2ème section
Jugement n° 2017-0031
Audience publique du 5 octobre 2017
Prononcé du 2 novembre 2017
| COMMUNE DE SÈTE
Poste comptable : Sète
N° codique : 034030 301
Exercice 2011
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La République Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
VU les comptes, rendus en qualité de comptable de la commune de Sète par M. X, du 1er janvier au 31 décembre 2011 ;
VU le réquisitoire, pris le 7 avril 2017, et notifié au comptable le 20 avril 2017, par lequel le procureur financier près la chambre régionale des comptes a saisi la juridiction de charges présomptives à l’encontre dudit comptable au titre d’opérations relatives à l’exercice 2011 ;
VU les justifications produites au soutien du compte ;
VU l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
VU le code des juridictions financières ;
VU les lois et règlements applicables à la commune de Sète ;
VU le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;
VU le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
VU le rapport de M. Jean-François GROUILLET, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
VU les conclusions de M. Denys ECHENE, procureur financier près la chambre ;
VU les pièces du dossier ;
ENTENDU, lors de l’audience publique du 5 octobre 2017, M. Jean-François GROUILLET, premier conseiller, en son rapport, et M. Denys ECHENE, procureur financier, en ses conclusions ;
ENTENDU, lors de l’audience publique du 5 octobre 2017, M. X, comptable de la commune de Sète, lequel a pris la parole en dernier ;
Après avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier près la chambre ; l’ordonnateur n’étant ni présent ni représenté à l’audience publique ;
Sur la présomption de charge unique, soulevée à l’encontre de M. X, au titre de l’exercice 2011 :
1 - Sur le réquisitoire
ATTENDU que l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 susvisée dispose que « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ; qu’en application de l’article 12 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 susvisé, les comptables sont notamment tenus d’exercer, en matière de dépenses, le contrôle de la validité de la créance ; qu’en application de l’article 13 du même décret, ce contrôle doit être exercé au regard, en particulier, de la production des justifications requises à l’appui de la dépense et de l’exactitude des calculs de liquidation ;
ATTENDU que les dispositions combinées de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales et de l’annexe I du même code, fixent la liste des pièces justificatives qui doivent figurer à l’appui des dépenses ; qu’il y a, au-delà du premier paiement, lieu d’appliquer aux dépenses relatives à une prime allouée au personnel d’une collectivité locale telle que la commune de Sète la nomenclature des pièces justificatives de la rubrique 2102 de ladite annexe ; que le bénéfice d’une prime est conditionné par l’existence préalable d’une décision de l’assemblée délibérante en fixant la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen ;
ATTENDU que, sur ces fondements et par réquisitoire susvisé du 7 avril 2017, le procureur financier près la chambre régionale des comptes a requis la juridiction au motif qu’entre les mois de janvier et septembre 2011, M. X a payé une prime informatique à trois agents titulaires de la commune, pour un montant total de 10 737,63 €, sans qu’une telle délibération ait été produite à l’appui des paiements ;
ATTENDU que, selon le ministère public, lesdits paiements apparaissent par conséquent dépourvus de fondement législatif ou réglementaire ; que M. X aurait dû, quand les mandats portant ces dépenses lui ont été présentés, vérifier qu’ils s’appuyaient sur des calculs de liquidation fondés et, constatant que tel n’était pas le cas, suspendre ou refuser leur prise en charge : qu’un manquement avéré à cette obligation de contrôle est susceptible d’engager la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable qui la commet, conformément au I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 modifiée ; qu’il résulte de ce qui précède que la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X, comptable en fonction à la date des paiements en cause, pourrait être engagée à concurrence de 10 737,63 € au titre de l’exercice 2011 ;
2 - Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations
ATTENDU que l’ordonnateur n’a pas produit de réponse ;
ATTENDU qu’une prime informatique a été versée mensuellement, du 1er janvier 2011 au 30 septembre 2011, à trois agents ; que cette prime a été payée par des mandats collectifs et bordereaux de mandats imputés au compte 6411880, pour un montant total de 10 737,63 € ;
ATTENDU que, conformément aux dispositions de l’article 12B du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, « les comptables sont tenus d’exercer […] en matière de dépenses, le contrôle […] de la validité de la créance dans les conditions prévues à l’article 13 ci-après » ; que ce dernier article précise qu’en ce qui concerne la validité de la créance, le contrôle porte sur la justification du service fait et l’exactitude des calculs de liquidation et l’intervention préalable des contrôles réglementaires et la production des justifications ;
ATTENDU que la nomenclature des pièces justificatives prévue à l’annexe 1 de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales précise, dans sa rubrique 210223 relative aux primes et indemnités, qu’une décision de l’assemblée délibérante doit fixer la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen des indemnités ;
ATTENDU que le comptable fait valoir qu’un arrêté individuel produit à l’appui des paiements faisait référence aux décrets n° 71-343 du 29 avril 1971 relatif aux fonctions et au régime indemnitaire des fonctionnaires de l’État et des établissements publics affectés au traitement de l’information et au décret n° 89-558 du 11 août 1989 le modifiant ; que la ville de Sète avait, par courrier du 18 août 2000, affirmé disposer d’un centre automatisé de traitement de l’information et qu’il ne lui appartenait pas de connaître l’exacte nature des fonctions exercées par les personnels de la collectivité ou de se faire juge de la légalité de l’attribution d’une prime qualifiée d’informatique ;
ATTENDU toutefois que le versement de cette prime informatique est intervenu sans que la délibération réglementairement prévue par la nomenclature des pièces justificatives précitée ait été produite à l’appui des mandats de paiement ; que le comptable, M. X, ne conteste pas l’absence de cette pièce ; qu’il a confirmé par deux fois ne pas en disposer ou ne pas avoir pu l’obtenir auprès des services municipaux ;
ATTENDU que le comptable fait valoir que la situation de deux agents a été régularisée en octobre 2011, en réponse aux observations formulées à l’occasion d’un précédent examen de la gestion par la chambre régionale des comptes ;
ATTENDU toutefois qu’il est de jurisprudence constante que la responsabilité du comptable s’apprécie au moment du paiement et que cette régularisation ne saurait l’en exonérer ;
ATTENDU que le ministère public conclut à l’existence d’un manquement commis par le comptable en cause au regard de ses obligations de contrôle de la validité de la créance, notamment en ce qui concerne la production des justifications et l’exactitude des calculs de liquidation ;
ATTENDU que M. X ne possédait pas les pièces conformes à l’article D. 1617-19, alinéa 2, et son annexe I du code général des collectivités territoriales ; qu’en application des dispositions de l’article 37 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, il aurait dû suspendre le paiement des mandats en cause et en informer l’ordonnateur ; qu’en ne le faisant pas, M. X a manqué à ses obligations de contrôle en matière de dépenses ; que sa responsabilité est donc engagée pour un montant de 10 737,63 € ;
ATTENDU que M. X ne fait pas état de circonstances constitutives de la force majeure ;
3 - Sur l’existence d’un préjudice financier du fait du manquement du comptable
ATTENDU que l’ordonnateur n’a pas produit de réponse ;
ATTENDU que le comptable soutient que la volonté de l’ordonnateur de faire bénéficier certains de ses agents de la prime informatique n’était pas équivoque ; que cette volonté est attestée par un arrêté individuel pour l’un des trois agents bénéficiaires ;
ATTENDU toutefois que la volonté de l’ordonnateur invoquée par le comptable ne saurait se substituer à celle du conseil municipal de Sète qui devait se traduire par l’adoption de la délibération requise ;
ATTENDU que le ministère public conclut à l’existence d’un préjudice financier causé à la commune de Sète du fait du manquement du comptable ;
ATTENDU qu’en l’absence d’une pièce justificative exigible, les dépenses en cause sont indues ; qu’elles ont, par conséquent, été irrégulièrement payées ; qu’elles sont constitutives d’un préjudice financier causé à la commune ; que ce préjudice financier est directement lié au manquement du comptable ;
4 - Sur la mise en œuvre de la responsabilité du comptable
ATTENDU qu’aux termes du troisième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’ainsi, il y a lieu de constituer M. X débiteur de la commune de Sète pour la somme de dix mille sept cent trente-sept euros et soixante-trois centimes (10 737,63 € ) ;
ATTENDU qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée : « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 20 avril 2017 ;
ATTENDU que le paragraphe IX de l’article 60 dispose que les comptables publics mis en débet par le juge des comptes peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge ; que, hormis les cas de décès du comptable ou de respect par ce dernier, sous l’appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public ; que le ministre chargé du budget doit laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double du plafond prévu pour la somme non rémissible, soit trois millièmes du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable ;
ATTENDU qu’en 2011, le comptable pratiquait un contrôle sélectif de la dépense sur le fondement d’un guide méthodologique qui constituait un référentiel national ; que, s’agissant des dépenses relatives à la paye, le référentiel n’était qu’indicatif, hormis pour les nouveaux entrants et sortants ; qu’ainsi que le souligne le comptable, le contrôle sélectif de ces dépenses de rémunérations était laissé à son appréciation ; que les modalités et résultats de ces contrôles ont été produits par lui ;
ATTENDU que des règles de contrôle sélectif de la dépense étaient définies, formalisées et appliquées par le comptable ; que le paiement de primes informatiques n’entrait pas dans le périmètre de celles-ci ; que la chambre estime à cet égard qu’une remise gracieuse totale pourrait être accordée au comptable ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : Sur la présomption de charge unique au titre de l’exercice 2011 :
Monsieur X est constitué débiteur de la commune de Sète pour la somme de dix-mille sept-cent trente-sept euros et soixante-trois centimes (10 737,63 €), augmentée des intérêts de droit à compter du 20 avril 2017 ;
Article 2 : La décharge de M. X ne pourra être donnée qu’après apurement du débet, fixé ci-dessus.
Délibéré le 5 octobre 2017 par M. Stéphane LUCIEN-BRUN, vice-président, président de séance ; M. Mickaël DUWOYE et Mme Isabelle PASTOR, premiers conseillers.
En présence de Mme Clarisse GOUILLOUX, greffière de séance.
Clarisse GOUILLOUX, greffière de séance |
Stéphane LUCIEN-BRUN, président de séance |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre les dispositions dudit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
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Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la chambre régionale des comptes Occitanie, et délivré par moi, secrétaire générale,
Brigitte VIOLETTE, secrétaire générale |
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans un délai de deux mois à compter de leur notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code.
Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger.
La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.
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