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COUR DES COMPTES

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premiere CHAMBRE

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premiere section

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Arrêt n° 55584 

COMPTABLES DES IMPÔTS

DE LA MARNE

 

Exercice 2001

 

Rapport n° 2009-115-1

 

Audience publique du 3 juin 2009

 

Lecture publique du 24 novembre 2009

 

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DES COMPTES a rendu l’arrêt suivant :

LA COUR,

Vu l'arrêt n° 51231 en date du 19 février 2008, envoyé à fin de notification le 2 juin 2008, par lequel elle a statué provisoirement sur la gestion des comptables des impôts de la direction des services fiscaux de la Marne pour les exercices 2001, 2005 et 2006 ;

Vu les justifications produites en exécution dudit arrêt ;

Vu les pièces justificatives recueillies au cours de l'instruction ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le décret n° 77-1017 du 1er septembre 1977 relatif à la responsabilité des receveurs des administrations financières ;

Vu l’article 60 modifié de la loi de finances  63-156 du 23 février 1963 ;

 


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Vu l'arrêté modifié n° 06-346 du 10 octobre 2006 du premier président de la Cour des comptes portant création et fixant la composition des sections au sein de la première chambre ;

Sur le rapport de Mme Dos Reis, conseillère maître ;

Vu les conclusions n° 333 du 4 mai 2009 du procureur général de la République ;

Vu la lettre du 19 mai 2009 informant M. X de la date de la présente audience, ensemble l’accusé de réception de cette lettre ;

Vu la lettre du 29 mai 2009 par laquelle M. X présente diverses observations et précisions ;

Entendu à l’audience publique de ce jour, Mme Dos Reis, en son rapport oral, et M. Perrin, avocat général, en ses conclusions orales, M. X ne s’étant pas présenté à l’audience ;

Ayant délibéré hors la présence du rapporteur et après avoir entendu M. Deconfin, conseiller maître, en ses observations ;

STATUANT DEFINITIVEMENT,

ORDONNE :

Débet

M. X comptable

Exercice 2001

Attendu que la société à responsabilité limitée Le Tap Too était redevable d’un montant de 98 335,56 euros de taxe sur la valeur ajoutée, mis en recouvrement par avis notifié le 28 mars 1996 ; qu’elle a contesté le bien fondé de cette imposition par une réclamation qui a été rejetée par le directeur des services fiscaux le 7 janvier 1997 ; que ce rejet a été confirmé par jugement du 25 juin 2002 du  tribunal administratif  ; qu’une demande de constitution de garantie formulée par le comptable le 21 octobre 1996 pour l’octroi du sursis de paiement de l’imposition  est restée sans réponse ; qu’aucun acte interruptif de la prescription de l’action en recouvrement n’a été effectué depuis une saisie conservatoire en date du 29 mai 1997 ; que la créance est prescrite depuis le 29 mai 2001 à minuit, pendant la gestion de M. X, comptable en poste du 19 juillet 1999 au 29 août2003 ; qu’en conséquence il a été enjoint, par l’arrêt susvisé du 19 février 2008, à M. X, d’apporter la preuve du versement de ses deniers personnels, au titre de sa gestion pendant l’année 2001, de la somme de 98 335,56 euros ou toute justification à décharge ;

Attendu qu’en réponse à l’injonction, le comptable a précisé que la société Le Tap Too a été déclarée en liquidation judiciaire le 10 juin 2003 par jugement publié au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales du 10 août 2003 ; que la créance a été déclarée au passif de la procédure le 23 juillet 2003 et admise par ordonnance en date du 22 octobre 2004 ;

Attendu que dans ses observations complémentaires adressées à la Cour le 29 mai 2009, le comptable fait valoir que la mention « sursis de paiement-saisie-vente » portée sur le dossier de saisie a créé une confusion sur la nature et la portée exacte de la procédure engagée avant son entrée en fonction, que la créance a été admise à titre définitif au passif de la procédure, et que le Trésor n’a subi aucun préjudice ;

Considérant que la mention « sursis de paiement – saisie-vente », loin de tromper la vigilance du comptable, aurait dû tout au contraire l’alerter ; qu’il lui appartenait de s’assurer de la nature des opérations effectuées par son prédécesseur et de prendre toutes mesures pour préserver les droits du Trésor ;

Considérant que la déclaration d’une créance au passif d’une procédure collective équivaut à une demande en justice et constitue donc un acte interruptif de la prescription de l’action en recouvrement  mais qu’il ne peut en aller ainsi que si la créance n’est pas déjà prescrite au moment où elle est déclarée ; qu’en l’espèce la créance a été prescrite le 29 mai 2001 et déclarée au passif de la procédure le 23 juillet 2003 ;

Considérant que l’absence de préjudice subi par le Trésor est sans incidence sur la responsabilité encourue par un comptable chargé du recouvrement d’une créance fiscale ;

Considérant qu'aux termes de l'article 60 modifié susvisé de la loi n° 63-156 du 23 février 1963, dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2001 : « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes » (paragraphe I) ; cette responsabilité « se trouve engagée dès lors qu'une recette n'a pas été recouvrée » (paragraphe IV) ; « le comptable public dont la responsabilité pécuniaire est engagée ou mise en jeu a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels une somme égale …au montant de la perte de recette subie » (paragraphe VI) ; « le comptable public dont la responsabilité est engagée ou mise en jeu et qui n'a pas versé la somme prévue au paragraphe VI ci-dessus peut être constitué en débet… par arrêt… du juge des comptes » (paragraphe VII) ;

Considérant que la responsabilité du comptable du fait du recouvrement des recettes s’apprécie au regard de l’étendue de ses diligences qui doivent être rapides, complètes et adéquates ; qu’en ne déclarant pas la créance en temps utile, le comptable ne s’est pas acquitté de ses obligations et a donc engagé sa responsabilité ;


Considérant que M. X n’a ni satisfait à l’injonction de versement prononcée par l’arrêt susvisé du 19 février 2008, ni fourni de justification à décharge, fondée ; qu’il se trouve dans le cas prévu par le paragraphe VII de l’article 60 précité de la loi du 23 février 1963 ; qu’il y a donc lieu de le constituer débiteur de l’Etat de la somme de 98 335,56 euros ;

Considérant que le premier acte de la mise en jeu de la responsabilité du comptable est une injonction formulée dans l’arrêt n° 39515 du 25 mars 2004 envoyé à fin de notification le 3 septembre 2004 ; que le déficit de 98 335,56 euros ayant fait l’objet d’un premier acte de mise en jeu de la responsabilité du comptable avant le 1er juillet 2007, les intérêts du débet qui en résulte sont régis par les dispositions de l’article 60 VIII de la loi  63-156 du 23 février 1963, dans sa version antérieure à celle qui est issue de l’article 146 de la loi du 30 décembre 2006 de finance rectificative pour 2006 ; qu’aux termes de cette version de l’article 60 VIII de la loi du 23 février 1963 : « les débets portent intérêts au taux légal à compter de la date du fait générateur » ; que le fait générateur est l’évènement qui est à l’origine de l’engagement de la responsabilité pécuniaire et personnelle du comptable ; qu’en l’espèce, cet évènement est la prescription de l’action en recouvrement, survenue le 30 mai 2001 ;

Par ces motifs,

-          l’injonction unique de l’arrêt susvisé du 19 février 2008 est levée.

-         M. X est constitué débiteur envers l'Etat de la somme de quatre vingt dix huit mille trois cent trente cinq euros cinquante six centimes, augmentée des intérêts de droit à compter du 30 mai 2001.

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Fait et jugé en la Cour des comptes, Première chambre, première section, le trois juin deux mil neuf, présents : MM. Malingre, président de section, Xavier- Henri Martin, Deconfin, Mme Moati, et M. Lair, conseillers maîtres.

Signé : Malingre, président de section, et Rackelboom, greffier.

Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Cour des comptes.


En conséquence, la République mande et ordonne à tous les huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près des tribunaux de grande instance, d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de force publique, de prêter main-forte, lorsqu’ils en seront légalement requis.

Délivré par moi, secrétaire générale.

Pour la Secrétaire générale
et par délégation
le Chef du Greffe Central par intérim

 

 

 

 

Catherine PAILOT-BONNÉTAT
Conseillère référendaire