S3/2170749/MC | 1 / 6 |
Première section
Jugement n°2017-0017 J
Audience publique du 18 septembre 2017
Prononcé du 18 octobre 2017 | Service départemental d’incendie et de secours de Seine-et-Marne
Poste comptable : paierie départementale de Seine-et-Marne
Exercice : 2014 |
République Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
Vu le réquisitoire en date du 1er septembre 2016, par lequel le procureur financier a saisi la Chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X…, comptable du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de Seine-et-Marne, au titre d’opérations réalisées durant l’exercice 2014, communiqué le 19 septembre 2016 à la comptable concernée ;
Vu le compte rendu en qualité de comptable du SDIS de Seine-et-Marne, par Mme X…, au titre de la gestion relative à l’exercice 2014 ;
Vu les justifications produites au soutien du compte en jugement ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le rapport de M. Jean-Marc Dunoyer de Segonzac, premier conseiller, chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions du procureur financier ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du 18 septembre 2017, M. Jean-Marc Dunoyer de Segonzac, en son rapport et M. Luc Héritier, procureur financier en ses conclusions, Mme X…, informée de l’audience, n’étant ni présente, ni représentée. ;
Entendu en délibéré M. Yves Bénichou, premier conseiller en ses observations ;
Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes, de dépenses [...] dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. […] La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu’un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeur a été constaté, qu’une recette n’a pas été recouvrée, qu’une dépense a été irrégulièrement payée […] » ;
Sur les présomptions de charges n° 1 et n° 2 pour les dépenses imputées au compte 6234 « frais de réception »
Attendu qu’en application de l’article 19 du décret du 7 novembre 2012 susvisée relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : « Le comptable public est tenu d’exercer le contrôle : 2°) S’agissant des Ordres de payer [...] b) De l’exacte imputation des dépenses au regard des règles relatives à la spécialité des crédits [...] ;
Attendu que selon l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales : « Avant de procéder au paiement d’une dépense ne faisant l’objet d’un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des associations syndicales de propriétaires ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l’annexe 1 du présent code »
Attendu, s’agissant de la charge n° 1, que la comptable de SDIS de Seine-et-Marne a payé des frais de repas par le mandat n° 14607 du 31 décembre 2014 imputé au compte 6234 « frais de réception » d’un montant total de 1 394,70 €, sur la base de pièces justificatives insuffisamment précises, en ce qu’elles ne précisaient pas la manifestation à l’origine de la dépense, ni le nom des participants ;
Attendu que la comptable fait valoir que s’agissant de factures directement payées aux restaurants et traiteurs, elles ne doivent être justifiées au comptable que par les pièces prévues par la rubrique 425 de la liste des pièces justificatives, qui n’exige notamment pas de fournir le nom des convives ;
Attendu toutefois que cette rubrique 425 de la liste des pièces justificatives des dépenses publiques locales relève de la rubrique « 42 Marchés publics passée selon une procédure adaptée prévu par les articles 28 et 30 du code des marchés publics », alors qu’aucun marché n’a été produit en l’espèce ;
Attendu que selon l’instruction comptable et budgétaire M61 applicable aux SDIS, les frais de nourriture et de logement réglés directement aux hôteliers et restaurateurs doivent être imputés aux comptes 6251 ou 6252 selon les circonstances ; qu’ainsi, en ayant payé ces dépenses sur la base de justifications insuffisamment précises, la comptable n’était pas en mesure de vérifier la nature de la dépense et d’en contrôler l’exacte imputation comptable ; qu’ainsi, la comptable a manqué à ses obligations de contrôle de l’exacte imputation de la dépense ;
Attendu, s’agissant de la charge n° 2, que comptable a payé un billet d’avion par le mandat n° 7570 du 10 juillet 2014 d’un montant de 508,16 € imputé au compte 6234 « frais de réception », qui correspondait aux frais de déplacement d’un colonel pour un colloque des directeurs de l’école nationale supérieure des sapeurs-pompiers, alors qu’elle aurait dû être imputée au compte 6251 « Voyages et déplacements » ; qu’ainsi, la comptable a manqué à ses obligations de contrôle de l’exacte imputation de la dépense ;
Attendu, s’agissant des charges n° 1 et 2, que les erreurs d’imputation reprochées à la comptable, ne portent que sur des comptes rattachés au même chapitre de la collectivité et qu’elles n’ont aucune incidence sur la redevabilité des dépenses concernées ; que dans ces conditions, ces manquements ne peuvent être considérés comme ayant causé un préjudice financier au SDIS de Seine-et-Marne ;
Attendu qu’aux termes du deuxième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « Lorsque le manquement du comptable [...] n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce » ; que le décret du 10 décembre susvisé, fixe le montant maximal de cette somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable ;
Attendu que le montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré pour l’exercice 2014 est fixé à 243 000 € ; qu’ainsi, le montant maximum de la somme susceptible d’être mise à la charge de Mme X… s’élève à 364,5 € ;
Attendu que, eu égard aux circonstances invoquées par la comptable, il y a lieu d’arrêter cette somme à 182,25 € pour chaque manquement, au titre des présomptions de charges n° 1 et 2 ;
Sur les présomptions de charges n° 3 et n° 4 relatifs à des mandats d’annulation de titres de recettes sur exercices antérieurs
Attendu qu’en application des dispositions de l’article 19 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, s’agissant des ordres de recouvrer, le comptable public est tenu d’exercer le contrôle, « Dans la limite des éléments dont il dispose [...] de la régularité [...] des annulations des ordres de recouvrer ; »
Attendu que la rubrique 132 « Annulation ou réduction de recettes », dans la numérotation alors applicable de l’annexe 1 de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, prévoit que le comptable, pour y procéder, doit être en possession d’un état précisant, pour chaque titre, l’erreur commise ;
Attendu que deux titres émis en 2013 d’un montant respectif de 245 € et de 300 €, ont fait l’objet respectivement des mandats d’annulation n° 1558 du 28 janvier 2014 et n° 4147 du 9 avril 2014, sans que le comptable ait été en mesure d’indiquer les motifs de l’annulation de ces créances, ni de produire l’état exigible selon la liste des pièces justificatives ;
Attendu que Mme X… reconnaît le manquement constaté, en faisant toutefois valoir que les motifs de l’annulation figuraient sur chacun des mandats ;
Attendu toutefois, que faute d’être en possession du document prévu par la rubrique 132 de la liste des pièces justificatives, la comptable n’était pas en mesure de procéder à l’annulation des titres en cause ; qu’ainsi, en prenant en charge les mandats émis les 28 janvier et 9 avril 2014 en annulation des titres concernés, sans disposer des justificatifs prévus, la comptable a manqué à ses obligations de contrôle et engagé sa responsabilité ;
Attendu qu’en procédant à l’annulation de ces titres de recettes sans disposer des justifications prévues à l’appui des mandats d’annulation, la comptable a fait perdre lesdites créances à l’établissement, l’annulation des titres compromettant toute chance de recouvrement ultérieur ; qu’ainsi, la perte du produit de ces créances a constitué un dommage patrimonial pour le l’organisme public concerné ;
Attendu que le manquement de la comptable doit être considéré comme ayant causé un préjudice financier pour le SDIS de Seine-et-Marne ;
Attendu qu’aux termes du même article 60 de la loi du 23 février susvisée, « Lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’ainsi, il y a lieu de constituer Mme X…, débitrice du SDIS de Seine et Marne pour la somme de 245,00 € au titre de la charge n° 3 et de 300,00 € au titre de la charge n° 4 ;
Attendu qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi
du 23 février 1963 précitée, « Les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 16 septembre 2016, date de réception du réquisitoire par la comptable mise ne cause ;
Sur les présomptions de charges n° 5 relatifs au paiement de diverses indemnités à cinq agents du SDIS
Attendu que selon la rubrique 210223 « Primes et indemnités » de l’annexe I prévue par l’article D.1617-19 du code général des collectivités territoriales, laquelle constitue la nomenclature des pièces justificatives des dépenses publiques locales, le comptable public doit, afin de procéder au paiement des dépenses relatives au régime indemnitaire des personnels disposer des pièces suivantes : « 1. Décision de l’assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen des indemnités ; 2. Décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination fixant le taux applicable à chaque agent » ;
Attendu que la comptable a payé en 2014 plusieurs indemnités à cinq agents pour un montant total de 195 261,28 €, sans disposer des arrêtés individuels correspondants ;
Attendu toutefois que la comptable fait valoir qu’elle était en possession des délibérations des 11 décembre 2009 et 10 décembre 2010 fixant le régime indemnitaire spécifique de la filière des sapeurs-pompiers professionnels dont sont issus les cinq agents concernés, notamment les différents taux prévus selon le grade et l’emploi occupé par ces agents ;
Attendu qu’il n’en demeure pas moins qu’en raison de la grande hétérogénéité des situations de ces agents, seuls les arrêtés individuels d’attribution permettaient à la comptable de s’assurer de la régularité des versements ; qu’en l’absence de ces documents, la comptable n‘était pas en mesure d’effectuer ce contrôle de liquidation de la dépense ; qu’elle aurait dû dans ces conditions, suspendre le paiement et demander à l’ordonnateur l’arrêté attributif individuel de l’intéressé ; que, par suite, la comptable a engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
Attendu que le manquement de la comptable n’a pas causé de préjudice à l’établissement, puisqu’elle était en possession de la délibération décidant l’attribution du régime indemnitaire et que le service fait par les bénéficiaires n’est pas contesté ;
Attendu qu’aux termes du deuxième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Lorsque le manquement du comptable [...] n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce » ; que le décret du 10 décembre susvisé, fixe le montant maximal de cette somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable ;
Attendu que le montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré pour l’exercice 2014 est fixé à 243 000 € ; qu’ainsi, le montant maximum de la somme susceptible d’être mise à la charge de Mme X… s’élève à 364,50 € ;
Attendu qu’aucune circonstance n’étant invoquée par la comptable pour justifier une modulation de ladite somme, il y a lieu d’arrêter cette somme à 364,50 à € au titre de la présomption de charge n° 5 ;
Sur la présomption de charge n° 6 relative au paiement de l’indemnité de spécialité à six agents du SDIS ;
Attendu que la comptable a payé, en 2014, une indemnité de spécialité à six agents du SDIS de Seine-et-Marne, d’un montant total de 11 655,38 €, sans disposer des arrêtés individuels des bénéficiaires ;
Attendu que, comme dans le cas de la présomption de charge n° 5, Mme X… semblait avoir manqué à ses obligations de contrôle de la validité de la dépense, pour ne pas avoir exigé de l’ordonnateur la production des arrêtés individuels justifiant le montant des indemnités versées ;
Attendu toutefois, que la comptable a communiqué en cours d’instruction, un tableau permettant de contrôler pour chaque agent, le taux de la prime de spécialité à verser, compte tenu des diplômes et des qualifications de chaque agent, qui permettent de vérifier les niveaux de formation requis pour exercer la spécialité retenue ;
Attendu que dans ces conditions, il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de Mme X… à raison de la présomption de charge n° 6.
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : Mme X… devra s’acquitter d’une somme de 182,25 € au titre de la présomption de charge n° 1 et également d’une de 182,25 € au titre de la présomption de charge n° 2.
Article 2 : Mme X… est constituée débitrice du syndicat départemental d’incendie et de secours de Seine-et-Marne pour des montants de 245,00 € et de 300,00 € au titre respectivement des présomptions des charges n° 3 et 4.
Article 3 : Mme X… devra s’acquitter d’une somme de 364,50 € au titre de la présomption de charge n° 5.
Article 4 : La décharge de Mme X…ne pourra être donnée qu’après apurement des sommes à acquitter fixées ci-dessus.
Fait et jugé par M. Alain Stéphan, président de séance ; M. Hervé Beaudin et M. Yves Bénichou, premiers conseillers.
En présence de Reynald Husson, greffier de séance.
Reynald Husson, greffier de séance
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Alain Stéphan, président de section
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En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.
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