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Jugement n° 2017-0005 Audience publique du 28 mars 2017 Jugement prononcé le 28 avril 2017 | Commune de Fontaine-la-Guyon Eure-et-Loir 028 018 154 Exercice 2012 |
RÉpublique Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée relative à la fonction publique territoriale et son décret d’application n° 91-875 du 6 septembre 1991 ;
Vu le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 modifié relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires ;
Vu l'article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifié ;
Vu les textes législatifs et réglementaires relatifs à la comptabilité des communes ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié ;
Vu l’arrêté de charge provisoire du 25 février 2015, pris par la responsable du pôle interrégional d’apurement administratif (PIAA) de Rennes, à l’encontre de Mme X..., comptable de la commune de Fontaine-la-Guyon, au titre de sa gestion portant sur l’exercice 2012, du 3 septembre au 31 décembre ;
Vu le réquisitoire du ministère public n° R/15/0036/J du 12 mai 2015 ;
Vu l’ensemble des pièces du dossier ;
Vu le rapport n° 2017-0013 de M. Benoist Delage, premier conseiller, rapporteur, communiqué au ministère public le 13 février 2017 ;
Vu les conclusions n° C/17/0014/J2 du 1er mars 2017 du procureur financier ;
Vu les justifications recueillies au cours de l’instruction ;
Après avoir entendu lors de l’audience publique du 28 mars 2017, M. Benoist Delage, premier conseiller, en son rapport, et Mme Cécile Daussin Charpantier, procureur financier, en ses conclusions, les autres parties, dûment avisées de la tenue de l’audience, n’étant ni présentes ni représentées ;
ATTENDU que les articles 12 et 13 du décret du 29 décembre 1962 susvisé, alors en vigueur, disposent : « Les comptables sont tenus d’exercer (…) b) – En matière de dépenses, le contrôle (…) de la validité de la créance (…). En ce qui concerne la validité de la créance, le contrôle porte : sur la justification du service fait et l’exactitude des calculs de liquidation ; (sur) l’intervention préalable des contrôles réglementaires et la production des justifications (…) » ;
ATTENDU qu’en application de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisé, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables notamment du recouvrement des recettes, de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu’ils dirigent ; que leur responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve engagée dès lors qu’une dépense a été irrégulièrement payée ;
ATTENDU que lorsque les pièces justificatives produites à l’appui d’un paiement sont insuffisantes au regard des exigences réglementaires, le comptable doit suspendre le paiement jusqu’à ce que l’ordonnateur ait produit l’ensemble des justifications nécessaires ;
ATTENDU que, par réquisitoire susvisé du 12 mai 2015, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes aux fins de statuer sur la responsabilité encourue par Mme X..., comptable de la commune de Fontaine-La-Guyon, au motif qu’elle a procédé, au cours de l’exercice 2012, par les mandats dont le détail figure ci-dessous, au paiement irrégulier à M. Y..., adjoint technique 2e classe puis 1e classe à compter du 1er juin 2012, d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS) d’un montant global de 548,88 € en l’absence d’une délibération prévoyant la liste des emplois pouvant bénéficier de telles indemnités ;
Mandats | Bulletins de paie | Heures supplémentaires | ||||||
N° | Date | Montant | Mois | Montant | Q | Montant | ||
656 | 17/09/2012 | 1 433,72 € | Septembre 2012 | 1 433,72 € | 16 | 199,42 € | ||
719 | 18/10/2012 | 1 303,65 € | Octobre 2012 | 1 303,65 € | 8 | 99,52 € | ||
765 | 19/11/2012 | 1 476,23 € | Novembre 2012 | 1 476,23 € | 20 | 249,94 € | ||
Total | 44 | 548,88 € | ||||||
Source : Bulletins de salaire et mandats correspondants
Sur le droit applicable
ATTENDU que l’indemnisation horaire des heures supplémentaires est possible dans les conditions prévues par le décret susvisé n° 2002-60 du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires ; que son article 2 stipule « I. - 1° Les indemnités horaires pour travaux supplémentaires peuvent être versées, dès lors qu'ils exercent des fonctions ou appartiennent à des corps, grades ou emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d'heures supplémentaires, aux fonctionnaires de catégorie C et aux fonctionnaires de catégorie B ».
ATTENDU qu’en application des dispositions de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, le comptable doit exiger, avant de procéder au paiement d’une dépense, les pièces justificatives prévues dans la liste définie à l’annexe I dudit code ; que la rubrique 210224 « Indemnités horaires pour travaux supplémentaires » de cette annexe, dans sa version modifiée par le décret n° 2007-450 du 25 mars 2007 modifiant le code général des collectivités territoriales, applicable en l’espèce, prévoit les pièces suivantes : « 1. Délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires ; 2. Décompte indiquant par agent et par taux d’indemnisation le nombre d’heures effectuées » ;
ATTENDU que, pour apprécier la validité des créances, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications ; qu'à ce titre, il leur revient d'apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée ; que pour établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l'ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur a été fourni et, en deuxième lieu, si ces pièces sont, d'une part, complètes et précises, d'autre part, cohérentes au regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable et de la nature et de l'objet de la dépense telle qu'elle a été ordonnancée ; que si ce contrôle peut conduire les comptables à porter une appréciation juridique sur les actes administratifs à l'origine de la créance et s'il leur appartient alors d'en donner une interprétation conforme à la réglementation en vigueur, ils n'ont pas le pouvoir de se faire juges de leur légalité ; qu'enfin, lorsque les pièces justificatives fournies sont insuffisantes pour établir la validité de la créance, il appartient aux comptables de suspendre le paiement jusqu'à ce que l'ordonnateur leur ait produit les justifications nécessaires ;
Sur les faits
ATTENDU qu’il ressort des pièces du dossier que, par les mandats n° 656 du 17 septembre 2012, n° 719 du 18 octobre 2012 et n° 765 du 19 novembre 2012, des indemnités horaires pour travaux supplémentaires ont été payées à M. Y... pour un montant total de 548,88 € ;
ATTENDU qu’au moment de la prise en charge des paiements litigieux, Mme X... ne disposait pas au titre des pièces justificatives de cette dépense notamment de la délibération précisant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires ;
Sur les réponses de la comptable
ATTENDU que si la comptable en cause et l’ordonnateur reconnaissent qu’une délibération fixant la liste des emplois telle qu’exigée par la nomenclature des pièces justificatives de la dépense n’existait pas au moment du paiement des mandats litigieux, ils ont produit une délibération du 15 décembre 2004 ayant pour objet « indemnités horaires pour travaux supplémentaires » ; qu’ils indiquent qu’une délibération du 11 juillet 2013 fixe désormais la liste de ces emplois ;
ATTENDU que la délibération du 15 décembre 2004 vise le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 relatif aux IHTS et fixe les modalités de calcul des « heures effectivement effectuées » ; que les parties s’accordent pour considérer que cette délibération de 2004 institue de façon implicite le droit pour tous les agents relevant du décret n° 2002-60 d’effectuer des heures supplémentaires et que par suite, la prise en charge des mandats en cause n’est pas irrégulière ;
Sur l’application au cas d’espèce
ATTENDU que si l’article 2 du décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 précité mentionne effectivement certaines catégories d’agents (B et C) comme bénéficiaires potentiels de l’IHTS, il conditionne le versement de l’IHTS au fait que ces agents remplissent des fonctions ou appartiennent à des emplois permettant l’exercice desdites heures supplémentaires ; que la rédaction du décret fixe une condition supplémentaire à la seule appartenance à un corps de catégorie B ou C faisant nécessairement obstacle à la lecture qu’en font les parties ;
ATTENDU ainsi qu’au moment du paiement des indemnités litigieuses, la comptable ne disposait pas de toutes les pièces requises pour apprécier la validité de la créance ; qu’à supposer qu’elle disposât de la délibération du 15 décembre 2004, en présence d’une pièce justificative incomplète, elle aurait dû suspendre le paiement ;
ATTENDU que la circonstance, invoquée par la comptable, que la délibération du
15 décembre 2004 a été rendue exécutoire par sa transmission au contrôle de légalité, ne dispensait pas la comptable des obligations qui lui incombent au titre du contrôle de la validité de la créance ;
ATTENDU enfin que le moyen, soulevé par les parties, qu’une délibération du 11 juillet 2013 fixe désormais la liste des emplois dont la mission implique la réalisation effective d’heures supplémentaires, est sans incidence sur la réalité du manquement, qui s’apprécie à la date du paiement des indemnités litigieuses ;
ATTENDU qu’il résulte de ce qui précède que Mme X..., en procédant au paiement des mandats litigieux comprenant des indemnités horaires pour travaux supplémentaires alors qu’elle ne disposait pas de la délibération requise par la réglementation précisant les emplois autorisés à percevoir cette indemnité, a manqué à ses obligations de contrôle de la validité de la créance et engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire au titre de l’exercice 2012 ;
Sur le droit applicable
ATTENDU qu’aux termes du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « (…) lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public, l’organisme public a dû procéder à l’indemnisation d’un autre organisme public ou d’un tiers ou a dû rétribuer un commis d’office pour produire les comptes, le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
ATTENDU qu’un préjudice financier résulte d’une perte provoquée par une opération de décaissement ou un défaut de recouvrement d’une recette, donnant lieu à une constatation dans la comptabilité de l’organisme et se traduisant par un appauvrissement patrimonial de la personne publique non recherché par cette dernière ;
Sur la réponse des parties
ATTENDU que les parties s’entendent à considérer que la collectivité n’a pas subi de préjudice financier au motif que, d’une, part la délibération prévoyait le paiement desdites heures supplémentaires implicitement pour tous les agents répondant aux catégories mentionnées dans le décret et que, d’autre part, les heures supplémentaires ont bien été effectuées ;
Sur l’application au cas d’espèce
ATTENDU cependant que, lorsque l’instance est ouverte devant le juge des comptes, le constat de l’existence ou non d’un préjudice financier relève de l’appréciation de ce juge ; que l’effectivité du service rendu ne suffit pas pour écarter l’existence d’un préjudice financier ;
ATTENDU que faute d’une délibération complète et précise, la volonté de l’assemblée délibérante, seule compétente pour désigner les catégories d’agents pouvant bénéficier des indemnités, ne saurait être présumée ; que dès lors, les indemnités versées n’étaient pas dues et que leur paiement a, du seul fait de leur caractère indu, entraîné un préjudice financier pour la commune ;
ATTENDU que le versement d’indemnités forfaitaires pour travaux supplémentaires à M. Y..., représentant le paiement d’une dépense indue, a causé à la commune de Fontaine-la-Guyon un préjudice financier imputable au manquement du comptable lors de la prise en charge de l’opération ; qu’ainsi Mme X... se trouve dans le cas prévu par les paragraphes I et VI, 3e alinéa de l’article 60 de la loi susvisée du 23 février 1963 ;
ATTENDU qu’il y a donc lieu de constituer Mme X... débitrice de la commune de Fontaine-La-Guyon au titre de l’exercice 2012, du 3 septembre au 31 décembre, pour la somme 548,88 € ;
Sur les intérêts légaux
ATTENDU qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi susvisée du 23 février 1963, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ;
ATTENDU qu’en l’espèce, la date du premier acte de mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable est la date de réception par la comptable du réquisitoire du ministère public, soit celle du 22 mai 2015 ;
ATTENDU qu’aux termes du paragraphe IX de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963, « les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu (…) peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou du respect par celui-ci, sous l’appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l’obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ; que l’article 1er du décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 susvisé précise : « La somme maximale pouvant être mise à la charge du comptable, conformément aux dispositions du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, est fixée à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré » ;
ATTENDU qu’il a été produit un plan de contrôle hiérarchisé de la dépense (CHD) validé le 2 novembre 2011 par le comptable supérieur et le trésorier principal, applicable à la commune de Fontaine-la-Guyon et, au vu de sa date de validation, à l’exercice 2012 ; que selon ce plan de contrôle, les heures supplémentaires doivent être contrôlées a priori et chaque mois ; qu’en conséquence les mandats litigieux auraient dû faire l’objet d’un contrôle exhaustif ;
ATTENDU qu’il résulte de ce qui précède, qu’en l’absence de respect du plan de CHD, l’éventuelle remise gracieuse du débet prononcé devra laisser à la charge de la comptable une somme au minimum égale au double de la somme maximale visée au deuxième alinéa du IX de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, soit 447 € ;
PAR CES MOTIFS,
ORDONNE CE QUI SUIT :
Article 1er : Mme Chrisine Bourbao est constituée débitrice de la commune de Fontaine-la-Guyon, au titre de l’exercice 2012, du 3 septembre au 31 décembre, de la somme de cinq cent quarante-huit euros et quatre-vingt-huit centimes (548,88 €) augmentée des intérêts de droit à compter du 22 mai 2015.
Article 2 : La décharge de Mme X... pour sa gestion de l’exercice 2012, du 3 septembre au 31 décembre, ne pourra intervenir qu’après apurement du débet prononcé ci-dessus.
Article 3 : Pour l’application des dispositions du second alinéa du paragraphe IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, le montant du cautionnement constitué par Mme X… au titre de l’exercice 2012 pour lequel elle est constituée débitrice par l’article 1er du présent jugement, s’élève à 149 000 €.
Après avoir délibéré, hors la présence du rapporteur et du procureur financier.
Fait et jugé par Mme Catherine Renondin, présidente de la chambre régionale des comptes du Centre-Val de Loire, présidente de séance, M. Francis Bernard, président de section, MM. Philippe Parlant-Pinet et Pascal Platzer, premiers conseillers, et Mme Morgane Coguic, conseillère.
En présence de Mme Besma Blel, greffière de séance.
La greffière de séance
Besma Blel | La présidente de la chambre régionale
Catherine Renondin |
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Voies et délais de recours :
Article R. 242-14 du code des juridictions financières : « Les jugements et ordonnances rendus par les chambres régionales des comptes peuvent être attaqués dans leurs dispositions définitives par la voie de l'appel devant la Cour des comptes ».
Article R. 242-17 du code des juridictions financières : « La requête en appel, signée par l'intéressé, doit être déposée ou adressée par lettre recommandée au greffe de la chambre régionale des comptes.
La requête doit contenir, à peine de nullité, l'exposé des faits et moyens, ainsi que les conclusions du requérant. Elle doit être accompagnée des documents sur lesquels elle s'appuie et d'une copie du jugement ou de l’ordonnance attaqué ».
Article R. 242-18 du code des juridictions financières : « L'appel doit être formé dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement (…) ».
Jugement n° 2017-0005 - commune de Fontaine-la-Guyon (Eure-et-Loir)