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Le Premier président
à | Monsieur Jean-Yves Le Drian | Ministre de la défense | |
Réf. : S2016-2869 | Objet : Établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (ECPAD) – dangerosité de certains supports de films archivés. |
En application des dispositions de l’article L. 111-3 du code des juridictions financières, la Cour a examiné les comptes et la gestion de l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (ECPAD) pour les exercices 2009 à 2014.
À l’issue de son contrôle, la Cour m’a demandé, en application des dispositions de l’article R. 143-1 du même code, d’appeler votre attention sur les risques relatifs à la conservation au fort d’Ivry d’archives cinématographiques sur supports en acétate et en nitrate de cellulose.
L’ECPAD conserve au fort d’Ivry, en zone urbaine, dans une installation qui n’a pas reçu d’autorisation au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement environ 15 000 bobines de films conservées sur des supports en acétate et en nitrate de cellulose.
Ces bobines sont porteuses de risque d’incendie, en particulier les bobines de nitrate de cellulose, potentiellement exposées à un embrasement inextinguible et à un dégagement de gaz toxique en phase de décomposition constituant un danger pour les populations. Elles représentent un risque que le principe constitutonnel de précaution demande de maîtriser au plus vite.
Or la Cour a constaté que l’ECPAD ne se conforme pas à la législation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Bien qu’une procédure de déclaration au titre des installations classées ait été engagée au cours d’une courte période, de 2006 à 2008, elle n’a pas abouti, et aucune nouvelle démarche n’a été entreprise jusqu’en 2013. Cette inertie, qui a conduit à pousuivre le stockage des produits dangereux sans autorisation, illustre la défaillance des directions successives jusqu’en 2013 et le défaut de vigilance de la tutelle.
Si, en 2013, l’ECPAD a repris les démarches nécessaires pour finaliser son dossier de demande d’autorisation d’exploiter (DDAE) et qu’il a progressé dans l’élaboration de son dossier, comme en témoignent les récentes discussions avec le contrôle général des armées (CGA) du 17 juin 2016, la Cour relève cependant que cette autorisation ne pourra être accordée sans réalisation par l’ECPAD de travaux d’infrastructure (bassins de rétention, voiries, etc.) et de nouvelles études, notamment de sol. Ces obligations vont impliquer des investissements importants et des délais supplémentaires.
La Cour a noté, par ailleurs, que l’ECPAD s’était engagé dans un partenariat avec l’Institut national de l’audiovisuel (Ina) qui gère ce même type d’archives et dispose de lieux de stockage aux Essarts, près de Satory, dans une zone non habitée. Elle estime donc que, dans le cadre de ce partenariat, l’ECPAD devrait, en collaboration avec l’Ina, étudier la faisabilité juridique et technique d’un stockage de ces bobines dans les infrastructures adaptées éventuellement disponibles.
Le scénario d’un transfert des bobines potentiellement inflammables en zone non urbaine dans des équipements adaptés impliquerait de modifier l’arrêté du ministre de la défense du 5 novembre 2012 fixant la liste des dépôts d’archives pour être en conformité avec le code du patrimoine. Il ne comporterait pas d’inconvénient en termes d’accès du public à la documentation historique. En effet, ces films concernent essentiellement la première guerre mondiale et sont déjà numérisés, si bien que leur éloignement ne constituerait pas un handicap pour leur consultation. Il permettrait de programmer rapidement la mise en sécurité de ces archives.
Il est d’autant plus opportun que le ministère envisage dès maintenant ce déménagement que les caissons mobiles réfrigérés d’une durée de vie de dix ans qui permettent la conservation des bobines de films dans des conditions de température et d’hygrométrie très exigeantes, deviennent obsolètes, comme l’attestent de nombreux incidents de maintenance (15 à 20 par an) et qu’ils devront être remplacés dans les deux ans qui viennent. Le déplacement des archives pourrait avantageusement être concomitant avec leur remplacement.
La Cour formule donc la recommandation suivante :
Mettre rapidement en sécurité les archives de l’ECPAD qui présentent une dangerosité, en particulier les bobines de nitrate et d’acétate, pour tenir compte des prescriptions de sécurité relatives à la conservation de ces archives.
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Je vous serais obligé de me faire connaître, dans le délai de deux mois prévu à l’article L. 143-5 du code des juridictions financières, la réponse que vous aurez donnée à la présente communication1.
Je vous rappelle qu’en application des dispositions du même code, deux mois après son envoi, le présent référé sera transmis aux commissions des finances et, dans leur domaine de compétence, aux autres commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Il sera accompagné de votre réponse si elle est parvenue à la Cour dans ce délai. À défaut, votre réponse leur sera transmise dès sa réception par la Cour (article L. 143-5).
Didier Migaud