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Jugement n° 2017-0006
Audience publique du 10 avril 2017
Prononcé du 2 mai 2017 | Centre hospitalier de Sartène
Poste comptable : Trésorerie hospitalière de Corse-du-Sud
Exercices : 2010 à 2014 |
République Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
Vu le réquisitoire n° 2016-0012 du 27 septembre 2016, par lequel le procureur financier a saisi la Chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X… et de Mme Y…, comptables du centre hospitalier de Sartène, au titre d’opérations relatives aux exercices 2010, 2011 et 2014 ;
Vu la notification du réquisitoire le 4 octobre 2016 à Mme X, le 9 octobre 2016 à Mme Y…, et le 1er octobre 2016 à M. Z…, directeur du centre hospitalier de Sartène ;
Vu les compte rendus en qualité de comptables du centre hospitalier de Sartène par Mme X… du 1er janvier 2010 au 31 janvier 2011 et par Mme Y du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique et le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 modifié relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le rapport de M. François Gajan, président de section, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions du procureur financier ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du 10 avril 2017 M. François Gajan, président de section, en son rapport, M. Jacques Barrière, en ses conclusions, les comptables et l’ordonnateur, n’étant ni présents, ni représentés ;
Entendu en délibéré M. Jacques Delmas, réviseur, en ses observations ;
Sur la présomption de charge n° 1 soulevée à l’encontre de Mme X… au titre des exercices 2010 et 2011 ;
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes de Corse de la responsabilité encourue par Mme X… à raison de manquements aux obligations qui lui incombaient en matière de recouvrement de recettes ;
Attendu que le compte 4144 (Redevables-Amiable-Département) du budget général présente, au 31 décembre 2014, un solde débiteur de 519 252,02 € ; que, parmi les créances ainsi comptabilisées en restes à recouvrer figurent 25 titres émis à l’encontre du conseil général de la Corse-du-Sud (Département des interventions sociales et sanitaires) en 2006, pour un montant total de 44 826,32 €, pour lesquels les seules diligences mentionnées sont une lettre de rappel du 16 avril 2007 et une mise en demeure notifiée le 19 novembre 2007 ;
Attendu qu’en application du 2ème alinéa du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 : « Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique ; qu’aux termes de l’article 11 du décret du 29 décembre 1962 alors en vigueur : « Les comptables sont seuls chargés : De la prise en charge des ordres de recettes qui leur sont remis par les ordonnateurs, (…) » ; que le comptable est notamment tenu d’exercer, s’agissant des ordres de recettes, dans la limite des éléments dont il dispose, le contrôle de la mise en recouvrement des créances et de la régularité des réductions et des annulations des ordres de recouvrer ; qu’aux termes du 3°) de l’article L. 1617-5 du code des collectivités territoriales, « L’action des comptables publics chargés de recouvrer les créances des régions, des départements, des communes et des établissements publics locaux se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge des titres de recettes. / Le délai de quatre ans mentionné à l’alinéa précédent est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des débiteurs et par tous actes interruptifs de prescription » ;
Attendu que, dans sa réponse du 28 octobre 2016, Mme X… indique qu’à sa prise de fonctions, au 1er juillet 2009, la situation du poste était très dégradée ; qu’elle avait pour objectif prioritaire de basculer la comptabilité en mai 2010 à Hélios, et de nettoyer au préalable les écritures comptables qui présentaient de graves anomalies ; qu’elle n’avait trouvé aucune trace d’archivage dans la cave commune du centre des impôts et de la trésorerie sur des dossiers papiers, qui aurait pu lui indiquer qu’au moins des renouvellements de commandement avaient été faits ; qu’enfin, elle avait émis des réserves sur deux titres de l’hôpital de Sartène ;
Attendu que l’ordonnateur n’a pas répondu au réquisitoire ;
Attendu que, dans ses conclusions, le procureur financier rappelle que les réserves doivent être expresses, précises et motivées ; qu’elle ne constituent pas, en tant que telles, un moyen pour le comptable public de s’exonérer systématiquement de sa responsabilité ; que les réserves portent sur deux titres qui ne sont pas précisément identifiées, sauf par leur date d’émission et que le débiteur serait la caisse primaire d’assurance maladie ; que faute de diligences rapides, complètes, régulières et opérantes, le délai de prescription de l’action en recouvrement des titres mentionnés dans le réquisitoire a été atteint au cours des exercices 2010 et 2011 au cours desquels Mme X… avait en charge la gestion du poste comptable ; qu’enfin, le non‑recouvrement de créances d’un organisme public du fait du défaut de diligences du comptable, dès lors que ces créances n’étaient pas déjà irrécouvrables au moment de leur prise en charge, constitue un préjudice financier direct, certain et de même montant pour l’établissement concerné ;
Attendu, en premier lieu, que les réserves émises par Mme X… portent sur deux titres, le premier émis le 28 décembre 1999 au nom du receveur du Trésor public pour la caisse primaire d’assurance maladie, pour un montant de 41 985,68 €, et le second, émis le 25 février 2000, pour un montant de 1 779 018,32 €, au nom de la caisse primaire d’assurance maladie ; que ces titres ne sont pas mentionnés dans le réquisitoire ; qu’au surplus, la motivation des réserves est inexistante et inopérante car leur matérialité, leur régularité et leur bien fondé ne permettent pas de dégager la responsabilité de Mme X… ;
Attendu, en second lieu, que l’état des diligences accomplies par les comptables ne résulte que de copies d’écran Hélios ; que Mme X… n’a produit aucune pièce attestant que les diligences de recouvrement aient été effectuées, à savoir que la mise en demeure ait été reçue par le débiteur ; que, de la sorte, il n’est pas établi que la prescription des titres ait été interrompue ; qu’en conséquence, en vertu des dispositions précitées de l’article L. 1612-5 du code général des collectivités territoriales, la prescription de ces titres est intervenue entre le 4 juillet 2010 et le 5 janvier 2011 comme détaillé dans les tableaux ci-après :
Au titre de l’exercice 2010
Numéro de pièce
| Date de prise en charge | Montant (en €) | Date de prescription |
500067 | 4 juillet 2006 | 1 814,12 | 4 juillet 2010
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500153 | 4 juillet 2006 | 1 638,56 | 4 juillet 2010
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500451 | 20 juillet 2006 | 1 814,12 | 20 juillet 2010
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500414 | 20 juillet 2006 | 1 814,12 | 20 juillet 2010
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500420 | 20 juillet 2006 | 1 814,12 | 20 juillet 2010
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500438 | 20 juillet 2006 | 1 814,12 | 20 juillet 2010
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500504 | 20 juillet 2006 | 1 755,60 | 20 juillet 2010
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500517 | 20 juillet 2006 | 1 755,60 | 20 juillet 2010
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500596 | 13 novembre 2006 | 1 814,12 | 13 novembre 2010
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500622 | 13 novembre 2006 | 1 814,12 | 13 novembre 2010
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500658 | 13 novembre 2006 | 1 814,12 | 13 novembre 2010
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500692 | 13 novembre 2006 | 1 755,60 | 13 novembre 2010
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| Total | 21 418,32 |
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Au titre de l’exercice 2011
Numéro de pièce
| Date de prise en charge | Montant (en €) | Date de prescription |
500778 | 5 janvier 2007 | 1 755,60 | 5 janvier 2011
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500802 | 5 janvier 2007 | 1 814,12 | 5 janvier 2011
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500816 | 5 janvier 2007 | 1 814,12 | 5 janvier 2011
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500830 | 5 janvier 2007 | 1 814,12 | 5 janvier 2011
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500839 | 5 janvier 2007 | 1 814,12 | 5 janvier 2011
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500846 | 5 janvier 2007 | 1 814,12 | 5 janvier 2011
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500864 | 5 janvier 2007 | 1 814,12 | 5 janvier 2011
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500886 | 5 janvier 2007 | 1 755,60 | 5 janvier 2011
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500917 | 5 janvier 2007 | 1 755,60 | 5 janvier 2011
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500971 | 5 janvier 2007 | 1 814,12 | 5 janvier 2011
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500985 | 5 janvier 2007 | 1 814,12 | 5 janvier 2011
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501002 | 5 janvier 2007 | 1 814,12 | 5 janvier 2011
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501015 | 5 janvier 2007 | 1 814,12 | 5 janvier 2011
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| Total | 23 408,00 |
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Attendu que Mme X…, en s’abstenant d’effectuer les diligences adéquates complètes et rapides, a compromis le recouvrement des 25 titres mentionnés dans le réquisitoire et a ainsi manqué à ses obligations ; qu’en conséquence, il y a lieu de mettre en jeu sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
Attendu que, lorsque l’instance est ouverte devant le juge des comptes, le constat de l’existence ou non du préjudice financier relève de l’appréciation de ce juge ; qu’en l’absence d’acte interruptif de la prescription, le recouvrement des 25 titres visés par le réquisitoire a été irrémédiablement compromis ; que le manquant en caisse est directement lié au manquement de la comptable à ses obligations en matière de recouvrement des titres émis par le centre hospitalier de Sartène ; que le lien de causalité est ainsi établi ;
Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 ; « lorsque le manquement du comptable (…) a causé du préjudice financier à l’organisme public concerné (…) le comptable à l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’il y a lieu de constituer Mme X… débitrice du centre hospitalier de Sartène pour la somme totale de 44 826,32 € se décomposant en 21 418,32 € au titre de l’exercice 2010 et 23 408 € au titre de l’exercice 2011 ;
Sur la présomption de charge n° 2 soulevée à l’encontre de Mme Y… au titre de l’exercice 2014
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes de Corse de la responsabilité encourue par Mme Y… à raison du versement à des agents contractuels du centre hospitalier de Sartène de la prime spécifique du personnel non médical sans disposer des pièces justificatives exigées par la réglementation ;
Attendu que, dans sa réponse du 16 novembre 2016, la comptable précise que les primes n’ont pas donné lieu à notification à chaque agent mais ont reposé sur un texte communiqué par les services paie de l’hôpital ; que, toutefois, après un examen approfondi des textes, elles ont cessé d’être versées ;
Attendu que l’ordonnateur n’a pas répondu au réquisitoire ;
Attendu que, dans ses conclusions, le procureur financier fait valoir que, ne disposant pas des pièces justificatives obligatoires au moment des paiements, la comptable en poste aurait dû suspendre l’exécution dans l’attente de la production desdites justifications ; qu’en conséquence, la comptable en cause a commis un manquement et engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
Attendu qu’aux termes du 2ème alinéa du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 : « Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière (…) de dépenses (…) dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ;
Attendu qu’il résulte des articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, que le comptable est seul chargé, s’agissant des ordres de payer, d’exercer le contrôle de la validité de la créance, notamment au travers de la production des pièces justificatives qui lui ont été transmises et figurant à l’appui du mandat ;
Attendu qu’en application de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales les comptables doivent, en matière de primes et indemnités, disposer à l’appui des paiements des pièces énumérées à la rubrique 220223 de l’annexe I dudit code, à savoir, pour les autres primes et indemnités, la décision individuelle d’attribution prise par le directeur et, pour les agents contractuels, la mention au contrat ;
Attendu que Mme Y… a procédé au paiement, au cours de l’exercice 2014, de la prime spécifique à 14 agents contractuels du personnel non médical pour un montant total de 4 941 € sans disposer de la décision individuelle d’attribution et de la mention au contrat ; qu’en conséquence, il y a lieu de mettre en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme Y… ;
Attendu que, lorsque l’instance est ouverte devant le juge des comptes, le constat de l’existence ou non du préjudice financier relève de l’appréciation de ce juge ; qu’en vertu d’une jurisprudence d’appel des juridictions financières l’absence d’ouverture par l’autorité habilitée du droit à versement d’une indemnité confère un caractère indu aux paiements afférents ; que, dès lors, les manquements de la comptable ont causé un préjudice pour le centre hospitalier de Sartène ;
Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 ; « lorsque le manquement du comptable (…) a causé du préjudice financier à l’organisme public concerné (…) le comptable à l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’il y a lieu de constituer Mme Y débitrice du centre hospitalier de Sartène pour la somme de 4 941 € au titre de l’exercice 2014 ;
Sur les intérêts et le contrôle sélectif de la dépense
Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 : « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; que les débets susmentionnés portent intérêt au taux légal à compter de la date de notification aux comptables du réquisitoire du procureur financier susvisé, soit le 4 octobre 2016 pour Mme X… et le 3 octobre 2016 pour Mme Y… ;
Attendu qu’aux termes du IX du même article : « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l’appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l’obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI. » ; qu’aux termes du décret du 10 décembre 2012 susvisé : « La somme maximale pouvant être mise à la charge du comptable, conformément aux dispositions du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, est fixée à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré » ;
Attendu que Mme Y… a indiqué, dans sa réponse au réquisitoire, que la rationalisation des moyens s’est accompagnée d’une simplification des procédures accompagnée d’une réforme du contrôle hiérarchisé de la dépense ; que le visa de la paye a fait l’objet d’un planning et, de ce fait, un contrôle approfondi de la paye doit avoir lieu en mars et en octobre de chaque année ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : Mme X… est constituée débitrice du centre hospitalier de Sartène pour un montant de 44 826,32 € se décomposant en 21 418,32 € concernant l’exercice 2010 et 23 408 € concernant l’exercice 2011, au titre de la charge n° 1, augmenté des intérêts de droit à compter du 4 octobre 2016.
Article 2 : Mme Y… est constituée débitrice du centre hospitalier de Sartène pour un montant de 4 941 € concernant l’exercice 2014, au titre de la charge n° 2, augmenté des intérêts de droit à compter du 3 octobre 2016.
Article 3 : La décharge de Mme X… pour sa gestion du 1er janvier 2010 au 31 janvier 2011 ne pourra lui être donnée qu’après apurement du débet fixé ci-dessus.
Article 4 : La décharge de Mme Y… pour sa gestion du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 ne pourra lui être donnée qu’après apurement du débet fixé ci-dessus.
Fait et jugé par M. Jacques Delmas, président de séance ; Mme Christine Castany, premier conseiller et Mme Carole Saj, conseiller.
En présence de Mme. Maddy Azzopardi, greffière de séance.
Maddy Azzopardi
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Jacques Delmas
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En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
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En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.
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