Sections réunies Jugement n° 2017-0026 Audience publique du 19 octobre 2017 Prononcé du 2 novembre 2017 | CENTRE HOSPITALIER DE BAILLEUL (NORD) Poste comptable : CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES DE BAILLEUL Exercice 2014 |
République Française
Au nom du peuple français
La chambre,
Vu le réquisitoire en date du 8 juin 2017, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de
M. Hervé-Charles X, comptable du centre hospitalier de Bailleul, au titre d’opérations relatives à l’exercice 2014, notifié le 16 juin 2017 au comptable concerné ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable du centre hospitalier de Bailleul, par
M. Hervé-Charles X, du 1er janvier au 31 décembre 2014 ;
Vu les justifications produites au soutien du compte en jugement ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu les arrêtés de délégation des 1er juin 2010 et 15 novembre 2013 du premier président de la Cour des comptes ;
Vu le rapport de M. Jean-Bernard Mattret, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions du procureur financier ;
JU-2017-0026 – Centre hospitalier de Bailleul 1/10
Vu les pièces du dossier et, notamment, le mémoire complémentaire de
M. Hervé-Charles X, enregistré au greffe de la chambre le 14 septembre 2017, après la clôture de l’instruction ;
Entendu lors de l’audience publique du 19 octobre 2017, M. Jean-Bernard Mattret, premier conseiller, en son rapport, M. Fabrice Navez, procureur financier, en ses conclusions et
M. Hervé-Charles X, comptable du centre hospitalier de Bailleul, présent ayant eu la parole en dernier ;
Sur la présomption de charge n° 1, soulevée à l’encontre de M. Hervé-Charles X, comptable du centre hospitalier de Bailleul au titre de l’exercice 2014 :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes Hauts-de-France de la responsabilité encourue par M. Hervé-Charles X à raison du paiement, en 2014, d’une prime de sujétion au bénéfice des aides-soignantes non-titulaires du centre hospitalier de Bailleul pour un montant total de 3 168 €, sans disposer des décisions individuelles d’attribution du directeur de l’établissement, ni de contrats des personnels concernés en mentionnant expressément le principe ;
Sur l’existence d’un manquement
Attendu qu’aux termes des dispositions du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 « […] les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables […] du paiement des dépenses […]. Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière […] de dépenses […] dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors […] qu’une dépense a été irrégulièrement payée […] » ;
Attendu que l’article 19 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, prévoit qu’il incombe aux comptables, notamment, s’agissant des ordres de payer, d’exercer le contrôle « […] de la validité de la dette dans les conditions prévues à l’article 20 » ; que l’article 20 du même décret précise que « Le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : 1° La justification du service fait ; 2° L’exactitude de la liquidation ; 3° L’intervention des contrôles préalables prescrits par la réglementation ; […] ;
5° La production des pièces justificatives ; 6° L’application des règles de prescription et de déchéance. » ;
Attendu que, pour apprécier la validité des dettes, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications ; qu’aux termes de la rubrique 220223 « Primes et indemnités des personnels non médicaux » de l’article D. 1617-19 du CGCT, le comptable doit être en possession, au moment du paiement, des pièces justificatives suivantes :
« 1. Décision d’attribution prise par le directeur, et pour les agents contractuels, mention au contrat » ;
Attendu que le comptable mis en cause reconnaît ne pas disposer, à la date des paiements, de la décision d’attribution du directeur du centre hospitalier de Bailleul ainsi que de la mention au contrat des agents concernés ; que le directeur ne s’exprime pas sur ce point ;
Attendu qu’ainsi, en l’absence de l'ensemble des pièces justificatives requises pour s'assurer de la validité de la dette, M. Hervé-Charles X aurait dû suspendre les paiements considérés et demander toutes précisions à l’ordonnateur, conformément à l’article 38 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 susvisé ; qu’il a donc manqué à son obligation de contrôle de validité de la dette et a ainsi engagé sa responsabilité au titre de l’article 60 de la loi n° 63-156 du
23 février 1963 ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
Attendu que, selon l’article 60 susvisé de la loi du 23 février 1963 modifiée, « la responsabilité personnelle et pécuniaire prévue au I est mise en jeu par le ministre dont relève le comptable, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes dans les conditions qui suivent » ; que « lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […] le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
Sur les moyens invoqués par le comptable :
Attendu que le comptable mis en cause ainsi que le directeur du centre hospitalier de Bailleul considèrent que ces paiements n’ont pas causé de préjudice financier ; que, cependant, le constat de l'existence, ou non, d'un préjudice financier relève de la seule appréciation du juge des comptes ; que s’il doit tenir compte des déclarations du comptable et de l’ordonnateur, il n’est pas tenu par eux ;
Attendu que, sur le premier moyen, à l’appui de la décision du Conseil d’Etat (CE 22/02/2017, grand port maritime de Rouen), le comptable estime que les paiements effectués n’étaient pas dépourvus de fondement juridique ; qu’il invoque l’arrêté du 23 avril 1975 relatif à l’attribution d’une prime spéciale de sujétion et d’une prime forfaitaire aux aides-soignants ; outre le fait que cet arrêté ne s’applique qu’aux personnels de catégorie C de la fonction publique hospitalière, en raison de leur appartenance au corps des aides-soignants, et non aux contractuels, le directeur de l’établissement n’a pas pris de mesures pour transposer ce texte à l’établissement ;
Attendu que, sur le deuxième moyen, le comptable, à l’appui de la même décision du Conseil d’Etat, fait valoir qu’il appartient au juge des comptes, en l’absence effective de fondement juridique préalable à la dépense, de rechercher si la volonté commune des parties de poursuivre la relation contractuelle pouvait être regardée comme établie ; que, sur le troisième moyen, le comptable précise avoir payé les primes spéciales de sujétion après service fait, au vu des bordereaux de mandats de paiement établis et signés par le directeur de l’établissement ; que cette signature manifesterait, selon lui, la volonté du directeur du centre hospitalier de Bailleul de payer les primes en cause ;
Attendu que, pour déterminer si la dépense est ou non indue, il convient de rechercher, outre la réalité du service fait, la volonté expresse et préalable de l'ordonnateur ; qu'en l’espèce, il n'est pas contesté que l’autorité compétente n’a pas manifesté son intention de verser les primes en cause par une décision formelle ; que la signature des bordereaux de mandats de paiement concerne l’ensemble de la paye de l’établissement ; que, par conséquent, ils ne peuvent être considérés comme affirmant une volonté expresse du directeur d’accorder une prime de sujétion aux aides-soignantes non-titulaires ; qu’il s’ensuit que les paiements sont indus et qu’ils ont causé, de ce fait, un préjudice financier pour l’établissement ;
Attendu que, sur le quatrième moyen, le comptable, sur la base d’une autre décision du Conseil d’Etat (CE, n° 262074 du 3 mai 2004, M. Guy X c/service des rémunérations et pensions du commissariat de l’air), fait valoir que constitue un principe général du droit selon lequel une décision administrative accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire ; que ce principe est inopérant en ce qui concerne la présente instance qui porte sur la seule responsabilité personnelle et pécuniaire éventuelle du comptable public dans ses actes, au regard des dispositions reprises à l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 et du
décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 précités ;
Attendu que, sur le cinquième moyen, le comptable considère que les contrats de travail originels précisaient que les agents intéressés devaient percevoir « les indemnités et primes afférentes audit emploi » ; qu’il indique que le comptable n’a pas à « évaluer la légalité externe » des décisions concernées ; qu’il précise, par ailleurs, que la nomenclature en vigueur en 2016 n’exige plus, à l’appui des paiements de primes, la production de la décision individuelle en sus du contrat ;
Attendu que les contrats et leurs avenants des agents concernés ne comportent pas la mention relative au versement des indemnités et primes ; qu’ils ne font pas référence explicitement à la prime de sujétion ; que, par ailleurs, la présente instance porte sur des paiements effectués au cours de l’exercice 2014 pour lesquels les contrôles opérés ne pouvaient reposer que sur la nomenclature alors applicable ;
Attendu que, compte tenu de ce qui précède, l’ensemble des moyens présentés par le comptable doit être rejeté ; qu’il n’est pas clairement établi la volonté expresse et préalable du directeur d’attribuer la prime de sujétion aux aides-soignantes non-titulaires ;
Conclusion sur le préjudice financier
Attendu qu’un préjudice financier résulte du paiement d’une dépense indue, en l’absence d’élément qui permette d’établir la volonté expresse et préalable de l’ordonnateur d’engager la dépense en cause ;
Attendu qu’en procédant au paiement des primes de sujétion aux aides-soignantes non-titulaires du centre hospitalier de Bailleul, sans disposer des pièces prévues par la nomenclature en vigueur au moment du paiement, le comptable a manqué à son obligation de contrôler la validité de la dette ; qu'ainsi, le manquement du comptable a causé un préjudice financier à cet établissement au sens des dispositions du troisième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée ;
Attendu qu’aux termes du même article, « Lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’ainsi, il y a lieu de constituer M. Hervé-Charles X débiteur du centre hospitalier de Bailleul pour la somme de 3 168 € ;
Attendu qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 16 juin 2017, date de réception du réquisitoire par M. X ;
Sur le respect des règles de contrôle sélectif de la dépense
Attendu que le plan de contrôle sélectif des dépenses transmis concerne l’exercice 2010 ; que le comptable indique que ce plan était reconductible tacitement ; que, pour autant, en l’absence d’élément permettant de s’en assurer, il n’est pas établi que ce plan était applicable à
l’exercice 2014 ; qu’ en tout état de cause, ce plan faisait obligation au comptable de vérifier, pour ce qui concerne, notamment, les primes de personnel non médical, la présence des états d’attribution signés par le directeur ; que la remise gracieuse susceptible d’être accordée par le ministre chargé du budget ne pourra avoir pour effet de laisser à la charge du comptable une somme inférieure à trois pour mille du cautionnement lié au poste comptable, soit en l’espèce 531,00 € ;
Sur la présomption de charge n° 2, soulevée à l’encontre de M. Hervé-Charles X, au titre de l’exercice 2014 :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes Hauts-de-France de la responsabilité encourue par M. Hervé-Charles X à raison du paiement, en 2014, d’une prime spécifique à des infirmières non-titulaires du centre hospitalier de Bailleul pour un montant total de 3 897 €, sans disposer des décisions individuelles d’attribution du directeur de l’établissement, ni de contrats des personnels concernés en mentionnant expressément le principe ;
Sur l’existence d’un manquement
Attendu qu’aux termes des dispositions du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 « […] les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables […] du paiement des dépenses […]. Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière […] de dépenses […] dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors […] qu’une dépense a été irrégulièrement payée […] » ;
Attendu que l’article 19 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, prévoit qu’il incombe aux comptables, notamment, s’agissant des ordres de payer, d’exercer le contrôle « […] de la validité de la dette dans les conditions prévues à l’article 20 » ; que l’article 20 du même décret précise que « Le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : 1° La justification du service fait ;
2° L’exactitude de la liquidation ; 3° L’intervention des contrôles préalables prescrits par la réglementation ; […] ; 5° La production des pièces justificatives ; 6° L’application des règles de prescription et de déchéance. » ;
Attendu que, pour apprécier la validité des dettes, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications ; qu’aux termes de la rubrique 220223 « Primes et indemnités des personnels non médicaux » de l’article D. 1617-19 du CGCT, le comptable doit être en possession, au moment du paiement, des pièces justificatives suivantes :
« 1. Décision d’attribution prise par le directeur, et pour les agents contractuels, mention au contrat » ;
Attendu que le comptable considère que la rubrique n° 220223 de la nomenclature des pièces justificatives ne mentionne pas explicitement la prime spécifique ; que le décret n° 88-1083 du
30 novembre 1988, relatif à l’attribution d’une prime spécifique à certains agents, justifie le versement de ladite prime, notamment aux infirmiers titulaires et stagiaires ; que ledit versement s’impose à l’ordonnateur et qu’il n’avait pas besoin d’être justifié par une mention au contrat et/ou une décision individuelle ; que les contrats de travail des personnes concernées mentionnaient dans leur article 3 que les intéressées percevraient en outre, « le cas échéant le supplément familial de traitement et les indemnités et primes afférentes au dits emplois », à titre subsidiaire, que l’évolution réglementaire de l’annexe applicable en 2016 ne suppose plus la décision individuelle et la mention au contrat mais l’un ou l’autre ;
Attendu que l’ordonnateur ne s’exprime pas sur le manquement ;
Attendu que la présente instance porte sur des paiements effectués au cours de
l’exercice 2014, pour lesquels les contrôles effectués ne pouvaient reposer que sur la nomenclature alors applicable ; que, s’agissant des personnels intéressés qui ont la qualité de personnels non médicaux contractuels, en application de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales et de l’annexe I à ce même code précité, le comptable est tenu d’exiger la production des pièces justificatives prévues à la rubrique 220223, applicable à toutes les primes et indemnités ; qu’il doit vérifier que ces pièces ont été produites par l’ordonnateur ;
Attendu qu’au moment du paiement, le comptable ne disposait pas des décisions individuelles du directeur du centre hospitalier de Bailleul pour attribuer une prime spécifique à des infirmières non-titulaires ;
Attendu qu’ainsi, en l’absence de l'ensemble des pièces justificatives requises pour s'assurer de la validité de la dette, M. Hervé-Charles X aurait dû suspendre les paiements considérés et demander toutes précisions à l’ordonnateur, conformément à l’article 38 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 susvisé ; qu’il a donc manqué à son obligation de contrôle de validité de la dette et a ainsi engagé sa responsabilité au titre de l’article 60 de la loi n° 63-156 du
23 février 1963 ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
Attendu que, selon l’article 60 susvisé de la loi du 23 février 1963 modifiée, « la responsabilité personnelle et pécuniaire prévue au I est mise en jeu par le ministre dont relève le comptable, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes dans les conditions qui suivent » ; que « lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […] le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
Sur les moyens :
Attendu que le comptable mis en cause ainsi que le directeur du centre hospitalier de Bailleul considèrent que ces paiements n’ont pas causé de préjudice financier ; que, cependant, le constat de l'existence, ou non, d'un préjudice financier relève de la seule appréciation du juge des comptes ; que s’il doit tenir compte des déclarations du comptable et de l’ordonnateur, il n’est pas tenu par eux ;
Attendu que, sur le premier moyen, à l’appui de la décision du Conseil d’Etat
(CE du 22 février 2017, grand port maritime de Rouen), le comptable estime que les paiements effectués n’étaient pas dépourvus de fondement juridique en invoquant le décret n° 88-1083 du 3 novembre 1988 relatif à l’attribution d’une prime spécifique aux infirmiers et infirmières généraux et des infirmiers et infirmières généraux adjoints des établissements de santé ; outre le fait que cet arrêté ne s’applique qu’aux fonctionnaires titulaires et stagiaires de la fonction publique hospitalière, et non aux contractuels, le directeur de l’établissement n’a pas pris de mesures pour transposer ce texte à l’établissement ;
Attendu que, sur le deuxième moyen, le comptable, à l’appui de la même décision du Conseil d’Etat, fait valoir qu’il appartient au juge des comptes, en l’absence effective de fondement juridique préalable à la dépense, de rechercher si la volonté commune des parties de poursuivre la relation contractuelle pouvait être regardée comme établie ; que, sur le troisième moyen, le comptable précise avoir payé les primes spécifiques après service fait, au vu des bordereaux de mandats de paiement établis et signés par le directeur de l’établissement ; que cette signature manifesterait, selon lui, la volonté du directeur du centre hospitalier de Bailleul de payer les primes en cause ;
Attendu que, pour déterminer si la dépense est ou non indue, il convient de rechercher, outre la réalité du service fait, la volonté expresse et préalable de l'ordonnateur ; qu'en l’espèce, il n'est pas contesté que l’autorité compétente n’a pas manifesté son intention de verser les primes en cause par une décision formelle ; que la signature des bordereaux de mandats de paiement concerne l’ensemble de la paye de l’établissement ; que, par conséquent, ils ne peuvent être considérés comme affirmant une volonté expresse du directeur d’accorder une prime spécifique à des infirmières non-titulaires ; qu’il s’ensuit que les paiements sont indus et qu’ils ont causé, de ce fait, un préjudice financier pour l’établissement ;
Attendu que, sur le quatrième moyen, le comptable, sur la base d’une autre décision du Conseil d’Etat (CE, n° 262074 du 3 mai 2004, M. Guy X c/service des rémunérations et pensions du commissariat de l’air), fait valoir que constitue un principe général du droit selon lequel une décision administrative accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire ; que ce principe est inopérant en ce qui concerne la présente instance qui porte sur la seule responsabilité personnelle et pécuniaire éventuelle du comptable public dans ses actes, au regard des dispositions reprises à l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 et du
décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 précités ;
Attendu que, sur le cinquième moyen, le comptable considère que les contrats de travail des personnes concernées mentionnaient, dans leur article 3, qu’elles devaient percevoir, « le cas échéant le supplément familial de traitement et les indemnités et primes afférentes au dit emploi » ; que s’agissant d’agents contractuels, il n’est pas fait mention explicitement au versement d’une prime spécifique ;
Attendu que, compte tenu de ce qui précède, l’ensemble des moyens présentés par le comptable doit être rejeté ; qu’il n’est pas clairement établi la volonté expresse et préalable du directeur d’attribuer la prime de sujétion aux infirmières non-titulaires ;
Conclusion sur le préjudice financier
Attendu qu’un préjudice financier résulte du paiement d’une dépense indue, en l’absence d’élément qui permette d’établir la volonté expresse et préalable de l’ordonnateur d’engager la dépense en cause ;
Attendu qu’en procédant au paiement d’une prime spécifique à des infirmières
non-titulaires du centre hospitalier de Bailleul, sans disposer des pièces prévues par la nomenclature en vigueur au moment du paiement, le comptable a manqué à son obligation de contrôler la validité de la dette ; qu'ainsi, le manquement du comptable a causé un préjudice financier à cet établissement au sens des dispositions du troisième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée ;
Attendu qu’aux termes du même article, « Lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’ainsi, il y a lieu de constituer M. Hervé-Charles X débiteur du centre hospitalier de Bailleul pour la somme de 3 897 € ;
Attendu qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 16 juin 2017, date de réception du réquisitoire par M. X ;
Sur le respect des règles de contrôle sélectif de la dépense
Attendu que le plan de contrôle sélectif des dépenses transmis concerne l’exercice 2010 ; que le comptable indique que ce plan était reconductible tacitement ; que, pour autant, en l’absence d’élément permettant de s’en assurer, il n’est pas établi que ce plan était applicable à
l’exercice 2014 ; qu’ en tout état de cause, contrairement à ce qu’affirme le comptable qui estime qu’il n’avait pas à vérifier les primes accordées aux infirmières non-titulaires, ce plan faisait obligation au comptable de vérifier, pour ce qui concerne, notamment, les primes du personnel non médical, la présence des états d’attribution signés par le directeur ; que la remise gracieuse susceptible d’être accordée par le ministre chargé du budget ne pourra avoir pour effet de laisser à la charge du comptable une somme inférieure à trois pour mille du cautionnement lié au poste comptable, soit en l’espèce 531,00 € ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : Au titre de l’exercice 2014, sur la présomption de charge n° 1 :
M. Hervé-Charles X est constitué débiteur du centre hospitalier de Bailleul pour la somme de 3 168 €, augmentée des intérêts de droit à compter du
16 juin 2017.
Article 2 : Au titre de l’exercice 2014, sur la présomption de charge n° 2 :
M. Hervé-Charles X est constitué débiteur du centre hospitalier de Bailleul pour la somme de 3 897 €, augmentée des intérêts de droit à compter du
16 juin 2017.
Article 3 : La décharge de M. Hervé-Charles X, pour sa gestion du 1er janvier 2014 au
31 décembre 2014, ne pourra être donnée qu’après apurement des débets fixés aux articles 1 et 2 ci-dessus.
Fait et jugé par M. Patrice Ros, président de séance, MM. Frank Leroy et Olivier Pernet, premiers conseillers.
En présence de M. Bernard Chabé, greffier de séance.
Bernard Chabé Patrice Ros
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à
l’article R. 242-29 du même code.
JU-2017-0026 – Centre hospitalier de Bailleul 1/10
ANNEXE 1
Charge n° 1 : versement d’une prime de sujétion à des agents non-titulaires –
compte 64138 « Personnels sous CDI – Autres indemnités »
Période | N° bord. | N° mandat | Date d’émission | Patricia Y (CDI) | Véronique Z (CDI) | Total |
Budget | E | E | ||||
Imputation au compte | 64138 | 64138 | ||||
janv-14 | 810002 | 100010 | 20/01/2014 | 144,00 € | 144,00 € | 288,00 € |
févr-14 | 810020 | 100176 | 14/02/2014 | 144,00 € | 144,00 € | 288,00 € |
mars-14 | 810034 | 100319 | 18/03/2014 | 144,00 € | 144,00 € | 288,00 € |
avr-14 |
|
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|
|
|
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mai-14 | 810079 | 100693 | 20/05/2014 | 144,00 € | 144,00 € | 288,00 € |
juin-14 | 810096 | 100836 | 17/06/2014 | 144,00 € | 144,00 € | 288,00 € |
juil-14 | 810118 | 101016 | 17/07/2014 | 144,00 € | 144,00 € | 288,00 € |
août-14 | 810146 | 101207 | 14/08/2014 | 144,00 € | 144,00 € | 288,00 € |
sept-14 | 810161 | 101331 | 22/09/2014 | 144,00 € | 144,00 € | 288,00 € |
oct-14 | 810184 | 101522 | 14/10/2014 | 144,00 € | 144,00 € | 288,00 € |
nov-14 | 810210 | 101695 | 18/11/2014 | 144,00 € | 144,00 € | 288,00 € |
déc-14 | 810238 | 101905 | 17/12/2014 | 144,00 € | 144,00 € | 288,00 € |
Totaux | 1 584,00 € | 1 584,00 € | 3 168,00 € |
JU-2017-0026 – Centre hospitalier de Bailleul 1/10
ANNEXE 2
Charge n° 2 : versement d’une prime spécifique à des personnels non-titulaires –
compte 64158 « Personnels sous CDD – Autres indemnités »
Période | N° bord. | N° mandat | Date d’émission | N° bord. | N° mandat | Date d’émission | Ophélie A (CDD) | Antonine B(CDD) | Lucy C (CDD) | Nathalie D (CDD) | Pauline E(CDD) | Total |
Budget E | Budget H | E | E/H | H | E/H | E/H | ||||||
janv-14 | 810002 | 100013 | 20/01/2014 | 800003 | 12 | 20/01/2014 | 90,00 € | 90,00 € | 90,00 € | 90,00 € | 90,00 € | 450,00 € |
févr-14 | 810020 | 100179 | 14/02/2014 | 800042 | 385 | 14/02/2014 | 90,00 € | 90,00 € | 90,00 € | 90,00 € | 90,00 € | 450,00 € |
mars-14 | 810034 | 100322 | 18/03/2014 | 800064 | 712 | 18/03/2014 | 90,00 € | 90,00 € | 90,00 € | 90,00 € | 90,00 € | 450,00 € |
avr-14 |
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mai-14 | 810079 | 100696 | 20/05/2014 | 800133 | 1747 | 20/05/2014 | 90,00 € | 90,00 € | 90,00 € | 90,00 € | 90,00 € | 450,00 € |
juin-14 | 810096 | 100839 | 17/06/2014 | 800163 | 2246 | 17/06/2014 | 90,00 € | 90,00 € | 90,00 € | 90,00 € | 90,00 € | 450,00 € |
juil-14 | 810118 | 101019 | 17/07/2014 | 800196 | 2671 | 17/07/2014 | 90,00 € | 90,00 € | 90,00 € | 27,00 € |
| 297,00 € |
août-14 | 810146 | 101210 | 14/08/2014 | 800229 | 3162 | 14/08/2014 | 90,00 € | 90,00 € | 90,00 € |
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| 270,00 € |
sept-14 | 810161 | 101334 | 22/09/2014 | 800249 | 3351 | 22/09/2014 | 90,00 € | 90,00 € | 90,00 € |
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| 270,00 € |
oct-14 | 810184 | 101525 | 14/10/2014 | 800286 | 3981 | 14/10/2014 | 90,00 € | 90,00 € | 90,00 € |
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| 270,00 € |
nov-14 | 810210 | 101698 | 18/11/2014 | 800324 | 4450 | 18/11/2014 | 90,00 € | 90,00 € | 90,00 € |
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| 270,00 € |
déc-14 | 810238 | 101908 | 17/12/2014 | 800371 | 4938 | 17/12/2014 | 90,00 € | 90,00 € | 90,00 € |
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| 270,00 € |
Totaux | 990,00 € | 990,00 € | 990,00 € | 477,00 € | 450,00 € | 3 897,00 € |
JU-2017-0026 – Centre hospitalier de Bailleul 1/10