Formation plénière  
Commune de Gouville-sur-Mer  
département de la Manche)  
50 006 215  
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Centre des finances publiques de  
Coutances  
Exercice 2013  
Jugement n° 2017-11  
Audience publique du 29 juin 2017  
Prononcé du jugement le 20 juillet 2017  
JUGEMENT  
REPUBLIQUE FRANÇAISE  
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS  
LA CHAMBRE,  
Vu le réquisitoire n° 2016-048 du 25 octobre 2016 du procureur financier près la chambre régionale  
des comptes Normandie, enregistré au greffe le 9 novembre 2016 ;  
Vu les justifications produites au soutien des comptes ou recueillies au cours de l’instruction ;  
Vu le code général des collectivités territoriales ;  
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifié ;  
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique;  
Vu le code des juridictions financières ;  
Vu les lois et règlements relatifs à la comptabilité des collectivités territoriales et de leurs  
établissements publics ;  
Vu le jugement n° 2015-20 du 17 décembre 2015 de la chambre régionale des comptes de Basse-  
Normandie, Haute-Normandie, statuant sur le compte de l’exercice 2012 ;  
Vu le jugement n° 2016-03 du 24 mars 2016 par lequel la chambre régionale des comptes Normandie  
a décidé d’évoquer les comptes de la commune de Gouville-sur-Mer pour l’exercice 2013 ;  
Vu le rapport n° 2017-0084 de M. Philippe Boëton, premier conseiller, magistrat chargé de  
l’instruction ;  
Vu les conclusions n° 2017-0084 du procureur financier du 26 juin 2017 ;  
Entendu, lors de l’audience publique du 29 juin 2017, M. Philippe Boëton en son rapport,  
M. Stéphane Guillet, procureur financier, en les conclusions du ministère public, les comptables et  
l’ordonnateur, informés de l’audience, n’étant ni présents ni représentés ;  
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ORDONNE CE QUI SUIT  
Charge unique :  
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le ministère public a relevé que le comptable, M. Jean-Pierre  
X..., avait procédé à la mise en paiement du mandat n° 1 727 émis le 7 janvier 2013 et rattaché à  
l’exercice budgétaire 2012, d’un montant de 64 352 euros et relatif à un fonds de concours au bénéfice  
de la communauté de communes de Saint-Malo de la Lande ;  
Sur la compétence de la chambre régionale des comptes  
Attendu que, dans ses conclusions susvisées, le ministère public estime, à titre principal, qu’il n’y a pas  
lieu de mettre en jeu la responsabilité du comptable, le montant en cause se rattachant à l’exercice  
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012 pour lequel celui-ci a déjà obtenu décharge de sa gestion ;  
Attendu que l’instruction budgétaire et comptable M14, en vigueur au 1er janvier 2013, indique que  
La comptabilité d’un exercice budgétaire est arrêtée à la date du 31 décembre » ; que, selon cette  
«
même instruction, « une journée complémentaire permet, d'une part, à l'ordonnateur d'émettre, (…) les  
mandats et les titres de recettes correspondant à des droits ou obligations constatés se rapportant à  
l'année qui s'est achevée, et, d'autre part, au comptable de comptabiliser les mandats et titres émis  
durant cette période. La journée complémentaire s'étend du 1er janvier au 31 janvier. Durant la journée  
complémentaire, les opérations faisant intervenir les comptes de disponibilités ne peuvent être décrites  
dans la comptabilité de l'exercice qui s'achève. Elles le sont dans l'exercice qui commence » ;  
Attendu que le mandat n° 1 727 d’un montant de 64 352 euros a été émis au cours de la journée  
complémentaire le 7 janvier 2013 et rattaché à l’exercice budgétaire 2012 ; que le décaissement de la  
somme de 64 352 euros correspondant à ce mandat est intervenu à la date du 16 janvier 2013 en  
créditant le compte 515 « Compte au trésor » ;  
Attendu que l’instruction budgétaire et comptable M14, en vigueur au 1er janvier 2013, fait explicitement  
mention que le compte 515 est un compte de disponibilités ; qu’ainsi il n’existe aucune ambiguïté sur  
l’obligation faite d’enregistrer les opérations du compte 515 dans la comptabilité 2013 pour les  
opérations effectuées dans le cadre de la journée complémentaire ; qu’à ce titre, le décaissement relatif  
à l’émission du mandat n° 1 727 émis le 7 janvier 2013 d’un montant de 64 352 euros affecte un compte  
de disponibilité au titre de l’exercice 2013 à la date du 16 janvier 2013 ;  
Attendu, par ailleurs, qu’il est de jurisprudence constante que la responsabilité personnelle et  
pécuniaire des comptables s’apprécie à la date des paiements, au cas présent à la date du 16 janvier  
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013 ; que, par le jugement susvisé du 17 décembre 2015, passé en force de chose jugée, la chambre  
régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie en a tiré la conséquence que  
l’opération en cause n’était pas de nature à engager la responsabilité de M. X... au titre de l’exercice  
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012 ; qu’il y a dès lors lieu, pour la chambre régionale des comptes, de se prononcer sur la régularité  
du payement constaté ;  
Sur le manquement présumé du comptable  
Attendu qu’en vertu de l’article 17 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion  
budgétaire et comptable publique, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement  
responsables des actes et contrôles qui leur incombent en application des dispositions des articles 18,  
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9 et 20 de ce même décret et dans les conditions fixées par l’article 60 de la loi du 23 février 1963 ;  
qu’aux termes de l’article 19 du même décret, « le comptable public est tenu d'exercer le contrôle : (…)  
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° S’agissant des ordres de payer (…) / De la validité de la dette dans les conditions prévues à l'article  
0 (…) » ; qu’aux termes de l’article 20 du même décret « le contrôle des comptables publics sur la  
validité de la dette porte sur : / (…) La production des pièces justificatives » ; qu’aux termes de l’article  
0 du même décret « … la liste des pièces justificatives des dépenses, des recettes et des opérations  
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d'ordre des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et des établissements publics de  
santé est fixée par décret » ; enfin, aux termes de l’article 38 du même décret « (…) lorsqu'à l'occasion  
de l'exercice des contrôles prévus au 2° de l'article 19 le comptable public a constaté des irrégularités  
ou des inexactitudes dans les certifications de l'ordonnateur, il suspend le paiement et en informe  
l'ordonnateur » ;  
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Attendu qu’il résulte de ces dispositions que pour apprécier la validité des créances, les comptables  
doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications nécessaires ; qu’à ce titre,  
il leur revient d’apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la  
dépense engagée ; que pour établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier notamment si  
l’ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur ont été fournies  
et si ces pièces sont complètes et précises ; que si les pièces justificatives fournies sont insuffisantes  
pour établir la validité de la créance, il appartient aux comptables de suspendre le payement jusqu’à  
ce que l’ordonnateur leur ait produit les justifications nécessaires ;  
Attendu que l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales dispose que, « avant de  
procéder au paiement d’une dépense ne faisant pas l’objet d’un ordre de réquisition, les comptables  
publics des collectivités territoriales (…) ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la  
dépense correspondante dans la liste définie à l’annexe I du présent code » ;  
Attendu que cette annexe, constitutive de la nomenclature des pièces justificatives des paiements des  
collectivités locales, comporte une rubrique n° 76 « Fonds de concours » ; que cette rubrique exige,  
pour la justification de la mise en paiement de cette dépense, les pièces suivantes :  
«
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1. Décision fixant les conditions d’engagement de la collectivité ;  
. Le cas échéant, convention ou délibérations concordantes des autres collectivités concernées ;  
. Titre de perception ou état visé pour valoir titre de perception émis par la collectivité gérant le fonds  
de concours » ;  
Attendu que, lors de l’instruction, le comptable a fourni une délibération du 3 juin 2008 de la commune  
de Gouville-sur-Mer approuvant le principe de solliciter la communauté de communes de Saint-Malo  
de la Lande pour financer la restauration du Moulin de Gouville-sur-Mer ; que cette délibération ne  
rend compte que du souhait de la commune de voir le Moulin de Gouville-sur-Mer être restauré par la  
communauté de communes de Saint-Malo de la Lande dont elle est membre, sans autre précision ;  
que dès lors, la délibération du 3 juin 2008 ne peut être considérée comme une décision fixant les  
conditions d’engagement de la collectivité ;  
Attendu que, lors de l’instruction, le comptable a également produit comme pièce justificative un tableau  
présentant les investissements de la commune de Gouville-sur-Mer, notamment une ligne comptable  
au compte c/204151 d’un montant de 74 000 € annotée « 70 000 € de fonds de concours pour  
Restaurat moulin à payer à la Cté de Cmes » ; que ce tableau constitue un extrait de la brochure  
explicative remise à chaque conseiller municipal lors du vote du budget primitif 2012 ; qu’un tel  
document ne constitue pas un acte à caractère décisionnel ; que, dans ces conditions, le document  
produit par le comptable ne peut s’apparenter à une décision de la commune de Gouville-sur-Mer fixant  
les conditions d’engagement de la collectivité ;  
Attendu que, dans ces conditions, le comptable ne disposait pas, au moment du décaissement relatif  
au paiement du mandat n° 1 727 de 64 352 euros, des pièces attendues de la rubrique n° 76 « Fonds  
de concours » à l’annexe I de l’article D.1617-19 du code général des collectivités territoriales ; qu’en  
ne suspendant pas alors la mise en paiement du mandat, le comptable a manqué à ses obligations ;  
Attendu que l’article 60,I, de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 dispose que « Les comptables publics  
sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en  
matière […] de dépenses […] dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité  
publique […] » et que « la responsabilité personnelle et pécuniaire [des comptables publics] se trouve  
engagée dès lors [...] qu'une dépense a été irrégulièrement payée » ;  
Attendu, en conséquence, que M. X... a engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire pour avoir  
procédé à tort en 2013 à un décaissement de 64 352 euros ;  
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Sur l’existence d’un préjudice financier  
Attendu que le VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 prévoit que « lorsque le manquement du  
comptable aux obligations mentionnées au I n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public  
concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice,  
en tenant compte des circonstances de l’espèce […] Lorsque le manquement du comptable aux  
obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […] le  
comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme  
correspondante » ;  
Attendu par ailleurs que le constat de l’existence ou non d’un préjudice financier, au sens des  
dispositions précitées, relève de l’appréciation du juge des comptes ; que si, au regard du caractère  
contradictoire de la procédure, il y a lieu de tenir compte des dires et actes éventuels de la collectivité  
qui figurent au dossier, le juge des comptes n’est pas lié par les déclarations de l’ordonnateur indiquant  
que la collectivité n’aurait subi aucun préjudice ;  
Attendu que M. X... invoque une délibération du conseil municipal de Gouville-sur-Mer en date du 23  
avril 2014 régularisant l’octroi du fonds de concours pour l’opération de restauration du Moulin de la  
commune ; que cette délibération de régularisation est intervenue postérieurement au paiement du  
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6 janvier 2013 ; qu’en l’absence de décision prise par l’autorité compétente antérieurement au  
payement, la dépense doit être regardée comme ayant préjudicié à la collectivité ;  
Attendu qu’au cours de la procédure contradictoire, le maire a estimé que le payement litigieux n’avait  
pas causé de préjudice financier à la commune de Gouville-sur-Mer au motif que celui-ci était bien  
prévu et voté par le conseil municipal au travers de l’approbation des budgets primitifs ; que la simple  
inscription au budget communal d’un crédit global à caractère limitatif est prévisionnelle et n’établit en  
rien que la dépense était due ;  
Attendu que le paiement de la somme de 64 352 euros en l’absence d’une décision fixant les conditions  
d’engagement de la collectivité, constitue une dépense dépourvue de fondement juridique ; que celle-  
ci revêt un caractère indu et doit être regardée comme ayant causé à la collectivité un préjudice au  
sens des dispositions précitées ;  
Attendu qu’aux termes du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, le comptable doit être constitué  
débiteur des sommes irrégulièrement payées lorsque son manquement a causé un préjudice financier  
à la personne publique ; qu’il y a en conséquence lieu de constituer M. X... débiteur, au titre de l’exercice  
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013, d’une somme de 64 352 euros ;  
Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, « les débets portent intérêt au  
taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire  
des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 17 novembre 2016 ;  
Sur le respect des règles de contrôle sélectif de la dépense  
Attendu qu’aux termes du IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, « hormis le cas du décès du  
comptable ou du respect par celui-ci, sous l’appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle  
sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont  
la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes » ;  
Attendu que M. X... a produit des documents susceptibles d’être regardés comme un plan de contrôle  
sélectif de la dépense ; que par application de ces pièces, il lui revenait de contrôler de manière  
exhaustive toutes les dépenses supérieures à 1 000 euros ;  
Attendu, dans ces circonstances, que le comptable ne justifie pas avoir respecté les règles de contrôle  
sélectif des dépenses ; qu’ainsi l’intéressé ne pourra se voir accorder une remise gracieuse totale du  
débet ;  
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PAR CES MOTIFS,  
Article 1 : M. X... est constitué débiteur de la commune de Gouville-sur-Mer, au titre de l’exercice  
013, à hauteur de soixante-quatre mille trois cent cinquante-deux euros (64 352,00 €) augmentés  
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des intérêts de droit à compter du 17 novembre 2016 ;  
Article 2 : M. X... ne pourra être déchargé de sa gestion au titre de l’exercice 2013 qu’après apurement  
du débet fixé ci-dessus ;  
Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Normandie par M. Christian Michaut, président,  
MM. Rémy Janner et Hubert La Marle, présidents de section, et MM. Bruno Baumann et Frédéric  
Lelaquet, premiers conseillers.  
La greffière,  
Le président,  
Véronique LEFAIVRE  
Christian MICHAUT  
Collationné, certifié conforme à la minute étant au Greffe  
de la Chambre et délivré par moi Secrétaire Général  
Christian QUILLE  
La République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit  
jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux  
de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter  
main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.  
CONDITIONS D'APPEL :  
Code des juridictions financières – article R. 242-19 et suivants : « Les jugements rendus par les  
chambres régionales des comptes peuvent être attaqués dans leurs dispositions définitives par la  
voie de l'appel devant la Cour des comptes » (…) – article R. 242-23 « L’appel doit être formé dans  
le délai de deux mois à compter de la notification du jugement. »