rapport n° 2017-0229

Commune de Sciez (Haute-Savoie)

jugement n° 2017-0038

Trésorerie de Thonon-les-Bains

audience publique du 10 octobre 2017

code n° 074 031 263

délibéré du 10 octobre 2017

exercice 2015

Prononcé le : 13 octobre 2017

 

 

 

République française

 

Au nom du peuple français

 

La chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-ALPES
(Statuant en 5ème Section)

 

Vu le réquisitoire 32-GP/2017 à fin d’instruction de charge pris le 19 juin 2017 par le procureur financier près la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes ;

Vu les courriers de notification du réquisitoire adressés le 26 juin 2017 à Mme Yolande X..., comptable concernée, et à M. Jean-Luc Y..., maire de Sciez, dont ils ont accusé réception les 27 et 28 juin 2017 ;

VU le code général des collectivités territoriales ;

VU le code des juridictions financières ;

VU l’article 60 de la loi de finances pour 1963 n° 63-156 du 23 février 1963 modifié ;

VU le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

VU les lois et règlements relatifs à la comptabilité des communes et des établissements publics locaux ;

VU larrêté de la présidente de la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes relatif aux attributions, à la composition et aux compétences des sections et des formations de délibéré et celui portant délégation de signature au président de la 5ème section ;

VU la décision n° 74 D du 23 juin 2017 du président de la 5ème section de la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes, désignant M. Michel BON, premier conseiller, comme rapporteur pour instruire les charges identifiées dans le réquisitoire susvisé ;

VU les questionnaires transmis le 7 juillet 2017 à Mme Yolande X..., comptable concernée, et à M. Jean-Luc Y..., maire de Sciez, sur le site de partage de fichiers des juridictions financières et téléchargés par les destinataires le 10 juillet 2017 ;

VU les observations écrites de Mme Yolande X..., reçues les 30 juin 2017 et 17 juillet 2017 sur le site de partage de fichiers des juridictions financières ;

VU les observations écrites de M. Jean-Luc Y..., maire de Sciez, reçues le 11 juillet 2017 sur le site de partage de fichiers des juridictions financières ;

VU les comptes produits en qualité de comptable de la commune de Sciez par Mme Yolande X... pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 ;

VU le rapport n° 2017-0229 de M. Michel BON, premier conseiller, magistrat instructeur, déposé au greffe de la chambre le 24 août 2017 ;

VU les lettres du 28 août 2017 informant la comptable et l’ordonnateur de la clôture de l’instruction ;

VU les lettres du 18 septembre 2017 informant Mme Yolande X... et M. Jean-Luc Y... de la date fixée pour l’audience publique et les accusés de téléchargement correspondants, respectivement les 5 octobre 2017 et 18 septembre 2017 ;

Vu les conclusions n° 17-229 du procureur financier en date du 6 septembre 2017 ;

Entendu en audience publique M. Michel BON, premier conseiller, en son rapport ;

Entendu en audience publique, M. Denis LARRIBAU, procureur financier, en ses conclusions ;

En l’absence de la comptable en cause et de l’ordonnateur, dûment informés de la tenue de l’audience ;

Après avoir délibéré hors la présence du public, du rapporteur et du procureur financier ;

 

 

En ce qui concerne la charge unique, relative au paiement d’indemnités d’astreintes en l’absence de délibération complète par Mme Yolande X... pour un montant de 2 092,72 sur l’exercice 2015

Sur les réquisitions du ministère public,

Attendu qu’en son réquisitoire, le procureur financier relève que la comptable, Mme Yolande X..., a payé à deux agents de la commune de Sciez, par mandat collectif de paie n° 985 du 16 juin 2015, des indemnités d’astreintes pour un montant total de 2 092,72 € ;

Attendu que le représentant du ministère public rappelle que, pour payer des primes et indemnités aux personnels des collectivités territoriales, la rubrique 210225 « Astreintes et permanences » de l’annexe I du code général des collectivités territoriales auquel renvoie l’article D. 1617-19 de ce même code, prévoit la production d’une « délibération déterminant les cas dans lesquels il est possible de recourir à des astreintes ou à des permanences, la liste des emplois concernés, les modalités de leur organisation et, le cas échéant, le montant des crédits budgétaires alloués à cet effet » ; que la délibération du conseil municipal de Sciez, n° 2015-05-05 du 27 mai 2015, versée à l’appui du rapport à fin de contrôle juridictionnel des comptes de la commune, a été prise postérieurement aux paiements qu’elle ne pouvait autoriser rétroactivement ; que le comptable aurait ainsi versé des indemnités d’astreintes aux deux agents en question sans délibération déterminant les cas dans lesquels il est possible de recourir à des astreintes ou à des permanences et sans la liste des emplois concernés et les modalités de leur organisation ; qu’il en déduit qu’en l’absence de la pièce justificative manifestant la volonté de l’autorité compétente à autoriser ces paiements et ouvrant le droit aux bénéficiaires, le comptable aurait dû suspendre les paiements et alerter l’ordonnateur ;

Attendu que le procureur financier considère que la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme Yolande X... a pu être engagée pour avoir ouvert sa caisse sans pièce justificative exigible et sans avoir pu procéder au contrôle de la liquidation et qu’elle se trouverait ainsi dans le cas prévu par les dispositions de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 ; qu’il y a lieu en conséquence d’ouvrir l’instance prévue au III de l’article L. 242-1 du code des juridictions financières aux fins de déterminer les responsabilités encourues ;

 

Sur les observations des parties,

Attendu que, dans sa réponse du 17 juillet 2017, Mme Yolande X... indique que la délibération du 27 mai 2015 était jointe au mandat de paie du mois de juin, mois de paiement des indemnités et, qu’étant exécutoire, elle s’imposait alors au comptable ; qu’elle précise par ailleurs que le contrôle des astreintes n’a été inscrit au plan de contrôle des paies qu’en 2017 ;

Attendu que dans sa réponse du 11 juillet 2017, M. Jean-Luc Y..., maire de Sciez indique qu’une mauvaise pratique était en place dans la commune concernant le traitement des astreintes ; qu’une délibération générale pour la mise en place des astreintes du service technique serait soumise au conseil municipal à l’automne ; qu’il précise que la commune de Sciez n’a subi aucun préjudice dans le paiement de ces indemnités, les astreintes ayant été effectuées par le personnel communal ;

 

Sur la charge présumée,

Attendu que la présomption de charge formulée au réquisitoire est fondée sur l’insuffisance des pièces justificatives produites à l’appui du paiement des indemnités d’astreinte versées à deux agents de la commune de Sciez par mandat n° 985 du 16 juin 2015 et sur l’absence de contrôle de la liquidation de la dépense ; qu’il résulte de feuilles de paie jointes au réquisitoire que les intéressés ont perçu sur la paie de juin 2015 des indemnités d’astreinte inscrites sur la rubrique de paie n° 126-13 « Astreinte déneigement 2014/2015 » pour un montant total de 2 092,72 € ; que la comptable mise en cause a été appelée à formuler ses observations sur ce montant conforme au réquisitoire ;

 

Sur la responsabilité des comptables en matière de paiement de dépenses de personnel

Attendu que l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 dispose que, « I. - (…) les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables (…) du paiement des dépenses, (…), de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils dirigent. / (…) La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu'une dépense a été irrégulièrement payée (…) » ;

Attendu que le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique dispose à son article 17 que les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des actes et contrôles qui leur incombent en application des dispositions des articles 18, 19 et 20, dans les conditions fixées par l'article 60 de la loi du 23 février 1963 ; que l’article 18 indique que le comptable public est seul chargé du paiement des dépenses sur ordre émanant des ordonnateurs ; que l’article 19 dispose que le comptable public est tenu d'exercer le contrôle, s'agissant des ordres de payer, de la validité de la dette dans les conditions prévues à l'article 20 et que cet article 20 précise que le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte notamment sur l’exactitude de la liquidation et sur la production des pièces justificatives ; que l’article 38 dispose que, lorsqu'à l'occasion de l'exercice des contrôles prévus au 2° de l'article 19 le comptable public a constaté des irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de l'ordonnateur, il suspend le paiement et en informe l'ordonnateur ;

Attendu que l’annexe I du code général des collectivités territoriales fixant la liste des pièces justificatives des dépenses publiques locales, dans un §5 relatif à l’utilisation de la liste des pièces justificatives pour le contrôle de la dépense, précise que lorsqu'une dépense est répertoriée dans la liste, les pièces justificatives nécessaires au paiement de cette dépense y sont toutes énumérées et que la liste est obligatoire en ce qu'elle constitue à la fois le minimum et le maximum des pièces justificatives exigibles par le comptable et s'impose à la fois aux ordonnateurs, aux comptables et aux juges des comptes ; qu’il résulte de la sous-rubrique 210225 de cette liste que doivent être produits à l’appui des paiements des indemnités d’astreintes la délibération déterminant les cas dans lesquels il est possible de recourir à des astreintes ou à des permanences, la liste des emplois concernés, les modalités de leur organisation ainsi que  l’état liquidatif, précisant l'emploi de l'agent, la période d'astreinte ou de permanence, le taux applicable et, le cas échéant, le nombre d'heures d'intervention réalisées pendant la période d'astreinte ; qu’un renvoi précise que, dans le cas où l'assemblée délibérante confie le choix du mode de dédommagement des astreintes à l'exécutif, la délibération doit préciser le montant des crédits budgétaires alloués et qu’un état des crédits alloués aux astreintes ou permanences consommés  doit alors être produit ;

Attendu qu’il résulte de la jurisprudence du Conseil d’État que « pour apprécier la validité des créances, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications ; qu'à ce titre, il leur revient d'apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée ; que pour établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l'ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en deuxième lieu, si ces pièces sont, d'une part, complètes et précises, d'autre part, cohérentes au regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable et de la nature et de l'objet de la dépense telle qu'elle a été ordonnancée ; que si ce contrôle peut conduire les comptables à porter une appréciation juridique sur les actes administratifs à l'origine de la créance et s'il leur appartient alors d'en donner une interprétation conforme à la réglementation en vigueur, ils n'ont pas le pouvoir de se faire juges de leur légalité ; qu'enfin, lorsque les pièces justificatives fournies sont insuffisantes pour établir la validité de la créance, il appartient aux comptables de suspendre le paiement jusqu'à ce que l'ordonnateur leur ait produit les justifications » ;

Attendu qu’il résulte des dispositions légales et règlementaires régissant la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics, précisées par  la jurisprudence du Conseil d’État, qu’avant de prendre en charge une dépense, le comptable d’une collectivité territoriale doit notamment contrôler la production des pièces justificatives telles qu’elles sont listées à l’annexe I du code général des collectivités territoriales ; que le comptable n’a pas le pouvoir de suspendre le paiement au motif que la décision découlant de la pièce ne serait pas prise dans des conditions conformes à la règlementation ; qu’il lui revient de vérifier que l’ensemble des pièces requises a été fourni et que ces pièces sont complètes et précises ; que, lorsque les pièces justificatives fournies sont insuffisantes pour établir la validité de la créance, il appartient au comptable de suspendre le paiement jusqu'à ce que l'ordonnateur ait produit les justifications requises ;

 

 

 

Sur la responsabilité de la comptable,

Attendu que Mme Yolande X... a pris en charge le paiement des indemnités d’astreinte versées aux deux agents identifiés au réquisitoire en disposant, à l’appui du paiement, de la délibération du conseil municipal de Sciez du 27 mai 2015, autorisant le maire à verser des indemnités d’astreintes de déneigement pour l’hiver 2014-2015 au personnel concerné à hauteur de 149,48 € par semaine ainsi que d’un état liquidatif établi par le maire de Sciez le 27 mai 2015 et établissant, pour chacun des agents identifiés, les semaines d’astreinte et le taux applicable pour chaque période ;

Attendu que la délibération est exécutoire par transmission au contrôle de légalité le 3 juin 2015 ; qu’elle indique que les personnels techniques sont amenés à effecteur chaque hiver des astreintes pour le déneigement et qu’elle précise que le montant global de cette indemnité pour la période concernée est de 2 092,72 € pour deux agents ;

Attendu qu’à la date du paiement des indemnités d’astreintes aux deux agents en question, la comptable disposait de la délibération du conseil municipal de Sciez déterminant les cas dans lesquels il est possible de recourir à des astreintes et les emplois concernés ainsi que de l’état liquidatif établi par le maire de Sciez précisant la période d'astreinte et le taux applicable ; que la comptable ne pouvait asseoir la suspension du paiement des indemnités d’astreintes sur le fait que la délibération était postérieure à l’exécution des astreintes et ainsi ne respectait pas la règlementation sur l’exécution des astreintes, sans se faire juge de la légalité interne de l’acte qui lui était soumis ;

Attendu que sur la base des éléments mentionnés dans l’état liquidatif conforme à la décision du conseil municipal, la comptable était à même d’effectuer le contrôle de la liquidation des indemnités ;

Attendu que la comptable disposait des pièces justificatives prévues par la nomenclature, lui permettant d’effectuer le contrôle de l’exactitude de la liquidation ; qu’il n’y a donc pas lieu d’engager la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme Yolande X... pour ne pas avoir effectué le contrôle de la production des justifications et de l’exactitude de la liquidation avant de prendre en charge le paiement des indemnités d’astreintes objet du réquisitoire introductif de l’instance ;

 

Sur la situation de la comptable,

Attendu qu’en conséquence des développements précédents, aucune charge n’ayant été relevée à son encontre, Mme Yolande X... sera déchargée de sa gestion du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 ;

Par ces motifs,

Décide

Article 1 :

Il est prononcé un non-lieu à charge au bénéfice de Mme Yolande X... au titre de la présomption de charge formulée au réquisitoire n° 32-GP/2017 du 19 juin 2017 ;

 

Article 2 :

Mme Yolande X... est déchargée de sa gestion de la commune de Sciez du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 ;

 

Fait et délibéré en la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes, cinquième section, le dix octobre deux mille dix-sept.

 

Présents :  M. Antoine BOURA, président de section, président de séance ;

Mme Sophie CORVELLEC, première conseillère, M. Pierrick BILLAN, premier conseiller, M. Joris MARTIN, conseiller, Mme Jennifer ELBAZ, conseillère.

 

 

 

 

la greffière

le président de séance

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Corinne VITALE-BOVET

Antoine BOURA

 

 

 

 

En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.

 

 

 

1/6 – jugement n° 2017-0038