COUR DES COMPTES

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CHAMBRES REUNIES

 

FORMATION RESTREINTE

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       Arrêt n° 56111

GESTION DE FAIT DES DENIERS DE L'ETAT (MINISTERE EN CHARGE DE L'ENVIRONNEMENT "SOCIETE DE MATHEMATIQUES APPLIQUEES ET DE SCIENCES HUMAINES (SMASH)"

 

 

Rapport n° 2009-487-0

 

Audience du 15 juillet 2009

 

Lecture publique du 21 septembre 2009

 

 

A R R E T

LA COUR,

Vu les arrêts n° 17746, 17747 et 17748 du 22 octobre 1997 par lesquels la Cour a déclaré provisoirement Mme X, conjointement et solidairement avec d’autres personnes, comptable de fait des deniers de l’Etat, à raison des opérations exécutées en application de subventions de recherche à la société de mathématiques appliquées et de sciences humaines (SMASH) entre 1992 et 1994 ;

Vu les arrêts n° 22371, 22372 et 22373 du 18 février 1999 par lesquels la Cour a déclaré à titre définitif Mme X comptable de fait des deniers de l’Etat, conjointement et solidairement avec d’autres personnes ;

Vu la décision du 13 février 2002 par laquelle le Conseil d’Etat a annulé les trois arrêts de 1999 susvisés ;

Vu les décisions du Premier président du 30 décembre 2004 et du 17 octobre 2006 désignant successivement comme rapporteur, M. Giannesini, conseiller référendaire, puis M. Bredin, auditeur ;

MJ

Vu la lettre du 6 février 2008 par laquelle Mme X a produit ses observations à la Cour ;

Vu l’ensemble des pièces versées au dossier d’instruction ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifié ;

Vu la loi n° 2001-1248 du 21 décembre 2001, publiée le 26 décembre 2001, relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes, notamment son article 38 ;

Vu la loi n° 2008-1091 du 28 octobre 2008 relative à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes, notamment son article 34 ;

Vu l’arrêté n° 09-001 du 12 janvier 2009 du Premier président constituant pour l’année judiciaire 2009 les formations plénière et restreinte des chambres réunies ;

Vu le code des juridictions financières ;

Après avoir entendu en séance publique :

-          le rapport de M. Bredin, conseiller référendaire,

-          les conclusions de M. le Procureur général,

-          les observations de Mme X, représentée par Me Farge, avocate au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, qui a eu la parole en dernier.

Entendu en délibéré, hors la présence du rapporteur et du ministère public, M. Cazanave, conseiller maître, en ses observations ;

 

Sur la procédure :

Attendu que, conformément à l'article 34 de la loi du 28 octobre 2008 susvisée, les dispositions de ladite loi ne s'appliquent pas aux procédures "en cours ayant donné lieu à des décisions juridictionnelles prises à titre provisoire et notifiées avant le 1er janvier 2009" ;

Attendu qu'après l'annulation par le Conseil d'État des arrêts du 18 février 1999, la Cour doit désormais donner suite aux arrêts provisoires du 22 octobre 1997, lesquels comportent bien des dispositions provisoires notifiées avant le 1er janvier 2009 ; que dès lors, la procédure applicable est celle antérieure à la loi du 28 octobre 2008 ;

 

Sur la jonction des affaires

Attendu que le juge de cassation, à la suite de l'annulation des arrêts précités, a renvoyé les trois affaires devant la Cour des comptes par une décision unique ; que dès lors ces trois affaires peuvent être jointes pour qu'il soit statué par un seul arrêt ;

 

Sur les conclusions à fin d’annulation des arrêts provisoires

Attendu que l'exposante demande l'annulation des trois arrêts du 22 octobre 1997, par lesquels la Cour l'a déclarée provisoirement comptable de fait, solidaire et conjointe, des deniers de l'Etat, en tant que ces arrêts auraient été rendus par une formation de jugement irrégulièrement composée ;

Attendu que les arrêts provisoires de la Cour ne peuvent faire l'objet d'un pourvoi en cassation, l'article R. 143-3 du code des juridictions financières, dans sa rédaction alors en vigueur, n'ouvrant cette voie de recours que "pour vice de forme, incompétence ou violation de la loi des arrêts définitifs rendus par la Cour des comptes" ; que les arrêts provisoires de la Cour ne pouvaient davantage être réformés par la voie du recours en révision, l'article R. 143-2 du code des juridictions financières prévoyant alors que "la Cour des comptes peut procéder à la révision d'un arrêt définitif, pour cause d'erreur, omission, faux ou double emploi" ;

Attendu en outre que l'exposante n'a pas discuté la régularité desdits arrêts provisoires, comme elle en avait la faculté, durant la phase contradictoire de l'instruction devant la Cour, close par le prononcé des arrêts définitifs du 18 février 1999 ; que l'intéressée n'a d'ailleurs pas davantage saisi, dans les délais de recours contentieux, le juge de cassation de moyens en ce sens à l'appui de son pourvoi ;

Attendu que la Cour n'a pas compétence pour prononcer l'annulation desdits arrêts provisoires ; qu'ainsi, les conclusions doivent être rejetées ;

 

 

Sur la prescription de l’action publique

Attendu que l'exposante demande à la Cour de constater l'extinction de l'action en déclaration de gestion de fait ;

Attendu toutefois que la prescription a été interrompue notamment par l'audition de Mme X par la Cour le 17 février 1999 ; qu'elle a en outre été suspendue par le renvoi de l'affaire, décidé le 13 février 2002 par le Conseil d'État, devant les chambres réunies ;

Attendu que dès lors, la demande de la requérante ne peut qu'être rejetée ;

 

Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer

Attendu que le Conseil d’Etat a annulé le 13 février 2002 les trois arrêts du 18 février 1999 "en tant qu’ils déclarent Mme X, conjointement et solidairement avec d’autres personnes, comptable de fait des deniers de l’Etat" ; que cette décision a été notifiée à tous les gestionnaires de fait, savoir Mme X, MM. Y, Z, A, B, C, D, E, F, G, H et la SMASH ;

Attendu que si Mme X était seule requérante, l’annulation par le Conseil d'État des arrêts définitifs rendus par la Cour en 1999 produit nécessairement ses effets sur l'ensemble des comptables de fait, puisqu'ils ont été déclarés conjoints et solidaires ;

Attendu que le Conseil d'État a jugé que "les affaires sont renvoyées devant la Cour des comptes" ; que la Cour est ainsi appelée à se prononcer, en juillet 2009 sur une gestion de fait, à l'encontre de Mme X, de la SMASH, de MM. Y, Z, A, B, C, D, E, F, G et H résultant de l'attribution de subventions à la société de mathématiques appliquées et de sciences humaines (SMASH) entre 1992 et 1994 ;

Attendu qu’il appartient à la Cour d’apprécier les circonstances de l’affaire, au vu du dossier dont elle dispose ; que ce dossier, qui comporte notamment les comptes d'emploi des subventions à la SMASH, fait bien ressortir un système organisé de financement occulte, mis en place au ministère chargé de l'environnement, par les administrations et les cabinets successifs et qui impliquait un ensemble d'agents publics en fonctions ;

Attendu toutefois que si le périmètre du financement occulte n’est pas contesté, pour les années vérifiées par la Cour, la détermination, en 2009, des responsabilités respectives des personnes impliquées, et de toutes autres, pour des faits datant de 14 à 17 ans, serait très incertaine à établir ; que dans ces conditions, la cause des intéressés ne pourrait être entendue et jugée équitablement ;

Attendu en outre que les délais écoulés depuis 1999, notamment après la production à la Cour depuis dix ans, des comptes d'emploi des subventions attribuées à la SMASH, tiennent à l'inaction des juges, et non au comportement des justiciables ;

Attendu que, si l'obligation de juger dans un délai raisonnable, au sens de l'article 6.1 de la convention européenne des droits de l'homme, est sans incidence sur la décision juridictionnelle, il est de bonne administration de la justice de ne pas engager l'instruction d'une affaire dont l'ancienneté et les circonstances particulières interdisent qu'elle soit jugée de façon équitable et sur des éléments probants ; que d'ailleurs, l'article 6.1 précité s'il peut avoir pour effet d'ouvrir un droit à indemnité pour procès inéquitable à pour objet dans son principe de prévenir de telles iniquités ;

Considérant qu'enfin il a été mis un terme au maniement irrégulier des deniers publics, à la suite des interventions, administrative et juridictionnelle, de la Cour ;

Attendu que pour les raisons précitées, il y a lieu, et bien que les faits ne soient pas prescrits, de prononcer un non lieu à déclaration de gestion de fait, à l'égard de Mme X, de MM. Y, Z, A, B, C, D, E, F, G, H et de la SMASH.

Par ces motifs,

STATUANT DEFINITIVEMENT

ORDONNE

Article unique ; il n’y a pas lieu de déclarer gestionnaires de fait Mme X, MM. Y, Z, A, B, C, D, E, F, G, H et la SMASH.

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Fait et jugé en la Cour des comptes, toutes chambres réunies en formation restreinte, le quinze juillet deux mil neuf. Présents : M. Pichon, président de chambre, président de séance, MM. de Mourgues et Cazanave, Mmes Fradin et Moati, conseillers maîtres.


Signé : Pichon, président, et Le Gall, greffière.

Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Cour des comptes et délivré par moi, secrétaire générale.

Pour la Secrétaire générale

et par délégation

le Chef du greffe central par intérim

 

 

 

Catherine PAILOT-BONNETAT

Conseillère référendaire

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