Jugement n° 2017-0001 Audience publique du 28 février 2017 Jugement prononcé le 28 mars 2017 | Centre hospitalier George Sand Cher 018 042 900 Exercices 2011 à 2013 |
RÉpublique Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu l'article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifié ;
Vu les textes législatifs et réglementaires relatifs à la comptabilité des établissements publics de santé ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié ;
Vu le réquisitoire du ministère public n° R/16/0029/J du 12 août 2016 ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable par M. X... du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes ou recueillies au cours de l’instruction ;
Vu l’ensemble des pièces du dossier ;
Vu le rapport n° 2016-0124 de M. Marc Tirvaudey, premier conseiller, rapporteur, communiqué au ministère public le 25 novembre 2016 ;
Vu les conclusions n° C/16/0109/JAFJ du 27 janvier 2017 du procureur financier ;
Après avoir entendu, lors de l’audience publique du 28 février 2017, M. Marc Tirvaudey, premier conseiller, en son rapport, et Mme Cécile Daussin Charpantier, procureur financier, en ses conclusions, les autres parties, dûment avisées de la tenue de l’audience, n’étant ni présentes ni représentées ;
15, rue d'Escures BP 2425 45032 ORLÉANS CEDEX 1 T +33 2 38 78 96 00 F +33 2 77 41 05 91 centre-val-de-loire@crtc.ccomptes.fr
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1- Sur la responsabilité
ATTENDU qu'en application du troisième alinéa du I de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables « se trouve engagée dès lors qu’un déficit ou un manquement en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu’une recette n’a pas été recouvrée, qu’une dépense a été irrégulièrement payée ou que, par le fait du comptable public, l’organisme public a dû procéder à l’indemnisation d’un autre organisme public ou d’un tiers ou a dû rétribuer un commis d’office pour produire les comptes (…) » ;
ATTENDU que l’alinéa B de l’article 12 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 susvisé, en application jusqu’au 31 décembre 2012, dispose que les comptables publics sont tenus d’exercer, en matière de dépenses, le contrôle de « l’exacte imputation des dépenses aux chapitres qu’elles concernent selon leur nature ou leur objet » ; qu’aux termes de l’alinéa 2°de l’article 19 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 susvisé, applicable à compter du 1er janvier 2013, les comptables publics assurent, en matière de dépenses, le contrôle « de l’exacte imputation des dépenses au regard des règles relatives à la spécialité des crédits » ;
ATTENDU que, par réquisitoire susvisé du 12 août 2016, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes de trois présomptions de charges concernant le paiement, au cours des exercices de 2011 à 2013, par le comptable de 38 mandats d’un montant cumulé de 449 929,44 € en dépit de l’incohérence existant entre l’imputation budgétaire de la dépense et son objet tel qu’il ressortait des pièces justificatives produites à l’appui desdits mandats ;
ATTENDU que, durant les exercices de 2011 à 2013, le centre hospitalier George Sand a réalisé des travaux sur des bâtiments et effectué des acquisitions d’équipements divers ; que, durant ces mêmes exercices, M. X..., comptable alors en fonction, a pris en charge 38 mandats de paiements, dont la liste est annexée au présent jugement, sur l’article 61522 « Entretien et réparation sur biens mobiliers » du compte de résultat dudit établissement ;
ATTENDU que les trois présomptions de charges retenues par le procureur financier dans son réquisitoire susvisé se rattachent à des manquements de même nature ; que dès lors il y a lieu de les examiner ensemble ;
ATTENDU qu’aux termes de l’instruction budgétaire et comptable M21, applicable aux établissements publics de santé, doit être considéré comme une immobilisation, tout nouvel élément destiné à rester durablement dans le patrimoine de l’établissement et toute opération d’amélioration ayant pour effet d’augmenter la valeur ou la durée de vie d’un actif immobilisé ; qu’à l’inverse, constituent des charges d’exploitation les dépenses d’entretien et de réparation qui n’ont d’autre objet que de maintenir un bien immobilisé dans un état normal d’utilisation jusqu’à la fin de sa durée d’utilisation ;
ATTENDU que les 38 mandats de paiements litigieux ont permis de couvrir des dépenses ayant pour objet le remplacement de biens dont la durée de vie était éteinte, l’acquisition et l’installation de nouveaux équipements immobilisés par nature et l’acquisition et l’installation de matériaux générant un confort supplémentaire ou améliorant la sécurité des lieux ;
ATTENDU que le marché de travaux passé dans le cadre d’une opération globale visant à améliorer et à embellir le bâtiment dit Balzac a permis une réhabilitation et une restructuration complète de l’immeuble, avec redistribution des espaces intérieurs, dans le but d’une affectation à une autre unité spécialisée et afin de répondre à des exigences de confort et de sécurité imposées par l’accueil de patients ayant des besoins différents ;
ATTENDU que les pièces justificatives des mandats litigieux établissent clairement que ces dépenses devaient être immobilisées dans la mesure où elles ont eu pour objet soit l’acquisition d’éléments destinés à rester durablement dans l’actif du centre hospitalier George Sand, soit d’augmenter la valeur ou la durée de vie d’immobilisations existantes ; que dès lors, conformément à l’instruction M21 précitée, ces dépenses constituent non pas de simples charges d’entretien mais des dépenses d’investissement ayant pour résultat de modifier la consistance et la valeur du patrimoine du centre hospitalier George Sand ;
ATTENDU qu’il résulte de ce qui précède que l’imputation retenue ne correspond pas à la nature réelle des dépenses considérées ; que, par conséquent, celles-ci auraient dû être prises en charge aux comptes concernés de la classe 2, comptes d’immobilisations destinés à enregistrer les dépenses d’investissement, et non sur un compte de charge de la classe 6 ;
ATTENDU, en premier lieu, que M. X..., comptable mis en cause, et M. Y..., comptable en fonction, font valoir que la distinction entre les dépenses d’entretien et les opérations d’investissement est parfois difficile à opérer au vu des seules pièces justificatives ; qu’outre le fait qu’il ne s’appuie sur aucune pièce, ce moyen est énoncé de manière générale sans se rapporter explicitement aux dépenses litigieuses ; que la présentation ainsi faite n’apporte aucun élément exonératoire de responsabilité ; qu’en tout état de cause, les pièces justificatives établissent clairement que ces paiements constituent des dépenses d’investissement ; que ce moyen sera donc écarté ;
ATTENDU qu’au surplus, la vérification par le comptable du caractère suffisant des pièces justificatives produites à l’appui des mandats portés à son visa, fait partie intégrante des contrôles obligatoires lui incombant ; qu’à ce titre, il lui appartient de vérifier, notamment, que les pièces fournies sont complètes et suffisamment précises pour vérifier que les dépenses sont mandatées sur les crédits correspondant à leur nature ;
ATTENDU, en deuxième lieu, que MM. X... et Y... prétendent que l’erreur d’imputation relevée résulte d’une erreur partagée des services de l’ordonnateur et de ceux du comptable ; que, toutefois, les décisions des ordonnateurs ne lient pas les comptables chargés seuls du contrôle de l’exacte imputation budgétaire ; qu’ainsi, les erreurs d’imputation commises par les ordonnateurs lors de l’émission des mandats de paiement ne sauraient avoir une quelconque incidence tant sur la consistance des contrôles des comptables que sur l’étendue de leur responsabilité ; qu’il en résulte que le moyen tiré de l’erreur partagée des services de l’ordonnateur et de ceux du comptable est inopérant ;
ATTENDU, en dernier lieu, que MM. X... et Y... indiquent que les rectifications comptables des écritures en question seraient en cours ; qu’en tout état de cause, en intervenant postérieurement au paiement des mandats litigieux, cette régularisation n’est pas de nature à atténuer la responsabilité du comptable mis en cause, laquelle s’apprécie uniquement à la date de prise en charge desdits mandats ;
ATTENDU que l’incohérence entre l’imputation budgétaire de la dépense et l’objet de la dépense qui ressortait de l’examen des pièces justificatives produites à l’appui des paiements, devait conduire le comptable, dans le cadre des contrôles auxquels il est tenu, à suspendre le paiement des dépenses en cause et à demander à l’ordonnateur les explications indispensables ou la production des justifications nécessaires ; que, dans ces conditions, à défaut d’avoir suspendu les paiements, M. X... a manqué aux obligations auxquelles il était tenu en application des articles 12 et 37 du décret du 29 décembre 1962 puis des articles 19 et 38 du décret du 7 novembre 2012 précités ;
ATTENDU qu’aucun des moyens présentés par le comptable mis en cause ne justifie un cas de force majeure ou une situation particulière de nature à l’exonérer de sa responsabilité ;
2- Sur le préjudice financier
ATTENDU que le manquement du comptable relatif à l’erreur d’imputation affecte la sincérité du résultat et du bilan de l’établissement pour chacune des trois années considérées, contribuant dès lors à minimiser le résultat réel de la gestion du centre hospitalier George Sand ; que, cependant, aucun manquant n’en résulte, étant établi que les opérations dont il est question n’ont entraîné aucune perte de recettes ;
ATTENDU qu’il ne résulte donc pas pour le centre hospitalier George Sand de préjudice financier du fait des manquements successifs du comptable ;
3- Sur le montant de la somme non rémissible
ATTENDU qu'en application du paragraphe VI, alinéa 2, de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, il y a lieu d'obliger le comptable mis en cause à s’acquitter d'une somme non rémissible arrêtée eu égard aux circonstances, notamment le caractère manifeste des erreurs d’imputation, leur répétitivité et les montants en jeu, au plafond fixé à 1,5 pour mille du cautionnement du comptable, soit 264,00 € pour l’exercice 2011, 351,00 € pour l’exercice 2012 et 364,50 € pour celui de 2013 ;
ATTENDU qu'une somme non rémissible est d'une autre nature que les débets, seuls visés par le paragraphe III de l'article 60 de la même loi du 23 février 1963 ; qu'elle n'est, dès lors, pas productive d'intérêts ;
PAR CES MOTIFS,
ORDONNE CE QUI SUIT :
Article 1er : Une somme non rémissible de deux cent soixante-quatre euros (264 €) est mise à la charge de M. X... au titre de l’exercice 2011.
Article 2 : Une somme non rémissible de trois cent cinquante et un euros (351 €) est mise à la charge de M. X... au titre de l’exercice 2012.
Article 3 : Une somme non rémissible de trois cent soixante-quatre euros et cinquante centimes (364,50 €) est mise à la charge de M. X... au titre de l’exercice 2013.
Article 4 : Il est sursis à la décharge de M. X... pour sa gestion des exercices 2011 à 2013, du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, jusqu’à la constatation de l’apurement des trois sommes non rémissibles laissées à sa charge.
Après avoir délibéré, hors la présence du rapporteur et du procureur financier ;
Fait et jugé par Mme Catherine Renondin, présidente de la chambre régionale des comptes du Centre-Val de Loire, présidente de séance, M. Francis Bernard, président de section, MM. Philippe Parlant-Pinet et Benoist Delage, premiers conseillers et Mme Annick Nenquin, première conseillère.
En présence de Mme Besma Blel, greffière de séance.
La greffière de séance
Besma Blel | La présidente de la chambre régionale
Catherine Renondin |
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Voies et délais de recours :
Article R. 242-14 du code des juridictions financières : « Les jugements et ordonnances rendus par les chambres régionales des comptes peuvent être attaqués dans leurs dispositions définitives par la voie de l'appel devant la Cour des comptes ».
Article R. 242-17 du code des juridictions financières : « La requête en appel, signée par l'intéressé, doit être déposée ou adressée par lettre recommandée au greffe de la chambre régionale des comptes.
La requête doit contenir, à peine de nullité, l'exposé des faits et moyens, ainsi que les conclusions du requérant. Elle doit être accompagnée des documents sur lesquels elle s'appuie et d'une copie du jugement ou de l’ordonnance attaqué ».
Article R. 242-18 du code des juridictions financières : « L'appel doit être formé dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement (…) ».
Annexe
Exercice | Mandat | Date | Tiers | Objet dépense | Montant |
2011 | 6236 | 21/04/2011 | Z… | Fourniture et pose d'une cuve FOD et évacuation de deux cuves | 46 717,48 € |
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| Sous-total 2011 | 46 717,48 € |
2012 | 1263 | 07/02/2012 | A... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 1 975,50 € |
2012 | 3306 | 01/03/2012 | A... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 4 284,03 € |
2012 | 8311 | 24/05/2012 | A... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 11 887,91 € |
2012 | 16117 | 18/09/2012 | A... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 963,88 € |
2012 | 16118 | 18/09/2012 | A... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 142,40 € |
2012 | 1264 | 07/02/2012 | B... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 7 250,73 € |
2012 | 3765 | 08/03/2012 | B... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 7 196,82 € |
2012 | 6623 | 24/04/2012 | B... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 16 179,75 € |
2012 | 8314 | 24/05/2012 | B... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 14 910,77 € |
2012 | 16826 | 01/10/2012 | B... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 947,97 € |
2012 | 16827 | 01/10/2012 | B... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 820,43 € |
2012 | 8315 | 24/05/2012 | C... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 14 941,46 € |
2012 | 6021 | 12/04/2012 | C... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 19 413,21 € |
2012 | 17312 | 04/10/2012 | C... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 4 884,21 € |
2012 | 20027 | 16/11/2012 | C... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 752,38 € |
2012 | 524 | 26/01/2012 | D... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 4 486,02 € |
2012 | 3307 | 01/03/2012 | D... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 14 525,54 € |
2012 | 5024 | 27/03/2012 | D... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 13 611,53 € |
2012 | 6131 | 17/04/2012 | D... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 17 911,93 € |
2012 | 8312 | 24/05/2012 | D... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 18 069,79 € |
2012 | 9897 | 12/06/2012 | D... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 9 581,76 € |
2012 | 13438 | 07/08/2012 | D... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 6 613,86 € |
2012 | 19559 | 30/10/2012 | D... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 2 056,44 € |
2012 | 19560 | 30/10/2012 | D... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 640,15 € |
2012 | 6020 | 10/08/2012 | E... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 19 528,51 € |
2012 | 8039 | 22/05/2012 | E... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 18 030,91 € |
2012 | 17309 | 04/10/2012 | E... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 2 009,77 € |
2012 | 17310 | 04/10/2012 | E... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 591,15 € |
2012 | 523 | 26/01/2012 | F... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 5 564,00 € |
2012 | 6130 | 17/04/2012 | F... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 71 162,24 € |
2012 | 8038 | 22/05/2012 | F... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 30 350,45 € |
2012 | 19912 | 13/11/2012 | F... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 6 318,50 € |
2012 | 19913 | 13/11/2012 | F... | Amélioration/embellissement bâtiment Balzac | 1 621,26 € |
2012 | 16825 | 01/10/2012 | G… | Modification et création de désenfumage sur bâtiment Myosotis | 21 212,40 € |
2012 | 10283 | 21/06/2012 | H… | Fourniture et pose d'un portail | 2 212,60 € |
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| Sous-total 2012 | 372 650,26 € |
2013 | 19377 | 17/12/2013 | I… | Fourniture et pose de 17 fenêtres double vitrage UPLC Dun sur Auron | 17 961,84 € |
2013 | 20128 | 31/12/2013 | J… | Fourniture et pose d'un portail | 12 599,86 € |
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| Sous-total 2013 | 30 561,70 € |
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| TOTAL GENERAL | 449 929,44 € |
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