COUR DES COMPTES

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SEPTIEME CHAMBRE

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TROISIEME SECTION

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Arrêt n° 56141

CHAMBRE D’AGRICULTURE

DU MORBIHAN

 

Exercices 2003 à 2006

 

Rapport n° 2009-505-00

 

Audience publique

et délibéré du 9 septembre 2009

 

Lecture publique du 7 octobre 2009

REPUBLIQUE FRANÇAISE

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

LA COUR DES COMPTES a rendu l’arrêt suivant :

LA COUR,

Vu le réquisitoire à fin d’instruction de charges  2009-25 RQ-DB, du 9 avril 2009, du Parquet général près la Cour des comptes ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu l'article 60-XI de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique ;

Vu l'arrêté n° 07-001 modifié du Premier président de la Cour des comptes portant, pour l'année judiciaire 2009, répartition des attributions entre les chambres de la Cour des comptes ;

Vu le code rural, ainsi que les lois, décrets et règlements sur la comptabilité des établissements publics nationaux à caractère administratif et les textes spécifiques applicables aux chambres d’agriculture ;

Vu les lettres en date du 23 avril 2009 transmettant le réquisitoire au comptable et au président de la chambre d’agriculture et leurs accusés de réception en date du 27 avril 2009 ;

HG


1

Vu les lettres en date du 27 juillet 2009 informant le comptable et la chambre d’agriculture de la date de l'audience publique du 9 septembre 2009, ensemble les accusés de réception de ces lettres ;

Sur le rapport  2009-505-00 de M. Jean-Louis Berthet, conseiller maître, en date du 8 juin 2009 ;

Vu les conclusions n° 489 du Procureur général de la République, en date du 1er juillet 2009 ;

Vu la transmission à sa demande du rapport et des conclusions à M. X, agent comptable, en date du 2 septembre 2009 ;

Entendu, lors de l'audience publique du 9 septembre 2009, M. Jean-Louis Berthet en son rapport et M. Yves Perrin, avocat général, en ses conclusions orales, M. X, agent comptable, ayant eu la parole en dernier ;

Charge n° 1

Attendu que le réquisitoire susvisé porte sur la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X à hauteur de 772,18 € au titre de l’exercice 2005 ;

Attendu que la chambre d’agriculture du Morbihan a émis le 28 février 1998 une facture de 5 065,20 francs (772,18 €) à l’encontre de la société OFAP – Le Luherne pour un service rendu de consultation juridique, qui reste impayée ;

Attendu que cette facture a fait l’objet de la part du comptable de trois lettres de relance des 16 avril, 20 juin et 10 octobre 1998 ;

Attendu qu’elle a donné lieu à émission d’un titre exécutoire le 12 octobre 1998 ; que le recouvrement de ce titre a été confié à un huissier le 18 novembre suivant ; que l’huissier a notifié un commandement de saisie vente au débiteur le 26 novembre 1998 ;

Attendu qu’à compter de cette dernière date, aucun acte de poursuite n’a été effectué pour la conservation ou le recouvrement de ce titre ;

Attendu que la société débitrice a cessé son activité en novembre 2005 et a été radiée du registre du commerce le 16 novembre 2005 ;

Attendu que cette créance se trouve désormais irrécouvrable ;

Attendu que le comptable n’a apporté aucun élément nouveau depuis la transmission du réquisitoire, en dehors de sa conviction exprimée lors de l’audience publique que le débiteur était insolvable ;

Considérant qu’en application de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable se trouve engagée dès lors qu'une recette n'a pas été recouvrée ;

Considérant que l’absence de diligences complètes et rapides, notamment après novembre 1998, de M. X pendant sa gestion pour la conservation et le recouvrement de la créance de la chambre départementale d’agriculture fonde la mise en jeu de sa responsabilité personnelle et pécuniaire à hauteur de 772,18 €, au titre de l’exercice 2005 ;

Charge n° 2

Attendu que le réquisitoire susvisé porte sur la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X à hauteur de 147,08 € au titre de l’exercice 2006 ;

Attendu que la chambre d’agriculture du Morbihan a émis le 30 septembre 1998 une facture de 964,80 francs (147,08 €) à l’encontre de Mme Y pour un service rendu d’estimation de poulailler, qui reste impayée ;

Attendu que cette facture a fait l’objet de la part du comptable de quatre lettres de relance des 6 novembre, 26 novembre, 30 décembre 1998 et 3 mars 1999 ;

Attendu qu’elle a donné lieu à émission d’un titre exécutoire le 3 mars 1999 ;

Attendu qu’à compter du 3 mars 1999, aucun acte de poursuite n’a été effectué pour la conservation ou le recouvrement de ce titre ; que le comptable n’a pas contesté ce point, ni apporté aucun élément nouveau depuis la transmission du réquisitoire, en dehors de sa conviction exprimée lors de l’audience publique que le débiteur était insolvable ;

Considérant que les diligences du comptable pour le recouvrement de la créance susmentionnée n’ont pas été rapides, adéquates ni complètes et que ce recouvrement était manifestement compromis à la clôture de l’exercice 2006 ;

Considérant, en application de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, que la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable se trouve engagée dès lors qu'une recette n'a pas été recouvrée ;

Considérant, en conséquence, que l’absence de diligences complètes et rapides de M. X pendant sa gestion pour la conservation et le recouvrement de la créance de la chambre départementale d’agriculture fonde la mise en jeu de sa responsabilité personnelle et pécuniaire à hauteur de 147,08 €, au titre de l’exercice 2006 ;


Charge n° 3

Attendu que le réquisitoire susvisé porte sur la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X à hauteur de 919,90 € au titre de l’exercice 2003 ;

Attendu que la chambre d’agriculture du Morbihan a émis, entre le 16 mai 2001 et le 29 mars 2002, onze factures pour un montant total de 1 525,72 € à l’encontre de M. Z, correspondant à des frais de restauration et d’hébergement, qui restent impayées ;

Attendu que ces factures ont fait l’objet de neuf lettres de relances entre le 23 juillet 2001 et le 12 juillet 2002 ;

Attendu que ces mêmes factures ont fait l’objet de deux titres exécutoires, l’un le 17 avril 2002, pour les six premières, à hauteur de 521,76 €, et le second le 15 juillet 2002 pour leur ensemble ;

Attendu que le dernier titre a été transmis, pour recouvrement, à un huissier le 4 septembre 2002 ;

Considérant que, selon l'article 2271 du code civil dans sa version antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, l'action des hôteliers et traiteurs à raison du logement et de la nourriture qu'ils fournissent se prescrit par 6 mois et que, selon l'article 2227 du même code, les établissements publics sont soumis aux mêmes prescriptions que les particuliers ;

Considérant, en conséquence, que les droits nés avant le 17 octobre 2001, à savoir ceux correspondant aux factures s 366 du 16 mai 2001, 489 du 14 juin 2001, 621 du 16 juillet 2001, 669 du 21 août 2001, pour un total de 437,52 € se sont trouvés prescrits avant l’émission du premier titre ; que, en application du IV de l’article 60 de la loi 63-156 du 23 février 1963, la Cour ne peut mettre en jeu la responsabilité du comptable pour ne pas avoir demandé à l’ordonnateur l’émission d’un titre plus précoce, alors qu’il était au fait de l’existence de ces créances, dès lors que la prescription extinctive de responsabilité est déjà acquise à M. X pour sa gestion de 2001 par l’effet de la loi ;

Considérant que les droits correspondant à la facture n° 1172 du 19 décembre 2001, pour un montant de 168,30 €, n’ont fait l’objet d’un titre exécutoire que le 15 juillet 2002, alors qu’ils étaient prescrits depuis le 20 juin 2002 ; que, en application de l’article 60-IV de la loi n°63-156 du 23 février 1963, la Cour ne peut mettre en jeu la responsabilité du comptable pour ne pas avoir demandé à l’ordonnateur l’émission d’un titre plus précoce, alors qu’il était au fait de l’existence de cette créance, dès lors que la prescription extinctive de responsabilité est déjà acquise à M. X pour sa gestion de 2001 par l’effet de la loi ;


Considérant qu’à défaut de poursuite effectuée par l’huissier ou par le comptable lui-même, poursuite dont la preuve n’est pas apportée, les créances restantes, qui représentent un montant total de 919,90 €, se seraient trouvées prescrites le 15 janvier 2003 ;

Attendu que le comptable n’a apporté aucun élément nouveau depuis la transmission du réquisitoire, en dehors de sa conviction exprimée lors de l’audience publique que le débiteur était insolvable ;

Considérant, en application de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, que la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable se trouve engagée dès lors qu'une recette n'a pas été recouvrée ;

Considérant que l’absence de diligences complètes et rapides de M. X pour la conservation et le recouvrement des six dernières créances de la chambre départementale d’agriculture sur M. Z, fonde la mise en jeu de sa responsabilité personnelle et pécuniaire à hauteur de 919,90 €, au titre de l’exercice 2003 ;

Charge n° 4

Attendu que le réquisitoire susvisé porte sur la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X à hauteur de 275,08 € au titre de l’exercice 2006 ;

Attendu que la chambre d’agriculture du Morbihan a émis le 12 mars 2003 une facture de 275,08 € à l’encontre de Mme A pour un complément d’études Dexel, qui reste impayée ;

Attendu que cette facture a fait l’objet de la part du comptable de trois lettres de relance des 13 mai, 12 juin et 13 novembre 2003 ;

Attendu qu’elle a donné lieu à émission d’un titre exécutoire le 13 novembre 2003 ;

Considérant, s’agissant d’une prestation de service, que le code civil ne prévoyait, aucune exception à la règle générale de prescription trentenaire ; que cette créance n’est donc pas à ce jour prescrite ;

Attendu qu’une transmission a été effectuée le 20 septembre 2005 à un huissier pour recouvrement de la créance de 275,08  et qu’un acte de poursuite a été effectué pour le recouvrement de ce titre ;

Attendu qu’un paiement de 275,08   a été constaté à l’étude de l’huissier le 30 décembre 2005, mais que ce paiement n’a été communiqué au comptable que le 31 octobre 2008 ;

Attendu que l’huissier a prélevé ses frais et son droit sur le montant de la somme encaissée et n’a reversé que 120,28 € à la chambre d’agriculture ;

Considérant qu’il reste donc à recouvrer la somme de 154,80 € à l’encontre de Mme A et que le recouvrement de cette somme n’est pas prescrit ;

Considérant, compte tenu des circonstances de l’affaire, qu’il n’y a pas lieu de prononcer une charge au titre de l’exercice 2006 ;

Charge n° 5

Attendu que le réquisitoire susvisé porte sur la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X à hauteur de 538,20 € au titre de l’exercice 2005 ;

Attendu que la chambre d’agriculture du Morbihan a émis le 17 décembre 2004 une facture de 538,20 € à l’encontre de M. B pour des honoraires d’intervention, qui reste impayée ;

Attendu que cette facture n’a pas donné lieu à émission d’un titre exécutoire ;

Attendu qu’elle a fait l’objet de la part du comptable d’une lettre de relance du 6 juin 2005 ;

Attendu toutefois que M. B a fait l’objet, le 18 novembre 2004 de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire par jugement publié au BODACC le 5 décembre 2004 ; que le comptable a déclaré sa créance au passif de la procédure par courrier du 14 avril 2005 seulement ;

Considérant, en application de l’article R. 622-24 du code de commerce (anc. article 99), que « le délai de déclaration fixé en application de l'article L.622-26 du code de commerce est de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bulletin Officiel Des Annonces Civiles et Commerciales » ;

Considérant, en l’espèce que ce délai expirait le 7 février 2005, le 5 février étant un samedi ;

Considérant qu’ainsi la créance de la chambre d’agriculture s’est trouvée éteinte le 8 février 2005 ; que les actions menées par le comptable n'ont pas permis de la relever de sa forclusion, le tribunal de grande instance de Lorient ayant débouté le comptable de sa demande en ce sens le 15 décembre 2005 ;

Attendu que le comptable n’a apporté aucun élément nouveau depuis la transmission du réquisitoire, en dehors de sa conviction exprimée lors de l’audience publique que le débiteur était insolvable ;

Considérant, en application de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, que la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable se trouve engagée dès lors qu'une recette n'a pas été recouvrée ;

Considérant que la production tardive, par M. X, de la créance de la chambre départementale d’agriculture fonde la mise en jeu de sa responsabilité personnelle et pécuniaire à hauteur de 538,20 €, au titre de l’exercice 2005 ;


Charge n° 6

Attendu que le réquisitoire susvisé porte sur la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X à hauteur de 947,54 € au titre de l’exercice 2004 ;

Attendu que la chambre d’agriculture du Morbihan a émis le 13 septembre 2001 et le 21 octobre 2002 deux factures de 689,20 € et de 258,34 € à l’encontre de M. C pour des diagnostics et un contrat de service, qui restent impayées ;

Attendu que ces factures n’ont pas donné lieu à émission de titres exécutoires ; que des lettres de relance à destination du débiteur sont mentionnées dans un courrier adressé le 11 juillet 2005 au juge-commissaire du tribunal de grande instance de Vannes ;

Attendu que M. C a fait l’objet d’une procédure de règlement judiciaire, ouverte par jugement publié au BODACC le 25 mai 2004, procédure convertie en liquidation judiciaire le 18 octobre suivant; que le comptable n’a pas déclaré les créances de la chambre d’agriculture au passif de la procédure ;

Considérant, en application de l’article R. 622-24 du code de commerce (anc. article 99), que « le délai de déclaration fixé en application de l'article L.622-26 du code de commerce est de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bulletin Officiel Des Annonces Civiles et Commerciales » ;

Considérant, en l’espèce que ce délai expirait le 26 juillet 2004, le 25 juillet étant un dimanche ;

Considérant qu’ainsi la créance de la chambre d’agriculture s’est trouvée éteinte le 27 juillet 2004 ; que les actions menées par le comptable n'ont pas permis de la relever de sa forclusion, le tribunal de grande instance de Vannes l’ayant débouté de sa demande en ce sens, le 3 octobre 2005 ;

Attendu que le comptable n’a apporté aucun élément nouveau depuis la transmission du réquisitoire, en dehors de sa conviction exprimée lors de l’audience publique que le débiteur était insolvable ;

Considérant, en application de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, que la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable se trouve engagée dès lors qu'une recette n'a pas été recouvrée ;

Considérant que l’absence de production, par M. X, des créances de la chambre départementale d’agriculture fonde la mise en jeu de sa responsabilité personnelle et pécuniaire pour un montant total de 947,54 €, au titre de l’exercice 2004 ;


Par ces motifs,

                                           ORDONNE :

- M. X est constitué débiteur de la chambre d’agriculture du Morbihan :

au titre de l’exercice 2003, de la somme de 919,90 €,

au titre de l’exercice 2004, de la somme de 947,54 €,

au titre de l’exercice 2005, des sommes de 772,18 € et 538,20 €,

au titre de l’exercice 2006, de la somme de 147,08 €,

Ces sommes étant augmentées des intérêts de droit à compter du 28 avril 2009.

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Fait et jugé en la Cour des comptes, septième chambre, le neuf septembre deux mille neuf. Présents : M. Descheemaeker, président, MM. Lafaure, Brochier, Lefebvre, Mme Froment-Védrine, MM. Doyelle, Le Mé, Castex, conseillers maîtres.

Signé : M. Descheemaeker, président, et Mme Jouhaud, greffière.

Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Cour des comptes.

En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance, d'y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique, de prêter main-forte, lorsqu'ils en seront légalement requis.

Délivré par moi, secrétaire générale.

        Pour la Secrétaire générale

     et par délégation

le Chef du greffe central par intérim

 

 

 

     Catherine PAILOT-BONNETAT

          Conseillère référendaire