comptes de disponibilités, de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils dirigent. » ; que, selon le troisième alinéa : « La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu'un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu'une recette n'a pas été recouvrée, qu'une dépense a été irrégulièrement payée […] » ;

 

Sur la présomption de charge n°1 relative à un titre de recettes non recouvré :

 

Attendu que par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes Île-de-France, de la responsabilité encourue par M. X… pour avoir manqué aux obligations de recouvrement d’un titre de recettes d’un montant de 1 742,95 € pris en charge le 24 avril 2008, qui aurait été atteint par la prescription quadriennale à compter du 25 avril 2012 ;

 

Attendu que selon le 3° de l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales susvisé : « L’action des comptables chargés de recouvrer les créances des régions, des départements, des communes et des établissements publics locaux se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge du titre de recettes. Le délai de quatre ans mentionné à l’alinéa précédent est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des débiteurs et par tous actes interruptifs de la prescription » ;

 

Attendu qu’il ressort de l’état des restes à recouvrer de l’agence régionale des espaces verts de la région Île-de-France (AEV) au 31 décembre 2013, que le titre n° 6240186 pris en charge par le comptable le 24 avril 2008, d’un montant de 1 742,95 €, relatif à la vente de bois, restait toujours à recouvrer ;

 

Attenu que dans sa réponse du 20 février 2017, le comptable ne fait que rappeler les diligences listées sur le bordereau de situation du redevable et sur plusieurs copies d’écran, lesquelles ont toutes été accomplies tardivement en 2013 et 2014, alors que le titre était déjà prescrit depuis le 25 avril 2012 ;

 

Attendu en outre que le comptable reconnait que « ce dossier ne présentait pas de caractéristique ni de sensibilité particulière » ; que « l’absence de poursuite pendant la période de validité [du titre] semble due à une négligence du service » ; qu’il fait également valoir que l’insolvabilité du débiteur n’est apparue qu’à la suite des oppositions à tiers détenteur effectuées auprès d’établissements bancaires à compter du 21 novembre 2013 pour la plus ancienne ;

6, cours des Roches - Noisiel  - B.P. 187 - 77315 Marne-la-Vallée Cedex 2 - www.ccomptes.fr

 

 


 

 

 1 / 6

 

 

Attendu qu’en l’absence de diligences adéquates, complètes et rapides de la part du comptable pendant la période de validité du titre, son recouvrement s’est retrouvé définitivement compromis à la date du 25 avril 2012 ; qu’ainsi, M. X… a manqué à ses obligations en matière de recouvrement des recettes de l’établissement et engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;

 

Attendu que l’absence de recouvrement d’un titre constitue en principe un dommage patrimonial pour l’organisme considéré ; que le comptable reconnait que l’insolvabilité du débiteur ne serait apparue qu’à la fin de 2013, alors que la prescription du titre était acquise depuis le 25 avril 2012 et qu’aucun élément ne permet d’affirmer que le débiteur était insolvable avant cette date ;

 

Attendu que dans ces conditions, le manquement du comptable en matière de recouvrement des recettes de l’établissement, a causé un préjudice financier à l’AEV ;

 

Attendu qu’aux termes du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 : « Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné [], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante. » ; qu’ainsi il y a lieu de constituer M. X…, débiteur de l’AEV pour la somme de 1 742,95 € ;

 

Attendu que selon le VIII du même article : « Les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 7 octobre 2016, date de réception du réquisitoire par M. X… ;

 

Sur les présomptions de charges n° 2 et 3 relatives au paiement d’indemnités :

 

Attendu qu’en application des articles 12 et 13 du décret du 29 décembre 1962 et des articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012, le comptable public est tenu d’exercer le contrôle, s’agissant des ordres de payer, de la validité de la dette ; que ce contrôle porte notamment sur l’exactitude de la liquidation et la production des pièces justificatives ;

 

Attendu que selon l’article D.1617-19 du code général des collectivités territoriales : « Avant de procéder au paiement d’une dépense ne faisant pas l’objet d’un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales, des établissements publics locaux [] ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l’annexe I du présent code. » ;

 

Attendu que la rubrique 2102233 « Primes et indemnités » de ladite annexe 1 prévoit que le comptable doit disposer, pour procéder au paiement de ce type de dépenses, de la décision de l’assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen des indemnités, et de la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination fixant le taux applicable à chaque agent ; 

 

En ce qui concerne la présomption de charge n° 2 :

 

Attendu que, le comptable a payé au cours de l’année 2013 une indemnité exceptionnelle au directeur général de l’établissement d’un montant mensuel de 185,54 € de janvier à novembre et de 206,21 € pour le mois de décembre 2013, soit un montant total annuel de 2 247,15 €, en l’absence de la délibération instituant le principe du versement de cette indemnité ;

6, cours des Roches - Noisiel  - B.P. 187 - 77315 Marne-la-Vallée Cedex 2 - www.ccomptes.fr

 

 


 

 

 1 / 6

 

Attendu que dans sa réponse du 20 février 2017, le comptable a confirmé l’absence de la délibération instituant cette indemnité et d’arrêté individuel ; qu’il a en outre reconnu que le contrôle de la régularité du versement de cette prime n’a pas été correctement effectué ;

 

Attendu qu’au moment des paiements litigieux, le comptable ne disposait ni de la délibération du conseil d’administration de l’AEV décidant le versement de l’indemnité exceptionnelle au personnel, ni de la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination attribuant le bénéfice de cette indemnité à l’agent concerné ; qu’ainsi, le comptable a manqué à ses obligations de contrôle de la validité de la dette en effectuant ces paiements en l’absence des pièces justificatives requises par la réglementation ;

 

Attendu ainsi qu’à défaut d’avoir suspendu lesdits paiements dans l’attente de la production de ces pièces justificatives, le comptable a engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire au titre de l’exercice 2013 ;

 

Attendu que dans sa réponse précitée, le comptable a en outre reconnu que le versement de cette indemnité avait causé un préjudice financier à l’AEV ; qu’il est en effet pas contesté qu’en l’absence de la manifestation expresse de la volonté de l’assemblée délibérante, la créance n’était pas due ; qu’ainsi le manquement du comptable à ses obligations de contrôle a causé un préjudice financier à l’établissement ; qu’en application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, il y a lieu de constituer M. X…, débiteur de l’AEV pour la somme de 2 247,15 € ;

 

Attendu qu’en application du VIII du même article, ce débet portera intérêt au taux légal à compter de 7 octobre 2016, date de réception du réquisitoire par M. X… ;

 

Attendu qu’aux termes du deuxième alinéa du IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 : « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l’appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l’obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ; que, selon le l’article 1er du décret du 10 décembre 2012 : « La somme maximale pouvant être mise à la charge du comptable, conformément aux dispositions du deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, est fixée à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré. » ;

 

Attendu qu’en l’espèce, le comptable avait l’obligation de contrôler le versement de la prime litigieuse au cours du mois d’octobre de l’année en cours ; qu’en s’abstenant de le vérifier, il a donc méconnu les règles du contrôle sélectif de la dépense ; qu’ainsi, eu égard au cautionnement de 243 000 € du poste comptable, en cas de remise gracieuse, le ministre chargé du budget devra laisser à la charge du comptable une somme de 729 € ;

 

En ce qui concerne la présomption de charge n°3 :

 

Attendu que, le comptable a payé durant les mois de février à juin 2011 une indemnité spécifique de service (ISS) au directeur général adjoint de l’établissement, à un taux de 69,50 % supérieur à celui de 41,60 % prévu par l’arrêté du 27 mai 2009 qui était applicable ; qu’il en est résulté un trop-versé mensuel de 636,33 €, soit un total de 3 181,65 € pour les cinq mois concernés ;

6, cours des Roches - Noisiel  - B.P. 187 - 77315 Marne-la-Vallée Cedex 2 - www.ccomptes.fr

 

 


 

 

 1 / 6

 

Attendu que dans sa réponse, M. X… a confirmé qu’il n’a pas été en mesure de retrouver l’avenant au contrat de travail de l’intéressé ou l’arrêté individuel attribuant l’ISS au taux de 69,60 % pendant les mois considérés ;

 

Attendu qu’en payant de février à juin 2011 une ISS calculée sur la base d’un taux supérieur à celui prévu par l’arrêté alors applicable, et à défaut d’avoir suspendu le paiement de cette indemnité en demandant à l’ordonnateur de régulariser cette situation, le comptable a manqué à ses obligations de contrôle de la validité de la dette, notamment de la production des pièces justificatives exigibles ;

 

Attendu qu’ainsi, le comptable a engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire au titre de l’exercice 2011 ;

 

Attendu que dans sa réponse, M. X… fait valoir que l’attribution cette ISS n’a pas causé de préjudice financier à l’AEV, dans la mesure où le versement des sommes concernées était la conséquence de la promotion de l’intéressé au grade de directeur général adjoint de l’établissement ;

 

Attendu toutefois, que l’intéressé percevait cette ISS avant d’être sa nomination en qualité de directeur général adjoint de l’AEV ; que l’arrêté le nommant à cette fonction précise que son contrat initial n’est modifié qu’en son article 1 relatif à l’objet du contrat ; qu’enfin, aucune disposition ne prévoit automatiquement, en cas de promotion à cet emploi, la perception de cette ISS au taux de 69,50 % ; qu’en outre, le taux de l’ISS attribué à l’intéressé a été porté à 66,80 % par l’arrêté du 27 juin 2011 ;

 

Attendu qu’en l’absence de toute décision manifestant la volonté expresse de l’établissement de porter le taux de cette ISS de 41,60 % à 69,50 %, la dépense n’était pas due ; qu’ainsi le manquement du comptable à ses obligations de contrôle a causé un préjudice financier à l’établissement ; que, par suite, en application des dispositions du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, il y a lieu de constituer M. X…, débiteur de l’AEV pour la somme de 3 181,65  ;

 

Attendu qu’en application du VIII du même article, ce débet portera intérêt au taux légal à compter du 7 octobre 2016, date de réception du réquisitoire par M. X… ;

 

Attendu que l’ISS n’a fait l’objet d’une vérification que lors de la paie d’octobre 2011, conformément au plan de contrôle prévu pour l’année considérée ; que cette vérification n’a pas permis de déceler l’anomalie litigieuse, puisque le taux de l’ISS appliqué en octobre à l’intéressé, soit 66,80 %, était conforme à celui prévu par l’arrêté du 27 juin 2011 ; qu’ainsi, le comptable, en ce qui concerne cette indemnité, n’a pas méconnu les règles du plan de contrôle sélectif des dépenses ; que, par suite, en application du deuxième alinéa du IX du même article, la somme que le ministre chargé du budget devra laisser à la charge du comptable pourra être inférieure à trois millièmes du montant de son cautionnement de 176 000 €, soit 528 € ;

 

 

Par ces motifs,

 

DÉCIDE :

 

 

Article 1er : Au titre de la présomption de charge n°1 relative à l’exercice 2012, M.X… est constitué débiteur de l’agence régionale des espaces verts de la région Ile-France pour la somme de 1 742, 95 euros, augmentée des intérêts de droit à compter du 7 octobre 2016.

6, cours des Roches - Noisiel  - B.P. 187 - 77315 Marne-la-Vallée Cedex 2 - www.ccomptes.fr

 

 


 

 

 1 / 6

 

 

Article 2 : Au titre de la présomption de charge n°2 relative à l’exercice 2013, M. X… est constitué débiteur de l’agence régionale des espaces verts de la région Île-France pour la somme de de 2 247,15 euros, augmentée des intérêts de droit à compter du 7 octobre 2016. Le ministre chargé du budget ne pourra laisser  sa charge une somme inférieure à 729 euros.

 

 

Article 3 : Au titre de la présomption de charge n°3 relative à l’exercice 2011, M.X… est constitué débiteur de l’agence régionale des espaces verts de la région Île-France pour la somme de 3 181,65 euros augmentée des intérêts de droit à compter du 7 octobre 2016. La somme que le ministre du budget devra laisser à sa charge pourra être inférieure à 528 euros.

 

 

Article 4 : La décharge de M. X… ne pourra être donnée qu’après apurement des débets prononcés ci-dessus.

 

 

 

Fait et jugé par M. Alain Stéphan, président de séance ; M. Hervé Beaudin, premier conseiller ; M. Yves Bénichou, premier conseiller.

 

 

En présence de M. Reynald Husson, greffier de séance.

 

 

 

 

 

 

 

Reynald Husson

 

 

 

 

Alain Stéphan

 

 

 

 

 

 

En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.

6, cours des Roches - Noisiel  - B.P. 187 - 77315 Marne-la-Vallée Cedex 2 - www.ccomptes.fr