CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES

PROVENCE–ALPES-CÔTE D’AZUR

 

Chambre

 

Jugement n° 2017-0025

 

 

Commune d’Antibes-Juan-les-Pins

Département des Alpes-Maritimes

Exercices 2012 à 2014

Rapport n° 2017-0140

Audience publique du 13 septembre 2017

Délibéré le 13 septembre 2017

Prononcé le 23 octobre 2017

 

 

 

JUGEMENT

 

REPUBLIQUE  FRANÇAISE

AU  NOM  DU  PEUPLE  FRANÇAIS

 

 

La chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur,

 

VU le réquisitoire  2017-0011 en date du 2 février 2017 par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X, comptable de la commune d’Antibes-Juan-les-Pins, au titre d’opérations relatives aux exercices 2012 à 2014 ;

VU la notification du réquisitoire du procureur financier et du nom du magistrat chargé de l’instruction au maire de la commune et à M. X, intervenue le 8 février 2017 ;

VU l’ordonnance  2017-0015 du 10 février 2017 par laquelle, d’une part, il a été constaté que compte tenu de la date de leur production, il n’y avait pas lieu de statuer sur les comptes des exercices 2008 à 2010 et, d’autre part, M. X a été déchargé de sa gestion pour l’exercice 2011 ;

VU les comptes de la commune d’Antibes-Juan-les-Pins pour les exercices 2012 à 2014 ;

VU le code général des collectivités territoriales, notamment son article L. 1617-5 ;

VU le code des juridictions financières ;

VU l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;

VU le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;


 

VU le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

VU le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 de finances rectificative pour 2011 ;

VU l’arrêté n° 2016-16 du 23 décembre 2016 du président de la chambre fixant l’organisation des formations de délibéré et leurs compétences pour 2017 ;

VU les questionnaires adressés par le magistrat instructeur à l’ordonnateur et au comptable le 9 février 2017 ;

VU les justifications en réponse transmises par le maire par courrier du 28 février parvenu à la chambre le 14 mars 2017 et enregistré au greffe de la juridiction le même jour et par le comptable par lettre du 7 mars enregistrée au greffe de la chambre le 9 mars 2017 ;

VU le rapport déposé le 10 mai 2017 par Mme Judith Ascher, première conseillère ;

VU la décision du 16 août 2017 par laquelle le président de la chambre régionale des comptes a désigné M. Bernard Debruyne, président de section, comme rapporteur en remplacement de Mme Ascher ;

VU les conclusions du procureur financier ;

VU les lettres du 30 août 2017 informant l’ordonnateur et le comptable de la date fixée pour l’audience publique 

Après avoir entendu en audience publique le rapporteur, les conclusions orales de Mme Marie-Pierre Laplanche-Servigne, procureur financier, et M. X, l’ordonnateur, dûment informé de l’audience, n’étant ni présent ni représenté et le comptable s’étant exprimé en dernier ;

Après avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier ;

ATTENDU qu’aucune circonstance constitutive de la force majeure n’a été établie ni même alléguée ;

Charge  1 : Titres émis à l’encontre de M. Y 9338 du 24 novembre 2008 et n° 2408 du 25 mai 2009

En ce qui concerne le réquisitoire

 

ATTENDU que, par le réquisitoire susvisé du 2 février 2017, le procureur financier a requis la chambre au motif que le comptable de la commune d’Antibes-Juan-les-Pins n’avait pas réalisé de diligences suffisantes pour assurer le recouvrement des titres susmentionnés, d’un montant total de 1 575,72  ;

 

ATTENDU en effet que, selon les annotations figurant sur l’état des restes à recouvrer au 31 décembre 2014 du compte 4116 « Redevables – contentieux », les titres en cause avaient fait l’objet chacun d’une mise en demeure le 21 juin 2013 et d’une opposition à tiers-détenteur (OTD) bancaire le 22 avril 2015 ; qu’après avoir relevé que les diligences ne sont interruptives de prescription que dans la mesure où leur notification est avérée, le représentant du ministère public a fait valoir que tel n’était pas le cas en l’espèce, qu’au demeurant les mesures prises par le comptable pour assurer le recouvrement des titres avaient été réalisées postérieurement à leur prescription et que la preuve de la réalisation d’autres diligences n’avait pas été apportée par le comptable durant la phase administrative d’examen des comptes  ;

 

Sur le manquement de la comptable à ses obligations

 

ATTENDU qu’aux termes du 3° de l’article L. 1617-5 susvisé du code général des collectivités territoriales, « l'action des comptables publics chargés de recouvrer les créances des régions, des départements, des communes et des établissements publics locaux se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge du titre de recettes. Le délai de quatre ans mentionné à l'alinéa précédent est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des débiteurs et par tous actes interruptifs de la prescription » ;

 

ATTENDU qu’en réponse au réquisitoire du procureur financier et au questionnaire du rapporteur, M. X a transmis un bordereau de situation montrant « que des diligences ont été effectuées dès juin 2009 (commandement), pour le titre 9338/2008 et dès janvier 2010 (commandement), pour le titre 2408/2009 » et « que ces diligences ont ensuite été renouvelées chaque année, jusqu’en 2016 » ;

 

ATTENDU que le comptable a également joint à sa réponse des documents retraçant « quelques-uns des OTD émis en 2010 et 2011 sur ces titres », en faisant valoir que « le dernier du [11 juillet 2011 avait] été notifié par l’intermédiaire de la société Z, huissier, garantissant que tous les intervenants, dont M. Y, [avaient] bien été informés de la saisie », ainsi que « les saisies ventes qui [avaient] été transmises à l’huissier, dont la dernière [faisait] état d’un PV de carence (rien à saisir), avec l’information d’une inscription en cours à Pôle Emploi » ; que selon M. X, « il ressort de l’ensemble de ces documents que les diligences effectuées [n’ont pas été] tardives et n’ont pas eu lieu après la prescription quadriennale des titres et que, pour au moins deux de ces actes, la notification à M. Y est avérée » ;

 

ATTENDU que, contrairement à ce que soutient M. X, la notification par l’huissier de l’opposition à tiers-détenteur du 11 juillet 2011 n’emporte pas la garantie que le débiteur en ait été avisé et qu’il ressort des pièces du dossier que le procès-verbal de carence qui a fait suite à la dernière saisie-vente, en date du 7 juin 2011, dont le comptable a fait mention dans sa réponse, n’a été établi que le 16 décembre 2013, alors que la prescription quadriennale des titres prévue par les dispositions susmentionnées de l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales était acquise ;

 

ATTENDU cependant que les diligences réalisées par M. X pour assurer le recouvrement des titres visés dans le réquisitoire ont été proportionnées à la nature et au montant des créances en cause ; qu’elles ont donc été suffisantes ;

 

ATTENDU qu’au surplus, ainsi que la souligné le procureur financier dans ses conclusions susvisées, les titres en cause avaient pour objet une dette relative à une « redevance camion » ; qu’au regard de certaines indications figurant dans les OTD, il s’agissait d’un camion pizza ; qu’une recherche dans la base de données Scores et Décisions fait apparaître que M. Y a été inscrit au registre du commerce et des sociétés en qualité de commerçant « camion pizza ambulant » le 10 septembre 2008 et radié le 11 octobre 2009 ; qu’il ressort de ces éléments que le recouvrement des titres était vraisemblablement irrémédiablement compromis dès cette dernière date ;

 

ATTENDU qu’en conséquence et sans qu’il soit besoin d’examiner la réponse de l’ordonnateur, il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité personnelle et personnelle de M. X à raison du défaut de recouvrement des titres visés dans le réquisitoire ;

 


 

Charge  2 : Titre  8791 émis à l’encontre de la société A et pris en charge le 23 octobre 2008, d’un montant initial de 4 749,18 

 

En ce qui concerne le réquisitoire

 

ATTENDU que, par le réquisitoire susvisé du 2 février 2017, le procureur financier a requis la chambre au motif que le comptable de la commune d’Antibes-Juan-les-Pins n’avait pas réalisé de diligences suffisantes pour assurer le recouvrement du titre susmentionné, d’un montant initial de 4 749,18 € ramené à 2 985,18 € à la suite d’un paiement partiel intervenu à une date inconnue ;

 

ATTENDU en effet que, selon les annotations figurant sur l’état des restes à recouvrer au 31 décembre 2014 du compte 46726 « Débiteurs divers – contentieux », une procédure de redressement judiciaire de la société débitrice avait été ouverte le 7 novembre 2011 et que la preuve de la déclaration de la créance de la commune au passif de la procédure dans le délai de deux mois prévu à l’article R. 622-24 du code de commerce n’avait pas été apportée par le comptable durant la phase administrative d’examen des comptes, de sorte que le recouvrement du titre correspondant paraissait irrémédiablement compromis depuis le 7 janvier 2012 ;

 

Sur le manquement de la comptable à ses obligations

 

ATTENDU que dans sa réponse au réquisitoire et au questionnaire du rapporteur, M. X a expliqué que le titre avait été partiellement soldé le 8 juin 2009 par imputation d’une partie d’un excédent de versement de 1 906 € généré par le règlement par le débiteur d’un autre titre du fait de la réduction de son montant à l’initiative de la commune ; qu’avec l’accord du débiteur, déduction faite de 142 € de frais de poursuite, cet excédent avait été imputé à hauteur de 1 764 € sur le titre visé dans le réquisitoire, dont le montant initial de 4 749,18 avait donc été ramené à 2 985,18  ;

 

ATTENDU qu’il ressort par ailleurs de la réponse de M. X qu’en réalité, la société débitrice a été mise en règlement judiciaire par jugement du 7 mai 2010 et que la créance n’a pas été produite au passif de cette procédure en raison de ce qu’elle a été ouverte à l’encontre de la société A, alors que le titre avait été émis au nom de « B » ; qu’ainsi, le comptable se serait trouvé dans « l’impossibilité de produire le titre non émis à l’encontre du bon débiteur à la procédure de redressement judiciaire » ce qui, selon lui, « aurait dû conduire la commune à annuler le titre d’origine, puis à en réémettre un au nom du bond débiteur (…) » ;

 

ATTENDU qu’ainsi que l’a relevé le procureur financier dans ses conclusions susvisées, le courrier en date du 11 mai 2010, joint par M. X à sa réponse du 7 mars 2017, par lequel le mandataire judiciaire a informé la trésorerie d’Antibes de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire « à l’encontre de l’entreprise A » comportait en marge les mentions « Affaire A » et « Enseigne : B » ; qu’ainsi le comptable n’est pas fondé à soutenir qu’il lui était impossible d’établir un lien entre le titre visé dans le réquisitoire et la procédure de redressement judiciaire ;

 

ATTENDU toutefois que, faute d’avoir été produite au passif de la procédure dans le délai de deux mois suivant la publication au BODACC du jugement du 7 mai 2010, le recouvrement du titre s’est trouvé irrémédiablement compromis en 2010, exercice au titre duquel, ainsi que cela ressort de l’ordonnance susvisée du 10 février 2017, la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable est prescrite par l’effet de la loi ;


 

 

ATTENDU qu’en conséquence et sans qu’il soit besoin d’examiner la réponse de l’ordonnateur, il n’y a pas lieu de rechercher la responsabilité de M. X à raison du défaut de recouvrement du titre visé dans le réquisitoire ;

 

ATTENDU qu’aucune autre charge ne subsistant à l’encontre de M. X, il y a lieu de le décharger de sa gestion au titre des exercices 2012 à 2014 ;

 

 

 

Par ces motifs :

 

DÉCIDE :

 

 

Article 1er :

Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X au titre de la charge  1.

 

Article 2 :

Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X au titre de la charge  2.

 

Article 3 :

M. X est déchargé de sa gestion pour les exercices 2012 à 2014.

 

 

 

Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur, le treize septembre deux mille dix-sept.

 

Présents : M. Louis Vallernaud, président de la chambre, président de séance, M. Daniel Gruntz, président de section, M. Didier Rouquié, premier conseiller, Mme Sophie Leduc-Denizot, première conseillère et Mme Sidonie Reallon, conseillère.

 

 

La greffière de séance,

 

 

 

 

Patricia GUZZETTA

Le président de la chambre,

président de séance

 

 

 

Louis VALLERNAUD

 

 

 

La République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

 

En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.

 

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