Sections réunies Jugement n° 2017-0012 Audience publique du 16 mars 2017 Prononcé du 30 mars 2017 | COMMUNE D’ANNOEULLIN (Nord) Poste comptable : CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES D’ANNOEULLIN Exercices 2013 et 2014 |
République française
Au nom du peuple français
La chambre,
Vu le réquisitoire en date du 2 décembre 2016, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de
M. Jean-Rémy X et de Mme Claudine Y, comptables de la commune d’Annoeullin, au titre d’opérations relatives aux exercices 2013 et 2014, notifié aux comptables concernés le 12 décembre 2016 ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable de la commune d’Annoeullin, par
M. Jean-Rémy X du 1er janvier 2013 au 30 octobre 2013 et Mme Claudine Y du 31 octobre 2013 au 31 décembre 2014 ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
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Vu le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991, pris pour l’application du premier alinéa de
l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
Vu le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 modifié, relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires ;
Vu le décret n° 2002-1443 du 9 décembre 2002 instituant une indemnité forfaitaire représentative de sujétions et de travaux supplémentaires aux fonctionnaires des corps de conseillers techniques d’éducation spécialisée et éducateurs spécialisés des instituts nationaux de jeunes sourds et de l’Institut national des jeunes aveugles ;
Vu le rapport de Mme Béatrice Convert-Rosenau, présidente de section, magistrate chargée de l’instruction ;
Vu les conclusions du procureur financier ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du 16 mars 2017, Mme Béatrice Convert-Rosenau, présidente de section, en son rapport, M. Philippe Jamin, procureur financier, en ses conclusions ; M. Jean-Rémy X, comptable mis en cause, présent, ayant eu la parole en dernier ;
Sur la présomption de charge unique, soulevée à l’encontre de M. Jean-Rémy X et de Mme Claudine Y, au titre des exercices 2013 et 2014 :
Attendu qu’il est reproché aux comptables, M. Jean-Rémy X et
Mme Claudine Y, d’avoir procédé concomitamment au paiement, repris en annexe ci-jointe, de l’indemnité forfaitaire représentative de sujétions et de travaux supplémentaires (IFRSTS), respectivement, pour des montants de 3 945,12 € et de 5 973,60 €, et d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS), respectivement, pour des montants de 1 498 € et de 2 396,40 € à Mme Sylvia Z, éducatrice de jeunes enfants, alors que cette dernière ne pouvait cumuler ces deux indemnités ;
Sur l’existence d’un manquement :
Attendu qu’aux termes des dispositions du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 « […] les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables […] du paiement des dépenses […]. Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière […] de dépenses […] dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors […] qu’une dépense a été irrégulièrement payée […] » ;
Attendu qu’avant de procéder au paiement de la dépense, les comptables sont tenus d’exercer les contrôles prévus aux articles 19 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ; que ces contrôles portent notamment sur l’exactitude des calculs de liquidation et la production des pièces justificatives ;
Attendu qu’en application de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales et de l’annexe I à ce dernier, dans sa version applicable aux exercices 2013 et 2014, le comptable public des collectivités territoriales est tenu d’exiger, en ce qui concerne le paiement des primes et indemnités (rubrique 210223), la « décision de l’assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen des indemnités » et la « décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination fixant le taux applicable à chaque agent. » ;
Attendu qu’aux termes de l’article 2 du décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 modifié, relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires, « Les indemnités horaires pour travaux supplémentaires peuvent être versées, dès lors qu’ils exercent des fonctions ou appartiennent à des corps, grades ou emploi dons les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires, aux fonctionnaires de catégorie C et aux fonctionnaires de catégorie B. » ;
Attendu que le décret n° 2002-1443 du 9 décembre 2002 a institué une indemnité forfaitaire représentative de sujétions et de travaux supplémentaires dont pouvait bénéficier
Mme Sylvia Z ; que toutefois, en application de l’article 4 dudit décret, l’indemnité ne pouvait être cumulée avec les indemnités horaires ou forfaitaires pour travaux supplémentaires instituées par le décret du 14 janvier 2002 précité ;
Attendu que, par délibération du conseil municipal d’Annoeullin en date du 13 juin 2008, une indemnité forfaitaire représentative de sujétions et de travaux supplémentaires a été instituée pour les agents relevant du cadre d’emplois des éducateurs territoriaux de jeunes enfants ; que la délibération précise notamment que « […] cette indemnité n’est pas cumulable avec l’indemnité horaire ou forfaitaire pour travaux supplémentaires […] », conformément aux dispositions de l’article 4 du décret du 9 décembre 2002 précité ;
Attendu que la délibération en date du 19 septembre 2008 portant sur « les indemnités horaires pour travaux supplémentaires versées aux catégories B » prévoit que les éducateurs territoriaux de jeunes enfants pourront percevoir des IHTS ;
Attendu que, par arrêtés du maire en date des 11 août 2008 et 1er juillet 2009, l’IFRSTS et l’IHTS ont été attribuées à Mme Sylvia Z, respectivement, à compter des 1er juin 2008 et
1er janvier 2009 ;
Attendu que, s’agissant du versement des IHTS à Mme Sylvia Z, l’arrêté du 1er juillet 2009 est en contradiction avec la délibération du 13 juin 2008 qui précise que l’IFRSTS n’est pas cumulable avec les IHTS ;
Attendu qu’en application des articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, le comptable doit s'assurer de l'exactitude des calculs de liquidation ; qu’il incombe au comptable d’apprécier la cohérence des pièces portées à l’appui du paiement ;
Attendu que confrontés à des pièces justificatives de paiement contradictoires, les comptables, M. Jean-Rémy X et Mme Claudine Y, auraient dû suspendre les paiements des IHTS à Mme Sylvia Z au cours des exercices 2013 et 2014 ;
qu’en n’ayant pas satisfait aux contrôles prévus par les articles 19 et 20 précités, et plus particulièrement sur l'exactitude des calculs de liquidation, M. Jean-Rémy X et Mme Claudine Y ont manqué à leurs obligations et engagé leur responsabilité au titre de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Attendu que les comptables n’établissent pas l’existence de circonstances constitutives de la force majeure, au sens du premier alinéa du V de l’article 60 de la loi n° 63-156 susvisée ;
Sur l’existence d’un préjudice financier :
Attendu que, selon l’article 60 susvisé de la loi du 23 février 1963 modifiée, « la responsabilité personnelle et pécuniaire prévue au I est mise en jeu par le ministre dont relève le comptable, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes dans les conditions qui suivent » ; que « lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné […] le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
Attendu que les IHTS n’étant pas cumulables avec l’IFRSTS, les comptables ont payé des dépenses qui n’auraient pas dû l’être ; qu’ainsi, le manquement des comptables a causé un préjudice financier à la commune ;
Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « Lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’ainsi, il y a lieu de constituer
M. Jean-Rémy X et Mme Claudine Y débiteurs de la commune d’Annoeullin, respectivement pour les sommes de 1 498 € et de 2 396,40 € ; qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est fixée au 12 décembre 2016, date à laquelle M. Jean-Rémy X et Mme Claudine Y ont eu connaissance, de façon certaine, de l’existence du réquisitoire ;
Sur le respect des règles du contrôle sélectif de la dépense :
Attendu que les comptables, M. Jean-Rémy X et Mme Claudine Y, n’ont pas produit de plan du contrôle hiérarchisé de la dépense ; que, dès lors, les mandats concernés devaient faire l’objet d’un contrôle exhaustif ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : En ce qui concerne M. Jean-Rémy X, au titre de l’exercice 2013, présomption de charge unique
M. Jean-Rémy X est constitué débiteur de la commune d’Annoeullin pour la somme de 1 498 €, augmentée des intérêts de droit à compter du
12 décembre 2016.
Article 2 : La décharge de M. Jean-Rémy X, pour sa gestion du 1er janvier 2013 au 30 octobre 2013, ne pourra être donnée qu’après apurement du débet fixé
ci-dessus.
Article 3 : En ce qui concerne Mme Claudine Y, au titre des exercices 2013 et 2014, présomption de charge unique
Mme Claudine Y est constituée débitrice de la commune d’Annoeullin pour la somme de 2 396,40 €, augmentée des intérêts de droit à compter du
12 décembre 2016.
Article 4 : La décharge de Mme Claudine Y, pour sa gestion du 31 octobre 2013 au 31 décembre 2014, ne pourra être donnée qu’après apurement du débet fixé
ci-dessus.
Fait et jugé par M. Sylvain Huet, président de séance, M. Frédéric Leglastin, premier conseiller et Mme Line Mazuir, conseillère.
En présence de M. Bernard Chabé, greffier de séance.
Bernard Chabé Sylvain Huet
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En application des articles R. 242-14 à R. 242-16 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-17 à R. 242-19 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à
l’article R. 242-26 du même code.
JU-2017-0012 – Commune d’Annoeullin 1/6
Charge unique : versement d’IFRSTS et d’IHTS à Mme Sylvia Z
Exercices 2013 et 2014
Compte 64111 « Rémunération principale » (personnel titulaire)
Mois | N° bord. | N° de mandat | Date d'émission | Traitement net | dont IFRSTS | dont IHTS |
M. X, comptable du 01/01/2013 au 30/10/2013 | ||||||
janv-13 | 6 | 25 | 21/01/2013 | 2 052,27 € | 395,83 € | 149,80 € |
févr-13 | 35 | 182 | 15/02/2013 | 2 042,55 € | 395,83 € | 149,80 € |
mars-13 | 81 | 413 | 18/03/2013 | 2 047,41 € | 395,83 € | 149,80 € |
avr-13 | 124 | 651 | 17/04/2013 | 2 047,41 € | 395,83 € | 149,80 € |
mai-13 | 154 | 901 | 17/05/2013 | 2 047,41 € | 395,83 € | 149,80 € |
juin-13 | 208 | 1165 | 19/06/2013 | 2 627,88 € | 395,83 € | 149,80 € |
juil-13 | 239 | 1420 | 10/07/2013 | 2 047,41 € | 395,83 € | 149,80 € |
août-13 | 263 | 1616 | 31/07/2013 | 2 047,41 € | 395,83 € | 149,80 € |
sept-13 | 328 | 1948 | 20/09/2013 | 2 047,41 € | 395,83 € | 149,80 € |
oct-13 | 358 | 2179 | 16/10/2013 | 1 985,93 € | 382,65 € | 149,80 € |
Total M. X | 20 993,09 € | 3 945,12 € | 1 498,00 € | |||
Mme Y, comptable du 01/11/2013 au 31/12/2014 | ||||||
nov-13 | 389 | 2447 | 20/11/2013 | 3 630,07 € | 395,83 € | 224,30 € |
déc-13 | 410 | 2584 | 11/12/2013 | 2 208,12 € | 395,83 € | 164,70 € |
janv-14 | 8 | 33 | 20/01/2014 | 2 200,59 € | 395,83 € | 164,70 € |
févr-14 | 37 | 257 | 18/02/2014 | 2 200,59 € | 395,83 € | 164,70 € |
mars-14 | 82 | 517 | 20/03/2014 | 2 200,59 € | 395,83 € | 164,70 € |
avr-14 | 125 | 766 | 22/04/2014 | 2 200,59 € | 395,83 € | 164,70 € |
mai-14 | 149 | 967 | 22/05/2014 | 2 200,59 € | 395,83 € | 164,70 € |
juin-14 | 172 | 1114 | 16/06/2014 | 2 838,67 € | 395,83 € | 164,70 € |
juil-14 | 205 | 1361 | 15/07/2014 | 2 200,59 € | 395,83 € | 164,70 € |
août-14 | 216 | 1463 | 30/07/2014 | 2 136,12 € | 395,83 € | 164,70 € |
sept-14 | 273 | 1805 | 22/09/2014 | 2 136,12 € | 395,83 € | 164,70 € |
oct-14 | 297 | 1957 | 17/10/2014 | 2 136,12 € | 395,83 € | 164,70 € |
nov-14 | 328 | 2248 | 18/11/2014 | 3 431,95 € | 786,14 € | 192,60 € |
déc-14 | 360 | 2476 | 11/12/2014 | 2 206,97 € | 437,50 € | 167,80 € |
Total Mme Y | 33 927,68 € | 5 973,60 € | 2 396,40 € | |||
Total général | 54 920,77 € | 9 918,72 € | 3 894,40 € |
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