rapport n° 2016-0393 | Commune de Décines-Charpieu |
jugement n° 2016-069 | Trésorerie de Meyzieu |
audience publique du 13 décembre 2016 | code n° 069 037 275 |
délibéré du 13 décembre 2016 | exercices 2009 à 2012 |
prononcÉ le : 20 février 2017 |
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République française
Au nom du peuple français
La chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-ALPES
(Statuant EN formation plénière)
Vu le réquisitoire n° 15-GP/2015 à fin d’instruction de charge pris le 16 mars 2015 par le procureur financier près la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes ;
Vu les courriers de notification du réquisitoire en date du 11 mai 2015 adressés à Mme Agnès X..., comptable concernée, à Mme Stéphanie Y... et M. Nicolas Y..., héritiers de M. Alain Y... comptable mis en cause, ainsi qu’à Mme Laurence Z..., maire de Décines-Charpieu, dont ils ont accusé réception respectivement les 12 mai, 15 mai et 12 mai 2015 ;
VU le code des juridictions financières, modifié notamment par la loi n° 2008-1091 du 28 octobre 2008 relative à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes ;
VU l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963, modifiée notamment par l’article 90 de la loi de finances rectificative n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;
VU le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique ;
VU le code général des collectivités territoriales ;
VU les lois et règlements relatifs à la comptabilité des communes et des établissements publics locaux ;
VU les arrêtés de la présidente de la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes relatifs aux attributions, à la composition et aux compétences des sections et des formations de délibéré ;
VU les arrêtés de la présidente de la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes portant délégation de signature au président de la 5ème section ;
VU l’arrêté n° 40-D de la présidente de la 5ème section de la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes en date du 16 avril 2015, désignant M. Christophe ARCHIREL, premier conseiller, comme rapporteur pour instruire les charges identifiées dans le réquisitoire introductif de l’instance, et l’arrêté n° 13-D du 3 février 2016 du président de la 5ème section, désignant Mme Camille VINET, première conseillère, pour succéder à M. Christophe ARCHIREL dans l’instance juridictionnelle ouverte par le réquisitoire susvisé ;
VU les questionnaires adressés le 25 août 2016 à Mme Agnès X..., comptable en cause, et à Mme Laurence Z..., maire de Décines-Charpieu, dont ils ont accusé réception le 26 août 2016 ;
VU le questionnaire adressé le 25 août 2016 à M. Nicolas Y... et Mme Stéphanie Y..., héritiers de M. Alain Y..., comptable mis en cause, dont M. Nicolas Y... a accusé réception le 27 août 2016 ;
VU les observations écrites de Mme Agnès X..., datées du 22 novembre 2016, transmises par courrier électronique enregistré au greffe le même jour ;
VU les comptes produits en qualité de comptable de la commune de Décines-Charpieu par M. Alain Y... pour la période du 1er janvier 2009 au 29 décembre 2009 et par Mme Agnès X... pour la période du 30 décembre 2009 au 31 décembre 2012 ; ensemble le procès-verbal de remise de service établi le 30 décembre 2009 ;
VU le rapport n° 2016-0393 de Mme Camille VINET, première conseillère, magistrat instructeur, déposé au greffe de la chambre le 23 novembre 2016 ;
VU les lettres du 29 novembre 2016 informant le comptable concerné, les héritiers du comptable décédé et l’ordonnateur de la clôture de l’instruction ;
VU les lettres du 5 décembre 2016 informant le comptable, les héritiers du comptable décédé et l’ordonnateur de la date fixée pour l’audience publique et les accusés de réception délivrés le 6 décembre 2016 par Mme Agnès X..., le 12 décembre 2016 par M. Nicolas Y... et le 6 décembre 2016 par Mme Laurence Z..., maire de Décines-Charpieu ;
Vu les conclusions n° 16-393 du procureur financier en date du 12 décembre 2016 ;
Entendu en audience publique Mme Camille VINET, première conseillère, en son rapport ;
Entendu en audience publique, M. Denis LARRIBAU, procureur financier, en ses conclusions ;
Entendu en audience publique, Mme Agnès X..., comptable mise en cause, appelée à se prononcer en dernier à l’issue des débats ;
En l’absence de Mme Stéphanie Y... et M. Nicolas Y..., héritiers de M. Alain Y... comptable mis en cause, et de Mme Laurence Z..., ordonnateur, dument informés de la tenue de l’audience ;
Après avoir délibéré hors la présence du public, du rapporteur et du procureur financier ;
En ce qui concerne la charge unique, relative au versement d’indemnités d’astreinte et de permanence en l’absence de pièces justificatives exigibles, durant l’exercice 2009 par M. Alain Y... pour un montant de 2 424,81 € et durant les exercices 2010 à 2012 par Mme Agnès X... pour un montant total de 8 783,72 €
Sur les réquisitions du ministère public,
Attendu qu’en son réquisitoire, le procureur financier relève qu’il ressort du rapport d’examen juridictionnel des comptes de la commune de Décines-Charpieu et des pièces produites à l’appui, que M. Alain Y... et Mme Agnès X..., comptables successifs de la commune, auraient versé des indemnités d’astreinte et de permanence, respectivement à hauteur de 2 424,81 € et 8 783,72 €, à des agents de la commune sans disposer des pièces justificatives requises par la rubrique n° 210225 de l’annexe I de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales ;
Attendu que le représentant du ministère public en déduit que la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. Alain Y... et Mme Agnès X... a pu être engagée pour des montants respectifs de 2 424,81 € et de 8 783,72 €, pour leurs gestions des exercices 2009 à 2012 et qu’ils se trouveraient ainsi dans le cas prévu par les dispositions de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 ; qu’il en déduit qu’il y a lieu, en conséquence, d’ouvrir l’instance prévue au III de l’article L. 242-1 du code des juridictions financières aux fins de déterminer les responsabilités encourues ;
Sur les observations des parties,
Attendu que, dans ses observations reçues à la chambre le 22 septembre 2016, Mme Agnès X... indique que les astreintes ne faisaient pas partie du plan de contrôle hiérarchisé de la dépense pour les années 2010 et 2011 et que la prise en charge des mandats n’a en conséquence pas donné lieu à demandes de documents complémentaires à l’ordonnateur ; qu’elle n’est cependant pas en mesure de produire ce plan de contrôle et qu’à ce jour, les tableaux des heures d’astreintes ne sont plus disponibles chez l’ordonnateur ; que Mme Agnès X... n’a pas apporté d’éléments complémentaires à ces observations écrites en audience publique ;
Attendu que les héritiers de M. Alain Y... et l’ordonnateur de la commune de Décines-Charpieu n’ont pas transmis d’observations relatives à cette présomption de charge ;
Attendu que, dans ses conclusions du 12 décembre 2016, le procureur financier rappelle que les juridictions financières ne disposent pas d’un code de procédure ; que, dès lors, le code des juridictions financières comporte les règles essentielles en la matière et doit être complété par la jurisprudence sur certains points et par le droit commun sur les autres ; que la jurisprudence constante de la Cour des comptes comme celle du Conseil d’Etat reconnaît la responsabilité des ayants-droits en cas de décès du comptable ; que le juge n’a pas, à ce jour effectué de différence d’analyse selon la date du décès, laquelle différence, selon le ministère public, n’aurait pas de sens au regard de la transmission des dettes successorales ; que le procureur financier en déduit que l’instance de jugement peut être ouverte avant ou après le décès ; qu’en ce qui concerne la présomption de charge en jugement, il constate que l’absence des pièces justificatives requises par la règlementation est confirmée par l’instruction ;
Sur la procédure applicable en cas de décès d’un comptable,
Attendu qu’aux termes de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 :
« I.- Outre la responsabilité attachée à leur qualité d'agent public, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux différentes personnes morales de droit public dotées d'un comptable public, désignées ci-après par le terme d'organismes publics, du maniement des fonds et des mouvements de comptes de disponibilités, de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils dirigent (…)
III. - La responsabilité pécuniaire des comptables publics s'étend à toutes les opérations du poste comptable qu'ils dirigent depuis la date de leur installation jusqu'à la date de cessation des fonctions (…)
VI. ― La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue au I est mise en jeu par le ministre dont relève le comptable, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes dans les conditions qui suivent (…) / Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n'a pas causé de préjudice financier à l'organisme public concerné, le juge des comptes peut l'obliger à s'acquitter d'une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en Conseil d'Etat en fonction du niveau des garanties mentionnées au II. / Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public, l'organisme public a dû procéder à l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers ou a dû rétribuer un commis d'office pour produire les comptes, le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante. (…)
IX – (…) Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l'appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l'obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI (…) ».
Attendu que les dispositions précitées, précisées par la jurisprudence du Conseil d’Etat, définissent les obligations incombant au comptable public, dont les manquements sont sanctionnés par la mise en jeu de sa responsabilité personnelle et pécuniaire ; qu’elles instituent, dans l'intérêt de l'ordre public financier, un régime légal de responsabilité pécuniaire et personnelle des comptables publics distinct de la responsabilité de droit commun ;
Attendu que l’article L. 242-1 du code des juridictions financières, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1091 du 28 octobre 2008 entrée en vigueur le 1er janvier 2009, dispose que « I. ‑ Les rapports d'examen des comptes à fin de jugement ou ceux contenant des faits soit susceptibles de conduire à une condamnation à l'amende, soit présomptifs de gestion de fait sont communiqués au représentant du ministère public près la chambre régionale des comptes.
II. - Lorsque le ministère public ne relève aucune charge à l'égard d'un comptable public, il transmet ses conclusions au président de la formation de jugement ou à son délégué. Celui‑ci peut demander un rapport complémentaire. Lorsque le ministère public ne relève aucune charge après communication de ce dernier, le président de la formation de jugement ou son délégué rend une ordonnance déchargeant le comptable de sa gestion. / Si aucune charge ne subsiste à l'encontre du comptable public au titre de ses gestions successives et s'il a cessé ses fonctions, quitus lui est donné dans les mêmes conditions.
III. - Lorsque le ministère public relève, dans les rapports mentionnés au I ou au vu des autres informations dont il dispose, un élément susceptible de conduire à la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable, ou présomptif de gestion de fait, il saisit la formation de jugement. / La procédure est contradictoire. À leur demande, le comptable et l'ordonnateur ont accès au dossier (…)
IV. - Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État » ;
Attendu que l’article R. 242-3 du même code dispose que « Lorsqu'une instance a été ouverte dans les conditions prévues au III de l'article L. 242-1, le réquisitoire du ministère public et le nom du ou des magistrats chargés de l'instruction sont notifiés à chacun des comptables et autres personnes mis en cause, ainsi qu'à l'ordonnateur en fonctions. / Les comptables et autres personnes mis en cause, ainsi que l'ordonnateur en fonctions, ont accès au dossier constitué des pièces sur lesquelles le réquisitoire est fondé » ;
Attendu que l’article R. 242‑4 du code indique que « I. - Les comptables et les autres personnes mis en cause, ainsi que l'ordonnateur en fonctions, sont tenus de déférer aux demandes d'explication ou de production de pièces formulées par le magistrat chargé de l'instruction jusqu'à la clôture de celle-ci, dans un délai fixé par ce magistrat et qui ne peut être inférieur à quinze jours suivant la réception de cette demande. / II. - Les mêmes personnes ont accès au dossier et peuvent demander au greffe copie de pièces du dossier. / III. - Elles peuvent adresser au magistrat chargé de l'instruction leurs observations écrites, dont la production est notifiée à chaque partie. Ces observations sont versées au dossier » ; que l’article R. 242-5 précise que « I. ‑ L'instruction est close par le dépôt au greffe du rapport du magistrat qui en est chargé. Le président de la formation de jugement, ou le magistrat délégué à cet effet, peut désigner alors un réviseur parmi les membres de la formation de jugement. Le rapport est versé au dossier ainsi que les conclusions du ministère public. / II. - Les parties auxquelles le réquisitoire a été notifié sont informées de la clôture de l'instruction, du dépôt des conclusions du ministère public, des productions faites par les parties ainsi que de la possibilité de consulter ces pièces. / III. - Si des observations ou des pièces nouvelles sont produites par une partie entre la clôture de l'instruction et la mise en délibéré de l'affaire, elles sont communiquées au magistrat chargé de l'instruction et au ministère public. Les autres parties sont informées de la production de ces observations et pièces nouvelles ainsi que de la possibilité de les consulter » ;
Attendu qu’il ressort des dispositions du code des juridictions financières rappelées ci-dessus, telles qu’introduites par la loi n° 2008-1091 du 28 octobre 2008, relative à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes, et précisées par la jurisprudence du Conseil d’Etat, que l'examen des comptes à fin de jugement constitue un préalable nécessaire à l'ouverture, à l'initiative du ministère public disposant du monopole de l’engagement des poursuites, d'une instance contentieuse susceptible de conduire à la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire d'un comptable public ; que seuls le comptable public et l’ordonnateur en fonctions sont avisés de l’ouverture de l’examen juridictionnel des comptes quand bien même les exercices contrôlés peuvent intéresser la gestion de leurs prédécesseurs ; que le principe du contradictoire, tel qu’organisé et garanti par les dispositions législatives et réglementaires sus-rappelées s’attache à la phase contentieuse du jugement des comptes, introduite et ouverte par réquisitoire du représentant du ministère public ; que ce dernier est partie à l’instance, au même titre que le comptable public incriminé et l’ordonnateur de la collectivité en cause ;
Attendu que le réquisitoire doit être notifié à chacun des comptables et autres personnes mis en cause, ceux-ci ayant alors accès au dossier sur lequel le réquisitoire est fondé ; qu’il lie l’action de la juridiction, pour ce qui relève de la période retenue et des griefs formulés par le ministère public comme pour l’identification des comptables et autres personnes mis en cause ; qu’il est ainsi fait défense à la juridiction d’étendre la charge au-delà des termes du réquisitoire en son objet, son contenu, ses éléments de motivation et les personnes nommément désignées comme mises en cause ;
Attendu qu’il résulte de ces dispositions que la responsabilité personnelle et pécuniaire d’un comptable public ne peut être engagée qu’à condition que le réquisitoire introductif de l’instance lui ait été notifié personnellement ; que la procédure contradictoire de l’instance contentieuse avec les parties identifiées dans le réquisitoire doit être menée avec le comptable nommément mis en cause ; qu’en cas de décès du comptable avant notification du réquisitoire, l’instance ne peut ainsi être régulièrement poursuivie à son encontre ;
Sur l’engagement de la procédure à l’encontre de M. Alain Y...,
Attendu que M. Alain Y... a quitté ses fonctions à la date du 29 décembre 2009 comme en atteste le procès-verbal de remise de service à son successeur ; qu’il est décédé le 8 février 2012 ; que le contrôle juridictionnel des comptes de la commune de Décines-Charpieu a été ouvert par lettre du 27 août 2014, régulièrement adressée au comptable alors en fonctions ; que la présente instance juridictionnelle contentieuse a été ouverte par le procureur financier, par le réquisitoire n° 15-GP/2015 du 16 mars 2015 ; qu’à la date de transmission de ce réquisitoire introductif, M. Alain Y... était ainsi décédé depuis plus de trois ans ;
Attendu que le réquisitoire introductif de l’instance met en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. Alain Y..., en sa qualité de comptable de la commune de Décines-Charpieu, au titre de sa gestion du 1er janvier 2009 au 29 décembre 2009 ; qu’aucune autre personne n’est mise en cause au titre des mêmes opérations de l’exercice 2009 aux termes dudit réquisitoire et en l’absence de réquisitoire supplétif intervenu par la suite ;
Attendu qu’ayant été pris le 16 mars 2015 alors que M. Alain Y... était décédé le 8 février 2012, le réquisitoire présomptif de charge n’a pu être notifié au comptable mis en cause, à son nom propre et à titre personnel comme exigé par les dispositions expresses de l’article R. 242-3 précitées ; qu’en sa qualité de comptable mis en cause, M. Alain Y... n’a pu ainsi connaître et répondre aux griefs qui lui étaient faits par le ministère public au titre de sa gestion de la commune de Décines-Charpieu ; qu’en conséquence du décès de M. Alain Y..., avant toutes réquisitions du ministère public, le caractère contradictoire de la procédure n’a pu être respecté, puisqu’impossible à organiser avec une personne défunte ne pouvant plus porter la défense de quelque droit et intérêt par tous éléments matériels ou de fait connus d’elle seule pour soutenir un argumentaire utile ; que les héritiers de M. Alain Y... n’ayant pas la qualité de comptables ou de personnes mises en cause, n’avaient pas à connaître du réquisitoire présomptif de charge, ni à être impliqués en représentation de leur père, seul fondé juridiquement à contredire sur l’incrimination de sa gestion personnelle en application des dispositions des articles R. 242-3 à R. 242-5 du code des juridictions financières ; que par suite, à défaut pour le réquisitoire d’avoir été régulièrement notifié à la personne mise en cause et l’action publique avoir ainsi été engagée, il convient de prononcer un non-lieu au titre de la présomption de charge élevée à l’encontre de M. Alain Y... ;
Sur la responsabilité de Mme Agnès X...,
Attendu que la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme Agnès X... est recherchée pour le paiement d’indemnités d’astreintes au bénéfice de huit agents de la commune de Décines-Charpieu durant l’exercice 2010 pour un montant de 3 209,29 €, de six agents en 2011 pour un montant de 2 352,36 € et de neuf agents en 2012 pour un montant de 3 222,07 €, soit un montant total de 8 783,72 € ;
Attendu qu’il résulte de l’article 11 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique alors en vigueur, que le comptable public est seul chargé du paiement des dépenses ; que l’article 12 de ce texte dispose qu’en matière de dépenses, le comptable est tenu d'exercer le contrôle de la validité de la créance dans les conditions prévues à article 13 ; que cet article 13 précise qu’en ce qui concerne la validité de la créance, le contrôle porte notamment sur l’exactitude des calculs de liquidation et sur la production des justifications ; qu’aux termes de l’article 19, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des opérations et contrôles qui leur incombent en application des articles 12 et 13, dans les conditions fixées par l'article 60 de la loi du 23 février 1963 ; qu’enfin l’article 37 dispose que, lorsqu’à l’occasion de l’exercice du contrôle prévu à l’article 12, des irrégularités sont constatées le comptable suspend le paiement et en informe l'ordonnateur ;
Attendu que l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales dispose qu’« avant de procéder au paiement d’une dépense ne faisant pas l’objet d’un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales (…) ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l’annexe I du code général des collectivités territoriales » ;
Attendu que la nomenclature des pièces justificatives développée à l’annexe I susmentionnée prévoit, à sa rubrique 210225 relative aux astreintes et permanences, la production de la délibération déterminant les cas dans lesquels il est possible de recourir à des astreintes ou à des permanences, la liste des emplois concernés et les modalités de leur organisation, ainsi que l’état liquidatif précisant l'emploi de l'agent, la période d'astreinte ou de permanence, le taux applicable et, le cas échéant, le nombre d'heures d'intervention réalisées pendant la période d'astreinte ; que lorsque l'assemblée délibérante confie le choix du mode de dédommagement des astreintes à l'exécutif, le montant des crédits budgétaires alloués à cet effet doit figurer sur la délibération et un état des crédits consommés doit être joint à chacun des paiements ;
Attendu qu’à l’appui des paiements des indemnités d’astreinte, la comptable disposait d’une délibération du conseil municipal de Décines-Charpieu du 31 mai 2015, décidant que le directeur des services techniques ainsi que deux techniciens chargés, l’un de la responsabilité des bâtiments communaux, l’autre de la responsabilité du centre technique municipal, sont susceptibles d’effectuer des astreintes et de percevoir des indemnités à ce titre ; que cette délibération ne précisant pas les cas dans lesquels les astreintes peuvent être effectuées et les modalités de leur organisation, ne peut être accueillie comme constituant la délibération exigée par la nomenclature ; que par ailleurs, aucun état liquidatif des indemnités n’a été présenté à l’appui des paiements ou en cours d’instruction ;
Attendu que par suite, Mme Agnès X... ne s’est pas assurée de la production des justifications requises ; que ne disposant pas au surplus de documents permettant d’établir les droits individuels des agents bénéficiaires des indemnités versées, la comptable de la commune de Décines-Charpieu n’était pas en mesure d’en vérifier l’exactitude des calculs de liquidation ; qu’elle a ainsi manqué à un double titre à ses obligations de contrôle de la validité de la dépense, telles que définies aux articles 12 et 13 du décret précité du 29 décembre 1962 ; qu’en conséquence, sur le fondement des dispositions de l’article 60-I de la loi du 23 février 1963, il y a lieu de mettre en jeu la responsabilité de Mme Agnès X... pour avoir irrégulièrement mis en paiement et réglé, pour un montant de 3 209,29 € en 2010, de 2 352,36 € en 2011 et de 3 222,07 € en 2012, les indemnités d’astreintes objet de la charge relevée au réquisitoire introductif de l’instance ;
Sur le préjudice financier,
Attendu que le § VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, dispose que « (…) Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n'a pas causé de préjudice financier à l'organisme public concerné, le juge des comptes peut l'obliger à s'acquitter d'une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en Conseil d'État en fonction du niveau des garanties mentionnées au II.
Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public, l'organisme public a dû procéder à l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers ou a dû rétribuer un commis d'office pour produire les comptes, le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
Attendu qu’en l’absence de production, à l’appui des paiements, de la délibération du conseil municipal mentionnant explicitement et précisément les conditions d’octroi des indemnités d’astreintes aux bénéficiaires ainsi que d’un état liquidatif permettant d’effectuer le contrôle de l’exactitude des calculs de liquidation de l’indemnité pour chacun des agents en ayant bénéficié, il en est résulté un versement indu de compléments de rémunérations, constitutif d’un préjudice financier pour la commune de Décines-Charpieu ;
Attendu que le manquement de Mme Agnès X... à ses obligations de contrôle ayant ainsi causé un préjudice financier à la commune de Décines-Charpieu, il y a lieu de prononcer à son encontre un débet de 3 209,29 € sur l’exercice 2010, de 2 352,36 € sur 2011 et de 3 222,07 € sur 2012, soit un montant total de 8 783,72 €, de même montant que les indemnités irrégulièrement et indûment payées ; qu’en application des dispositions de l’article 60-VIII de la loi précitée du 23 février 1963 prescrivant que les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de mise en jeu de la responsabilité du comptable, le débet mis à la charge de Mme Agnès X... porte intérêts de droit à compter du 12 mai 2015, date de notification à l’intéressée du réquisitoire introductif de l’instance juridictionnelle ;
Sur le respect du contrôle sélectif de la dépense,
Attendu que le § IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 dispose que « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l'appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l'obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ;
Attendu que, dans sa réponse du 22 novembre 2016, Mme Agnès X... soutient que les dépenses en question ne faisaient pas partie de celles devant faire l’objet d’un contrôle spécifique dans le plan de contrôle hiérarchisé en vigueur sur les exercices en question ; qu’elle précise toutefois ne pas être en mesure de produire ledit plan de contrôle ; que la juridiction n’est en conséquence pas en mesure de constater que la comptable a respecté les règles de contrôle sélectif de la dépense ; que le ministre chargé du budget ne pourra alors pas faire remise gracieuse totale du débet prononcé à l’encontre de Mme Agnès X... ;
Sur la situation des comptables,
Attendu qu’en application des développements qui précèdent, M. Alain Y... pourra être déchargé de sa responsabilité pour sa gestion du 1er janvier 2009 au 29 décembre 2009 et déclaré quitte de sa gestion terminée à cette date ;
Attendu que Mme Agnès X... ne pourra être déchargée de sa responsabilité pour sa gestion du 30 décembre 2009 au 31 décembre 2012 qu’après avoir justifié de l’apurement du débet, en principal et intérêts, prononcé à son encontre ;
Par ces motifs,
DECIDE
Article 1 : | Il est prononcé un non-lieu à charge au bénéfice de M. Alain Y..., au titre des opérations de l’exercice 2009 visées par le réquisitoire présomptif de charge n° 15-GP/2015 ;
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Article 2 : | Mme Agnès X... est constituée débitrice envers la commune de Décines-Charpieu de la somme de 8 783,72 € dont 3 209,29 € au titre des opérations de l’exercice 2010, 2 352,36 € au titre de l’exercice 2011 et 3 222,07 € au titre de l’exercice 2012 visées par la présomption de charge, augmentée des intérêts de droit au taux légal à compter de la date du 12 mai 2015 de notification du réquisitoire du procureur financier près la chambre régionale des comptes d’Auvergne- Rhône-Alpes ;
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Article 3 : | M. Alain Y... est déchargé de sa gestion pour a période du 1er janvier 2009 au 29 décembre 2009, et déclaré quitte de sa gestion terminée à cette date ;
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Article 4 : | En conséquence des dispositions qui précèdent, Mme Agnès X... ne pourra être déchargée de sa gestion du 30 décembre 2009 au 31 décembre 2012, qu’après avoir justifié de l’apurement, en principal et en intérêts, du débet prononcé à son encontre ; |
Fait et délibéré en la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes, en formation plénière, le treize décembre deux mille seize.
Présents : Mme Catherine de KERSAUSON, présidente, présidente de séance ;
M. Michel PROVOST, vice-président,
M. Bruno VIETTI, Mme Geneviève GUYENOT, présidents de section,
M. Michel BON, premier conseiller, Mme Christine PSILAKIS, première conseillère, M. Joris MARTIN, conseiller ;
la greffière | la présidente de séance |
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Corinne VITALE-BOVET | Catherine de KERSAUSON |
La République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Voies et délais de recours
Extraits du code des juridictions financières
Article R242-14
Les jugements et ordonnances rendus par les chambres régionales des comptes peuvent être attaqués dans leurs dispositions définitives par la voie de l'appel devant la Cour des comptes.
Article R242-15
La faculté de former appel appartient aux comptables ou à leurs ayants droit, aux représentants légaux des collectivités ou établissements publics intéressés ou, à leur défaut, aux contribuables dûment autorisés dans les conditions prévues aux articles L. 2132-5 à L. 2132-7 du code général des collectivités territoriales, au ministère public près la chambre régionale des comptes et au procureur général près la Cour des comptes.
Article R242-16
Le ministère public et, dans la mesure où elles justifient d'un intérêt, les autres personnes mentionnées à l'article
R. 242-15 sont en droit de former un appel incident dans les mémoires ou les observations qu'ils produisent.
Article R242-17
La requête en appel, signée par l'intéressé, doit être déposée ou adressée au greffe de la chambre régionale des comptes. En cas de transmission sur support papier, la requête est adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
La requête doit contenir, à peine de nullité, l'exposé des faits et moyens, ainsi que les conclusions du requérant. Elle doit être accompagnée des documents sur lesquels elle s'appuie et d'une copie du jugement ou de l'ordonnance attaquée.
Article R242-18
L'appel doit être formé dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement ou de l'ordonnance.
Pour les personnes domiciliées à l'étranger, le délai d'appel est augmenté de deux mois.
Lorsque l'appel est formé par un contribuable, dans les conditions rappelées à l'article R. 242-15, la durée de l'instance devant la juridiction administrative pour obtenir l'autorisation de plaider n'est pas comprise pour la computation dudit délai.
Article R242-19
La date à prendre en compte pour apprécier si le délai défini au premier alinéa de l'article R. 242-18 a été respecté est celle de l'enregistrement de la requête au greffe de la chambre.
Article R242-21
Le greffe communique, dans les quinze jours suivant sa réception, la requête aux autres personnes ayant la faculté d'appeler.
Il en adresse sans délai une copie au procureur général près la Cour des comptes.
Article R242-22
Dans le délai d'un mois à dater de la transmission prévue au premier alinéa de l'article R. 242-21, les parties peuvent prendre connaissance au greffe de la chambre régionale des comptes de l'ensemble des pièces jointes au recours et produire des mémoires en défense. Au cours du même délai, le ministère public peut présenter ses observations.
Copie de ces mémoires et observations est notifiée par le greffe au requérant et aux autres parties, qui peuvent, dans le délai d'un mois à dater de cette transmission, produire un mémoire en réplique, qui est lui-même transmis aux parties, et peut faire l'objet d'un mémoire en duplique dans un délai de quinze jours.
Le ministère public peut présenter des observations sur les mémoires en défense et en réplique produits par les différentes parties. Ces observations sont notifiées aux parties intéressées.
Article R242-23
Si de nouvelles pièces sont versées au dossier, le requérant et les autres parties ont un délai de quinze jours pour en prendre connaissance et présenter éventuellement leurs observations au greffe de la chambre régionale des comptes.
Article R242-24
Le dossier du recours est transmis au procureur général près la Cour des comptes par le ministère public près la chambre régionale. Le greffe en avise le requérant et les autres parties.
Les comptes concernés par le jugement attaqué peuvent être joints au dossier du recours, en tout ou partie, à l'initiative du ministère public près la chambre ou sur demande du procureur général près la Cour des comptes.
Article R242-25
En cas de transmission sur support papier, les notifications et transmissions concernant la procédure d’appel sont effectuées par lettre recommandées avec demande d’avis de réception.
Il est fait application, le cas échéant, des dispositions des articles D. 242-35 et R. 242-36.
Article R242-26
I. - Le comptable, ou ses ayants droit, peut demander, après expiration des délais d'appel, la révision d'un jugement ou d'une ordonnance en produisant des justifications recouvrées depuis le jugement ou l'ordonnance.
La requête en révision est adressée au président de la chambre. Elle doit comporter l'exposé des faits et moyens invoqués par le requérant, et être accompagnée d'une copie du jugement ou de l'ordonnance attaqué ainsi que des justifications sur lesquelles elle se fonde. En cas de transmission sur support papier, la requête est adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
II. - La chambre régionale des comptes peut procéder à la révision d'un jugement ou d'une ordonnance, pour cause d'erreur, omission, faux ou double emploi, soit d'office, soit sur réquisition du ministère public, qui peut être prise de sa propre initiative ou à la demande des collectivités ou établissements publics intéressés ou du représentant de l'Etat dans le département ou la région.
III. - Le président de la formation de jugement compétente, ou le magistrat délégué à cet effet, désigne un magistrat chargé d'instruire la demande de révision. Celle-ci est notifiée aux parties, qui disposent d'un délai de quinze jours pour produire un mémoire.
Le rapport est communiqué au ministère public, qui présente ses conclusions.
La formation de jugement compétente statue sur la révision d'un jugement ou d'une ordonnance, après audience publique, par une décision unique sur la recevabilité de la demande et, s'il y a lieu, sur le fond de l'affaire.
1/11 – jugement n° 2016-0069