Sections réunies

Jugement  2017-0004

Audience publique du 26 janvier 2017

Prononcé du 9 février 2017

COMMUNE DE GRAVELINES (Nord)

Poste comptable : CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES DE GRAVELINES

Exercice : 2014

République Française

Au nom du peuple français

La Chambre,

Vu le réquisitoire en date du 29 septembre 2016, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de
M. OlivierX, comptable de la commune de Gravelines, au titre d’opérations relatives à l’exercice 2014, notifié au comptable concerné le 7 octobre 2016 ;

Vu les comptes rendus en qualité de comptable de la commune de Gravelines, par
M. OlivierX, du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 ;

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

Vu le rapport de M. Jean-Bernard Mattret, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;

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Vu les conclusions du procureur financier ;

Vu les réponses transmises par M. OlivierX, par courriers des 13 octobre et
25 novembre 2016 et par M. Bertrand Y ordonnateur, par courrier du 27 octobre 2016 ;

Vu les pièces du dossier ;

Entendu lors de l’audience publique du 26 janvier 2017, M. Jean-Bernard Mattret, premier conseiller, en son rapport, M. Marc Beauchemin, procureur financier, en ses conclusions, Maître Camille Z, représentant M. Bertrand Y ordonnateur, et M. OlivierX, comptable, présent, ayant eu la parole en dernier ;

Sur la présomption de charge unique, soulevée à l’encontre de M. OlivierX, au titre de l’exercice 2014 :

Attendu qu’il est reproché au comptable d’avoir, au cours de l’exercice 2014, procédé au paiement de rémunérations et de cotisations sociales, au profit d’un collaborateur de cabinet, pour la période du 1er avril au 31 décembre 2014, sans référence à une délibération décidant de la création (ou du maintien) d’un emploi de collaborateur de cabinet, ni de l’ensemble des pièces mentionnées à l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales (CGCT), et de son annexe 1 paragraphe 21011 ;

Attendu que le montant payé par le comptable s’établit à 72 118,15 €, conformément au tableau joint en annexe ;

Sur l’existence d’un manquement :

Attendu qu’aux termes de l’article 110 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives aux collaborateurs de cabinet de la fonction publique territoriale et de
l’article 6 du décret n° 87-1004 du 16 décembre 1987 relatif aux collaborateurs de cabinet des collectivités territoriales, « l'autorité territoriale peut, pour former son cabinet, librement recruter un ou plusieurs collaborateurs et mettre librement fin à leurs fonctions » et « que les fonctions de collaborateurs de cabinet prennent fin au plus tard, en même temps que le mandat de l’autorité territoriale qui l’a créé » ;

Attendu, qu’en vertu des dispositions de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales et de son annexe 1, paragraphe 21011, le comptable était tenu d’exiger « un acte d’engagement mentionnant la référence à la délibération autorisant l’engagement […], l’identité de l’agent, la date de sa nomination ; les modalités de recrutement et les conditions d’emploi (temps complet, non complet, partiel) ; le grade, l’échelon et l’indice de traitement […] » ;

Attendu que, selon les dispositions des articles 19-2° et 20-5° du décret n° 2012-1246 du
7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, il appartient au comptable d’exercer le contrôle de la validité de la dette ; que ce contrôle porte notamment sur la production des pièces justificatives ;

Attendu que, si l’arrêté du 3 avril 2014, produit par le comptable et réceptionné par lui le
11 juin 2014, comporte des mentions substantielles de nature à exprimer la volonté de l’ordonnateur de maintenir M. Olivier A en qualité de directeur de cabinet, l’absence de référence, dans cet arrêté, à la délibération ayant créé l’emploi de directeur de cabinet et le fait que l’arrêté précité n’ait pas, de surcroît, été signé, lui dénie toute force exécutoire ;

 

Attendu que le comptable a, au cours de l’exercice 2014, pris en charge la dépense correspondant à la rémunération et aux cotisations sociales relatives à l’emploi de directeur de cabinet occupé par M. Olivier A, en l’absence des pièces justificatives mentionnées à l’article D. 1617-19 précité du CGCT ;

Attendu qu’aux termes de l’article 60-1 de la loi n° 63-156 de finances du 23 février 1963, modifiée, « les comptables sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de dépenses […] la responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus de trouve engagée dès lors qu’une dépense a été irrégulièrement payée […] » ;

Attendu que le comptable invoque, à sa décharge, dans ses courriers des 13 octobre et
25 novembre 2016, plusieurs moyens, à savoir, qu’il s’était à plusieurs reprises rapproché de l’ordonnateur, afin d’obtenir la régularisation de la situation de M. A ; qu’il n’était pas en mesure de vérifier la réalité de la signature de l’ordonnateur, dans le cadre de la convention de dématérialisation, de l’arrêté précité du 3 avril 2014 ; que celui-ci visait explicitement le budget primitif 2014, lequel prévoyait l’emploi concerné au tableau des effectifs, ainsi que les crédits budgétaires nécessaires ; et qu’enfin, la délibération du 1er juillet 2014 prévoyait effectivement le maintien de l’emploi de collaborateur de cabinet et l’inscription au budget des crédits correspondants ;

Attendu que les moyens invoqués n’exonèrent pas le comptable du contrôle de la production des pièces justificatives, prévu à l’article 20 du décret n° 2012-1246 précité ; qu’en particulier, la nouvelle délibération du 1er juillet 2014 n’est visée dans aucun acte d’engagement et que l’arrêté du 21 novembre 2016, visant à régulariser la situation de M. A, ne saurait être pris en compte du fait de son caractère rétroactif ;

Attendu que le comptable n’établit pas l’existence de circonstances consécutives de la force majeure, au sens du premier alinéa du V de l’article 60 de la loi n° 63-156 susvisée ;

Attendu ainsi que le comptable aurait dû suspendre le paiement des dépenses précitées et en informer l’ordonnateur, conformément aux dispositions de l’article 38 du décret n° 2012-1246 précité ; que, dans ces conditions, le comptable a manqué à ses obligations et a engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire au titre de l’article 60 de la loi de finances du
23 février 1963 ;

Sur l’existence d’un préjudice financier :

Attendu que l’ordonnateur a précisé, dans son courrier du 27 octobre 2016, que la commune de Gravelines n’a subi aucun préjudice, dans la mesure où le paiement de la rémunération de
M. A avait été inscrit au budget 2014 de la collectivité et que l’intéressé avait effectué son service entre avril et décembre 2014 ;

Attendu que le comptable indique, en outre, dans sa réponse du 13 octobre 2016, que la signature du bordereau de mandatement de la paye vaut certification du caractère exécutoire des pièces et que, par ailleurs, le contrôle de la paye est effectué a postériori ; il estime que le contrôle de la dépense a bien été effectué et que sa traçabilité est établie ;

Attendu que ces arguments ne peuvent qu’être rejetés, dans la mesure où il est de jurisprudence constante que l’attestation d’un service fait ne suffit pas à écarter l’existence d’un préjudice financier causé par un manquement ;

 

 

Attendu, dans ces conditions, que le paiement intervenu, qui constitue une dépense indue, a entraîné un préjudice financier pour la commune ;

Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du
23 février 1963 susvisée « Lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement sur ses deniers personnels, la somme correspondante » ; qu’ainsi, il y a lieu de constituer
M. OlivierX débiteur de la commune de Gravelines, pour la somme de 72 118,15 €, augmentée des intérêts de droit, à compter du 7 octobre 2016, date de réception du réquisitoire par M.X ;

Sur le respect des règles du contrôle sélectif de la dépense :

Attendu que le seul document intitulé « calendrier thématique de contrôle de la paye 
exercice 2011 » présenté par le comptable, validé par l’administrateur des finances publiques de la recette des finances de Dunkerque ne concerne que l’exercice 2011 ; il n’a pas été produit de plan de contrôle sélectif valide au titre de 2014 ;

Attendu, dès lors, que les mandats relatifs à la              paie devaient faire l’objet d’un contrôle exhaustif ;

Par ces motifs,

DÉCIDE :

Article 1er :  En ce qui concerne M. OlivierX, au titre de l’exercice 2014, présomption de charge unique

 M. OlivierX est constitué débiteur de la commune de Gravelines pour la somme de 72 118,15 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 7 octobre 2016.

Article 2 : La décharge de M. OlivierX, pour sa gestion du 1er janvier 2014 au
31 décembre 2014, ne pourra être donnée qu’après apurement du débet fixé
ci-dessus.

 

 

Fait et jugé par M. Jean-Louis Monniot, président de séance, MM. Philippe Lécluze et
Méhidine Faroudj, premiers conseillers.

En présence de M. Bernard Chabé, greffier de séance.

 Bernard Chabé Jean-Louis Monniot

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

En application des articles R. 242-14 à R. 242-16 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-17 à R. 242-19 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à
l’article R. 242-26 du même code.

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ANNEXE

Détail de la rémunération et des cotisations sociales de M. Olivier A

(avril à décembre 2014) – en €

Mois

N° mandat

Traitement net

Cotisations salariales

Cotisations patronales

Total

avr-14

2745

4 318,04

1 125,51

2 566,57

8 010,12

mai-14

3671

4 318,04

1 125,51

2 566,57

8 010,12

juin-14

4614

4 318,04

1 125,51

2 566,57

8 010,12

juil-14

5565

4 318,04

1 125,51

2 566,57

8 010,12

août-14

6924

4 318,04

1 125,51

2 566,57

8 010,12

sept-14

7736

4 318,04

1 125,51

2 566,57

8 010,12

oct-14

8619

4 318,04

1 125,51

2 566,57

8 010,12

nov-14

9503

4 318,04

1 125,51

2 566,57

8 010,12

déc-14

10207

4 303,52

1 140,03

2 593,64

8 037,19

Total

 

38 847,84

10 144,11

23 126,20

72 118,15

 

JU-2017-0004Commune de Gravelines 1/6