rapport n° 2017-0149

Commune de Commentry (Allier)

jugement n° 2017-0035

Trésorerie de Commentry

audience publique du 18 juillet 2017

code n° 003 016 082

délibéré du 18 juillet 2017

exercice 2013

Prononcé le 26 juillet 2017

 

 

 

République française

 

Au nom du peuple français

 

La chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-ALPES
(Statuant en 5ème Section)

 

Vu le réquisitoire 11-GP/2017 à fin d’instruction de charge pris le 27 février 2017 par le procureur financier près la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes ;

Vu les courriers de notification du réquisitoire adressés le 8 février 2017 à Mme Catherine X..., comptable concernée, et à M. Claude Y..., maire de Commentry, dont ils ont accusé réception les 18 et 20 mars 2017 ;

VU le code général des collectivités territoriales ;

VU le code des juridictions financières ;

VU l’article 60 de la loi de finances pour 1963 n° 63-156 du 23 février 1963, modifiée notamment par l’article 90 de la loi de finances rectificative n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;

VU le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

VU les lois et règlements relatifs à la comptabilité des communes et des établissements publics locaux ;

VU larrêté de la présidente de la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes relatif aux attributions, à la composition et aux compétences des sections et des formations de délibéré ;

VU larrêté de la présidente de la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes portant délégation de signature au président de la 5ème section ;

VU la décision n° 34 D du 14 mars 2017 du président de la 5ème section de la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes, désignant M. Michel BON, premier conseiller, comme rapporteur pour instruire les charges identifiées dans le réquisitoire susvisé ;

VU les questionnaires adressés le 17 mars 2017 à Mme Catherine X..., comptable concernée, et à M. Claude Y..., maire de Commentry, dont ils ont accusé réception les 30 et 31 mars 2017 ;

VU les observations écrites de Mme Catherine X..., datées du 24 avril 2017 et enregistrées au greffe le 28 avril 2017, et les informations complémentaires datées du 6 juillet 2017, transmises après clôture de l’instruction et enregistrées au greffe le 12 juillet 2017 ;

VU les observations écrites de M. Claude Y..., maire de Commentry, datées du 21 avril 2017 et enregistrées au greffe le 24 avril 2017 ;

VU les comptes produits en qualité de comptable de la commune de Commentry par Mme Catherine X... pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013 ;

VU le rapport n° 2017-0149 de M. Michel BON, premier conseiller, magistrat instructeur, déposé au greffe de la chambre le 15 juin 2017 ;

VU les lettres du 15 juin 2017 informant la comptable et l’ordonnateur de la clôture de l’instruction ;

VU les lettres du 20 juin 2017 informant la comptable et l’ordonnateur de la date fixée pour l’audience publique et les accusés de réception correspondants délivrés par Mme Catherine X... et M. Claude Y... ;

Vu les conclusions n° 17-149 du procureur financier en date du 20 juin 2017 ;

Entendu en audience publique M. Michel BON, premier conseiller, en son rapport ;

Entendu en audience publique, Mme Marie-Laure ROLLAND-GAGNE, procureur financier, en ses conclusions ;

En l’absence de la comptable en cause et de l’ordonnateur, dûment informés de la tenue de l’audience ;

Après avoir délibéré hors la présence du public, du rapporteur et du procureur financier ;

 

 

En ce qui concerne la charge unique, relative au paiement d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires en l’absence de pièces justificatives conforme à la nomenclature par Mme Catherine X... pour un montant de 72 595,85 sur l’exercice 2013

Sur les réquisitions du ministère public,

Attendu qu’en son réquisitoire, le procureur financier relève que la comptable, Mme Catherine X..., a pris en charge sur l’exercice 2013, les bordereaux et mandats collectifs de paie comprenant le paiement d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires pour les mois de janvier à décembre 2013, représentant un montant total de 72 595,85 € ;

Attendu que le représentant du ministère public rappelle qu’avant de mettre en paiement les indemnités horaires pour travaux supplémentaires, le comptable doit s’assurer de disposer de l’ensemble des pièces justificatives mentionnées à la rubrique 210224 de l’annexe I à l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales qui prévoit notamment en son point 1, la production d’une délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires ;

Attendu que le procureur financier indique que la délibération de la commune de Commentry datée du 29 octobre 2003 et portant sur le régime indemnitaire des agents de la fonction publique territoriale, dispose qu’en matière d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires « I- (…) Les agents titulaires, stagiaires ou non titulaires de catégorie C et ceux de catégorie B dont la rémunération est au plus égale à l’indice brut 380 ont la possibilité de percevoir une indemnité horaire pour travaux supplémentaires en fonction des heures effectuées. (…) Le travail accompli entre 22 heures et 7 heures est considéré comme travail supplémentaire de nuit (…) » ;

Attendu que le représentant du ministère public relève que cette délibération n’indique pas la liste des emplois susceptibles de nécessiter la réalisation effective d’heures supplémentaires et que, faute d’une délibération complète et précise, la volonté de l’assemblée délibérante, seule compétente pour désigner les catégories d’agents pouvant bénéficier d’indemnités ne saurait être présumée ; qu’il lui semble qu’alors le comptable ne disposait pas au moment du paiement, de l’ensemble des pièces justificatives lui permettant d’effectuer le contrôle des sommes dues au titre de l’indemnité horaires pour travaux supplémentaires à certains agents de la collectivité mais que, néanmoins, il n’a ni alerté l’ordonnateur ni suspendu le paiement ;

Attendu que le procureur financier considère qu’en ayant procédé au paiement des mandats en l’absence de pièces justificatives, Mme Catherine X... est susceptible d’avoir engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire pour le montant total de 72 595,85 € et qu’elle se trouverait ainsi dans le cas prévu par les dispositions de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 ; qu’il y a lieu en conséquence d’ouvrir l’instance prévue au III de l’article L. 242-1 du code des juridictions financières aux fins de déterminer les responsabilités encourues ;

 

Sur les observations des parties,

Attendu que, dans sa réponse enregistrée au greffe le 28 avril 2017, Mme Catherine X..., mentionne l’article 5 de la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 selon lequel « ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché et nul ne peut être contraint de faire ce qu’elle n’ordonne pas » ; qu’elle estime que le conseil municipal n’ayant pas spécifié les emplois visés pour le bénéficiaire des IHTS, n’a non seulement pas entendu en exclure  mais a émis clairement le souhait de pouvoir soumettre l’ensemble de ses agents au régime des heures supplémentaires ; que, selon elle, une délibération qui n’exclut pas expressément certains emplois, autorise par voie de conséquence le paiement à tous les agents mentionnés selon leur catégorie ; qu’elle estime que rien dans le code général des collectivités territoriales ne permet de déduire que le conseil municipal dispose d’une compétence restreinte en la matière, induisant qu’il ne peut pas faire bénéficier l’ensemble des agents, et ce quel que soit leur emploi, d’une telle mesure et que partant il ne puisse pas prendre une délibération générale visant l’ensemble des agents qui règlementairement puissent en bénéficier ;

Attendu que Mme X... relève que les pages 3 et 4 de la délibération confirme son interprétation en précisant qu’elle « s’applique à tous les agents (…), en faveur de tous les agents » ; que la volonté du conseil municipal lui apparaît alors clairement exprimée et ne peut donc pas être considérée comme présumée ; qu’elle estime en effet que, dès lors que tous les agents sont visés, tous les emplois exercés sont eux-mêmes visés sans qu’il soit nécessaire de le préciser ; que demander plus de détail serait appliquer de façon rigoriste la liste des pièces justificatives et reviendrait à juger sur la forme et non sur le fond ; qu’elle relève également que le réquisitoire mentionne que l’assemblée délibérante est seule compétente pour désigner « les catégories d’agents » ce qui lui semble être le cas de la délibération de 2003 qui précise « Les agents titulaires, stagiaires ou non titulaires de catégorie C et ceux de catégorie B » et « d’en étendre le bénéfice à tous les agents éligibles » ; que ce faisant, il lui apparaît que la délibération va au-delà de ce que demande la liste des pièces justificatives ;

Attendu que selon Mme X... l’absence totale de délibération aurait pu justifier l’engagement de la responsabilité du comptable mais que, dans le cas présent, la délibération visant tous les agents des catégories mentionnées est exécutoire et s’impose au comptable qui n’est pas juge de la légalité des actes qui lui sont produits ; que la délibération est conforme à la règlementation et que le comptable ne disposait d’aucun droit à suspendre les paiements effectués en son application ; qu’en le faisant, il aurait exercé les fonctions d’administrateur car il lui aurait fallu comprendre que les organes de la commune ne disposaient pas du pouvoir d’étendre à tous les emplois le régime des IHTS ; qu’il lui semble que la nomenclature des pièces justificatives a pleinement été respectée et qu’il n’y a pas manquement ;

Attendu que la comptable estime également que la commune n’a subi aucun préjudice, la délibération étant claire et complète dans l’expression de la volonté du conseil municipal ; que le paiement est resté conforme aux sommes décomptés, à hauteur des mandats émis par l’ordonnateur qui, en signant les bordereaux de mandats des indemnités visées a manifesté la volonté de faire bénéficier tout le personnel du régime indemnitaire ;

Attendu que dans sa réponse reçue le 12 juillet 2017, après clôture de l’instruction, Mme Catherine X... attire l’attention de la juridiction sur l’existence d’une délibération exécutoire et sur l’exhaustivité de son champ d’application clairement exprimée par le conseil municipal ; que si elle n’est pas présentée en la forme prévue par la liste des pièces justificatives, elle en excède l’étendue et précise sans ambiguïté aucune toutes les catégories d’agents bénéficiaires de l’IHTS ; que ces informations étaient suffisantes pour permettre au comptable de payer ; qu’affirmer que cette délibération est incomplète relèverait de l’interprétation ;

Attendu que dans sa réponse enregistrée au greffe le 24 avril 2017, M. Claude Y..., maire de Commentry indique prendre acte du caractère incomplet de la délibération du 29 octobre 2003 et indique qu’une nouvelle délibération a été soumise au conseil municipal le 5 avril 2017 ; que, sur le fond, le maire de Commentry ne remet pas en cause le bien-fondé du versement des IHTS et n’estime pas que la commune a subi un préjudice financier ; que par courrier électronique du 14 juin 2017 enregistré au greffe le même jour, la commune a confirmé que le conseil municipal ne s’est pas prononcé sur l’application du régime des heures supplémentaires retenu dans le règlement intérieur mais seulement sur l’application de celui des astreintes ;

 

Sur la charge présumée,

Attendu qu’i résulte des feuilles de paie jointes au réquisitoire que 91 agents de la commune de Commentry ont bénéficié d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires versés sur les paies de janvier à décembre 2013 pour un montant total de 72 595,85 € ; que c’est sur ce montant, conforme au réquisitoire, que la comptable mise en cause a été appelée à présenter ses observations ;

 

Sur la responsabilité des comptables en matière de paiement de dépenses de personnel

Attendu que l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 dispose que, « I. - (…) les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables (…) du paiement des dépenses, (…), de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils dirigent. / (…) La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu'une dépense a été irrégulièrement payée (…) » ;

 

Attendu que le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, applicable à compter du 1er janvier 2013, dispose, à son article 18 que le comptable public est seul chargé du paiement des dépenses sur ordre émanant des ordonnateurs, à son article 19 que le comptable public est tenu d'exercer le contrôle, s'agissant des ordres de payer, de la validité de la dette dans les conditions prévues à l'article 20 ; que cet article 20 précise que le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte notamment sur la production des pièces justificatives ; que l’article 38 dispose que lorsqu'à l'occasion de l'exercice des contrôles prévus au 2° de l'article 19 le comptable public a constaté des irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de l'ordonnateur, il suspend le paiement et en informe l'ordonnateur ; qu’enfin, l’article 17 dispose que les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des actes et contrôles qui leur incombent en application des dispositions des articles 18, 19 et 20, dans les conditions fixées par l'article 60 de la loi du 23 février 1963 ;

Attendu que l’article 50 du même texte dispose que « Les opérations de recettes, de dépenses et de trésorerie doivent être justifiées par des pièces prévues dans des nomenclatures établies, pour chaque catégorie de personnes morales mentionnées à l'article 1er, par arrêté du ministre chargé du budget. / Toutefois, la liste des pièces justificatives des dépenses, des recettes et des opérations d'ordre des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et des établissements publics de santé est fixée par décret. / Lorsqu'une opération de dépense n'a pas été prévue par une nomenclature mentionnée cidessus, doivent être produites des pièces justificatives permettant au comptable d'opérer les contrôles mentionnés aux articles 19 et 20 » ; que l’article D. 1617-19 de la partie règlementaire du code général des collectivités territoriales dispose que, « Avant de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales (…) ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I du présent code » ;

Attendu que l’annexe I du code général des collectivités territoriales fixant la liste des pièces justificatives des dépenses publiques locales, dans un §5 relatif à l’utilisation de la liste des pièces justificatives pour le contrôle de la dépense, précise que lorsqu'une dépense est répertoriée dans la liste, les pièces justificatives nécessaires au paiement de cette dépense y sont toutes énumérées et que la liste est obligatoire en ce qu'elle constitue à la fois le minimum et le maximum des pièces justificatives exigibles par le comptable et s'impose à la fois aux ordonnateurs, aux comptables et aux juges des comptes ; qu’il résulte de la sous-rubrique 210224 de cette liste que doivent être produits à l’appui des paiements des indemnités horaires pour travaux supplémentaires, la délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d'heures supplémentaires, le décompte indiquant par agent et par taux d'indemnisation le nombre d'heures effectuées et, le cas échéant, la décision justifiant le dépassement du contingent mensuel autorisé ;

Attendu qu’il résulte de la jurisprudence du Conseil d’Etat que « pour apprécier la validité des créances, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications ; qu'à ce titre, il leur revient d'apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée ; que pour établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l'ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en deuxième lieu, si ces pièces sont, d'une part, complètes et précises, d'autre part, cohérentes au regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable et de la nature et de l'objet de la dépense telle qu'elle a été ordonnancée ; que si ce contrôle peut conduire les comptables à porter une appréciation juridique sur les actes administratifs à l'origine de la créance et s'il leur appartient alors d'en donner une interprétation conforme à la réglementation en vigueur, ils n'ont pas le pouvoir de se faire juges de leur légalité ; qu'enfin, lorsque les pièces justificatives fournies sont insuffisantes pour établir la validité de la créance, il appartient aux comptables de suspendre le paiement jusqu'à ce que l'ordonnateur leur ait produit les justifications » ;

Attendu qu’il résulte des dispositions légales et règlementaires régissant la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics, précisées par  la jurisprudence du Conseil d’Etat, qu’avant de prendre en charge une dépense, le comptable d’une collectivité territoriale doit notamment contrôler la production des pièces justificatives telles qu’elles sont listées à l’annexe I du code général des collectivités territoriales ; que le comptable n’a pas le pouvoir de suspendre le paiement au motif que la décision découlant de la pièce ne serait pas conforme à la règlementation ; qu’il lui revient de vérifier que l’ensemble des pièces requises a été fourni et que ces pièces sont complètes et précises ; que, lorsque les pièces justificatives fournies sont insuffisantes pour établir la validité de la créance, il appartient au comptable de suspendre le paiement jusqu'à ce que l'ordonnateur ait produit les justifications requises ;

 

Sur la règlementation relative à l’indemnisation des heures supplémentaires

Attendu que la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dispose, à son article 88, que « Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'État (…) » ;

Attendu que le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 pris pour l'application du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984, dispose dans son article 1, que « Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales (…) ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'État exerçant des fonctions équivalentes » ; que l’article 2 précise que « L'assemblée délibérante de la collectivité (…) fixe, dans les limites prévues à l'article 1er, la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités ou établissements. L'organe compétent fixe, notamment, la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d'heures supplémentaires ouvrant droit aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires versées dans les conditions prévues pour leur corps de référence figurant en annexe au présent décret (…) » ;

Attendu que l’article 2 du décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires des fonctionnaires de l’État dispose que les personnels civils de l'Etat, fonctionnaires de catégorie C et de catégorie B, peuvent percevoir des indemnités horaires pour travaux supplémentaires dès lors qu'ils exercent des fonctions ou appartiennent à des corps, grades ou emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d'heures supplémentaires ;

Attendu qu’il résulte ainsi de la loi, que le conseil municipal peut décider l’octroi d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires aux agents de la commune de catégorie C et B, respectant ainsi la contrainte de parité avec la fonction publique de l’Etat, mais qu’il doit également fixer la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d'heures supplémentaires ouvrant droit aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires ; qu’ainsi la règlementation a donné pouvoir au conseil municipal d’attribuer des indemnités horaires pour travaux supplémentaires à tous les agents de la collectivité pour autant que l’assemblée délibérante fixe dans le même temps la liste des emplois occupés par lesdits agents, emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d'heures supplémentaires ;

 

Sur la responsabilité de la comptable,

Attendu que l’instance juridictionnelle concerne les paiements effectués durant lexercice 2013, par Mme Catherine X..., au titre d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires versées au bénéfice de personnels de la commune de Commentry ; qu’en application des dispositions ci-dessus rappelées, le comptable assignataire de telles dépenses de rémunération devait, avant de procéder à leur mise en paiement, exiger la production de la délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d'heures supplémentaires, le décompte indiquant par agent et par taux d'indemnisation le nombre d'heures effectuées et, le cas échéant, la décision justifiant le dépassement du contingent mensuel autorisé ;

Attendu qu’à l’appui des mandats collectifs de paie de janvier à décembre 2013, la comptable disposait des feuilles de paie des agents précisant, par taux d'indemnisation, le nombre d'heures effectuées ; que le décompte mentionné dans la sous-rubrique 210224 n’avait ainsi pas à être produit ;

Attendu que les justificatifs produits ne font pas état d’heures supplémentaires effectuées au-delà du plafond mensuel de 25 heures ; que la décision justifiant le dépassement du contingent mensuel autorisé n’avait ainsi pas à être produit ;

Attendu que la délibération du conseil municipal de Commentry du 29 octobre 2003 produite en justification, indique, pour les indemnités horaires pour travaux supplémentaires, que « Les agents titulaires, stagiaires ou non titulaires de catégorie C et ceux de catégorie B dont la rémunération est au plus égale à l’indice brut 380 ont la possibilité de percevoir une indemnité horaire pour travaux supplémentaires en fonction des heures effectuées » ; qu’elle apporte aux décisions précédentes concernant les indemnités horaires pour travaux supplémentaires, des modifications apportées par le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 ; qu’elle précise ainsi que le nombre d’heures supplémentaires accomplies ne peut dépasser un contingent mensuel de 25 heures et que le travail accompli entre 22 heures et 7 heures est considéré comme travail supplémentaire de nuit ; que si le conseil municipal décide la mise en œuvre du dispositif indemnitaire décrit cidessus en faveur de tous les agents stagiaires, titulaires et non titulaires de la commune avec effet au 1er novembre 2003 et autorise le maire à procéder aux attributions individuelles suivant les modalités définies dans la présente délibération, il ne fixe pas la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d'heures supplémentaires ; que la délibération apparaît donc ni précise ni complète au regard des spécifications de la nomenclature ; qu’en application de la règlementation relative à la responsabilité des comptables et précisée par la jurisprudence du Conseil d’Etat, mentionnée précédemment, la comptable ne pouvait accueillir cette délibération comme constituant la pièce justificative exigible ;

Attendu que dans sa réponse reçue le 28 avril 2017, Mme Catherine X... a transmis la délibération du conseil municipal de Commentry du 5 mars 1992 fixant le régime indemnitaire ; que si cette délibération peut être prise en considération comme constituant la délibération fixant le régime indemnitaire modifiée par celle du 29 octobre 2003 et dont les dispositions seraient ainsi encore en vigueur, il ne peut qu’être être constaté qu’elle ne fait que supprimer un certain nombre de primes et les remplacer par de nouvelles ; qu’elle n’aborde les indemnités horaires pour travaux supplémentaires que pour indiquer qu’elles ne sont pas concernées par le nouveau régime indemnitaire ; qu’aucune liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d'heures supplémentaires n’y figure ; que le comptable ne pouvait accueillir cette délibération comme constituant la pièce justificative exigible ;

Attendu que dans cette même réponse, Mme Catherine X... a également transmis le règlement intérieur relatif à l’organisation du travail dans la commune de Commentry ; que le titre 2 de ce document traite des heures supplémentaires et des astreintes et présente, dans un tableau, les services susceptibles d’effectuer des heures supplémentaires ; que si le conseil municipal a, par délibération du 19 novembre 2008, validé le régime des astreintes, la commune a confirmé, par courrier électronique du 14 juin 2017, que l’assemblée délibérante ne s’était pas prononcée sur le régime des heures supplémentaires ; que le tableau figurant dans le règlement intérieur ne peut ainsi pris en considération comme constituant une liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d'heures supplémentaires décidée par le conseil municipal ;

Attendu qu’en présence de pièces justificatives ne présentant pas les spécifications exigées par l’annexe I du code général des collectivités territoriales, la comptable devait suspendre le paiement des mandats et informer l’ordonnateur ; qu’en s’abstenant de le faire elle a en conséquence engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire à hauteur de 72 595,85 € sur l’exercice 2013 ;

 

Sur le préjudice financier,

Attendu que le § VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 dispose que « Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n'a pas causé de préjudice financier à l'organisme public concerné, le juge des comptes peut l'obliger à s'acquitter d'une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en Conseil d'État en fonction du niveau des garanties mentionnées au II.

Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public, l'organisme public a dû procéder à l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers ou a dû rétribuer un commis d'office pour produire les comptes, le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;

Attendu que, dans sa réponse enregistrée au greffe le 24 avril 2017, le maire de Commentry ne remet pas en cause le bien-fondé du versement des IHTS et estime que la charge n’a pas porté un préjudice financier à la commune ;

Attendu que, dans sa réponse enregistrée au greffe le 28 avril 2017, Mme Catherine X... indique avoir agi en application d’une délibération exécutoire, claire et complète dans l’expression de la volonté du conseil municipal conduisant ainsi à l’absence de préjudice financier pour la commune de Commentry ; qu’elle indique par ailleurs ne pas avoir réglé au-delà de la somme décomptée ou à un mauvais destinataire mais bien à hauteur des mandats, le maire ayant, en signant les bordereaux de mandats, manifesté la volonté de la collectivité de faire bénéficier tout le personnel du régime indemnitaire voté par le conseil municipal et après avoir certifié le service fait, de leur payer ces indemnités ;

Attendu que la responsabilité de la comptable est engagée pour avoir payé sans effectuer les contrôles de la production des justifications ; que la justification de l’exactitude de la liquidation ou du caractère libératoire de la dépense ne peut venir en justification de l’absence de préjudice financier ;

 

Attendu qu’en application des dispositions de l’article D. 1617-23 du code général des collectivités territoriales, en signant les bordereaux de mandats, le maire certifie le service fait et atteste du caractère exécutoire des pièces justifiant les dépenses ; qu’il ne résulte pas de la règlementation qu’il se substitue ainsi au conseil municipal pour attester la volonté de la commune de verser l’indemnité en question ;

 

Attendu qu’il résulte du décret du 6 septembre 1991 mentionné précédemment, qu’il revient au conseil municipal de fixer le régime indemnitaire applicable à la commune ; qu’il doit alors fixer la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités et fixer la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d'heures supplémentaires ouvrant droit aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires ; qu’ainsi, comme le relève la jurisprudence de la Cour des comptes, faute d’une délibération complète et précise, la volonté de l’assemblée délibérante, seule compétente pour désigner les emplois pouvant bénéficier des indemnités, ne saurait être présumée ; que dès lors, les indemnités horaires pour travaux supplémentaires versées n’étaient pas dues et leur paiement a, du seul fait de son caractère indu, entraîné un préjudice financier pour la commune ;

Attendu que le manquement de la comptable à ses obligations de contrôle ayant ainsi causé un préjudice financier à la commune de Commentry, il y a lieu de prononcer à l’encontre de Mme Catherine X... un débet de 72 595,85 € au titre de sa gestion de l’exercice 2013, de même montant que les indemnités irrégulièrement et indument versées ;

Attendu qu’en application des dispositions de l’article 60-VIII de la loi précitée du 23 février 1963 prescrivant que les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de mise en jeu de la responsabilité du comptable, le débet de 72 595,85 € mis à la charge de Mme Catherine X... porte intérêts de droit à compter de la date du 20 mars 2017, de notification à l’intéressée du réquisitoire introductif de l’instance juridictionnelle ;

 

Sur le contrôle hiérarchisé de la dépense,

Attendu que l’article 60-IX de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 dispose que « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l'appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l'obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ;

Attendu que le plan de contrôle en vigueur pour l’année 2013 prévoit, pour la paie, un contrôle obligatoire a priori et exhaustif pour les entrants et, pour les autres éléments de paie, un contrôle indicatif a priori par sondage selon un tableau joint ; qu’il résulte de ce tableau que le paiement des primes des agents de la commune de Commentry devait faire l’objet d’un contrôle sur la paie des mois de janvier, juin et novembre ; que le respect du plan de contrôle sélectif aurait dû conduire la comptable à suspendre le paiement des indemnités horaires pour travaux supplémentaires mis en paiement sur les paies de janvier, juin et novembre 2013 ;

Attendu que le plan de contrôle de la dépense n’ayant pas été respecté, le ministre chargé du budget ne pourra faire remise gracieuse de l’intégralité du débet prononcés à l’encontre de Mme Catherine X..., dans le cadre de la présente instance juridictionnelle ;

 

Sur la situation des comptables,

Attendu qu’en conséquence des développements précédents, Mme Catherine X... ne pourra être déchargée de sa gestion du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013 qu’après avoir justifié de l’apurement, en principal et intérêts, du débet prononcé à son encontre ;

Par ces motifs,

Décide

Article 1 :

Mme Catherine X... est constituée débitrice envers la commune de Commentry de la somme de 72 595,85 € sur l’exercice 2013, augmentée des intérêts de droit au taux légal à compter de la date du 20 mars 2017 de notification du réquisitoire du procureur financier près la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes ;

 

Fait et délibéré en la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes, cinquième section, le dix-huit juillet deux mille dix-sept.

 

Présents :  M. Alain LAÏOLO, président de section, président de séance ;

Mme Sophie CORVELLEC, première conseillère ;

M. MARTIN Joris, conseiller.

 

 

la greffière

le président de séance

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Corinne VITALE-BOVET

Alain LAÏOLO

 

La République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

 

Voies et délais de recours :

 

Article R. 242-19 du code des juridictions financières : « Les jugements et ordonnances rendus par les chambres régionales des comptes peuvent être attaqués dans leurs dispositions définitives par la voie de l'appel devant la Cour des comptes ».

Article R. 242-22 du code des juridictions financières : « La requête en appel, signée par l'intéressé, doit être déposée ou adressée par lettre recommandée au greffe de la chambre régionale des comptes.

La requête doit contenir, à peine de nullité, l'exposé des faits et moyens, ainsi que les conclusions du requérant. Elle doit être accompagnée des documents sur lesquels elle s'appuie et d'une copie du jugement ou de l’ordonnance attaqué ».

Article R. 242-23 du code des juridictions financières : « L'appel doit être formé dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement ou de l’ordonnance (…) ».

1/10 – jugement n° 2017-0035