Sections réunies

 

Jugement n° 2017-0032

 

Audience publique du 5 octobre 2017

 

 

 

Prononcé du 10 novembre 2017

Conseil départemental de l’Aveyron

 

Poste comptable : Paierie départementale de l’Aveyron

 

 codique : 012090999

 

 

Exercices 2010 à 2012

 

 

 

 

 

La République Française

Au nom du peuple français

 

 

La Chambre,

 

 

 

VU les comptes, rendus en qualité de comptable du conseil départemental de l’Aveyron par M. X, du 1er janvier 2010 au 27 août 2012 ;

 

VU le réquisitoire, pris le 11 avril 2017 et notifié le 5 mai 2017, par lequel le procureur financier près la chambre régionale des comptes a saisi la juridiction de charges présomptives à l’encontre dudit comptable au titre d’opérations relatives à l’exercice 2012 ;

 

VU les justifications produites au soutien du compte ;

 

VU l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

 

VU le code des juridictions financières ;

 

VU les lois et règlements applicables aux conseils départementaux ;

 

VU le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

 

VU le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l'article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

 

VU les observations en date du 1er juin 2017, enregistrées au greffe le 2 juin 2017, présentées par le président du conseil départemental de l’Aveyron ;

 

VU les observations en date du 9 juin 2017, enregistrées au greffe le 5 juillet 2017, présentées par M. X;

 

VU le rapport de Mme Hélène Motuel-Fabre, présidente de section, magistrate chargée de l’instruction ;

 

VU les conclusions de M. Denys Echene, procureur financier près la chambre ;

 

VU les pièces du dossier ;

 

ENTENDU, lors de l’audience publique du 5 octobre 2017,Mme Hélène Motuel-Fabre, présidente de section, en son rapport et M. Denys Echene, en ses conclusions ;

 

Après avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier près la chambre, M.  X et le président du conseil départemental de l’Aveyron n’étant ni présents ni représentés à l’audience publique ;

 

 

Sur la présomption de charge unique, soulevée à l’encontre de M. X, au titre de l’exercice 2012 :

 

1 -     Sur le réquisitoire

 

ATTENDU qu’en application de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général de la comptabilité publique »  ;

 

ATTENDU qu’en application de l’article 12 du décret n°62-1587 du 29 décembre 1962 susvisé, les comptables sont notamment tenus d’exercer, en matière de dépenses, le contrôle de la validité de la créance ;

 

ATTENDU qu’en application de l’article 13 du même décret, ce contrôle doit être exercé au regard, en particulier, de la production des justifications requises à l’appui de la dépense ;

 

ATTENDU dès lors que la production desdites justifications participe de façon substantielle de la régularité de la dépense ;

 

ATTENDU que les dispositions de l’article D.1617-19 du code général des collectivités territoriales et de son annexe 1 fixent la liste des pièces justificatives devant figurer à l’appui des dépenses ; qu’il y a lieu, au-delà du premier paiement, d’appliquer aux dépenses relatives aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS) allouées au personnel d’une collectivité locale telle que le conseil départemental de l’Aveyron la nomenclature des pièces justificatives de la rubrique 2102, et plus particulièrement sous- rubrique 210224 de ladite annexe ;

 

ATTENDU que cette nomenclature prévoit que le comptable doit disposer, pour pouvoir prendre en charge  à bon droit les mandats portant paiement d’IHTS, des pièces suivantes :

-          la délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires ;

-          le décompte indiquant, par agent et par taux d’indemnisation, le nombre d’heures effectuées ;

-          le cas échéant, la décision justifiant le dépassement du contingent mensuel autorisé ;

 

ATTENDU que la délibération du 26 février 2003, par laquelle l’assemblée délibérante a fixé le régime indemnitaire applicable aux agents départementaux et qui était applicable au cours de l’exercice 2012, ne prévoit pas le paiement d’heures supplémentaires au personnel de catégorie A, qu’il soit fonctionnaire ou contractuel ;

 

ATTENDU que, pour ce qui concerne les contractuels, les contrats de travail ne font mention d’aucun régime spécifique qui leur aurait été accordé en matière d’heures suppléméntaires ;

 

ATTENDU que, sur ces fondements et par réquisitoire susvisé du 11 avril 2017, le procureur financier près la chambre régionale des comptes a requis la juridiction, au motif que le comptable en cause a pris en charge, au cours de l’exercice 2012, plusieurs mandats collectifs indemnitaires portant notamment sur le paaiement d’IHTS à des agents de catégorie A ;

 

 

2 -     Sur l’existence d’un manquement du comptable

 

ATTENDU qu’en application de l’article 12 du décret n°62-1587 du 29 décembre 1962 susvisé, les comptables sont notamment tenus d’exercer, en matière de dépenses, le contrôle de la validité de la créance ; qu’en application de l’article 13 dudit décret, ce contrôle doit être exercé au regard, en particulier, de la production des justifications requises à l’appui de la dépense ;

 

ATTENDU que les dispositions de l’article D.1617-19 du code général des collectivités territoriales et de son annexe 1 fixent la liste des pièces justificatives devant figurer à l’appui des dépenses ; qu’il y a lieu, au-delà du premier paiement, d’appliquer aux dépenses relatives aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS) allouées au personnel d’une collectivité locale telle que le conseil départemental de l’Aveyron la nomenclature des pièces justificatives de la rubrique 2102, et plus particulièrement la sous- rubrique 210224, de ladite annexe ; que cette nomenclature prévoit que le comptable doit, pour pouvoir prendre en charge à bon droit les mandats portant paiement d’IHTS, disposer de la délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires ;

 

ATTENDU qu’il ressort des pièces du dossier que des IHTS ont été payées, par le comptable, à des agents de catégorie A, au titre de l’exercice 2012, au travers des mandats de janvier : n° 127 et 140, février : n°353, mars : n° 7399, avril : n°11580 et 11593, mai : n°15914 et 15927, juin : n°20351 et 20365, juillet : n°24963 et 28219, pour un montant total de 4 983,17  ;

 

ATTENDU que, s’agissant d’agents titulaires de catégorie A, la délibération du conseil départemental du 26 février 2003 portant régime indemnitaire applicables aux agents départementaux qui était applicable au cours de l’exercice 2012, ne leur ouvrait pas droit au paiement d’heures supplémentaires ; que s’agissant d’agents contractuels de catégorie A en cause, aucune mention à leurs contrats ne stipulait un régime spécifique quant à l’octroi d’une telle indemnité ; que les paiements en cause ont été effectués sans pièces justificatives suffisantes ;

 

ATTENDU que, dans ses conclusions, le procureur financier près la chambre fait valoir que l‘article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales et son annexe 1 fixent la liste des pièces justificatives devant figurer à l’appui des dépenses d’IHTS ; qu’en particulier, ladite annexe prévoit que le comptable doit disposer, pour pouvoir prendre en charge à bon droit les mandats portant paiement d’IHTS, de la délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires; que le comptable a pris en charge des mandats collectifs indemnitaires portant notamment paiement d’IHTS à des agents de catégorie A, titulaires ou contractuels, sans pièces justificatives suffisantes ; que, par suite, le comptable qui n’a pas suspendu le paiement des dépenses, en cause a commis un manquement au regard de ses obligations de contrôle de la validité de la créance ;

 

ATTENDU que le comptable pas plus que l’ordonnateur ne contestent l’existence d’un manquement ;

 

ATTENDU que, dans sa réponse, le comptable fait cependant valoir que les dits paiements ont concerné un agent de catégorie C (matricule 3416N) pour un montant de 170,09  ; que l’instruction a permis d’établir qu’il s’agissait d’un agent de catégorie C auquel la délibération précitée ouvrait droit au versement d’une telle indemnité ; qu’il y a lieu d’accueillir ce moyen ;

 

ATTENDU que le comptable fait état de ce que le paiement d’IHTS à des agents de catégorie A est une pratique ancienne qui n’avait pas fait l’objet d’observations lors des précédents contrôles exercés par la chambre régionale des comptes Midi Pyrénées ; qu’en outre, le comptable précise que, suite aux observations formulées par la chambre lors du dernier contrôle de gestion, cette pratique a cessé ;

 

ATTENDU qu’il est de jurisprudence constante que la responsabilité du comptable s’apprécie au moment du paiement ; que, dans ces conditions, la double circonstance qu’il ait été mis fin, postérieurement, au règlement d’IHTS à des agents de catégorie A et que la pratique, irrégulière, n’avait pas été relevée lors de précédents contrôles juridictionnels, est sans incidence sur le manquement que le comptable a commis en prenant en charge en 2012 les mandats précités de paiement d’IHTS pour des agents de catégorie A;

ATTENDU que l’existence de circonstances constitutives de la force majeure n’est pas établie; que par suite, il y a lieu de mettre en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable ;

ATTENDU qu’en application des dispositions de l'article 37 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 susvisé, le comptable aurait dû suspendre le paiement des mandats en cause et en informer l’ordonnateur ; qu’en ne le faisant pas, le comptable a manqué à ses obligations de contrôle en matière de dépenses ; que sa responsabilité personnelle et pécuniaire est engagée à hauteur de 4 813,08€, au titre de l’exercice 2012;

 

ATTENDU par conséquent que le comptable a ainsi commis un manquement susceptible d’engager sa responsabilité personnelle et pécunaire ;

 

 

3 -     Sur l’existence d’un préjudice financier du fait du manquement du comptable

 

ATTENDU que le comptable fait état du courrier en réponse du président du conseil départemental qui atteste de la volonté de la collectivité de mandater ces dépenses, en contrepartie d’heures supplémentaires effectuées, liées à une surcharge de travail et après vérification du service fait ; qu’il considère que cette situation n’a pas causé de préjudice financier à la collectivité, dans la mesure où elle est la conséquence de la volonté de l’ordonnateur et où la réalité du service fait est avérée ;

 

ATTENDU que la comptable en fonctions reprend les mêmes arguments et ajoute que l’ordonnateur a produit un certificat attestant de sa volonté manifeste de procéder à ces dépenses ; que par ailleurs cette contrainte était clairement inscrite sur les fiches de poste des agents contractuels de catégorie A, et que pour l’ensemble des agents concernés les états liquidatifs de service fait ont été fournis ; qu’elle argue enfin que, pour le conseil départemental, la charge financière de ces travaux supplémentaires existait et que son imputation aurait dû se faire sur une ligne de dépense différente, à savoir sur le régime indemnitaire ;

 

ATTENDU que, dans ses observations, le président du conseil départemental, ordonnateur, fait état des mêmes arguments ;

 

ATTENDU que, dans ses conclusions, le procureur financier près la chambre, fait valoir que conformément à une jurisprudence désormais bien établie, une dépense indue, car irrégulièrement payée, cause un préjudice financier à la collectivité ; qu’en l’espèce, le préjudice financier causé au conseil départemental s’élève à la somme de 4 813,08€ assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2017 ;

 

ATTENDU que la Cour des comptes rappelle que l’appréciation de l’existence d’un préjudice financier par l’ordonnateur ne saurait lier l’appréciation du juge (Cour des comptes - 21 mai 2015, département du Jura) ;

 

ATTENDU que ladite dépense, irrégulièrement prise en charge par le comptable, est indue ; que, dans ces conditions, l’existence d’un service fait est sans incidence sur la réalité du préjudice ainsi causé à la collectivité ;

 

ATTENDU, par conséquent, que le manquement du comptable est à l’origine d’un préjudice financier causé au conseil départemental de l’Aveyron, au sens des dispositions du troisième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février susvisée; que ledit préjudice s’élève à la somme de 4 813,08 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2017 ; 

 

 

4 -     Sur la mise en œuvre de la responsabilité du comptable

 

ATTENDU qu’aux termes du troisième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « lorsque le manquement du comptable a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné, le comptable a l’obligation de reverser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’ainsi il y a lieu de constituter M. X débiteur du conseil départemental de l’Aveyron pour la somme de quatre mille huit cent treize euros et huit centimes (4 813,08 €) ;

 

ATTENDU qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée : « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécunaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce cette date est le 5 mai 2017, date de la notification du réquisitoire au comptable ;

 

ATTENDU, enfin, que le comptable n’a apporté aucun justificatif permettant d’apprécier l’application d’un contrôle hiérarchisé de la dépense au cours de l’exercice 2012 ;

 

 

Par ces motifs,

 

DÉCIDE :

 

Article 1: Sur la présomption de charge unique, au titre de l’exercice 2012 ;

 

M. X est constitué débiteur du département de l’Aveyron pour la somme de quatre mille huit cent treize euros et huit centimes (4 813,08 €), augmentée des intérêts de droit à compter du 5 mai 2017 .

 

 

Article 2 : La décharge de M. X ne pourra être donnée qu’après apurement du débet .

 

 

Délibéré le 5 octobre 2017 par M. Stephane LUCIEN-BRUN, président de séance, vice-président, Mme Isabelle PASTOR, premier-conseiller, réviseure ; M. Mickael DUWOYE, premier conseiller.

 

 

En présence de Mme Clarisse GOUILLOUX, greffière de séance.

 

 

 

 

 

 

 

 

Clairsse GOUILLOUX

greffière de séance

 

 

 

 

 

 

 

Stephane LUCIEN-BRUN

Président de séance

 

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre les dispositions dudit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

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500, avenue des États du Languedoc CS 70755 34064 MONTPELLIER CEDEX 2 T +33 4 67 20 73 00 occitanie@crtc.ccomptes.fr


 

 

 

 

 

 

Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la chambre régionale des comptes Occitanie, et délivré par moi, secrétaire générale,

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Brigitte VIOLETTE,

secrétaire générale

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans un délai de deux mois à compter de leur notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code.

Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger.

La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.

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