REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DES COMPTES a rendu l'arrêt suivant :

LA COUR,

Vu l'arrêt n° 51736 du 5 juillet 2007 notifié à l'intéressé le 27 mai 2008 par lequel la Cour a statué, à titre provisoire, sur les comptes rendus, en qualité de TRESORIER−PAYEUR GENERAL POUR L'ETRANGER, pour les exercices 2001, à compter du 16 janvier, à 2005, au 31 décembre, par

M.X ;

Vu les justifications produites à l'appui des comptes ou recueillies en cours d'instruction ;

Vu le Code des juridictions financières ;

Vu l'article 60 de la loi de finances n° 63−156 du 23 février 1963 ;

Vu le décret n° 62−1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

Vu les décrets n° 66−912 et 66−913 du 7 décembre 1966 portant création de la trésorerie générale pour l'étranger et relatif à l'exécution des recettes et des dépenses publiques à l'étranger ;

Vu les pièces de mutation des comptables et en particulier les délégations de M. X à son successeur, M.Y et de M.Y à M.Z, Trésorier−payeur général pour l'étranger ;

Vu la réponse de M.Z, Trésorier−payeur général pour l'étranger, à l'arrêt susvisé du 5 juillet 2007, réponse élaborée en accord avec M.X ;

Sur le rapport de M. Roch−Olivier Maistre, conseiller maître ;

Vu les conclusions du Procureur général de la République ;

Entendu, lors de l'audience publique du 18 décembre 2008, M. Maistre rapporteur en son rapport, M. Frentz, premier avocat général, en ses conclusions, et MM.X et Z, ayant eu la parole en dernier ;

Après en avoir délibéré hors la présence du rapporteur et entendu M. Jean−François Bernicot, conseiller maître, en ses observations ;

Par ces motifs,

Statuant DEFINITIVEMENT,

ORDONNE :

· Injonction n° 1

Attendu que, par l'arrêt susvisé du 5 juillet 2007, la Cour a enjoint à M.X de produire, dans un délai de deux mois à compter de la notification dudit arrêt, la preuve du reversement de la somme de 430 940,27 € constatée, au 31 décembre 2005, dans les comptes de la trésorerie générale pour l'étranger au compte 461−418 « remboursement divers à la charge de tiers autres régies », ou, à défaut, des diligences faites pour le recouvrement des titres de recettes correspondants ou toute autre justification susceptible de dégager sa responsabilité.

 

Considérant que dans sa réponse à la Cour susvisée, M. Z a fait valoir que les chèques considérés, remis par des demandeurs de visas en paiement des droits de chancellerie dus, n'ont pas été honorés par les différentes banques algériennes émettrices dès lors qu'elles ont été déclarées en liquidation judiciaire ; qu'à l'appui de sa réponse, M.Z a fourni copie des courriers adressés au liquidateur de chaque banque concernée et des réponses obtenues ; que les justificatifs produits témoignent des diligences conduites par la trésorerie générale pour l'étranger pour tenter de recouvrer lesdites créances dont, au demeurant, rien n'indique que leur recouvrement soit définitivement compromis.

− L'injonction n° 1 est levée.

· Injonction n° 2

Attendu que, par l'arrêt susvisé du 5 juillet 2007, la Cour a enjoint à M. X de produire, dans un délai de deux mois à compter de la notification dudit arrêt, la preuve du reversement de la somme de 86 930,92 € correspondant au règlement à la société COVEC par le comptable assignataire, en l'espèce le Trésorier−payeur général pour l'étranger (mandat n° 2 943 du 14 décembre 2005 imputé sur le chapitre 37−89 pour un montant de 86 930,92 €), d'une facture relative à des prestations de sécurisation énergétique effectuées à l'occasion de l'organisation du sommet France−Afrique tenu en 2005 à Bamako au Mali ou, à défaut, de produire toute autre justification susceptible de dégager sa responsabilité.

Considérant que, pour permettre l'organisation de ce sommet, la France avait alloué, par une convention en date du 2 novembre 2004 conclue avec le Mali, une somme de 2 M€ versée aux organisateurs maliens, en l'espèce le Comité national d'organisation du sommet Afrique−France (CNOSAF) ; qu'aucun autre engagement n'ayant été formalisé, la participation de la France à ce sommet se limitait strictement à ce montant.

Considérant que l'article 1er de la convention précitée prévoit par ailleurs un crédit d'appui événementiel de 3 M€ dont les modalités de mise en œuvre sont détaillées au titre III de ladite convention lequel comprend un article 8 consacré à la sécurisation énergétique supplémentaire du site prise en charge par la France ; qu'aux termes de cet article 8, la partie malienne « s'engage à mettre en oeuvre les moyens suffisants à la sécurité et à la stabilité énergétiques du site du sommet. Toutefois, la partie française prend à sa charge une sécurisation électrique supplémentaire du site par groupes électrogènes. A cette fin, un appel d'offres sera lancé par l'ambassade de France à Bamako pour la location de groupes électrogènes d'une capacité adéquate (...). ».

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les dépenses régulièrement prises en charge sur l'enveloppe des 3 M€ concernent, conformément à la convention précitée, la location de groupes électrogènes dans le cadre d'un appel d'offres lancé par l'ambassade (marché à bons de commande notifié le 15 septembre 2005 à la société Manutention Africaine Mali).

Considérant qu'à l'inverse la dépense litigieuse est relative à la fourniture et à la pose d'un câble électrique, dont la charge, conformément aux termes de l'article 8 de la convention, incombait bien à la partie malienne responsable de « la sécurité et [à] de la stabilité énergétiques du site du sommet » ; que cette dépense a été engagée non par l'ambassade de France près le Mali mais par la partie malienne, en l'occurrence le Comité national d'organisation du sommet Afrique−France (CNOSAF).

 

Considérant que ce n'est qu'a posteriori, dans le rapport de fin de mission du secrétaire général du sommet, que la dépense litigieuse est mentionnée parmi celles imputées sur le crédit complémentaire de 3 M€ ; qu'il ne s'agit là, contrairement aux arguments avancés par M. Z dans sa réponse à la Cour, ni d'une démonstration ni d'une justification mais d'une présentation à fins de régularisation qui n'est pas conforme aux termes de la convention précitée et dont, en tout état de cause, le comptable ne pouvait avoir connaissance ce rapport de fin de mission étant, par nature, postérieur au paiement.

 

Considérant qu'au regard des éléments rappelés ci−dessus, le règlement de la facture en question, doit s'analyser comme un complément au financement accordé par la France au titre de l'organisation du sommet France−Afrique au Mali ; que ce complément conduit à un dépassement du plafond de dépense de 2 millions d'euros fixé par la convention précitée ; qu'aucune pièce jointe au dossier de mandatement ne fait apparaître une quelconque autorisation de dépassement du montant maximum de la subvention attribuée par la France au CNOSAF ; que dans le contexte ainsi rappelé, la dépense litigieuse n'entrait pas, contrairement aux termes de la réponse de M.Z à l'arrêt susvisé, dans l'enveloppe précitée des 3 M€ mais venait en fait en dépassement du crédit principal de 2 M€ prévu par la convention du 2 novembre 2004.

 

Considérant par ailleurs que la dépense en question a été initiée par la partie malienne, comme en témoigne la facture de la COVEC qui est adressée au CNOSAF et non à l'ambassade de France près le Mali ; qu'ainsi, le chef du service administratif et financier de l'ambassade de France près le Mali n'avait pas compétence pour signer, au nom de l'ambassadeur de France en sa qualité d'ordonnateur secondaire, un mandat de paiement pour le règlement d'une dépense qui n'avait pas été engagée par une autorité française ; que la créance de la COVEC sur la partie malienne ne pouvait être transférée sur la partie française ; que, dans ces conditions, la société COVEC ne disposait d'aucune créance à faire valoir auprès de l'ambassade de France près le Mali et que le paiement effectué à son profit n'avait pas de caractère libératoire.

 

Considérant que les pièces jointes à l'appui du mandat de paiement de nature à justifier cette créance se limitent à la seule facture de la société COVEC ; que le dossier ne comporte ni bon de commande émanant des services de l'Ambassade de France près le Mali pour cette prestation ni demande formelle émanant du CNOSAF en vue d'en faire assurer le paiement par la France ; qu'en conséquence cette dépense ne saurait être considérée, en l'absence de bon de commande visé de l'ordonnateur secondaire compétent, comme une prestation réalisée au profit de l'Ambassade de France près le Mali.

Considérant qu'aucun contrat, ni bon de commande n'est joint au mandat de paiement, contrairement aux prescriptions de l'instruction codificatrice n° 03−060−B du 17 novembre 2003 relative à la nomenclature des pièces justificatives des dépenses de l'État ; qu'ainsi le comptable a payé en l'absence de toute pièce justificative.

Considérant par ailleurs que, engagée au 1er janvier 1997 et généralisée au 1er janvier 2004, la réforme des structures et des procédures comptables à l'étranger a conduit à l'unification du réseau comptable à l'étranger sous l'autorité de la trésorerie générale pour l'étranger et à l'octroi de la qualité d'ordonnateur secondaire aux ambassadeurs pour les opérations relatives à leur pays de résidence ; que, par le biais de la consolidation sur chiffres, le Trésorier−payeur général pour l'étranger, comptable principal unique des opérations de l'État à l'étranger, est devenu l'unique responsable vis−à−vis de la Cour.

Considérant que, si la Cour ne saurait sous−estimer les importantes conséquences, en termes d'organisation et de contrôle interne, consécutives à la mise en œuvre de cette réforme, pour autant celle−ci ne saurait en aucune façon, contrairement aux arguments avancés lors de l'audience publique par M.X, être analysée comme un cas de force majeure dans la mesure où elle n'en a ni le caractère extérieur, ni l'imprévisibilité, ni l'irrésistibilité requises ; que par voie de conséquence, et comme la Cour avait eu l'occasion de le souligner, les difficultés de mise en œuvre de cette réforme ne peuvent à elles seules exonérer le comptable de la responsabilité qui lui incombe.

Considérant que le comptable n'a pas satisfait à l'injonction ; qu'il n'a en effet ni fourni de justification à décharge, ni justifié du versement des sommes en cause.

Considérant qu'en application des dispositions des articles 12 et 13 du décret susvisé du 29 décembre 1962, les comptables publics sont tenus d'exercer le contrôle de la validité de la créance ; que ce contrôle porte notamment sur la production des justifications nécessaires ; qu'aux termes de l'article 60−I de la loi susvisée du 23 février 1963, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu'ils sont tenus d'exercer en matière de dépenses ; qu'en procédant au paiement de la dite facture sans disposer des justifications réglementaires et en dépassant le plafond alloué par la convention du 2 novembre 2004 conclue entre la France et le Mali, M. X a engagé sa responsabilité pécuniaire.

 

− L'injonction n° 2 est levée ;

M.X est constitué débiteur de l'État de la somme de 86 930,92 € portant intérêt au taux légal à compter de la date du 27 mai 2008, date de notification de l'arrêt susvisé.

· Injonction n° 3

Attendu que par l'arrêt susvisé la Cour a enjoint à M.X de produire, dans un délai de deux mois à compter de la notification dudit arrêt, la preuve du reversement de la somme de 200 000 € que le Trésorier−payeur général pour l'étranger a versé en 2005, sur un compte ouvert à la paierie générale du Trésor au nom de Monsieur le Président de la République, somme présumée couvrir des dépenses engagées à l'occasion de réceptions et de déplacements du chef de l'État à l'étranger ou, à défaut, de produire toute autre justification susceptible de dégager sa responsabilité.

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à l'occasion du sommet France−Afrique tenu en 2005 à Bamako au Mali, la Présidence de la République a demandé, par une note du 9 novembre 2005, qu'il soit versé, sur un compte ouvert au nom du Président de la République à la paierie générale du Trésor (compte n° 20001000627−46), une somme de 200 000 € ; que le ministère des affaires étrangères a autorisé le versement de cette somme par une note du 16 novembre 2005, laquelle prévoyait l'imputation de la dépense correspondante sur l'article 10 du chapitre 37−89 relatif aux crédits des conférences internationales et des voyages officiels ; que cette somme était présumée couvrir les dépenses engagées pour le transport de la délégation française et pour la prise en charge des 70 journalistes qui accompagnaient ladite délégation ;

Considérant que la seule pièce justificative jointe à l'appui de chacune de ces ordonnances de paiement est une lettre signée par le Trésorier−payeur général, chef du service financier et du personnel de la Présidence de la République et adressée au ministre des affaires étrangères, direction générale de l'administration, sous−direction des conférences internationales, des déplacements officiels et du service intérieur ; que cette lettre se borne à demander que la somme en cause soit versée sur un compte, ouvert au nom de Monsieur le Président de la République française, à la paierie générale du Trésor ; qu'il est joint au mandat une décision du sous−directeur destinataire autorisant le versement ;

Considérant qu'aucune justification de la nature des dépenses n'a été produite à l'appui des paiements ainsi effectués ;

 

Considérant que, contrairement à la position exprimée lors de l'audience publique par M.X, l'opération litigieuse, comme en témoigne le mandat de paiement, doit être analysée comme un paiement sur un compte particulier tenu à la paierie générale du Trésor et non comme un virement ou un transfert de crédit du ministère des affaires étrangères au bénéfice de la Présidence de la République ;

 

Considérant que le comptable n'a pas satisfait à l'injonction ; qu'il n'a en effet ni fourni de justification à décharge, ni justifié du versement des sommes en cause.

Considérant qu'au terme des dispositions des articles 12 et 13 du décret susvisé du 29 décembre 1962, les comptables publics sont tenus d'exercer le contrôle de la validité de la créance ; que ce contrôle porte notamment sur l'exacte imputation des dépenses aux chapitres qu'elles concernent selon leur nature et leur objet, ainsi que le contrôle de la validité de la créance, c'est−à−dire notamment de la justification du service fait, de l'exactitude des calculs de liquidation et de la production des justifications ; qu'aux termes de l'article 60−I de la loi susvisée du 23 février 1963, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu'ils sont tenus d'exercer en matière de dépenses ; qu'en procédant au versement ainsi demandé sans disposer des justifications réglementaires, M.X a engagé sa responsabilité pécuniaire ;

 

− L'injonction n° 3 est levée ;

M.X est constitué débiteur de l'État de la somme de 200 000 € portant intérêt au taux légal à compter de la date du 27 mai 2008, date de notification de l'arrêt susvisé ;

− Les opérations retracées dans les comptes 2001, du 16 janvier à 2005, au 31 décembre, de M X sont admises à l'exception de celles donnant lieu aux débets prononcés par le présent arrêt.

Statuant PROVISOIREMENT,

ORDONNE :

− Il est sursis à la décharge de M.X pour sa gestion des exercices 2001, du 16 janvier à 2005, au 31 décembre.

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Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, troisième section, le dix−huit décembre deux mil huit. Présents : M. Pichon, président, M. Bernicot, président de section, MM. Billaud, Schneider, Moreau, Barbé, Vermeulen, Mme Camby, M. Uguen et Mme Gadriot−Renard, conseillers maîtres.

Signé : Pichon, président, et Reynaud, greffier.

Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Cour des comptes.

En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d'y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main−forte lorsqu'ils en seront légalement requis.

Délivré par moi, secrétaire générale.

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