COUR DES COMPTES

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SIXIEME CHAMBRE

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TROISIEME SECTION

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Arrêt n° 53622

 

AGENCE REGIONALE

DE L’HOSPITALISATION D’ILE-DE-FRANCE

(ARHIF)

 

Exercice 2005

 

Rapport n° 2008-572-1

 

Audience publique du 13 octobre 2008

 

Lecture publique le 21 janvier 2009

 

 

REPUBLIQUE FRANCAISE

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

LA COUR DES COMPTES a rendu l’arrêt suivant :

 

LA COUR,

Vu l’arrêt n° 49837 du 26 septembre 2007 par lequel elle a enjoint à Mme X, agent comptable de l’AGENCE REGIONALE DE L’HOSPITALISATION D’ILE-DE-FRANCE (ARHIF), de justifier du paiement à l’Agence technique pour l’information sur l’hospitalisation (ATIH) de cinq mandats d’un montant total de 199 999,13 € ou, à défaut, d’apporter la preuve du reversement de cette somme dans la caisse de l’ARHIF ; 

Vu enregistrées par le greffe central de la Cour, le 11 février 2008, les

justifications produites par l’agent comptable de l’ARHIF ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code de la santé publique ;

 

Vu l’article 60 de la loi du 23 février 1963 portant loi de finances pour 1963

modifiée ;

 

HG

Vu le décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la

comptabilité publique ;

Après avoir entendu en audience publique, M. Lesouhaitier, conseiller

maître, en son rapport, et M. Feller, avocat général, en ses conclusions, Mme X et le directeur de l’ARHIF, dûment convoqués, étant absents et non représentés ;

Après en avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du ministère

public ;

Après avoir entendu Mme Lévy-Rosenwald, conseillère maître, en ses

observations ;

Attendu qu’aux termes de l’article 60 I de la loi de finances pour 1963

modifiée du 23 février 1963 « […] les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés à l’État, aux collectivités locales et aux établissements publics nationaux ou locaux [ainsi que] des contrôles qu’ils sont tenus d’effectuer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. » ; que le IV de cet article dispose que cette responsabilité se trouve engagée « […] dès lors qu’un déficit ou un manquant en deniers ou en valeurs a été constaté, qu’une recette n’a pas été recouvrée, qu’une dépense a été irrégulièrement payée ou que, par la faute du comptable public, l’organisme a dû procéder à l’indemnisation d’un autre organisme public ou d’un tiers. » ;

Attendu qu’aux termes de l’article 23 de la loi de financement de la sécurité

sociale (LFSS) pour 2003, le fonds de modernisation des établissements de santé (FMES) supporte les dépenses de fonctionnement d’une mission chargée de conduire des expérimentations de tarification à l’activité (MT2A) dans les établissements de santé et assimilés ; qu’un décret du 24 avril 2003 a rattaché administrativement et financièrement la mission à l’ARHIF ;

Attendu que, le 19 décembre 2005, par délégation du directeur de l’ARHIF,

la directrice de la MT2A a signé les mandats n° 147 à 151 d’un montant total de 199 999,13 €, payé le même jour à l’ATIH par l’agent comptable ; qu’aucune convention ni même bons de commandes ne fixaient les droits et obligations réciproques de l’ATIH et de l’ARHIF pour ces travaux d’élaboration des tarifs hospitaliers 2006 et d’actualisation du programme médicalisé des systèmes d’information (PMSI) ; que les factures produites à l’appui des mandats n’étaient pas revêtues d’attestations de service fait ;

Attendu que, si Mme X n’avait pas à apprécier la légalité et/ou

l’opportunité des paiements, elle devait, en application des articles 12 B et 13 du décret du 29 décembre 1962, s’assurer de l’existence de justificatifs appropriés, notamment une convention ou un document équivalent indiquant la nature et le coût des prestations ainsi que des attestations de service fait ; qu’en l’absence de telles pièces, elle ne pouvait ouvrir sa caisse sans engager sa responsabilité pécuniaire et personnelle ; qu’en conséquence, il lui a été enjoint de produire toutes justifications à décharge pour les paiements en cause ou, à défaut, d’apporter la preuve du reversement dans la caisse de l’ARHIF du décaissement irrégulier ;

Sur l’absence de convention

Attendu que Mme X conteste la nécessité d’une convention ; elle infère

du décret du 24 avril 2003 relatif au FMES que la MT2A peut s’appuyer sur l’expertise de l’ATIH, les agences poursuivant le même objectif lié à la réforme hospitalière ; qu’avec cet argument, Mme X fait une lecture inexacte des termes du décret et, de plus, ne produit aucune pièce établissant la validité de la dette et, par voie de conséquence, la régularité de ses paiements ; que le moyen soulevé doit donc être écarté ;

Attendu qu’aux termes du décret du 26 décembre 2000, l’ATIH peut « […] 3° coopérer, en particulier par la voie de conventions ou de participations, à des groupements d’intérêt public, avec toute personne publique ou privée, française ou étrangère, et notamment les établissements d’enseignement, de recherche et de santé qui ont des missions complémentaires des siennes ou lui apportent leur concours. » ; 

Attendu que, si les prestations de l’ATIH relevaient de ce 3°, comme

l’admet Mme X, elles ne sauraient être regardées comme une participation au sens du décret du 26 décembre 2000 ; que seul un document contractuel, ou à défaut, un écrit exprimant la volonté des parties sur l’exécution des prestations, pouvait établir les droits du créancier;

Sur l’absence d’attestation du service fait

Attendu que Mme X soutient que la signature des mandats par la

directrice de la MT2A valait attestation de service fait ; 

Attendu que, conformément à l’instruction n° 03-043-M9 du 25 juillet 2003

portant rénovation de la certification du service fait et de l’ordonnancement, l’attestation est effective si la mention « pour valoir certification du service fait et ordre de payer » figure sur le bordereau d’émission des mandats ou, à défaut, si une annotation de l’ordonnateur est portée sur chaque facture ; qu’en l’absence de production de tels éléments, le moyen soulevé doit être écarté ;

Sur l’objet des paiements

Attendu que Mme X soutient que le détournement de procédure qui a

permis l’obtention par l’ATIH, par le canal de la MT2A, de fonds du FMES, incombe au premier chef à l’ordonnateur délégué et au directeur de l’hospitalisation et de l’offre de soins en raison, pour ce dernier, de son rôle éminent dans le fonctionnement du FMES, de l’ATIH et de la MT2A; que l’agent comptable X souligne que les gestionnaire du FMES, et le contrôle général économique et financier n’ont rien trouvé à redire aux opérations en cause, lesquelles n’ont entraîné aucun préjudice pour le FMES ; qu’elle reconnaît que le FMES ne pouvait financer directement l’ATIH ; que les moyens soulevés ne sauraient être accueillis car ne satisfaisant pas à l’injonction ; 

Attendu que l’agent comptable X produit des extraits de procès-verbaux

de réunions du conseil d’administration de l’ATIH des 5 novembre 2004, 13 mai 2005, 26 juin et 18 décembre 2006  ; qu’elle en infère que le conseil entendait obtenir 200 000 € du FMES, que la justification des prestations pour la MT2A a préoccupé les administrateurs de l’ATIH et que l’agent comptable de cette agence a, lors d’une réunion de conseil du 26 juin 2006, expliqué que les recettes d’exploitation de 2005 provenaient « [de] produits de diffusion des outils informatiques [et de] versements du FMES émanant du ministère de tutelle pour un montant de 199 999 € » ; que ces documents, s’ils éclairent le contexte qui a entouré les paiements, n’apportent pas d’éléments de nature à dégager la responsabilité pécuniaire et personnelle de l’agent comptable X

Attendu enfin que, si Mme X est fondée à soutenir qu’elle n’avait pas à

apprécier la légalité et/ou de l’opportunité des paiements à l’ATIH, l’absence de reconnaissance contractuelle de la dette et d’attestations de service fait leur a conféré un caractère irrégulier ; 

Attendu, en conséquence, que la responsabilité pécuniaire et personnelle de Mme X devant être engagée en application des dispositions combinées des articles 60 de la loi du 23 février 1963 et 12 B et 13 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, il y a lieu, après avoir levé l’injonction prononcée dans l’arrêt n°49 837, de la constituer débitrice envers la caisse de l’ARHIF de la somme de 199 999,13 € et de surseoir à sa décharge sur l’exercice 2005 jusqu’à la constatation de l’apurement du débet ; 

Attendu qu'aux termes du VIII de l'article 60 de la loi précitée du 23 février 1963 « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’au cas d’espèce, la date à retenir est le 7 janvier 2008, date de preuve de la notification de l’arrêt susvisé du 26 septembre 2007 ; 

 

 

Attendu, par ailleurs, qu'aucune charge autre que le débet ne subsistant à

l’encontre de Mme X sur l’exercice 2005, il y a lieu d’admettre les opérations retracées dans les comptes de cet exercice à l’exception de celles donnant lieu à constitution en débet ;

Attendu, en outre, que la vérification de l’exacte reprise des soldes figurant

en balance de clôture de l’exercice 2005, constatés dans l’arrêt susvisé, n’a pu être vérifiée, il y a lieu également de surseoir à la décharge de Mme X pour sa gestion 2005 ;

STATUANT DEFINITIVEMENT,

ORDONNE :

I-        L’injonction prononcée dans l’arrêt n° 49 837 du 26 septembre 2007 est

levée.

II-     Mme X est constituée débitrice envers la caisse de

l’ARHIF de la somme de 199 999,13 €, majorée des intérêts de droit à dater du  7 janvier 2008.

III-   Les opérations retracées dans les comptes de l’exercice 2005 sont

admises à l'exception de celles donnant lieu à constitution en débet.

IV-  Il est sursis à la décharge de Mme X jusqu’à la

constatation de l’apurement du débet ainsi que jusqu’à la vérification de l’exacte reprise des soldes constatés le 31 décembre 2005 en balance d’entrée de l’exercice 2006.

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Fait et jugé en la Cour des comptes, sixième chambre, troisième section, le

treize octobre deux mille huit. Présents : Mme Ruellan, présidente, M. Cardon, président de section, M. Carrez, président maintenu faisant fonction de conseiller maître, Mmes Bellon et Lévy-Rosenwald, MM. Delin, Phéline, Diricq, conseillers maîtres.

Signé : Ruellan, présidente, et Cabec, greffière.

Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Cour des

comptes.

 

En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice,

sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance, d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique, de prêter main-forte, lorsqu’ils en seront légalement requis.

Délivré par moi, secrétaire générale.

 

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