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Sections réunies Jugement n° 2017- 0013 Audience publique du 7 avril 2017 Prononcé du 20 avril 2017 | DEPARTEMENT DU PAS-DE-CALAIS Poste comptable : PAIERIE DEPARTEMENTALE DU PAS-DE-CALAIS Exercice 2012 |
République Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
Vu le réquisitoire n° 2017-0003 en date du 13 janvier 2017, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de
M. Alain X, comptable du département du Pas-de-Calais, au titre d’opérations relatives à l’exercice 2012, notifié le 21 janvier 2017 au comptable concerné ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable du département du Pas-de-Calais, par
M. Alain X du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012 ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique alors en vigueur et le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le rapport de M. Dominique Walle, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
JU-2017-0013 – Département du Pas-de-Calais 1/5
Vu les conclusions du procureur financier ;
Vu les pièces du dossier, notamment les pièces produites par M. Alain X, comptable mis en cause, les 21 février et 1er mars 2017, ainsi que son mémoire du 30 mars 2017, enregistré le 3 avril 2017 et celles transmises le 10 février 2017 par M. Michel Y, ordonnateur en fonctions ;
Entendu lors de l’audience publique du 7 avril 2017, M. Dominique Walle, premier conseiller, en son rapport, M. Philippe Jamin, procureur financier, en ses conclusions, M. Alain X, comptable mis en cause et M. Michel Y, ordonnateur en fonctions, régulièrement convoqués, n’étant ni présents, ni représentés ;
Sur la présomption de charge unique, soulevée à l’encontre de M. Alain X, au titre de l’exercice 2012 :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes Hauts-de-France de la responsabilité encourue par M. Alain X, à raison du paiement d’une indemnité exceptionnelle au bénéfice des agents du département du
Pas-de-Calais – autres que les assistants familiaux – en décembre 2012, sans délibération autorisant le versement de ladite prime, pour un montant total de 1 432 440,70 € ;
Sur l’existence d’un manquement
Attendu que l’alinéa 1 de l’article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 en vigueur au cours de l’exercice 2012 dispose que « L'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale ou le conseil d'administration d'un établissement public local fixe les régimes indemnitaires dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'État […]. » ;
Attendu que, par délibération du 17 décembre 2012, l’assemblée du département du
Pas-de-Calais a accordé aux seuls assistants familiaux le versement d’un complément de rémunération exceptionnel, pour l’exercice 2012, de 250 € nets par agent ;
Attendu qu’en application de l’annexe 1 de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, dans sa version applicable à l’exercice 2012, le comptable est tenu d’exiger s’agissant des « Primes et indemnités » (rubrique 210223), la production des pièces suivantes : « 1. Décision de l’assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen des indemnités […] » ;
Attendu que le comptable indique que la délibération du 17 décembre 2012 « a livré une information sur l’extension du dispositif de complément de rémunération attribué aux assistants familiaux » ; qu’il estime que cette ambiguïté ne lui est pas opposable ; qu’il ajoute que « sur le principe, cette manière de voir est en partie discutable car elle n’intègre pas la condition du respect de la réglementation sur le régime indemnitaire des agents territoriaux (plafond au regard du régime des fonctionnaires de l’Etat) » ;
Attendu que l’ordonnateur en fonctions indique, dans sa réponse, n’avoir aucune observation complémentaire à formuler ;
Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 60 de la loi du 23 février 1963, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du paiement des dépenses et des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer dans les conditions prévues par le décret n° 2012-1246 du
7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ; que cette responsabilité se trouve engagée dès lors qu'une dépense a été irrégulièrement payée ;
Attendu qu’au moment du paiement, le comptable ne disposait pas d’une délibération autorisant explicitement le versement d’une prime exceptionnelle aux personnels autres que les assistants familiaux ; que devant l’ambigüité du dispositif de la délibération du 17 décembre 2012 soulevée par le comptable lui-même, ce dernier était tenu de suspendre le paiement de la prime en cause ; que, par ailleurs, il ne revient pas au comptable d’apprécier la légalité des actes qui lui sont présentés ;
Attendu qu’en n’ayant pas satisfait aux contrôles prévus par les articles 19 et 20 du décret du
7 novembre 2012 susvisé, portant notamment sur la validité de la dépense et la production des pièces justificatives, le comptable a manqué à ses obligations et engagé sa responsabilité ; que ce manquement ne résulte pas de circonstances constitutives de la force majeure ;
Sur l’existence d’un préjudice financier :
Attendu que, selon l’article 60 susvisé de la loi du 23 février 1963 modifiée, « la responsabilité personnelle et pécuniaire prévue au I est mise en jeu par le ministre dont relève le comptable, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes dans les conditions qui suivent » ; que « lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné […] le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
Attendu que le comptable considère que le manquement n’a pas causé de préjudice financier pour le département ; qu’il estime que la probabilité d’un dépassement du plafond du montant des indemnités pour chaque agent est faible ; qu’il rappelle qu’aucun crédit supplémentaire n’a été sollicité ;
Attendu que l’ordonnateur en fonctions ne fait ni observation, ni commentaire sur l’existence d’un préjudice financier ;
Attendu que le manquement du comptable a entraîné une dépense indue ; que c’est à tort que les agents du département ont perçu le complément de rémunération exceptionnel ; qu’il en résulte un préjudice financier pour le département ; que les éléments soulevés par le comptable ne sont pas de nature à écarter l’existence de ce préjudice ;
Attendu qu’aux termes du même article susvisé, « Lorsque le manquement du comptable (…) a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné (…), le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’ainsi, il y a lieu de constituer M. Alain X débiteur du département du Pas-de-Calais pour la somme de 1 432 440,70 € ;
Sur les intérêts :
Attendu qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 21 janvier 2017, date de réception du réquisitoire par M. Alain X ;
Sur le respect des règles de contrôle sélectif de la dépense :
Attendu qu’aux termes du paragraphe IX de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963, dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 « (…) Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l’appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l’obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI (…) » ;
Attendu que le comptable a produit un plan de contrôle hiérarchisé de la dépense, relatif au département du Pas-de-Calais, avec un calendrier de plan de contrôle de la paie annexé pour l’exercice 2012, validé par la direction départementale des finances publiques du Pas-de-Calais le 29 novembre 2012 ; que le plan de contrôle de la paie prévoyait un contrôle mensuel de la variation des revenus, à la date du 30 janvier 2013 pour la paie de décembre 2012 ;
Attendu que les éléments transmis ne permettent pas de démontrer ni établir la mise en œuvre de ce plan de contrôle appliquée au versement du complément de rémunération exceptionnel qui a entraîné une variation des revenus de l’ensemble des agents ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : En ce qui concerne M. Alain X, au titre de l’exercice 2012, présomption de charge unique
M. Alain X est constitué débiteur du département du Pas-de-Calais pour la somme d’un million quatre cent trente-deux mille quatre cent quarante euros et soixante-dix centimes (1 432 440,70 €), augmentée des intérêts de droit à compter du 21 janvier 2017.
Article 2 : La décharge de M. Alain X pour sa gestion du 1er janvier 2012 au
31 décembre 2012 ne pourra être donnée qu’après apurement du débet fixé
ci-dessus.
Fait et jugé par M. Patrice Ros, président de séance, MM. Frédéric Leglastin et Michel Demarquette, premiers conseillers.
En présence de M. Bernard Chabé, greffier de séance.
Bernard Chabé | Patrice Ros |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En application des articles R. 242-14 à R. 242-16 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-17 à R. 242-19 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à
l’article R. 242-26 du même code.
JU-2017-0013 – Département du Pas-de-Calais 1/5