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Sections réunies Jugement n° 2017-0028 Audience publique du 9 novembre 2017 Prononcé du 23 novembre 2017 | COMMUNE DE BAILLEUL (NORD) Poste comptable : CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES DE BAILLEUL Exercice 2015 |
République Française
Au nom du peuple français
La chambre,
Vu le réquisitoire en date du 12 juillet 2017, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de
M. Hervé-Charles X, comptable de la commune de Bailleul au titre d’opérations relatives à l’exercice 2015, notifié le 20 juillet 2017 au comptable concerné ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable de la commune de Bailleul, par
M. Hervé-Charles X du 1er janvier au 31 décembre 2015 ;
Vu les justifications produites au soutien du compte en jugement ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
JU-2017-0028 – Commune de Bailleul 1/5
Vu le rapport de Mme Dorine Derouault, conseillère, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions du procureur financier ;
Vu les pièces du dossier, et notamment le mémoire complémentaire de
M. Hervé-Charles X, enregistré au greffe de la chambre le 23 octobre 2017, après la clôture de l’instruction ;
Vu la décision n° 2017-104 du président de la deuxième section, agissant par délégation du président de la chambre, nommant M. Jean-Bernard Mattret, premier conseiller, rapporteur à l’instance ;
Entendu, lors de l’audience publique du 9 novembre 2017, M. Jean-Bernard Mattret, premier conseiller, présentant le rapport de Mme Dorine Derouault, M. Philippe Jamin, procureur financier, en ses conclusions, et M. Hervé-Charles X, comptable, présent, ayant eu la parole en dernier ;
Sur la présomption de charge unique, soulevée à l’encontre de M. Hervé-Charles X, au titre de l’exercice 2015 :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes Hauts-de-France de la responsabilité encourue par M. Hervé-Charles X à raison du paiement d’indemnités de chaussures et de petit équipement pour un montant total de 4 931,06 € sans disposer de l’une des pièces exigées par la nomenclature des pièces justificatives prévue à l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales ;
Sur l’existence d’un manquement :
Attendu que l’article 111 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dispose à l’alinéa 1 de son article 88 que « L’assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale ou le conseil d’administration d’un établissement public local fixe les régimes indemnitaires dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l’Etat […] » ;
Attendu qu’aux termes des dispositions du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 « […] les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables […] du paiement des dépenses […]. Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière […] de dépenses […] dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors […] qu’une dépense a été irrégulièrement payée […] » ;
Attendu qu’avant de procéder au paiement de la dépense, les comptables sont tenus d’exercer les contrôles prévus aux articles 19 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ; que ces contrôles portent, notamment, sur la production des pièces justificatives ;
Attendu qu’en application de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales et de l’annexe I à ce dernier, dans sa version applicable à l’exercice 2015, le comptable public des collectivités territoriales est tenu d’exiger, en ce qui concerne le paiement des primes et indemnités (rubrique 210223), la « décision de l’assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen des indemnités » ;
Attendu que les délibérations relatives au paiement des indemnités de chaussures et de petit équipement ne figuraient pas sous la forme de pièces justificatives du paiement, et n’étaient pas non plus référencées sous la forme d’un renvoi aux pièces jointes au premier paiement ;
Attendu que, dans son mémoire complémentaire adressé à la chambre le 20 octobre 2017 et enregistré au greffe de la juridiction le 23 octobre 2017, le comptable rejette la conclusion de la rapporteure selon laquelle il ne connaissait pas, au moment du paiement, l’existence de la délibération relative à l’indemnité de chaussures ; qu’il rappelle, citant une décision du Conseil d’Etat[1], que « dans l’exercice de sa fonction juridictionnelle, le juge des comptes doit s’abstenir de toute appréciation du comportement personnel des comptables intéressés et ne peut fonder ses décisions que sur des éléments matériels des comptes » ;
Attendu sur ce point, et en accord avec les conclusions du ministère public, que la question posée visait à savoir si le comptable disposait des pièces requises par la réglementation pour procéder au paiement ; qu’en l’espèce, l’absence de délibérations au moment du paiement privait le comptable de la possibilité d’exercer le contrôle de la validité de la dette ;
Attendu que, dans son mémoire complémentaire adressé à la chambre le 23 octobre 2017, le comptable présente également le moyen selon lequel les délibérations n’avaient pas à figurer à la liasse puisqu’elles ne sont à fournir, aux termes de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales et de la rubrique 21022 de l’annexe I de ce même code, que « en tant que de besoin, et à chaque changement de droit de l’agent » et que l’état liquidatif joint au mandat « faisait référence aux délibérations » ;
Attendu que le paragraphe 4 de l’annexe I de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales dispose que « Sur la pièce justificative jointe aux mandatements postérieurs au premier paiement ou sur le document servant au mandatement lui-même, il est fait référence aux pièces justificatives produites uniquement au premier mandatement. Les références à porter sont : ce numéro du mandatement de référence, le millésime de l’année d’imputation de la dépense initiale, l’imputation budgétaire de la dépense lors du premier paiement » ; qu’en l’occurrence, l’état liquidatif de décembre 2015 produit lors de l’instruction comportait les mentions suivantes : « indemnités de chaussures et de petit équipement / Delib 82/121 du 29.11.82 jte au Mt 3286 Ex 82 » ; qu’après analyse, les références produites sur la pièce jointe au mandat ne mentionnaient pas, d’une part, la délibération du 8 décembre 1980 relative à une indemnité spéciale pour usure anormale et rapide des vêtements de travail, et, d’autre part, l’imputation budgétaire de la dépense lors du premier paiement ; que dès lors, les références étaient incomplètes et ne permettaient pas au comptable d’exercer le contrôle de la validité de la dette ;
Attendu que, dans son mémoire complémentaire adressé à la chambre le 8 novembre 2017 et enregistré au greffe de la juridiction le même jour, le comptable voit par ailleurs, dans la référence au dit état liquidatif, un dépassement du périmètre de la charge tel que défini dans le réquisitoire ;
Attendu que le réquisitoire fondait la charge sur l’absence des pièces justificatives requises, l’accent étant mis sur l’absence de délibérations fondant le paiement ; que le comptable a lui-même fait état dans sa défense de l’existence d’un état liquidatif, qui s’est avéré ne pas répondre aux conditions posées par la réglementation ; qu’en l’état, l’absence des délibérations et, s’agissant d’un paiement ultérieur au premier mandat, l’absence des références exigibles, répondent bien à la question, posée par le réquisitoire, de l’existence des pièces justificatives qui lui auraient permis d’exercer le contrôle de la validité de la dette ;
Attendu qu’en ne disposant pas des pièces justificatives ou de toutes les références lui permettant d’exercer le contrôle de la validité de la dette, le comptable aurait dû suspendre le paiement du mandat ; qu’en ne suspendant pas les paiements, M. Hervé-Charles X a engagé sa responsabilité au titre de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Attendu que le comptable n’établit pas l’existence de circonstances constitutives de la force majeure, au sens du premier alinéa du V de l’article 60 de la loi n° 63-156 susvisée ;
Sur l’existence d’un préjudice financier :
Attendu, comme le rappelle le ministère public dans ses conclusions, qu’un préjudice financier résulte, notamment, du paiement d’une dépense indue donnant lieu à une constatation dans la comptabilité de l’organisme et se traduisant par un appauvrissement patrimonial de la personne publique ;
Attendu que M. Marc Y, maire de Bailleul, a communiqué dans sa réponse enregistrée le 8 septembre 2017 la délibération du 8 décembre 1980 qui attribue l’indemnité de petit équipement (vêtements de travail) aux agents de la commune, tant administratifs que techniques, qui n’auraient pas fait l’objet d’une distribution préalable de vêtements de travail ainsi que la délibération du 29 novembre 1982 qui attribue l’indemnité de chaussures à l’ensemble des agents de la commune ;
Attendu que le comptable, M. X, a lui-même transmis à la chambre la délibération du
29 novembre 1982 susvisée par un premier courriel du 7 septembre 2017 et la délibération du
8 décembre 1980 dans un second courriel du 27 octobre 2017 ;
Attendu que, conformément à la jurisprudence (CC, 26 mai 2016, Direction régionale des finances publiques de Rhône-Alpes et du département du Rhône), l’existence d’un préjudice s’apprécie à la date du jugement ;
Attendu qu’en l’espèce, les délibérations transmises établissent sans équivoque la volonté de l’assemblée délibérante, préalable au paiement, de verser des indemnités de chaussures et de petit équipement à l’ensemble des agents de la commune de Bailleul ;
Attendu que dès lors, le paiement était dû ; qu’il n’a donc pas causé de préjudice financier ;
Sur les circonstances de l’espèce et le montant de la somme non rémissible :
Attendu qu’aux termes des dispositions du deuxième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « lorsque le manquement du comptable […] n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce » ; que le décret du 10 décembre 2012 susvisé, fixe le montant maximal de cette somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable ;
Attendu que le montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré pour l’exercice 2015 est fixé à 177 000 € ; qu’ainsi, le montant maximum de la somme susceptible d’être mise à la charge de M. X s’élève à 265,50 € ;
Attendu que, compte tenu des circonstances de l’espèce présentées par écrit et rappelées au cours de l’audience, il y a lieu d’arrêter cette somme à 130 € ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : Au titre de l’exercice 2015, présomption de charge unique :
M. Hervé-Charles X devra s’acquitter d’une somme de 130 €, en application du deuxième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du
23 février 1963 ; cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du paragraphe IX de l’article 60 précité.
Article 2 : La décharge de M. Hervé-Charles X pour sa gestion du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 ne pourra être donnée qu’après apurement de la somme à acquitter, fixée ci-dessus.
Fait et jugé par M. Olivier Jouanin, président de séance, MM. Denis Bonnelle et Arnaud Dezitter, premiers conseillers.
En présence de M. Bernard Chabé, greffier de séance.
Bernard Chabé Olivier Jouanin
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à
l’article R. 242-29 du même code.
JU-2017-0028 – Commune de Bailleul 1/5
[1] CE 27/10/2000 Mme M-F Desvigne…