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COUR DES COMPTES

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PREMIERE CHAMBRE

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PREMIERE SECTION

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Arrêt n° 55576

DIRECTION DES SERVICES FISCAUX

DE SEINE-SAINT-DENIS

 

RECETTE PRINCIPALE

DE MONTREUIL-OUEST

 

Exercice 2002

 

Rapport n° 2009-343-0

 

Audience publique du 3 juin 2009

 

Lecture publique du 24 novembre 2009

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DES COMPTES a rendu l’arrêt suivant :

LA COUR,

Vu l’arrêt n°50572 du 21 novembre 2007, envoyé à fin de notification le  14 mai 2008, par lequel elle a statué provisoirement sur la gestion des comptables des impôts de la direction des services fiscaux de la Seine-Saint-Denis pour les exercices 2002 à 2005 

Vu les justifications produites en exécution dudit arrêt ;

Vu les pièces justificatives recueillies au cours de l'instruction ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le décret n° 77-1017 du 1er septembre 1977 relatif à la responsabilité des comptables des administrations financières ;

RB

Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu l'arrêté modifié n° 06-346 du 10 octobre 2006 du premier président de la Cour des comptes portant création et fixant la composition des sections au sein de la Première chambre ;

Sur le rapport de M. Deconfin, conseiller maître ;

Vu les conclusions n° 301 du 22 avril 2009 du procureur général de la République ;

Vu la lettre du 19 mai 2009 informant M. X de la date de la présente audience ;

Entendu à l’audience publique de ce jour, M. Deconfin, en son rapport oral, et M. Perrin, avocat général, en ses conclusions orales, M. X ne s’étant pas présenté à l’audience ;

Ayant délibéré hors la présence du rapporteur et du ministère public et après avoir entendu M. Xavier-Henri Martin, conseiller maître, en ses observations ;

STATUANT DEFINITIVEMENT,

ORDONNE :

Débet

M. X, comptable

Exercice 2002

Attendu que M. Y a été déclaré en liquidation judiciaire le 7 août 2002 par jugement publié au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales du 29 août 2002 ;

Attendu que M. Y a déposé une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée le 27 novembre 2002, au titre du mois d’août 2002, pour un montant de 156 616  ; que cette créance n’a pas été produite au passif de la procédure collective ;

Attendu qu’une demande de relevé de forclusion a été adressée au président du tribunal de commerce ; que cette demande a été rejetée par ordonnance du juge commissaire du 2 septembre 2003 ; qu’il a été fait appel de cette décision ;

Attendu que, par un arrêt en date du 18 juin 2004, la Cour d’appel de Paris a débouté le comptable au motif que « si le receveur principal ne pouvait connaître, dans les deux mois suivant la publication du jugement d’ouverture de la procédure, le montant exact de sa créance au titre de la taxe sur la valeur ajoutée afférent à la période en question, puisque le débiteur ne déposera qu’ultérieurement sa déclaration, il lui appartenait de demander, dans ce délai, à être admis à titre provisionnel, fût-ce pour un montant inférieur à celui que fera apparaître la déclaration du débiteur, la déclaration provisionnelle étant susceptible d’être complétée, toujours dans le même délai ; que le receveur principal, qui n’a pas effectué de déclaration provisionnelle, ne démontre pas que sa défaillance ne lui soit pas imputable » ;

Attendu que l’absence de diligence de M. X ayant définitivement compromis le recouvrement de la créance, éteinte depuis le 30 octobre 2002, il a été enjoint à M. X, par l’arrêt précédent du 21 novembre 2007, d’apporter la preuve du versement de ses deniers personnels, au titre de sa gestion pendant l’année 2002, de la somme de 156 616 euros, ou toute justification à décharge ;

Attendu qu’en réponse à l’injonction prononcée, le comptable indique que l’inspection de fiscalité professionnelle n’a pas estimé opportun de transmettre à la recette une déclaration provisionnelle, estimant que l’entreprise était à jour dans le dépôt de ses obligations déclaratives ; que la procédure a été clôturée pour insuffisance d’actif le 9 décembre 2008 et que le Trésor ne participera plus aux répartitions éventuelles du fait de l’extinction de la créance non produite dans les délais ;

Considérant que la décision de l’inspection de fiscalité professionnelle de ne pas transmettre à la recette une déclaration provisionnelle ne peut exonérer le comptable de sa responsabilité, celui-ci étant seul responsable du recouvrement des droits ; que de même le montants des sommes disponibles pouvant être versées aux créanciers sont sans incidence sur la responsabilité du comptable dans le recouvrement des créances ;

Considérant que M. X a déclaré au passif de la procédure une créance de 359 744,78 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée due jusqu’au 31 juillet 2002 ; que cette créance a été admise au passif ; que M. Y a déposé le 27 novembre 2002 une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée pour les sept premiers jours du mois d’août 2002 ; qu’à la suite du dépôt de cette déclaration, le comptable a émis le 17 janvier 2003 un avis de mise en recouvrement pour une somme de 158 616 euros afférente à la période du 1er au 7 août 2002, date de l’ouverture de la liquidation judiciaire ; que cette créance n’a pas été produite au passif ;

 

Considérant que d’après l’article 1 du décret n° 77-1017 du 1er septembre 1977 relatif à la responsabilité des receveurs des administrations financières : « Les receveurs des administrations financières sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des droits régulièrement liquidés dont la perception leur est confiée » ; que  pour assurer le recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée régulièrement liquidée après la fin du délai de  deux mois suivant la publication du jugement d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, le  comptable devait faire application de l’article L 621-43 du code de commerce dans sa rédaction en vigueur à la date d’ouverture de la liquidation judiciaire ; que cet article dispose : « A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au représentant des créanciers…La déclaration des créances doit être faite alors même qu’elles ne sont pas établies par un titre. Les créances du Trésor public…qui n’ont pas fait l’objet d’un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré. En tout état de cause, les déclarations du Trésor et de la Sécurité sociale sont toujours faites sous réserve des impôts et autres créances non établis à la date de la déclaration. Sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu à l’article L. 621103 » ;

Considérant que la créance de taxe sur la valeur ajoutée afférente à la période du 1er au 7 août 2002 a son origine antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure et a donné lieu à un avis de mise en recouvrement après la fin du délai de deux mois imparti à compter de la publication du jugement d’ouverture de la procédure, pour la déclaration des créances ; que dans ces conditions le comptable devait déclarer cette créance au passif de la procédure, à titre provisionnel, dans ce délai de deux mois ; que n’ayant pas connaissance du montant exact de la taxe à la valeur ajoutée due, il lui appartenait d’évaluer un montant en prenant comme référence la somme déclarée au titre du mois de juillet 2002, par exemple le quart de cette somme ;

Considérant qu'aux termes de l'article 60 modifié susvisé de la loi n° 63-156 du 23 février 1963, dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er juillet 2007, date d’entrée en vigueur de l’article 146 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006, de finances rectificative pour 2006 « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes… » (paragraphe I, 1er alinéa) ; cette « responsabilité personnelle et pécuniaire… se trouve engagée dès lors… qu'une recette n'a pas été recouvrée… » (paragraphe I, 3ème alinéa) ; « le comptable public dont la responsabilité pécuniaire est mise en jeu a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels une somme égale …au montant de la perte de recette subie… » (paragraphe VI) ; « le comptable public dont la responsabilité pécuniaire est mise en jeu et qui n'a pas versé la somme prévue au paragraphe VI cidessus peut être constitué en débet… par arrêt… du juge des comptes » (paragraphe VII) ;

Considérant que la responsabilité du comptable du fait du recouvrement des recettes s’apprécie au regard de l’étendue de ses diligences qui doivent être rapides, complètes et adéquates ; qu’en ne déclarant pas à titre provisionnel la créance en temps utile, le comptable ne s’est pas acquitté de ses obligations et a donc engagé sa responsabilité ;

Considérant que M. X n’a ni satisfait à l’injonction de versement prononcée par l’arrêt susvisé du 21 novembre 2007, ni fourni de justification à décharge, fondée ; qu’il se trouve dans le cas prévu par le paragraphe VII de l’article 60 précité de la loi du 23 février 1963 ; qu’il y a donc lieu de le constituer débiteur de l’État de la somme de 156 616 euros ;

Considérant que d’après le paragraphe VIII de l’article 60 modifié de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 : « Les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; que le premier acte de mise en jeu de la responsabilité du comptable est l’arrêt n° 50572 par lequel une injonction de versement lui a été adressée ; que cet arrêt a été notifié au comptable le 14 mai 2008 ;

Par ces motifs,

- l’injonction unique de l’arrêt susvisé du 21 novembre 2007 est levée.

- M. X est constitué débiteur envers l'État de la somme de cent cinquante-six mille six cent seize euros, augmentée des intérêts de droit à compter du 14 mai 2008.

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Fait et jugé en la Cour des comptes, première chambre, première section, le six juin deux mille neuf. Présents : MM. Malingre, président de section, Xavier-Henri Martin, Mme Moati, M. Lair et Mme Dos Reis, conseillers maîtres.

Signé : Malingre, président de section, et Rackelboom, greffier.

Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Cour des comptes.


En conséquence, la République mande et ordonne à tous les huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près des tribunaux de grande instance, d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de force publique, de prêter main-forte, lorsqu’ils en seront légalement requis.

Délivré par moi, secrétaire générale.

 

Pour la Secrétaire générale

et par délégation

le Chef du Greffe Central par intérim

 

 

 

 

 

Catherine PAILOT-BONNÉTAT

Conseillère référendaire