Avertissement

Par courrier en date du 12 octobre 2015, le Président de l’Assemblée nationale a saisi le Premier président de la Cour des comptes, en application de l’article L. 132-5 du code des juridictions financières, afin de réaliser une enquête relative aux aides à l’accession à la propriété. Cette demande, émanant du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC), a été acceptée par le Premier président le 20 octobre 20152.

Ce dernier, par une lettre datée du 28 janvier 2016, a précisé les modalités d’organisation des travaux demandés à la Cour. Elles ont été déterminées en accord avec les deux rapporteurs du CEC, Mme Audrey Linkenheld et M. Michel Piron, et M. Pascal Duchadeuil, président de la 5ème chambre, au cours d’un entretien qui s’est déroulé le 24 novembre 2015 en présence des rapporteurs et du contre-rapporteur.

En raison du délai fixé, il a été convenu que les travaux d’enquête suivraient les normes professionnelles applicables au contrôle de la gestion plutôt que celles relatives aux évaluations de politique publique.

En accord avec les rapporteurs du CEC, l’enquête a été centrée sur les quatre dispositifs principaux relevant de la mission budgétaire Égalité des territoires et logement ou rattachés à cette dernière : l’aide personnelle au logement (APL3) pour l’accession, le prêt d’accession sociale (PAS) qui y donne droit, le prêt à taux zéro renforcé (PTZ+) et le prêt social de location–accession (PSLA). En revanche, les outils destinés à favoriser l’investissement locatif ou les prêts bancaires fondés sur l’épargne réglementée tels que les prêts épargne logement (PEL) ont été exclus.

Il a été convenu avec les rapporteurs du CEC que la Cour des comptes identifierait les forces et les faiblesses les plus significatives de ces dispositifs d’aide, de manière à proposer toute voie d’amélioration.

En conséquence, la Cour a d’abord examiné les questions du pilotage national de ces aides et leurs modalités juridiques et financières. Elle en a ensuite analysé la cohérence, l’efficacité et l’efficience.

L’enquête a été conduite auprès des trois principales administrations centrales concernées (direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages, direction générale du Trésor, direction du budget), des principaux opérateurs intéressés (agence nationale d’information sur le logement, agence nationale de l’habitat, Action logement), de la caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) et de la société de gestion des financements et de la garantie de l’accession sociale à la propriété (SGFGAS). Elle s’est fondée sur de nombreux entretiens4, des questionnaires et des analyses documentaires.

Afin de renforcer la dimension évaluative de l’enquête, il a été jugé utile d’y associer la recherche universitaire, en confiant une étude5 à l’Institut des politiques publiques de l’École d’économie de Paris (IPP-PSE), qui sera publiée sous la responsabilité de cet organisme.

Des experts, universitaires et cadres de haut niveau intervenant dans le domaine du logement ont également été rencontrés dans le cadre de cette enquête. En outre, un séminaire, organisé à la Cour en mai 2016, en partenariat avec les chercheurs de l’IPP-PSE, a permis un échange entre experts, universitaires et élus.

Enfin, les rapporteurs se sont déplacés dans des agglomérations sélectionnées de plusieurs régions (-de-France, Hauts-de-France, Bretagne et Centre-Pays de la Loire), afin d’y identifier les bonnes pratiques et d’illustrer, par des exemples, leurs constats et analyses. Ces déplacements ont permis de prendre connaissance de certains dispositifs financés par des collectivités locales et d’analyser les conditions de leur articulation avec les dispositifs nationaux. Les politiques locales présentées de façon détaillée en annexe n°6 de ce rapport constituent ainsi des exemples illustratifs, sans toutefois constituer un échantillon statistique.

Un relevé d’observations provisoires a été communiqué aux fins de contradiction le 20 juillet 2016 à la secrétaire générale du ministère du logement et de l’habitat durable ; au directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature ; au directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages ; au directeur général des finances publiques ; au directeur du budget ; à la directrice générale du Trésor ; au directeur général des collectivités locales ; au directeur général de la société de gestion des financements et de la garantie de l’accession sociale à la propriété ; à la directrice générale de l’agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL) ; à la directrice générale de l’agence nationale de l’habitat (ANAH) ; au directeur général de la caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) ; au président du conseil d’administration d’Action logement ; au président de la section habitat, cohésion sociale et développement territorial du conseil général de l’environnement et du développement durable ; au directeur régional et interdépartemental de l’hébergement et du logement -de-France ; aux directeurs régionaux de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Centre-Val de Loire, de Bretagne et des Hauts-de-France.

Des extraits ont été envoyés, à la même date, aux maires de Paris et de Lille et aux présidents de Rennes Métropole, d’Angers Loire Métropole, de la métropole urbaine de Lille et de la communauté d’agglomération de Plaine Commune.

Le directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) a été entendu par la 5ème chambre le 5 octobre 2016.

Le présent rapport a été délibéré le 5 octobre 2016 par la collégialité de la 5ème chambre. Les rapporteurs étaient M. Champomier, conseiller référendaire, et Mme Gasançon-Bousselin, rapporteure extérieure. Le contre-rapporteur était M. Hayez, conseiller maître.

Le rapport a ensuite été examiné et approuvé le 8 novembre 2016 par le comité du rapport public et des programmes de la Cour des comptes, composé de M. Migaud, Premier président, MM. Durrleman, Briet, Mme Ratte, MM. Vachia, Paul, rapporteur général du comité, MM. Duchadeuil, Piolé, Mme Moati, présidents de chambre, et M. Johanet, procureur général, entendu en ses avis.

Synthèse

Si l’aspiration à la propriété demeure largement partagée par les Français, la proportion de ménages propriétaires de leur logement, après avoir doublé en cinquante ans pour atteindre 57 %, n’évolue plus désormais que lentement.

Afin, d’une part, d’aider les ménages qui éprouvent des difficultés à acheter un logement et, d’autre part, de soutenir le secteur de la construction, l’État a mis en place depuis plus d’un siècle des aides publiques à l’accession à la propriété. Ces aides, qui visent à soutenir la demande, permettent d’accroître la capacité d’achat à crédit d’un logement. Elles ont traditionnellement cherché à augmenter la capacité d’endettement et à accroître le revenu disponible des ménages emprunteurs. Le prêt d’accession à la propriété (PAP), créé en 1977 et remplacé par le prêt à taux zéro (PTZ) en 1995, a été l’instrument principal de réduction de la charge d’emprunt des ménages. L’aide personnalisée au logement (APL), également créée en 1977, est devenue la principale forme d’aide au revenu des ménages emprunteurs. Ces aides, qui complètent les actions de soutien à l’investissement locatif et au logement social, ont permis à la France, comparativement à d’autres pays européens, de conserver un parc de logements plus équilibré entre le secteur locatif, qu’il soit social ou privé, et le logement en propriété.

Depuis la crise économique de 2008, l’enjeu des aides à l’accession est devenu plus sensible, car l’écart grandissant entre les revenus disponibles et les prix de l’immobilier a éloigné de la propriété de nombreux ménages.

Un enjeu important du point de vue des finances publiques

Les aides à l’accession à la propriété reposent sur des prêts (prêt à taux zéro, prêts conventionnés, prêt d’accession sociale, prêt épargne logement, etc.), des subventions destinées aux ménages (aides personnelles au logement) et des réductions de taux de TVA pour certaines opérations (en zone ANRU, en location-accession, etc.), qui représentent des charges budgétaires ou fiscales pour la collectivité. Elles sont allouées principalement par l’État, mais aussi par des organismes spécialisés comme le réseau d’Action Logement ainsi que, plus récemment, par certaines collectivités territoriales.

En réformant ces aides en 2011, l’État a cherché à réduire leur nombre, à renforcer leur efficacité et à mieux les intégrer dans la politique générale du logement. Le prêt à taux zéro renforcé (PTZ+) est ainsi devenu le dispositif central des aides à l’accession, par fusion du PTZ, du Pass-foncier et du crédit d’impôt sur le revenu accordé au titre des intérêts des emprunts souscrits pour le financement de la résidence principale. Depuis que la loi de finances pour 2016 a élargi son champ à l’acquisition de logements anciens accompagnée de travaux, la dépense correspondante, plafonnée à 2,1 Md€, devrait finalement atteindre plus probablement 1,7 Md€, compte tenu de la baisse des taux d’intérêt.

Des objectifs à clarifier, des défis multiples, un effort public mal mesuré

Les aides visent à la fois à inciter les ménages modestes à devenir propriétaires et à soutenir le marché de la construction : toutefois, cette double dimension demeure mal explicitée et articulée.

Du point de vue des ménages, la politique d’aide à l’accession à la propriété doit affronter de nombreux défis : éviter de les pousser au surendettement en promouvant le « tout propriété », conserver un équilibre relatif entre les parcs de logements, faire face à une évolution des prix de l’immobilier défavorable aux accédants modestes.

Elle doit surtout répondre à la forte disparité territoriale de ces prix, des enjeux urbains, sociaux et environnementaux et de l’implication des collectivités territoriales.

Enfin, aucune présentation consolidée des aides publiques à l’accession à la propriété, consenties par l’État ou les collectivités locales, n’est produite au Parlement.

Des aides de l’État peu efficaces et mal articulées

Les quatre aides à l’accession financées par l’État sont toutes insuffisamment pilotées. Relativement instables dans le temps, elles n’ont pas encore été évaluées de façon assez probante pour que les résultats de ces études s’imposent à l’ensemble des acteurs publics

Prises une à une, ces aides présentent des caractéristiques différentes, mais elles montrent toutes des limites ou affichent des résultats peu satisfaisants. Ainsi, le PTZ+ se caractérise par des effets d’aubaine élevés et des risques d’effet inflationniste ; les APL-accession ont un réel effet redistributif, mais sont en voie d’extinction du fait du maintien d’un barème de moins en moins attractif ; le PAS voit son intérêt actuel réduit par l’absence d’avantage de taux par rapport au marché ; enfin, le PSLA se révèle d’un usage malaisé qui l’amène à rester marginal.

De surcroît, prises dans leur ensemble, ces aides apparaissent relativement mal articulées, complexes et assorties de barèmes dont la disparité est croissante.

Si l’État souhaite maintenir une politique de soutien à l’accession à la propriété dans des conditions acceptables pour les finances publiques, plusieurs voies de réforme et de simplification méritent d’être explorées : en particulier, le PTZ+ doit être mieux ciblé, afin de parvenir à un meilleur effet déclencheur, et les APL-accession doivent être reconfigurées de manière à être plus incitatives.

En outre, ces aides nationales doivent être mieux coordonnées avec les politiques locales de logement et d’urbanisme, dont l’importance est appelée à croître, afin de tenir compte de l’hétérogénéité des marchés immobiliers et de la diversité des territoires.

Une incitation à agir

L’ensemble de ces constats débouche sur les pistes éventuelles de réforme suggérées ci-après par les travaux de la Cour.

Le maintien en l’état des dispositifs actuels conduira assurément à un accroissement de la charge pour les finances publiques, au cours des prochaines années, compte tenu notamment des effets de l’élargissement du PTZ+ en 2016.

Les pistes de réforme proposées par la Cour, en revanche, permettent au minimum de stabiliser cette charge ; pour autant, leur impact sur les comptes publics n’est pas aisé à établir précisément, compte tenu de la nature hétérogène des dépenses et des arbitrages de principe qui reviennent aux pouvoirs publics. Le recentrage proposé du PTZ sur des publics plus modestes devrait avoir pour conséquence, même si des incitations sont instituées pour certains territoires prioritaires, une réduction de la dépense fiscale associée - c’est à dire une augmentation des recettes fiscales – de l’ordre de 400 M€ au moins. A contrario, l’alignement des barèmes des aides personnelles pourrait accroitre la dépense budgétaire jusqu’à environ 200 M€. Comparer ces dépenses de nature différente ne signifie pas qu’elles puissent se compenser comptablement, mais confirme qu’un allègement global ou qu’une stabilisation de l’effort public est possible.

À l’intérieur de la marge de manœuvre définie par les deux chiffres susmentionnés, il revient à l’État, en précisant le ciblage des aides sur les catégories de ménages qui doivent être particulièrement encouragées, par exemple en modifiant les plafonds des aides personnelles, et en recourant à des simulations fines qui nécessitent une collaboration entre les organismes gestionnaires, de définir le montant de l’économie de dépenses.

Recommandations

mettre en place les liaisons nécessaires entre les bases de données (SGFGAS, CNAF, etc.) pour permettre un suivi précis de l’efficacité et de l’efficience des différentes aides à l’accession (PTZ+, PAS, APL-accession et PSLA) ;

réorganiser le dispositif du PTZ+ en le ciblant sur les ménages plus modestes, en fixant un seuil de quotité de l’aide et en appliquant la garantie du FGAS ;

supprimer le dispositif du PAS ;

aménager les règles de gestion de l’APL-accession en fusionnant les barèmes et en relevant les plafonds afin d’accroître la complémentarité de cette aide avec le PTZ+ ;

accroître les possibilités d’accès au PTZ+ dans les zones tendues, les quartiers de la politique de la ville et les centres anciens dégradés ;

développer la coordination de l’action des services déconcentrés de l’État avec celle des collectivités territoriales en mettant en place une gestion déconcentrée d’enveloppes d’aides à l’accession à la propriété permettant de compléter les interventions locales.

Introduction

Que ce soit pour aider les ménages à se loger ou pour soutenir le secteur de la construction, l’État encourage l’accession à la propriété depuis plus d’un siècle.

Ces aides prennent aujourd’hui des formes diverses : prêts (conventionnés, d’accession sociale, d’épargne-logement, etc.), subventions, crédits d’impôts (PTZ renforcé ou PTZ+) ou encore réduction du taux de TVA pour certaines opérations (en zone ANRU, pour la location-accession, etc.), qui constituent autant de charges budgétaires ou fiscales pour la collectivité. Elles représentent au total une dizaine de dispositifs financés par l’État, mais aussi par certaines collectivités territoriales et par des organismes spécialisés bénéficiant de concours publics comme Action Logement.

La présente enquête est consacrée aux quatre aides individuelles que l’État accorde pour favoriser l’accession des ménages à la propriété d’un logement : les aides personnalisées au logement accession (APL-accession)6, le prêt d’accession sociale (PAS), le prêt à taux zéro renforcé (PTZ+) et le prêt social de location-accession (PSLA). Ces aides ont deux objectifs principaux : l’accroissement du revenu disponible des ménages accédants d’une part, et l’augmentation de leur capacité d’endettement d’autre part.

Les instruments principaux sur lesquels repose cette politique ont été conçus il y a une quarantaine d’années dans un contexte où différaient, par rapport à aujourd’hui, non seulement les besoins en logement, mais plus généralement les conditions économiques et sociales. Le prêt d’accession à la propriété (PAP) - remplacé en 1995 par le prêt à taux zéro (PTZ) - a été créé en 1977. La même année, ont été mises en place les aides personnalisées au logement (APL) pour l’accession, à la suite du rapport de M. Raymond BARRE sur la réforme du financement du logement, afin de rééquilibrer les aides traditionnelles à la pierre et les aides à la personne, celles-ci étant définies aussi bien comme un mode de soutien à la demande que comme un outil de stimulation de l’offre7. Ces réformes s’appuyaient sur la notion de « parcours résidentiel » des ménages, passant au cours de leur vie du statut de locataire à celui de propriétaire.

Le contexte a profondément évolué depuis lors, sans que l’organisation générale de ces dispositifs d’aide ait été remise en cause.

Le nombre de ménages a ainsi augmenté de 17,7 millions en 1975 à 27,8 millions aujourd’hui, mais leur taille moyenne a diminué de 20 % (de 2,9 à 2,3 personnes), cette évolution s’accompagnant d’une progression de la décohabitation. Les conditions économiques générales ont également été modifiées : le taux de chômage a ainsi presque triplé depuis 40 ans.

En outre, les marchés du logement et du crédit immobilier se caractérisent par une situation très différente de celle qui prévalait, tant à la création du premier PTZ en 1995 que lors de sa transformation en crédit d’impôt en 2005.

Les prix des logements ont tout d’abord augmenté depuis une décennie, dans le neuf comme dans l’ancien, mais selon des dynamiques différentes8, l’augmentation dans l’ancien étant bien plus prononcée que dans le neuf. Rapporté au revenu par ménage, l’indice des prix des logements a connu une hausse importante entre 2000 et 2007, et des variations plus heurtées depuis la crise de 2008. Toutefois, ces moyennes masquent de fortes disparités selon les zones, notamment selon que l’on compare les situations du marché du logement à Paris, en -de-France, ou en province9.

Par ailleurs, les taux d’intérêt du marché ont connu une baisse importante - 7,5 % en 1995, 4 % en 2005, 2,2 % en moyenne sur l’ensemble du premier trimestre 201510, et plus récemment, 1,8 % pour un emprunt à 25 ans11 au 10 novembre 2016 -, pour aboutir aujourd’hui à un point bas historique, même pour des durées d’emprunt longues.

Dans ce contexte, la proportion des prêts « aidés » ou à taux privilégié par rapport aux prêts obtenus sur le marché a diminué, car ils sont devenus de moins en moins intéressants pour les acquéreurs.

raréfaction des prêts à taux privilégié liée la baisse des taux de marché

Source : SGFGAS

Simultanément, les primo-accédants rencontrent des difficultés pour accéder au crédit immobilier en France. La conjoncture économique leur est peu favorable depuis 2008, en raison de l’écart croissant entre les revenus et les prix de l’immobilier : ce sont surtout les « secondo-accédants » à la propriété qui ont connu12 ces dernières années une évolution favorable de leur pouvoir d’achat immobilier.

Dans ces conditions, si près de six ménages sur dix13 sont aujourd’hui propriétaires de leur logement, cette proportion, qui a doublé en cinquante ans, n’évolue plus désormais que lentement, en dépit d’une aspiration à la propriété qui demeure largement partagée.

C’est dans ce contexte particulier qu’il convient d’analyser les aides à l’accession à la propriété. L’enquête de la Cour porte sur la période comprise entre 2011 - date de la dernière réforme majeure des aides à l’accession - et 2015, dernière année pour laquelle les données sont disponibles.

Les quatre aides à l’accession analysées dans le présent rapport sont détaillées dans l’annexe n° 5. Elles présentent les principales caractéristiques suivantes14 :

Les quatre aides de l’État à l’accession à la propriété (données 2015)

Le prêt à taux zéro renforcé (PTZ+)15

* 59 840 prêts signés pour une dépense fiscale de 1,09 Md€.

Le PTZ+ est distribué aux ménages par les banques, sous conditions de ressources appréciées en fonction de la zone de résidence. Il ne finance qu’une partie de l'opération de primo-accession et doit être complété par d’autres financements. Il comporte un différé initial et une durée de remboursement modulables en fonction des critères d’éligibilité.

Le prêt d’accession sociale (PAS)16

* 72 221 opérations financées pour un coût budgétaire de moins de 15,5 M€, correspondant aux appels à la garantie de l’État.

Ce prêt à intérêt est accordé par des banques qui ont passé une convention avec l’État et la société de gestion des financements et de la garantie de l’accession sociale à la propriété (SGFGAS), en faveur de ménages modestes dont les revenus sont appréciés en fonction de leur zone de résidence et de leur composition familiale. Il dispense d’apport personnel et peut financer la totalité de l’acquisition. Il peut être complété par un PTZ et ouvre droit à l’aide personnalisée au logement. Il est assorti d’une hypothèque à coût réduit et l’État le garantit par l’intermédiaire de la SGFGAS.

L’aide personnalisée au logement (APL-accession)17

* 460 000 bénéficiaires d’une aide personnelle ou d’une aide personnalisée au logement « accession » pour un coût budgétaire de 869 M€.

Cette aide est destinée à apporter une aide financière périodique aux ménages accédant à la propriété qui remboursent un prêt conventionné (PC) ou un prêt d'accession sociale (PAS). Le montant de l’aide varie selon la composition du foyer et la zone de résidence. Il décroit en fonction des ressources du foyer jusqu’à un certain seuil. L’aide est versée aux ménages selon la même périodicité que le remboursement de leur emprunt.

Le prêt social de location-accession (PSLA)18

* 8 080 opérations pour un coût budgétaire estimé entre 11,3 et 11,9 M€ (cf. infra).

Ce prêt conventionné est accordé à un opérateur (organisme HLM, SEM, promoteur privé, etc.) pour financer la construction ou l’acquisition de logements neufs qui font l’objet d’un contrat de location-accession. Le ménage bénéficiaire loue d’abord le logement et verse une redevance et peut ensuite en devenir propriétaire à un tarif préférentiel et bénéficier d’aides. L’opérateur bénéficie d’un taux réduit de TVA et d’une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) de 15 ans.

Ainsi qu’il l’a été précisé au comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale, cette enquête ne constitue pas une évaluation de politique publique stricto sensu. La Cour a cependant associé la recherche universitaire à ses travaux en confiant à l’Institut des politiques publiques de l’École d’économie de Paris (IPP-PSE), après mise en concurrence, une revue des dispositifs d’aide à l’accession, dont les résultats19 ont conforté ses jugements.

De manière synthétique, le présent rapport souligne le décalage important entre les enjeux actuels des aides à l’accession (chapitre I) et l’efficacité des instruments utilisés pour la favoriser (chapitre II). Il identifie les pistes d’une nécessaire réforme de ces instruments et appelle à leur meilleure combinaison avec les politiques locales de l’habitat et du logement (chapitre III).

Des aides traditionnelles confrontées à de nouveaux défis

Une forme d’aide ancienne

Une composante historique des politiques du logement

Un instrument constant, mais modeste de l’aide publique au logement

Les aides à l’accession à la propriété sont aussi anciennes que les politiques publiques du logement. L'État y a recouru dès le XIXème siècle.

Les grandes étapes de la politique d’aide à l’accession à la propriété

La loi du 30 novembre 1894 de soutien public aux HBM, dite loi Siegfried, comportait déjà un volet d’aide à l’accession sous la forme d’aides fiscales et de bonifications de prêts.

La loi du 10 avril 1908 (loi Ribot) a créé les sociétés de crédit immobilier pour favoriser l'accession à la « petite propriété », principalement en zone rurale.

La loi du 13 juillet 1928 (loi Loucheur) a également aidé l’accession par des bonifications de prêts qui ont permis de construire environ 125 000 logements avant-guerre.

Lors de la reconstruction d’après-guerre, l’objectif d’un accès rapide à un logement salubre a dominé, mais les aides à l’accession à la propriété ont perduré. La loi du 21 juillet 1950 a institué une aide à l’accession fondée sur les primes et prêts aidés distribués par le Crédit Foncier de France. Instaurée en 1953, la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) visait en partie à financer des prêts individuels aux salariés pour l’achat de leur logement.

De la fin des années 1960 au milieu des années 1970, les incitations financières de l’État, relayées par le Crédit Foncier, se sont poursuivies dans une période caractérisée par un essor général de l’accession à la propriété.

La loi du 3 janvier 1977 réformant l’aide au logement a institué le prêt d’accession à la propriété (PAP), afin de financer la construction neuve et l’acquisition de logements anciens en vue de leur réhabilitation, sous condition de travaux et au profit de ménages dont les ressources étaient inférieures à des plafonds fixés selon la situation familiale et le lieu d’implantation du logement.

La création du PTZ en 1995, en remplacement du PAP, s’est inscrite dans cette continuité historique.

Une des caractéristiques de ces aides est qu’elles ont toujours représenté une part relativement modeste de l’ensemble des dépenses publiques en faveur du logement. En revanche, ce qui est nouveau, depuis le début des années 2000, est que cette part tend à diminuer, comme le montre le graphique suivant. Leur montant cumulé s’élève à environ 2 Md€ sur les 40,9 Md€ retracés en 2014 par les comptes du logement, dont environ la moitié au titre du PTZ. Elles ne représentent plus que 5 % environ des dépenses rattachées à la politique du logement, qui demeurent donc majoritairement concentrées sur les aides au logement locatif des ménages.

poids relatif des aides à l’accession

Source : comptes du logement 2014/P. MADEC.20

Des aides portant sur la solvabilité des ménages

Les aides à l’accession à la propriété utilisent différents leviers. Certains, traditionnels, visent à faciliter l’accès au crédit des ménages en bonifiant leurs prêts21, en subventionnant leur apport personnel, en sécurisant leurs remboursements ou en réduisant le coût de leur investissement immobilier par l’octroi d’avantages fiscaux. D’autres, plus récents, consistent à encourager des formes d’accession progressive en aménageant une transition entre la location et l’accession, ou même à rechercher une distinction entre la propriété du sol et celle du bâti. Ces leviers ont été combinés au cours du temps de façon variable et souvent complexe, ce qui a rendu ces aides peu lisibles, comme le soulignait déjà l’exposé des motifs de la réforme des aides au logement de 1977.

En revanche, bien qu’il intervienne sur ce plan par l’intermédiaire de la SGFGAS, l’État utilise relativement peu l’instrument de la garantie en comparaison d’autres pays. Les aides à l’accession à la propriété reposent en fait essentiellement sur l’expertise des banques, qui contrôlent tout particulièrement la solvabilité des emprunteurs.

La garantie publique des prêts à l’accession

Le fonds de garantie à l’accession sociale (FGAS), créé en 1993, est le principal dispositif de garantie par l’État du risque de crédit lié à l’accession à la propriété. Il porte sur les PAS et sur les PTZ accordés aux ménages éligibles au PAS.

L’État ne couvre que 50 % du risque de crédit, le reste étant pris en charge par les établissements bancaires concernés.

Cette garantie a coûté en 2015 au budget de l’État 15,5 M€ seulement pour un encours garanti net de 53,4 Md€. Certes, cette dépense a augmenté sur la période récente en raison de la croissance des sinistres : en 2015, les crédits votés de 10 M€ ont été ainsi dépassés de 50 % et le nombre de sinistres pris en charge s’est élevé à 847 contre 439 en 2014. Cependant, ces chiffres sont à rapporter à plus d’1,2 million de prêts consentis : cette très faible sinistralité (0,03 %) ne remet donc pas en cause la robustesse de cet instrument.

La garantie apportée par l’État dans le cadre du FGAS est surtout utilisée par le Crédit Foncier, les autres banques absorbant elles-mêmes les sinistres subis.

Des critères évolutifs

Les aides à l’accession reposent sur la notion traditionnelle de « parcours résidentiel » des ménages au long de leur vie. Selon cette conception, les ménages partent du logement locatif, social ou privé, pour arriver à l’achat d’une première résidence principale, qui peut ensuite être revendue. La « primo-accession » est l’étape la plus encouragée de ce parcours.

Selon les périodes, les critères d’attribution ont fortement varié. Les aides ont été ouvertes, soit aux seuls logements neufs, soit également aux logements anciens, avec ou sans travaux, la quotité de ces derniers étant de surcroît variable ; elles ont été destinées, soit à toutes les tranches de revenus, soit aux plus modestes, accessibles uniformément sur tout le territoire ou modulées par zones. Tout comme les modes d’intervention, ces priorités ont en outre été combinées entre elles de manière instable, ce qui rend difficiles les évaluations de moyen ou long terme. Cette instabilité s’est accentuée avec le PTZ+, dont les caractéristiques ont changé chaque année depuis sa création en 2011 (avec ou sans plafonds de ressources, applicable ou non au logement ancien, comportant ou non un critère d’économie d’énergie, etc.) :

évolution du PTZ depuis 1995

Source : IPP.

Une définition imprécise de l’« accession sociale »

Cette politique se caractérise par ailleurs par une relative imprécision dans la définition de ses bénéficiaires. Bien que l’accession des ménages « modestes » soit constamment évoquée dans la présentation officielle des aides à l’accession, il n’existe pas de définition claire de l’ « accession sociale ». De manière significative, le prêt d'accession sociale (PAS), qui a pour objectif de favoriser l'accession à la propriété des « ménages aux revenus modestes », illustre tout particulièrement cette difficulté : la disparité des plafonds de revenu entre zones détendues (C) et tendues (A) est telle que des populations socialement très différentes sont visées. Ainsi, pour un ménage avec deux enfants, le revenu maximal va de 48 000 € à 74 000 € annuels.

Les documents budgétaires eux-mêmes indiquent que la notion d’ « accession sociale » ne vise pas des catégories précises. Ainsi, dans la mission budgétaire Égalité des territoires et logement, l’objectif de performance n°4 du programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat, intitulé « soutenir l’accession sociale à la propriété», mentionne « les ménages, et en particulier les plus modestes22 ». Mais l’exposé de cet objectif indique que « le PTZ a pour objectif d’aider les ménages pour lesquels l’aide publique s’avère décisive pour concrétiser leur projet de première accession à la propriété »23. Il ressort de cette présentation que l’« accession sociale » est en fait simplement définie comme une accession à la propriété qui n’aurait pas lieu sans l’intervention de l’État.

Deux objectifs : aider les ménages et soutenir le secteur de la construction

Les objectifs définis par l’État

Si les aides à l’accession à la propriété sont peu lisibles en raison de leur instabilité et de leur combinaison complexe, elles le sont également parce qu’elles poursuivent deux objectifs distincts, l’un macro-économique - le soutien du secteur de la construction - et l’autre social, - l’aide aux ménages -, sans que le lien entre ces objectifs soit toujours aisé à déterminer.

Toutefois, le ministère chargé du logement a clairement distingué en 2014 quatre axes de la politique d’aide à l’accession :

appuyer la solvabilité de la demande des ménages modestes, (PTZ, PTZ+) ;

sécuriser la demande et les projets de ces ménages (PSLA) ;

sécuriser les établissements de crédit pour les inciter à prêter à des ménages modestes (FGAS) ;

soutenir le secteur de la construction, de manière conjoncturelle ou non ».

On observe que ces quatre axes sont reliés pour trois d’entre eux à des dispositifs de soutien spécifiques24. Ils constituent en outre une déclinaison précise des deux objectifs principaux que sont l’aide aux ménages et le soutien de la production de logements.

La justification des aides à l’accession à la propriété

Ces objectifs ainsi définis se heurtent toutefois fréquemment à une interrogation sur les justifications des politiques d’aide publique à l’accession à la propriété, notamment sur le plan économique.

Afin de prendre en compte l’état le plus récent des réflexions sur cette problématique, la Cour a chargé l’Institut des politiques publiques de l’École d’Économie de Paris (IPP-PSE) d’analyser sur ce point précis la littérature de recherche économique25.

Il ressort de cette analyse que, si les fondements psychologiques, sociaux et culturels de l’attachement à la propriété du logement apparaissent bien établis, les études économiques peinent à confirmer les effets positifs prêtés à l’accession à la propriété, tant au plan macro-économique que micro-économique.

Ces effets économiques sont en effet hétérogènes. Ainsi, une approche fréquente assimile le remboursement d’un prêt immobilier à une épargne forcée permettant de constituer un actif, ce qui présente l’avantage d’aider les ménages à faire face à la baisse de leurs revenus au moment de leur retraite26. Il faut toutefois tenir compte également du risque de moins-value éventuelle entraînée par les fluctuations du marché immobilier27, ainsi que du risque de surendettement des accédants, qui est très variable : s’il est élevé dans certains pays28, il est limité en France en raison de la sélectivité des aides. Il faut enfin tenir compte du fait que le lien entre le statut de propriétaire occupant et la valeur patrimoniale du logement peut être négatif, lorsque les ménages n’ont pas les ressources nécessaires pour entretenir leur bien ou payer les charges d’une copropriété29.

Par ailleurs, si les effets des aides à l’accession à la propriété sur l’emploi sont dans l’ensemble mal mesurés, la littérature de recherche économique les critique généralement au motif qu’en devenant propriétaires, les ménages voient leurs possibilités d’accès à l’emploi ou de développement professionnel freinées par une moindre mobilité30. Toutefois, si certaines études établissent pour d’autres pays un lien entre l’augmentation du taux de propriétaires et celle du chômage, cette corrélation n’est pas confirmée en France31. De façon générale, les freins à la mobilité semblent provenir davantage de coûts de transaction élevés ou de certains facteurs culturels que du statut de propriétaire lui-même : certains exemples étrangers montrent ainsi qu’un taux élevé de propriétaires peut être compatible avec une mobilité géographique élevée. En revanche, une étude32 fait apparaître pour la France que les propriétaires occupants restent plus longtemps au chômage que les locataires33.

Enfin, l’impact économique des aides à l’accession sur le secteur de la construction est probable, mais également insuffisamment mesuré. Bien qu’il représente 8 % de l’emploi en France34, aucune évaluation ne confirme un effet spécifique des aides à l’accession à la propriété sur l’emploi35 dans ce secteur. Rien n’exclut, en particulier, que d’autres interventions puissent aboutir à moindre coût à un effet comparable. On observe, toutefois, que tous les plans de relance lancés au cours de la période récente ont comporté des mesures portant sur les aides à l’accession à la propriété.

L’aide à l’accession dans les plans de relance

Le plan de relance de 1993

Le plan en faveur du logement lancé par la loi de finances rectificative du 22 juin 1993 visait à « soutenir l'activité du bâtiment et à répondre aux besoins de logements des Français », notamment en augmentant de plus de 50 % le nombre de prêts aidés à l'accession à la propriété (PAP), grâce à un relèvement des plafonds de ressources et de prêts et à la mise en place de compléments de financement par les organismes collecteurs.

Le plan de relance de 2008

Le plan de relance de l’économie adopté le 19 décembre 2008 prévoyait pour sa part un doublement du PTZ pour l’achat d’un logement neuf, la quotité étant relevée à 30 % du prix d'achat.

Le plan de relance de 2014

Le plan de relance de 2014, fixant un objectif de construction annuelle de 500 000 logements, visait à « répondre aux difficultés des Français pour se loger » et à « soutenir un secteur en difficulté ». Les aides à l’accession ont été mobilisées pour atteindre cet objectif.

La littérature de recherche souligne enfin que l’impact urbain et environnemental des aides à l’accession est important. En raison de la préférence pour la maison individuelle36, les aides à l’accession favorisent de fait l’installation des accédants en périphérie, en particulier dans les zones moins tendues, ce qui augmente le coût du transport et les dépenses d’infrastructure pour les collectivités. En particulier, le modèle « pavillonnaire » d’habitat peu dense entraine une artificialisation des sols et une réduction des surfaces disponibles soulignées par le CGDD37 : l’équivalent de la superficie d’un département français serait ainsi utilisé tous les dix ans.

Toutefois, si le ministère du logement admet la nécessité d’intégrer la maîtrise de l’étalement urbain dans la définition des politiques d’aide à l’accession à la propriété, cet objectif est délicat à concilier avec l’objectif de relance économique, qu’il contredit en partie. En effet, le recentrage sur le logement neuf, qui sert la relance, contribue simultanément à l’étalement urbain, même si le ministère estime que, sans aide, les ménages s’installeraient encore plus loin des centres. À l’inverse, l’ouverture des aides à l’accession au logement ancien, plutôt favorable à la maîtrise de l’étalement, dessert l’objectif de relance, même en tenant compte de l’obligation de réaliser une certaine quotité de travaux.

En définitive, par-delà le caractère peu documenté ou insuffisamment probant des analyses portant sur leur impact économique, la principale justification des aides à l’accession à la propriété reste l’attachement des ménages à la propriété du logement, qui apparaît profond et durable au vu de toutes les enquêtes d’opinion. Ainsi, 91 % des Français jugent qu’il est préférable d’être propriétaire de sa résidence principale (IFOP, 2013) et 49 % d’entre eux voient dans la propriété du logement un moyen d’aborder sereinement la retraite (Ipsos-Corem, 2009). De même, près de la moitié des locataires souhaitent devenir propriétaires rapidement (CREDOC, 2008). Selon une enquête de 2014 du CREDOC, les demandes des citoyens se partagent de façon égale entre l’aide à l’accession et l’aide au logement social : chacun de ces objectifs est jugé prioritaire par près d’un Français sur cinq38.

Une distribution prudente des aides

Un encouragement mesuré

La France se caractérise par une politique d’aide à l’accession s’appuyant sur les banques, ce qui, compte tenu des critères généralement appliqués en matière de solvabilité des emprunteurs, limite en pratique le bénéfice de ces aides aux ménages dont le taux d’effort39 est inférieur à 33 %40. Si la dette immobilière des ménages a augmenté significativement depuis 1990 et surtout 2005, elle demeure limitée à 72 % de leur revenu disponible brut annuel à l’été 2015. De ce fait, la France reste l’un des pays où l’accès à la propriété est le moins risqué : le taux de défaillance des primo-accédants aidés est inférieur à 1 %, ce qui contraste avec certaines situations observées à l’étranger.

La crise économique de 2008 a en effet davantage touché certains pays qui avaient encouragé l’accession sans tenir compte de la capacité de remboursement des ménages.

Les effets d’un encouragement excessif à la propriété aux États-Unis et en Espagne

Aux États-Unis, le risque d’un encouragement imprudent à l’accession à la propriété est illustré par la crise des « subprimes », terme désignant des prêts hypothécaires plus risqués, mais plus rémunérateurs pour les prêteurs que les prêts courants et assortis d’un taux progressif. En période de hausse des prix de l’immobilier, les ménages peuvent renégocier leur contrat après quelques années sur la base d’une valeur hypothécaire réactualisée afin d’obtenir des taux plus avantageux41.

À partir de 1994, le gouvernement fédéral des États-Unis, en accordant de larges garanties aux banques, a encouragé l’accession à la propriété des ménages modestes grâce à ces prêts qui exigeaient un faible apport personnel. À partir de 2006, lorsque les prix de l’immobilier ont commencé à baisser, les ménages concernés n’ont pas pu renégocier leur crédit et ont été dans de nombreux cas dépossédés de leur logement lors de la réalisation des hypothèques.

En Espagne, où la politique du logement social a reposé exclusivement sur l’accession à la propriété à partir de l’après-guerre, le taux de propriétaires, qui est parmi les plus élevés de l’OCDE, a sensiblement diminué pendant la crise, en passant de 82 % en 2007 à 78 % en 2009.

Une conséquence de cette politique prudente d’encouragement à l’accession à la propriété est que, lors de la crise de 2008 et 2009, le taux de défaillance n’a pas augmenté en France - de même qu’aux Pays-Bas, en Allemagne, ou au Canada -, alors qu’aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Espagne, ce taux s’est au contraire fortement accru, en entraînant à son tour un net recul de la proportion de propriétaires dans la population.

part des ménages propriétaires

FranceAllemagneRoyaume-UniEspagneIrlandeÉtats-Unis
200757 %57 %74 %82 %78 %68 %
201358 %57 %64 %76 %68 %64 %
Évolutionstablestable10 points6 points10 points4 points

Source : OCDE 2012, Eurostat 2015.

Une augmentation maîtrisée du taux de propriétaires

À la veille de la Seconde guerre mondiale, le taux de propriétaires occupants était en France de 35 % environ. Il est passé à 57,7 %42 en 201343, dont 38 % étaient libérés de toute charge de remboursement. Cette augmentation n’a pas été régulière : elle a été très rapide entre 1970 et 1988, le taux de propriétaires passant de 45 % à 54 % entre ces deux dates, avant de revenir à un rythme plus lent, puis de stagner : la proportion de 2013 est ainsi identique à celle de 201044. En 2016, la France se situe en dessous de la médiane des pays développés.

En dehors des périodes de crise (cf. supra), l’impact sur le long terme des politiques d’aide à l’accession sur le niveau du taux de propriétaires est difficile à mesurer. Ainsi, les économistes imputent généralement le « bond » du taux de propriétaires, au cours des années 1970 et 1980, à l’inflation qui a produit à cette époque des taux d’intérêt réels négatifs, bien plus qu’aux effets du PAP et des prêts conventionnés.

L’impact sur le long terme des aides à l’accession à la propriété est au demeurant d’autant plus difficile à évaluer que les statistiques ne retracent pas le flux annuel total d’accédants, auquel on pourrait rapporter le flux des accédants aidés, qui est pour sa part bien identifié.

Des accédants en difficulté croissante face à l’évolution du marché immobilier

L’évolution du marché immobilier rend par ailleurs inopérant dans les zones tendues le soutien à l’accession à la propriété pour les ménages modestes qui ne peuvent supporter la hausse des coûts fonciers.

Une évolution économique défavorable aux accédants modestes

Les marchés immobiliers présentent depuis 2000 un désajustement des prix et des revenus défavorable aux accédants, ce qui marque la fin d’une période où ces deux variables évoluaient de façon convergente ou à l’intérieur d’une zone de divergence limitée45. Le graphique suivant illustre ce phénomène très marqué depuis une quinzaine d’années :

revenus et prix de l’immobilier

Lecture : le rapport entre le prix des logements et le revenu des ménages a été multiplié par 1,75 depuis 2000.

Source : J. FRIGGIT

Entre 1996 et 2012, les prix de l’immobilier ont augmenté en moyenne de 6 % par an, contre 1,7 % pour les prix à la consommation et 2,7 % pour les loyers. En 2015, les ventes immobilières soumises à des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) représentaient 11 % du PIB contre 8 % en 2000, après avoir atteint un taux de 14 % au milieu des années 2000.

En 2015, la France est le pays où le rapport entre l’indice du prix des logements et le revenu disponible des ménages a augmenté le plus vite, soit, pour une référence de 1,0 en 1965, un taux de 1,6 contre 1,5 au Royaume-Uni, 1,1 aux États-Unis et 0,9 en Allemagne. Ce ratio a d’abord augmenté de manière homogène entre 2000 et 2005, passant d’environ 1 à 1,7, puis de façon différente selon les zones, tout en restant stable en moyenne : de 2005 et 2015, il a diminué de 10 % en province, mais a progressé de 41 % Paris et de 16 % en -de-France. Au total, le pouvoir d’achat immobilier est devenu inférieur de 22 % à celui de la période 1965-200046.

Dans ce contexte, le logement demeure le premier poste de dépense des ménages, et cette part est en augmentation : il absorbait plus de 22 % de leurs revenus en 2012 contre 18 % en 2004. En outre, l’accession à la propriété exige un taux d’effort plus important que la location et en augmentation beaucoup plus rapide. Ainsi, au début de 2016, la dette immobilière des ménages représentait 71 % de leur revenu disponible brut, ce qui représentait une augmentation de près de 50 % depuis 200047. De 2001 à 2009, la part des emprunts immobiliers à 20 ans dans les crédits est passée de 16 % à 57 % et leur durée moyenne a augmenté de 20 %.

Une progression des coûts liée avant tout au foncier

La tension des marchés immobiliers provient d’une offre insuffisante au regard de la demande. Cette insuffisance s’explique avant tout par la rareté du foncier48. Cette notion renvoie à la difficulté de mobiliser les terrains pour construire dans le centre des grandes villes et les zones très touristiques. Outre l’augmentation des prix, la rareté du foncier entraine aussi un phénomène d’étalement urbain, poussant les opérateurs à s’éloigner des centres tendus.

Dans ces conditions, alors que dans les comptes de patrimoine publiés par l’INSEE, la valeur des terrains bâtis ou aménagés représentait moins de 50 % du PIB jusqu’en 1997, elle atteignait 255 % en 2013 : cette évolution justifie l’expression souvent employée de « bulle foncière »49, en dépit d’un léger tassement intervenu depuis 2008, comme le montre le graphique suivant.

part du foncier dans le PIB

Nota : Part de l’immobilier « non produit » exprimé en pourcentage du PIB.

Source : INSEE / Le logement malade du foncier, Joseph COMBY.

De fait, les prix du foncier ont subi depuis une décennie une hausse généralisée, trois fois plus forte que celle des prix de la construction. Le poids du foncier représente désormais en moyenne le tiers du coût d’acquisition, avec de fortes variations d’une région à l’autre.

En conséquence, l’élasticité-prix de l’investissement locatif, mesurée par son évolution rapportée à la variation des prix de l’immobilier, est en France une des plus faibles de l’OCDE, soit 0,36 contre plus de 1 pour tous les autres pays : cet indicateur confirme que le marché français est bloqué par les contraintes foncières et urbanistiques50.

En outre, l’absence de données statistiques fiables sur les prix et la disponibilité des terrains constructibles contribue à rendre le marché opaque dans ce domaine et confère aux détenteurs de terrains constructibles un avantage économique face aux acquéreurs potentiels51. Cet avantage est renforcé par le faible coût52 que représente en France le portage foncier, c’est-à-dire la détention d’un terrain à bâtir53.

Une disparité des territoires mal prise en compte

Dans ce contexte très contraint, la politique d’aide à l’accession à la propriété doit prendre en compte les caractéristiques territoriales de la situation du logement.

En effet, si le prix du foncier et celui du logement ont globalement augmenté depuis une vingtaine d’années, cette augmentation n’a pas eu partout la même intensité, à tel point que des disparités très fortes sont aujourd’hui observables.

évolution entre 2006 et 2014 du prix du foncier par région et part du coût d’une acquisition

RégionPrix moyen du m² foncier en € (2014)Évolution (2014/2006)% du coût total acquisition
Alsace118+34 %29 %
Aquitaine63+103 %34 %
Auvergne42+75 %24 %
Basse-Normandie47+123 %26 %
Bourgogne42+103 %26 %
Bretagne78+85 %26 %
Centre-Val-de-Loire60+81 %29 %
Champagne-Ardenne53+61 %26 %
Corse70+105 %33 %
Franche-Comté52+79 %24 %
Haute-Normandie54+69 %30 %
-de-France218+23 %45 %
Languedoc-Roussillon127+37 %39 %
Limousin20+67 %19 %
Lorraine70+70 %27 %
Midi-Pyrénées54+69 %32 %
Nord-Pas-de-Calais84+79 %30 %
Pays de la Loire81+80 %28 %
Picardie65+59 %30 %
Poitou-Charentes54+100 %26 %
PACA136+40 %45 %
Rhône-Alpes108+52 %37 %
DOM113+51 %43 %
France entière79+76 %32 %

Source : MEEDDM/SOeS/Enquête EPTB.

Comme le montre le tableau suivant, on observe également une grande disparité des prix immobiliers dans l’ancien, selon les villes et les départements.

disparité des prix immobiliers dans l’ancien (prix médians)

Ville/départementAppartements anciens (prix au m2)Maisons anciennes (montant total de l’acquisition)
Paris8 100ND
Hauts–de Seine5 210561 900
Val de Marne4 130340 800
Yvelines 3 620353 000
Seine saint Denis3 140261 000
Essonne2 530274 200
Val d’Oise 2 600265 700
Seine et Marne2 530228 400
Toulon2 010333 000
Marseille2 270300 000
Montpellier2 540300 000
Grenoble2 150291 000
Nantes2 520239 000
Nîmes1 330205 000
Dijon1 960203 100
Metz1 670195 300
Reims1 990188 300
Caen1 860188 000
Orléans1 930180 000
Saint-Étienne920175 300
Nancy1 790173 300
Poitiers1 500155 200
Limoges1 110142 000

Source : Notaires de .

Ainsi, des écarts de prix significatifs subsistent entre Paris, -de-France et la plupart des territoires en province, même s’ils ne se sont pas accrus depuis 2011.

Par ailleurs, les aides à l’accession sont réputées tenir compte de la disparité des marchés parce qu’elles s’inscrivent à la fois dans un zonage « A/B/C », visant à refléter les différences de tension des marchés immobiliers, et dans un zonage « I/II/III », utilisé pour déterminer les loyers du logement social et pour moduler les aides personnelles au logement (locatives et en accession). Or, ces deux grilles présentent chacune de fortes limites.

En effet, le zonage « I/II/III », créé dans le prolongement de la loi du 3 janvier 1977 portant réforme des aides au logement, repose sur des critères démographiques54. Le zonage « A/B/C », créé en 2003, classe les territoires selon la tension de leur marché immobilier au regard du déséquilibre entre l’offre et la demande de logements.

La direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) estime que le zonage « I/II/III » et le zonage A/B/C ne sont pas totalement superposables, et que leur construction est différente afin de permettre une adaptation des dispositifs aux territoires et à leur parc de logements. De fait, dans la zone I, seuls -de-France et le Genevois français ont été mis en cohérence avec le zonage « A/B/C ».

Pour sa part, le zonage « A/B/C » a enregistré des révisions globales en 2009, 2010 (création de la zone A bis en -de-France) et 2014. Plusieurs critères de tension ont été retenus pour aboutir à cette dernière révision : part des locataires du parc privé et allocataires des aides au logement dont le taux d’effort dépasse 39 %, écart de loyer entre le parc social et le parc privé chez les allocataires des aides au logement, part des ménages « potentiellement décohabitants », niveau des prix et notamment plafond de loyer de l’aide à l’investissement locatif, taille de l’unité urbaine, etc. Le zonage « A/B/C » est utilisé pour de nombreux dispositifs : investissement locatif, PTZ, PSLA, taxe sur les loyers élevés des logements de petites surfaces, aide à la pierre du logement social55. Ce zonage s’applique donc notamment à deux aides à l’accession, le PTZ et le PSLA. Il correspond en réalité à cinq zones distinctes.

Les cinq zones « A/B/C » en 2016

A bis : Paris et 76 communes des Yvelines, des Hauts de-Seine, de Seine-St-Denis, du Val-de-Marne et du Val-d’Oise ;

A : agglomération de Paris (dont zone A bis), Côte-d’Azur, partie française de l’agglomération genevoise, agglomérations ou communes où les loyers et les prix des logements sont très élevés ;

B1 : grandes agglomérations ou dont les loyers et le prix des logements sont élevés, une partie de la grande couronne parisienne hors zone A bis ou A, quelques villes chères, départements d’outre-mer ;

B2 : villes-centre de certaines grandes agglomérations, grande couronne autour de Paris non située en zone A bis, A et B1, certaines communes où les loyers et les prix des logements sont assez élevés, communes de Corse non situées en zones A ou B1 ;

C : reste du territoire.

Source : ministère du logement, 2016.

On observe que les zones A/B/C ont pour caractéristique de regrouper des communes alors que les prix de l’immobilier peuvent varier sensiblement à l’intérieur d’une même commune. À l’inverse, à l’intérieur d’une même zone, des disparités considérables de prix peuvent exister entre communes.

En outre, ce zonage ne tient pas compte des revenus des ménages, pourtant aisément mesurables grâce aux enquêtes de l’INSEE, ni des problématiques d’aménagement telles que le contrôle de l’étalement urbain, l’organisation des transports, la composition sociale des quartiers, etc.

Au total, la disparité des territoires n’est pas prise en compte de façon suffisamment fine par les zonages utilisés pour la politique d’aide à l’accession, alors que celle-ci se heurte précisément à une disparité considérable des conditions d’accès à la propriété selon les caractéristiques locales du marché immobilier. Cette situation amène à approfondir, dans les parties suivantes du présent rapport, d’une part les conditions de mise en œuvre de ces aides, d’autre part les conditions de leur adaptation aux contextes locaux.

CONCLUSION

Favoriser la propriété de la résidence principale est un objectif constant des politiques publiques du logement en France, tant pour répondre au souhait des citoyens de devenir propriétaires que pour soutenir le secteur de la construction. Toutefois, si le bien-fondé des aides à l'accession à la propriété est largement admis par l’opinion publique, l’État explicite insuffisamment les raisons de son intervention dans ce domaine.

Des politiques d’aide au logement existent dans tous les pays développés, mais elles prennent des formes très différentes ; la France est un des rares pays qui appuie l’accession à la propriété tout en soutenant simultanément le logement locatif, social et privé. Dans les faits, la France n’a jamais promu le « tout propriété » et ses politiques d’aide à l’accession ont été mesurées et prudentes, en évitant notamment de pousser les ménages à l’endettement. Préserver les acquis de cet équilibre est un enjeu majeur pour toute évolution éventuelle de la politique des aides à l’accession à la propriété.

Par rapport au montant total des dépenses publiques pour le logement, l’effort financier public en faveur de l’accession à la propriété est resté limité. De ce fait, les dispositifs d’aide peuvent de moins en moins compenser la discordance croissante entre les revenus des ménages et les prix de l’immobilier d’habitation, en raison notamment de la forte progression des coûts du foncier.

En définitive, sur l’ensemble du territoire, les prix immobiliers ont évolué depuis 15 ans sans lien direct avec les revenus des ménages. Cette situation constitue une contrainte majeure opposée à l’efficacité et à l’efficience de la politique d’aide à l’accession à la propriété.

Pour autant, l’intensité de ces tendances varie fortement d’un territoire à l’autre, faisant apparaître une pluralité de marchés immobiliers. Or les possibilités de prise en compte de cette disparité par les critères de zonage appliqués aux aides apparaissent aujourd’hui insuffisantes.

Des aides peu efficaces et mal articulées

Les aides à l’accession à la propriété pâtissent d’une gouvernance complexe et apparaissent insuffisamment pilotées. Elles sont coûteuses et peinent à faire la preuve de leur efficacité.

Des aides mal suivies

Une gouvernance complexe et un pilotage insuffisant

En raison de leur nature hétérogène (dépenses budgétaires pour les APL-accession et fiscales pour le PTZ), et de leur distribution par des circuits distincts (réseaux bancaires pour les prêts, caisses d’allocations familiales pour les aides personnelles), la gouvernance des aides à l’accession à la propriété est actuellement partagée entre plusieurs acteurs.

Au niveau central, les ministères économiques et financiers d’une part (direction générale du Trésor et direction du budget), les ministères du logement (direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages) et des affaires sociales d’autre part (direction de la sécurité sociale) se partagent la responsabilité de leur pilotage national.

Ainsi, la préparation de la réglementation et la tutelle56 des organismes producteurs de données et chargés de contrôler leur distribution par les réseaux bancaires reviennent en grande part aux administrations financières, et notamment à la direction générale du Trésor. Cette dernière suit les dispositifs d’aide à l’accession, mais chacune de ses sous-directions a ses propres missions - suivi de l’épargne, impact de la politique du logement sur l’économie, activités des établissements de crédit, encadrement de l’activité d’assurance -, et la synthèse de leurs approches est parfois délicate.

La direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages définit pour sa part la politique générale en matière d’accession à la propriété, et les instruments à mettre en œuvre.

La direction de la sécurité sociale intervient en supervision des APL « accession » et en raison de leur gestion, au même titre que l’ensemble des aides au logement, par le réseau territorial de la caisse nationale des allocations familiales (CNAF).

Enfin, la distribution des aides repose sur deux canaux distincts, les réseaux bancaires et les caisses d’allocations familiales, sur lesquels les administrations centrales n’ont pas ou peu de prise au quotidien et qui ne communiquent pas entre eux.

Cet éclatement des responsabilités de pilotage et de distributionn’offre pas les meilleures garanties, pour plusieurs raisons.

Les administrations concernées - tant au niveau central que déconcentré - sont tout d’abord insuffisamment informées des conditions effectives de mise en œuvre des aides à l’accession à la propriété. Ainsi, le ministère du logement agrée l’attribution des PSLA mais ne sait pas précisément si ces agréments se traduisent par des levées d’option in fine. De même, la DHUP peut solliciter la SGFGAS pour suivre les aides à l’accession, mais ne réalise pas elle-même d’évaluation et diligente peu d’études sur ce sujet. Les données autres que celles de la SGFGAS sont succinctes et essentiellement liées à des réponses aux questionnaires parlementaires lors de l’élaboration du projet de loi de finances. Ce déficit de suivi ne facilite pas l’implication des services déconcentrés dans le domaine de l’accession à la propriété (cf. infra).

Pour leur part, la CNAF et son réseau territorial jouent un rôle limité dans le suivi des bénéficiaires d’aides à l’accession. La convention d’objectifs et de gestion conclue entre l’État et la CNAF, en cours de renégociation, pourrait davantage prendre en compte la nécessité d’un suivi et d’une évaluation des prestations liées au logement, les échanges entre la DHUP et la direction de la sécurité sociale restant peu développés à ce jour.

Au total, au regard de ses enjeux budgétaires, économiques, sociaux et environnementaux, la politique d’accession à la propriété requiert un suivi plus actif de la part de la DHUP, à laquelle il revient d’assumer la coordination nécessaire, y compris avec les autres administrations, les opérateurs de l’État (ANRU, ANAH, etc.), les organisations professionnelles et les associations nationales d’élus.

Des bénéficiaires mal connus

La connaissance des bénéficiaires des aides à l’accession au logement est dispersée : la SGFGAS suit les PTZ+ et les PAS, la CNAF les aides personnelles au logement et la DHUP les PSLA.

Les ministères analysent peu le profil des ménages qui bénéficient de plusieurs dispositifs. Ainsi, le nombre des bénéficiaires d’une APL-accession adossée à un PAS n’est pas connu, faute d’appariement entre les bases de données de la CNAF et de la SGFGAS, alors que cette information serait nécessaire pour mesurer l’articulation des dispositifs et évaluer leurs effets cumulés.

De même, les services déconcentrés de l’État57 ne connaissent pas les montants des aides personnelles au logement - dont la composante « accession » - versés par les CAF, ni les prêts aidés distribués par les réseaux bancaires. Leur seule intervention consiste à autoriser le nombre des PSLA.

Enfin, à l’exception d’une étude conduite par la SGFGAS en 2013 et d’une étude récente58 sur les effets du doublement du PTZ en 2009 et au 1er semestre 2010, aucune évaluation n’a été engagée par le ministère du logement, alors que, dans le même temps, la direction générale du Trésor et la direction du budget doutent de l’efficacité du PTZ et s’interrogent sur son utilité. De même, alors que l’APL-accession est remise en question, aucune étude n’a été produite à l’appui des propositions de réforme.

Cette carence est peu compréhensible, s’agissant d’une politique dont les objectifs sont pérennes, en dépit de l’instabilité des dispositifs. Il conviendrait notamment de mieux évaluer l’effet déclencheur des aides à l’accession dans l’accès à la propriété.

Les statistiques disponibles présentent en outre de nombreuses lacunes : celles de la Banque de France ne mentionnent pas les primo-accédants, celles de la SGFGAS ne portent que sur les accédants aidés par un PTZ, et celles de l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (APCPR) ne concordent pas avec celles de l’observatoire du financement du logement (OFL) de l’institut CSA.

Le suivi des PAS peut même prêter à confusion, car certains établissements bancaires en comptabilisent plusieurs pour une même opération. Ainsi, 72 585 PAS ont été mis en force en 2014 pour 58 693 opérations financées.

Une base de données unifiée de l’accession à la propriété serait nécessaire pour analyser précisément l’évolution du marché et pour mieux évaluer les dépenses en faveur des accédants59.

Des dépenses à mesurer plus précisément

Les documents budgétaires annexés à la loi de finances recensent les quatre dispositifs principaux d’aide individuelle à l’accession, sans mesurer exactement l’effort consenti par l’État à ce titre.

a) Les seuls crédits budgétaires intitulés « Soutien à l’accession à la propriété » sont ceux de l’action n°2 du programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat de la mission budgétaire Égalité des territoires et logement : ils ne concernent que les commissions de gestion versées à la SGFGAS, soit 3,69 M€ en 2016.

L’entrée en garantie de l’État au titre des aides à l’accession à la propriété est pour sa part retracée au programme 114 Appels en garantie de l'État (crédits évaluatifs) de la mission Engagements financiers de l’État.

Le programme 109 Aide à l'accès au logement retrace enfin les crédits correspondant aux aides personnelles au logement, dont les aides à l’accession ne constituent qu’une partie.

b) Les dépenses fiscales liées aux aides à l’accession n’ont pas le même niveau de précision que les dépenses budgétaires, même si la fiabilité de ces chiffrages est considérée comme « très bonne » par la DGFiP. En effet, le coût du PAS pour l’État, qui correspond à la garantie donnée, est mal identifié, tandis que celui du PSLA n’est pas connu, alors que ces instruments concourent à l’objectif d’aide à l’accession des ménages.

Comme le montre le tableau suivant, l’information du Parlement reste donc largement perfectible.

principales aides à l’accession retracées au budget de l’État

AideMission/programmeMode d’intervention201120122013201420152016PLF
prêt à taux zéro (PTZ)135 Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitatdépense fiscale sur impôts d'État n° 210313Impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés1 1001 2601 2401 1821 092956
prêt social de location-accession (PSLA) idemdépense fiscale n° 730210 TVAPart des taux réduits de 5,5 % et de 10 % qui portent sur les logements destinés à la location-accession (non isolé)NC NCNCNCNCNC
aides personnelles au logement en accession 109Aide à l’accès au logement subvention d’équilibre au fonds national des aides au logement.Les crédits pour l’accession ne sont pas identifiés.NCNCNCNC900 NC869 NC
prêt à taux zéro (PTZ), Eco-PTZ, prêt d’accession sociale (PAS)114 Appels en garantie de l’Étatentrée en garantie, non ventilée par catégorie de prêt2,365,17,29,1415,516,9

Nota : (1) Le coût annuel du PSLA pour l’État en 2015 est estimé par la DHUP entre 11,3 et 11,9 M€.

Source : documents budgétaires, reconstitution Cour des comptes. M€- NC : non identifié au budget.

c) Par ailleurs, l’étalement des dépenses dans le temps amène à mettre plus particulièrement en exergue la notion de « coût générationnel ».

En effet, la compensation par l’État de l’absence de taux d’intérêt appliquée au PTZ prend la forme d’un crédit d’impôt étalé sur cinq ans. La dépense publique liée aux prêts accordés lors d’une année donnée - dénommée le « coût générationnel » - est ainsi différée. À l’inverse, la dépense fiscale rattachée à une année budgétaire se compose des fractions de crédit d’impôt associées aux prêts accordés lors des cinq années antérieures et payés à partir de l’année n-4.

Ainsi, en 2016, le budget de l’État supporte les dépenses fiscales liées aux PTZ « mis en force » - c’est-à-dire dont les fonds sont débloqués - à partir de 2011 inclus. À l’inverse, les prêts mis en force en 2016 induisent un coût générationnel qui pèsera sur 2017 à 2021 inclus.

Émission, mise en force, coût générationnel, dépense fiscale

Dans la mesure où l’émission d’un prêt (la notification de l’offre) précède sa mise en force (le déblocage des fonds), un prêt émis l’année N peut être mis en force en N+1. Environ deux tiers des PTZ sont mis en force durant l’année de leur émission et un tiers l’année suivante.

L’État compense l’absence d’intérêts du PTZ en attribuant aux banques qui le distribuent un crédit d’impôt étalé sur cinq ans à compter de l’année qui suit la mise en force.

On distingue donc pour une année N le coût générationnel (montant total du crédit d’impôt associé aux PTZ rattachés à l’année N) et la dépense fiscale (l’ensemble des fractions de crédit d’impôt payées en année N, au titre des PTZ mis en force de N-4 à N inclus).

On doit de même distinguer pour une même année N le coût générationnel des prêts émis (prêts correspondant à la réglementation de l’année N) et le coût générationnel des prêts mis en force (prêts versés qui donneront lieu à des fractions de crédit d’impôt imputées sur les années N+1 et N+5).

Cette incidence différée des aides n’est pas clairement présentée dans les documents budgétaires. Au demeurant, les chiffrages effectués par la DGFiP et la DHUP ne concordent pas, y compris en ce qui concerne la mesure ex post du coût générationnel des prêts accordés une année donnée. Pour la bonne information du Parlement, le schéma ci-dessous devrait être renseigné chaque année par la DGFiP.

dépenses fiscales et coût générationnel

20112012201320142015201620172018201920202021
2011----->     
2012----->    
2013----->     
2014----->    
2015----->    
2016----->

Lecture : horizontalement coût générationnel des prêts accordées l’année considérée ; verticalement : total des dépenses fiscales de l’exercice. Source : Cour des comptes.

dépense fiscale et coût générationnel du PTZ+ depuis 2012

(millions d’euros)20122013201420152016
Montant de la dépense fiscale estimée en LFI1 3801 3701 2101 175956
Montant de la dépense fiscale réalisée1 2571 2411 1821 065875
Coût générationnel plafonné en LFI8208208201 0002 100

Source : PLF, LFI

Par ailleurs, les informations données au Parlement ne peuvent rendre compte des recettes induites par les aides à l’accession à la propriété. Les ressources budgétaires (tous budgets confondus, État et collectivités locales) liées à une augmentation de la construction comprennent en effet un surcroît de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) après deux ans, un surcroît de droits de mutation à titre onéreux (DMTO) dans l’année, et un surcroît de TVA sur construction neuve et sur travaux. Il ressort de l’enquête de la Cour qu’une mesure fiable de ces recettes est en l’état matériellement impossible pour les constructions qui bénéficient des aides à l’accession à la propriété.

Des outils instables

Les instruments de la politique d’aide à l’accession à la propriété apparaissent par ailleurs particulièrement instables. L’exemple du PTZ+ est à cet égard significatif.

La création du PTZ+ au 1er janvier 2011 visait à rendre les instruments d’aide à l’accession moins nombreux, moins coûteux et plus simples. En fusionnant le Pass-Foncier, le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt pour l’achat d’une résidence principale (« CI-TEPA ») et le PTZ préexistant, le PTZ+ a alors été qualifié de « renforcé » en raison, notamment, de la dépense plafonnée afférente, portée de 1,2 Md€ à 2,6 Md€, afin de proposer à une cible prévisionnelle de 380 000 bénéficiaires des montants de prêt supérieurs à ce que permettait l’ancien PTZ60.

Qualifié d’universel à l’origine en raison de son absence de plafond de ressources et de son ouverture tant au logement neuf qu’au logement ancien sur tout le territoire, le PTZ+ a fait l’objet entre 2012 et 2015 de multiples modifications :

dès septembre 2011, il a été assorti de plafonds de ressources, ses tranches ont été ramenées de dix à six et, surtout, il a été restreint à l’acquisition de logements neufs61 ;

en 2013, ses paramètres ont été à nouveau modifiés, afin de mieux cibler les ménages aux revenus modestes ;

à l’automne 2014, dans un contexte de crise de la construction, il a encore été modifié au profit des ménages des classes moyennes dans les zones moins tendues ;

la LFI pour 2015 a rendu éligibles les logements anciens situés dans un petit nombre de communes et sous réserve d’une quotité de 25 % de travaux ;

la LFI pour 2016 a étendu cette éligibilité à l’ensemble du territoire avec un objectif de 120 000 prêts, soit, de fait, deux fois plus que la réalisation de 2015, et une dépense générationnelle prévisionnelle plafonnée à 2,1 Md€. Elle a enfin permis que le PTZ+ puisse financer jusqu’à 40 % d’un achat immobilier.

Cette dernière réforme illustre les paradoxes du PTZ+ : alors qu’il est désormais resserré sur trois tranches pour limiter les effets d’aubaine et que son effet déclencheur pour les ménages modestes et intermédiaires doit augmenter grâce à des différés de remboursement passés de 5 à 15 ans, ses plafonds de ressources ont été simultanément largement augmentés, ce qui contredit le ciblage affiché.

Au total, l’instabilité chronique du PTZ+ rend très difficile toute évaluation dans la durée de ses effets économiques.

Des aides peu efficaces et coûteuses

Un PTZ+ aux effets incertains

Une forte dispersion pour un coût unitaire doublé

Le montant du PTZ+ est plafonné par zone, par tranche de revenus, par composition du foyer et par quotité de bien acheté. Ces paramètres ont évolué quasiment chaque année depuis 2011. Dans les faits, le coût unitaire moyen du PTZ par bénéficiaire a doublé depuis sa transformation en dépense fiscale en 2005.

coût unitaire moyen du PTZ et du PTZ+

Source : DHUP.

Ce coût unitaire moyen, qui avait augmenté fortement en 2009 en raison du doublement du prêt dans le neuf, a diminué en 2011, car les tranches supérieures ont bénéficié d’une aide plus limitée. Il s’est à nouveau fortement accru en 2012 et 2013, car le recentrage sur les ménages modestes et sur les zones tendues s’est traduit, pour un plafond de dépense inchangé et des effectifs plus réduits, par une aide renforcée pour les bénéficiaires. Malgré un tassement en 2014, lié à l’augmentation du nombre de prêts en zone détendue, il reste élevé (12 400 €).

Toutefois, ces moyennes masquent de fortes disparités du montant des prêts accordés entre bénéficiaires et entre zones. Ainsi, la zone A représentait en 2014 27 % des PTZ+ accordés, mais 32 % du montant des opérations et 50 % du crédit d’impôt (contre 32 % en 2011) : cette prédominance s’explique par la tension du marché francilien.

évolution par zone du montant moyen des PTZ accordés 2005-2016

Source : IPP. Évolution entre 2005 et 20016 du montant moyen des PTZ accordés. Les zones B1 et B2, créées en 2011 ont été regroupées.

Une analyse des montants moyens de PTZ+ accordés par département confirme que les montants les plus élevés qui ont été accordés se situent dans les zones les plus tendues (Île-de-France, pourtour méditerranéen, Rhône-Alpesainsi que le montre la carte ci-après :

montant moyen de PTZ+ accordé par département en 2015

Source : IPP.

Le taux moyen de subvention varie tout autant. Toutes tranches de revenus confondues, il était en 2014 de 12 % en zone A et de 4 % en zone C, pour une moyenne nationale de 8 %. Pour une même tranche de revenus, il variait encore davantage soit, pour les ménages les plus modestes, de 13 % en zone A à 8 % en zone C.

taux de subvention du PTZ+ selon les tranches et les zones en 2014

Source : SGFGAS, déclarations reçues au 31 mars 2015.

Le recentrage du PTZ+ au profit des revenus modestes, des zones tendues et des logements neufs, a entraîné d’autres écarts. C’est ainsi que 31 % des opérations ont un taux de subvention inférieur à 4 %, tandis que 14 % ont un taux de subvention supérieur à 12 %. De nombreuses opérations peu subventionnées, en zone C, coexistaient ainsi jusqu’à la fin 2014 avec des opérations moins nombreuses mais très subventionnées, en zone A et dans une moindre mesure en zone B162.

Un recentrage sur les ménages à revenus intermédiaires

Le gouvernement, ayant successivement décidé de recentrer le PTZ+ sur les revenus moyens en 2012, puis sur les revenus modestes en 2013, la part des ménages appartenant aux tranches inférieures de son barème devrait être majoritaire. Il est difficile de vérifier cette évolution dans le temps, car le nombre des tranches a été ramené de dix en 2011 à cinq en 2013, puis à trois en 2016. En outre, il n’est pas possible de se fonder sur les documents budgétaires annexés à la loi de finances, en raison de la grande instabilité des indicateurs créés pour mesurer l’atteinte de ces objectifs, eux-mêmes modifiés chaque année.

C’est pourquoi, la Cour a choisi de conduire son analyse sur la base des statistiques de la SGFGAS. Ces dernières, fondées sur le SMIC, permettent des comparaisons dans la durée.

nombre de bénéficiaires d’un PTZ+ selon les catégories de revenus, 2011-2015

201120112012201220122012201320132014201420152015
  Toutes opérationsToutes opérationsNeuf performant seulNeuf performant seul      
en nben %en nben %en nben %en nben %en nben %en nben %
Revenus « modestes »54 79715,88%11 73714,88%3 91114,56%7 81118,13%6 95115,90%8 61515,96%
Revenus « moyens »65 76419,06%16 26220,62%5 45920,32%10 28423,87%10 22423,38%12 27722,75%
Revenus « intermédiaires »131 28038,05%36 18845,89%10 52639,19%18 10042,02%19 14443,79%24 10744,67%
Revenus « aisés »93 17327,01%14 67518,61%6 96325,92%6 88015,97%7 40216,93%8 96316,61%
Total345 014100,00%78 862100,00%26 859100,00%43 075100,00%43 721100,00%53 962100,00%

Source : SGFGAS ; reconstitution Cour des comptes.

NB : la SGFGAS définit ainsi les catégories de revenus figurant ci-dessus : « revenus modestes » : moins de 1,5 SMIC pour les ménages de 1 ou 2 personnes, et moins de 2 SMIC pour les ménages d’au moins 3 personnes ; « revenus moyens » : de 1,5 à 2 SMIC pour les ménages de 1 ou 2 personnes, de 2 à 2,5 SMIC pour les ménages de 3 personnes au moins ; « revenus intermédiaires » : de 2 à 3 SMIC pour les ménages de 1 ou 2 personnes, de 2,5 à 3,5 SMIC au-delà ; « revenus aisés » : plus de 3 SMIC pour les ménages de 1 ou 2 personnes, plus de 3,5 SMIC au-delà.

Il apparaît ainsi que le nombre de ménages bénéficiaires à revenus modestes a diminué de 26 % entre 2012 et 2015, ce que la SGFGAS impute au recentrage du PTZ+ sur les opérations neuves à forte performance énergétique. Le nombre de ménages à revenus moyens a diminué dans une proportion quasiment identique (-24,5 %) sur la même période.

À l’inverse, la part des ménages à revenus intermédiaires progresse à nouveau depuis 2013, l’effet du recentrage se faisant sentir apparemment seulement en 2012.

L’analyse par catégorie socioprofessionnelle confirme cette tendance, comme le montre le tableau ci-dessous.

CSP des bénéficiaires d’un PTZ+ entre 2011 et 2015

en %20112012201320142015
Agriculteurs0,71,10,60,70,7
Artisans, commerçants, chefs d'entreprise3,32,72,32,52,6
Cadre20,412,514,512,911,7
Profession intermédiaire21,322,823,723,423,7
Employé30,633,035,135,735,6
Ouvrier20,626,021,622,822,6
Retraité1,10,60,40,50,5
Inactif2,01,51,61,62,5

Source : statistiques SGFGAS, retraitements Cour des comptes.

La part de cadres est très élevée en 2011, en raison de la brève universalité initiale du PTZ+. La part des ouvriers se redresse légèrement en fin de période, mais on observe surtout une forte progression des professions intermédiaires et des employés. Ces deux dernières catégories représentent presque six bénéficiaires sur dix en 2015.

Contrairement à son objectif social affiché, le recentrage du PTZ+ s’est donc opéré au profit des ménages à revenus intermédiaires, qui représentent 45 % des bénéficiaires en 2015.

Un soutien limité à la construction neuve

Le soutien du PTZ+ à la construction neuve semble peu probant, si l’on observe la baisse sensible du nombre annuel des opérations financées de 2011 à 2015.

Cette baisse dépasse 80 % pour l’ensemble des opérations - neuf et ancien - (de 352 000 à moins de 56 000) et atteint 40 % pour les seules opérations dans le neuf (cf. tableau ci-après), en dépit d’un taux de subvention en hausse et d’un coût de plus en plus élevé pour les finances publiques. Cette baisse du nombre d’opérations peut être liée à une diminution du plafond de ressources, comme l’indique la DHUP, qui estime en outre que l’année 2016 vise un objectif de 100 000 opérations.

Il n’en demeure pas moins que l’impact sur l’économie apprécié en regard du nombre d’opérations aidées a été peu probant au cours de la période examinée par la Cour.

volume des opérations neuves financées par un PTZ+

(en nb)20112012201320142015
PTZ+ neuf92 99578 75442 95746 29455 554

Source : SGFGAS, retraitement Cour des comptes.

Au-delà de ces chiffres globaux, le recentrage du PTZ+ sur la construction neuve à partir de 2012 n’est pas non plus parvenu à orienter durablement les investissements vers les zones tendues, comme cela était souhaité, en dépit une légère inflexion observable en 2013 et 2014.

répartition des effectifs de PTZ par zone en %

Source : SGFGAS, retraitements Cour des comptes.

Des risques d’effets inflationnistes

Une étude récente analysant les effets du doublement du PTZ en 2009 sur les prix du foncier dans les petites et moyennes agglomérations pour le marché de la maison individuelle63 met en évidence « un effet inflationniste significatif, mais transitoire, suggérant qu’une partie de l’aide accordée par les pouvoirs publics n’a pas profité aux nouveaux acquéreurs, mais a contribué à renchérir le coût du foncier : dans une période de baisse générale des valeurs immobilières, les prix du foncier ont mieux résisté dans les zones ayant le plus bénéficié de la hausse du PTZ ». Cette hausse aurait été de 9,1 % en 2009.

Une autre étude64, portant sur des ménages à revenus intermédiaires et supérieurs, estime que le PTZ+ facilite l’accès au crédit, et entraîne des effets inflationnistes potentiels en raison de l’élasticité des prix immobiliers par rapport à l’offre de crédit. Ces effets diminueraient l’efficacité des aides et soulèveraient des questions d’équité, car, face à la hausse des prix de l’immobilier, les ménages déjà propriétaires sont favorisés par rapport aux locataires, plus jeunes et plus modestes65.

Le ministère du logement ainsi que la SGFGAS ont indiqué, dans le cadre de la contradiction menée avec la Cour, que ces études souffraient, selon leurs analyses, de limites méthodologiques. Pour autant, ils n’ont pas produit d’études qui seraient en mesure de déboucher sur une démonstration inverse.

En l’état actuel, il est donc possible de retenir que le PTZ+ a des effets inflationnistes qui ne sont pas certains, mais possibles, et dont l’ampleur peut difficilement être déterminée. Dans son rapport public de 2015 relatif au logement en -de-France la Cour avait ainsi relevé des risques d’effets inflationnistes, observant que l’affectation à près de 80 % des PTZ à l’acquisition dans l’ancien avait « soutenu la hausse des prix sans réussir à déclencher un renouvellement de l’offre en construction neuve66 ».

De la même façon, la réforme du PTZ+ intervenue en 2016 pourrait être doublement inflationniste, d’une part en raison de l’augmentation de la quotité maximale de financement des acquisitions par le PTZ+ à hauteur de 40 %, d’autre part en raison d’un nouveau desserrement des contraintes de crédit, dû à des taux d’intérêt très bas.

Une extension au logement ancien aux effets encore mal connus

Jusqu’en 2015, le PTZ+ ne pouvait financer dans l’ancien que l’achat de logements HLM, ce qui représentait seulement quelques centaines d’opérations par an. Il est trop tôt pour mesurer les effets de son extension récente avec une quotité de travaux de 25 %, d’abord à quelque 6 000 communes en 2015, puis à l’ensemble du territoire en 2016. Ces travaux doivent être réalisés dans les trois années suivant l’achat. La vérification de cette quotité de 25 % impose un délicat contrôle aux banques au moment du montage du dossier de financement. Le contrôle ex-post de la réalisation des travaux sera tout aussi délicat dans les années à venir.

Toutefois, après une analyse des 11 141 PTZ+ émis jusqu’au 29 juillet 2016 dans l’ancien avec un financement de travaux, sur un total de 49 538 PTZ+ émis sur la même période, la SGFAS a indiqué que la proportion ainsi atteinte de 22,5 % était plus forte que celle qui était prévue initialement. Selon ces premières indications, l’extension du PTZ+ au logement ancien avec travaux semble donc avoir connu un démarrage satisfaisant. La quotité de travaux de 25 % constitue en effet une condition favorable aux ménages, car le coût des travaux, intégré au dossier de financement, abaisse, selon le ministère, le prix d’achat du logement.

D’autre part, les emprunteurs qui recourent au PTZ dans l’ancien avec travaux ont des revenus plus modestes que ceux qui l’utilisent pour un achat dans le neuf, surtout dans les zones détendues. En effet, leurs revenus sont en moyenne 14 % moins élevés en zone C et 12 % moins élevés en zone B2, mais seulement 1,4 % moins élevés en zone B1 et même supérieurs de 6,6 % en zone A. Ce dernier constat doit cependant être relativisé par le fait que, dans cette zone, la proportion d’achat dans l’ancien avec travaux a été en réalité marginale au cours des premiers mois de l’année 2016.

Enfin, certains interlocuteurs de la Cour, en particulier les ministères financiers, ont évoqué un risque de doublon avec les aides de l’ANAH, qui ne sont toutefois pas cumulables avec le PTZ+ pendant les cinq années qui suivent l’acquisition (cf. infra III, II, A sur ce cumul). En revanche, il est possible de cumuler le PTZ+ avec une TVA réduite pour les travaux de rénovation, ainsi qu’avec un éco-PTZ, mais sans superposer les assiettes.

Un effet redistributif limité aux zones détendues

Entre 2011 et 2015, le montant moyen du PTZ+ a augmenté bien plus rapidement (+62 %) que celui des opérations financées (+12 %), ce qui signifie que sa part moyenne a augmenté, avec toutefois des différences entre les zones, puisqu’elle a diminué depuis 2012 en zone A.

part moyenne du PTZ dans les opérations financées, par zone 2011-2015

Source : SGFGAS, reconstitution Cour des comptes.

Une analyse par tranches de revenus montre que la part du PTZ+ est sensiblement plus élevée pour la tranche 1, alors que le montant moyen des opérations est plus élevé pour les tranches 3, 4 et 5.

part du PTZ dans l'opération financée par tranche de revenus, entre 2012 et 2015

Source : SGFGAS, reconstitution Cour des comptes. NB : la tranche 6 est supprimée à compter de 2013.

Au total, la combinaison de l’analyse par zone et de l’analyse par tranche conduit à nuancer le constat d’un effet redistributif du PTZ+.

Un effet déclencheur limité et des effets d’aubaine excessifs

L’INSEE estimait en 200567 que l’effet déclencheur du PTZ n’était avéré que dans 15 % des cas, à savoir les ménages les plus modestes et ceux issus du parc social. Pour les autres ménages, cette étude identifiait au mieux un effet d’anticipation de quelques années pour des accessions qui auraient quand même eu lieu.

Cette étude n’a pas été actualisée depuis lors : il n’apparaît pas normal que le ministère du logement ne dispose pas d’éléments plus précis sur l’effet déclencheur du PTZ+, même si le resserrement du ciblage entre 2013 et 2015 peut amener à penser que l’effet déclencheur du PTZ+ a pu se renforcer.

La SGFGAS estime pour sa part que l’élasticité du nombre de PTZ+ par rapport au taux d’aide68 est faible : en 2014, dans le neuf69, une hausse du taux d’aide de 1 % augmentait le nombre de PTZ+ de 0,3 % à 0,5 % seulement70. Les effets déclencheurs seraient plus marqués en zone A, toutes tailles de familles confondues, et en zones B1 et B2 pour les grandes familles. Néanmoins, selon la SGFGAS, une partie des opérations financées auraient quand même eu lieu sans PTZ+. La SGFGAS estime en outre qu’il existe un seuil minimal du taux d’aide, qu’elle évalue à 2,2 %, au-dessous duquel l’élasticité serait proche de zéro et l’effet déclencheur quasi inexistant.

Ces éléments sont confirmés par l’étude réalisée pour la Cour par l’IPP, qui a analysé l’effet des conditions d’octroi du PTZ+ sur le recours au dispositif. Selon cette étude, « une hausse de 1 % du montant du PTZ est associée à une hausse de seulement 0,03 % du nombre de PTZ » : en exploitant la redéfinition des zones adoptée le 1er octobre 2014, les auteurs concluent en faveur d’un « effet positif sur le recours au dispositif, sans que l’on puisse cependant conclure à un effet déclencheur de ce dispositif ».

Enfin, le ministère du logement dispose d’un outil de simulation71, qui permet de mesurer les effets d’une modification du PTZ+ sur l’achat de logement. Cet outil montre que l’augmentation du revenu fiscal de référence de 36 000 € à 40 000 € en 2016 a eu un effet déclencheur de 23 %, ce qui signifie que cette variation de l’aide a permis de déclencher l’acte d’achat dans moins d’un cas sur quatre. En sens inverse, trois ménages sur quatre auraient donc pu acheter un bien même sans aide, voire, dans le meilleur des cas, ont pu l’acheter plus tôt (effet accélérateur). Au total, cette simulation suggère que sur les 50 000 PTZ+ supplémentaires prévus entre 2015 et 2016, seulement 10 000 auraient eu un effet réellement déclencheur.

Les cas dans lesquels l’effet déclencheur n’est pas établi doivent s’analyser comme des effets d’aubaine. Le taux d’occurrence de cet effet peut être évalué à 85 %, si on se réfère à l’étude INSEE de 2005, ou à 75 % sur la base de la simulation précitée de 2016. Il est donc possible d’affirmer que des effets d’aubaine importants sont observables, même s’ils ne sont pas chiffrables avec une précision méthodologique totalement satisfaisante.

Il ressort de cette observation que des doutes peuvent être émis sur l’utilité réelle du PTZ+, dans sa configuration actuelle. Ces doutes sont notamment partagés par la direction générale du Trésor et la direction du budget.

Des APL-accession remises en cause

Les aides personnelles au logement sont destinées aux locataires et aux ménages hébergés dans des foyers, mais aussi aux ménages accédants.

Contrairement aux aides aux locataires, les aides aux accédants conservent deux barèmes, l’un pour les aides personnalisées au logement (APL-accession stricto sensu), l’autre pour les allocations de logement à caractère familial ou social (AL-accession). L’APL-accession stricto sensu, plus restrictive, doit être couplée avec un prêt aidé ; son barème était initialement plus favorable que celui des AL-accession, mais cette différence s’est réduite au gré des réformes successives.

Le mode de calcul des aides à l’accession s’est peu à peu éloigné des réalités du marché immobilier. En effet, pour réduire leur coût, la mensualité minimale à acquitter a été augmentée plus rapidement que l’inflation et la mensualité maximale n’a pas été revalorisée certaines années. En conséquence, le nombre des ménages bénéficiaires a chuté, de 1 200 000 à la fin des années 1980 à 571 000 en 2008. En 2015, on dénombrait 460 000 bénéficiaires contre 537 000 en 2011, soit une baisse de plus de 14 %. Au vu des comptes du logement, la part des propriétaires parmi les bénéficiaires d’une aide au logement a baissé sur la même période de plus de 30 % à moins de 5 %.

bénéficiaires d’une aide au logement accession

Source : DHUP (allocataires CNAF et CCMSA), retraitement Cour des comptes.

Le nombre de nouveaux bénéficiaires au 31 décembre de chaque année, tous régimes confondus72, était de 29 500 en 2011, 32 200 en 2012 et 34 500 en 2013, dernières années connues. Pour les prêts ouvrant droit à l’aide personnalisée au logement, ce nombre atteignait 7 000 en 2011, 5 300 en 2012 et 6 200 en 2013. Ils restent donc à un étiage très faible.

Par ailleurs, le poids budgétaire de ces aides a décru régulièrement depuis 2011, en passant de 941 M€ à 869 M€ en 2015.

L’étude précitée de l’IPP montre clairement que les aides au logement accession, du fait de conditions de ressources plus strictes, se concentrent sur les quatre premiers déciles de revenu des bénéficiaires d’un PTZ, ce qui écarte les classes moyennes. Comme les ménages les plus modestes éprouvent des difficultés croissantes à accéder à la propriété, même en étant aidés, le taux de diffusion des APL-accession chez les accédants73 a diminué de 17,1 % en 2000 à 10,7 % en 201074.

De fait, ces aides sont moins prises en compte par les banques, à l’exception du Crédit Foncier qui les intègre dès la simulation du plan de financement et qui perçoit l’APL-accession de la CAF selon la procédure du tiers payant.

Elles restent toutefois plus redistributives que le PTZ ou le PAS, en raison de leur concentration sur les revenus modestes.

Alors que le montant moyen versé se situait à un peu moins de 140 € par mois en 2014, la part des APL dans les mensualités diminue : pour les ménages du 1er quartile, elles n’en représentent plus, en moyenne, que 30 %75. Le montant moyen versé remonte légèrement en 2015 selon le ministère du logement pour atteindre 158 €76.

Pour les ménages cumulant une APL et un prêt aidé, leur montant décroît fortement avec le revenu : 122 € pour le 1er décile, 60 € pour le 2ème, 42 € pour le 3ème, à peine 10 € pour le 5ème décile de bénéficiaires.

Au total, l’APL a pour effet de réduire de 1,7 point le taux d’effort médian des ménages accédants, selon les calculs effectués par la SGFGAS sur les années passées, et de deux points pour l’année 2015.

En définitive, le déclin relatif de ces aides provient essentiellement de la baisse du revenu d’exclusion du barème, qui réduit le nombre de ménages éligibles, alors que des revenus de plus en plus élevés sont nécessaires pour acheter un bien immobilier. L’écart entre le revenu des emprunteurs et le revenu disponible d’un ménage moyen est passé de 15 % en 2010 à 25 % en 201277, ce qui signifie que les accédants sont de moins en moins des ménages modestes.

Ainsi, par exemple, il ressort des cas-types établis par la DHUP qu’en 2016, un couple qui accède à la propriété à Clamart (zone I pour l’APL et A pour le PTZ) perd son droit à l’APL-accession dans le neuf si ses revenus mensuels dépassent 1 750 € et son droit à l’AL-accession s’ils dépassent 1 650 €, alors qu’il peut bénéficier d’un PAS et d’un PTZ+ jusqu’à 4 796 € mensuels.

Un prêt d’accession sociale qui perd son intérêt

Le PAS peut financer jusqu’à 100 % des acquisitions, hors frais, ce qui dispense les bénéficiaires d’un apport personnel. Il est ouvert dans le neuf et l’ancien sans obligation de travaux et peut aussi financer des travaux d’amélioration et d’agrandissement. Il ouvre le bénéficie de l’APL sur toute la durée du prêt et peut être cumulé avec d’autres dispositifs d’aide à l’accession, comme le PTZ+. Il permet une durée d’emprunt relativement longue, qui s’établit actuellement à 25 ans et quatre mois dans le neuf et 22 ans et quatre mois dans l’ancien.

L’éligibilité au PAS dépend enfin de la composition du ménage, de son revenu, de la localisation et du coût de l’opération ; elle requiert la souscription d’une hypothèque.

Le nombre d’opérations financées par un PAS est passé de 60 300 en 2010 à 58 700 en 2014, dont 63 % dans l’ancien, avant de remonter à plus de 72 000 opérations en 201578.

nombre d’opérations financées par un PAS

Source : SGFGAS.

Nota : Contrairement au PTZ, la quotité moyenne du PAS est restée stable dans les opérations co-financées par un PAS, environ 80 % de l’achat, en dépit des fluctuations du marché et de la hausse du coût moyen des opérations (en 2014, 131 173 € de prêt pour un coût moyen d’opération de 160 422 €).

Avant l’alignement de ses conditions de ressources sur celles du PTZ+ en 2014, le PAS s’adressait à des ménages plus modestes. Les cadres et professions intermédiaires sont moins présents (27,4 %) que parmi les bénéficiaires d’un PTZ+ (36,3 %). En sens inverse, la part des ouvriers est de 26,6 %, contre 22,8 % pour le PTZ+. En 2015, selon la SGFGAS, le revenu mensuel moyen de l’année N d’un emprunteur en PTZ+ est de 2 907 €, alors qu’il est en moyenne de 2 617 € pour l’ensemble des opérations PAS.

L’effet déclencheur du PAS tient au fait qu’il bénéficie de la garantie de l’État par l’intermédiaire du FGAS, à hauteur de 50 %, ce qui permet aux banques d’accorder des prêts à des ménages qui, à défaut, n’auraient pas eu accès au crédit. À cet égard, il est favorable aux jeunes ménages : dans la clientèle du Crédit Foncier, 77 % de ses bénéficiaires ont moins de 40 ans, contre 61 % pour l’ensemble des accédants. Enfin, il est efficient pour l’État puisque le coût de la garantie varie de 10 à 15 M€ seulement par an avec un taux de sinistralité très faible (0,2 % en moyenne).

Néanmoins, le PAS est de moins en moins attractif pour plusieurs raisons : son taux est supérieur à ceux du marché, même pour un prêt de longue durée ; il est de plus en plus difficile de le cumuler avec une APL-accession ; son barème a été aligné sur celui du PTZ+ au 1er octobre 2014 ; il souffre d’un montage complexe et du coût de l’hypothèque qui lui est associée ; enfin, dès lors que le PTZ+ a de nouveau été ouvert à l’achat dans l’ancien en 2016, le PAS a perdu cet avantage comparatif qui a perduré jusqu’en 2015.

De fait, la part du PAS dans l’accession est faible depuis 2010, avec 10 % seulement du total des accédants et 12 à 14 % des primo-accédants, alors que ceux-ci constituent pourtant sa cible potentielle.

Un PSLA efficace, mais marginal

Un dispositif intéressant pour les ménages

Le PSLA, mis en place en 2004, finance des logements neufs que des opérateurs louent à des ménages qui peuvent ensuite les acheter à des conditions avantageuses. Il bénéficie, sous agrément de l’État, à des opérations qui respectent des prix maximaux (de 4 534 € au m² en zone A bis à 2 102 € en zone C).

Dans les zones tendues et semi-tendues, ce dispositif répond aux besoins des locataires du parc social, pour lesquels la mensualité d’un prêt immobilier classique serait trop supérieure au loyer qu’ils acquittent.

Outre ses avantages financiers (TVA réduite et exonération de TFPB pendant 15 ans), et de sécurisation (garantie de rachat et de relogement), le PSLA évite aux ménages de payer une double charge de logement : le loyer n’est versé qu’à l’entrée dans les lieux, et le remboursement du prêt débute seulement à la levée de l’option d’achat. Enfin, la flexibilité de la date de levée d’option permet de bénéficier de taux d’intérêt plus avantageux.

Le PSLA intéresse en outre les collectivités locales qui souhaitent attirer ou maintenir des familles sur leur territoire dans une perspective de mixité sociale. Il a été conforté par les pouvoirs publics à travers l’ « agenda HLM 2015-2018 » conclu avec l’Union sociale pour l’habitat (USH).

Une production marginale

Plus de 46 700 logements ont été financés par le PSLA entre 2004 et 2015, soit en moyenne 4 600 par an. Les organismes de logement social (notamment les coopératives HLM) représentent 80 % des opérations. Quatre logements sur dix ont été financés en zone B1, un quart en zone B2, contre moins d’un cinquième en zone C et 14 % en zone A.

La production est concentrée sur quelques régions : par ordre d’importance, Midi-Pyrénées, Bretagne, Rhône-Alpes, Pays de la Loire et -de-France.

Le PSLA connait une progression plus importante depuis 2011 (6 700 logements, soit 132 % de plus qu’en 2010) et a atteint plus de 8 100 prêts en rythme annuel en 2015. Pour autant, ces chiffres restent marginaux dans le contexte général de l’accession à la propriété

évolution du nombre de bénéficiaires de chacune des aides (2011-2015)

(en nb)20112012201320142015
PTZ+345 01479 11643 16747 19259 840
Aides au logement-accession537 000524 000494 000483 000460 000
Opérations PAS51 76552 14160 80960 07672 221
PSLA6 7355 7687 2327 3558 080

Source : SGFGAS, DHUP, retraitements Cour des comptes. Nombre annuel de nouveaux bénéficiaires, sauf pour aides au logement : nombre total en fin d’année.

Des aides mal articulées et peinant à atteindre leur objectif social

Par-delà leurs caractéristiques propres, les aides à l’accession à la propriété peuvent se cumuler, ce qui entraîne des difficultés particulières qui nuisent à l’atteinte de leurs objectifs.

Un cumul difficile entre les aides

Le cumul entre PTZ+, PAS et garantie du FGAS

Un PTZ+ peut être associé à un PAS et peut être garanti par le FGAS, sous réserve des plafonds de ressources des deux dispositifs et des règles d’ouverture du PTZ+, réservé entre 2012 et 2015 à l’acquisition de logements neufs, sauf exception, alors que le PAS est demeuré ouvert à l’ancien. En 2013 et 2014, plus d’un PTZ+ sur trois était associé à un PAS.

Une étude montre que, par rapport au PTZ+ pris isolément, le PTZ garanti (PTZG) s’adresse à des familles plus nombreuses (3,1 personnes contre 2,5 pour le PTZ+), aux revenus plus modestes (taux moyen d’apport personnel de 5 % contre 12 %) et relevant de catégories socio-professionnelles distinctes (6,2 % de cadres contre 15,4 %, 37,9 % d’ouvriers contre 17,6 %). Par ailleurs, malgré un montant moyen d’opération plus faible (184 984 € contre 197 988 €), la durée du PTZG est plus élevée (266 mois contre 238). Lorsque le ménage perçoit l’APL, le montant mensuel moyen de celle-ci est plus élevé (67 € contre 24,5 €).

Le cumul entre PTZ+, PAS et APL-accession

Un autre cumul possible est celui d’un PTZ+, d’un PAS et de l’APL-accession. Même si le ménage ne perçoit pas d’APL lors de l’achat, il peut y avoir recours si sa situation change (perte de revenu, naissance), et ce durant toute la durée du prêt, ce qui présente un réel avantage.

Ce cumul est cependant rendu difficile par la déconnexion des plafonds de ressources du PAS et de l’APL, qui s’est accentuée avec l’alignement des plafonds du PAS sur ceux du PTZ+ en octobre 2014, et avec une nouvelle augmentation liée à la réforme du PTZ+ en 2016. De fait, l’éligibilité à l’APL des bénéficiaires d’un PAS a diminué de 12 points depuis 2011.

Les travaux de l’IPP confirment cette évolution en montrant, à partir d’une analyse des droits à l’APL ouverts au moment où le PTZ+-PAS est accordé, que la part des bénéficiaires d’un PTZ+ percevant l’APL-accession a fortement baissé depuis 1995, malgré une légère reprise depuis 2007.

évolution de la part des bénéficiaires d’un PTZ percevant l’APL-accession

Source : IPP.

La DHUP a communiqué à la Cour des cas-types montrant que le cumul PAS / PTZ et APL est devenu largement virtuel.

Cas-types classés par revenus mensuels

Pour un couple à Clamart (en zones 1 et A) :

au-delà de 1 500 €, plus d’APL-accession dans l’ancien ;

au-delà de 1 650 €, plus d’AL-accession ;

au-delà de 1 750 €, plus d’APL-accession dans le neuf ;

ce couple a droit au PTZ tant que ses revenus mensuels sont inférieurs à 4 796 €.

Pour un couple avec un enfant à Rennes (en zone 2 et B1) :

au-delà de 1 800 €, plus d’APL-accession dans l’ancien ;

au-delà de 1 950 €, plus d’AL-accession ;

au-delà de 2 000 €, plus d’APL-accession dans le neuf ;

ce couple a droit au PTZ tant que les revenus mensuels sont inférieurs à 4 722 €.

Pour un couple avec deux enfants à Vesoul (en zone 3 et C) :

au-delà de 2 000 €, plus d’APL-accession dans l’ancien

au-delà de 2 100 €, plus d’AL-accession ;

au-delà de 2 250 €, plus d’APL-accession dans le neuf,

ce couple a droit au PTZ tant que les revenus mensuels sont inférieurs à 4 444 €.

Les montants l’APL-accession apparaissent enfin limités. Selon l’étude de l’IPP, les ménages bénéficiaires d’un PTZ+ appartenant au 1er décile de revenu fiscal de référence perçoivent en moyenne une APL-accession mensuelle de 122 €.

De même, une étude de l’ADIL du Maine-et-Loire montre qu’en zone B2 et pour un ménage de trois personnes, le PTZ+, dans sa configuration de 2016, permet de diminuer de 400 € le niveau de revenu mensuel permettant d’accéder à la propriété dans l’agglomération d’Angers. Cette simulation montre que le revenu d’exclusion de l’APL-accession se situe pour ce même ménage à 2 000 € mensuels. Or, ce niveau de ressources est bien inférieur au minimum requis pour accéder à la propriété dans cette agglomération (cf. infra).

Le cumul entre PTZ+ et PSLA

Le cumul d’un PTZ+ et d’un PSLA est également devenu très difficile, faute d’harmonisation des plafonds du PTZ+, du PAS et du PSLA, ces derniers étant plus bas et beaucoup plus stables dans le temps.

comparaison plafonds PSLA / PTZ+ et PAS au 1/01/2015 et au 1/01/2016

(en €)Zone AZone AZone AZone B1Zone B1Zone B1Zone B2Zone B2Zone B2Zone CZone CZone C
Nombre de personnesPAS/ PTZ+ 2015PAS/ PTZ+ 2016PSLAPAS/ PTZ+ 2015PAS/ PTZ+ 2016PSLAPAS/ PTZ+ 2015PAS/ PTZ+ 2016PSLAPAS/ PTZ+ 2015PAS/ PTZ+ 2016PSLA
1 personne36 00037 00031 37026 00030 00023 77924 00027 00023 77922 00024 00023 779
2 personnes50 40051 80043 91736 40042 00031 70933 60037 80031 70930 80033 60031 709
3 personnes61 20062 90050 19144 20051 00036 67840 80045 90036 76837 40040 80036 678
4 personnes72 00074 00057 09352 00060 00040 64348 00054 00040 64344 00048 00040 643
5 personnes82 80085 10062 12359 80069 00044 59555 20062 10044 59550 60055 20044 595
6 personnes93 60096 200-67 60078 000-62 40070 200-57 20062 400-
Par pers. supp.10 80011 100-7 8009 000-7 2008 100-6 6007 200-

Source : USH et DHUP.

Au total, en raison de la disparité de leurs critères d’éligibilité, le cumul des aides à l’accession à la propriété s’avère très difficile en pratique. Dans ces conditions, l’intervention d’un tiers expert, conseiller de l’ADIL ou conseiller bancaire, s’avère presque toujours déterminante pour éclairer les accédants face à une réglementation extrêmement complexe.

comparaison des aides directes de l’État à l’accession

DispositifPTZPASAPL-accessionPSLA
Date création1995199319772004
NatureSubvention puis crédit d’impôtPrêt conventionnéCrédit budgétairePrêt conventionné
ObjetPrêt à taux zéroPrêt à taux d’intérêt privilégiéAide financièrePrêt à taux privilégié
Opérations finançablesNeuf / ancien avec travaux Primo-accessionNeuf et opération agrée par État / ancien / certains travauxNeuf ou ancienNeuf
Profil des bénéficiaires3 tranches de revenus selon zones et composition familialePlafonds de ressources, alignés depuis octobre 2014 sur PTZPlafond de ressourcesPlafonds de ressources, différents du PTZ
Cumul PTZ-ouiouioui
Cumul APL-accessionouioui-oui

Source : Cour des comptes.

Des aides devenues un « produit de niche » pour quelques réseaux bancaires

Bien que la simplification des aides à l’accession ait été une priorité de la réforme de 2011, leur complexité reste une contrainte non négligeable pour les banques. On constate que quelques réseaux concentrent en fait l’essentiel de la distribution du PTZ.

distribution des PTZ+ par les principaux établissements bancaires en 2014 et 2015 (en effectifs de prêts accordés)

Source : SGFGAS.

Les prêts garantis à 50 % par l’État, PAS et PTZG, encore plus complexes, intéressent encore moins les réseaux bancaires.

En 2014, les trois premiers opérateurs ont distribué 85 % des PAS, dont 43,5 % pour le Crédit foncier, acteur historique de l’accession sociale. Pour le PTZG, le Crédit foncier détient 54,5 % du marché, suivi par le Crédit Agricole (22,2 %).

Des aides qui jouent de moins en moins leur rôle d’appui aux primo-accédants

La part des opérations de primo-accession financées par un PAS ou un PTZ - soit respectivement 14 % et 11 % en 2014 - a enregistré depuis 2011 une quasi-stagnation pour le PAS et une forte baisse pour le PTZ.

opérations de primo-accession financées : part de PTZ et PAS

Source : Crédit foncier, l’accession sociale à la propriété, octobre 2015.

Ces données sont confirmées par l’enquête nationale logement 2013 de l’INSEE, qui détaille ces résultats.

Près de 44 % des primo-accédants récents déclarent bénéficier d'un PTZ. Parmi ces derniers, et comparativement à l’ensemble des accédants récents, la surreprésentation des couples avec enfants et des ménages résidant dans une commune rurale est marquée, de même que celle des ménages situés au milieu de la distribution des niveaux de vie. Les ménages dont la personne de référence à moins de 30 ans sont moins présents.

part du PTZ dans la primo-accession

Source : INSEE, retraitement Cour des comptes.

L’enquête nationale logement 2013 de l’INSEE confirme également le ralentissement de l'accession à la propriété. Elle montre que le nombre d' « emménagés récents » propriétaires a régressé de 15 % entre les deux dernières enquêtes.

nombre annuel de primo-accédants récents selon le quartile de niveau de vie

Source : INSEE, retraitement Cour des comptes

On observe enfin qu’une des justifications d’origine du PTZ était de faire « respirer le parc social » en organisant une sortie des locataires HLM vers le parc privé. Cette justification parait désormais résiduelle, car les bénéficiaires d’un PTZ+ logés antérieurement dans le parc HLM sont désormais marginaux : ils ne représentent plus que 3 à 4 % du total en moyenne depuis 2011 contre 8,3 % en 2005.

CONCLUSION ET RECOMMANDATION

Les constats effectués par la Cour montrent que les aides à l’accession parviennent de moins en moins à atteindre leurs objectifs, que ce soit isolément ou de manière combinée.

En outre, elles sont de plus en plus coûteuses, ce qui est paradoxal puisque les principales d’entre elles (et en premier lieu le PTZ+) sont fondées sur des bonifications d’emprunt et interviennent dans une période de taux d’intérêt historiquement très faibles.

Elles créent par ailleurs de trop forts effets d’aubaine, tandis que leur effet déclencheur n’est pas suffisamment étayé. Leur impact sur le plan économique apparaît limité et exposé à un risque d’effet inflationniste. Elles jouent enfin de moins en moins leur rôle d’appui aux primo-accédants.

Dans ces conditions, comme le souligne l’IPP dans l’étude commandée par la Cour, la « question de la suppression des dispositifs d’aide à l’accession se pose légitimement puisqu’il existe des doutes sur le bien-fondé des politiques visant à inciter à l’accession ».

L’enquête de la Cour conduit de même à s’interroger sur la nécessité de pérenniser dans leur configuration actuelle ces instruments d’aide à l’accession qui ont montré de fortes limites, dont l’évolution des marchés du logement affaiblit l’impact, et dont l’ensemble des bénéficiaires est mal connu.

Une autre voie, médiane, pourrait être de décider leur suspension dans le contexte actuel des taux d’intérêt sur le marché « libre ».

Enfin, si, malgré tout, l’État souhaitait maintenir une politique de soutien à l’accession à la propriété, il apparaîtrait nécessaire d’envisager des pistes de réforme permettant de répondre aux insuffisances actuelles des aides, en limitant leurs inconvénients - notamment leurs effets d’aubaine ou la faiblesse de leurs effets déclencheurs - et en diminuant leur coût.

Cette démarche requiert dans tous les cas une meilleure mesure de l’impact des aides. Elle amène en conséquence à recommander en tout premier lieu aux administrations concernées de se doter d’un dispositif de recueil et de traitement de données permettant d’effectuer un suivi continu et détaillé de la performance des aides à l’accession à la propriété.

La Cour formule la recommandation suivante :

mettre en place les liaisons nécessaires entre les bases de données (SGFGAS, CNAF, etc.) pour permettre un suivi précis de l’efficacité et de l’efficience des différentes aides à l’accession (PTZ+, PAS, APL-accession et PSLA).

Des aides à redéfinir et à articuler avec les politiques locales

Les insuffisances et les contraintes des aides à l’accession à la propriété nécessitent d’envisager une redéfinition des principaux instruments utilisés. Une meilleure coordination de leur emploi avec les dispositifs mis en place localement doit également être assurée. La Cour a tenté d’identifier la possibilité d’une réforme importante, mais équilibrée, du régime des aides, pour tenir compte du contexte contraint en matière de finances publiques. Elle propose des pistes d’évolution qui permettraient d’accroitre l’efficience, l’efficacité et la cohérence des dispositifs actuels.

Une redéfinition des aides à l’accession

Compte tenu des constats précédents, les aides individuelles de l’État destinées aux ménages souhaitant accéder à la propriété pourraient faire l’objet d’une réforme globale, dont les axes principaux seraient une refonte du PTZ+, une suppression du PAS, une meilleure gestion de l’APL-accession et un maintien du PSLA.

Une refonte du PTZ+

Dans l’hypothèse d’une possible remontée à terme des taux d’intérêt, les observations de la Cour amènent à penser qu’une refonte du PTZ+, couplée à la recherche d’un meilleur effet solvabilisateur des APL-accession, pourrait être envisagée. Cette réforme devrait s’appuyer en particulier sur deux instruments qui ont montré leur efficacité : la garantie par le FGAS et les différés de remboursement.

Viser des ménages plus modestes

Dans un objectif d’efficacité et d’efficience, les aides à l’accession pourraient tout d’abord être recentrées sur les ménages qui en ont le plus besoin pour accéder à la propriété. Cette orientation vers un ciblage plus resserré aboutirait en conséquence à rechercher un ajustement à la baisse des plafonds actuels du PTZ+ et du PAS, si ce dernier n’était pas supprimé.

Différentes références peuvent être sollicitées pour définir ce nouveau plafond de ressources. La pratique des banques, qui limite le plus souvent à % le taux d’endettement, permet tout d’abord d’estimer que les ménages pour lesquels l’aide serait efficace sont ceux qui verraient leur taux d’effort passer sous ce seuil.

L’analyse des taux d’effort par quartile de niveau de vie qui a été menée par l’IPP dans le cadre de la présente enquête montre par ailleurs que les ménages du 1er quartile n’accèdent pas en pratique à la propriété, du fait de leurs revenus insuffisants, et que ceux des 2ème et 3ème quartiles ont les taux d’effort les plus élevés. Toutefois, l’ouverture du PTZ à l’ensemble de ces ménages - qui représentent par définition la moitié de la population - aboutirait à une cible trop large.

Il convient en outre de rappeler que le rapport d’évaluation (non publié) de la politique du logement remis en juillet 2014 par l’inspection générale des finances (IGF) et le conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) invitait à recentrer le PTZ sur les trois premières tranches du barème de cette aide, qui en comptait alors cinq. De même, une étude de l’association des études foncières de 2012 a souligné que les ménages des 3ème, 4ème et 5ème déciles de revenu représentent 30 % de la population, mais 50 % de la demande de logements neufs. L’ensemble de ces analyses converge vers l’idée d’un ciblage plus précis des aides.

Dans cette perspective, la référence au barème du PSLA pourrait constituer une réponse, sous réserve de la situation spécifique de -de-France79. Ce barème, en effet, répond bien à la notion d’accession sociale : il représente actuellement un plafond annuel de ressources pour un ménage de deux personnes de 43 942 € en zone A et de 31 727 € en zones B et C.

Certes, les ministères du logement et des finances ont souligné lors de l’enquête qu’un abaissement du plafond exclurait par définition des ménages par rapport au public éligible actuellement. Toutefois, l’ANIL souligne que les plafonds de ressources les plus utilisés dans les aides aux ménages accordées par les collectivités locales sont précisément ceux du PSLA, qui sont inférieurs à ceux du PTZ+ : un alignement des plafonds du PTZ+ sur ceux du PSLA irait donc dans le sens d’une meilleure coordination des aides d’État avec les politiques locales.

Cet alignement permettrait en outre de disposer d’un barème unique pour les deux dispositifs et de plafonds de ressources identiques d’une part en zones Abis et A et d’autre part en zones B1, B2 et C. Cette unification des barèmes favoriserait donc une simplification des procédures et une plus grande lisibilité du système des aides, tout en accroissant l’efficience du dispositif.

Un effet déclencheur accru

Par souci d’efficacité, il importe par ailleurs de s’assurer que le rôle du PTZ+ dans la décision d’achat des ménages éligibles est effectivement déterminant, en d’autres termes qu’il déclenche vraiment l’accession.

Une étude de la SGFGAS datée de 2013 fournit à cet égard d’utiles repères. Elle évalue, pour l’accession dans le neuf, le taux d’aide80 à partir duquel le PTZ+ exerce un effet déclencheur, à partir d’un échantillon de dossiers divisé en déciles (le premier décile comprend par exemple les dossiers ayant bénéficié d’un taux d’aide inférieur à 2,17 %).

Cette étude relève, dès le deuxième décile, l’existence d’élasticités positives fortes pour toutes les catégories de familles et pour toutes les zones81, ce qui signifie que, plus le taux d’aide est élevé, plus le nombre de bénéficiaires augmente. Cette observation aboutit en conséquence au constat selon lequel l’élimination des taux d’aide inférieurs à la médiane (7,32 %) permettrait d’aboutir à des niveaux d’élasticité élevés, ainsi que l’indique le tableau suivant.

comparaison des résultats globaux et des résultats reconstitués après élimination des taux d’aide inférieurs à la médiane (7,32 %)

Résultat élasticitéZone AZone AZone B1Zone B1Zone B2Zone B2Zone CZone C
Composition du ménageÉchantillon globalÉlimination cas avant médianeÉchantillon globalÉlimination cas avant médianeÉchantillon globalÉlimination cas avant médianeÉchantillon globalÉlimination cas avant médiane
1 et 2 personnes0,4443,6530,1824,094,3486,112
3 et 4 personnes0,3154,6422,5970,3172,4852,871
5 personnes et plus0,4033,0040,3081,0880,5051,3771,068

Source : SGFGAS.

Ces résultats permettent de déduire qu’un seuil minimal de quotité de subvention devrait être fixé, selon les zones et les tranches du barème, afin d’assurer un meilleur effet déclencheur.

Par ailleurs, d’autres facteurs permettraient d’assurer un effet déclencheur plus élevé. Ainsi, un PTZ+ reconfiguré pourrait conserver des différés de remboursement, qui sont très utiles aux ménages les plus modestes, en les réservant aux seuls bénéficiaires éligibles aux aides au logement accession. De même, le mécanisme en vigueur de garantie par le FGAS dont bénéficient aujourd’hui les bénéficiaires d’un PAS et d’un PTZ+ remplissant les critères de ressources du PAS devrait être pérennisé : ce dispositif renforce en effet efficacement l’attractivité du PTZ+, y compris pour les réseaux bancaires généralistes, en permettant une meilleure sécurisation des financements.

Des effets inflationnistes évités

Comparé à celui du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de l’Italie, le marché immobilier français est, depuis la crise de 2008, atypique à plusieurs égards82.

Dans les pays précités, une chute brutale des transactions a été observée (- 25 % en moyenne), alors qu’elle est restée modérée en France (- 9 %) ; de même, les prix réels dans l’ancien ont durablement diminué, alors qu’ils n’ont baissé que temporairement en France, en retrouvant dès 2011 leur niveau de 2007 ; enfin, un retournement des conditions de financement après la crise a été observé partout, sauf en France, où le taux d’apport exigé n’a pas varié, où la part des taux d’apport les plus faibles a progressé de cinq points83 et où la durée d’emprunt a continué à augmenter.

Le desserrement des contraintes de financement crée un accroissement de la demande qui nourrit la hausse des prix lorsque la quantité de logements est fixe ; ce phénomène est particulièrement observable en France où l’élasticité de l’offre de logement est très faible84. Une étude de 201385 souligne ainsi le rôle de l’assouplissement du crédit - qu’il passe par un allongement des durées d’emprunt, une baisse des taux d’intérêt, ou un taux d’apport personnel plus faible - dans la hausse des prix du logement observée en France dans les années 200086.

Dans ce contexte, une réforme du PTZ+ ne devrait pas conduire à allonger les durées d’emprunt, en développant le risque d’un effet inflationniste. Cette réforme devrait en revanche associer les banques à une réflexion sur les conditions d’un accès plus facile, mais également sécurisé, des ménages modestes au crédit immobilier. En effet, selon l’étude précitée menée par le CREDOC pour le ministère du logement, les locataires qui souhaitent accéder à la propriété soulignent tout particulièrement l’importance de leurs difficultés d’accès au crédit. Dans ces conditions, l’extension à un PTZ+ réformé de la garantie à 50 % de l’État par l’intermédiaire du FGAS serait souhaitable.

Un coût budgétaire maîtrisé

Un PTZ+ dont la réforme s’inspirerait des principes indiqués ci-dessus serait moins coûteux pour les finances publiques, puisqu’il serait orienté vers une cible plus resserrée. Le montant de cette économie est cependant difficile à appréhender précisément.

L’étude précitée menée en 2013 par la SGFGAS indiquait que le montant des crédits d’impôt correspondant aux catégories qui seraient écartées en raison d’un taux d’aide insuffisant s’élevait à 155 M€ en 2013, soit 19 % du montant plafonné des dépenses de PTZ+, qui s’élevaient à 820 M€ pour la génération de prêts 2013. En appliquant ce taux de 19 % à la dépense fiscale de 2016, l’économie potentielle serait donc proche de 380 M€. Le ministère du logement a toutefois fait observer lors de la contradiction avec la Cour qu’en raison de l’évolution du barème et des taux d’intérêt, il n’est pas possible d’appliquer une règle de trois. Pour autant, il n’a pas proposé d’autre chiffrage.

Les économies qui seraient tirées d’un recentrage du PTZ sur les ménages pour lesquels un effet déclencheur serait plus assuré seraient donc certaines, compte tenu de la restriction du périmètre de l’aide, mais devraient être précisées dans leur montant. Il convient par ailleurs de ne pas assimiler la diminution de la dépense fiscale qui découlerait de ce recentrage du PTZ+ à une réduction de la dépense budgétaire.

L’option d’une suppression du PAS

Les marchés du logement et les conditions du crédit immobilier ont profondément évolué depuis la création du PAS en 1993. La baisse des taux d’intérêt immobiliers a atteint en 2016 un point bas historique (7,5 % en 1995, 4 % en 2005 et 2,19 % au premier trimestre 201687). En conséquence, l’avantage comparatif des prêts aidés tend à disparaître. Ainsi, le taux d’un PAS est devenu supérieur aux taux du marché, même dans le cas d’un emprunt de longue durée88.

Une autre évolution est la difficulté croissante du cumul d’un prêt aidé et d’une APL-accession, examinée ci-dessus. L’obligation d’adosser le PAS à une hypothèque, son coût et la complexité de son montage conduisent de nombreux ménages à renoncer à cette aide si le bénéfice de l’APL-accession ne leur est pas garanti.

Enfin le PAS est mal connu des bénéficiaires potentiels. Selon une étude du CREDOC menée pour le ministère du logement, la moitié des locataires du parc privé connaît peu ou ne connaît pas le PTZ+, proportion qui atteint 60 % chez les locataires du parc social. Or, le PAS est encore moins connu que le PTZ+, tant du public que des conseillers des banques généralistes.

Pour l’ensemble de ces raisons, l’hypothèse de la suppression du PAS pourrait être étudiée au regard de sa faible efficacité. Certes, les ministères du logement et économiques et financiers ont estimé, lors de la contradiction menée avec la Cour, que le PAS gardait encore aujourd’hui sa pertinence, mais cette position n’emporte pas la conviction, au vu des conditions de crédit actuelles. À l’issue de la présente enquête de la Cour, l’intérêt du PAS n’apparaît pas confirmé, en dehors de la garantie d’État qui lui est associée et qui pourrait être transférée à un PTZ+ reconfiguré.

Une amélioration des règles de gestion de l’APL-accession

Une fusion des barèmes

Dans une perspective de simplification, il serait par ailleurs envisageable de fusionner les deux barèmes des aides personnelles à l’accession : en effet, l’existence depuis 1977 d’un barème de l’APL-accession distinct de celui des AL-accession est une source de complexité et de surcoûts pour la CNAF89. On peut rappeler à cet égard que les deux barèmes de l’APL et de l’AL locative ont été fusionnés dès 2001.

Le ministère du logement a communiqué à la Cour un ordre de grandeur du surcoût lié à une telle fusion : si le barème unique était aligné sur celui de l’APL-accession, plus favorable aux ménages, ce surcoût, de nature budgétaire, est estimé à 200 M€. La Cour insiste sur le fait que si une telle orientation était adoptée, ce surcoût devrait être compensé par le recentrage précité du PTZ+ sur les ménages les plus modestes.

Une meilleure complémentarité avec le PTZ+

Par ailleurs, simultanément au recentrage du PTZ, les plafonds de ressources des aides personnelles-accession pourraient être relevés. En effet, leurs conditions d’accès, devenues très restrictives, excluent un nombre important d’accédants, même modestes, alors que leur effet solvabilisateur est utile aux ménages.

Une étude de l’ADIL du Maine-et-Loire éclaire à cet égard les enjeux d’une bonne combinaison de l’APL et du PTZ+. Elle montre que, sans PTZ+, un ménage de trois personnes est exclu de l’accession si ses revenus sont inférieurs à 3 100 €. Avec un PTZ+, qui abaisse de 400 € le niveau de revenu mensuel permettant d’accéder à la propriété dans l’agglomération angevine, le même ménage ne peut pas acheter une maison aux prix moyens du marché si ses revenus sont inférieurs à 2 700 € environ, ce qui est bien supérieur au revenu d’exclusion de l’APL (2 000 €).

simulation par l’ADIL du Maine et Loire de l’impact du PTZ 2016 sur la capacité d’emprunt d’un ménage en zone B2

Source : ADIL 49.

Si le revenu d’exclusion de l’APL-accession était augmenté, par exemple à 2 400 €, et cumulé avec un PTZ reconfiguré et moins coûteux, il serait possible d’accroitre le pouvoir d’achat immobilier des ménages. Une quotité réduite de PTZ couplée à une APL-accession plus solvabilisatrice devrait in fine permettre aux ménages d’accéder à la propriété en ramenant le taux d’endettement sous un seuil de 33 %, à moindre coût pour les finances publiques.

Les conditions d’un relèvement des plafonds de ressources des APL-accession pourraient en conséquence être étudiées, pour permettre à de nouveaux accédants modestes d’en bénéficier. Toutefois, comme dans le cas précité de la fusion des barèmes, si cette orientation devait être suivie, une partie des économies tirées d’un ciblage plus resserré du PTZ+ devrait financer ce relèvement des plafonds de ressources90 : la Cour ne méconnaît pas la difficulté d’aboutir finalement à une économie nette pour les finances publiques puisqu’il convient de réaliser des économies en matière de dépense fiscale, d’une part, et de prendre en compte parallèlement des surcoûts qui ont quant à eux une nature budgétaire, d’autre part.

Le maintien du PSLA

Enfin, le PSLA est un instrument intéressant, mais qui, en raison de sa complexité juridique, est resté marginal. Il pâtit en effet des incertitudes liées à sa conception, qui touchent tant les ménages que les opérateurs. Les ménages peuvent appréhender l’instabilité des instruments d’aide à l’accession, si les bénéficiaires sélectionnés lors de la phase de location n’étaient plus éligibles quelques années plus tard au PTZ+ et à l’APL-accession, ou dans des conditions moins favorables. Les opérateurs, pour leur part, peuvent craindre les aléas liés à la levée d’option, qui dépend des ménages et peut ne pas se produire.

De ce fait, l’utilisation du PSLA pourrait théoriquement être facilitée par la fusion des phases de location et d’accession. Mais une telle évolution, comme l’ont souligné le ministère du logement et le ministère des finances, ferait précisément perdre à cet instrument toute son originalité qui est de permettre aux ménages de tester leurs capacités de remboursement durant une phase locative préparatoire à l’accession et socialement accompagnée. Ces observations plaident donc en faveur d’un maintien de cet instrument dans sa configuration actuelle.

Des aides à mieux articuler avec les politiques locales

Une refonte des aides de l’État à l’accession à la propriété devrait par ailleurs prendre en compte la diversité des marchés du logement, de même que les contraintes locales de l’habitat, les enjeux de l’aménagement des territoires et les interventions des collectivités locales dans ce domaine.

Pour répondre à la demande du comité d’évaluation et de contrôle, la Cour a souhaité, dans les limites que lui imposaient les délais très brefs de son enquête, prendre connaissance de différents types d’actions menées par des collectivités locales dans le domaine de l’aide à l’accession à la propriété. À cette fin, après recoupement des indications recueillies dans des publications spécialisées, auprès des services du ministère du logement ou auprès de différents experts interrogés, les rapporteurs de la Cour se sont rendus dans des agglomérations où des politiques reconnues étaient mises en œuvre dans ce domaine. Ont ainsi été examinées sur place les actions conduites dans les agglomérations de Rennes (Rennes Métropole), Lille (Métropole Européenne de Lille et ville de Lille), Angers (Angers Loire Métropole), Saint-Denis (communauté d’agglomération de Plaine Commune), ainsi qu’à Paris.

Ces exemples sont développés sous une forme détaillée dans l’annexe n°6 du présent rapport. Ils rendent compte de la variété des initiatives prises par les collectivités locales dans le domaine des aides à l’accession à la propriété. Pour situer ses observations de terrain dans le contexte général des aides à l’accession des collectivités locales, la Cour a également tiré parti des informations recueillies par l’ANIL dans le cadre d’une enquête menée en 2016.

aides des collectivités locales à l’accession

2016Nombre de collectivités étudiéesCollectivités proposant des aides à l’accession
Métropoles147
Communauté urbaines93
Communautés d’agglomération16345
Départements7921

Source : ANIL. Enquête menée en 2016 dans les 79 départements disposant d’une ADIL, soit 78 % des départements et 84 % des EPCI et portant sur les aides directes.

Cette analyse amène la Cour à émettre des observations sur les précisions qui pourraient être apportées au ciblage territorial des aides à l’accession et sur la nécessité d’une implication plus soutenue et d’une meilleure coordination des administrations déconcentrées de l’État avec les politiques menées par les collectivités territoriales.

Mieux préciser le ciblage territorial des aides à l’accession

Une réforme des aides à l’accession doit tenir compte des enjeux particuliers de l’accession à la propriété dans trois types spécifiques de territoires : les zones tendues, les quartiers de la politique de la ville et les centres anciens dégradés.

Les zones tendues

Une étude91 des caractéristiques des acquéreurs récents avant et après la crise économique de 2008 montre que la probabilité, pour un ménage-type appartenant au troisième quartile du niveau de vie92, d’accéder à la propriété en zone tendue a diminué de 13 points entre 2006 et 2011.

De même, un ménage dont le niveau de vie est inférieur à la médiane a deux fois moins de chances de pouvoir acheter sa résidence principale. En revanche, la probabilité d’acheter un bien en zone peu dense s’est maintenue au niveau de 2006.

Pour réduire ces disparités, il serait envisageable de renforcer dans les zones tendues les quotités de PTZ+ accordés aux ménages modestes, comme c’était le cas avant 2016.

Les quartiers de la politique de la ville

L’aide à l’accession à la propriété est devenue depuis les années 2000 une composante des politiques de renouvellement urbain, l’objectif recherché étant d’intervenir sur le peuplement des quartiers de la politique de la ville93 en diversifiant l’offre de logement, afin de freiner le départ des ménages dont les revenus croissent et d’attirer des ménages nouveaux intéressés par des prix attractifs94.

L’État aide l’accession à la propriété dans ces quartiers par des subventions et des dépenses fiscales. Une prime de 10 000 € à 15 000 € par logement est ainsi versée par l’ANRU aux opérateurs, qui doivent la répercuter sur les acquéreurs. De même, une TVA à taux réduit de 5,5 %95 est appliquée aux logements construits pour l’accession à la propriété dans ces quartiers, ainsi que dans une zone de proximité. L’impact de ce dispositif mériterait d’être précisé, en particulier en -de-France.

En ce qui concerne le PTZ, un mécanisme de bonification a été mis en place dans les ZUS en 200096, en portant de 20 % à 30 % la part d’un bien finançable par ce type de prêt. Cette disposition n’a pas eu le succès escompté : restée méconnue des établissements bancaires et des opérateurs immobiliers, elle a été supprimée en 2010. Le ministère du logement explique l’échec de ce dispositif par les difficultés techniques de sa mise en œuvre par les établissements de crédit.

La pertinence de principe de cette disposition n’a cependant pas été mise en cause dans le cadre de l’enquête de la Cour. Compte tenu de son intérêt, il serait nécessaire de tirer les leçons de cette expérience pour définir les conditions d’une mise en œuvre plus adaptée.

Les centres anciens dégradés

De nombreuses communes se préoccupent de la dévitalisation de leur centre ancien, du fait d’une périurbanisation commerciale excessive et d’un habitat mal maîtrisé. Certaines villes sont même confrontées à un « parc social de fait », voire au développement de l’habitat indigne. En dehors des quartiers anciens concernés par l’action de l’ANRU, l’ANAH intervient en appui des collectivités par des opérations de réhabilitation lourde ou de démolition-reconstruction. En 2009 un programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD) a été lancé.

Les accédants à la propriété peuvent bénéficier de différentes aides à l’amélioration de l’habitat, souvent sous conditions de ressources, mais le plus souvent sans critère géographique. Une partie des aides allouées par les collectivités locales dans le parc ancien, recensées par l’ANIL, vise ainsi l’amélioration énergétique des logements. Certaines collectivités destinent des aides à des biens vacants depuis plus de deux ans, ou à de jeunes ménages qui s’installent dans le périmètre d’une opération programmée de l’habitat (OPAH), ou bien encore, dans de grandes agglomérations, à des quartiers où une mixité des statuts d’occupation est recherchée.

synthèse des principales aides nationales à l’amélioration de l’habitat pour les accédants à la propriété (2015)

InstrumentNature de l’aideContenu en travauxGéographie
Eco-PTZPrêt à taux zéro jusqu’à 30 000 € sur 3 à 15 ansBouquet de travaux ou atteinte d’un seuil de performance énergétiqueNational
PTZPrêt de 18 000 à 89 700 € max, selon la taille du ménage et la zone25 % du coût d’acquisition : agrandissement, rénovation, économie énergieSelon zonage ABC
CITECrédit d’impôt de 30 % d’un montant plafonné de dépensesDépenses de rénovation énergétiqueNational
AL-APLAllocation selon barème national, prise en charge d’une partie de la mensualité d’empruntTous travaux et acquisition immobilière financés à créditSelon zonage 123
Certificat d’économie d’énergie (CEE)Aides accordées par un distributeur d’énergieDépenses de rénovation énergétiqueNational
Prêts Action LogementPrêts de 10 000€ au taux de 1 %Amélioration, adaptation, performance énergétiqueNational
CAFPrêts sociaux et aidesRéparations d’amélioration, d’assainissement ou d’isolationSelon décisions instances CAF
Aides des caisses de retraiteSubvention selon ressources et montant des travaux (jusqu’à 3 500 € pour le régime général de base)Adaptation, performance énergétiqueSelon règlements de chaque caisse
Aides localesPrêts bonifiés ou subventions, selon barèmes locauxVariableSelon délibérations
Subvention ANAHSubvention 35 à 50 % des travaux (plafond de 20 000 € de travaux), selon les ressourcesRéhabilitation, sécurité, salubrité, adaptation au vieillissement, performance énergétiqueSelon le programme d’action territorial des délégations de l’ANAH
Prime « Habiter mieux » - Aide de solidarité écologique (ASE)Subventions de 2 000 € (ménage très modeste) ou 1 600 € (ménage modeste), associée à une subvention ANAHPerformance énergétiqueSelon le programme d’action territorial des délégations de l’ANAH

Source : ANIL.

Dans les quartiers anciens dégradés faisant l’objet d’une opération programmée d’amélioration de l’habitat (OPAH) ou d’une opération de l’ANRU impliquant l’intercommunalité, le PTZ+ pourrait être mobilisé. Toutefois, alors que le dispositif relatif au PTZ+ institué à partir de 2011 n’interdit pas de bénéficier d’autres aides, une règle de non-cumul reste toujours inscrite dans la règlementation de l'ANAH, même si la période de non-cumul pour un même logement et un même bénéficiaire a été ramenée de dix à cinq ans. Une seule exception est prévue pour les travaux d'adaptation du logement ou d'accessibilité rendus nécessaires par une situation de perte d'autonomie (handicap, vieillesse) survenue après l'entrée dans les lieux.

Dès lors, les aides individuelles de l’État à l’accession à la propriété pourraient mieux participer à la revitalisation des centres anciens, si elles étaient associées aux opérations programmées d’amélioration de l’habitat pilotées par l’ANAH. Dans ce cadre, le cumul entre les aides à l’accession de l’État, des collectivités locales et de l’ANAH pourrait être rendu possible.

Une meilleure prise en compte de ces enjeux territoriaux pourrait passer par un PTZ plus incitatif, en termes de quotité de prêt ou de possibilité d’accès pour des ménages aux revenus légèrement plus élevés que le barème « de droit commun ».

Coordonner les actions de l’État déconcentré et des collectivités locales

Les acteurs locaux interviennent dans le domaine de l’accession à la propriété, en mettant en œuvre leurs propres instruments, parfois indépendants, parfois complémentaires des aides nationales. Dans un contexte où l’État reste le financeur principal des aides à l’accession à la propriété, mais où, dans le même temps, les collectivités locales voient leurs compétences accrues en matière d’habitat et de logement, de forts besoins d’articulation se font sentir entre ces différents modes d’intervention.

Pour que les aides de l’État à l’accession à la propriété puissent tenir compte des aides locales également destinées aux primo-accédants, une condition préalable est que celles-ci soient mieux identifiées et suivies par les services déconcentrés de l’État. Ce n’est en effet qu’à cette condition qu’une bonne articulation des dispositifs nationaux et des dispositifs locaux, qui s’impose dans un souci commun d’efficience des dépenses publiques, peut être envisagée.

Des administrations déconcentrées insuffisamment impliquées

L’enquête de la Cour montre que les services déconcentrés de l’État, qui n’ont jamais véritablement été associés au pilotage et à la distribution des aides d’État à l’accession, suivent également mal les actions des collectivités territoriales dans ce domaine, dont ils ignorent parfois l’existence même. De façon générale, le suivi de ces politiques apparaît insuffisant. Ainsi, par exemple, les DREAL et la direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (DRIHL) en Île-de-France interviennent peu dans ce domaine.

Les directions départementales des territoires (DDT) sont davantage en contact avec les EPCI qui développent une politique d’aide à l’accession, mais sans en faire davantage une priorité au regard de moyens humains restreints et faute d’un cadre de suivi précis. Elles détiennent essentiellement des informations sur la mise en place des programmes d’accession mentionnés dans les conventions de rénovation urbaine et sur le suivi des objectifs des conventions d’utilité sociale (CUS) « accession ».

Enfin, l’ANRU et l’ANAH, bien qu’associées aux services de l’État dans l’exercice de leur mission, sont peu sollicitées par ces derniers dans le domaine de l’accession à la propriété97.

Dans ce contexte, les politiques menées par l’État accordent de surcroît peu de latitude aux services déconcentrés.

Ainsi, par exemple, le ministère du logement a demandé en 2016 aux préfets de région de mettre en place une politique d’animation et de promotion du PTZ+ auprès des professionnels de la construction et des réseaux bancaires, en s’appuyant notamment sur les ADIL. Toutefois, l’instruction ministérielle correspondante98 fixait à chaque grande région des objectifs chiffrés d’une extrême précision - par exemple 7 207 PTZ pour la région « Hauts de France » -, ce qui privait en pratique les DREAL de l’autonomie nécessaire.

Pourtant des marges d’initiative existent. Ainsi, l’État pourrait demander à l’ANRU des bilans locaux précis de l’usage de la TVA à taux réduit pour l’accession dans les quartiers de la politique de la ville, ainsi que des primes accordées, afin d’animer davantage une politique laissée à l’initiative des collectivités et des bailleurs sociaux.

De même, l’État ne promeut pas suffisamment le PSLA, outil jugé complexe et marginal, le laissant également à l’initiative des collectivités et des coopératives HLM. En conséquence, chaque année, l’offre de financement de l’État après répartition régionale des enveloppes excède la demande, ce qui contribue aussi à affaiblir le contrôle du respect des obligations des organismes portant ces opérations. L’État devrait faire plus activement connaître le PSLA, afin de convaincre les collectivités et les opérateurs de son utilité.

Plusieurs conditions sont cependant requises pour améliorer la coordination des actions menées par les services déconcentrés de l’État et celles des collectivités territoriales dans le domaine de l’accession à la propriété.

Une meilleure connaissance de l’habitat est tout d’abord la condition nécessaire d’une territorialisation plus efficace des politiques de l’État. Les services déconcentrés doivent avoir une connaissance fine et précise des marchés locaux de l’habitat. Or, s’ils disposent d’informations solides sur la demande et les caractéristiques du parc de logements, notamment grâce aux bases de données et à des études, ils n’ont qu’une connaissance partielle des prix et des coûts de production.

Les services déconcentrés rencontrés au cours de l’enquête ont cité deux difficultés particulières en matière d’information concernant l’accession à la propriété : pour le PTZ+, une récente évolution des données fournies aux services déconcentrés rend l’exploitation réalisée en 2014 par les DREAL et les ADIL désormais impossible ; le suivi des dépenses fiscales liées au logement doit par ailleurs être amélioré, ce qui appelle une implication plus soutenue des directions régionales des finances publiques (DRFiP).

Au total, il ressort de l’enquête de la Cour que l’État doit renforcer au plan local sa capacité à coordonner l’action des partenaires concernés par l’accession sociale à la propriété, y compris les opérateurs de l’État et les acteurs qui bénéficient de son financement. L’État pourrait notamment s’appuyer davantage sur des partenaires comme les ADIL, présentes dans 79 départements, les agences d’urbanisme ou les établissements publics fonciers, l’observatoire régional du foncier en -de-France ou l’institut d’urbanisme et d’aménagement, qu’il finance en partie. Ces partenaires disposent souvent d’une expertise précieuse en matière de données stratégiques, d’études ou de concertation avec les territoires concernés.

Des initiatives récentes du ministère du logement montrent que ce dernier a d’ores et déjà pris conscience de la nécessité de renforcer l’investissement territorial de ses services. En témoigne ainsi la démarche de « territorialisation de la production de logement » expérimentée par les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Provence-Alpes-Côte d'Azur et des Pays de la Loire en 2016. Cette expérimentation poursuit des objectifs qui apparaissent pertinents en regard des enjeux de l’accession à la propriété :

« mieux outiller les services déconcentrés de l’État et ceux des collectivités territoriales pour les aider à mieux estimer les besoins en logements et notamment à une maille territoriale plus fine (bassins de vie, EPCI, etc.) ;

améliorer l’articulation entre les documents programmatiques relatifs à l’habitat et ceux relatifs à l’urbanisme ;

favoriser le passage de l’objectif à la réalisation concrète de logements par la dynamisation des filières territoriales de production et par la réduction des délais de construction ».

Rapprocher l’aide à l’accession des politiques locales de l’habitat

Dans les conditions actuelles, les effets territoriaux des politiques nationales d’aide à l’accession sont mal connus et l’État ne peut contribuer qu’à la marge aux politiques locales menées en la matière, par exemple dans les programmes locaux de l’habitat (PLH), ou pour établir un lien avec d’autres enjeux comme l’emploi ou les transports. Les politiques du logement doivent répondre à des besoins, spécifiques à chaque bassin de vie, et s’inscrire de plus en plus dans des programmations territorialisées. Cette évolution suppose que l’État développe une capacité de dialogue partenarial avec les collectivités territoriales.

La distribution du PTZ+ repose aujourd’hui sur une logique de guichet national géré par les banques, sur lesquelles les administrations de l’État n’ont pas de prise. Cette organisation pourrait être complétée par un dispositif local, sous la responsabilité des services déconcentrés, et qui serait d’une ampleur variable en fonction de la situation de tension du marché local, des enjeux particuliers de l’habitat sur le territoire, et du niveau de mobilisation des collectivités locales.

Si cette orientation était adoptée, les aides de l’État à l’accession à la propriété comporteraient ainsi un volet local articulé avec les politiques locales d’aide à l’accession, prenant par exemple la forme d’une enveloppe de crédits déconcentrés, sur le modèle de celle des aides à la pierre.

La détermination de l’enveloppe globale de ce volet local devrait toutefois respecter l’esprit de la réforme proposée par la Cour, par l’utilisation sous la forme de crédits budgétaires d’une partie des économies découlant du recentrage d’un PTZ largement reconfiguré.

Par ailleurs, leur distribution par les services déconcentrés devrait s’inscrire dans le cadre de critères de zonage transparents, après négociation avec les collectivités locales impliquées dans la mise en œuvre d’actions de promotion de l’accession sociale.

Un tel système de déconcentration partielle des aides à l’accession, ayant pour objectif d’organiser une meilleure coordination de cette politique avec l’action des collectivités territoriales, se rapprocherait de la politique allemande d’aide au développement urbain, qui, depuis 1971, associe l’État fédéral, les Länder et les communes (cf. annexe n°8).

Cette approche aurait l’avantage de ne pas remettre en cause le fonctionnement des aides individuelles qui ont souffert d’une forte instabilité ces dernières années. Un tel système, une fois installé dans la durée, ne poserait pas non plus de difficulté aux établissements bancaires, qui auraient à gérer ces aides locales selon des quotités dépendant comme aujourd’hui des ressources des ménages, mais également des zonages pris en compte au niveau local.

De cette manière, l’État pourrait être en mesure de définir les grandes lignes de sa politique locale d’accession à la propriété, afin d’en répartir les moyens, en fonction des enjeux locaux d’équilibre et d’égalité de la politique du logement, de façon coordonnée avec les politiques mises en œuvre par les collectivités territoriales.

L’instance dans laquelle pourrait s’élaborer cette politique concertée pourrait être le comité régional pour l’habitat et l’hébergement (CRHH), qui a vocation à coordonner les politiques du logement. L’animation de cette politique devrait également mobiliser les DDT, ainsi que les DDCS, afin que les politiques d’habitat et d’urbanisme intercommunales intègrent pleinement ces priorités à l’échelle des bassins de vie.

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Pour remédier aux insuffisances du dispositif actuel des aides à l’accession, certains principes de réforme doivent être arrêtés :

il convient tout d’abord de clarifier les objectifs des aides à l’accession, en affinant leur ciblage social et territorial ;

il est ensuite nécessaire de simplifier la politique de l’aide à l’accession, en diminuant le nombre d’instruments qui lui sont affectés ;

il faut enfin en diminuer le coût pour les finances publiques, en accroissant l’efficacité et l’efficience des aides et en favorisant une meilleure articulation des instruments qui seraient maintenus.

Dans cette perspective, une refonte globale du PTZ+ devrait être envisagée, afin de recentrer cette aide sur les ménages les plus modestes, de maximiser son effet déclencheur, de limiter ses effets inflationnistes, et de diminuer son coût pour les finances publiques. La garantie du FGAS, dont l’effet déclencheur est avéré, pourrait être conservée pour ce PTZ reconfiguré. Enfin, une suppression du PAS pourrait être envisagée.

Une partie des économies ainsi réalisées par cette réforme du PTZ+ et du PAS permettrait, sous réserve de la confirmation de leur réalité, de financer d’une part le surcoût lié à une éventuelle modification des barèmes des APL-accession, afin de favoriser le cumul entre ce dispositif et celui du PTZ reconfiguré, et d’autre part de promouvoir un meilleur accès au PTZ reconfiguré dans les zones prioritaires telles que les zones tendues, les quartiers de la politique de la ville et les centre-villes anciens dégradés.

Par ailleurs, il est nécessaire de mieux prendre en compte l’intervention croissante, dans le cadre de leurs compétences en matière d’urbanisme et d’habitat, des collectivités territoriales en faveur de l’accession à la propriété, soit directement par le versement à des ménages accédants d’aides qui complètent celles de l’État, soit indirectement par des tentatives de limitation des coûts fonciers qui renchérissent le prix des immeubles neufs. Ces politiques locales sont mises en œuvre pour répondre à des besoins localisés, qui dépendent du degré de tension du marché immobilier local, ce qui explique qu’elles soient notamment développées en -de-France.

L’État doit tenir compte de ces interventions locales, qu’il doit identifier et connaître et avec lesquelles il doit coordonner son action. À condition que les services déconcentrés du ministère du logement retrouvent un niveau d’expertise suffisant, l’État peut non seulement jouer localement un rôle d’animation et de coordination mais aussi intégrer dans son dispositif d’aides un volet local. Ce dernier pourrait être mis en œuvre à l’aide d’enveloppes budgétaires déconcentrées. Ces dépenses supplémentaires devraient être gagées par les économies de dépenses fiscales issues du recentrage du PTZ.

Dans ces conditions, la Cour formule les recommandations suivantes :

réorganiser le dispositif du PTZ+ en le ciblant sur les ménages plus modestes, en fixant un seuil de quotité de l’aide et en lui appliquant la garantie du FGAS ;
supprimer le dispositif du PAS ;
aménager les règles de gestion de l’APL-accession en fusionnant les barèmes et en relevant les plafonds afin d’accroître la complémentarité de cette aide avec le PTZ+ ;
accroître les possibilités d’accès au PTZ+ dans les zones tendues, les quartiers de la politique de la ville et les centres anciens dégradés ;
développer la coordination de l’action des services déconcentrés de l’État avec celle des collectivités territoriales en mettant en place une gestion déconcentrée d’enveloppes budgétaires d’aides à l’accession à la propriété permettant de compléter les interventions locales.

Conclusion générale

Ancrées dans une tradition d’intervention de l’État dans ce domaine, les aides à l’accession à la propriété constituent aujourd’hui un ensemble complexe de dispositifs qui, malgré un montant cumulé de près de 2 Md€ par an, se révèlent de moins en moins efficaces, tant pour permettre l’accès des catégories modestes de la population au statut de propriétaire que pour soutenir l’effort de construction. Elles demeurent fondées sur des outils que les conditions actuelles des marchés immobiliers, du coût du crédit et des revenus des accédants potentiels ont largement émoussés.

Le PTZ+, confronté à des écarts de subventionnement entre tranches et entre zones, est devenu moins attractif, malgré les effets d’aubaine que son élargissement récent favorise. Le PAS n’offre plus d’intérêt que du point de la garantie bancaire qu’il apporte, malgré son coût élevé et sa durée plus longue que celle d’un crédit classique. Les APL-accession ont un nombre de bénéficiaires de plus en plus faible et leur effet déclencheur fait débat. Enfin, le PSLA, bien qu’il réponde aux besoins des ménages locataires du parc social, reste marginal, avec seulement quelques milliers d’opérations par an.

Ces aides jouent de moins en moins leur rôle d’appui aux primo-accédants et la question de leur suppression se pose, comme le souligne l’IPP, même si « les évaluations existantes actuellement sont toutefois insuffisantes pour apporter une réponse tranchée sur cette question ». On observera que ces doutes sont partagés par les ministères économiques et financiers.

C’est pourquoi, si l’on estime que l’État doit continuer à mener une politique en faveur de l’accession à la propriété, ses instruments devraient être largement repensés afin de rendre le dispositif plus efficace, de le simplifier, de réduire ses effets négatifs et de diminuer son coût pour les finances publiques, en recherchant des pistes d’économies et en contenant la croissance des dépenses fiscales99.

Dans ces conditions, se situant entre les positions extrêmes visant la suppression ou le maintien en l’état de ces dispositifs, la Cour suggère une stratégie de réforme équilibrée, mais profonde, passant par une refonte globale et un ciblage plus précis du PTZ+, une redéfinition des barèmes des APL-accession, et une suppression du PAS.

Il paraît en effet nécessaire d’aboutir à l’échéance du PTZ+ actuel, c’est-à-dire du projet de loi de finances pour 2018, à un système recentré reposant sur un ciblage social et territorial plus précis, sur des critères d’éligibilité stables et simples, et sur une réduction des effets d’aubaine et des effets inflationnistes.

Cette démarche devrait passer par des orientations qui sont les conditions de réussite d’un nouveau système d’aides à l’accession : définir des objectifs globaux précis, resserrer les critères de ressources, définir un ciblage zonal privilégié (actions dans les QPV, opérations ANAH, etc.), élaborer des barèmes cohérents ou communs entre les instruments, maximiser l’effet déclencheur, minimiser l’effet inflationniste, simplifier le nombre d’instruments100, stabiliser leur définition, et établir une cohérence avec l’aide à la personne.

Cette évolution suppose la mise en œuvre d’une évaluation continue de la performance de ces aides, ce qui nécessite la mise en place des liens nécessaires entre les bases de données disponibles (SGFGAS, CNAF, etc.) pour permettre un suivi précis de l’efficacité et de l’efficience des dispositifs.

Cette réforme ne produirait cependant pleinement ses effets que si ces dispositifs étaient adaptés de manière beaucoup plus importante qu’aujourd’hui à la diversité des situations locales et s’ils étaient mieux conjugués, grâce à une intervention plus affirmée dans ce domaine des services déconcentrés de l’État, avec les actions que les collectivités territoriales conduisent dans le domaine de l’accession à la propriété en matière de logement et d’urbanisme.

Annexes

échange de courriers entre le président de l’Assemblée nationale et le Premier président

glossaire

ADIL : Agence départementale pour l’information sur le logement

AFL : Association foncière logement

AFTRP : Agence foncière et technique de la région parisienne devenue Grand Paris Aménagement

AL : aides au logement

ALF : allocation de logement à caractère familial

ALS : allocation de logement à caractère social

APL : aide personnalisée au logement

APL-accession : aide personnalisée au logement-accession : pour les ménages ayant contracté un prêt conventionné ou un PAS

ALUR : Loi pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové

ANAH : Agence nationale de l’habitat

ANIL : Agence nationale pour l’information sur le logement

ANRU : Agence nationale pour la rénovation urbaine

CAF : Caisse d’allocations familiales

CGEDD : Conseil général de l'environnement et du développement durable

Coût générationnel : correspond au montant total du crédit d’impôt associé aux PTZ émis durant l’année n

CRH : comité régional de l’habitat

CRHH : comité régional pour l’habitat et l’hébergement

CUS : convention d’utilité sociale

Dépense fiscale : représente la fraction de crédit d’impôt payée en année n pour les PTZ des années passées remontant à l’année n-4

DDCS : direction départementale de la cohésion sociale

DDT : direction départementale des territoires

DHUP : direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages

DREAL : direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement

DRIHL : direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (-de-France)

EPA : établissement public d’aménagement

ENL : Enquête nationale logement (INSEE)

EPF : établissement public foncier

FGAS : Fonds de Garantie à l’Accession Sociale à la propriété

IAURIF : Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région -de-France

NPNRU : nouveau programme national de rénovation urbaine

OIN : opération d’intérêt national

OPAH : opération programmée d’amélioration de l’habitat

OPAH-RU : opération programmée d’amélioration de l’habitat -rénovation urbaine

ORF : observatoire régional du foncier

PAP : prêt d’accession à la propriété

PAS : prêt à l’accession sociale

PC : prêt conventionné

PLH : programme local de l’habitat

PLU : plan local d’urbanisme

PLUi : plan local d’urbanisme intercommunal

PNRQAD : programme national de requalification des quartiers anciens dégradés

PSLA : prêt social location- accession

PTZ : prêt à taux zéro

PTZ : prêt à taux zéro

PTZ+ : prêt à taux zéro renforcé, créé en 2011

QPV : quartier de la politique de la ville

SCOT : schéma de cohérence territoriale

SDRIF : schéma directeur de la région -de-France

SGFGAS : société de gestion des financements et de la garantie de l’accession sociale à la propriété

SGP : Société du Grand Paris

SRU : loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain

STIF : Syndicat des transports -de-France

USH : Union sociale pour l’habitat

liste des personnes rencontrées

Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages

M. Laurent Girometti, Directeur 

Mme Clémentine Pesret, sous-directrice 

Direction générale du Trésor 

M. Jérôme Reboul, Chef de bureau Bancfin3 ;

Mme Esthelle Dhont-Peltrault, Chef de bureau Macro1/Polsec2 

Direction du budget 

M. Olivier Meilland, Chef du bureau 4BLVT (logement, ville et territoires) 

IGF 

M. Jérôme Fournel, inspecteur général des finances – Référent logement auprès de l’IGF ;

Délégation interministérielle à la mixité sociale

M. Thierry Repentin, délégué interministériel ;

DRHIL

M. Pierre-Yves Delorme, Directeur ;

M. Rémy Constantino, chef du service développement de l’habitat et hébergement ;

Conseil Général de l’environnement et du développement durable)

M. Alain Lecomte, Président de la 1ère section (Habitat, Logement) ;

SGFGAS

M. François Delarue, président du conseil d’administration ;

M. François de Ricolfis, Directeur général ;

M. Pierre Souche, secrétaire général ;

INSEE

Mme Cécile Arnold, division logement ;

ANIL

Mme Géraldine Chalençon, Directrice générale ;

ADIL 93 

M. Michel Langlois, Président ;

Mme Marsaleix-Regnier, Directrice ;

ADIL 78

Mme Caroline Ntamag, Directrice ;

ANAH

Mme Blanche Guillemot, directrice générale ;

CNAF

Mme Florence Thibault, directrice adjointe direction des statistiques, des études et de la recherche ;

Mme Adelaïde Favrat, Responsable du pôle Analyses et prévisions ;

Médiation à la construction de logement en IDF

M. Jean Rebuffel, médiateur ;

Observatoire régional du foncier d’IDF

M. Dominique Figeat, président ;

Action logement 

M. Brunot Arbouet, Directeur général ;

Mme Leila Djarmouni, direction du marketing et du développement ;

Fédération Nationale des coopératives HLM

M. Vincent Lourier, Directeur ;

Fédération française du bâtiment

M. Dominique Duperret, Délégué général ;

M Bernard Coloos, Directeur des Affaires Economiques et Internationales ;

Crédit Foncier

Mme Nicole Chavrier, Directrice des relations institutionnelles ;

Mme Christine Passeman, chargée de mission ;

Parlementaires

M. Daniel Goldberg, député ;

M. François Pupponi, député, maire de Sarcelles ;

M. Phillipe Dallier, sénateur, maire de Pavillons-sous-Bois ;

Économistes et universitaires

M. Bernard Vorms ;

M. Jean Claude Driant, Institut d’urbanisme de Paris ;

M. Jacques Friggit, CGEDD ;

M. Vincent Renard, CNRS;

Mme Claire Labonne, Banque de France ;

M. Tristan Maury, Paris Dauphine- EDHEC Business school ;

M Kevin Beaubrun-Diant, économiste Université Paris IX Dauphine ;

M. Pierre Madec, économiste OFCE ;

M. Antoine Bozio, Mme. Marion Monnet, Mme. Lucille Romanello, Mme. Lisa Degalle, IPP

Personnes rencontrées dans le cadre de missions dans les territoires sélectionnés

Mairie de Paris

Mme Caroline Grandjean, Directrice, Direction du logement et de l’habitat ;

M. Jérôme Masclaux, sous-directeur de la Politique du logement ;

Saint-Denis : Communauté d’agglomération Plaine Commune

M. Benjamin Berthon, responsable du service habitat ;

Mme Anne Vauvray, Directrice de la coopérative CAPS ;

Lille : Ville de Lille et Métropole européenne de Lille

M.Francis Chassard, directeur ADIL ;

M. Jean-Noël Verfaillie, président ADIL ;

M. Philippe Lalart, DDTM ;

M. Olivier Peetermans, responsable observatoire de l’habitat ;

M. François Groult, Maisons Phénix ;

M. Vianney Cornille, groupe Geoxia ;

M. Edouard Grimond, Institut notarial de droit immobilier ;

M. Gildas Perais, groupe FONCIA ;

M.Xavier Dekock, UNIS ;

M. Jean Michel Felt, CECIM

Mme Audrey Linkenheld, députée, adjointe au logement mairie de Lille ;

DREAL des Hauts-de-France

M. Vincent Motyka, DREAL ;

M. Yann Gourio, DREAL-adjoint ;

Mme. Marie-Claude Juvigny ;

Mme Corinne Biver ;

Mme Elodie Patte-Gondran ;

Table ronde collectivités

Mme Caroline Lucats, Directrice du logement, mairie de Lille ;

Mme Claire Bruhat, Directrice du logement, Métropole Européenne de Lille ;

M.Frédéric Roussel, notaire ;

M.Vincent Bougamont, Directeur de La Fabrique des Quartiers ;

Mme Milouda Ada, adjointe au maire de Roubaix ;

M.Bernard Haesebroeck, vice-président au logement, Métropole Européenne de Lille ;

Angers :

Mme Isabelle Schaller, directrice départementale adjointe des Territoires ;

M. Jean-Luc Malgat, responsable du service construction habitat ville ;

Mme Olivia Breheret- DREAL ;

M. Hugues Mineau, DDT49 ;

Mmes Audrey Sachot et Madlyne Corbin- Angers Loire Métropole ;

Mme Géraldine Guyon, responsable du service habitat urbanisme- Département ;

M. Jack Dupré, Président de l’ADIL 49 ;

M. Vernier Esnault, Vice-président de la FNAIM et vice-président de l’ADIL ;

M. Lefebure, Directeur de la coopérative des castors angevins ;

M . Gravouil, Président directeur général d’Anjou Atlantique ;

M. Rome, Directeur du développement d’Angers Loire Habitat ;

M. Pocholle, Président de l’union des maisons françaises des Pays de Loire ;

M. Body, responsable des engagements au Crédit Mutuel de l’Anjou ;

Rennes

Mme Sophie Poumayou, Directrice de l’ADIL 35 ;

Mme Christel Loviny, Administratrice ADIL, Crédit Agricole ;

M. Henri Noël Ruiz, Directeur de l’AUDIAR (agence d’urbanisme) ;

M. Jean Marie Cano, AUDIAR ;

M. F. Hichour, Secrétaire du directeur de l’AUDIAR ;

M. Honoré Puil, Vice-Président en charge de l’Habitat à Rennes Métropole ;

Mme Nathalie Demeslay, Responsable du service Habitat de Rennes Métropole ;

Mme Chrystel Drouillet, secrétaire de M. Puil et de Mme Demeslay ;

M. Pierrick Domain, Directeur de la DDTM 35 ;

M. Lionel Bras, Responsable du service Habitat et Urbanisme DDTM 35 ;

M.Marc Navez, Directeur de la DREAL ;

M. Pascal Leveau, Responsable de la division Logement ;

Mme Carole Contamine, Directrice de l’EPF Foncier de Bretagne ;

M. Patrice Faure, Secrétaire général de la préfecture 35 ;

M. Olivier Bernicot, Chargé de mission SGAR ;

M. Yann Godet, responsable habitat et développement sociétal, Communauté de communes Côte d’Émeraude.

travaux de l’IPP menés pour la Cour des comptes

La Cour, après mise en concurrence, a chargé l’Institut des politiques publiques de l’École d’Économie de Paris (IPP) d’analyser les justifications des aides publiques à l’accession à la propriété, telles qu’elles sont présentées dans la littérature économique, d’évaluer l’impact du PTZ et de proposer des pistes de réforme.

La synthèse de cette étude, produite par l’IPP en mai 2016, est reproduite ci-après. Cette synthèse relève de la responsabilité de l’IPP et n’engage pas la Cour.

SYNTHÈSE DE L’ETUDE DE L’IPP-PSE

Cette étude dresse un constat sur les dispositifs d’aide à l’accession que sont le prêt à taux zéro (PTZ), le prêt d’accession sociale (PAS), le prêt conventionné (PC) et le volet accession des aides au logement (APL-accession). Elle recense la littérature sur les justifications économiques du statut de propriétaire, ainsi que les évaluations menées en France et à l’étranger sur les politiques d’aide à l’accession.

Une évaluation du prêt à taux zéro est menée ensuite, en estimant l’effet du montant de ce dernier ou d’une modification de ses modalités, sur le nombre de prêts octroyés ainsi que sur les caractéristiques du bien acquis et le taux d’effort des ménages.

Nous proposons enfin, dans une dernière partie, quelques pistes de réforme et d’amélioration des dispositifs d’aide à l’accession.

Constats sur les justifications économiques des dispositifs d’aide à l’accession

Depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, favoriser l’accession à la propriété par l’intervention publique est une priorité affichée d’une grande majorité de gouvernements européens, alors même que les justifications économiques de ces politiques d’accession sont en réalité peu nombreuses.

Si, en théorie, la plus faible mobilité géographique des propriétaires devrait se traduire par un effet négatif sur le marché du travail en réduisant la qualité de l’appariement entre chômeurs et emplois vacants, les travaux empiriques menés en France et à l’étranger ne parviennent pas à faire émerger de consensus.

Alors que les travaux menés sur des données macroéconomiques mettent en évidence une corrélation positive entre le taux de propriétaires et le taux de chômage, ceux exploitant des données microéconomiques ont plutôt tendance à conclure à l’absence d’effet, voire à un effet positif dans certains cas.

En revanche, il a été montré que le statut de propriétaire était source d’externalités positives. Les enfants de parents propriétaires auraient une probabilité plus faible d’être déscolarisés, auraient de meilleurs résultats scolaires et une probabilité plus élevée d’être diplômés. Le statut de propriétaire serait également associé à un meilleur état de santé que celui de locataire, bien que ces effets soient d’une ampleur quantitativement faible.

Résultats des évaluations menées sur les dispositifs d’aide à l’accession

Les dispositifs d’aide à l’accession tels qu’ils ont été conçus peuvent, quant à eux, entraîner de possibles effets pervers et, en particulier, générer une hausse des prix de l’immobilier. De récents travaux d’évaluation tendent à montrer un effet positif et significatif du prêt à taux zéro sur le prix des terrains à bâtir, ainsi que sur les prix de l’immobilier via le canal du crédit.

Bien que peu d’évaluations de l’effet déclencheur de ces dispositifs aient été conduites, les travaux existants montrent que le nombre de ménages ayant choisi de devenir propriétaire grâce à ces politiques est de l’ordre de 15 %, suggérant un effet d’aubaine conséquent : 85 % des bénéficiaires d’un prêt à taux zéro auraient tout de même acquis un bien immobilier en l’absence du dispositif. Pour ces cas, le PTZ se substitue aux prêts classiques.

Un effet des conditions d’octroi du prêt à taux zéro sur le recours au dispositif

En utilisant la base exhaustive des prêts aidés octroyés depuis 1995 produite par la Société de Gestion des Financements et de la Garantie de l’Accession Sociale à la propriété (SGFGAS), nous nous concentrons sur le seul dispositif du prêt à taux zéro (PTZ) et évaluons, par deux méthodes différentes, l’effet d’une modification des conditions d’octroi du PTZ sur le nombre de prêts, puis sur la qualité du bien acquis et le taux d’effort des ménages bénéficiaires. Si cette analyse ne nous permet pas de conclure quant à la capacité du dispositif à augmenter le taux de propriétaires, on peut tout de même estimer un effet sur le recours au dispositif.

L’estimation de l’effet du montant du PTZ sur nos différentes variables d’intérêt par la méthode des moindres carrés ordinaires suggère que, sur l’ensemble de notre échantillon, une hausse de 1 % du montant du PTZ est associée à une hausse de seulement 0,03 % du nombre de PTZ. L’analyse des effets hétérogènes met évidence quelques disparités entre zones géographiques et selon le type de ménages. La zone A est la plus réactive et ce quel que soit le type de ménage concerné, avec une élasticité de 0,13 %. En zone B, se sont surtout les personnes seules qui ont les élasticités les plus élevées, et plutôt les familles nombreuses en zone C. La corrélation entre le montant du PTZ et la superficie du bien acquis est légèrement négative pour tous les sous-groupes à l’exception des personnes seules résidant en zone A.

Enfin, une hausse du PTZ est associée à une hausse du taux d’effort des ménages sur l’ensemble de l’échantillon.

Dans le but de se rapprocher d’une interprétation causale des résultats, nous exploitons la redéfinition des zones géographiques intervenue le 1er octobre 2014 dans le cadre du dispositif Pinel comme une variation exogène des modalités d’attribution du PTZ.

Les communes reclassées à la suite de ce changement législatif sont appariées avec des communes similaires avant le changement, en termes de caractéristiques sociodémographiques. La comparaison de l’évolution de ces deux groupes avant et après l’introduction du changement nous permet d’identifier plus rigoureusement l’effet du PTZ sur le recours au dispositif.

Nos estimations semblent plaider en faveur d’un effet positif sur le recours au dispositif, sans que l’on puisse cependant conclure à un effet déclencheur de ce dispositif. Les communes reclassées, qui ont par conséquent bénéficié de conditions d’attribution plus favorables du PTZ, octroient en moyenne 1,37 PTZ supplémentaires par trimestre, pour un nombre moyen de PTZ de 3,5 avant la redéfinition des zones. Cet effet est d’autant plus fort que la commune se trouve en région parisienne ou sur le littoral méditerranéen. Nous n’observons aucun effet significatif sur le taux d’effort des ménages bénéficiaires.

L’effet sur la qualité des biens acquis est positif et significatif pour les zones les plus tendues alors qu’il est négatif en zone B2.

Des pistes de réformes des dispositifs d’aide à l’accession

La question de la suppression des dispositifs d’aide à l’accession se pose légitimement puisqu’il existe des doutes sur le bien-fondé des politiques visant à inciter à l’accession. Les évaluations existantes actuellement sont toutefois insuffisantes pour apporter une réponse tranchée sur cette question.

Néanmoins, le choix actuel qui consiste à réduire le budget des aides au logement « accession » tout en conservant les prêts aidés ne semble pas constituer un choix de politique publique pertinent. Élargir l’accès au crédit pour les ménages les plus modestes doit être accompagné de la mise en place d’aides leur permettant de faire face aux mensualités de remboursement de leurs prêts.

Si le contexte budgétaire impose de réaliser des économies en dépense, il semblerait alors plus logique de supprimer les prêts aidés, mis en place afin de pallier une défaillance de marché résultant de la régulation prudentielle du marché bancaire tout en assouplissant en parallèle les conditions d’accès au crédit.

Faire des aides personnelles à l’accession une prestation sociale qui ne dépendrait pas du statut d’occupation permettrait également de rendre neutre ce dispositif qui bénéficierait aussi bien aux locataires qu’aux propriétaires tout en conservant la fonction de redistribution assurée aujourd’hui par les APL « accession ».

Bien que l’effet négatif du statut de propriétaire sur le marché du travail ne fasse pas consensus dans la littérature empirique, le fait que devenir propriétaire a un effet négatif sur la mobilité est en revanche avéré. Réduire les coûts de transaction immobilière, notamment les droits de mutation à titre onéreux, permettrait de dynamiser la mobilité résidentielle des ménages.

Les aides à l’accession contribuent à soutenir les ménages dans la constitution d’un patrimoine immobilier peu liquide. Le développement du marché du viager ou du prêt hypothécaire pourrait permettre un accroissement des revenus ou des capacités d’emprunt des ménages propriétaires.

description détaillée des aides étudiées

1. LES AIDES PERSONNELLES AU LOGEMENT POUR L’ACCESSION

L’aide personnalisée au logement (APL) - articles L. 351-1 et R351-1 du Code de la construction et de l'habitation

L’APL est attribuée, pour leur résidence principale, aux personnes qui occupent soit le logement dont elles sont propriétaires soit un logement à usage locatif (etc.). Elle est servie, au titre de l’accession à la propriété, dès lors que le logement a été conventionné ou a bénéficié de prêts aidés par l’État.

L’allocation de logement (AL) familiale (ALF) et sociale (ALS) - articles L542 et D542 du Code de la sécurité sociale

L’ALF est attribuée aux ménages ayant des personnes à charge (enfants, personnes âgées) qui n’ont pas droit à l’APL et l’ALS aux ménages qui n’ont droit ni à l’APL, ni à l’ALF.

Pour l’accession à la propriété, les aides personnelles au logement, destinées à atténuer la charge des remboursements d’emprunt, sont attribuées sous condition de ressources et calculées en fonction de deux barèmes : l’un pour l’APL et l’autre pour l’AL.

Le montant de l’APL et de l’AL accession est obtenu par application de la même formule (cf. articles R. 351-18 du CCH ; D. 542-5-II et D. 831-2 du CSS) :

APL ou AL = K [L+C-L0]

K est le coefficient de prise en charge

L est la mensualité de remboursement réelle prise en compte dans la limite d’un plafond variable en fonction de trois zones géographiques et du nombre de personnes à charge

C’est le forfait de charges

L0 est l’équivalence de loyer et de charges locatives minimale, fonction du revenu et du nombre de personnes à charge

Les mensualités plafonds ne sont pas déterminées selon les mêmes critères pour l’APL et pour l’AL : pour l’APL, elles varient en fonction de la date de l’opération, de la nature du prêt (prêt d’accession à la propriété PAP, ou prêt conventionné, PC) et de la nature de l’opération (neuve, amélioration, agrandissement) ; pour l’AL, elles diffèrent selon la date de l’opération uniquement.

2. LE PRÊT À TAUX ZÉRO RENFORCÉ

Le "PTZ+" (prêt à taux zéro renforcé) est un prêt complémentaire sans intérêts et sans frais aidé par l’État. Il est accordé, aux personnes, qui souhaitent, pour la première fois, devenir propriétaire de leur résidence principale, sous condition de ressources, de qualité du bien, de coût de l’opération, de composition familiale et de zonage géographique.

Opérations finançables par le PTZ (en 2016) :

Le prêt à taux zéro renforcé peut financer l’acquisition :

- d’un logement neuf,

- d’un logement acquis dans le cadre de la vente du parc social à ses occupants,

- d’un logement ancien, dans certaines communes rurales sous condition de travaux, depuis le 1er janvier 2015 ; cette possibilité ayant été élargie à l’ensemble du territoire en LFI 2016.

Conditions d’accès à un PTZ :

L’emprunteur primo-accédant doit justifier d’un montant total de ressources inférieur ou égal à un plafond, fonction de la localisation du logement (zone A, B1, B2 ou C) et de la composition du ménage (nombre de personnes).

Le montant des revenus pris en compte est celui qui correspond au montant le plus élevé entre d’une part la somme des revenus fiscaux du ou des emprunteurs, au titre de l’année n-1, et d’autre part le coût total de l’opération divisé par 9.

Montant du PTZ :

Le montant du PTZ correspond au coût total de l’opération, retenu dans la limite d’un plafond, auquel est appliquée une quotité.

Les quotités sont fixées en fonction de la localisation du logement (zone A, B1, B2 et C)

Le montant du plafond d’opération pris en compte dans le calcul du PTZ est fonction de la localisation du logement (zone A, B1, B2, C), et de la composition du ménage

Par ailleurs, le montant du PTZ ne peut excéder le montant du ou des autres prêts, d’une durée au moins égale à deux ans, concourant au financement de l’opération.

Par exemple, en 2015, pour l’achat d’un logement neuf, les quotités de PTZ étaient les suivantes :

ZoneZone AZone B1Zone B2Zone C
Quotité26 %26 %21 %18 %

Une quotité unique a été portée à 40 % en LFI 2016 pour l’ensemble du territoire.

Remboursement du PTZ :

Le profil de remboursement du PTZ accordé à l’accédant dépend de ses revenus, du nombre de personnes destinées à occuper le logement, de la localisation du logement et du montant de l’opération.

L’accédant rembourse son PTZ sur une durée comprise entre 12 et 25 ans. Plus ses revenus sont modestes, plus ses conditions de remboursement sont avantageuses (durée plus longue et différé de remboursement).

Prêt principal et apport personnel :

Le montant du PTZ étant plafonné et limité à 50 % du total de l’emprunt, un apport personnel et/ou un prêt complémentaire est nécessaire afin de financer la totalité de l’opération.

Le prêt le plus courant est le prêt immobilier bancaire « classique », dont la durée de remboursement peut différer de celle du PTZ, mais doit être au moins égale à deux ans. Le montant emprunté dépend du montant du PTZ, ainsi que de l’apport personnel, qui peut être nul.

3. LE PRÊT D’ACCESSION SOCIALE

Le prêt d'accession sociale (PAS) a pour objectif de favoriser l'accession à la propriété des ménages aux revenus modestes. Il est accordé par une banque ou un établissement financier ayant passé une convention avec l'État pour financer la construction ou l'achat d'un logement, avec ou sans travaux d'amélioration. Il est remboursable avec intérêts et peut financer jusqu'à l'intégralité du coût de l'opération.

Il est ouvert pour :

l'achat ou la construction d'un logement neuf, y compris le terrain ;

l'achat d'un logement ancien ;

effectuer des travaux d'amélioration du logement ou d'économie d’énergie, d'un coût minimum de 4 000 €.

Le PAS peut permettre de financer la totalité d’une opération immobilière.

Il est accordé sous conditions de ressources. Elles ont été alignées sur celles du PTZ+ le 1er octobre 2014. L'année de référence à prendre en compte est l'avant-dernière année précédant l'offre (année n°-2).

En ce qui concerne sa durée, le PAS peut être remboursé sur une durée allant de 5 à 25 ans, en règle générale. Mais certains établissements bancaires proposent des prêts d’une durée jusqu'à 35 ans.

Le taux d’intérêt dépend de la durée de l’emprunt, et de l'établissement bancaire qui le propose. Toutefois, des taux maximum sont fixés, en fonction de la durée du prêt et de la nature du taux d’intérêt choisie (fixe ou variable).

Par exemple, pour une durée de prêt comprise entre 15 et 20 ans, le taux fixe maximum sera de 2,65 % ; pour une durée supérieure à 20 ans, le taux d’intérêt fixe sera de 3,05 % au maximum.

Le PAS peut être couplé avec d’autres prêts ou aides. Ainsi, il peut se cumuler par exemple avec :

un  ;

un prêt d’Action logement ;

un instrument d’épargne logement (PEL et/ou CEL) ;

une subvention de l’ANAH ;

un éco-PTZ sous certaines conditions.

Surtout, il ouvre droit à l’aide personnalisée au logement accession.

En revanche, il ne peut pas être complété par un prêt immobilier « classique ».

4. LE PRÊT SOCIAL DE LOCATION ACCESSION

Le mécanisme de location-accession permet à des ménages sans apport personnel d’acquérir le logement qu’ils occupent avec un statut de locataires. Les opérations réalisées dans le cadre de ce dispositif comportent deux phases. Au cours de la première, le logement est financé, comme dans le cas d’une opération locative classique, par un opérateur HLM. Le ménage qui occupe le logement acquitte une redevance composée d’une indemnité d’occupation incluant les frais de gestion, et d’une épargne, qui constitue la part « acquisitive ». À l’issue de cette première phase, dont la durée peut être variable, le ménage a la possibilité d’opter pour un statut d’accédant à la propriété.

C’est alors qu’il peut contracter un prêt social location-accession, afin de rendre la location attractive pour des ménages dont les revenus sont modestes, avec le cas échéant un PTZ+ s’il rentre dans les plafonds de ressources.

S’il fait jouer son droit d’option pour la propriété, le ménage mobilisera les crédits conventionnés fixés d’avance par un établissement financier, pour acheter leur bien dont le prix était plafonné. Même s’il ne mobilise pas un PAS, le ménage est néanmoins susceptible de bénéficier de l’APL-accession, basée sur la redevance dite « locative ».

L’accédant bénéficie en outre des avantages fiscaux auxquels avait droit l’organisme HLM (TVA réduite et exonération de TFPB pendant 15 ans, pour la durée restant à courir), au titre de l’opération PSLA agréée par l’État.

Les plafonds de ressources pour bénéficier d’un PSLA (au 1er janvier 2016) dépendent de la composition du ménage et de la zone d’habitation.

Ménage composé :Zone AZones B1, B2 et C
1 personne31 370 €23 779 €
2 personnes43 917 €31 709 €
3 personnes50 191 €36 678 €
4 personnes57 093 €40 643 €
5 personnes62 123 €44 595 €

les aides à l’accession des collectivités territoriales

Les aides directes des collectivités locales sont accordées dans le neuf (40 % des collectivités), dans l’ancien (22 %) ou dans les deux secteurs (38 %).

Les aides directes peuvent être subordonnées à l’obtention d’un PTZ ou s’inscrire dans une opération de PSLA. À contrario, des prêts à taux zéro ou à faible taux ainsi que des subventions (de 2 000 € à 5 000 € en général) peuvent être allouées sans ce type d’obligation, ou avec des conditions spécifiques (localisation, quote-part de travaux, rénovation énergétique, achat en copropriété…).

Parfois, ces aides sont soumises à des critères de ressources plus favorables : ainsi la ville de Paris a adossé son « Prêt Paris Logement » (PPL) à taux zéro aux critères du PLS de 2004, plus favorables que ceux du PTZ+, ce qui explique qu’en 2014, les bénéficiaires d’un PPL aient été dans la capitale beaucoup plus nombreux que ceux d’un PTZ+ (1 220 contre 36).

Les aides indirectes, de plus en plus diverses, visent à soutenir la production de logements abordables en minorant les coûts fonciers.

Exemples d’actions locales d’aides à l’accession

Aides directes aux ménagesActions visant à atténuer la charge foncièreActions menées via la politique d’urbanismeActions visant à modérer les prix
ParisVille de Lille et MétropoleLillePlaine commune
Aides aux accédants- En 1995 : doublement du PTZ État sous réserve de 3 ans de résidence ;- En 2004 : Prêt Paris logement 0 % pour logements anciens aux accédants à la propriété à revenus moyens ;- En 2009 : Prêt parcours résidentiel pour locataires du parc social ;En 2016 :- relèvement des plafonds de ressource du PPL et du PPR ;- limitation du taux d’apport personnel à 10 %.Décote sur les cessions de terrains et minoration des charges foncières- Décotes sur les terrains cédés et minoration des charges foncières pour les opérateurs engagés dans la production de logements à un prix encadré ;- Subvention de 4000€ à 7000€ par logement pour les opérateurs intervenant dans le champ de l’accession sociale ou abordable.Requalification de l’habitat dégradé - Requalification et revitalisation des quartiers d’habitant anciens dégradés ; - Création en 2010 d’une société publique d’aménagement locale (SPLA).- Rachat et réhabilitation par la SPLA de l’habitat insalubre, et rôle social dans le relogement et l’accompagnement des ménages dont le logement est racheté.- Convention qualité encadrant les prix de sortie des logements.- Limitation des copropriétés sociales sécurisées à 55 logements.- plafonnement des prix de vente des logements aidés par secteur.- création d’une coopérative d’accession sociale à la propriétéRennes métropole- Conventionnement avec les promoteurs pour encadrer les prix de production.- Limitation de la TVA à 5,5 % aux opérateurs publics partenaires et agréés par l’État. - Encadrement des prix de sortie.Ville de Lille- Limitation du coût d’achat en faveur des ménages aux ressources inférieures aux plafonds du PLS accession du PTZ. - Servitude sociale de 30 % de logements sociaux ou à accession sociale pour les programmes de construction de plus de 17 logements.- Encadrement des prix de revente par des clauses anti-spéculatives.
Rennes métropolePlaine communeAngers Loire métropole- Convention qualité encadrant les prix de sortie des logements.- Limitation des copropriétés sociales sécurisées à 55 logements.- plafonnement des prix de vente des logements aidés par secteur.- création d’une coopérative d’accession sociale à la propriétéRennes métropole- Conventionnement avec les promoteurs pour encadrer les prix de production.- Limitation de la TVA à 5,5 % aux opérateurs publics partenaires et agréés par l’État. - Encadrement des prix de sortie.Ville de Lille- Limitation du coût d’achat en faveur des ménages aux ressources inférieures aux plafonds du PLS accession du PTZ. - Servitude sociale de 30 % de logements sociaux ou à accession sociale pour les programmes de construction de plus de 17 logements.- Encadrement des prix de revente par des clauses anti-spéculatives.
Recours au PSLA - Attribution des logements sur avis d’une commission associant la métropole, les communes et les opérateurs.- Attribution prioritaire aux accédants les plus modestes, utilisation intensive du PSLA.- Aides supplémentaires accordées pour permettre aux ménages de sécuriser leur plan de financement. - Encadrement des prix de revente par des clauses anti-spéculatives imposant aux ménages revendant leur bien de rembourser l’aide publique perçue.Contrat de développement territorial (CDT) et veille foncière- Plan stratégique foncier : identification des fonciers mobilisables et définition du cadre d’intervention des acteurs, dont la filiale de l’EPF Foncière commune.-Conventions de veille foncière couvrant 12 % du territoire.- Mise à disposition d’une offre foncière à prix maitrisé pour les programmes d’accession. Lutte contre la consommation foncière et l’étalement urbain- Organisation intégrée du développement du territoire par le PLUi (habitat, déplacement et urbanisme).- Lutte contre l’étalement urbain : objectif de réduction de 30 % par rapport à 2005-2015 de la consommation foncière 2015 -2027.- Convention qualité encadrant les prix de sortie des logements.- Limitation des copropriétés sociales sécurisées à 55 logements.- plafonnement des prix de vente des logements aidés par secteur.- création d’une coopérative d’accession sociale à la propriétéRennes métropole- Conventionnement avec les promoteurs pour encadrer les prix de production.- Limitation de la TVA à 5,5 % aux opérateurs publics partenaires et agréés par l’État. - Encadrement des prix de sortie.Ville de Lille- Limitation du coût d’achat en faveur des ménages aux ressources inférieures aux plafonds du PLS accession du PTZ. - Servitude sociale de 30 % de logements sociaux ou à accession sociale pour les programmes de construction de plus de 17 logements.- Encadrement des prix de revente par des clauses anti-spéculatives.

Source : Collectivités citées (cf. liste des personnes rencontrées).

Des aides à l’accession intégrées dans les programmations locales

L’accession à la propriété occupe une place importante dans les programmes locaux de l’habitat (PLH), dont la moitié vise à développer une offre de logements en accession maîtrisée101 pour répondre à l’augmentation des prix immobiliers. Toutefois, le PLH n’est pas opposable aux tiers et fixe des objectifs de production de logements sans définir les moyens correspondants.

Pour compléter leurs aides directes, les collectivités disposent d’un moyen d’action indirect, mais efficace : l’action foncière, fondée sur les schémas de cohérence territoriale (SCOT), pour la planification, et sur les plans locaux d’urbanisme (PLU), pour la définition des règles d’occupation des sols. Aux termes de la loi ALUR102, les EPCI peuvent élaborer un PLU intercommunal (PLUi) qui peut aussi tenir lieu de PLH et de PDU (plan de déplacement urbains).

Ainsi, le PLUi-HD d'Angers Loire Métropole, intègre la programmation de l’habitat et des déplacements, d’une part, et les règles d’urbanisme, d’autre part ; il vise à maîtriser l’étalement urbain en privilégiant la densification du centre-ville et l’émergence de pôles de proximité. Il a pour objectif d’obtenir que la consommation foncière sur le territoire métropolitain, au cours de la période 2015-2027, soit inférieure de 30 % à celle de la période 2005-2015.

Des stratégies de mobilisation foncière qui se développent

En tant que propriétaires publics, les collectivités territoriales peuvent constituer des réserves foncières afin de céder à prix réduit aux aménageurs publics des terrains destinés à la construction de logements locatifs sociaux ou en accession sociale. Le coût de ce portage foncier est plus élevé dans les zones tendues mais il peut être transféré à des établissements publics fonciers (EPF). Ainsi, la communauté d’agglomération de Plaine commune s’est dotée d’un « plan stratégique foncier », dont la mise en œuvre repose en partie sur des «conventions de veille foncière » passés par l’EPF « Foncière commune ».

L’expérience de métropoles connaissant des tensions sur le marché immobilier comme Rennes, Lille, Lyon, Montpellier, Nantes ou Bordeaux, montre que la politique foncière peut avoir pour visée de peser sur la programmation de l’habitat, en fonction de besoins et de priorités de long terme. Une politique foncière active requiert toutefois une ingénierie fine pour identifier les opportunités foncières Ainsi, l’observatoire régional du foncier (ORF) -de-France, qui existe depuis 1987 sous forme associative et qui bénéficie de financements de l’État, favorise la connaissance et la diffusion de l’information foncière et contribue à un projet de cartographie exhaustive entrepris par l’Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU).

Au total, toutefois, l’action foncière des collectivités reste encore limitée et l’obligation faite aux intercommunalités de réaliser un diagnostic complet de leur situation foncière n’est guère respectée. L’élaboration d’une stratégie foncière planifiée dans le contexte des PLH, puis son rapprochement progressif avec le droit des sols, par exemple dans le cadre des PLUiH, n’est pas encore une orientation généralisée.

Des expériences pour dissocier le foncier du bâti

En complément du PSLA, plusieurs expériences ont été menées pour étaler dans le temps la charge d’acquisition du foncier, afin de faciliter le financement de l’acquisition par les ménages à revenus modestes, ou d’en limiter le coût dans les zones les plus tendues.

Le Pass-Foncier103, en vigueur de 2007 à 2011, était conditionné à une aide des collectivités locales, qui permettait le portage du foncier pendant la durée du prêt souscrit pour financer la construction ou l’acquisition, dans la limite de 25 ans, le ménage ayant la faculté d’acheter le foncier à toute date pendant la période de portage.

La loi ALUR vise à sécuriser l’investissement public en faveur de l’accession sociale en rendant possible la dissociation du foncier et du bâti, notamment par la création d’organismes fonciers solidaires (OFS). Ces derniers peuvent, d’une part, consentir des droits réels aux opérateurs pour la construction ou la réhabilitation de logements destinés à l’accession, et, d’autre part, céder aux ménages accédants les droits réels relatifs au bien sans leur vendre la propriété foncière. Il est trop tôt pour se prononcer sur l’impact de ces nouveaux dispositifs, encouragés dans leur principe par le ministère du logement, dont l’effet pourrait être limité en raison notamment des moyens financiers importants qui devront être consacrés à leur développement.

La dissociation du foncier et du bâti : deux exemples expérimentaux

Type de dispositifsOrganismes intervenant dans la mise en œuvreStatut du ménageAvantage
Dissociation du foncier et du bâtiL’opérateur ayant contracté le prêt (coopérative HLM, SEM), l’EPF ou l’opérateur qui porte le foncier À l’achat, le ménage est propriétaire du bâti. Il achète le foncier après remboursement du prêt initial pour le bâtiLa dissociation permet de différer dans le temps une partie du coût de l’acquisition. Elle a un fort effet solvabilisateur
Baux réels solidairesL’OFS et les collectivités qui peuvent en être actionnaires ou lui céder des terrains à prix maîtrisésLe ménage est propriétaire du seul bâti Le bail permet de réduire le coût de l’acquisition en supprimant le coût du foncier.

Source : Cour des comptes.

Le recours à l’urbanisme négocié

En dehors des outils règlementaires, et même lorsqu’elles n’ont pas les moyens de maîtriser le foncier, les collectivités tentent souvent de peser sur les coûts de l’accession sociale en recourant à l’urbanisme négocié.

Ainsi des « chartes promoteurs », passées par les promoteurs immobiliers, « suggèrent » à ces derniers des prix de sortie et des règles encadrant la typologie des logements produits. La « convention qualité constructions neuves » de Plaine commune s’inscrit dans cette logique.

Les politiques intégrées de long terme

Les différents modes d’intervention locale précités sont parfois combinés sur une longue période.

L’agglomération de Rennes offre ainsi l’exemple d’une politique locale ancienne qui cherche à agir à la fois sur l’offre foncière et sur la solvabilité des ménages. L’EPCI Rennes métropole appuie son action actuelle sur d’importantes réserves foncières constituées depuis plus de cinquante ans, ce qui lui permet de céder aux opérateurs des terrains à des prix compatibles avec ses objectifs de construction de logements. Cette action est relayée par des contrats passés avec les communes de l’agglomération, pour fixer, dans le cadre du PLH, des objectifs de production localisés, en lien avec les services publics de transport. Elle repose aussi sur des chartes associant les promoteurs immobiliers et visant à contenir les prix de sortie des logements.

Cette action foncière est complétée par un dispositif de soutien aux ménages éligibles à l’accession sociale, qui repose sur un partenariat avec l’ADIL, pour l’information des ménages, et avec certaines banques, pour le montage des dossiers. La métropole encourage le recours au PSLA et peut accorder une aide complémentaire permettant de sécuriser son plan de financement. Ce dispositif est complété par des clauses anti-spéculatives imposant aux ménages aidés revendant leur bien de rembourser l’aide publique perçue.

Les responsables locaux rencontrés lors de l‘enquête de la Cour estiment que cette politique a eu sur le long terme un effet déflationniste sur le marché immobilier métropolitain.

l’enjeu de l’aide à l’accession en Île-de-France

Une accession sociale plus difficile

Les politiques d’accession rencontrent en -de-France des contraintes spécifiques en raison du niveau élevé des prix de l’immobilier, du poids de l’habitat ancien, mais aussi de la périurbanisation.

L’expansion continue du marché de l’accession depuis les années 2000, sous la double influence de la baisse des taux d’intérêt et de l’allongement de la durée du crédit, n’y a pas été arrêtée par la montée plus rapide qu’ailleurs des prix immobiliers. La crise de 2008 n’a fait que freiner cette expansion, dans un contexte de stagnation du parc locatif privé.

Malgré le renforcement progressif du PTZ au bénéfice des catégories plus modestes, de 2011 à 2015, l’effet déclencheur des aides à l’accession a été limité. L’augmentation des prix a entraîné, même avec une quotité de PTZ élevée, une exclusion des ménages les plus modestes, tandis qu’un montant d’aide plus réduit pour les autres ménages a renforcé les effets d’aubaine.

PTZ émis en 2014 en -de-France

DépartementNombre de prêts émis
Paris36
Hauts-de-Seine1 196
Seine-Saint-Denis2 311
Val-de-Marne1 324
Seine-et-Marne2 013
Yvelines1 308
Essonne1 932
Val-d’Oise1 444
TOTAL11 554

Source : ANIL, SGFGAS.

Dans ces conditions, il est permis de s'interroger sur l’intérêt d’une nouvelle augmentation dans cette région104 des aides à l’accession pour les ménages les plus modestes, dont les taux d’effort sont déjà très importants, alors que cette évolution risquerait d’accroître le caractère inflationniste de ces aides.

Une accession qui s’oriente davantage vers le collectif

Outre le profil plus aisé de ses bénéficiaires, qui exercent majoritairement des professions intermédiaires ou d’encadrement, une autre caractéristique de l’acquisition aidée en -de-France est la part plus élevée du logement collectif dans les biens acquis.

Avant 2012, lorsque le PTZ permettait d’acheter dans l’ancien, les opérations d’acquisition-amélioration étaient plus nombreuses dans le logement collectif que dans les maisons individuelles, contrairement à ce qui se passait dans les autres régions. Mais c’est surtout dans l’acquisition dans le neuf que cette prédominance du collectif est remarquable, puisqu’elle concerne les deux-tiers des opérations de construction, alors que dans les autres régions, elle n’en représente qu’un peu plus de 10 %.

La perspective de la métropolisation

Le développement retardé de l’intercommunalité en -de-France a freiné l’essor des politiques locales de maîtrise foncière, pourtant stratégique pour élargir et adapter l’offre de logement.

La question foncière en -de-France

Un observatoire régional du foncier (ORF) a été créé en 1987, cofinancé par l’État et la région. Il rassemble des professionnels, des collectivités, des propriétaires et des experts. Son action comprend le suivi du marché du foncier, avec notamment une note de conjoncture semestrielle, et une réflexion sur les enjeux, au sein de groupes de travail ou à travers des publications ou des colloques professionnels.

L’État a également créé à la fin des années 1980 quatre établissements publics fonciers, regroupés au 1er janvier 2016 par la loi MAPTAM au sein de l’EPF--de-France pour lui donner une dimension régionale.

Enfin, il convient de signaler le rôle particulier de l’agence foncière et technique de la région parisienne (AFTRP), créée en 1962 et devenue Grand Paris Aménagement en 2015, qui peut opérer en matière de foncier et d’aménagement sur l’ensemble du territoire francilien. D’autres établissements publics d’aménagement existent également, notamment pour la mise en œuvre d’opérations d’intérêt national (OIN) sur certains territoires.

Certaines collectivités, comme la communauté d’agglomération Plaine Commune, ont mis en œuvre des politiques foncières volontaristes, notamment lorsqu’elles étaient confrontées à des enjeux de renouvellement urbain et d’attractivité.

Alors que les difficultés particulières liées à la construction de l’intercommunalité en -de-France maintiennent en général la compétence d’urbanisme au niveau communal, la région dispose d’outils puissants de maîtrise publique du foncier et de l’offre de logement, dont le périmètre et les moyens ont été récemment consolidés.

En premier lieu, le conseil régional a élaboré le schéma directeur de la région -de-France (SDRIF), document d’urbanisme dont la version 2014-2030 a conduit à un important mouvement de mise en compatibilité des SCOTS ou des PLU, notamment pour prendre en compte les objectifs du Grenelle de l’environnement et de la loi ALUR.

Par ailleurs, la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris a créé une société consacrée au développement du transport régional, autour de « contrats de développement territorial » (CDT) définis conjointement par l’État, les communes et leurs groupements. Le projet de « Grand Paris Express » doit être réalisé par la Société du Grand Paris, dans le cadre d'un accord avec le Syndicat des transports d’Île-de-France. Il s'inscrit dans un projet plus large de développement économique, social pour la région parisienne, et comprend une dimension habitat dans le cadre de l’aménagement des sites des futures gares.

La loi du 3 juin 2010 relative au grand Paris, reprise par le SDRIF, prévoit explicitement la construction d’un million de logements en 15 ans, soit une production annuelle de 70 000 unités, alors que le rythme annuel actuel ne dépasse pas 55 000 unités (démolitions comprises).

Enfin, la loi MAPTAM de 2014 a créé la Métropole du Grand Paris (MGP), EPCI à fiscalité propre et à statut particulier, qui couvre depuis le 1er janvier 2016 Paris et les départements de petite couronne ainsi que sept communes de grande couronne. La loi NOTRe a complété ce dispositif avec 11 établissements publics territoriaux (EPT), qui prennent le relais des anciennes intercommunalités et intègrent les communes isolées, sur le périmètre de la Métropole. La répartition des compétences entre les communes, la Métropole et les établissements publics territoriaux, particulièrement complexe, sera finalisée d’ici fin 2017.

Annexe n° 8 : l’aide allemande au développement urbain

En Allemagne, la politique du logement associe le niveau fédéral, les Länder et les communes. Si les orientations de cette politique sont définies au niveau fédéral, les Länder assument la responsabilité de sa mise en œuvre et participent à l’élaboration des règles fédérales. Les groupes sociaux (promoteurs immobiliers, associations de propriétaires) participent également à l’élaboration des règles fédérales. La politique de l’urbanisme est définie par les communes dans le cadre législatif fédéral. Les Länder établissement les réglementations de la construction, notamment les règles d’octroi de permis de construire.

Le logement joue un rôle clé dans la promotion du développement durable à la fois au niveau de la gestion de la consommation d’espaces et de la réflexion autour des matériaux de construction. Dans le cadre des plans établis par les Länder, les communes décident de l’affectation des terrains à bâtir.

Depuis 1971, une aide au développement urbain a été mise en place. Son objectif est de permettre la réalisation d’objectifs de développement durable. Elle sert de base à l’élaboration d’un projet de rénovation et de développement urbains systématiques et planifiés. La fédération participe à hauteur d’un tiers au financement du programme, le reste étant réparti entre le Land et la commune. La répartition des fonds et le suivi des programmes incombent aux Länder. La fédération contracte avec les Länder qui élaborent leurs propres règles d’attribution des fonds. L’effet levier de ces fonds est important. Ils généraient 6 fois plus de projets d’investissement privé105.

Le développement des centres-villes est un objectif affiché du gouvernement fédéral. Les aides à l’urbanisme sont ainsi largement concentrées sur les « centres de vitalité », dans lesquels les populations sont fortement encouragées à rester, et les nouveaux habitants bienvenus, grâce à des programmes de développement se traduisant notamment par la délivrance rapide de permis de construire et leur mise en exécution. La ville de Berlin perd 20 000 habitants par an qui s’installent dans les petites villes où les coûts sont moins élevés. L’office d’aménagement commun des Länder de Berlin et du Brandebourg a fixé l’objectif de limiter les projets de développement des zones non encore urbanisées et de renforcer le tissu existant des villes, comme par exemple le quartier de Spandauer Vorstadt, dont la rénovation est citée en exemple

Cependant, le marché immobilier résidentiel allemand commence à connaître des dérèglements semblables à ceux observés dans la plupart des pays de l’Union européenne : déficit de logements sociaux et abordables (un ayant droit sur cinq pouvant bénéficier d’un logement social), difficultés d’accès au logement renforcées pour les ménages modestes relégués en périphérie des villes, prix et loyers qui progressent rapidement.