Sections réunies Jugement n° 2017-0018 Audience publique du 1er juin 2017 Prononcé du 15 juin 2017 | RÉGIE DÉPARTEMENTALE DES TRANSPORTS DE L’AISNE (Aisne) Poste comptable : AGENCE COMPTABLE SPECIALE DE LA RDTA Exercice 2013 |
République Française
Au nom du peuple français
La chambre,
Vu le réquisitoire en date du 5 décembre 2016, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de
Mme Nicole X, comptable spéciale de la régie départementale des transports de l’Aisne, au titre d’une opération relative à l’exercice 2013, notifié à la comptable concernée le
10 décembre 2016 ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable spéciale de la régie départementale des transports de l’Aisne par Mme Nicole X, du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le rapport de M. Philippe Lécluze, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions du procureur financier ;
Vu la réponse adressée par l’ordonnateur en fonctions, M. Henri Y, par courriel du
30 mars 2017 ;
JU-2017-0018 – Régie départementale des transports de l’Aisne 1/5
Vu la réponse de la comptable de la régie départementale des transports de l’Aisne,
Mme Nicole X, par courriel du 29 mars 2017 ;
Vu la réponse de Maître Sophie Z, avocate, assistant Mme X, par courriel du 29 mars 2017 ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du 1er juin 2017, M. Philippe Lécluze, premier conseiller, en son rapport, M. Philippe Jamin, procureur financier, en ses conclusions,
Mme Nicole X, assistée de Maître Sophie Z, avocate, ayant eu la parole en dernier et M. Henri Y, ordonnateur ;
Sur la présomption de charge unique, soulevée à l’encontre de Mme Nicole X, au titre de l’exercice 2013
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes de la responsabilité encourue par Mme Nicole X à raison de son manquement à son obligation de contrôle de la validité de la dette et de production des pièces justificatives, pour un montant de 16 123,47 €, correspondant à un complément de rémunération versé en février 2013 au directeur de la régie pour la période allant d’octobre à décembre 2012 ;
Sur l’existence d’un manquement :
Attendu que M. Henri Y a été mis à disposition de la régie des transports de l’Aisne (RTA) par le conseil départemental de l’Aisne pour la période du 1er septembre au 31 décembre 2012, par convention du 7 février 2013, en tant que « chargé de direction » ; que cette convention n’est appuyée par aucune délibération du conseil départemental de l’Aisne ;
Attendu que cette convention prévoyait le maintien de la rémunération antérieure de
M. Y ; qu’elle précisait, en outre, qu’un complément de rémunération pourrait lui être versé par la RTA, sans que celui-ci ne soit expressément déterminé ;
Attendu que, par délibération du 19 décembre 2012, le conseil d’administration de la RTA s’est prononcé favorablement à la prise en charge de la rémunération de M. Y du 1er septembre au 31 décembre 2012 ainsi que d’un complément de rémunération pour la période du 1er au
31 décembre 2012 ;
Attendu que ni la convention, ni la délibération précitée ne précisent le montant du complément de rémunération concerné ;
Attendu que le détachement de M. Y auprès de la RTA a été acquis par arrêté du département du 16 avril 2013, à compter du 1er janvier 2013, pour une durée de cinq ans ;
Attendu que M. Y a perçu sur son salaire de février 2013 un complément de rémunération d’un montant de 16 123,47 € correspondant à la différence entre sa rémunération mensuelle (9 000 € bruts), telle que déterminée par son contrat de travail en date du 23 janvier 2013 le recrutant en qualité de directeur à compter du 1er janvier 2013, et le traitement qu’il percevait antérieurement, pour la période allant d’octobre à décembre 2012 ;
Attendu que le régime de mise à disposition d’un fonctionnaire relève du décret n° 2008-580 du 18 juin 2008 ; que son article 9 précise que « Le fonctionnaire mis à disposition continue à percevoir la rémunération correspondant à son grade ou à l’emploi qu’il occupe dans son administration d’origine. Sans préjudice d’un éventuel complément de rémunération dûment justifié, versé selon les règles applicables aux personnels exerçant leurs fonctions dans l’organisme d’accueil, le fonctionnaire peut être indemnisé par […] l’organisme d’accueil, des frais de sujétions auxquels il s’expose dans l’exercice de ses fonctions […]. La convention précise lorsqu’il y a lieu, la nature du complément de rémunération dont peut bénéficier le fonctionnaire mis à disposition. » ;
Attendu que, selon les dispositions des articles 19 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, il incombe aux comptables, s’agissant, notamment, des ordres de payer, « […] d’exercer le contrôle de la validité de la dette » lequel porte sur : « 1° la justification du service fait ; 2° l’exactitude de la liquidation ; 3° l’intervention des contrôles préalables prescrits par la réglementation […] ; 5° la production des pièces justificatives » ;
Attendu qu’en vertu des dispositions de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales (CGCT) et de son annexe I, paragraphe 2164, la comptable était tenue d’exiger la production de la délibération autorisant la conclusion de la convention, la convention de mise à disposition, et les états liquidatifs ;
Attendu que la comptable a, au cours de l’exercice 2013, pris en charge la dépense correspondant à un complément de rémunération, pour un montant de 16 123,47 €
(mandat n° 299), sans avoir procédé au contrôle de validité de la dette, notamment de l’exactitude de la liquidation, en l’absence de précision sur le montant du complément de rémunération à verser, aussi bien dans la délibération de la RTA du 19 décembre 2012 que dans la convention de mise à disposition du 7 février 2013 et de la production des pièces justificatives mentionnées à l’article D. 1617-19 précité du CGCT, et en particulier la délibération du conseil départemental autorisant la conclusion de la convention de mise à disposition et les états liquidatifs ;
Attendu qu’aux termes de l’article 60-1 de la loi de finances du 23 février 1963 modifiée, « les comptables sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de dépenses […] la responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu’une dépense a été irrégulièrement payée […] » ;
Attendu que Mme Nicole X indique à sa décharge, par l’intermédiaire de
Maître Sophie Z, avocate, qu’elle disposait au moment du paiement de l’ensemble des pièces justificatives nécessaires, à savoir la délibération du conseil d’administration de la RTA du 19 décembre 2012, la convention de mise à disposition du 7 février 2013, ainsi que les états liquidatifs émis par l’ordonnateur ;
Attendu que, contrairement à ce que précise Maître Z, Mme X ne disposait pas de la délibération du conseil départemental du 7 février 2013 autorisant la conclusion de la convention de mise à disposition, qu’elle ne disposait pas non plus des états liquidatifs mais seulement du livre de paie mensuel relatif au mois de février 2013, qui se contente de mentionner une rubrique « régularisation complément RTA : 16 123,47 € », et qui ne peut se substituer à une décision prise par le conseil d’administration de la RTA sur le montant du complément attribué à son directeur ;
Attendu que ni les difficultés des circonstances de l’espèce, à savoir le fait que le bénéficiaire du paiement indu est l’ordonnateur et le directeur de l’organisme dans lequel travaille Mme X, ni les moyens invoqués n’exonèrent la comptable du contrôle de la validité de la dette et en particulier de la production des pièces justificatives, prévu à l’article 20 du
décret n° 2012-1246 précité ;
Attendu que la comptable aurait donc dû suspendre le paiement, et en informer l’ordonnateur, conformément aux dispositions de l’article 38 du décret n° 2012-1246 précité ; que, dans ces conditions, la comptable a manqué à ses obligations et engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire au titre de l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963 ;
Sur l’existence d’un préjudice financier :
Attendu que le paiement intervenu, qui constitue une dépense indue, a entraîné un préjudice financier pour la régie départementale des transports de l’Aisne ;
Attendu que l’ordonnateur de la RTA estime, pour sa part, que la régie n’a pas subi de préjudice financier en indiquant que « si un directeur avait été présent sous une autre forme, il aurait sans doute été rétribué à cette hauteur » ;
Attendu que la comptable n’établit pas l’existence de circonstances constitutives de la force majeure, au sens du premier alinéa du V de l’article 60 de la loi n° 63-156 susvisée ;
Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « Lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’ainsi, il y a lieu de constituer
Mme Nicole X débitrice de la régie départementale des transports de l’Aisne, pour la somme de 16 123,47 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 10 décembre 2016, date de notification du réquisitoire du ministère public à l’intéressée ;
Sur le respect des règles du contrôle sélectif de la dépense :
Attendu qu’il apparaît, au vu de la réponse de la comptable, qu’il n’existait pas de plan de contrôle hiérarchisé de la dépense pour l’exercice 2013 ; que, dès lors, les mandats relatifs à la paie devaient faire l’objet d’un contrôle exhaustif ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : Mme Nicole X est constituée débitrice de la régie départementale des transports de l’Aisne pour la somme de 16 123,47 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 10 décembre 2016.
Article 2 : La décharge de Mme Nicole X, pour sa gestion du 1er janvier au
31 décembre 2013, ne pourra être donnée qu’après apurement du débet fixé
ci-dessus.
Fait et jugé par Mme Béatrice Convert-Rosenau, présidente de séance, M. Arnaud Caron, premier conseiller et Mme Margaux-Lucrèce Lelong, conseillère.
En présence de Mme Isabelle Lhomme, greffière de séance.
Isabelle Lhomme Béatrice Convert-Rosenau
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à
l’article R. 242-29 du même code.
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