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COUR DES COMPTES
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QUATRIEME CHAMBRE
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PREMIERE SECTION
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Arrêt n° 54814
GESTION DE FAIT DES DENIERS
DU DEPARTEMENT DE L’ISERE
Appel d’un jugement de la chambre régionale des comptes de Rhône-Alpes
Audience du 23 janvier 2009
Lecture publique du 30 avril 2009
REPUBLIQUE FRANCAISE
LA COUR DES COMPTES a rendu l’arrêt suivant :
LA COUR,
Vu la requête, enregistrée le 26 décembre 2007 au greffe de la chambre régionale des comptes de Rhône-Alpes, par laquelle Me Garreau, agissant en tant que conseil de M. X a élevé appel du jugement N° 2007-07 GF du 25 octobre 2007 par lequel ladite chambre a fixé définitivement la ligne de comptes de la gestion de fait déclarée par jugement du 30 septembre 2004, constitué MM. X et Y conjointement et solidairement débiteurs des deniers du DEPARTEMENT DE L’ISERE pour la somme de 253 126,35 € augmentée des intérêts de droit à compter du 30 septembre 2004 et condamné les mêmes à une amende de 25 000 € chacun ;
Vu les réquisitoires du Procureur général, en date du 29 janvier et du 18 avril 2008, transmettant les requêtes précitées ;
Vu les pièces de la procédure suivie en première instance pour examiner la ligne de compte et statuer sur les amendes encourues par les gestionnaires de fait ;
Vu les pièces échangées au cours de l’instruction, notamment les mémoires en réponse aux requêtes d’appel du président du conseil général de l’Isère enregistrés au greffe de la chambre régionale des comptes les 8 et 11 février 2008, ainsi que les lettres des 23 juillet et 23 octobre 2008 par lesquelles le conseil de M. X a transmis un mémoire ampliatif puis des observations complémentaires ;
HG
Vu l’ordonnance du 6 octobre 2008 du président de la quatrième chambre fixant la clôture de l’instruction au 27 octobre 2008 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique ;
Vu le décret n° 2008-1397 du 19 décembre 2008 portant réforme des procédures juridictionnelles devant la Cour des comptes, les chambres régionales des comptes et la chambre territoriale des comptes de Nouvelle-Calédonie, notamment son article 9 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le rapport de M. Rolland, conseiller référendaire ;
Vu les conclusions du Procureur général ;
Entendu, lors de l’audience publique de ce jour, M. Rolland, rapporteur, en son rapport, M. Feller, avocat général, en ses conclusions, M. X et son conseil, Me Garreau, assistant à l’audience et ayant eu la parole en dernier ;
Entendu, en délibéré, M. Moreau, président de section, en ses observations ;
Attendu que par jugement du 25 octobre 2007 précité, la chambre régionale des comptes de Rhône-Alpes a, en premier lieu, fixé la ligne de compte à 253 126,35 € pour les recettes admises et à 0 € pour les dépenses allouées ; qu’elle a, en conséquence, constitué MM. et Y, conjointement et solidairement, débiteurs des deniers du département de l’Isère de la somme de 253 126,35 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 30 septembre 2004 ; qu’elle a, en troisième lieu, condamné MM. X et Y à 25 000 € d’amende, chacun, en raison de leur immixtion sans titre dans les fonctions de comptable public ;
Sur la régularité de la procédure
Attendu que M. X soutient que la chambre régionale des comptes ne lui a pas communiqué, malgré sa demande, la délibération du conseil général de l’Isère refusant de reconnaître l’utilité publique des dépenses de la gestion de fait ; que de ce fait la procédure serait irrégulière ;
Attendu que la délibération du conseil général de l’Isère statuant sur l’utilité publique des dépenses portées au compte provisoire de la gestion de fait constitue, à ce stade de l’instance, une pièce essentielle de la procédure, versée au dossier de l’affaire par la chambre régionale et sur laquelle les premiers juges se sont nécessairement fondés pour établir le compte définitif de la gestion ; qu’elle devait dès lors être communiquée à toutes les parties, sans que la règle de publicité des actes des organes délibérants des collectivités territoriales puisse suppléer à cette obligation ; que, dès lors, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés par M. X, le jugement doit être annulé en tant qu’il dispose pour l’intéressé ;
Attendu que, l’affaire étant en état d’être jugée, la Cour est en mesure d’évoquer la cause de M. X ;
Attendu, dans ces conditions, qu’il y a lieu d’examiner la motivation développée par la chambre régionale de Rhône-Alpes dans le jugement provisoire du 26 octobre 2006 qui seul subsiste à ce stade pour M. X dans l’ordonnancement juridique ; qu’il sera dès lors pleinement tenu compte des exigences de la contradiction devant le juge financier statuant en appel en discutant les moyens versés au débat par le requérant en réponse audit jugement provisoire et, dans la mesure où ils discutent des motifs y figurant, à l’appui de son pourvoi en appel ;
Sur le fond
1) Sur le remboursement par le département de l’Isère de la commission versée à la société Rhoddlams :
Attendu que M. X soutient que la chambre régionale des comptes se serait fondée sur des faits matériellement inexacts, le département de l’Isère n’ayant jamais, selon lui, remboursé à la société anonyme de développement de l’Isère (SADI) la commission versée à la société Rhoddlams ;
Attendu que le mémoire en réponse, présenté le 13 janvier 2005 par le département de l’Isère et versé aux débats, permet d’établir que parmi les éléments du prix payé par le département pour le rachat de la concession, des honoraires ont été versés pour un montant incluant la commission litigieuse ; que ce document atteste que la somme correspondante a été réglée par le département de l’Isère ; qu’ainsi, le moyen manque en fait ;
2) Sur la légalité de la délibération du conseil général de l’Isère du 22 juin 2006 relative à l’utilité publique des dépenses :
Attendu que M. X affirme que la délibération du conseil général de l’Isère du 22 juin 2006 refusant la reconnaissance de l’utilité publique des dépenses en cause est irrégulière ;
Attendu qu’il soutient, en premier lieu, que l’échangeur ALPEXPO réalisé par la SADI répondait bien à une utilité publique ;
Attendu toutefois que les opérations constitutives de la gestion de fait sont sans rapport avec la réalisation dudit échangeur dont l’utilité est, en conséquence, sans incidence sur l’affaire ; que le moyen est dès lors inopérant ;
Attendu, en second lieu, que M. X considère que le conseil général ne pouvait refuser de reconnaître l’utilité publique des dépenses en cause en se fondant sur l’autorité de la chose jugée ; qu’en effet, le jugement du tribunal de grande instance de Grenoble du 13 juillet 1999 a établi que la somme « indûment » versée par la SADI à la société Rhoddlams a « servi pour partie à financer les activités du parti politique auquel appartenait M. Y » ; qu’il en résulterait qu’une autre partie a dû servir à la réalisation de l’ouvrage, dont l’utilité publique ne saurait être contestée ; qu’ainsi, le conseil général a entaché sa délibération d’illégalité ;
Attendu en principe que l’assemblée délibérante est compétente pour apprécier l’intérêt public de la dépense et décider l’ouverture rétroactive des crédits budgétaires correspondants ;
Attendu par ailleurs que le requérant ne produit à l’appui du moyen aucune pièce justifiant de la réalité des dépenses opérées par la société Rhoddlams pour justifier d’un concours à l’opération de l’échangeur ALPEXPO au-delà du détournement reconnu par le juge pénal ; qu’ainsi, le moyen avancé doit être rejeté et, partant, les conclusions contestant la légalité de la décision du département de l’Isère refusant de reconnaître l’utilité publique des dépenses portées au compte de la gestion de fait ;
3) Sur la fixation de la ligne de compte et le montant du débet :
Attendu que M. X conteste la fixation du montant de la ligne de compte au motif que la moitié seulement des sommes versées à la société Rhoddlams aurait servi au financement politique et que la ligne de comptes aurait dès lors dû être fixée à cette quotité, en contrepartie de la prestation de cette société ;
Attendu toutefois que le département, ainsi qu’il a été dit, a régulièrement refusé de reconnaître l’utilité publique de l’ensemble des dépenses de la gestion de fait ; qu’ainsi, dans les circonstances de l’espèce, les premiers juges ne pouvaient allouer les dépenses portées au compte de la gestion de fait ; que dès lors, les moyens développés par le requérant ne sauraient être accueillis ;
4) Sur le montant de l’amende :
Attendu que le requérant soutient que le montant de l’amende présente un caractère « excessif », compte tenu du fait qu’il n’a tiré aucun profit personnel de la commission ; que M. X ajoute qu’il n’était pas informé du caractère fictif des mandats par lesquels le département de l’Isère a racheté l’échangeur réalisé par la SADI ;
Attendu toutefois que le requérant n’a versé aucune pièce au dossier démontrant que le montant de l’amende serait excessif; que par ailleurs, l’absence alléguée de profit personnel peut seulement justifier que le quantum de l’amende soit porté par le juge à un niveau inférieur au maximum légal ;
Attendu qu’il ressort du dossier que M. X se trouvait en position subordonnée par rapport à M. Y ; qu’il sera fait une juste appréciation de cette circonstance en fixant pour l’intéressé le montant de l’amende à 15 000 € ;
Par ces motifs,
STATUANT DEFINITIVEMENT,
ORDONNE :
Article 1er : le jugement 2007-07 GF du 25 octobre 2007 est annulé en tant qu’il dispose pour M. X.
Article 2 : l’affaire est évoquée devant la Cour des comptes.
Article 3 : la ligne de compte de la gestion de fait est arrêtée ainsi qu’il suit :
les recettes sont admises pour : 253 126,36 € (1 660 400 F)
les dépenses sont fixées à : 0 € (0 F)
le reliquat à reverser est fixé à : 253 126,35 € (1 660 400 F).
Article 4 : MM. Y et X sont constitués conjointement et solidairement débiteurs envers le département de l’Isère de la somme de 253 126,35 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 30 septembre 2004.
Article 5 : M. X est condamné à une amende de 15 000 €.
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Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents, MM Pichon, président, Moreau, président de section, Thérond, Ritz, Bernicot, Vermeulen, Maistre et Martin, conseillers maîtres.
Signé : Pichon, président, et Reynaud, greffier.
Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Cour des comptes.
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance, d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique, de prêter main-forte, lorsqu’ils en seront légalement requis.
Délivré par moi, secrétaire générale.