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COUR DES COMPTES
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QUATRIEME CHAMBRE
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PREMIERE SECTION
Arrêt n° 3662
CENTRE D’AIDE PAR LE TRAVAIL
DE LA BREOTIERE
SAINT MARTIN D’ARCE
(MAINE ET LOIRE)
Appel d’un jugement de la chambre régionale des comptes des Pays-de-la-Loire
Rapport n° 2008-696-0
Audience du 18 novembre 2008
Lecture publique du 26 février 2009
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DES COMPTES a rendu l’arrêt suivant :
LA COUR,
Vu les requêtes, enregistrées respectivement les 22 et 25 janvier 2008 au greffe de la chambre régionale des comptes des Pays-de-la-Loire, par lesquelles MM. X et Y, comptables du CENTRE D’AIDE PAR LE TRAVAIL (CAT) DE LA BREOTIERE (MAINE ET LOIRE), respectivement du 1er janvier au 31 décembre 1997, et du 2 mars 1998 à 2003, ont élevé appel et demandé le sursis à exécution du jugement du 20 septembre 2007 par lequel ladite chambre les a constitués débiteurs des deniers du CAT de la Bréotière pour les sommes de 2489,77 €, 2383,56 €, 472,59 € et 2346,72 € pour M. X, et 17879,78 €, 7137,32 €, 3298,49 € et 5604,88 € pour M. Y, augmentées des intérêts de droit à compter du 26 octobre 2006 ;
Vu les réquisitoires du Procureur général, en date des 19 février et 27 mars 2008, transmettant les requêtes précitées ;
Vu les pièces de la procédure suivie en première instance ;
Vu les textes relatifs aux établissements sociaux et médicaux-sociaux et notamment la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le rapport de Mme Démier, conseillère référendaire ;
Vu les conclusions du Procureur général ;
Entendu, lors de l’audience publique de ce jour, Mme Démier, rapporteur, en son rapport, M. Filippini, avocat général, en ses conclusions, les appelants, informés de l’audience, n’étant ni présents ni représentés ;
Entendu, en délibéré, M. Moreau, président de section, en ses observations ;
Attendu que les requêtes contestent les débets des deux requérants en des termes identiques et articulent les mêmes moyens ; que leur examen peut donc être joint en un seul et même arrêt ;
Sur les demandes de sursis à exécution
Attendu que les appels sont en état d'être jugés ; qu’il n’y a dès lors pas lieu à statuer sur les demandes de sursis à exécution ;
Sur la procédure
Attendu que les requérants soutiennent que, compte tenu des poursuites judiciaires engagées contre le directeur du CAT, ils n’auraient pu avoir accès à certaines pièces qui avaient été saisies ; que cette situation aurait dû conduire ladite Chambre à prononcer une réserve générale plutôt qu’un jugement sur les comptes ;
Attendu toutefois que les requérants ne font précisément état d’aucune pièce qui leur aurait fait défaut pour apporter les justifications requises par la chambre régionale des comptes ; qu’en tout état de cause, le jugement du 20 septembre 2007 dont est appel maintient une réserve sur les gestions des appelants ; que, dès lors, la procédure ne peut être jugée irrégulière ;
Sur le fond
Attendu que, par le jugement du 20 septembre 2007 précité, la chambre régionale des comptes des Pays-de-la-Loire, jugeant les comptes des exercices 1997 à 2003, a déclaré MM. X et Y, comptables du Centre d’aide par le travail de la Bréotière (Maine et Loire), respectivement du 1er janvier au 31 décembre 1997, et du 2 mars 1998 à 2003, débiteurs des deniers du CAT de la Bréotière pour les sommes de 2 489,77 € (injonction n° 1), 2 383,56 € (injonction n° 4), 472,59 € (injonction n° 10) et 2 346,72 € (injonction n° 12) pour M. X, et
17 879,78 € (injonction n° 3), 7 137,32 € (injonction n° 6), 3 298,49 € (injonction n° 11) et
5 604,88 € (injonction n° 14) pour M. Y, augmentées des intérêts de droit ; que les montants ainsi présentés sont relatifs respectivement, tant pour l’un que pour l’autre comptable, à des dépenses de carburant et d’entretien de véhicules, des paiements effectués au vu de factures libellées au nom de tiers au CAT, à des dépenses d’entretien ou de soins à des chevaux n’appartenant pas au CAT et non couverts par une convention et des dépenses d’entretien ou de soins à des chevaux présumés appartenir à l’ancien directeur du CAT ;
1) Sur les dépenses de carburant et d’entretien de véhicule :
Attendu que, par le jugement du 20 septembre 2007 précité, la chambre régionale des comptes a constitué les deux requérants débiteurs du CAT de la Bréotière pour avoir payé diverses factures de carburant et d’entretien du camion immatriculé 596 WE 49, pour les montants de 2 489,77 € (M. X) et de 17 879,78 € (M. Y) ;
Attendu que les requérants soutiennent qu’ils étaient fondés à payer lesdites dépenses parce que les factures étaient libellées au nom de l’établissement et qu’il ne leur appartenait pas d’en discuter la légalité externe ;
Attendu toutefois qu’ils devaient procéder aux vérifications nécessaires sur la validité de la créance ; qu’il leur est reproché d’avoir manqué sur ce point à leurs obligations ; qu’ainsi, le moyen avancé est inopérant ;
Attendu que les requérants affirment par ailleurs que l’imputation comptable des dépenses était correcte et que des crédits étaient disponibles ;
Attendu qu’il ne leur est fait aucun reproche sur ces différents points par le jugement dont est appel ; qu’ainsi ces moyens sont inopérants ;
Attendu qu’ils exposent qu’aucun marché n’avait été conclu par le CAT dont l’objet aurait limité la fourniture des carburants aux véhicules de l’établissement ;
Attendu, toutefois, que, pour payer des dépenses d’entretien et de carburant pour un véhicule n’appartenant pas au CAT, le comptable devait détenir une pièce justifiant la prise en charge desdites dépenses, à savoir une délibération du conseil d’administration ou une délégation explicite au directeur ; qu’en s’abstenant de suspendre les paiements pour obtenir une telle pièce, nonobstant l’inexistence par ailleurs d’un marché, les comptables ont en effet engagé leur responsabilité ; que leur requête sur ce point ne peut être accueillie ;
2) Des paiements effectués au vu de diverses factures libellées au nom de tiers au CAT :
Attendu que, par le jugement du 20 septembre 2007 précité, la chambre régionale des comptes a constitué les deux requérants débiteurs du CAT de la Bréotière pour avoir payé diverses factures libellées au nom de tiers au CAT, pour les montants de 2 383,56 € (M. X) et de 7 137,32 € (M. Y) dans le cadre d’une convention, passée par le directeur avec l’association Etrier Baugeois le 12 juillet 1991, sans que ledit directeur en ait été autorisé par une délibération exécutoire du conseil d’administration du CAT ;
Attendu que les requérants soutiennent que le directeur du CAT « disposait d’un pouvoir de portée générale qui le dispensait de demander une autorisation expresse du conseil d’administration lorsqu’il a conclu la convention litigieuse » ; qu’au demeurant, ledit conseil a évoqué l’existence de cette convention à plusieurs reprises ;
Attendu que par délibération n° 27 du 19 novembre 1987, le conseil d’administration du CAT a décidé que l’ordonnateur du CAT était autorisé « à contracter tout bail de biens meubles et immeubles (terres ou matériel) nécessaires au bon fonctionnement de l’établissement » ; que la convention du 12 juillet 1991 porte en effet sur la location ou bail des terrains, installations et matériels de l’association « l’Etrier Baugeois » aux fins d’utilisation par le CAT ; qu’elle prévoit, notamment, la prise en charge par le CAT des taxes foncières, en conservant l’appellation « l’Etrier Baugeois » dans le nom de l’exploitation ; que, dès lors, la convention signée par le directeur dans le cadre de sa délégation constituait une pièce justificative suffisante pour le paiement des factures visées par le jugement de la chambre régionale des comptes dont est appel ; que ledit jugement doit être infirmé sur ce point ;
3) Sur le paiement de dépenses d’entretien ou de soins à des chevaux :
Attendu que, par le jugement du 20 septembre 2007 précité, la chambre régionale des comptes a constitué les deux requérants débiteurs du CAT de la Bréotière pour avoir payé dans des condition irrégulières, diverses factures, pour les montants de 472,59 € et 2 346,72 € (injonctions n° 10 et 12 : M. X), d’une part, de 3 298,49 € et 5 604,88 € (injonctions
n° 11 et 14 : M. Y), d’autre part, destinées à régler des dépenses d’entretien ou de soins à des chevaux identifiés par leur nom dans les mandats relevés par le jugement dont est appel ;
Attendu que les requérants soutiennent qu’ils ne « disposaient au moment où ils ont procédé aux paiements litigieux d’aucun élément susceptible de leur permettre d’envisager que les chevaux n’appartenaient pas à l’établissement », notamment que certains d’entre eux appartenaient personnellement au directeur du CAT ;
Attendu, toutefois, que la convention passée entre le CAT et l’association « l’Etrier Baugeois » précisait expressément, dans son article 8 « Conditions particulières », que les « chevaux propriété du bailleur seront soignés et ferrés sous la responsabilité du preneur qui en assurera la charge financière » ; qu’il appartenait dès lors, pour le paiement des factures afférentes à de telles opérations, à l’ordonnateur mais aussi au comptable d’identifier le propriétaire des chevaux concernés, qu’il s’agisse du CAT, de l’association bailleur ou de tout autre propriétaire à qui la dépense devrait être refacturée ; qu’à défaut de posséder les éléments permettant d’identifier le débiteur final, il appartenait au comptable de suspendre le paiement et de les demander à l’ordonnateur ; que dès lors le moyen avancé par les requérants ne peut être retenu ;
Par ces motifs,
STATUANT DEFINITIVEMENT,
ORDONNE :
Article 1 : La requête de M. X est admise pour ce qui concerne le débet relatif à l’injonction n° 4 d’un montant de 2 383,56 €.
Le jugement du 20 septembre 2007 de la chambre régionale des comptes des Pays-de-la-Loire est confirmé pour les débets de 2 489,77€ (injonction n° 1), 472,59 € (injonction n° 10) et 2 346,72 € (injonction n° 12), augmentés des intérêts de droit à compter du 26 octobre 2006.
Article 2 : La requête de M. Y est admise pour ce qui concerne le débet relatif à l’injonction n° 6 d’un montant de 7 137,32 €.
Le jugement du 20 septembre 2007 de la chambre régionale des comptes des Pays-de-la-Loire est confirmé pour les débets de 17 879,78 € (injonction n° 3), 3 298,49 € (injonction n° 11) et 5 604,88 € (injonction n° 14), augmentés des intérêts de droit à compter du 26 octobre 2006.
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Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents : MM. Pichon, président, Moreau, président de section, Billaud, Ganser, Ritz, Vermeulen, Martin et Mme Gadriot-Renard, conseillers maîtres.
Signé : Pichon, président, et Reynaud, greffier.
Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Cour des comptes.
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance, d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique, de prêter main-forte, lorsqu’ils en seront légalement requis.
Délivré par moi, secrétaire générale.