S3/2170237/MC
1ère section
Jugement n° 2017-0007 J
Audience publique du 28 février 2017
Prononcé le 21 mars 2017 | Commune de Fontaine-le-Port (77)
Poste comptable : Le Châtelet en Brie
Exercice 2010 | |
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République Française
Au nom du peuple français
La chambre,
Vu le réquisitoire du 19 mai 2014, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X..., comptable de la commune de Fontaine-le-Port, au titre d’opérations relatives à l’exercice 2010, ayant fait l’objet de l’arrêté de charge provisoire du chef du pôle interrégional d’apurement administratif de Rennes du 7 mai 2013 ;
Vu les notifications du réquisitoire, le 1er juillet 2014, au comptable concerné et au maire de la commune de Fontaine-le-Port ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable de la commune de Fontaine-le-Port, par M. X..., du 1er janvier au 31 décembre 2010 ;
Vu les justifications produites au soutien du compte en jugement ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
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S3/2170237/MC
Vu le rapport de M. Yves Bénichou, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions du procureur financier ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendus lors de l’audience publique du 28 février 2017 M. Yves Bénichou, premier conseiller, en son rapport, M. Luc Héritier, procureur financier, en ses conclusions, et M. X... ;
Entendu en délibéré M. Jean-Marc Dunoyer de Segonzac, premier conseiller, en ses observations ;
Attendu que, par un arrêté de charge provisoire du 7 mai 2013, le chef du pôle interrégional d’apurement administratif de Rennes fait grief à M. Patrice X..., comptable de la commune de Fontaine-le-Port, d’avoir payé, au cours de l’exercice 2010, des indemnités d’administration et de technicité (IAT) à cinq agents et d’indemnités d’exercice des missions de préfecture (IEMP) à un agent, (charges n° 1 à 72), des indemnités horaires pour travaux supplémentaires (charge n° 73 à 97) et un mandat en règlement d’un titre émis par un syndicat intercommunal (charge n° 98), sans avoir contrôlé la validité de la créance et la production des justifications ; que, par le réquisitoire susvisé du 19 mai 2014, le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X... ;
Attendu qu’aux termes du deuxième alinéa du I de l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963 : « Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière […] de dépenses […] dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. » ; que, selon le troisième alinéa : « La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors […] qu’une dépense a été irrégulièrement payée » ; qu’aux termes de l’article 12 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, alors en vigueur: « Les comptables sont tenus d'exercer [...] en matière de dépenses, le contrôle […] de la validité de la créance dans les conditions prévues à l’article 13 ci-après » ; que, selon l’article 13 du même décret : « En ce qui concerne la validité de la créance, le contrôle porte sur : […] la justification du service fait et l’exactitude des calculs de liquidation ; […] l’intervention préalable des contrôles réglementaires et la production des justifications […] » ;
Attendu que selon l’article D.1617-19 du code général des collectivités territoriales : « Avant de procéder au paiement d’une dépense ne faisant pas l’objet d’un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales […] ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l’annexe I du présent code » ;
Attendu qu’aux termes de l’article 37 du décret du 29 décembre 1962 susvisé : « Lorsqu’à l’occasion de l’exercice du contrôle prévu à l’article 12 (alinéa B) ci-dessus, des irrégularités sont constatées, les comptables publics suspendent les paiements et en informent l’ordonnateur » ;
Sur les présomptions de charges nos 1 à 72 relatives au paiement de l’indemnité d’administration et de technicité et de l’indemnité d’exercice de missions des préfectures à cinq agents communaux
Attendu que l’annexe I mentionnée à l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales indique, en sa rubrique 210223 « Primes et indemnités », que pour payer les primes et indemnités, le comptable doit disposer des pièces suivantes : « 1. Décision de l’assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen des indemnités ; 2. Décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination, fixant le taux applicable à chaque agent (…) » ;
Attendu qu’il était fait grief à M. X... d’avoir payé de janvier à décembre 2010 à cinq agents des IAT, sans disposer de la décision de l’assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen de l’indemnité et la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination fixant le taux applicable à l’agent ;
Mais attendu que, d’une part, M. X... a produit une délibération du 18 décembre 2003 instaurant l’IAT et fixant les coefficients applicables aux emplois concernés ainsi que les arrêtés du 2 janvier 2004 et du 8 novembre 2006, pris en application de celle-ci pour trois des cinq agents concernés ; que les montants d’IAT payés à ces trois agents sont conformes à ces arrêtés ; que, d’autre part, les arrêtés individuels produits pour les deux autres agents, datés du 30 mai 2012, sont postérieurs aux paiements intervenus en 2010 et ne peuvent donc justifier ceux-ci ; mais que les dispositions de la délibération du 18 décembre 2003 et de celle du 18 novembre 2004, relative au coefficient applicable aux ATSEM de 2ème classe, étaient suffisamment précises pour permettre au comptable d’exercer son contrôle de l’exactitude des calculs de liquidation ; qu’ainsi, la responsabilité de M. X... n’est pas engagée au titre du paiements des IAT ;
Attendu qu’en ce qui concerne le paiement à un même agent d’indemnités d’exercice des missions de préfecture (IEMP) sur l’ensemble de l’année 2010 pour la somme de 1 173,84 €, la mise en œuvre des dispositions de la délibération du 18 décembre 2003 instaurant l’IEMP au profit du fonctionnaire occupant le poste d’adjoint administratif faisant fonction de secrétaire de mairie, et de la délibération du 11 mars 2004 fixant à 0,8 le coefficient multiplicateur du taux moyen de cette indemnité, conduisait à un montant mensuel de 78,25 € ;
Attendu que l’agent concernée, adjointe administrative de 1ère classe, exerçant les fonctions de secrétaire de mairie depuis le 15 septembre 2006, pouvait bénéficier de cette indemnité conformément à un arrêté du maire du 10 novembre 2006, pour le montant mensuel de 78,25 € , soit un montant annuel de 939 €; qu’en payant la somme de 1 173,84 € pour l’ensemble de l’année 2010, le comptable a commis un manquement constitué par un trop payé de 234,84 € et qu’il y a lieu d’engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
Attendu que ce trop payé, qui n’était pas dû par la commune de Fontaine-le-Port, a constitué pour celle-ci un préjudicie financier ; qu’aux termes du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné […], le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’il y a lieu de constituer M. X... débiteur de la commune de Fontaine-le-Port pour la somme de 234,84 € ;
Sur les présomptions de charges nos 73 à 97 relatives au paiement d’heures supplémentaires à trois agents communaux :
Attendu que l’annexe I mentionnée à l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales indique, à sa rubrique 210224 concernant le paiement des indemnités horaires pour travaux supplémentaires, que le comptable doit exiger les pièces suivantes : « 1. Délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effectives d’heures supplémentaires ; 2. Décompte indiquant par agent et par taux d’indemnisation le nombre d’heures effectuées ; 3. Le cas échéant, décision justifiant le dépassement du contingent mensuel autorisé » ; qu’en effet, l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984 dispose que : « L’assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale […] fixe les régimes indemnitaires […] » ;
Attendu que le comptable a payé au cours de l’exercice 2010 à trois agent des indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS) pour la somme totale de 6 331,45 € sans disposer de la délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires, le décompte indiquant par agent et par taux d’indemnisation le nombre d’heures effectuées et le cas échéant, la décision justifiant le dépassement du contingent autorisé ;
Attendu que l’extrait d’une délibération du 18 décembre 2003, produit par le comptable, se contente de poser le principe du versement des IHTS et ne précise pas la liste des emplois pouvant en bénéficier ; que les décomptes individuels des heures supplémentaires effectuées n’ont pas été produits, non plus que la décision justifiant le dépassement du contingent autorisé ;
Attendu qu’en l’absence de ces pièces et eu égard à la précision insuffisante de l’extrait de délibération susmentionné produit par le comptable, celui-ci ne pouvait vérifier la validité et le montant de la créance et devait suspendre le paiement de ces indemnités et demander à l’ordonnateur les précisions nécessaires ; qu’ainsi, il y a lieu d’engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire pour le paiement de ces IHTS ;
Attendu qu’en l’absence d’une délibération fixant la liste des bénéficiaires, les IHTS litigieuses n’étaient pas dûes ; qu’ainsi le manquement de M.X... a causé un préjudice financier à la commune de Fontaine-le-Port ; qu’en application du VI précité de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, il y a lieu de déclarer M. X... débiteur de la commune de Fontaine‑le‑Port pour la somme de 6 331,45 € ;
Sur la présomption de charge n° 98 relative au paiement d’une subvention d’investissement :
Attendu qu’il était fait grief au comptable d’avoir payé un mandat du 27 avril 2010 de 3 246,25 €, en règlement d’un titre émis par un syndicat intercommunal sans disposer des pièces requises à la rubique 72 de la liste des pièces justificatives annexée à l’article D. 1617‑19 du CGCT, à savoir la décision arrêtant le bénéficiaire, le montant ainsi que l’objet et, le cas échéant, les conditions d’octroi et les charges d’emploi de la subvention ;
Mais attendu que, selon les dispositions de la convention du 6 mai 2008 produite par le comptable, entre la commune et le syndicat, dont la commune est membre, le titre payé par le mandat susmentionné correspondait au remboursement de travaux pris en charge par le syndicat au profit de la commune, en application de la loi du 12 juillet 1985 dite loi MOP, conformément aux dispositions de l’article 5 de cette convention ; qu’il n’y a donc pas lieu d’engager la responsabilté personnelle et pécuniaire de M. X... au titre de cette opération ;
Sur les intérêts et l’éventuelle remise gracieuse du ministre chargé du budget :
Attendu qu’aux termes du VIII de l’ article 60 de la loi du 23 février 1963 : « Les débets portent intérêts au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; que le débet mentionné ci-dessus portera intérêt au taux légal à compter de la date de notification du réquisitoire à M. X... le 1er juillet 2014 ;
Attendu qu’aux termes du IX du même article : « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du […] VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l'appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l'obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI. » ; qu’aux termes du décret du 10 décembre 2012 susvisé : « La somme maximale pouvant être mise à la charge du comptable, conformément aux dispositions du deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, est fixée à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré. » ;
Attendu que le montant du cautionnement de M. X... pour le poste comptable du Châtelet‑en‑Brie était de 147 000 € en 2010 ; qu’en l’absence d’un contrôle sélectif des dépenses applicable en 2010, le comptable était tenu à un contrôle exhaustif des dépenses litigieuses ; qu’ainsi, le ministre chargé du budget devra laisser à la charge de M. X... une somme au moins égale à 447 € ; que l’ensemble des manquements retenus ci-dessus étant de même nature, le ministre pourra laisser à la charge une somme unique ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : M. X... est constitué débiteur de la commune de Fontaine-le-Port pour les sommes de 234,84 € et 6 331,45 €, majorées des intérêts de droit à compter du 1er juillet 2014.
Article 2 : En cas de remise gracieuse des débets ci-dessus prononcés, le ministre chargé du budget devra laisser à la charge de M. X... une somme au moins égale à 447 €.
Article 3 : Dans l’attente de l’apurement des débets ci-dessus prononcés, il est sursis à la décharge de M. X... pour sa gestion sur l’exercice 2010.
Fait et jugé par M. Alain Stéphan, président de séance ; M.Jean-Marc Dunoyer de Segonzac et Mme Catherine Salmon, premiers conseillers.
En présence de Mme Marie-Christine Bernier-Liparo, greffière de séance.
Marie-Christine Bernier-Liparo, Alain Stéphan,
auxiliaire de greffe président de section,
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En application des articles R. 242-14 à R. 242-16 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-17 à R. 242-19 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-26 du même code.
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