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COUR DES COMPTES
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QUATRIEME CHAMBRE
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PREMIERE SECTION
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Arrêt n° 53709
CENTRE COMMUNAL D’ACTION SOCIALE
DE TRUYES (INDRE-ET-LOIRE)
Appel d’un jugement de la chambre régionale des comptes du Centre
Rapport n° 2008-807-0
Audience du 18 décembre 2008
Lecture publique du 26 février 2009
LA COUR DES COMPTES a rendu l’arrêt suivant :
LA COUR,
Vu la requête, enregistrée le 8 octobre 2007 au greffe de la chambre régionale des comptes du Centre, par laquelle le CENTRE COMMUNAL D’ACTION SOCIALE (CCAS) DE TRUYES et la MAISON D’ACCUEIL RURAL POUR PERSONNES AGEES (MARPA) LE VERGER D’OR, ont élevé appel du jugement n° J 2007-0310 du 11 juillet 2007 par lequel ladite chambre a déchargé de sa gestion M. X, comptable du CCAS, pour la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2005 ;
Vu le réquisitoire du Procureur général en date du 22 janvier 2008 transmettant la requête précitée ;
Vu les pièces de la procédure suivie en première instance ;
Vu les éléments recueillis pendant l’instruction de l’appel ;
Vu le Code des juridictions financières ;
Vu le Code civil, notamment les articles 205 et suivants, 2011 et suivants ;
MNT
Vu le Code de la santé publique, notamment son article L. 6145-11 ;
Vu le Code de l’action sociale et des familles ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique ;
Vu le rapport de M. Geoffroy, conseiller référendaire ;
Vu les conclusions du Procureur général ;
Entendu, lors de l’audience publique du 18 décembre 2008, M. Geoffroy, rapporteur, en son rapport, M. Feller, avocat général, en ses conclusions, l’appelant, informé de la séance, n’étant ni présent, ni représenté ;
Entendu, en délibéré, M. Thérond, conseiller maître, en ses observations ;
Sur la recevabilité de la requête de la MARPA :
Attendu que la MARPA Le Verger d’Or est un service du CCAS de Truyes ; qu’elle ne dispose donc pas de la personnalité juridique ; qu’ainsi une requête présentée en son nom n’est pas recevable ;
Attendu que la requête du CCAS, présentée par son président habilité à cet effet par une délibération du conseil d’administration dudit CCAS en date du 11 septembre 2007, parvenue à la Cour avant la clôture de l’instruction est recevable ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Attendu qu'il résulte des pièces produites que le jugement attaqué du 11 juillet 2007 a été rendu au terme d'un délibéré auquel a participé le rapporteur ; que le rapporteur, en première instance, a la charge principale de procéder à l'instruction du dossier en prenant toutes mesures utiles pour éclairer et permettre à la formation collégiale de juger le compte ; qu'en conséquence, le principe d'impartialité applicable à toutes les juridictions administratives faisait obstacle à ce que ledit rapporteur participât aux délibérés portant sur les propositions contenues dans son rapport ; qu'il en résulte que la formation ayant prononcé le dit jugement était irrégulière ;
Attendu que ce moyen est d'ordre public ; qu'il doit donc être soulevé d'office ; que, dès lors, il y a lieu d'annuler le jugement dont est appel ;
Attendu que l'affaire est en état d'être jugée ; que, saisie de conclusions au fond par le requérant, la Cour est en mesure de l’évoquer ;
Sur le fond :
Sur les considérations générales invoquées par l’appelant :
Attendu que l’appelant allègue un « laxisme général » de M. X dans le recouvrement des recettes du CCAC au titre de la MARPA ; que, selon ledit appelant, le comptable ne pourrait justifier ni de l’utilisation effective de tous les moyens légaux de recouvrement dont il pouvait disposer, ni de diligences rapides propres à prévenir la disparition ou l’insolvabilité du redevable ; qu’il estime que cette situation a provoqué des pertes pour l’établissement ;
Attendu que le juge des comptes ne peut mettre en jeu la responsabilité du comptable au titre d’un « laxisme général » dans le recouvrement des recettes ; qu’il convient ainsi de s’en tenir à l’examen de l’exercice par le comptable de ses responsabilités pour le recouvrement des cinq créances citées par l’appelant ;
Sur la créance Y :
Attendu qu’une créance de 15 531,93 € correspondant au solde des loyers et frais de séjour à la MARPA de M. Y, pour les mois de juin 2002 à août 2003, augmentés des frais, figure à l’état des restes à recouvrer de l’exercice 2005 ;
Attendu que M. X, après sa prise de fonctions le 1er janvier 2003, a émis en juillet et octobre 2003 deux commandements de payer à l’encontre de M. Y, puis a opéré une saisie-vente et une saisie-attribution auprès d’un établissement bancaire ; que cette dernière a conduit à un recouvrement partiel ; que M. Y est décédé en octobre 2003 ; que M. X a déclaré la créance auprès du notaire chargé de la succession ; qu’un titre exécutoire été émis en juin 2004 à l’encontre d’une première héritière, mais que le règlement de la succession attendait encore, au moment de l’instruction du présent appel, l’ordonnance du juge des tutelles constatant explicitement l’acceptation ou la renonciation au bénéfice de la succession d’un second héritier mineur identifié par le notaire ;
Attendu qu’ainsi le non recouvrement intégral de la créance n’est pas imputable à un défaut de diligences du comptable ; que, de surcroît, la créance n’est pas définitivement compromise ; qu’ainsi la responsabilité de M. X ne peut être engagée au titre de cette créance ;
Sur la créance Z :
Attendu qu’une créance de 9 022,29 € correspondant au solde des loyers et frais de séjour à la MARPA de M. Z, pour les mois de mars à septembre 2005, augmentés des frais, figure à l’état des restes à recouvrer de l’exercice 2005 ;
Attendu que M. X a émis deux commandements de payer, en juin et octobre 2005, et diligenté une saisie-rémunérations en juillet 2005 ; qu’une répartition a été prononcée par le tribunal de grande instance de Paris ; qu’elle conduit à des versements, certes modestes, à cause de la faible quotité à répartir ;
Attendu qu’au surplus un recouvrement auprès de la caution solidaire de M. Z soulevait des difficultés particulières ; qu’en effet, l’existence même de la garantie était discutée par la personne réputée s’être portée caution ; que cette dernière a porté plainte pour faux et usage de faux ; que de surcroît, le cautionnement allégué n’a pas la forme d’un acte séparé annexé au contrat de séjour, contrairement au formalisme prévu ;
Attendu qu’ainsi, à la fin de l’exercice 2005, les diligences de M. X apparaissent réelles et suffisantes ; qu’au demeurant la créance n’a pas été compromise par l’inaction du comptable ; que sa responsabilité ne peut donc être engagée au titre de cette créance ;
Sur la créance A :
Attendu qu’une créance de 4 327,31 €, correspondant au solde des loyers et frais de séjour à la MARPA de Mme A, pour les mois d’août 2002 à mars 2003, figure à l’état des restes à recouvrer de l’exercice 2005 ;
Attendu que Mme A est décédée le 20 avril 2003, soit moins de quatre mois après la prise de fonctions, le 1er janvier 2003, de M. X ;
Attendu que les héritiers de Mme A ont renoncé au bénéfice de sa succession ; que le contrat de séjour de l’intéressée n’était pas assorti d’un cautionnement ; enfin, que, selon une jurisprudence judiciaire constante, le principe de non-arrérage des aliments fait obstacle au recouvrement des créances d’établissements publics médicaux ou médico-sociaux auprès d’éventuels obligés alimentaires, au titre des sommes échues avant l’assignation en justice desdits obligés ; qu’ainsi, le fait que la créance ait été définitivement compromise résulte de causes extérieures à l’action de M. X ; que sa responsabilité de ne peut donc être engagée au titre de cette créance ;
Sur la créance B :
Attendu qu’une créance de 4 327,31 €, correspondant au solde des loyers et frais de séjour à la MARPA de Mme B, pour l’exercice 2001, figure à l’état des restes à recouvrer de l’exercice 2005 ;
Attendu que Mme B est décédée le 16 janvier 2002, près d’un an avant la prise de fonctions de M. X ; que les héritiers de Mme B ont renoncé au bénéfice de sa succession ; que le contrat de séjour de l’intéressée n’était pas assorti d’un cautionnement ; enfin, que, selon une jurisprudence judiciaire constante, le principe de non-arrérage des aliments fait obstacle au recouvrement des créances d’établissements publics médicaux ou médico-sociaux auprès d’éventuels obligés alimentaires, au titre des sommes échues avant l’assignation en justice desdits obligés ;
Qu’ainsi, le fait que la créance soit définitivement compromise résulte de causes extérieures à l’action de M. X ; que sa responsabilité ne peut donc être engagée au titre de cette créance ;
Sur la créance C :
Attendu qu’une créance de 10 484,96 € correspondant au solde des loyers et frais de gestion dus par Mme C pour la période de décembre 2004 à septembre 2005, figure à l’état des restes à recouvrer de l’exercice 2005 ;
Attendu, toutefois, qu’il résulte de l’instruction que, depuis la fin de l’exercice 2005, cette créance a été intégralement et définitivement apurée ; que la collectivité est désormais désintéressée ; qu’ainsi, et sans qu’il soit besoin d’examiner les diligences de M. X, il n’y a pas lieu de mettre en jeu sa responsabilité au titre de cette créance ;
Par ces motifs,
STATUANT DEFINITIVEMENT
ORDONNE :
Art. 1er. - La requête présentée au nom de la MARPA de Truyes est irrecevable.
Art. 2. - Le jugement n° J 2007-0310 du 11 juillet 2007 est annulé en tant qu’il dispose pour M. X.
Art. 3. - L’affaire est évoquée devant la Cour des comptes.
Art. 4. - La requête du Centre communal d’action sociale de Truyes est rejetée.
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Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents, MM. Ganser, présidant la séance, Moreau, Billaud, Thérond, Ritz, Vermeulen, Maistre, et Martin, conseillers maîtres.
Signé : Ganser, président de section, et Reynaud, greffier.
Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Cour des comptes et délivré par moi, secrétaire générale.