Formation plénière

 

Jugement n° J2017-0017

 

Audience publique du 14 septembre 2017

Jugement prononcé le 26 octobre 2017

REGIES DE CHALET-BUVETTE ET DE PAINS

DE LA COMMUNE DE MONTAPAS

 

(Département de la Nièvre)

 

 

CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES

DE SAINT-SAULGE

 

Exercices 2005 à 2013

 

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

LA CHAMBRE RÉGIONALE DES COMPTES BOURGOGNE-FRANCHE-COMTE,

 

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité publique, alors en vigueur ;

Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifiée dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 20111978 du 28 décembre 2011 de finances rectificatives pour 2011 ;

Vu les lois et règlements relatifs à la comptabilité des collectivités territoriales ;

Vu le jugement de la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté n° 2013-0022 du 19 décembre 2013, par lequel Mme X..., maire de Montapas et Mme Y..., régisseur titulaire, ont été déclarées comptables de fait de la régie du chalet-buvette et de la régie de pain de la commune de Montapas (Nièvre), et qui leur a enjoint de produire pour chacune des deux régies un compte unique retraçant les opérations de ces régies ;

Vu l’arrêt de la Cour des comptes n° 72707 du 15 octobre 2015 rejetant la requête de Mme Y... demandant à la Cour d’infirmer le jugement de la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté en ce qu’il la déclare comptable de fait des deniers de la commune de Montapas ;

1/12


 

 

 

Vu le courrier en date du 5 avril 2014 enregistré au greffe de la chambre le 7 avril 2014 par lequel Mme X... a communiqué les comptes de la gestion de la régie du chalet-buvette pour les exercices 2008 à 2011 et de la régie de pain pour les exercices 2010 à 2014 ;

Vu le courrier en date du 18 avril 2016 par lequel Mme Y... a été invitée à produire un compte pour les périodes la concernant ou à s’approprier le compte produit par Mme X... et sa réponse en date du 4 février 2017 faisant valoir son impossibilité matérielle à le faire ;

Vu le rapport n° 17-098 de Mme Dominique Saint Cyr, présidente de section, magistrat instructeur, en date du 28 juin 2017 ;

 

Vu les conclusions de M. Thierry Farenc, procureur financier, en date du 5 septembre 2017 ;

 

Vu les versements de pièces et d’observations effectués par l’avocat de Mme Y... le 12 septembre 2017 et par l’avocat de Mme X... le 13 septembre 2017, notifiés aux parties par voie électronique ;

 

Entendu en l’audience publique du 14 septembre 2017 :

-            Mme Dominique Saint Cyr, présidente de section, en son rapport,

-            M. Thierry Farenc, procureur financier en ses conclusions,

-            M. Z..., maire en fonctions de la commune de Montapas,

-            Maître A..., représentant Mme X..., en ses observations orales,

-            Maître B…, représentant Mme Y..., en ses observations orales ;

 

Après avoir entendu en délibéré M. Nicolas Bonneau, premier conseiller, réviseur, en ses observations ;

 

 

ORDONNE CE QUI SUIT

 

 

  1.       Sur les comptes déposés

Attendu que, par jugement n° 2013-0022 du 19 décembre 2013, la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté a déclaré Mme X..., maire de la commune de Montapas (Nièvre) jusqu’au 6 avril 2014 et Mme Y..., régisseur titulaire à la date des opérations, comptables de fait de la régie du chalet-buvette et de la régie de pain de la commune de Montapas à raison des sommes indûment détenues ou maniées :

-            concernant la régie du chalet-buvette : à compter du 15 juin 2005 jusqu’au 31 décembre 2011 pour chacune des deux comptables de fait ;

-            concernant la régie de pain : pour Mme X..., à compter du 14 avril 2010 jusqu’au 19 décembre 2013, jour du jugement, au plus tard ; pour Mme Y..., à compter du 26 juin 2010 jusqu’au 26 septembre 2013 ;

Attendu qu’en application de l’article L. 231-3 du code des juridictions financières, « la chambre régionale des comptes juge les comptes que lui rendent les personnes qu'elle a déclarées comptables de fait. Elle n'a pas juridiction sur les ordonnateurs, sauf ceux qu’elle a déclarés comptables de fait. / Les personnes que la chambre régionale des comptes a déclarées comptables de fait sont tenues de lui produire leurs comptes dans le délai qu’elle leur impartit » ;

Attendu que, par le jugement précité du 19 décembre 2013, la chambre a demandé aux comptables de fait de produire, dans le délai de trois mois, un compte unique dûment signé par elles des opérations relatives à la gestion de fait présentant, en recettes, l’ensemble des factures encaissées par elles et, en dépenses, l’emploi qu’elles en ont fait, les dépenses devant être appuyées de toutes les précisions et justifications utiles ;


 

Attendu que par lettre du 5 avril 2014, reçue au greffe le 7 avril suivant, Mme X... a fait parvenir des comptes de la gestion de la régie du chalet-buvette de 2008 à 2011 et de la régie de pain de 2010 à 2014 ;

Attendu que par lettre du 18 avril 2016, Mme X... a été invitée à signer ces comptes et à les certifier sincères et véritables ;

Attendu que par lettre du 18 avril 2016, Mme Y... a été de nouveau invitée à produire des comptes dûment signés, datés et certifiés sincères et véritables, ou le cas échéant à s’associer aux comptes déposés par Mme X..., qui lui ont été communiqués à sa demande le 26 avril 2016 ;

Attendu que par courrier en date du 4 février 2017, Mme Y... a fait connaître son incapacité matérielle d’établir un compte ;

Attendu que l’examen des comptes et pièces produits par Mme X... a nécessité l’établissement de nouveaux comptes pour les deux régies afin de suppléer, dans le respect des considérations d’équité énoncées par l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, à l'insuffisance des justifications produites ; que ces comptes, assortis d’une note de méthodologie, ont été envoyés à Mme X... et à Mme Y... le 3 mai 2017 afin que celles-ci puissent, avant le 6 juin 2017, soit se les approprier, soit les contester ; que Mme X..., à la suite de cet envoi, a fait valoir dans un courrier du 5 juin 2017 l’impossibilité dans laquelle elle se trouvait de réaliser une contestation étayée et chiffrée de cette proposition de compte, mettant en exergue un vol de documents dont elle aurait été victime et des difficultés d’accès aux pièces conservées en mairie ; qu’elle a consulté les pièces du dossier au greffe de la juridiction le 9 juin 2017 ; que Mme Y... n’a pas répondu au courrier du 3 mai 2017 ;

 

1.1 Sur le compte de la régie du chalet-buvette

 

1.1.1.    Sur le compte de la régie du chalet-buvette déposés par Mme X...

 

Attendu que le compte de la gestion de la régie du chalet-buvette de 2008 à 2011 reçu à la chambre, comme mentionné ci-avant, le 7 avril 2014 n’était pas signé ni certifié sincère et véritable ; que Mme X... n’a donné aucune suite à l’invitation du 18 avril 2016 de signer ledit compte ; que, toutefois, la lettre du 5 avril 2014 étant signée et appuyée d’explications et de pièces établissant la volonté de l’intéressée de rendre ainsi compte des opérations en cause, la signature de ladite lettre peut tenir lieu de signature du compte ; que, par suite, le compte déposé peut être considérés comme en état d’être jugé ;

 

Attendu que Mme Y..., invitée par courriers des 18 avril 2016 et 26 janvier 2017 à signer le compte déposés par Mme X... ou à fournir les siens propres, s’est contentée de préciser qu’elle ne pouvait produire d’autres comptes ; que Mme Y..., n’ayant pas fait usage de la possibilité de consulter et de contester les pièces produites par Mme X..., elle est réputée s’être approprié le compte déposé par Mme X..., pour les opérations qui la concernent ;

 

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que les comptables de fait peuvent être regardés comme ayant formellement satisfait à l’obligation qui leur incombait de produire un compte de la gestion de la régie du chalet-buvette ;

 

Attendu toutefois, que le compte ainsi produit concerne les seules années 2008 à 2011 ; qu’en outre, il nest pas appuyé de pièces justificatives ; qu’il résulte de l’instruction que ce compte met en relation les recettes de la régie avec les achats de denrées générant ces recettes ; que, sans explication,  des factures  d’achats   de denrées  à

 

 

 

 

 

 

l’appui du compte ne sont pas intégralement retenues dans le compte déposé, certaines factures étant totalement omises ; que Mme X... mentionne également au sein des comptes des dépenses intervenues à l’occasion d’événements qui ne concernent pas la régie du chalet-buvette ; que le total des dépenses prises en compte pour établir le compte n’est jamais mentionné ; que les factures retenues sont le plus souvent hors taxes, ce qui a pour effet d’en minorer les montants ;

 

Attendu que dans ses commentaires écrits accompagnant le compte, Mme X... précise que si elle a tenu la buvette, elle ne s’est jamais occupée des commandes, de la réception et de la vérification des livraisons, et mentionne des pertes de marchandises, ainsi que des erreurs de saisie de caisse sans les chiffrer de façon probante ; quelle invoque aussi, sans pièce à l’appui, le vol d’une sacoche contenant des documents susceptibles de venir à l’appui de son compte ;

 

Attendu que deux comptabilités de caisse rudimentaires figurent dans le dossier, lesquelles ne concordent pas avec le compte déposé : que la première, retracée dans un cahier de caisse produit par le régisseur adjoint et relatif à la période du 19 juillet 2010 jusqu’au 31 août 2011, fait apparaître des recettes supérieures à celles déposées à la trésorerie ; que la seconde, retracée dans un carnet produit par Mme X..., concerne également les exercices 2010 et 2011 mais s’avère manifestement incomplète, ne mentionnant pas certaines journées d’activité attestées par ailleurs ;

 

Attendu qu’au terme de l’examen du compte déposé par Mme X..., celui-ci ne peut être admis en l’état ;

 

1.1.2.    Sur le montant des recettes et dépenses de la régie du chalet-buvette

 

1.1.2.1.    Sur les dépenses

 

Attendu que la commune de Montapas a acquitté l’ensemble des factures concernant la régie du chaletbuvette ; que ces dépenses enregistrées dans la comptabilité communale, comme l’atteste le numéro de mandat qui y est systématiquement associé, ont été payées par le budget communal ; que dès lors, aucune desdites factures n’est susceptible d’être admise en tant que dépense du compte de la gestion de fait ;

 

Attendu qu’aucune dépense, hors comptabilité communale, n’a été mise en évidence au cours de l’instruction ; que dès lors, il n’y a lieu d’allouer aucune dépense au compte de la gestion de la régie du chalet-buvette ;

 

1.1.2.2.    Sur les recettes

 

Attendu que le montant des recettes correspondant à l’encaisse de la régie-buvette déposées à la trésorerie s’élève à 5 195,80 € en 2008, 5 712,40 € en 2009, 5 340,60 € en 2010 et 3 055,60 € en 2011 soit un total de 19 304,40  ;

 

Attendu que compte tenu des pièces en sa possession, de l’absence de toute comptabilité de référence concernant la période de la gestion de fait et des fluctuations de chiffre d’affaires inhérentes à ce type de commerce, la chambre régionale des comptes ne dispose pas des éléments lui permettant de réaliser une évaluation fiable, même forfaitaire, du chiffre d’affaires de la régie du chalet-buvette de Montapas ;

 

Attendu que dès lors, les recettes de la gestion de fait peuvent être admises pour 19 304,40 €, montant des sommes indûment détenues et maniées par les comptables de fait qui seules présentent un caractère certain ;


 

 

 

1.1.3.    Sur la fixation de la ligne de compte

 

Attendu que la ligne de compte de la gestion de fait est arrêtée à 19 304,40 € en recettes admises, en l’absence de dépenses allouées ;

 

Attendu que ces recettes ont été versées dans la caisse du comptable public ; que dès lors, il n’y a pas lieu au prononcé d’un débet ;

 

 

1.2      Sur le compte de la régie de pain

 

1.2.1      Sur le compte de la régie de pain déposés par Mme X...

 

Attendu que le compte de gestion de la régie de pain de 2010 à 2014 reçu à la chambre, comme mentionné ci-avant, le 7 avril 2014 n’était pas signé ni certifié sincère et véritable ; que Mme X... n’a donné aucune suite à l’invitation du 18 avril 2016 de signer ledit compte ; que, toutefois, la lettre du 5 avril 2014 étant signée et appuyée d’explications et de pièces établissant la volonté de l’intéressée de rendre ainsi compte des opérations en cause, la signature de ladite lettre peut tenir lieu de signature du compte ; que, par suite, le compte déposé peut être considérés comme en état d’être jugé ;

 

Attendu que Mme Y..., invitée par courriers des 18 avril 2016 et 26 janvier 2017 à signer le compte déposés par Mme X... ou à fournir les siens propres, s’est contentée de préciser qu’elle ne pouvait produire d’autres comptes ; que Mme Y..., n’ayant pas fait usage de la possibilité de consulter et de contester les pièces produites par Mme X..., elle est réputée s’être approprié le compte déposé par Mme X..., pour les opérations qui la concernent ;

 

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que les comptables de fait peuvent être regardés comme ayant formellement satisfait à l’obligation qui leur incombait de produire un compte de la gestion de la régie de pain ;

 

Attendu toutefois, que le compte ainsi produit concerne les exercices 2010 à 2014 ; qu’il résulte de l’instruction que ce compte met en regard directement les recettes encaissées auprès des clients, dont le montant serait de 42 154 € et les dépôts effectués par Mme X... elle-même et les régisseurs à la trésorerie, également de 42 154 € ;

 

Attendu que deux discordances relatives aux sommes déposées à la trésorerie, se font jour entre les montants mentionnés dans le compte produit par Mme X... et ceux apparaissant dans la comptabilité de la commune :

-       la première concerne l’année 2011, pour laquelle le compte de Mme X... mentionne un montant de 10 016,80 déposés, alors que 11 000 € ont été versés dans la comptabilité communale ;

-       la seconde concerne l’année 2014 pour laquelle Mme X... allègue un versement de 12 651,80 , au titre des recettes incluses dans le périmètre de la gestion de fait, laquelle ne couvre cependant que les années 2010 à 2013, la comptabilité de la commune ne présentant aucune trace d’un tel versement ;


 

 

Attendu qu’au terme de l’examen du compte déposé par Mme X..., celui-ci ne peut être admis en l’état ;

 

1.2.2  Sur le montant des recettes et dépenses de la régie de pain

 

1.2.2.1. Sur les dépenses

 

Attendu que la commune de Montapas a acquitté l’ensemble des factures des boulangers fournisseurs de la régie de pain ; que ces dépenses enregistrées dans la comptabilité communale, comme l’atteste le numéro de mandat qui y est systématiquement associé, ont été réglées par le budget communal ; que dès lors, aucune desdites factures n’est susceptible d’être admise en tant que dépense du compte de la gestion de fait ;

 

Attendu qu’aucune dépense hors comptabilité communale n’a été mise en évidence au cours de l’instruction ; que dès lors, il n’y a lieu d’allouer aucune dépense au compte de la gestion de la régie de pain ;

 

1.2.2.2. Sur les recettes

 

Attendu que les commandes des différentes spécialités boulangères étaient recueillies auprès des consommateurs par les personnes chargées de la distribution et communiquées par le régisseur adjoint à la boulangerie qui livrait l’ensemble des denrées les mercredis et samedis matin ; que les clients réglaient leurs commandes en espèces et au comptant aux personnes chargées de la distribution en fonction d'un tarif très légèrement supérieur au prix de vente du boulanger ; que la recette était ensuite centralisée par Mme X... ;

 

Attendu que les recettes encaissées sont justifiées par les factures émises par les boulangers fournisseurs et que la totalité des produits commandés doit être prise en compte puisqu’il n’existe ni stock, s’agissant de produits périssables, ni invendus, s’agissant de produits commandés, et donc aucune perte ;

 

Attendu, en conséquence, que l’ensemble des factures des boulangers correspondant aux livraisons des exercices 2010 à 2013 peut être retenu ; que le montant des recettes certaines de la régie de pain qui en résulte peut-être établi à : 9 088,55 en 2010, 11 954,40 € en 2011, 11 435,65  en 2012 et 9 676,00 € en 2013, soit une somme totale de 42 154,60  ;

 

Attendu que les dépôts à la trésorerie se sont élevés à 5 673,85  en 2010, 11 000,00 € en 2011, 8 812,15  en 2012 et 5 000,00 € en 2013, soit une somme totale de 30 486,00  ;

 

Attendu que la recette de 350,60 € déposée le 6 janvier 2014, mentionnée dans le compte reçu par la chambre, correspond aux ventes effectuées entre le 21 et le 31 décembre 2013, soit une période postérieure à la date de lecture du jugement ; que ce dépôt ne saurait, par suite, être retenu dans le périmètre de la gestion de fait de la régie de pain ;

 

Attendu que dès lors, les recettes de la gestion de fait de la régie de pain peuvent être admises pour le montant de 42 154,60  correspondant aux sommes indûment détenues et maniées par les comptables de fait ;

 

Attendu que le compte de la régie de pain tel qu’il résulte de l’instruction a été communiqué aux gestionnaires de fait le 3 mai 2017 et qu’aucun élément nouveau n’a été produit ;


 

 

1.2.3 Sur la fixation de la ligne de compte

 

Attendu que la ligne de compte de la gestion de fait est arrêtée à 42 154,60 € en recettes admises, en l’absence de dépenses allouées ;

 

Attendu que les montants déposés à la trésorerie se limitent à 30 486  ; que le solde, soit 11 668,60 , doit être regardé comme un manquant dans la caisse de la collectivité ; que ce manquant étant cause d’un préjudice imputable aux comptables de fait, il y a lieu de constituer ces derniers débiteurs de la commune de Montapas ;

 

 

  1.       Sur les débets au titre de la régie de pain

 

 

2.1    Sur la solidarité entre les comptables de fait

 

Attendu qu’il appartient au juge des comptes de déterminer autant de lignes de comptes ou souscomptes qu’il y a de périmètres de solidarité entre les personnes déclarées comptables de fait ;

 

2.1.1.    Sur la première sphère de responsabilité

 

Attendu que pour la période du 14 avril au 26 juin 2010, correspondant au fonctionnement de la régie de pain avant la nomination de Mme Y... en qualité de régisseur, et pour la période du 27 septembre au 19 décembre 2013, correspondant au fonctionnement de cette régie après la démission de Mme Y..., seule la responsabilité de Mme X... est engagée ;

 

Attendu que pour la période du 14 avril au 26 juin 2010, les factures des boulangers fournisseurs attestent de recettes à hauteur de 2 732,90  ; que les titres émis par la trésorerie attestent qu’aucune somme n’a été déposée au cours de cette période ;

 

Attendu que pour la période du 27 septembre au 19 décembre 2013, les factures des boulangers fournisseurs attestent de recettes à hauteur de 1 945,96  ; que les titres émis par la trésorerie attestent qu’aucune somme n’a été déposée au cours de cette période ;

 

Attendu que par suite, il convient de constituer Mme X... débitrice envers la commune de Montapas de la somme de 2 732,90 € pour la période du 14 avril au 26 juin 2010 et de 1 945,96 € pour la période du 27 septembre au 19 décembre 2013, soit une somme totale de 4 678,86  ;

 

2.1.2.    Sur la seconde sphère de responsabilité

 

Attendu que pour la période du 27 juin 2010 au 26 septembre 2013, associant au fonctionnement de la régie de pain Mme Y... en qualité de régisseur, la responsabilité conjointe et solidaire de Mmes X... et Y... est engagée ;

 

Attendu que pour la période du 27 juin 2010 au 26 septembre 2013, les factures des boulangers fournisseurs attestent de recettes à hauteur de 37 475,74  ; que les titres émis par la trésorerie attestent de dépôts à hauteur de 30 486,00 € au cours de cette période ;

 

Attendu que par suite, il convient de constituer Mme X... et Mme Y... conjointement et solidairement débitrices envers la commune de Montapas de la somme de 6 989,74 € pour la période du 27 juin 2010 au 26 septembre 2013 ;

 

 

2.2     Sur le point de départ des intérêts des débets prononcés

 

Attendu qu’aux termes de l’article 60-VII de la loi n° 63-156 du 23 février 1963, « Les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ;

Attendu que le premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X... et de Mme Y... est, en l’espèce, la notification du réquisitoire supplétif du procureur financier n° 2012-43 daté du 20 décembre 2012 par lequel les comptables de fait susnommées ont été appelées à rendre compte devant le juge des comptes du maniement des fonds de la régie de pain ; que ladite notification étant intervenue le 23 janvier 2013, les intérêts doivent courir à compter de cette dernière date ;

 

 

  1.       Sur les amendes encourues

 

 

Attendu qu’aux termes de l’article 60-XI de la loi n° 63-156 susvisée « […] Les comptables de fait pourront, dans le cas où ils n’ont pas fait l’objet pour les mêmes opérations des poursuites au titre du délit prévu et réprimé par l’article 433-12 du code pénal, être condamnés aux amendes prévues par la loi » ;

 

Attendu qu’aux termes de l’article L. 231-9 du code des juridictions financières : « La chambre régionale des comptes peut condamner les comptables de fait à l’amende en raison de leur immixtion dans les fonctions de comptable public dans les conditions fixées à l’article L. 131-11 » ; que l’article L. 131-11 du même code précise : « Les comptables de fait peuvent, dans le cas où ils n’ont pas fait l’objet pour les mêmes opérations des poursuites prévues à l’article 433-12 du code pénal, être condamnés à l’amende par la Cour des comptes en raison de leur immixtion dans les fonctions de comptable public. / Le montant de l’amende tient compte de l’importance et de la durée de la détention ou du maniement des deniers, des circonstances dans lesquelles l’immixtion dans les fonctions de comptable public s’est produite, ainsi que du comportement et de la situation matérielle du comptable de fait. Son montant ne pourra dépasser le total des sommes indûment détenues ou maniées » ;

 

Attendu que Mmes X... et Y... ne font pas l’objet, à ce jour, de poursuites au titre de l’article 433-12 du code pénal ;

 

 

3.1 Sur l’importance des sommes irrégulièrement détenues ou maniées

 

Attendu que le montant des sommes irrégulièrement détenues ou maniées est identique pour les deux gestionnaires de fait dans le cadre de la régie du chalet-buvette, mais est supérieur pour Mme X... dans le cadre de la régie de pain du fait de la nomination tardive de Mme Y... en qualité de régisseur le 26 juin 2010 et de la démission de celle-ci le 26 septembre 2013 ;

 

Attendu que le montant des sommes irrégulièrement détenues ou maniées dans le cadre de la régie du chalet- buvette par Mmes X... et Y... est de 19 304,40  ; que le montant des sommes irrégulièrement détenues ou maniées dans le cadre de la régie de pain est de 42 154,60 € pour Mme X... et de 37 475,74 € pour Mme Y... ; que les recettes dont s’agit représentent une somme substantielle pour la commune de Montapas ;

 

 

3.2  Sur la durée de détention des sommes

 

Attendu que le jugement du 19 décembre 2013, confirmé en appel, a daté le début des opérations constitutives d’une gestion de fait des deniers de la régie du chalet-buvette au 15 juin 2005, celles-ci s’achevant de manière certaine au 31 décembre 2011, soit sept saisons d’activité pour chacune des gestionnaires de fait ; que cette durée est particulièrement longue, d’autant que la gestion de fait s’est prolongée plus d’un an après la vérification de la régie réalisée le 27 octobre 2010 par le comptable public dont le procès-verbal mentionne et décrit, pour la première fois, l’irrégularité du fonctionnement de la régie ;

 

 

 

Attendu que concernant la régie de pain, les opérations irrégulières s’étendent pour Mme X... du 14 avril 2010, date de la première distribution retenue, jusqu’au jour du jugement, le 19 décembre 2013, soit trois ans et huit mois et, pour Mme Y..., du 26 juin 2010, date de sa nomination comme régisseuse, au 26 septembre 2013, date de sa démission de cette même charge, soit trois ans et trois mois ; que là encore, cette situation, dénoncée dans le cadre de la première vérification de cette régie effectuée le 28 juin 2011, s’est prolongée encore deux ans et demi et même, selon les éléments dont dispose la chambre, après la notification de son jugement susvisé intervenue le 19 décembre 2013, et ce jusqu’au 15 mars 2014 ;

 

 

3.3  Sur les circonstances de l’immixtion dans les fonctions de comptable public

 

Attendu que les deux régies ont été formellement mises en place par délibération du conseil municipal de la commune de Montapas, des régisseurs étant désignés selon les modalités prévues par la loi ; que l’immixtion de Mme X... dans l’encaissement des recettes, leur détention et leur dépôt à la trésorerie ne présentait aucune nécessité et a, au contraire, gravement perturbé le fonctionnement de ces régies dans la mesure où en résultaient d’importants retards dans le dépôt des recettes : jusqu’à dix mois de retard dans le cas de la recette de la saison 2009 du chalet-buvette ;

 

Attendu qu’aucun élément au cours de l’instruction n’a permis de mettre en évidence une situation d’urgence ou de force majeure ;

 

 

3.4  Sur le comportement des comptables de fait

 

3.4.1 Sur le comportement de Mme X...

 

Attendu qu’il résulte de l’instruction que la mise en place des circuits de la recette des deux régies constitutifs d’une gestion de fait incombe uniquement à Mme X... ; que les pièces rassemblées ont permis d’établir que cette dernière fournissait et suivait les fonds de caisse, en particulier pour la régie de pain, et vérifiait le montant des recettes ; que Mme X... a reconnu avoir tenu parfois le chalet-buvette ; que pour les deux régies, elle procédait, seule, à la centralisation des recettes avant leur dépôt à la trésorerie ; qu’elle décidait, de surcroît, du montant des fonds à déposer à la trésorerie et de la fréquence de ces dépôts comme l’atteste l’absence de tout dépôt pour l’année 2009 au titre de la régie du chalet-buvette ;

 

Attendu que, pour la régie de pain, la distribution a commencé le 14 avril 2010 à la suite de la délibération du conseil municipal de la commune de Montapas du 9 avril 2010, alors que les régisseurs n’ont été nommés par arrêtés que le 26 juin 2010 ; que Mme X... a donc pris l’initiative de cette gestion de fait et présidé seule à son fonctionnement durant ce laps de temps ;

 

Attendu que les rapports de vérification de la régie du chalet-buvette du 27 octobre 2010 par le comptable public, puis du 10 janvier 2011 par un inspecteur vérificateur concluent à l’irrégularité du fonctionnement de la régie constitutive d’une situation de gestion de fait, à la suite desquelles Mme X... fut convoquée à la direction départementale des finances publiques de la Nièvre le 4 février 2011 ; que Mme X... a néanmoins fait perdurer cette gestion irrégulière durant toute la saison 2011 pour la régie du chalet-buvette ;

 

Attendu que concernant la régie de pain, Mme X... est passée outre la démission de Mme Y... et de son adjoint de leurs fonctions respectives de régisseuse et de régisseur adjoint le 26 septembre 2013 ; qu’elle n’a pas procédé à la nomination de nouveaux régisseurs ; que les rappels réitérés par le comptable public assignataire lors des vérifications du 16 octobre 2012 et du 10 octobre 2013, ainsi que par le magistrat instructeur au cours de la phase d’instruction de la déclaration de gestion de fait, ont été systématiquement ignorés par elle ; que le jugement la déclarant gestionnaire de fait ne l’a pas davantage dissuadée ;

 

Attendu que Mme X... s’est abstenue d’informer le conseil municipal des rapports et avertissements reçus ;


 

 

 

3.4.2. Sur le comportement de Mme Y…

 

Attendu que Mme Y... n’a aucunement pris part à l’organisation des deux régies ; que, régisseuse en titre, elle se contentait de classer les bordereaux de dépôt de recettes et de préparer les mandats de paiement des factures des fournisseurs ; qu’elle ne manipulait pas les fonds, ne tenait jamais la caisse, qu’elle ne comptabilisait ni ne vérifiait ; que son rôle a donc été essentiellement passif ;

 

Attendu que Mme Y... a démissionné le 26 septembre 2013 de ses fonctions de régisseuse de la régie de pain, soit peu de temps après avoir été destinataire du rapport d’instruction de la déclaration de gestion de fait ;

 

Attendu que si Mme Y... ne pouvait ignorer la situation de gestion de fait à compter de la première vérification de la régie du chalet-buvette opérée le 27 octobre 2010, le comptable public assignataire a confirmé par une attestation en date du 3 février 2014, produite à l’appui de l’appel interjeté par Mme Y... du jugement de déclaration de gestion de fait, que cette dernière avait « procédé à de nombreux signalements relatifs aux agissements de l’ordonnateur qui ont rendu possible la constitution du dossier de gestion de fait » ;

 

3.5 Sur le profit personnel retiré

 

Attendu que Mme X... présidait pour les deux régies au circuit de la recette, qui passait nécessairement par elle avant tout dépôt éventuel à la trésorerie ; que l’ensemble des intervenants, habilités ou non, au sein des deux régies, l’identifiait comme la personne récipiendaire des recettes générées, ce que les rapports de vérification des régies successifs confirment ; que ces mêmes rapports de vérification attestent que Mme X... conservait également les documents et pièces justificatives, et ce pour les deux régies ; qu’il en résulte, d’une part, que Mme X... était en mesure de contrôler la conformité de la recette avec les justificatifs remis et, d’autre part que, comme le souligne chacun des rapports de vérification, la régisseuse en titre n’avait aucun moyen de procéder à un quelconque contrôle ;

 

Attendu qu’il est attesté que Mme X... a retenu une partie des recettes des deux régies, sur des périodes plus ou moins longues ; qu’ainsi, aucun versement n’a été effectué entre le 18 août 2008 et le 8 juillet 2010, ce qui signifie qu’aucune recette n’a été déposée au titre de l’année 2009 pour la régie du chalet-buvette, en dépit des diligences répétées du comptable public ;

 

Attendu qu’il résulte de l’organisation mise en place que le manquant de 11 668,60 constaté au titre de la régie de pain ne peut être qu’en la possession de Mme X..., puisqu’aucun autre intervenant n’était en mesure de conserver ces fonds sans faire l’objet de contrôle ; que si dans les comptes déposés le 7 avril 2014, Mme X... avance pour la régie de pain un versement de 12 651,80  en 2014 correspondant, d’après les comptes déposés, au reliquat de recettes non déposées, aucune trace n’a pu être retrouvée de cette somme et Mme X... n’a pu fournir aucun élément en attestant, malgré les relances répétées de la chambre ;

 

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que, tout au long de la gestion de fait, y compris lors de la phase de production des comptes, Mme X... n’a contribué que de manière minimale et tardive à la détermination des opérations irrégulières dont le compte final n’a pu être dressé par la chambre qu’à partir des seules recettes certaines s’agissant de la régie du chalet-buvette ; qu’en l’absence d’explication de sa part sur la destination d’une partie conséquente du produit des ventes, il peut être considéré que celle-ci a été conservée par elle ;

 

Attendu que Mme Y..., régisseuse non rémunérée, n’encaissait directement l’argent pour aucune des deux régies ; que la phase de dépôt à la trésorerie donnait lieu à la remise du récépissé de dépôt qui permettait aisément de vérifier la somme déposée ; que, dès lors, aucune pièce de la procédure ne permet d’établir que Mme Y... aurait tiré un profit personnel de la gestion de fait ;


 

 

 

Attendu que le mémoire produit le 12 septembre 2017 par Mme Y... insiste sur la modicité de ses revenus, pièces à l’appui ; que le mémoire produit le 13 septembre 2017 par Mme X... indique que la société dont cette dernière est gérante est en liquidation judiciaire et que celle-ci est salariée en contrat à durée déterminée jusqu’à la fin du mois de septembre, sans autre précision et sans pièce probante attestant du montant de ses revenus ;

 

Attendu qu’il sera fait une juste appréciation de la responsabilité de Mme X... en fixant le montant de l’amende à 10 000  en ce qui concerne la régie du chalet-buvette et à 10 000  en ce qui concerne la régie de pain ;

 

Attendu qu’il sera fait une juste appréciation de la responsabilité de Mme Y... en ne prononçant pas d’amendes à son encontre ;

 

 

 

PAR CES MOTIFS,

 

 

 

DÉCIDE

 

 

Article 1 : La ligne de compte de la gestion de fait des deniers publics de la régie du chalet-buvette de la commune de Montapas est arrêtée à 19 304,40  en recettes admises en l’absence de dépenses allouées ;

 

Article 2 : La ligne de compte de la gestion de fait des deniers publics de la régie de pain de la commune de Montapas est arrêtée à 42 154,60  en recettes et à 0 € en dépenses ; le solde des recettes non reversées dans la caisse de la commune est fixé à 11 668,60  ;

 

Article 3 : Mme X... est déclarée débitrice envers la commune de Montapas pour la gestion de la régie de pain de la somme de 2 732,90  au titre de la période du 14 avril 2010 au 26 juin 2010 ;

 

Article 4 : Mme X... et Mme Y... sont constituées conjointement et solidairement débitrices envers la commune de Montapas pour la gestion de la régie de pain de la somme de 6 989,74  au titre de la période du 27 juin 2010 au 26 septembre 2013 ;

 

Article 5 : Le débet prononcé à l’article 4 ci-avant, augmenté des intérêts de droit prévus à l’article 7 ci-après, est réparti à parts égales entre les deux débitrices susnommées ;

 

Article 6 : Mme X... est déclarée débitrice envers la commune de Montapas pour la gestion de la régie de pain de la somme de 1 945,96  au titre de la période du 27 septembre 2013 au 19 décembre 2013 ;

 

Article 7 : Les sommes dues en application des articles 3 à 5 seront augmentées des intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2013 ;

 

Article 8 : Mme X... est condamnée à une amende de 10 000  en raison de son immixtion dans les fonctions de comptable public dans le cadre de la régie du chalet-buvette de la commune de Montapas ;


 

 

 

Article 9 : Mme X... est condamnée à une amende de 10 000  en raison de son immixtion dans les fonctions de comptable public dans le cadre de la régie de pain de la commune de Montapas ;

 

Article 10 : Mme X... et Mme Y... ne pourront recevoir décharge et quitus qu’après acquittement des débets et amendes ci-dessus prononcés.

 

Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté, réunie en formation plénière, le quatorze septembre deux mille dix-sept.

 

M. Pierre VAN HERZELE, président, président de séance,

M. Frédéric GUTHMANN, président de section,

M. Bernard PERRAUD, premier conseiller,

M. Vladimir DOLIQUE, premier conseiller,

M. Nicolas BONNEAU, premier conseiller, réviseur,

M. Christophe CANTON, premier conseiller,

Mme Valérie BIGOT, première conseillère.

 

Signé : Mireille GREGOIRE, greffière et Pierre VAN HERZELE, président de la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté.

 

Collationné, certifié conforme à la minute déposée au greffe de la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté.

 

La secrétaire générale,

 

 

 

 

 

 

Marie-Christine MEYER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

 

Voies et délais de recours

La présente décision juridictionnelle peut être déférée en appel devant la Cour des comptes dans un délai de deux mois à compter de la date de sa notification (articles L. 242-6 et R. 24219 à 28 du code des juridictions financières).

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