Audience publique du 30 mai 2017 Jugement n° 2017-005 Prononcé du 19 juin 2017 | Syndicat de communes de l’Ile Napoléon N° du compte : 068125992 Poste comptable : Centre des finances publiques de Mulhouse-Couronne Exercice : 2014 |
RÉPUBLIQUE FRANçAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANçAIS
La chambre régionale des comptes Grand Est,
Vu le réquisitoire n° 2017-2 du 12 janvier 2017 du procureur financier près la chambre régionale des comptes Grand Est notifié par lettres du 25 janvier 2017 à MM. X. et Y., comptables, et au président du syndicat de communes de l’Ile Napoléon (SCIN) ;
Vu le courrier du 10 février 2017, par lequel il a été demandé à MM. X. et Y. d’une part, à l’ordonnateur d’autre part, de faire part de leurs observations et de produire toutes pièces utiles ;
Vu les observations de M. X. du 13 février 2017 enregistrées au greffe de la chambre le 20 février 2017, celles de M. Y. du 21 février 2017 enregistrées le 7 mars 2017 et celles de l’ordonnateur, du 20 février 2017 enregistrées le 22 février 2017 ;
Vu le rapport n° 2017-035 du 6 avril 2017 de Mme Anne-Claude HANS, premier conseiller, chargée de l’instruction ;
Vu les conclusions n° 2017-0035 du 26 avril 2017 de M. Thierry FARENC, procureur financier ;
Vu les lettres du 7 avril 2017 informant les parties de la clôture de l’instruction ;
Vu les lettres du 18 mai 2017 les informant de l’inscription de l’affaire à l’audience publique ;
Ensemble les pièces à l’appui ;
Vu le code général des collectivités territoriales, notamment son article D.1617-19 ;
Vu l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l'article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Entendus à l’audience publique du 30 mai 2017, Mme Anne-Claude HANS, premier conseiller, en son rapport, puis M. Thierry FARENC, procureur financier, en ses conclusions ; MM. X., Y. et le président du SCIN, régulièrement convoqués, étant absents à l’audience ;
Après avoir entendu en délibéré M. Thomas GROS, premier conseiller, réviseur, en ses observations et en avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier ;
Sur la présomption de charge unique
- Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963, « (…) les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables (…) du paiement des dépenses […]. Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de (…) dépenses (…) dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. / La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors (…) qu’une dépense a été irrégulièrement payée […] » ; qu’aux termes de l’article 19 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, « Le comptable public est tenu d’exercer le contrôle : […] 2° S’agissant des ordres de payer : (…) d) De la validité de la dette dans les conditions prévues à l’article 20 » ; qu’aux termes de l’article 20 du même décret, « Le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : (…) 2° L'exactitude de la liquidation (…) 5° La production des pièces justificatives » ;
- Attendu qu’aux termes de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales : « Avant de procéder au paiement d’une dépense ne faisant pas l’objet d’un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des associations syndicales de propriétaires ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l’annexe I du présent code » ; qu’en application de la rubrique n° 21011 de son annexe I, dans sa rédaction applicable au moment des paiements en cause, le comptable doit notamment disposer, pour le premier paiement de la rémunération, d’un « acte d'engagement mentionnant : la référence à la délibération créant l'emploi ou à la délibération autorisant l'engagement pour les agents des services publics industriels et commerciaux, les contrats aidés ou les vacataires ; l'identité de l'agent, la date de sa nomination ; les modalités de recrutement et les conditions d'emploi (temps complet, non complet, partiel) ; le grade, l'échelon, l'indice de traitement ou le taux horaire ou les modalités de la rémunération de l’agent » ; qu’en application du 3° de la rubrique N° 21021 de cette même annexe, relative aux paiements ultérieurs, le comptable doit disposer d’une « décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination portant modification de la situation administrative de l’intéressé entraînant une modification de sa rémunération avec indication de la date d’effet, ou avenant au contrat reprenant les mêmes énonciations » ;
- Attendu que, dans son réquisitoire, le procureur financier a relevé que la rémunération de Mme Z., agent titulaire détachée sur le poste de directrice générale des services du syndicat de communes de l’Ile Napoléon, « a été liquidée et réglée en l’absence d’arrêté de détachement, le précédent arrêté couvrant la période courant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013 » ; que « cette situation a été régularisée par arrêté du 5 janvier 2015 avec un effet rétroactif au 1er janvier 2014 » ; que « le paiement de ces rémunérations serait intervenu en l’absence d’un arrêté de détachement couvrant l’exercice 2014 et donc en méconnaissance des dispositions des articles 19 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 » ; qu’il en déduit qu’en ouvrant leur caisse et en procédant au paiement de ces rémunérations en l’absence d’arrêté de détachement, MM. X. et Y. n’ont pas assuré le contrôle de l’exactitude de la liquidation de ces dépenses ni de la production des pièces justificatives ; que leur responsabilité pourrait se trouver engagée en application du I de l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963 susvisée ;
Sur les réponses des comptables
- Attendu que M. Y. fait valoir, d’une part, un oubli des services de l’ordonnateur d’établir un arrêté de renouvellement à compter du 1er janvier 2014 et d’autre part, l’impossibilité pour le comptable de relever ce type d’anomalie, le traitement de l’intéressée n’ayant pas évolué d’un mois sur l’autre et les outils informatiques ne permettant pas de détecter les dates d'échéance des décisions prises par les ordonnateurs ; que M. X. se prévaut des réponses apportées par M. Y. au réquisitoire ;
Sur la responsabilité des comptables
- Attendu qu’il est constant que MM. X. et Y. ont procédé, en 2014, au paiement des mandats suivants sans disposer d’un arrêté de détachement de l’attachée exerçant les fonctions de directrice générale des services :
| | |
N° de mandat | Date | Total Brut |
117 (net) et 119 à 128 (charges) | 22/01/2014 | 6 770,77 |
271 (net) et 273 à 282 (charges) | 17/02/2014 | 6 880,77 |
450 (net) et 452 à 462 (charges) | 19/03/2014 | 6 770,77 |
625 (net) et 627 à 636 (charges) | 15/04/2014 | 6 770,77 |
775 (net) et 777 à 786 (charges) | 19/05/2014 | 6 770,77 |
938 (net) et 940 à 949 (charges) | 19/06/2014 | 6 770,77 |
1127 (net) et 1129 à 1138 (charges) | 11/07/2014 | 6 770,77 |
1302 (net) et 1304 à 1313 (charges) | 18/08/2014 | 6 771,43 |
1454 (net) et 1460 à 1472 (charges) | 22/09/2014 | 6 771,10 |
Sous total M. X. | | 61 047,92 |
N° de mandat | Date | Total Brut |
1667 (net) et 1669 à 1680 (charges) | 17/10/2014 | 6 771,10 |
1890 (net) et 1892 à 1903 (charges) | 20/11/2014 | 11 511,56 |
1974 (net) et 1976 à 1987 (charges) | 03/12/2014 | 6 771,10 |
Sous total M. Y. | | 25 053,76 |
| | |
- Attendu que le paiement par les comptables de la rémunération de la directrice générale des services, sans disposer de la décision de l’ordonnateur portant renouvellement de son détachement conformément aux dispositions précitées de l’annexe I du code général des collectivités territoriales, constitue un manquement à leurs obligations de contrôle de la validité de la dette prévues aux articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
- Attendu qu’il résulte de ce qui précède que MM. X. et Y. ont commis un manquement de nature à engager leur responsabilité personnelle et pécuniaire ;
- Attendu qu’en l’espèce les manquements des comptables ne résultent pas de circonstances de force majeure et que, dès lors, la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables est engagée ;
Sur le préjudice financier
- Attendu qu’aux termes du VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963, « La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue au I est mise en jeu par le ministre dont relève le comptable, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes dans les conditions qui suivent. / Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n'a pas causé de préjudice financier à l'organisme public concerné, le juge des comptes peut l'obliger à s'acquitter d'une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en Conseil d'Etat en fonction du niveau des garanties mentionnées au II / Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné (…), le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
- Attendu que Mme Z. a été régulièrement détachée sur le poste de directrice générale des services du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013 ; que l’absence d’arrêté portant renouvellement de son détachement à compter du 1er janvier 2014 doit être regardé comme un simple oubli que l’arrêté du 5 janvier 2015 a eu pour objet de corriger ; qu’en outre, le règlement de la rémunération de l’intéressée, au cours de la période considérée, ne constituait pas une situation nouvelle mais résultait d’un arrêté antérieur parvenu à son terme ; qu’en conséquence, les versements irréguliers n’ont pas causé de préjudice financier au syndicat de communes de l’Ile Napoléon ;
Sur la sanction du manquement
- Attendu qu’en application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, le juge des comptes peut obliger les comptables à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce ; que le montant maximal de cette somme a été fixée par le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 au plafond réglementaire égal à 1,5 pour mille du cautionnement du comptable, soit respectivement pour MM. X. et Y., un montant de 265,50 € ;
- Attendu que les irrégularités relevées sont identiques et constituent donc, pour chaque comptable, un même manquement intervenu au cours d’un seul exercice ; qu’en l’absence de circonstances justifiant que la somme prévue deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 soit inférieure au plafond réglementaire précité, il y a donc lieu de mettre à la charge de :
- M. X., une somme non rémissible de 265,50 € pour l’exercice 2014 ;
- M. Y., une somme non rémissible de 265,50 € pour l’exercice 2014 ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : La responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X. est engagée au titre de l’exercice 2014, à raison du paiement du salaire de la directrice générale des services sans disposer de l’arrêté de détachement de l’intéressée.
Le manquement n’ayant pas causé de préjudice financier au syndicat de communes de l’île Napoléon, la somme de deux cent soixante-cinq euros et cinquante centimes (265,50 €) est mise à la charge de M. X., en application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi n°63-156 du 23 février 1963.
Article 2 : M. X. sera déchargé de sa gestion du 1er janvier 2014 au 30 septembre 2014 après acquittement de cette somme.
Article 3 : La responsabilité personnelle et pécuniaire de M. Y. est engagée au titre de l’exercice 2014, à raison du paiement du salaire de la directrice générale des services sans disposer de l’arrêté de détachement de l’intéressée.
Le manquement n’ayant pas causé de préjudice financier au syndicat de communes de l’île Napoléon, la somme de deux cent soixante-cinq euros et cinquante centimes (265,50 €) est mise à la charge de M. Y., en application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi n°63-156 du 23 février 1963.
Article 4 : M. Y. sera déchargé de sa gestion du 1er octobre 2014 au 31 décembre 2014 après acquittement de cette somme.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. X. et à M. Y., comptables, au président du syndicat de communes de l’Ile Napoléon, ainsi qu’au ministère public près la chambre.
Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Grand Est, le trente mai deux mille dix-sept, par M. Dominique ROGUEZ, président de séance, Mme Laurence MOUYSSET, M. Christophe BERTHELOT, Mme Agnès KARBOUCH, présidents de section, MM. Bernard GONZALES, Thomas GROS, Mmes Carine PILLET, Carol KNOLL, premiers conseillers, MM. Paul DELLAC, Laurent OLIVIER et Marc SIMON, Mme Carole KNOLL, Mme Carine PILLET, conseillers.
La greffière de séance, Signé : Corinne GERTSCH | Le président de séance, Signé : Dominique ROGUEZ |
La République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d'y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu'ils seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent jugement a été signé par le président de la chambre régionale des comptes Grand Est et par la secrétaire générale.
La secrétaire générale, Signé : Juliette FOURES | Le président de la chambre, Signé : Dominique ROGUEZ |
En application des articles R. 242-19 à R. 242-28 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de leur notification selon les modalités prévues aux articles R. 242-20 à R. 242-24 du même code.
Collationné, certifié conforme à la minute déposée au greffe
de la Chambre régionale des comptes Grand Est
A Metz, le 20 juin 2017
Carine COUNOT, greffière
Jugement des comptes du syndicat de communes de l’Ile Napoléon – Exercice 2014
Chambre régionale des comptes Grand Est