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COUR DES COMPTES

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QUATRIEME CHAMBRE

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PREMIERE SECTION

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       Arrêt n° 53309

SYNDICAT INTERCOMMUNAL

D’ALIMENTATION EN EAU

POTABLE (SIAEP) de GUERBIGNY

(SOMME)

 

Appel d’un jugement de la chambre régionale des comptes de Picardie

 

Rapport n° 2008-203-1

 

Audience du 18 novembre 2008

 

Lecture publique du 23 janvier 2009

 

 

REPUBLIQUE FRANCAISE

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

LA COUR DES COMPTES a rendu l’arrêt suivant :

 

LA COUR,

Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2007 au greffe de la chambre régionale des comptes de Picardie, par laquelle M. X, président du SYNDICAT INTERCOMMUNAL D’ALIMENTATION EN EAU POTABLE (SIAEP) de GUERBIGNY (SOMME), a élevé appel du jugement n° 2007-0048-982 du 30 mai 2007 par lequel ladite chambre a déchargé de sa gestion M. Y, comptable dudit syndicat, pour l’exercice 2005 ;

Vu le jugement du 17 octobre 2006 par lequel la chambre régionale des comptes a déchargé M. Y de sa gestion du 1er juillet 2003 au 31 décembre 2004 ;

Vu l’arrêt n° 51727 du 22 mai 2008 par lequel la Cour des comptes, statuant définitivement, a infirmé le jugement du 30 mai 2007 précité, puis, statuant provisoirement, a enjoint à M. Y de justifier du reversement dans les caisses du SIAEP de la somme de 35 903,67 € ou de fournir toute explication à décharge dans un délai de deux mois ; 

CR

 

Vu le titre exécutoire de 47 505,22 € émis le 24 novembre 2005 par le SIAEP de Guerbigny à l’encontre de Mme Z ;

Vu les pièces de la procédure suivie en première instance et pendant la procédure d’appel ;

Vu la réponse de M. Y, en date du 19 juillet 2008, à l’arrêt n° 51727 du 22 mai 2008, transmise à la Cour par courrier du trésorier-payeur-général de la région Picardie et de la Somme, en date du 21 juillet 2008 ;

Vu le code civil, et notamment son article 1256 ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

Vu le Code des juridictions financières ;

Vu le rapport de M. Philippe Geoffroy, conseiller référendaire ;

Vu les conclusions du procureur général de la République ;

Entendu, lors de l’audience publique de ce jour, M. Geoffroy, rapporteur, en son rapport, M. Filippini, avocat général, en ses conclusions, M. Y, comptable du SIAEP et l’appelant, informés de l’audience, n’étant ni présents ni représentés ;

Entendu, en délibéré, M. Moreau, président de section, en ses observations ;

Attendu que Mme Z, employée du SIAEP, a détourné des fonds dudit syndicat en 2004 et 2005 ; que des sommes destinées à des fournisseurs ont été virées par le comptable sur des comptes bancaires détenus par l’intéressée en place de ceux des véritables créanciers ; que ce détournement n’a pas été empêché, du fait des lacunes du contrôle du comptable sur les mandats concernés ; 

 

Attendu qu’en application de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée susvisée, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du paiement des dépenses et des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière de dépenses, dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique, et que leur responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve engagée dès lors qu'une dépense a été irrégulièrement payée ;

Attendu qu’en application de l’article 12 du décret n° 62-1587 susvisé, les comptables sont tenus d’exercer, en matière de dépenses, le contrôle du caractère libératoire du règlement ; que ce contrôle porte, en particulier, sur l’identité du bénéficiaire du paiement et, dans le cas d’un virement bancaire, sur l’exactitude des coordonnées du compte ;

Attendu que la réalité des détournements de fonds publics est établie par les pièces figurant au dossier, pour des montants de 11 601,55 € en 2004 et 35 903,67 € en 2005 ; qu’ainsi les paiements effectués à ce titre n’avaient pas de caractère libératoire ;

Attendu que ces détournements ont été permis par la substitution par Mme Z de son nom ou ses initiales et de ses coordonnées bancaires propres à ceux et celles de fournisseurs, sur les données figurant dans les disquettes informatiques transmises à la Trésorerie de Montdidier parallèlement au dossier papier ; 

Attendu que M. Y fait valoir que les contrôles de rapprochement des pièces justificatives et des mandats matériels ont bien été effectués, mais que la méthode de détournement reposait sur la seule distorsion entre les coordonnées figurant sur les supports informatiques, d’une part, sur les supports papier, de l’autre ; 

Attendu que, pour les mandats incriminés, le comptable ne s’est pas assuré que l’identité du créancier et ses coordonnées bancaires transmises par voie dématérialisée et utilisées pour la mise en paiement étaient identiques à celles correspondant aux informations portées sur les pièces justificatives matérielles venant à l’appui des mandats ; que ces contrôles étaient possibles avant la mise en paiement, en rapprochant les données informatiques affichées par les logiciels et celles figurant sur les pièces ; qu’ainsi le contrôle du comptable au sens de l’article 12 du décret n° 62-1587 susvisé a été défaillant ;

Sur les mandats irrégulièrement payés au titre desquels cette responsabilité peut être engagée :

Attendu que M. Y a été déchargé de sa gestion au 31 décembre 2004 par le jugement du 17 octobre 2006 susvisé ; que dès lors sa responsabilité ne peut être engagée au titre de mandats antérieurs au 1er janvier 2005 ; 

Attendu ainsi que les mandats suivants ont été payés irrégulièrement, pour un montant total de 35 903,67 € ; que ce montant correspond au manquant dans la caisse du SIAEP, dont le comptable est personnellement et pécuniairement responsable ;

Bénéficiaire porté sur le mandat

N° de mandat

Date du paiement

Montant

SICAE

47

17/02/2005

4 094,61 €

SICAE

68

11/03/2005

3 493,10 €

SOCCA

120

11/04/2005

1 962,88 €

PERSOHN

122

13/04/2005

3 139,88 €

ELSTER

156

02/05/2005

1 318,59 €

SOCCA

172

23/05/2005

2 320,26 €

WATEAU

175

23/05/2005

2 159,98 €

SOCCA

206

10/06/2005

6 305,23 €

SICAE

263

12/07/2005

1 919,27 €

SOVAL

293

12/08/2005

9 189,87 €

Ensemble

 

 

35 903,67

 

Attendu que le titre exécutoire de 47 505,22 € émis le 24 novembre 2005 par le SIAEP à l’encontre de son employée au titre de la répétition de l’indu correspond au cumul des montants détournés en 2004 et 2005 ; que les versements devant être effectués par l’employée en vue d’éteindre sa dette à l’égard du SIAEP ont vocation à s’imputer en priorité sur les dettes les plus anciennes, en application de l’article 1256 du Code civil ; que les versements qui viendraient s’imputer sur les montants détournés en 2005 viendraient en déduction de la somme due par le comptable au titre de sa responsabilité pécuniaire ;

Sur une éventuelle décharge de responsabilité tenant à l’émission d’un titre exécutoire à l’encontre de Mme Z :

Attendu que M. Y fait valoir, tant dans son mémoire en réplique que dans sa réponse à l’arrêt provisoire de la Cour, qu’un titre de recettes exécutoire a été émis à l’encontre de l’intéressée et qu’il a commencé à faire l’objet de recouvrements ; qu’il sollicite, dans sa réponse à l’arrêt provisoire, la levée de l’injonction et sa transformation en réserve ;

Attendu, toutefois, d’une part, que l’émission d’un titre de recettes à l’encontre de l’auteur d’un détournement de fonds publics ne fait pas obstacle au principe de mise en jeu de la responsabilité pécuniaire du comptable qui, par ses négligences, a permis ou facilité ce détournement ; d’autre part, qu’il n’y a pas lieu à réserve dans la mesure où la question de l’allocation des dépenses correspondantes est en l’état d’être jugée et ne nécessite pas d’investigations ultérieures du juge des comptes ;

Attendu ainsi que M. Y doit être tenu de justifier du reversement de
35 903,67 €, que ce soit par l’employée au titre des détournements commis en 2005 ou par lui-même ;

Par ces motifs,

STATUANT DEFINITIVEMENT

ORDONNE :

M. Y est déclaré débiteur des deniers du SIAEP pour une somme de 35 903,67 €, correspondant au total du montant des mandats susvisés, augmentée des intérêts de droit à compter du 22 mai 2008.

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Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents, MM. Pichon, président, Moreau, président de section, MM. Billaud, Ganser, Ritz, Bernicot, Martin, et Mme Gadriot-Renard, conseillers maîtres.

Signé : Pichon, président, et Reynaud, greffier.

Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Cour des comptes.

En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique, de prêter main forte, lorsqu’ils en seront légalement requis. 

Délivré par moi, secrétaire générale.