Sections réunies

 

Jugement n° 2017-0036

 

Audience publique du 7 novembre 2017

 

Prononcé du 27 novembre 2017

 

COMMUNE DE CANET-EN-ROUSSILLON

 

Poste comptable : Saint-Estève

 

 codique : 066028 037

 

Exercice 2012

 

 

 

 

La République Française

Au nom du peuple français

 

 

La Chambre,

 

 

 

VU les comptes, rendus en qualité de comptable de la trésorerie de Saint-Estève par                                   M. X, du 1er août 2012 au 31 décembre 2012 ;

 

VU le réquisitoire, pris le 28 juillet 2017 et notifié le 7 août 2017, par lequel le procureur financier près la chambre régionale des comptes a saisi la juridiction de charges présomptives à lencontre dudit comptable au titre dopérations relatives à lexercice 2012 ;

 

VU les justifications produites au soutien du compte ;

 

VU larticle 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

 

VU le code des juridictions financières ;

 

VU les lois et règlements applicables aux communes ;

 

VU le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

 

VU le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de larticle 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de larticle 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

 

VU le rapport de M. Matthieu JUVING premier conseiller, magistrat chargé de linstruction ;

 

VU les conclusions de M. Denys ECHENE, procureur financier près la chambre ;

 

VU les pièces du dossier ;

 

ENTENDU, lors de laudience publique du 7 novembre 2017, M. Matthieu JUVING, premier conseiller, en son rapport et M. Denys ECHENE, en ses conclusions ;

 

ENTENDU, lors de laudience publique du 7 novembre 2017, M. Y, ordonnateur de la commune de Canet-en-Roussillon, représenté par son conseil, Me Edouard CHICHET ;

 

ENTENDU, lors de laudience publique du 7 novembre 2017, M. X, comptable de la commune de Canet-en-Roussillon ;

 

Après avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier près la chambre ;

 

 

 

 

Sur la présomption de charge n° 3, soulevée à lencontre de M. X, au titre de lexercice 2012

 

 

1 -     Sur le réquisitoire

 

ATTENDU quen application de larticle 60-I de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles quils sont tenus dassurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ;

 

ATTENDU quen application des articles 12 et 13 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 susvisé, les comptables publics sont tenus, en matière de dépenses, dexercer le contrôle de la validité de la créance ; que ce contrôle porte notamment sur lintervention préalable des contrôles réglementaires et la production des justifications requises à l’appui de la dépense ;

 

ATTENDU quau cours de lexercice 2012, M. X, comptable de la commune de Canet-en-Roussillon alors en poste, a procédé au paiement de subventions supérieures à 23 000  à différentes associations de droit privé ;

 

ATTENDU que nulle convention, ni justifications particulières, ni décompte récapitulatif davances ne figurent dans les pièces justificatives ;

 

ATTENDU que, sur ces fondements et par réquisitoire susvisé du 28 juillet 2017, le procureur financier près la chambre régionale des comptes a requis la juridiction, au motif que la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X pourrait être engagée jusquà concurrence de 98 000 € au titre de lexercice 2012 ;

 

 

 

2 -     Sur lexistence dun manquement du comptable à ses obligations

 

Sur le droit applicable :

 

ATTENDU que larticle 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963 dispose que « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles quils sont tenus dassurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ;

 

ATTENDU quen application des articles 11 à 13 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 susvisé, les comptables publics sont tenus, en matière de dépenses, dexercer le contrôle de la validité de la créance ; que ce contrôle porte notamment sur lintervention préalable des contrôles réglementaires et la production des justifications requises à lappui de la dépense ;

 

ATTENDU quaux termes des dispositions de larticle 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations et du décret dapplication n° 2001­495 du 6 juin 2001 relatif à la transparence financière des aides octroyées par les personnes publiques, une convention doit être conclue avec lassociation qui bénéficie dune subvention si son montant annuel dépasse 23 000  ; que cette convention doit définir lobjet, le montant et les conditions dutilisation de la subvention attribuée ; que cette convention est mentionnée aux rubriques 7211 et 7212 de la liste des pièces justificatives de la dépense, en annexe I de larticle D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales ; quaux termes de larticle précité de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 dans sa version en vigueur en 2011, la seule exception à lobligation de production dune convention posée par cette loi concerne les organismes qui bénéficient de subventions pour lamélioration, la construction, lacquisition et lamélioration des logements locatifs sociaux prévues au livre III du code de la construction et de lhabitation ;

 

ATTENDU que selon le premier alinéa de larticle 60-I de la loi du 23 février 1963 susvisée, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables, entre autres, du paiement des dépenses et de la conservation des pièces justificatives ;

 

ATTENDU que conformément au troisième alinéa larticle 60-I de la loi du 23 février 1963 la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables se trouve engagée dès lors quune dépense a été irrégulièrement payée ;

 

ATTENDU quainsi la production desdites justifications participe de façon substantielle de la régularité de la dépense ;

 

 

Sur les faits :

 

ATTENDU quau cours de lexercice 2012, M. X, comptable de la commune de Canet-en-Roussillon, alors en poste, a procédé au paiement, sur le compte 6574 « Subventions de fonctionnement aux associations et autres personnes de droit privé » du budget principal, de subventions aux associations suivantes pour un montant excédant 23 000  :

-  mandat n° 2918 émis le 14 août 2012 au nom de lassociation « Perpignan Canet football club PCFC » pour un montant de 19 000 €, pris en charge le 17 août 2012 ;

-  mandat n° 4054 émis le 23 octobre 2012 auprès de lassociation « Salanque Côte Radieuse » pour un montant de 17 000 €, pris en charge le 5 novembre 2012 ;

-  mandat n° 2911 émis le 14 août 2012 au nom de lassociation « Canet en Roussillon Basket club Association Mini basket » pour un montant de 12 000 €, pris en charge le 17 août 2012 ;

-  mandat n° 2917 émis le 14 août 2012 au nom de lassociation « Natation 66 » pour un montant de 50 000 €, pris en charge le 17 août 2012 ;

 

ATTENDU que ces mandats nétaient pas accompagnés dune convention comme lexigent les rubriques 7211 et 7212 de la liste des pièces justificatives de la dépense, en annexe I de larticle D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales ;

 

 

Sur les éléments apportés à la charge et à la décharge du comptable :

 

ATTENDU que, dans sa réponse écrite, le comptable ne conteste pas labsence de convention au moment des paiements en cause ;

 

ATTENDU que le comptable fait valoir des difficultés managériales au sein du poste comptable ;

 

ATTENDU, toutefois, que le constat dun manquement par le juge relève, en application de larticle 60 de la loi de finances du 23 février 1963, dune appréciation objective sur le compte ;

 

ATTENDU que, lors de laudience, le comptable a indiqué avoir fait des démarches auprès de lordonnateur pour que les conventions avec les associations sportives soient formalisées ; quen lespèce ces conventions ont été conclues à partir de lexercice 2013 ; que dans sa réponse écrite, le maire de la commune fait valoir que les relations entre la collectivité et les associations percevant des subventions pour un montant de plus de 23 000 € ont été régularisées par la signature de conventions annuelles ou pluriannuelles dobjectifs prévus à larticle 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

 

ATTENDU toutefois que le manquement en dépenses doit sapprécier au moment du paiement ; que les démarches de régularisation postérieures ne sauraient exonérer le comptable de sa responsabilité pécuniaire et personnelle ;

 

ATTENDU que, dans ses conclusions, le procureur financier près la chambre fait valoir que les conventions exigibles au cas despèce nexistaient pas en 2011 et 2012 ; que cette exigence vaut pour les subventions dun montant cumulé annuel supérieur à 23 000 €, seuil que dépassent les subventions prises en charge par le comptable alors en exercice ; que le comptable aurait dû alors suspendre la prise en charge des mandats en cause ;

 

ATTENDU quaucune convention na été mise en oeuvre par la commune avec les associations avant lannée 2013 ; que seuls étaient joints les tableaux des budgets primitifs 2011 et 2012 récapitulant les montants des subventions par association ;

 

ATTENDU quen labsence de la pièce justificative requise, à savoir une convention définissant notamment lobjet, le montant et les conditions dutilisation de la subvention, M. X aurait dû suspendre le paiement en application respectivement des articles 37 et 38 des décrets des 29 décembre 1962 et 7 novembre 2012 ; quà défaut de le faire, il a commis un manquement à ses obligations ci-dessus rappelées ;

 

ATTENDU quil y a lieu dengager la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X sur sa gestion 2012 au titre de la charge n° 3 ;

 

 

 

3 -     Sur lexistence dun préjudice financier du fait du manquement du comptable

 

ATTENDU que, dans sa réponse écrite, le comptable fait valoir que, compte tenu de la promotion du sport voulue par la commune de Canet-en-Roussillon, la présence dune convention naurait rien changé à la dépense ; que, selon ce dernier, les paiements en cause nont ainsi causé aucun préjudice à la commune ;

 

ATTENDU que, dans sa réponse écrite, lordonnateur fait valoir que ces associations sont parfaitement et de longue date connues de la ville ainsi que leurs actions, tant habituelles quexceptionnelles ; quil ressort dune enquête administrative réalisée par les services de la commune, que les subventions versées ont été utilisées conformément aux objets sociaux des organismes subventionnés ; quainsi, selon ce dernier, il ny a pas eu de préjudice financier pour la collectivité ;

 

ATTENDU que, lors de laudience, Me CHICHET, représentant lordonnateur, et le comptable ont fait valoir que le fondement juridique de la volonté de lassemblée délibérante était constituée par la délibération portant vote du budget primitif accompagné de lannexe 1 précisant, dune part, le montant maximum autorisé par lassemblée délibérante et, dautre part, le nom des associations bénéficiaires des subventions prévues ; que, lors de cette même audience, le comptable a déposé une réponse complémentaire enregistrée au greffe dans laquelle il soutient que « pour déterminer si le paiement irrégulier dune dépense par un comptable public a causé un préjudice financier à lorganisme public concerné, il appartient au juge des comptes dapprécier si la dépense était effectivement due, et à ce titre, de vérifier notamment quelle nétait pas dépourvue de fondement juridique » (cf. CE, n° 397924, 22 février 2017, Grand Port Maritime de Rouen) ;

 

ATTENDU que, dans ses conclusions, le procureur financier près la chambre fait valoir quen labsence de convention, aucune délibération suffisamment détaillée ne figurait à lappui des mandats ou na été produite à linstruction ; que si les associations sont bien individuellement identifiées dans lannexe 1 précitée du budget primitif, ce document nest revêtu daucune signature ou mention de validité ; que le document joint aux mandats en cause ne constitue ainsi pas une délibération expresse et détaillée, et ne manifeste pas la volonté de lautorité compétente ; quil en résulte que le comptable a, à tort, pris en charge les mandats en cause, dune part, sans la convention exigible au regard de la nomenclature alors applicable des pièces justificatives de la dépense et, dautre part, sans aucune autre pièce qui aurait pu attester la volonté expresse, manifestée par lautorité compétente, de réaliser ces dépenses ; que, par conséquent, un préjudice financier a été causé à la commune de Canet-en-Roussillon du fait du manquement commis, au titre de lexercice 2012, par le comptable mis en cause, préjudice quil y a lieu de sanctionner par un débet à due concurrence ;

 

ATTENDU que lappréciation du juge des comptes quant à lexistence dun préjudice financier nest pas liée par une déclaration de lorgane délibérant ;

 

ATTENDU quen labsence de convention, aucune délibération ne figure à lappui des mandats ; que si les associations sont bien individuellement identifiées dans lannexe 1 précitée du budget primitif, ladite annexe nest revêtue daucune signature ou mention de validité ; que ce document joint aux mandats en cause ne constitue pas une délibération expresse et détaillée ; que sagissant de subventions supérieures à 23 000 € pouvant être assorties de conditions doctroi, larticle L. 2311-7 du code général des collectivités territoriales prévoit que leur attribution doit donner lieu à « une délibération distincte du vote du budget » ; que cette délibération distincte na pas été produite ; quau cas despèce, sagissant dune subvention supérieure à 23 000 €, seule cette délibération peut valoir décision dattribution dans la mesure où, pour les subventions inférieures à 23 000 dont lattribution nest pas assortie de conditions doctroi, la liste établie conformément au 2° de larticle L. 2311-7 du code général des collectivités territoriales vaut décision dattribution des subventions en cause ; que, par conséquent, le moyen invoqué par lordonnateur, selon lequel le fondement juridique de la volonté de lassemblée délibérante doctroyer lesdites subventions était constitué par la délibération portant vote du budget primitif, ne peut être retenu ; que, plus généralement, aucune pièce ou document produit natteste valablement la volonté manifeste, complète et expresse de lassemblée délibérante dattribuer lesdites subventions, de fixer leurs objectifs, de déterminer les modalités de leur versement, ou encore de prévoir les contrôles quelle entend mettre en œuvre ; que lesdites dépenses sont dépourvues de fondement juridique et quelles ne sont donc pas dues ;

 

ATTENDU par conséquent que le manquement du comptable a causé un préjudice financier, au sens des dispositions du troisième alinéa du paragraphe VI de larticle 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, à la commune de Canet-en-Roussillon ;

 

 

 

4 -     Sur la mise en œuvre de la responsabilité du comptable

 

ATTENDU quaux termes du troisième alinéa du paragraphe VI de larticle 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à lorganisme public concerné […], le comptable a lobligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; quainsi, il y a lieu de constituer M. X débiteur de la commune de Canet-en-Roussillon pour la somme de quatre vingt dix-huit mille euros (98 000 €) au titre de lexercice 2012 ;

 

ATTENDU que, aux termes du paragraphe VIII de larticle 60 de la loi du 23 février 1963 précitée : « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; quen lespèce, cette date est le 7 août 2017 ;

 

ATTENDU quaucun contrôle hiérarchisé de la dépense, ou contrôle sélectif de la dépense, navait été mis en place pour lexercice 2012 ;

 

 

 


Par ces motifs,

 

DÉCIDE :

 

Article 1er : Sur la présomption de charge n° 3 au titre de lexercice 2012 ;

 

M. X est constitué débiteur de la commune de Canet-en-Roussillon pour la somme de quatre vingt dix-huit mille euros (98 000 €) augmentée des intérêts de droit à compter du 7 août 2017.

 

 

Article final : La décharge de M. X ne pourra être donnée quaprès apurement du débet, fixé ci-dessus.

 

 

Délibéré le 7 novembre 2017 par M. Stéphane LUCIEN-BRUN, vice président, président de séance ; M. Alain LE BRIS, premier conseiller, Mme Vanina DUWOYE, première conseillère.

 

En présence de M. Richard GINESTE, greffier de séance.

 

 

 

 

 

 

Richard GINESTE

greffier de séance

 

 

 

 

 

Stéphane LUCIEN-BRUN

président de séance

 

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre les dispositions dudit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance dy tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsquils en seront légalement requis.

Jugement n° 2017-0036 page 1 sur 6

 

500, avenue des États du Languedoc CS 70755 34064 MONTPELLIER CEDEX 2 T +33 4 67 20 73 00 occitanie@crtc.ccomptes.fr


 

 

 

 

 

 

 

 

Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la chambre régionale des comptes Occitanie, et délivré par moi, secrétaire générale,

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Brigitte VIOLETTE

secrétaire générale

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés dappel devant la Cour des comptes dans un délai de deux mois à compter de leur notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code.

Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à létranger.

La révision dun jugement peut être demandée après expiration des délais dappel, et ce dans les conditions prévues à larticle R. 242-29 du même code.

Jugement n° 2017-0036 page 1 sur 6

 

500, avenue des États du Languedoc CS 70755 34064 MONTPELLIER CEDEX 2 T +33 4 67 20 73 00 occitanie@crtc.ccomptes.fr