Sections réunies
Jugement n° 2017-0033
Audience publique du 5 octobre 2017
Prononcé du 10 novembre 2017 | Conseil départemental de l’Aveyron
Poste comptable : Paierie départementale de l’Aveyron
N° codique : 012090999
Exercices 2010 à 2013
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La République Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
VU les comptes, rendus en qualité de comptable du conseil départemental de l’Aveyron par Mme X du 28 août 2012 au 31 décembre 2013 ;
VU le réquisitoire, pris le 11 avril 2017 et notifié le 4 mai 2017, par lequel le procureur financier près la chambre régionale des comptes a saisi la juridiction de charges présomptives à l’encontre de ladite comptable au titre d’opérations relatives aux exercices 2012 et 2013 ;
VU les justifications produites au soutien du compte ;
VU l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
VU le code des juridictions financières ;
VU les lois et règlements applicables aux conseils départementaux ;
VU le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;
VU le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
VU le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l'article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
VU les observations en date du 24 mai 2017, enregistrées au greffe le 8 juin 2017, présentées par Mme X;
VU les observations en date du 1er juin 2017, enregistrées au greffe le 2 juin 2017, présentées par le président du conseil départemental de l’Aveyron ;
VU le rapport de Mme Hélène Motuel-Fabre, présidente de section, magistrate chargée de l’instruction ;
VU les conclusions de M. Denys Echene, procureur financier près la chambre ;
VU les pièces du dossier ;
ENTENDU, lors de l’audience publique du 5 octobre 2017, Mme Hélène Motuel-Fabre, présidente de section, en son rapport et M. Denys Echene, en ses conclusions ;
Après avoir délibéré hors la présence de la rapporteure et du procureur financier près la chambre, Mme Xet le président du conseil départemental de l’Aveyron n’étant ni présents ni représentés à l’audience publique ;
Sur la présomption de charge unique, soulevée à l’encontre de Mme X au titre des exercices 2012 et 2013 :
1 - Sur le réquisitoire
ATTENDU qu’en application de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général de la comptabilité publique » ;
ATTENDU qu’en application de l’article 12 du décret n°62-1587 du 29 décembre 1962 susvisé, les comptables sont notamment tenus d’exercer, en matière de dépenses, le contrôle de la validité de la créance ; qu’en application de l’article 13 dudit décret, ce contrôle doit être exercé au regard, en particulier, de la production des justifications requises à l’appui de la dépense ; qu’en application des articles 19 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 susvisé, applicables à compter du 1er janvier 2013, ces exigences de contrôle, reprises en des termes similaires, ont été maintenues ;
ATTENDU dès lors que la production desdites justifications participe de façon substantielle de la régularité de la dépense ;
ATTENDU que les dispositions de l’article D.1617-19 du code général des collectivités territoriales et de son annexe 1 fixent la liste des pièces justificatives qui doivent figurer à l’appui des dépenses ;
ATTENDU qu’il y a lieu, au-delà du premier paiement, d’appliquer aux dépenses relatives aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS) allouées au personnel d’une collectivité locale telle que le conseil départemental de l’Aveyron la nomenclature des pièces justificatives de la rubrique 2102, et plus particulièrement de la sous-rubrique 210224 de ladite annexe ;
ATTENDU que cette nomenclature prévoit que le comptable doit disposer, pour pouvoir prendre en charge à bon droit les mandats portant paiement d’IHTS, des pièces suivantes :
- la délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires ;
- le décompte indiquant, par agent et par taux d’indemnisation, le nombre d’heures effectuées ;
- le cas échéant, la décision justifiant le dépassement du contingent mensuel autorisé ;
ATTENDU que la délibération du 26 février 2003, par laquelle l’assemblée délibérante a fixé le régime indemnitaire applicable aux agents départementaux, applicable au cours des exercices 2012 et 2013, ne prévoit pas le paiement d’heures supplémentaires au personnel de catégorie A, qu’il soit fonctionnaire ou contractuel ;
ATTENDU que, pour ce qui concerne les contractuels, les contrats de travail ne font mention d’aucun régime spécifique qui leur aurait été accordé en matière d’heures suppléméntaires ;
ATTENDU que, sur ces fondements et par réquisitoire susvisé du 11 avril 2017, le procureur financier près la chambre régionale des comptes a requis la juridiction, au motif que la comptable en cause a pris en charge, au cours des exercices 2012 et 2013, plusieurs mandats collectifs indemnitaires portant notamment sur le paiement d’IHTS à des agents de catégorie A ;
2 - Sur l’existence d’un manquement de la comptable
ATTENDU qu’en application de l’article 12 du décret n°62-1587 du 29 décembre 1962 susvisé, les comptables sont notamment tenus d’exercer, en matière de dépenses, le contrôle de la validité de la créance ; qu’en application de l’article 13 dudit décret, ce contrôle doit être exercé au regard, en particulier, de la production des justifications requises à l’appui de la dépense ; qu’en application des articles 19 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 susvisé, applicables à compter du 1er janvier 2013, ces exigences de contrôle, reprises en des termes similaires, ont été maintenues ;
ATTENDU que les dispositions de l’article D.1617-19 du code général des collectivités territoriales et de son annexe 1 fixent la liste des pièces justificatives devant figurer à l’appui des dépenses ; qu’il y a lieu, au-delà du premier paiement, d’appliquer aux dépenses relatives aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS) allouées au personnel d’une collectivité locale telle que le conseil départemental de l’Aveyron la nomenclature des pièces justificatives de la rubrique 2102, et plus particulièrement sous-rubrique 210224 de ladite annexe ; que cette nomenclature prévoit que le comptable doit, pour pouvoir prendre en charge à bon droit les mandats portant paiement d’IHTS, disposer de la délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires ;
ATTENDU qu’il ressort des pièces du dossier que des IHTS ont été payées à des agents de catégorie A par la comptable, au travers de cinq mandats collectifs indemnitaires, au cours de l’exercice 2012, (septembre : n° 31690, octobre : n° 36240 et 36254, novembre : n° 40057, décembre : n°44101), pour un montant total de 2 275,86 € ;
ATTENDU qu’il ressort des pièces du dossier que des IHTS ont été payées à des agents de catégorie A par la comptable, au travers de dix-sept mandats collectifs indemnitaires, au cours de l’exercice 2013, (janvier : n°485 et 500, février : n° 4112, mars : n° 6778 et 6794, avril : n° 11794, mai : n° 15171 et 15186, juin : n° 19795, juillet : n° 24196, août : n° 27031, septembre : n° 30451, octobre : n° 33964 et 33978, novembre : n°37736, décembre : n° 41373 et 41388), pour un montant total de 10 082,65 € ;
ATTENDU que, s’agissant d’agents titulaires de catégorie A, la délibération du conseil départemental du 26 février 2003 portant régime indemnitaire applicable aux agents départementaux, applicable en 2012 et en 2013, ne leur ouvrait pas droit au paiement d’heures supplémentaires ; que, s’agissant d’agents contractuels de catégorie A, aucune mention à leurs contrats de travail ne stipulait un régime spécifique quant à l’octroi d’une telle indemnité ; que les paiements en cause ont été effectués sans pièces justificatives suffisantes ;
ATTENDU que, dans ses conclusions, le procureur financier près la chambre fait valoir que l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales fixe, en son annexe 1, la liste des pièces justificatives devant figurer à l’appui des dépenses ; qu’en particulier, ladite annexe prévoit que le comptable doit disposer, pour pouvoir prendre en charge à bon droit les mandats portant paiement d’IHTS, de la délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires, du décompte indiquant par agent et par taux d’indemnisation le nombre d’heures effectuées et, le cas échéant, la décision justifiant le dépassement du contingent mensuel autorisé ; que la comptable a pris en charge des mandats collectifs indemnitaires portant notamment paiement d’IHTS à des agents de catégorie A, titulaires et contractuels, sans pièces justificatives suffisantes ;
ATTENDU que la comptable pas plus que l’ordonnateur ne contestent l’existence d’un manquement ; que la comptable fait cependant état de ce que le paiement d’IHTS à des agents de catégorie A est une pratique ancienne qui n’avait pas fait l’objet d’observations lors des précédents contrôles exercés par la chambre régionale des comptes Midi Pyrénées ; qu’en outre, la comptable précise que, suite aux observations formulées par la chambre lors du dernier contrôle de gestion, cette pratique a cessé ;
ATTENDU qu’il est de jurisprudence constante que la responsabilité du comptable s’apprécie au moment du paiement ; que dans ces conditions, la double circonstance qu’il ait été mis fin, postérieurement, au règlement d’IHTS à des agents de catégorie A et que la pratique, irrégulière, n’avait pas été relevée lors de précédents contrôles juridictionnels est sans incidence sur le manquement que la comptable a pu commettre en prenant en charge, au titre des exercices 2012 et 2013, des mandats de paiement d’IHTS pour des agents de catégorie A ;
ATTENDU que l’existence de circonstances constitutives de la force majeure n’est pas établie ; que, par suite, il y a lieu de mettre en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable ;
ATTENDU qu’en application des dispositions respectives de l'article 37 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 susvisé et de l’article 38 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 susvisé, la comptable aurait dû suspendre le paiement des mandats en cause et en informer l’ordonnateur ; qu’en ne le faisant pas, Mme X a manqué à ses obligations de contrôle en matière de dépenses ; que sa responsabilité personnelle et pécuniaire est engagée à hauteur de 2 275,86 €, au titre de l’exercice 2012, et de 10 082,65 €, au titre de l’exercice 2013 ;
ATTENDU par conséquent que le comptable a ainsi commis un manquement susceptible d’engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
3 - Sur l’existence d’un préjudice financier du fait du manquement de la comptable
ATTENDU que la comptable fait valoir que la volonté manifeste de l’ordonnateur était bien de procéder à ces dépenses, liées à des surcroîts d’activité des personnels concernés, qu’il a produit un certificat en attestant ; qu’en effet cette contrainte était clairement inscrite sur les fiches de poste des agents contractuels de catégorie A et que pour l’ensemble des agents concernés les états liquidatifs de service fait ont été fournis ; qu’elle argue également que pour le conseil départemental la charge financière de ces travaux supplémentaires existait et que son imputation aurait dû se faire sur une ligne de dépense différente, à savoir sur le régime indemnitaire ; qu’il apparaît qu’il y a eu une volonté de l’ordonnateur de procéder à ces dépenses, liées à des surcroits d’activité des personnels concernés et pour lesquelles les états liquidatifs de service fait ont été produits ;
ATTENDU que, dans ses observations, le président du conseil départemental, ordonnateur, fait état des mêmes arguments ;
ATTENDU que, dans ses conclusions, le procureur financier près la chambre, fait valoir que conformément à une jurisprudence désormais bien établie, une dépense indue, car irrégulièrement payée, cause un préjudice financier à la collectivité ; qu’en l’espèce, le préjudice financier causé au conseil départemental de l’Aveyron s’élève à la somme de 2 275,86 € au titre de l’exercie 2012 et à la somme de 10 082,65 € au titre de l’exercice 2013 ; que ces sommes sont assorties des intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2017 ;
ATTENDU que la Cour des comptes rappelle que l’appréciation de l’existence d’un préjudice financier par l’ordonnateur ne saurait lier l’appréciation du juge (Cour des comptes - 21 mai 2015, département du Jura) ;
ATTENDU que ladite dépense, irrégulièrement prise en charge par le comptable, est indue ; que, dans ces conditions, l’existence d’un service fait est sans incidence sur la réalité du préjudice causé à la collectivité ;
ATTENDU, par conséquent, que le manquement de la comptable est à l’origine d’un préjudice financier causé au conseil départemental de l’Aveyron, au sens des dispositions du troisième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février susvisée; que ledit préjudice s’élève à la somme de 2 275,86 €, au titre de l’exercie 2012, et à la somme de 10 082,65 €, au titre de l’exercice 2013 ; que ces sommes sont assorties des intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2017 ;
4 - Sur la mise en œuvre de la responsabilité de la comptable
ATTENDU qu’aux termes du troisième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « lorsque le manquement du comptable a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné, le comptable a l’obligation de reverser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’il y a ainsi lieu de constituter Mme X débitrice du département de l’Aveyron pour la somme de deux mille deux cent soixante quinze euros et quatre vingt six centimes (2 275,86 €) au titre de l’exercice 2012 et de dix mille quatre vingt deux euros et soixante cinq centimes (10 082,65 €) au titre de l’exercice 2013 ;
ATTENDU que, aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée : « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécunaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce cette date est le 4 mai 2017, date de l’accusé de réception du réquisitoire par la comptable ;
ATTENDU, enfin, que la comptable n’a apporté aucun justificatif permettant d’apprécier l’application d’un contrôle hiérarchisé de la dépense ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1: Sur la présomption de charge unique, au titre des exercices 2012 et 2013 ;
Mme X est constituée débitrice du département de l’Aveyron pour les sommes de :
- deux mille deux cent soixante quinze euros et quatre vingt six centimes (2 275,86 €) au titre de l’exercice 2012,
- dix mille quatre vingt deux euros et soixante cinq centimes (10 082,65 €) au titre de l’exercice 2013,
augmentées des intérêts de droit à compter du 4 mai 2017.
Article 2 : La décharge de Mme X ne pourra être donnée qu’après apurement des débets fixés ci-dessus.
Délibéré le 5 octobre 2017 par M. Stephane LUCIEN-BRUN, vice-président, président de séance, Mme Isabelle PASTOR, premier-conseiller, réviseure; M. Mickael DUWOYE, premier conseiller.
En présence de Mme Clarisse GOUILLOUX, greffière de séance.
Clarisse GOUILLOUX greffière de séance |
Stephane LUCIEN-BRUN président de séance |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre les dispositions dudit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Jugement n° 2017-0033 page 1 sur 5
500, avenue des États du Languedoc CS 70755 34064 MONTPELLIER CEDEX 2 T +33 4 67 20 73 00 occitanie@crtc.ccomptes.fr
Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la chambre régionale des comptes Occitanie, et délivré par moi, secrétaire générale,
Brigitte VIOLETTE secrétaire générale |
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans un délai de deux mois à compter de leur notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code.
Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger.
La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.
Jugement n° 2017-0033 page 1 sur 5
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