Communication à la commission des finances du Sénat
Avertissement
À la suite d’échanges, le 22 juillet 2015, entre le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, le président de la première chambre et le rapporteur général de la Cour des comptes, le Premier président a confirmé, par courrier du 24 juillet 2015 à la présidente de la commission des finances du Sénat, le principe d’une enquête en application de l’article 58°2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), portant sur « l’évaluation de l’efficience des dépenses fiscales relatives au développement durable ».
Une formation interchambres (FIC), associant les première, deuxième, cinquième et septième chambres de la Cour a été créée pour conduire cette enquête. Lors d’un entretien le 20 octobre entre le président de la FIC et le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, les attentes de la commission des finances ont été précisées et les critères proposés pour choisir les dépenses fiscales plus particulièrement analysées ont été validés.
Une note de cadrage a été rédigée sur cette base et approuvée par la FIC. Plusieurs orientations ont alors été retenues :
Si la notion de développement durable repose sur trois piliers, « un développement économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable » selon la définition posée lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992, seule la partie du développement durable concernant la protection de l’environnement a été considérée.
Ce rapport analyse l’évaluation de l’efficience des dépenses fiscales, en collectant l’ensemble des données disponibles, mais sans prétendre conduire des analyses économétriques qui nécessiteraient des délais et des moyens bien supérieurs à ceux disponibles.
Pour des raisons de cohérence, l’ensemble, constitué à la fois des dépenses favorables et défavorables à l’environnement, a été inclus dans le champ de l’étude. Toutefois, l’impact sur l’environnement des dépenses fiscales défavorables à l’environnement ne peut être évalué sans faire référence à l’objectif principal, le plus souvent de soutien sectoriel, à l’origine de leur création, ni indépendamment de leur efficience au regard des objectifs spécifiques qui leur ont été assignés.
Certains éléments chiffrés n’ont pas été disponibles avant le cours de l’été 2016, compte tenu du rythme d’évaluation du coût des dépenses fiscales en année n+1, au moment de l’exploitation des déclarations d’impôts sur le revenu, ce qui n’a pas permis d’inclure ces informations dans le présent rapport.
Compte tenu de ces éléments, le Premier président a adressé le 28 janvier 2016 un courrier à la présidente de la commission des finances du Sénat explicitant les modalités et le calendrier de l’enquête, qui a été notifiée aux secrétaires généraux et directeurs concernés du ministère des finances et des comptes publics, du ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargé des relations internationales sur le climat, du ministère du logement et de l’habitat durable, et du ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Environ une trentaine de rendez-vous ont été organisés et des questionnaires adressés aux différents interlocuteurs pertinents.
Quatre contributions rédigées par l’équipe de rapporteurs ont été présentées à la FIC le 29 mars 2016. Sur la base de ces échanges, un rapport de synthèse a été délibéré par la FIC le 24 mai, puis un relevé d’observations provisoires a été soumis à la contradiction auprès des destinataires de la notification de l’enquête. Après que Mme Vincent (ADEME), MM. Turenne et Dodeigne (MAAF), MM. Michel, Guillard, Guimbaud et Rocchi, Mme Pesret (MEEM) et Mme Bied-Charreton (DLF) ont été auditionnés les 7 et 8 juillet 2016, le projet de rapport, tenant compte de l’analyse que la Cour a faite des réponses reçues à ses observations provisoires, a été délibéré le 12 juillet 2016 par la formation interchambres, présidée par M. Perrot, conseiller maître, et composée de Mme Podeur, MM. Vialla et Hayez, présidents de section, Mme Eve Darragon, conseillère maître, MM. Sépulchre, et Ravier, conseillers maîtres, les rapporteurs étant MM. Sépulchre et Cazé, conseillers maîtres, Boillot, auditeur, Mmes Angelier et Lavarde-Boëda, M. Tejedor, rapporteurs extérieurs, Mme Vallier, vérificatrice, M. Dubois, conseiller maître, étant le contre-rapporteur.
Le rapport a ensuite été examiné et approuvé le 6 septembre 2016 par le comité du rapport public et des programmes de la Cour, composé de M. Migaud, Premier président, MM. Durrleman, Briet, Mme Ratte, MM. Vachia, Paul, rapporteur général du comité, MM. Duchadeuil, Piolé, Mme Moati, présidents de chambre, et M. Johanet, procureur général, entendu en ses avis.
Synthèse
En l’absence d’une information complète sur les dépenses fiscales relatives au développement durable, la Cour a procédé, à partir de sources diverses, à un recensement de l’ensemble des dispositifs fiscaux susceptibles d’avoir un impact sur l’environnement, sans préjudice de la nature positive ou négative de celui-ci, tant la frontière entre les deux est parfois ténue.
Le poids au demeurant croissant des dépenses défavorables au développement durable justifie qu’elles soient mises en regard des dépenses favorables, pour illustrer l’incohérence d’ensemble de ce dispositif : pour des raisons liées au soutien économique des secteurs d’activité concernés, le montant consacré aux incitations défavorables est supérieur à celui des dispositifs favorables, au risque de voir, dans le meilleur des cas, leurs impacts respectifs sur l’environnement s’annuler, malgré l’effort collectif consenti.
Le recensement a conduit tout d’abord à faire le constat d’un doublement du nombre de dispositifs mis en place au cours des 15 dernières années : 94 en 2015. Au cours de la période 2010-2015, ce nombre s’est stabilisé, mais le montant des dépenses fiscales favorables au développement durable a baissé (4 973 M€ en 2015 contre 6 878 M€ en 2010) tandis que celui des dépenses fiscales défavorables a augmenté, dépassant largement les premières (6 900 M€ en 2015 contre 6 043 M€ en 2010, en ne comptabilisant que les dépenses numérotées dans les documents budgétaires). En outre, sur les 94 dépenses identifiées, 65 affichent clairement un soutien sectoriel, 6 visent un soutien géographique et 19 seulement un objectif prépondérant de protection de l’environnement. L’accumulation de dispositifs s’est faite sans cohérence, le nombre de mesures augmentant malgré la volonté affichée par le gouvernement de les réduire.
Pendant cette même période, l’effort qui présidait aux premières mesures d’évaluation de ces dépenses s’est de surcroît relâché pour laisser place à des procédures administratives, notamment les conférences fiscales, qui ne permettent pas un suivi régulier des résultats obtenus, en particulier en matière environnementale, en l’absence d’outils de mesures de l’impact environnemental des mesures fiscales. De plus, les documents budgétaires sont souvent parcellaires, le coût d’une dépense fiscale est approximatif et les écarts entre prévision et exécution sont parfois considérables. Les dépenses fiscales ne font l’objet d’aucune procédure de contrôle spécifique quel que soit leur enjeu financier, en l’absence de dispositifs effectifs de limitation dans le temps ou de plafonnement de la dépense correspondante. En outre, la mauvaise connaissance des coûts administratifs et l’absence de véritable stratégie de contrôle ciblée sur ces dispositions fiscales illustre le relatif désintérêt des ministères pour ces mesures qu’ils portent budgétairement sans toujours se sentir réellement investis de la responsabilité que cela implique. Même les mesures relatives au logement, de loin les plus coûteuses, ne font pas l’objet d’une meilleure attention.
L’analyse des éléments disponibles révèle l’ampleur des difficultés méthodologiques et pratiques pour évaluer l’efficience de ces dispositions : objectifs mal définis ; dépenses suivies avec retard ; insuffisance de données relatives au nombre de bénéficiaires ; imprécision de la mesure de l’atteinte de l’objectif lorsqu’il est clairement défini.
Les éléments disponibles sur l’efficience des dépenses fiscales varient en outre fondamentalement selon les secteurs concernés.
En matière de logement, des objectifs quantitatifs de plus en plus ambitieux de rénovation des logements ont été affichés et des sommes considérables investies, autour de trois dispositifs principaux : le crédit d’impôt pour la transition énergétique, le taux réduit de TVA et l’éco-prêt à taux zéro. La complexité des dispositifs, très souvent réformés, mal articulés entre eux quoique peu nombreux, conduit à des effets d’aubaine, au demeurant difficiles à quantifier, et leur efficience en matière de développement durable est insuffisante. Les résultats obtenus restent décevants, notamment parce que les deux dispositifs phares, la TVA à taux réduit et le crédit d’impôt, souffrent de nombreuses faiblesses dans leur mise en œuvre qui en atténuent la portée, malgré les réformes successives.
L’analyse des grandes masses de la fiscalité de l’énergie et des transports révèle des contradictions entre les différentes interventions publiques. En particulier, l’effet des dépenses favorables au développement durable est annihilé par les nombreuses dépenses défavorables mises en place pour assurer un soutien sectoriel, en dépit des tentatives pour réformer ces dispositifs. Si les modes alternatifs au transport routier se développent, les résultats restent pour l’instant en retrait des objectifs : le développement de l’usage du vélo a un impact environnemental marginal, le recours aux transports en commun est coûteux et ses effets sur l’environnement sont mal connus, de même que le transport fluvial dont le développement reste très limité. Au contraire, les soutiens à certaines activités vont à l’encontre de la protection de l’environnement, en encourageant de fait les émissions de CO2 par la baisse du coût des transports routier et aérien, particulièrement sous l’effet de la moindre taxation du carburant. Le traitement fiscal préférentiel du gazole à usage routier, même si sa suppression progressive semble enclenchée, reste injustifié dans son principe au regard de son impact négatif sur le développement durable.
Les interventions en faveur des espaces naturels remarquables, de la forêt et de l’agriculture biologique, semblent marquées par un effet positif plus net en faveur du développement durable car leur bilan ne résulte pas d’effets contradictoires qui s’annuleraient partiellement. En revanche leurs effets sont mal évalués quantitativement, et la mesure de leur efficience reste de ce fait malaisée. Le saupoudrage des interventions et la confusion avec certains objectifs économiques nuancent cependant l’appréciation qui peut être portée.
De la même manière, malgré les ambitions prêtées à ces dispositifs, les bilans des agrocarburants ou des aides au secteur photovoltaïque sont incertains au regard de leur contribution réelle au développement durable et ces dispositifs ont été controversés.
En revanche le développement des réseaux de chaleur a permis d’apprécier le caractère efficace des incitations mises en place, à l’image des progrès réalisés par ce biais dans certains pays comme la Suède qui ont misé sur ce dispositif pour amorcer leur transition énergétique en matière de logement. De la même manière la piste ouverte par la méthanisation agricole semble prometteuse même si les résultats sont encore trop parcellaires et trop récents pour être confirmés par une évaluation probante.
Suite à ces constats, la Cour appelle les pouvoirs publics à remettre en cohérence l’ensemble des dispositifs fiscaux relatifs au développement durable.
Recommandations
La Cour formule les recommandations suivantes :
Recommandations d’ordre général :
borner dans le temps les dépenses fiscales, lors de leur création ou leur modification, en application des dispositions de la LPFP de 2014 ;
compléter les documents budgétaires (PAP et RAP) en classant les dépenses fiscales en fonction des objectifs du programme auquel elles se rattachent ;
indiquer dans la documentation budgétaire les meilleurs chiffrages disponibles au sein de l'administration et préciser la marge d'incertitude ;
mettre en place des mesures de plafonnement des dépenses fiscales, avec des mesures d’encadrement pluriannuel de la dépense ou d’agrément administratif préalable ;
procéder à l’évaluation exhaustive des dépenses fiscales d’ici à fin 2019 ;
mieux utiliser les conférences fiscales telles qu’issues de la LPFP de 2012, au même titre que les conférences budgétaires, en associant plus étroitement les ministères dépensiers au suivi des dépenses fiscales, et les rendre plus opérationnelles en proposant des mesures d’adaptation des dépenses fiscales en cas de dérive du dispositif ;
Recommandations propres aux dépenses fiscales relatives au développement durable :
préciser la définition des dépenses fiscales pour expliciter leurs objectifs en matière de protection de l’environnement et en assurer un suivi plus précis ;
lancer, avec le concours des organismes d’évaluation et de recherche, et notamment de l’ADEME et du CGDD, des évaluations globales des politiques menées dans les différents secteurs des transports ;
présenter, dans un rapport unique annexé au projet de loi de finances, pour chacune des dépenses fiscales en faveur de la protection de l’environnement, la dernière évaluation disponible de l’atteinte de ses objectifs ;
après évaluation, donner de la cohérence à l’ensemble des dispositifs fiscaux relatifs au développement durable en remettant en cause les mesures aux effets contradictoires sur l’environnement.
Introduction
Compte tenu de leur impact sur les finances publiques, l’évaluation des dépenses fiscales est une nécessité, et l’article 51 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), impose cette obligation : tout projet de loi de finances (PLF) doit comporter des annexes qui présentent le programme annuel de performance, précisant notamment l’évaluation des dépenses fiscales. Cette règle n’est pourtant qu’imparfaitement respectée par le Gouvernement et, de ce fait, les dépenses fiscales suscitent de nombreuses interrogations. Pour le seul domaine du développement durable, les débats parlementaires ont conduit à plusieurs reprises à mettre en doute la pertinence de certaines dépenses fiscales, particulièrement au regard de potentiels effets d’aubaine.
Depuis cinq ans, nombreux sont les rapports sur la fiscalité et les dépenses fiscales relatives au développement durable, émanant de la Cour (dépenses fiscales, fiscalité de l’écologie, bilan du Grenelle, soutien aux énergies fossiles, soutien à la filière automobile, biocarburants, soutien à la filière bois-forêt, aides au logement, sans oublier les notes d’exécution du budget) ou d’autres organismes ou corps de contrôle, notamment le rapport de l’inspection générale des finances de 2011 sur les dépenses fiscales, dit rapport Guillaume2, ainsi que les contributions du comité pour la fiscalité écologique, créé à la suite de ce rapport pour analyser les réformes à mettre en œuvre.
Si ces travaux ont été largement consacrés aux dépenses favorables au développement durable, il est apparu plus pertinent de mettre celles-ci en regard des dépenses fiscales défavorables au développement durable, tant les sommes en jeu sont comparables, pour des effets de sens contraire. Ainsi il semblerait déséquilibré de ne présenter que les efforts introduits par le biais de dépenses fiscales pour favoriser le développement durable, quand tant d’autres dispositifs fiscaux – dans une proportion d’ailleurs croissante dans la période récente – inscrivent leurs effets négativement sur le développement durable.
L’ensemble de ces travaux a contribué à de multiples évolutions législatives et réglementaires réformant les dispositifs existants ou en créant de nouveaux, notamment pour mettre en adéquation la fiscalité avec les engagements de la France en faveur du développement durable. Depuis 2005, ces objectifs figurent dans la Charte sur l’environnement adossée à la Constitution. Ils ont été précisés lors du Grenelle de l’environnement en 2007 et réaffirmés dans le cadre de la COP 21 en 2015.
Pour promouvoir une politique environnementale, la puissance publique peut avoir recours à la régulation par la norme, à l’intervention budgétaire ou à l’intervention par l’impôt, soit par la fiscalité de l’environnement, soit par la dépense fiscale.
Le recours à la fiscalité de l’environnement est un moyen privilégié d’intervention en faveur du développement durable, fondé à l’origine sur le principe du payeur-pollueur, repris en particulier dans la , qui dispose dans son article 4 que « toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi ». Ce recours à la fiscalité est sous-tendu par le concept de l’analyse économique des externalités, qui justifie de faire peser sur les différents acteurs économiques une partie des coûts sociaux et environnementaux liés à leur activité. Toutefois, cet objectif à visée environnementale se conjugue souvent avec un objectif de rendement, comme l’illustre le poids élevé de la fiscalité de l’énergie.
Si le « verdissement » de la fiscalité est souvent utilisé pour accroître l’efficacité des interventions publiques en faveur du développement durable, le recours aux dépenses fiscales joue par nature sur des ressorts différents, en permettant de diminuer le volume global des prélèvements obligatoires tout en assurant un soutien financier aux secteurs concernés.
La notion de dépense fiscale
La notion de dépense fiscale répond a priori à une définition simple : elle correspond aux pertes de recettes directes fiscales résultant de dérogations fiscales, réductions fiscales ou crédits d’impôt, introduites par voie législative. Néanmoins, comme la Cour le soulignait dans le , cette définition comporte des ambiguïtés : « En pratique, la frontière, pour un impôt ou une taxe donné, entre ce qui doit être considéré comme une dérogation et ce qui peut être tenu pour une simple modalité d’application de la règle donne souvent lieu à discussion. Les dérogations peuvent prendre des formes diverses : taux réduits d’imposition, exonérations, abattements sur le revenu imposable, déductions de charges, réductions et crédits d’impôts ».
Dans un , la Cour soulignait d’ailleurs – du fait de l’imprécision même de cette définition – le manque de cohérence de la liste présentée en annexe des projets de loi de finances. En outre, ce rapport constatait une très forte augmentation du coût des dépenses fiscales depuis 2004, mais soulignait tant la fragilité de ce chiffrage que l’insuffisante appréciation de l’efficacité de telles mesures : « Les dépenses fiscales visent d’abord à répondre à un besoin économique ou social, par leurs effets incitatifs ou redistributifs. Mais ces effets, même directs, font rarement l’objet d’évaluations approfondies ».
Par nature, les dépenses fiscales visent à encourager un comportement, et se rapprochent paradoxalement plus d’une dépense budgétaire que d’un impôt. Dès lors, la préférence accordée aux dépenses fiscales plutôt qu’aux dépenses budgétaires peut devenir une facilité, d’autant qu’elles échappent largement à l’encadrement européen des aides d’État : « Les dépenses fiscales sont souvent substituables à des dépenses budgétaires, d’où leur appellation, cette substituabilité étant plus ou moins forte selon leur forme. Un crédit d’impôt est ainsi largement équivalent à une subvention budgétaire, car l’avantage procuré au bénéficiaire est indépendant du montant de l’impôt qu’il devrait payer si ce dispositif n’existait pas (si le crédit d’impôt dépasse ce montant, l’État verse le complément au contribuable) »2.
Les dépenses fiscales sont parfois introduites pour instaurer un soutien économique sectoriel compatible avec le droit européen, qui encadre strictement, au nom de la concurrence, les mécanismes de soutien économique.
La notion d’efficience « environnementale »
Évaluer l’efficience environnementale d’une dépense fiscale consiste à mesurer si celle-ci atteint son objectif écologique, à un coût raisonnable et qui ne pourrait pas être atteint à moindre coût par d’autres types d’instruments (réglementation, dépenses budgétaires, impôts).
Mesurer ainsi l’efficience des dépenses fiscales est en soi particulièrement difficile : il faut en effet évaluer l’impact global de la mesure fiscale et prendre en compte les éventuels effets d’aubaine. Les analyses économiques soulignent la difficulté de mesurer tant les effets sur les comportements humains, dont l’immédiateté n’est jamais garantie, que les effets souvent différés sur l’environnement.
Le degré de la stabilité dans le temps de telles mesures doit être pris en compte, ainsi que leur cohérence avec les autres mesures fiscales ou budgétaires. Il importe de souligner que pour être efficace et efficiente, une politique publique devrait s’appuyer sur les différents leviers (normes, fiscalité, dépenses budgétaires) de manière coordonnée et complémentaire, en utilisant chaque outil là où il est le plus pertinent.
En outre, les coûts ne se limitent pas à la seule charge budgétaire directe des dépenses fiscales, mais doivent inclure les autres coûts directs (les coûts administratifs de gestion du dispositif), voire indirects (économiques par exemple, du fait des distorsions de concurrence introduites par la mesure). Enfin, appréhender les dispositifs alternatifs et leur coût est tout aussi difficile et justifierait des études spécifiques.
Le champ temporel de l’enquête
La période de référence retenue pour l’enquête, sur un sujet en très forte évolution, va de la mise en place du Grenelle de l’environnement, c’est-à-dire le début des années 2010 à l’année 2015, avec cependant des références au PLFR 2015 et au PLF 2016.
En outre, le présent rapport n’a pas vocation à proposer des suppressions de dépenses fiscales, mais s’efforce de porter une appréciation sur leur efficience au regard du seul développement durable. En effet d’autres motivations, qui ne sont pas analysées dans le champ de l’enquête, peuvent être à l’origine de la création de certaines dépenses fiscales, et leur suppression doit être envisagée en mesurant aussi leur impact au regard de ces objectifs.
Dans cette perspective, seront successivement analysés :
le champ des dépenses fiscales retenues pendant cette période, en englobant les dépenses fiscales favorables comme défavorables au développement durable, ce qui permet de les comparer à l’ensemble des interventions publiques dans le champ du développement durable ;
les défaillances du pilotage des dépenses fiscales ;
l’efficience des différents dispositifs, très inégale selon les secteurs, en distinguant successivement les champs du logement, des transports et de la préservation des ressources naturelles.
Un poids prédominant des dépenses défavorables au développement durable
Aucun élément ne permet d’identifier immédiatement dans les documents budgétaires les dépenses fiscales relatives au développement durable, en particulier celles qui lui sont défavorables, dont le rattachement aux dispositifs de soutien économique à certains secteurs limite la visibilité. La liste des dispositifs retenus pour cette étude est donc issue d’une analyse combinée des objectifs affichés des dépenses fiscales et de leur impact sur l’environnement. Son examen montre que les dépenses fiscales s’accumulent, tant les créations sont nombreuses et rares les suppressions. Le chiffrage de ces mesures permet de comparer leur coût avec celui des autres dispositions budgétaires et fiscales ayant un effet sur l’environnement et d’en apprécier ainsi la portée relative.
Des objectifs multiples et souvent difficiles à apprécier
Décrites dans les textes de loi ou amendements qui les ont créées, les dépenses fiscales devraient voir leurs objectifs rappelés et leurs résultats évalués, conformément à la LOLF4, dans la documentation budgétaire (projet annuel de performances – PAP – ou rapport annuel de performances – RAP – ou Voies et moyens). En pratique ces informations font très souvent défaut.
Des objectifs sectoriels et environnementaux intriqués
L’OCDE, dans deux études publiées en 20145 et 20156, a examiné le recours par ses États membres aux avantages fiscaux en matière d’environnement. Si les principales mesures fiscales en faveur du développement durable concernent très majoritairement la lutte contre le changement climatique et la lutte contre la pollution de l’air et, dans une moindre mesure, l’efficacité énergétique, l’OCDE montre que la frontière entre ces différents dispositifs est souvent ténue, que les mesures fiscales poursuivent plusieurs objectifs environnementaux à la fois et que, dans le champ de l’énergie, un soutien à certains secteurs économiques nationaux est recherché. Ces constats s’appliquent aussi à la situation française.
Des objectifs sectoriels prédominants
Les dépenses fiscales peuvent viser à la fois un objectif lié au développement durable, et, dans un contexte de maîtrise de la dépense budgétaire, un soutien économique à certains secteurs en diminuant les prélèvements obligatoires qu’ils supportent.
Certaines dépenses fiscales peuvent ainsi afficher un objectif environnemental tout en recherchant, de manière explicite ou non, un effet économique. Un récent rapport7 sur la fiscalité agricole met en lumière l’objectif global de soutien de la compétitivité de l’agriculture poursuivi par l’outil fiscal. Le chapitre consacré à la méthanisation8 illustre cette coexistence d’objectifs économiques et environnementaux : « [La méthanisation] contribue à répondre à des objectifs à la fois environnementaux et énergétiques. Elle permet également d’assurer aux agriculteurs un revenu complémentaire […], tout en participant à la dynamique de développement économique territorial ». De la même façon, la politique d’incorporation d’agro-carburants a recherché essentiellement le soutien de la filière agricole, tout en affichant des objectifs liés aux politiques environnementales.
Cette conciliation entre objectifs économiques et environnementaux ne va cependant pas de soi. Parfois, la mesure fiscale est encadrée pour optimiser les conséquences pour l’environnement, alors même que celles-ci n’en constituent pas la finalité initiale. Ainsi, en matière forestière, si la protection de l’environnement n’est pas le but exclusif recherché par les dépenses fiscales, les conditions d’éligibilité de la dépense fiscale sont cependant strictement encadrées sur un plan écologique : leurs bénéficiaires doivent ainsi pouvoir prouver qu’ils ont mis en place un mode de gestion durable, dans le respect de la multifonctionnalité des forêts, et notamment de leurs fonctions économique, écologique et sociale.
A contrario, certaines dépenses fiscales, à l’image de celles qui encouragent l’usage des véhicules diesel, ont inévitablement un impact négatif sur l’environnement : si elles visent à soutenir les secteurs qui en bénéficient (taxis, agriculteurs, flottes de société, etc.) et indirectement, la filière automobile française, qui dispose d’une offre diesel compétitive, ces dépenses fiscales ont des impacts négatifs sur l’environnement. Cet effet a conduit à retenir ce type de dépenses dans le champ de ce rapport.
Une grande variété de secteurs concernés
L’approche retenue a permis d’identifier 94 dépenses fiscales : 65 affichent un soutien sectoriel (« Aider le secteur des taxis », « Aider le secteur agricole », etc.) ; 6 visent un soutien géographique (Corse ou outre-mer) ; 19 un objectif de protection de l’environnement (« Favoriser les économies d’énergie », « Augmenter la part des énergies renouvelables », etc.) ; 4 relèvent de façon résiduelle d’une catégorie « Autre » 9.
nombre et montant des mesures associées aux différents objectifs assignés aux dépenses fiscales
Objectif affiché | Nombre de mesures | Nombre de mesures numérotées | Nombre de mesures non numérotées10 | Nombre de mesures numérotées, d’un montant inférieur à 500 000 € ou | non chiffrées | Montant en 201511 |
Soutien sectoriel | 65 | 50 | 15 | 21 | 6,46 Md€ |
Soutien géographique | 6 | 6 | 0 | 0 | 1,48 Md€ |
Protection de l’environnement | 19 | 14 | 5 | 6 | 2,29 Md€ |
Autre | 4 | 3 | 1 | 1 | 1,64 Md€ |
Total | 94 | 72 | 21 | 28 | 11,87 Md€ |
Source : Cour des comptes
Les montants pour l’année 2015 renseignés dans la dernière colonne du tableau ci-dessus donnent une idée de l’équilibre entre ces différentes catégories. Cependant, l’ensemble de ces mesures ont aussi un impact sur l’environnement et, pour autant que l’on puisse distinguer leurs effets positifs et négatifs (cf. annexe n° 2), l’analyse des 65 mesures dont l’objectif affiché est un soutien sectoriel permet d’indiquer que 39 d’entre elles ont un effet positif et 26 un effet négatif sur l’environnement. Si le volume des dépenses est concentré sur le logement, 59 % du nombre total de dispositifs fiscaux avec un impact positif concernent l’agriculture et la sylviculture.
ventilation des dépenses fiscales ayant pour objectif une aide sectorielle
Secteur économique | Nombres de dépenses fiscales | ayant une incidence positive sur l’environnement | (39 dépenses recensées) | Nombres de dépenses fiscales | ayant une incidence négative sur l’environnement | (26 dépenses recensées) |
Agriculture et pisciculture | 11 | 8 |
Carburant et véhicules propres | 5 | 1 |
Énergie | 5 | 8 |
Logement | 1 | 1 |
Sylviculture | 12 | - |
Transport en commun | 2 | - |
Transport intermodal | 3 | - |
Autres12 | - | 8 |
Source : Cour des comptes
Concernant les dépenses fiscales ayant une incidence négative, l’énergie et l’agriculture représentent chacune un tiers du nombre de dépenses.
Des mesures qui reposent sur différents types d’impôts
Si les impôts sur le revenu et la taxe intérieure de consommation des produits énergétiques (TICPE : 30 mesures répertoriées pour cette dernière) concentrent une part importante du nombre des dépenses fiscales, en revanche parmi les dépenses favorables, plus d’un tiers des dispositifs repose sur des exonérations totales ou partielles d’impôts locaux, compensées ou non par l’État au profit des collectivités locales, dans des conditions qui ont varié au fil du temps et ne sont pas sans incidence sur l’efficience de certaines d’entre elles.
les supports des dépenses fiscales
| Dépense ayant une incidence favorable sur l’environnement | Dépense ayant une incidence dommageable sur l’environnement |
Droits d’enregistrement et de timbre | 6 | 0 |
Impôts locaux (TFPB, TFNB, CFE) | 13 | 0 |
Impôt sur le revenu (IR) | 10 | 2 |
Impôt sur les sociétés (IS) | 3 | 0 |
Impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés | 9 | 1 |
Impôt sur la fortune | 1 | 0 |
Taxe annuelle sur la détention des voitures particulières les plus polluantes | 0 | 1 |
Taxe spéciale d'équipement | 1 | 0 |
Taxe spéciale véhicule routier | 1 | 0 |
Taxe générale sur les activités polluantes | 4 | 1 |
Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques | 8 | 22 |
Taxe intérieure de consommation sur la fourniture d’énergie | 1 | 1 |
Taxe sur la valeur ajoutée | 7 | 2 |
Source : Cour des comptes
Les dépenses fiscales portant sur les impôts locaux ne faisant pas toujours l’objet d’une compensation totale de l’État vers les collectivités locales, ces dernières se trouvent parfois fragilisées financièrement par ces mesures. Les communes et EPCI ruraux, où se situe le patrimoine naturel le plus important (espaces remarquables, bois et forêts, terres agricoles), sont les collectivités pour lesquelles l’effort financier est le plus important.
Les documents budgétaires retracent d’ailleurs la seule part étatique du coût de ces dépenses fiscales, ce qui ne permet pas de connaître leur coût global, et a fortiori d’identifier la part prise en charge par le budget des collectivités locales. En outre, pour les dépenses fiscales compensées, le taux de compensation évolue dans le temps, ce qui empêche de calculer facilement la charge restant pour ces dernières. Cette absence de données fragilise évidemment l’évaluation de l’efficience des dépenses fiscales correspondantes.
Une application souple des règles communautaires relatives aux aides d’État
Si le droit européen sur les aides d’État13 limite fortement les possibilités pour la puissance publique d’intervenir dans le champ économique concurrentiel, les aides d’État dédiées à la protection de l’environnement font l’objet d’une exemption assez large de notification à la Commission européenne14. De même, les dépenses fiscales portant sur la taxation de produits de l’énergie ou de l’électricité bénéficient d’un régime plus favorable, l’instauration d’une taxe globalement élevée pouvant justifier des exemptions importantes pour certains acteurs. Alors que le Conseil européen a adopté en 2003 une directive15 fixant des minima de taxation pour l’électricité et les produits énergétiques et rendant obligatoire la notification à la Commission européenne des dispositifs d’exonération de taxe (considérant n° 32 de la directive), la Commission a, en 2014, précisé ses critères d’analyse. Les dépenses 800114 (exonération de TIC charbon, toujours en vigueur) ou 800116 (exonération de TIC gaz naturel pour le chauffage des ménages, éteinte en 2014) ne respectent pas le seuil de paiement de 20 % de la taxe nationale16.
L’analyse des aides d’État notifiées à la Commission européenne ne fait apparaître aucune déclaration de la part de la France avant 2015. Suite à une injonction de la Commission, seule l’aide sur les remboursements partiels de taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP) au profit de transporteurs routiers avait été notifiée17 en 2000. Depuis janvier 2015, trois notifications18 sont néanmoins intervenues concernant des taux réduits et des remboursements partiels de TICPE pour le gazole non routier agricole et les installations « grandes consommatrices d’énergie ».
Des dépenses qui s’ajoutent pour des effets de sens contraires
Si le libellé initial de l’enquête concernait les dépenses favorables au développement durable, il est apparu nécessaire d’intégrer l’ensemble des dépenses fiscales ayant un impact sur l’environnement, favorable ou défavorable, car l’effet, positif ou négatif, est souvent incertain ou difficile à déterminer.
La frontière parfois ténue entre mesures fiscales favorables et défavorables
Le classement, même après analyse, est souvent difficile à établir. Par exemple, dans le cas du remboursement d’une fraction de taxe intérieure de consommation sur le gazole utilisé par les exploitants de transport public routier en commun de voyageurs (dépense n° 800404), l’effet de la modification des comportements dans un sens favorable au développement durable (à savoir le choix des transports en commun) peut être considéré comme plus important que l’effet sur le type de motorisation (les transports publics utilisent le plus souvent du gazole). Il en est de même pour plusieurs autres dépenses fiscales, en particulier dans le champ des transports (dépense n° 800203 sur la détaxe des carburants sous condition d’emploi, ou n° 800208 sur le taux réduit de taxe intérieure sur le GPL) ou pour celles qui diminuent la taxation en matière agricole (dépense n° 730215 sur le taux réduit de TVA sur les travaux sylvicoles et d’exploitation forestière réalisés au profit d’exploitants agricoles).
Au-delà d’effets contradictoires liés aux différents impacts sur les choix des acteurs économiques, des divergences d’appréciation peuvent exister sur le bilan environnemental d’une mesure. Ainsi le soutien aux agrocarburants contribue, selon les documents budgétaires, à la lutte contre le changement climatique, mais leur bilan environnemental est controversé, ainsi que la Cour l’a mis en avant dans un rapport de 201219, tout comme d’ailleurs la Commission européenne dans de récentes lignes directrices20.
Le classement incertain des documents budgétaires
Les documents budgétaires n’apportent pas de clarification décisive sur ce point. Le document de politique transversale (DPT) « Lutte contre le changement climatique » donne une clé de lecture transversale des différentes dépenses fiscales. Mais, sur les 18 dépenses fiscales recensées dans ce document, 15 seulement ont été retenues dans ce rapport car elles contribuent effectivement à la lutte contre le changement climatique. Les trois dépenses exclues concernent le crédit impôt-recherche, dont la vocation très large n’a pas pour but premier la lutte contre le changement climatique, et des réductions d’impôt au titre des dons à des associations d’intérêt général21.
L’accumulation de dispositifs sans cohérence
Si le premier rapport sur les dépenses fiscales a été publié en 197922, la prise de conscience de l’ampleur de leur montant et de leur rigidité est assez récente. En 2003, le Conseil des impôts constatait : « Chaque année, le nombre des dépenses fiscales, déjà élevé, augmente. Ainsi, pour les seuls impôts dont le produit est affecté à l’État, 418 mesures de dépenses fiscales étaient recensées en 2003, soit une centaine de plus qu’au début des années quatre-vingt » 23.
Un doublement en 15 ans du nombre de dépenses fiscales
Le nombre de dépenses fiscales ayant un lien avec le développement durable est croissant. Sur la période 2010-2015, le nombre de suppressions est ainsi inférieur à celui des créations, puisque 12 dépenses ont été supprimées, alors que, dans le même temps, 16 dépenses ont été créées. Si les suppressions sont réparties à parts égales entre les dépenses fiscales dommageables à l’environnement et celles potentiellement favorables, les créations sont très majoritairement favorables ou potentiellement favorables à l’environnement (13 dépenses).
Parmi celles retenues dans le champ de l’enquête, la part des dépenses dommageables à l’environnement reste très élevée en montant : sur un total de 11,87 Md€ de dépenses fiscales au titre de l’année 2015, 6,90 Md€ sont imputables à des dépenses ayant un impact négatif sur l’environnement24, les mesures supprimées ayant des montants négligeables par rapport à ces totaux.
La plupart des dépenses fiscales sont créées non par le Gouvernement, mais par amendement parlementaire à l’occasion de l’examen d’un texte. Pour la seule année 2016, au cours des travaux parlementaires du PLF pour 2016, les rapporteurs ont relevé 43 articles du projet de loi ou amendements qui ont pour conséquence une évolution du périmètre des dépenses et des recettes fiscales ayant une incidence sur l’environnement, dont quatre dispositions seulement étaient d’initiative gouvernementale. Sur les 11 mesures votées en 2016 visant à accroitre la taxation environnementale, une seule figurait dans le PLF 2016 (la majoration d’un centime par litre du prix du gazole et la minoration d’un centime par litre de celui de l’essence). Un seul amendement a proposé la suppression d’une dépense fiscale existante (amendement retiré car la dépense relève d’une obligation communautaire). Dix amendements déposés conduisaient in fine à un effet négatif sur l’environnement alors même que ce n’était pas l’objet initialement recherché.
évolution dans le temps du nombre de dépenses fiscales actives sur la période 2010-2015 par catégorie d’objectifs25
Source : Cour des comptes à partir des documents budgétaires26
Une absence de cohérence
Les diverses assises27 sectorielles organisées sous l’égide des ministères sont souvent l’occasion d’évoquer les questions fiscales : elles conduisent généralement à confirmer l’utilité économique des dépenses fiscales et à envisager de modifier ou compléter les dispositifs existants. Ainsi, en novembre 2013, suite aux assises consacrées à la fiscalité agricole, plusieurs évolutions sont intervenues, sans remettre en cause les autres exonérations fiscales bénéficiant au secteur et ayant un impact sur l’environnement, notamment celles relatives aux carburants.
Certes, en se fondant sur un rapport, d’ailleurs non rendu public, de l’inspection générale des finances (IGF)28, le Gouvernement a entrepris de supprimer une dépense fiscale et une taxe à faible rendement. Cependant ces tentatives sont restées sans lendemain :
le crédit d’impôt « agriculture biologique » qui devait disparaître fin 2015 a été prolongé dans la loi de finances pour 2015 pour trois ans jusqu’à fin 2017, sans analyse de son efficience ;
la composante installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) de la TGAP (25 M€ en 2013), dont la suppression était envisagée, a finalement été maintenue par l’Assemblée nationale dans la loi de finances pour 2015.
Les lois de finances pour 2014 et 2015 ont cependant réformé un certain nombre de dépenses fiscales : suppression de l’exonération de taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel des ménages et des réseaux de chaleur ; suppression du taux réduit de taxe intérieure de consommation applicable aux carburéacteurs utilisés sous condition d’emploi ; baisse de la réduction de taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel à l’état gazeux destiné à être utilisé comme carburant ; baisse du taux réduit de taxe intérieure de consommation sur le gazole sous condition d’emploi ; baisse du taux réduit de taxe intérieure de consommation pour le gazole utilisé par les engins fonctionnant à l’arrêt, qui équipent les véhicules relevant des positions 87-04 et 87-05 du tarif des douanes, dépense qui concerne essentiellement l’agriculture et le secteur du BTP.
Mais de nouvelles dépenses fiscales ont été créées au cours de la période sous revue. Par exemple, la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a ajouté un nouvel allégement fiscal de 30 % pour les travaux de rénovation énergétique engagés entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2015, afin d'atteindre l’objectif annoncé en 2012 d’un million de logements thermiquement isolés par an.
En outre, la plupart des dépenses fiscales défavorables au développement durable voient leur existence perdurer, notamment les nombreuses exonérations accordées pour soutenir certains secteurs (agriculture, BTP, transport routier, taxis, pêche, etc.), dont les difficultés économiques ne sont pas forcément liées au prix des carburants, mais qui voient le prix des carburants utilisé pour tenter de les compenser.
Il en est ainsi notamment29 :
du remboursement partiel de TICPE pour les agriculteurs, qui s’ajoute aux taux réduit : 105 M€ en 2015 ;
du remboursement partiel de TICPE pour le transport routier de marchandise, pour un coût de 375 M€ en 2015 ;
du remboursement de TICPE pour les activités de transports publics en commun de voyageurs par route : 60 M€ en 2015 ;
du taux réduit de taxe intérieure de consommation sur le GPL : 77 M€ en 2015 ;
de l’exonération de taxe intérieure de consommation pour les produits énergétiques utilisés comme carburant ou combustible à bord des aéronefs, à l’exclusion des aéronefs de tourisme privé : 2 825 M€ en 2015.
Les limites de l’effort public en faveur du développement durable
Le montant des dépenses fiscales en faveur du développement durable doit être mis en regard non seulement de celui des dépenses fiscales défavorables, mais aussi des autres formes d’interventions publiques que sont les dépenses budgétaires et la taxation des produits ou des actifs ayant des effets sur l’environnement. Seule cette mise en parallèle permet en effet d’apprécier leur efficacité relative.
Le poids prépondérant des dépenses défavorables au développement durable
La comparaison en valeur des dépenses fiscales favorables et défavorables à l’environnement fait apparaître une baisse des dépenses favorables et un maintien de celles défavorables.
Des dépenses fiscales favorables à l’environnement en baisse sur la période
Les données budgétaires indiquent sur la période 2010-2015 une baisse significative non du nombre mais du montant de ces dépenses fiscales, sous l’effet notamment des changements affectant les dépenses fiscales en faveur du logement (réparties sur les missions « Égalité des territoires et logement » et « Écologie, développement et mobilité durables ») et certaines aides fiscales à l’outre-mer (cf annexe n°3).
dépenses fiscales favorables à l’environnement (en M€)
Dépenses fiscales par programme | | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 |
Écologie, développement et mobilité durables | 2 290 | 2 397 | 1 682 | 1 214 | 1 204 | 1 569 |
Égalité des territoires et logement | 2 892 | 3 043 | 2 585 | 3 071 | 2 189 | 2 774 |
Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales | 196 | 218 | 157 | 171 | 152 | 160 |
Outre-mer | 870 | 875 | 614 | 557 | 483 | 470 |
Total | 6 878 | 6 533 | 5 038 | 5 013 | 4 028 | 4 973 |
Source : Cour des comptes
Des dépenses fiscales défavorables à l’environnement en hausse
Les dépenses fiscales défavorables au développement durable sont de leur côté en hausse de 1,3 Md€, soit + 51,9 %, entre 2010 et 2015. Après prise en compte des dépenses fiscales déclassées depuis le PLF 200930 et dont la Cour estime, dans un référé de 2012, le retrait contestable31, le total augmente de 736 M€ sur la même période, soit + 12,2 %.
Si l’on ajoute à ce montant le différentiel de taxation entre le gazole et l’essence (6,11 Md€ en 2015)32, le total des dépenses fiscales défavorables au développement durable s’élève à 13 Md€ en 2015.
dépenses fiscales défavorables à l’environnement (en M€)
Dépenses fiscales par programme | | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 |
Écologie, développement et mobilité durables | 578 | 616 | 658 | 575 | 483 | 608 |
Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales | 1 500 | 2 480 | 2 105 | 2 167 | 1 977 | 2 045 |
Outre-mer | 257 | 262 | 980 | 925 | 930 | 1 008 |
Politique des territoires | 5 | 5 | 9 | 4 | 6 | 6 |
Économie | 0 | 6 | 6 | 7 | 7 | 7 |
Solidarité, insertion et égalité des chances | | | | | | |
Total des dépenses fiscales rattachées à un programme | 2 340 | 3 369 | 3 758 | 3 678 | 3 403 | 3 554 |
Mesures déclassées | 3 703 | 2 955 | 3 348 | 3 025 | 2 995 | 3 225 |
Total des dépenses fiscales reprises dans les documents budgétaires | 6 043 | 6 324 | 7 106 | 6 703 | 6 398 | 6 899 |
Différentiel gazole-essence | Différentiel gazole-essence | Différentiel gazole-essence | Différentiel gazole-essence | Différentiel gazole-essence | Différentiel gazole-essence | 6 111 |
Total des dépenses fiscales | Total des dépenses fiscales | Total des dépenses fiscales | Total des dépenses fiscales | Total des dépenses fiscales | Total des dépenses fiscales | 13 010 |
Source : Cour des comptes. Données issues des RAP sauf pour les mesures déclassées et la dépense 800211 (pour l’année 2015 est retenue la donnée prévisionnelle du PLF 2016)
Un effort financier très relatif en faveur de l’environnement
Les dépenses fiscales doivent être replacées dans le cadre plus global des interventions publiques.
La taxation des pratiques néfastes à l’environnement en retrait par rapport
aux objectifs affichés
À l’automne 2012, s’est tenue à Paris la première Conférence environnementale pour la transition écologique. L’objectif a alors été affiché de faire de la France « la nation de l’excellence environnementale » (réduction de la pression sur les ressources naturelles épuisables, réduction des atteintes à la nature, lutte contre les activités polluantes et le changement climatique). La fiscalité environnementale, qui figurait parmi les instruments de financement mis en avant en 2012 par la feuille de route pour la transition écologique, devait être l’un des éléments essentiels de cette politique. Néanmoins, la fiscalité française, malgré quelques améliorations, reste aujourd’hui très en retrait par rapport à cette ambition et aux choix d’autres pays européens.
Si les principales taxes environnementales, c’est-à-dire la taxation de la consommation ou de la pollution de biens environnementaux, concernant les carburants, l’eau et les déchets, représentent des masses considérables, il n’en demeure pas moins, selon un rapport de l’OFCE de 201533, que les taxes environnementales sont à un niveau plutôt faible en France et ne représentent que 1,8 % du produit intérieur brut (PIB), contre 2,3 % dans la zone euro, et même 3,9 % au Danemark et 3,6 % aux Pays-Bas. De même l’OCDE mentionne, dans un rapport interne de mars 201634, que le poids des taxes environnementales en France est faible, avec 2 % du PIB, un des ratios les plus bas des pays européens membres de l’OCDE. Il place la France à la 24ème place parmi les 28 pays de l’Union européenne, pour l’ensemble des recettes comme pour celles tirées des taxes sur l’énergie, qui en constituent la plus grande part (80 %, soit 1,47 % du PIB). Ces chiffres sont confirmés par Eurostat, avec d’autres conventions de calculs : en 2012, selon Eurostat, les taxes fiscales environnementales se sont élevées, pour la France, à 37,2 milliards d’euros, soit 1,83 % du PIB et 4,08 % du total des prélèvements obligatoires contre 6,2 % en moyenne au niveau européen35.
Contrairement à une autre idée reçue, l’ensemble des taxes relatives à l’environnement (TGAP, TICPE, etc.) dans le PIB a même connu une baisse sur longue période, puisqu’elle représentait 2,5 % du PIB en 199536. Cette diminution résulte de la prépondérance de la fiscalité sur les carburants : depuis cette date, le produit des taxes sur les produits pétroliers a décru sensiblement, du fait de la baisse de la consommation, des taux d’imposition réels et de la substitution à l’essence du diesel, moins taxé. Ce taux est d’ailleurs en baisse sur la même période dans les autres pays comme en France : pendant qu’il baissait de 0,7 point de PIB en France entre 1995 et 2012 (passant de 2,5 à 1,8 points de PIB), le poids de la fiscalité environnementale, rapporté à la richesse nationale a reculé de 0,3 point de PIB en moyenne dans l’Union européenne (passant de 2,7 à 2,4 points de PIB). Cependant, certains pays, comme l’Allemagne, ont réussi à garder un taux de prélèvement quasi constant.
évolution comparée du poids de la fiscalité environnementale rapporté
au PIB (en %)
État | 1995 | 2000 | 2005 | 2010 | 2012 |
France | 2,5 | 2,2 | 1,9 | 1,8 | 1,8 |
Allemagne | 2,2 | 2,4 | 2,5 | 2,2 | 2,2 |
Espagne | 2,2 | 2,2 | 1,9 | 1,7 | 1,6 |
Italie | 3,6 | 3,2 | 2,8 | 2,6 | 3 |
Royaume-Uni | 2,8 | 3 | 2,5 | 2,6 | 2,6 |
Union européenne | 2,7 | 2,7 | 2,5 | 2,4 | 2,4 |
Source : Commission européenne, Tendances de la fiscalité dans l’Union européenne, édition 2014 (p. 40-41).
Néanmoins en France, une légère remontée est observée depuis 2008. Cette hausse de la taxation environnementale entendue dans une acception large (ensemble des taxes ayant un rapport avec l’environnement, y compris celles qui concernent une prestation ou un droit d’usage dont, notamment, la TICPE, la CSPE, le versement transport, la taxe sur les ordures ménagères, la taxe sur la consommation finale d’électricité, la taxe sur les certificats d’immatriculation ou la redevance pour pollution de l’eau-redevance pour modernisation des réseaux de collecte) s’explique par l’effet de la hausse de la TICPE et de la CSPE qui représentent à elles seules 6,3 Md€ d’augmentation entre 2010 et 2015.
évolution du revenu des taxes fiscales environnementales rapporté au PIB (en %)
La CSPE : la LFR 2015 transforme un dispositif extrabudgétaire en un dispositif budgétaire
Au 1er janvier 2016, suite à l’entrée en vigueur de la LFR 2015, la TICFE est devenue CSPE (Contribution au service public de l’électricité), ci-après « CSPE 2016 » ; la CSPE existant jusqu’alors, ci-après « CSPE 2004 », ayant été supprimée. « Imposition innommée » dans le sens où elle était acquittée par tous les consommateurs finaux d’électricité, mais n’apparaissait pas dans le budget de l’État, la « CSPE 2004 » existait depuis le 1er janvier 2004 et avait pour objectif de compenser les surcoûts liés aux charges de service public de l’électricité : surcoûts liés aux dispositifs de soutien aux énergies renouvelables et à la cogénération ; surcoûts de production dans les zones non interconnectées au continent37 ; financement du tarif de première nécessité (TPN) et du dispositif institué en faveur des personnes en situation de précarité ; financement des frais de gestion de la Caisse des Dépôts et Consignations et d’une partie du budget du Médiateur national de l’énergie.
La « CSPE 2016 » contribue au financement des charges couvertes par la « CSPE 2004 ». Elle s’applique à l’ensemble des consommations quelle que soit la puissance souscrite avec un taux fixé à 22,5 €/MWh au 1er janvier 2016 (taux de TICFE en 2015 : 0,5 €/MWh ; taux de « CSPE 2004 » en 2015 : 19,5 €/MWh). Elle est désormais soumise chaque année à un vote du Parlement. Les industries électro-intensives continuent à bénéficier de taux réduits.
En parallèle de cette évolution est créé un compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » dédié au financement de la transition énergétique, dont les recettes seront issues de la fiscalité énergétique. Les charges financées par la « CSPE 2016 » qui visent à soutenir le développement des énergies renouvelables (EnR) sont inscrites au sein du compte d'affectation spéciale ; celles qui ne relèvent pas directement de la politique de transition énergétique sont inscrites dans un nouveau programme de la mission « Écologie » prévu par la .
Par symétrie, au 1er janvier 2016, la contribution au tarif spécial de solidarité gaz et la contribution biométhane ont fusionné avec la TICGN (taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel).
L’absence d’effort budgétaire sur la période
Si l’on prend en compte au sein des crédits budgétaires de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », ceux des programmes 113 – Paysages, eau et biodiversité, 217 – Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables, et 174 – Énergie, climat et après mines, ainsi que ceux du programme 149 – Forêts de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », le total des crédits budgétaires passe de 5,48 Md€ à 4,59 Md€ entre 2010 et 201538. Compte tenu d’effets de périmètre, le jaune budgétaire indique une stabilité des dépenses budgétaires autour de 5,4 à 5,6 Md€ par an entre 2011 et 2016, et non une baisse de l’ordre de 1 Md€. Quelle que soit la référence de crédits budgétaires prise en compte, force est de constater que la diminution des dépenses fiscales sur la période 2010-2015 n’est pas compensée par une hausse de crédits budgétaires, et que donc l’effort financier global en faveur de l’environnement est en baisse. Cependant l’estimation du coût du CITE, de 1 400 M€ dans le projet de loi de finances pour 2016, soit 500 M€ de plus qu’en 2015, pourrait conduire à nuancer cette appréciation. Son coût réel sera en fait supérieur, puisqu’il atteint le montant de 1 650 M€ pour l’exercice 2016 (travaux 2015 déclarés par les contribuables en 2016 et crédit d’impôt accordé sur cet exercice).
CONCLUSION ET RECOMMANDATION
Les conditions de définition des dépenses fiscales sont imprécises. Leurs objectifs sont souvent intriqués et leurs effets dès lors difficiles à déterminer. Cette observation rejoint les recommandations les plus récentes de la Cour portant, de façon plus générale, sur le classement des dépenses fiscales en fonction de l’objectif du programme auquel elles se rattachent39.
Ce constat vaut particulièrement pour les dépenses fiscales en faveur du développement durable au sens de l’enquête, non systématiquement recensées dans la documentation budgétaire, mais elle vaut aussi pour celles qui – sous couvert d’aide sectorielle – ont un effet défavorable au développement durable. Parfois la frontière est assez ténue entre les mesures favorables et défavorables, et leurs objectifs environnementaux et économiques si étroitement imbriqués qu’il semble difficile de les classer avec certitude.
Au total, dans le champ du développement durable, le nombre de dépenses fiscales s’est sensiblement accru depuis 15 ans. Par ailleurs, alors que le montant des dépenses fiscales favorables au développement durable a diminué sur la période, celui des dépenses défavorables a augmenté.
Cette situation est doublement préjudiciable parce qu’elle contribue à renchérir le coût des dépenses budgétaires tout en annulant leurs effets respectifs sur l’environnement.
En outre, alors qu’elle affiche l’ambition d’une mobilisation de sa fiscalité en faveur du développement durable, la taxation des pratiques néfastes à l’environnement est en retrait par rapport aux autres pays de l’OCDE.
Face à ce constat, la Cour formule la recommandation suivante :
préciser la définition des dépenses fiscales pour expliciter leurs objectifs en matière de protection de l’environnement et en assurer un suivi plus précis.
Un suivi défaillant
Alors qu’une procédure stricte encadre les dépenses budgétaires depuis la mise en place de la LOLF, les dépenses fiscales obéissent à un formalisme moins strict. Le contrôle par le Parlement est rendu de ce fait très difficile et le pilotage par les administrations n’est pas suffisant : en particulier il ne garantit pas un chiffrage exact des coûts correspondants. Ces constats ne sont d’ailleurs pas spécifiques aux seules dépenses fiscales examinées dans le présent rapport.
Des outils inadaptés
La loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour 2012-2017 (LPFP 2012) mentionnait40 l’obligation d’une évaluation annuelle de l’efficience et de l’efficacité des dépenses fiscales. Cette évaluation devait être réalisée chaque année pour l’ensemble des mesures arrivant à échéance dans les douze mois, et par cinquième pour les autres. Ainsi, l’ensemble des dépenses fiscales devait faire l’objet d’un réexamen régulier. Cette exigence a été assouplie par la LPFP 2014-201941. Les résultats restent limités, peu de mesures ayant été modifiées ou supprimées suite à ces évaluations.
Qu’il s’agisse de l’évaluation ou du déroulement des conférences fiscales, le pilotage administratif est largement défaillant.
Une évaluation insuffisante
Dans un premier temps et conformément aux dispositions de la LPFP 2012, selon les données de la DGFiP, 26 sur les 72 dépenses fiscales numérotées recensées et créées avant le 1er janvier 2014, ont fait l’objet d’une évaluation, publiée en 2013 ou en 2014, soit un taux de 36,6 %, assez proche de l’objectif cible de 40 %.
La LPFP 2014-2019 dispose désormais, en son article 21, que les créations ou extensions de dépenses fiscales postérieures au 1er janvier 2015 doivent être revues, au plus tard avant l’expiration d’une période de trois ans suivant la date de leur entrée en vigueur et, en son article 23, qu’elles doivent être revues au plus tard six mois avant leur expiration (cf. B ci-après).
Très régulièrement42, la Cour a recommandé de procéder à l’évaluation exhaustive des dépenses fiscales au cours des cinq années de la loi de programmation 2014-2019, mais l’abrogation du dispositif de 2012 a eu pour effet de relâcher les efforts, ce qui constitue un premier signal négatif quant à la volonté de mettre en place une évaluation de la fiscalité en général et des dépenses fiscales en particulier43.
L’article 48 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement, qui prévoit : « Le Gouvernement présente au Parlement une évaluation de l'impact environnemental des aides publiques à caractère budgétaire ou fiscal. Les aides publiques seront progressivement revues de façon à s'assurer qu'elles n'incitent pas aux atteintes à l'environnement ».
Interrogés sur leur contribution à ce travail d’évaluation, les ministères chargés de l’agriculture, de l’écologie, des transports, de l’énergie et de l’économie ont tous cité le rapport de l’inspection générale des finances de juin 2011, dit rapport Guillaume44. À la suite des propositions de ce rapport, un comité pour la fiscalité écologique a, en effet, été mis en place en décembre 2012. Il s’agissait de créer un dispositif d’évaluation de la fiscalité écologique pour formuler des avis sur les propositions du Gouvernement et, d’une façon générale, sur l’évolution souhaitable de la fiscalité.
Le comité, à l’image de ce qui s’est déroulé dans d’autres pays, comme le Portugal ou le Canada, a réalisé des travaux intéressants sur la fiscalité écologique en général, et les dépenses fiscales en particulier. Il a rendu un rapport d’étape en juillet 2013 et publié plusieurs avis. Son principal résultat est d’avoir fait progresser l’idée d’intégrer les externalités négatives dans les prix, c’est-à-dire de prendre en compte les dommages à l’environnement dans la fiscalité. Toutefois, le comité ne s’est plus réuni en séance plénière à compter du printemps 2014. Après avoir proposé un élargissement de ses attributions, son président, Christian de Perthuis, a démissionné au mois d’octobre 2014, « découragé » avec « l’impression que le verdissement de la fiscalité n'est pas une priorité gouvernementale »45.
Depuis lors, le comité, rebaptisé « Comité pour l’économie verte » en février 2015, est présidé par Dominique Bureau. Ses missions, redéfinies et élargies par rapport à celles du comité pour la fiscalité écologique, sont cependant moins précises. Il est maintenant chargé de la réflexion sur les « mécanismes de marché tels que les permis, les quotas, les certificats » ainsi que sur les « outils de mobilisation des financements, notamment privés, au bénéfice de la transition écologique et énergétique ». Ce changement traduit la réorientation des travaux du comité vers la recherche des divers modes de financement pour la croissance verte. Il a ainsi joué un rôle majeur dans la préparation de la mise en place de la taxe carbone.
En pratique, les évolutions apportées à la fiscalité pour limiter les atteintes à l’environnement relevées par le rapport Guillaume sont restées très limitées. Seul le ministère en charge de l’agriculture fait état du renforcement de dépenses fiscales ayant une incidence positive : prorogation du crédit d’impôt pour l’agriculture biologique jusqu’en 2017 (loi de finances pour 2015) ; mesures prises pour amplifier l’incitation des propriétaires forestiers à une gestion durable (loi de finances rectificative pour 2013). Aucune action visant à réduire la consommation énergétique des agriculteurs ou sylviculteurs n’est toutefois mentionnée.
Par ailleurs, les différents travaux précités n’ont pas conduit à la mise en œuvre d’une étude de l’impact environnemental des dépenses fiscales, préalablement à leur création. Il n’existe pas davantage d’évaluation ex post de ces dépenses fiscales.
Cette situation est d’autant plus regrettable que l’État dispose de réels moyens d’expertise. Ainsi, par exemple, l’ADEME et le CGDD pourraient être davantage sollicités.
Des conférences fiscales aux résultats décevants
Dans le prolongement de la LPFP 2012 ont été mises en place des conférences visant à stabiliser, en valeur, le coût total des dépenses fiscales. Chaque responsable de programme prépare les propositions de modification ou de suppression de dépenses qui seront arbitrées dans le cadre d’une conférence fiscale associant les ministères dépensiers et le ministère des finances (direction générale du Trésor, direction de la législation fiscale, direction générale des douanes et droits indirects). Avant ce dispositif, les dépenses fiscales étaient arbitrées en dehors de toute procédure contradictoire formalisée. L’intérêt de ces conférences a été souligné à plusieurs reprises par le Parlement46.
Mais si ces réunions, certes encore récentes, constituent dans leur principe une avancée importante, leur efficacité doit toutefois être relativisée. Les éléments demandés dans le dossier et l’exercice lui-même ont, en effet, évolué chaque année, entre 2013 et 2015 :
en 2013, les conférences fiscales et budgétaires étaient totalement indépendantes ;
en 2014, les conférences fiscales et budgétaires étaient concomitantes ;
en 2015, les conférences fiscales se sont tenues juste avant les conférences budgétaires (dans la même demi-journée) et en lien avec celles-ci. Elles ont fait l’objet pour la première fois d’une circulaire de cadrage du ministre des finances et des comptes publics et du secrétaire d’État chargé du budget rappelant les objectifs poursuivis.
Alors qu’il avait été initialement prévu de coupler les conférences fiscales et budgétaires pour renforcer la cohérence des interventions au service d’une politique publique, la Cour relève que le responsable du programme budgétaire auquel les dépenses fiscales sont rattachées n’est pas toujours le responsable de la politique publique concernée, ce qui nuit à l’efficacité de ces conférences. Pour ne prendre qu’un seul exemple, la dépense fiscale n° 800201 « Taux réduit de TIC applicable au fioul domestique utilisé comme carburant diesel » est rattachée en intégralité au programme 154 – « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » alors même qu’elle bénéficie principalement au secteur du BTP47.
Surtout, la teneur de ces conférences fiscales reste assez limitée car seules certaines mesures sont évaluées, sans passage en revue systématique de l’ensemble de la fiscalité. Dans de nombreux cas, la dernière évaluation est très souvent celle effectuée dans le cadre du rapport Guillaume. Les outils permettant d’instruire utilement certaines dépenses ne sont, par ailleurs, pas toujours partagés. Par exemple, le ministère de l’écologie n’a pas d’outil de suivi des dépenses relatives aux taxes intérieures de consommation.
Si les conférences fiscales conservent un intérêt en termes d’échanges et d’éclairage, leur résultat concernant la maîtrise des dépenses fiscales est mitigé. Par exemple, en 2013, le MEEM et la direction de la législation fiscale (DLF) proposaient la modification, voire la suppression, de six dépenses fiscales pour une économie potentielle de 90 M€. Trois ans après, seules deux mesures de faible montant ont été effectivement supprimées ; les autres ont augmenté. Le même constat peut être fait pour les années 2014 et 2015. Dès lors il conviendrait de stabiliser les conférences fiscales telles qu’issues de la LPFP 2012 au même titre que les conférences budgétaires.
résultat de la conférence fiscale 2013, périmètre MEEM
Dépense fiscale | Analyse | Montant 2013 (M€) | Évolution proposée | Évolution constatée | Montant 2016 (M€) |
DF 800103 - Taux réduit de taxe intérieure de consommation pour les carburants utilisés par les taxis | Respect des minima communautaires | 22 | Augmentation du taux applicable | Pas de modification | 30 | |
DF 800115 - Exonération de taxe intérieure de consommation pour les produits énergétiques utilisés pour les besoins de l’extraction et de la production du gaz naturel | Faible nombre de bénéficiaires | 4 | Suppression | Pas de modification | NC | |
DF 800204 - Taux réduit de taxe intérieure de consommation applicable aux carburéacteurs utilisés sous condition d'emploi | Sans lien avec la problématique des transports | ε | Suppression | Dépense supprimée | - |
DF 800208 - Taux réduit de taxe intérieure de consommation sur le GPL | Couvrir les externalités au même niveau que le gazole | 50 | Augmentation du taux réduit | Pas de modification | 65 | |
DF 800404 - Remboursement d’une fraction de taxe intérieure de consommation sur le gazole utilisé par les exploitants de transport public routier en commun de voyageurs | Favoriser le report vers des modes moins polluants | 42 | Suppression | Pas de modification | 86 | |
DF 100257 - Réduction d’impôt pour les dépenses de protection du patrimoine naturel | Très peu utilisée | ε | Non prorogation | Non prorogation | - |
Source : Cour des comptes d’après dossiers de la conférence fiscale et données Voies et moyens
Pour gagner en efficacité, il serait souhaitable que les premiers échanges aient lieu en amont de la conférence, afin que les sujets abordés aient fait l’objet d’une expertise de l’ensemble des ministères associés à ces conférences48.
Des documents budgétaires lacunaires
Les documents budgétaires adressés au Parlement restent largement incomplets. Ainsi que la Cour l’a déjà fait observer49, les très nombreuses dépenses fiscales ne sont pas toutes présentées dans les documents budgétaires. Ce constat reste d’actualité y compris pour des mesures récentes : la dépense fiscale n° 800211 (exonération de contribution énergie-climat pour certaines entreprises), créée en loi de finances rectificative pour 201450, n’apparaît pas dans les documents annexés à la loi de règlement pour 201551, alors qu’elle figure dans les documents budgétaires annexés au projet de loi de finances pour 201652 rédigés antérieurement. Ces lacunes sont contraires aux exigences de la LOLF53.
L’absence de suivi des dépenses fiscales non recensées
Les dépenses non numérotées, c’est-à-dire celles qui sont considérées par l’administration comme des modalités de calcul de l’impôt, ne sont rattachées à aucun programme. La liste exhaustive n’est d’ailleurs pas connue, même de la DLF et de la DGDDI. Aucun pilote n’a donc la responsabilité du suivi de ces dépenses.
Parmi les dépenses fiscales numérotées ne figurent que les dispositifs se traduisant par une perte de recettes fiscales pour l’État, y compris les remboursements et les dégrèvements d’impôts locaux à sa charge. En 2012, la Cour avait recommandé54 d’étendre le champ de la liste des dépenses fiscales à l’ensemble des mesures dérogatoires relatives aux impôts locaux et aux impôts affectés à d’autres organismes publics (hors administrations sociales).
En outre, trois dépenses55, dictées par le droit international ou européen, ont été déclassées dans le PLF 2009 et ne sont donc plus rattachées à un programme. L’inconstance de la liste des dépenses fiscales a déjà été critiquée par la Cour56, et le déclassement de l’exonération de TIC pour le kérosène a même fait l’objet d’une mention dans un référé48. Les dépenses fiscales déclassées font certes l’objet d’une information dans le fascicule des Voies et moyens, mais aucun véritable suivi n’en est assuré par les pilotes des programmes, malgré leur montant important (3 225 M€ en 2015).
Les incohérences de rattachement
Même lorsqu’elles sont numérotées et suivies dans les documents budgétaires, certaines dépenses fiscales ne sont pas pilotées. C’est le cas de la dépense n° 800103 « Taux réduit de taxe intérieure de consommation pour les carburants utilisés par les taxis » (23 M€ chaque année). Officiellement rattachée au programme 203, dont le pilote est le MEEM, elle n’est cependant pas suivie par ce dernier57.
Surtout, le pilotage des dépenses fiscales qui ont l’effet le plus dommageable sur l’environnement (celles du domaine des carburants pour l’essentiel) et sont les plus coûteuses, échappe en grande partie au ministère en charge de l’écologie, du fait de leur rattachement à d’autres missions, qui s’explique souvent par la vocation de soutien sectoriel de ces dépenses. Quel que soit le bien-fondé de cette méthode, elle aboutit à exclure des conférences fiscales le ministère en charge du développement durable, ce qui nuit nécessairement au caractère complet de l’évaluation de l’efficience de ces dépenses.
répartition des dépenses fiscales numérotées par mission budgétaire (en nombre)
Source : Cour des comptes à partir des documents budgétaires et de la grille de critères
La fiscalité du logement illustre cette situation. Le programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat de la mission « Égalité des territoires et logement » porte la TVA à taux réduit et l’Éco-prêt à taux zéro, tandis que le programme 174 Énergie, climat et après-mines de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » porte le CITE et le dégrèvement de TFPB pour les HLM et les SEM ayant réalisé des travaux d’économie d’énergie. Cette répartition ne semble pas logique dans la mesure où ces quatre dépenses fiscales ne concernent que le secteur du logement.
Par ailleurs, le rattachement de certains dispositifs ne cesse d’être modifié. Le crédit d’impôt développement durable (CIDD), initialement rattaché au programme 135 - Développement et amélioration de l’offre de logement a, en 2008, été rattaché de manière principale au programme 217 Conduite et pilotage des politiques de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables et de manière subsidiaire aux programmes 135 Développement et amélioration de l’offre de logement et 174 Énergie, climat et après-mines. Dans le PLF 2009, le CIDD a ensuite été réintégré au sein du programme 174 parmi les « dépenses fiscales principales sur impôts d’État », tout en restant inscrit à titre subsidiaire au programme 135.
Cet éclatement et cette instabilité nuisent gravement à la lisibilité du suivi budgétaire de la politique concernée, notamment au regard de l’ de finances pour 2008 qui prévoit que « Le Gouvernement présente, en annexe générale au PLF de l'année, un rapport évaluant l'efficacité des dépenses fiscales en faveur du développement et de l'amélioration de l'offre de logements ». Ainsi, le jaune budgétaire, élaboré en application de cet article, ne comprend pas l’évaluation du CIDD/CITE, alors même qu’il représente la deuxième dépense fiscale concourant de manière principale ou subsidiaire au développement et à l’amélioration de l’offre de logement en 2008. Il serait souhaitable de rattacher le CITE à titre principal au programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat.
Des coûts mal estimés
Alors que la prévision et le suivi de la dépense sont souvent établis de façon inappropriée, l’absence d’encadrement de la dépense ne permet pas de s’assurer de la maîtrise de celle-ci. Par ailleurs, les coûts administratifs de mise en œuvre associés ne sont pas évalués.
Un chiffrage de la dépense approximatif
La prévision de la dépense est imposée par la LOLF58, les différents responsables de programme devant indiquer dans les documents budgétaires, une « estimation des dépenses fiscales ».
Un calcul essentiellement réalisé par les services du ministère chargé des finances
Les différentes circulaires budgétaires relatives aux dépenses fiscales59 indiquent que les prévisions font l’objet d’un chiffrage sous la responsabilité de la direction du budget, et que l’alimentation des tableaux des PAP et des RAP est effectuée par la DLF60. La prévision est ainsi essentiellement réalisée par les ministères financiers, sur la base des textes applicables et des données disponibles dans les bases fiscales ou douanières, même si certains ministères peuvent être sollicités (direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages – DHUP, par exemple). Les échanges ont lieu entre avril et septembre, dans le cadre des travaux préparatoires aux lois de finances. Le chiffrage est souvent réalisé à partir d’une reconstitution de la base taxable. Lorsque ce travail est impossible, la DGFiP réalise des simulations à partir de données macroéconomiques.
Les responsables de programme peuvent « vérifier la pertinence de ces données pré-remplies et […] signaler tout élément d’actualisation, notamment concernant le chiffrage du coût de la mesure ». Ces derniers n’ayant pas nécessairement d’éléments chiffrés sur l’exécution des années précédentes et n’en faisant, semble-t-il, que rarement la demande, il leur est souvent difficile d’avoir un avis critique sur les prévisions de la DLF.
L’exemple du ministère chargé de l’agriculture
Dans le cadre du référé n° 56313 du 4 décembre 2009 sur les dépenses fiscales rattachées au budget du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche - Exercices 2002 à 2007, la Cour avait formulé la recommandation suivante : « les mesures doivent reposer sur un chiffrage établi sur la base de méthodologies transparentes ».
Le constat à l’appui de cette prescription était le suivant : « Pour autant, le chiffrage de très nombreuses dépenses fiscales demeure incertain. C’est en particulier le cas pour les mesures concernant la pêche ou la forêt. Les investigations réalisées en 2008 dans le cadre d’une mission d’audit ont ainsi permis de ramener à 37 M€ les dépenses fiscales forestières qui figuraient pour un montant de 114 M€ dans le RAP 2006 et pour 77 M€ dans le RAP 2008.
Les services du MAAP et la direction du budget s’accordent à reconnaître que, dans un souci de gestion dynamique des dépenses fiscales et du développement de leur évaluation, il est indispensable que le MAAP soit informé des méthodes de chiffrage et consulté pour valider certaines hypothèses ».
Force est de constater que les choses ont peu évolué depuis 2009. Le ministère de l’agriculture ne participe toujours pas au chiffrage des dépenses fiscales. Il ne connaît donc pas les méthodologies employées pour cet exercice.
Un chiffrage difficile
Le chiffrage de la dépense fiscale se fait par différence entre la situation constatée et la situation qui aurait prévalu en l’absence de la mesure (situation de référence). À plusieurs reprises, la Cour a souligné « l’importance de la norme de référence utilisée pour mesurer le coût des dépenses fiscales »61.
Cette situation de référence n’est pas toujours simple à définir. Par exemple, dans le cas de la dépense fiscale n° 800114 portant sur l’exonération de la taxe intérieure de consommation sur le charbon pour les entreprises valorisant la biomasse, une des conditions pour bénéficier de la mesure est d’être une entreprise grande consommatrice d’énergie62. Si la disposition qui permet l’exonération totale a été supprimée, une seconde disposition s’applique aux entreprises grandes consommatrices d’énergie63, permettant un taux réduit de taxe intérieure de consommation. La convention retenue pour le calcul de la dépense fiscale consiste à considérer que la situation de référence est l’application de l’intégralité de la TIC. Dans ce cas, la suppression de la disposition instituant la dépense fiscale ne conduirait pas au recouvrement de la dépense affichée, mais au report d’une partie de ce montant vers une autre dépense fiscale qui s’appliquerait, à savoir le taux réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, le gaz naturel et les charbons au profit des installations intensives en énergie et soumises au régime des quotas d’émission de gaz à effet de serre de la directive 2003/87/CE (800210).
Pour l’ensemble des dépenses fiscales, des indications sur la fiabilité du chiffrage sont fournies dans la documentation budgétaire. La part des dépenses non chiffrées ou chiffrées avec un ordre de grandeur augmente. Cependant, les dépenses fiscales dont le coût est estimé avec une fiabilité bonne ou très bonne représentent près de 73 % du coût total des dépenses fiscales en 2015, contre 68 % en 201064.
Dans ses différents rapports, la Cour a déjà mis en avant plusieurs difficultés relatives au chiffrage des dépenses fiscales, notamment l’insuffisance des données65 ou l’absence de prise en compte des changements de comportement66. L’enquête a confirmé cette situation pour les dépenses fiscales intégrées dans son champ.
Les données ne sont au demeurant pas nécessairement indisponibles, mais parfois difficilement accessibles. C’est notamment le cas des exonérations de TIC, où les services des douanes disposent, via les applications informatiques d’assiette, des montants non perçus liés à ces exonérations, ainsi que du nombre de bénéficiaires associés, données qu’ils pourraient agréger. Cependant l'architecture de ces applications est conçue pour le recouvrement des droits et taxes dus et non pour la restitution statistique, bien que celle-ci demeure possible sur demande, en particulier via l’application ISOPE. Le suivi des dépenses fiscales est de ce fait finalement absent des tableaux d'indicateurs renseignés par les directions régionales des douanes pour alimenter la documentation budgétaire.
De même, concernant les mesures d’exonération totale ou partielle de taxe sur le foncier, des données très précises sont disponibles. Ainsi, chaque année, sont mis à disposition des collectivités locales les états 1387 TF sur le portail internet de la gestion publique. Ces états récapitulent, pour chaque collectivité, les exonérations de TF, le nombre de subdivisions fiscales concernées (parcelles) et le montant des bases exonérées. Interrogée par la Cour, la DRFiP Centre – Val de Loire a indiqué ne pas avoir connaissance d’une éventuelle agrégation nationale de ces données.
Enfin, concernant les modalités de chiffrages, la Cour avait dénoncé en 201167 la reconduction conventionnelle du dernier coût connu si aucune modification législative ou réglementaire n’a été apportée, dès lors que la prévision est trop difficile pour qu’une estimation suffisamment fiable soit possible. La Cour avait alors recommandé de faire évoluer la prévision de coût de ces dépenses fiscales comme le produit de l’impôt concerné ou comme le PIB en valeur, de manière à ne pas sous-estimer la croissance du coût des dépenses fiscales. Les deux méthodes proposées par la Cour n’ont pas été mises en place par la DLF car elles supposent une élasticité unitaire des dépenses fiscales à l’évolution du PIB ou de de l’impôt concerné, qui n’est pas systématiquement vérifiée. Cependant, les modalités de chiffrage de ces dépenses ont évolué. En effet, le coût prévisionnel de nombreuses dépenses fiscales sur l’impôt sur le revenu, notamment celles relatives aux réductions et aux crédits d’impôt, n’est plus obtenu par simple reconduction du dernier coût estimé mais est évalué en appliquant à ce dernier l’évolution précédemment constatée.
Des écarts parfois importants entre prévision et exécution
La Cour a relevé dans le passé68 une sous-estimation globale des coûts prévisionnels des dépenses fiscales. Ce constat reste d’actualité. Des écarts parfois importants sont ainsi observés entre la prévision et l’exécution de la dépense, comme ceux relevés en 2012 et 2013 pour les dépenses fiscales n° 800117, 800203, 800207 et 80040169, pour lesquelles les erreurs d’estimation allaient du simple au double, voire au décuple.
La fiche de présentation de chaque mesure fiscale dans les documents annexés au PLF comprend, en principe70, la mention d’un éventuel changement de méthode de chiffrage, de manière à expliciter l’écart entre la prévision et l’exécution. Par exemple, la dépense fiscale n° 800401, qui porte sur l’exonération de TIC outre-mer, a fait l’objet d’un changement de chiffrage, sans que ces modifications aient été clairement expliquées ou justifiées. Les produits énergétiques sont pour partie taxés outre-mer par une taxe spéciale sur les carburants (TSC), dont le produit est perçu par les collectivités territoriales. Avant 2011, le montant de la dépense fiscale était calculé à partir du différentiel de taux entre la TIC et la TSC, soit le montant non acquitté par le contribuable lors de l’achat de produits énergétiques. À partir de 2011, la situation de référence a changé, et le montant représente désormais le manque à gagner pour l’État, soit simplement le montant non acquitté de TIC, indépendamment de la TSC reversée aux collectivités territoriales.
Dans la période récente, ce sont les dépenses fiscales liées au logement qui ont été fortement surestimées : la TVA à taux réduit instaurée en 2014 pour les travaux d’amélioration de la qualité énergétique des logements a fait l’objet d’estimations diverses lors de son adaptation avant d’être chiffrée, dans le PLF 2015, à hauteur de 1 740 M€ pour 2014 et 1 770 M€ pour 2015. Or, l’exécution 2014 a été constatée à hauteur de 730 M€ seulement, entraînant une révision du chiffre à 1 120 M€ pour 2015. Les services du ministère du logement comme ceux des finances étaient partis du principe qu’au moins 30 % du montant de la TVA à taux réduit relative aux travaux dans les logements concouraient aux économies d’énergie, sur la base des enquêtes menées périodiquement par l’agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME). Mais d’une part la définition de l’assiette du nouveau taux de TVA a été plus restrictive, puisque sont éligibles seulement les équipements faisant l’objet du CIDD, puis du CITE, et les travaux indissolublement liés ; d’autre part les travaux éligibles avaient été chiffrés à hauteur de 11,7 Md€ pour 2014 par le ministère chargé du logement, en anticipant une reprise par rapport à 2013, année où ils avaient fortement décru par rapport aux 9 Md€ annuels constatés en 2009 et 2010. Dans les faits, les travaux déclarés au titre du CIDD et du CITE ne se sont élevés qu’à 4,03 Md€ en 2014. De fait le montant de la TVA à 5,5 % constaté pour cet exercice est cohérent avec ce « point bas » des travaux déclarés par les contribuables.
Toutefois, les difficultés de chiffrage ne sont pas une spécificité française. Selon l’OCDE71, peu de pays donnent des informations sur les différences entre prévision et exécution. Seuls la France, l’Allemagne, le Canada et la Suède donnent des estimations des changements intervenus ; les États-Unis se singularisent par la présentation, deux fois par an, d’un calcul exhaustif des changements intervenus par rapport aux prévisions budgétaires, en distinguant les effets de nouvelles législations, les modifications des hypothèses économiques et les réévaluations techniques, en général des erreurs de prévision.
Des dépenses fiscales non maîtrisées
Alors que la dépense est strictement encadrée en matière budgétaire, les dépenses fiscales ne le sont pas.
L’OCDE insiste sur l’intérêt de réexaminer régulièrement les dépenses fiscales, mais souligne la rareté effective de cet examen. Si l’Allemagne, où des organismes de recherche non gouvernementaux indépendants fournissent des évaluations concurrentes, ou les Pays-Bas, où les dépenses font l’objet d’un réexamen sur cinq ans, sont des exemples de bonnes pratiques, la plupart des pays n’appliquent pas les principes qu’ils posent. C’est le cas des États-Unis, où le bureau d’études budgétaires et le service de recherche du Congrès, chargé de ces évaluations, ne met pas en place les obligations d’évaluation prévues par la loi. La France ne respecte pas non plus ses obligations de revue régulière. A contrario, le Canada n’a pas de procédure organisée, mais publie des évaluations de ses dépenses fiscales.
Cependant, l’OCDE conclut, paradoxalement, que – du fait de leur nature même de dérogation par rapport à la fiscalité en place – l’attention relative portée aux dépenses fiscales semble meilleure que celle portée aux dépenses budgétaires. Ainsi, aux États-Unis les dépenses budgétaires ne sont pas plus rigoureusement réexaminées que les dépenses fiscales. D’une façon générale, le processus de limitation dans le temps des dépenses fiscales par expiration légale mis en place dans de nombreux pays, à l’exception notable du Royaume-Uni, a au moins le mérite de permettre quelques évaluations. Celles-ci ne sont toutefois ni systématiques, ni le plus souvent conformes aux règles posées, souvent beaucoup plus contraignantes. La situation de la France appelle les mêmes critiques.
Des paramètres dont l’évolution échappe à l’Etat
Plus d’un tiers des dépenses fiscales sont assises sur des impôts locaux dont les taux sont votés par les collectivités locales : le volume de ces dépenses fiscales est exogène aux décisions de l’État. Le montant à la charge de l’État en cas de remboursement aux collectivités locales concernées peut donc évoluer sans qu’il en soit décisionnaire.
De même, pendant la courte période d’existence de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) flottante, le coût des exonérations sur les carburants était dépendant du cours des matières premières, par nature exogène à toute décision de l’État.
L’absence de limitation dans le temps
La loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 prévoit que les dépenses fiscales créées ou étendues à compter du 1er janvier 2013 doivent être applicables pour une durée limitée, précisée par le texte qui les institue. Cet article a été abrogé par l’article 35 de la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.
Cependant, l’article 23 de la même loi prévoit que, pour toute mesure de création ou d'extension d'une dépense fiscale entrée en vigueur pour une durée limitée à partir du 1er janvier 2015, le Gouvernement présente au Parlement une évaluation de celle-ci, au plus tard six mois avant l'expiration du délai pour lequel la mesure a été adoptée, et, le cas échéant, justifie son maintien pour une durée supplémentaire de trois années. Le rapport du Gouvernement doit comporter des éléments sur les caractéristiques des bénéficiaires et sur l’efficacité de la mesure.
S’il est trop tôt pour juger du respect de cette disposition, la Cour constate simplement que 63 des 94 dépenses étudiées ne sont pas bornées et que leur évaluation n’est donc pas imposée. Parmi les 47 dépenses modifiées depuis le 1er janvier 2013, 19 ont vu leur durée bornée, soit 40 %.
L’absence de plafonnement
L’article 19 de la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour 2014-2019 fixe un plafond pour le montant annuel des dépenses fiscales (80,6 Md€ en 2015, 81,8 Md€ en 2016 et 86,0 Md€ en 2017) ainsi que pour le montant annuel des crédits d’impôt (24,7 Md€ en 2015, 25,9 Md€ en 2016 et 30,1 Md€ en 2017). En conséquence, pour respecter ces enveloppes, la création de nouvelles dépenses devrait logiquement s’accompagner de la suppression de mesures existantes, sauf à penser que les enveloppes ont été définies avec largesse, ce qui n’est pas l’esprit des lois de programmation des finances publiques successives. Les Voies et moyens, tome 2, indiquent un montant prévisionnel (hors mesures déclassées ou non numérotées) de 81,9 Md€ en 2015 et 83,4 Md€ en 2016 (resp. 1,3 Md€ et 1,6 Md€ au-delà du plafond de la LPFP 2014-2019).
À la différence des dépenses budgétaires, les dépenses fiscales n’obéissent individuellement à aucune contrainte en termes de maîtrise de la dépense. Pour permettre un encadrement du coût des dépenses fiscales, une méthode pourrait être de fixer un montant pluriannuel de dépense fiscale, sur la base des premières estimations fournies par l’administration, et de les suivre en exécution, au regard de ce plafond. Le plafonnement serait ainsi l’équivalent des autorisations d’engagement pour les dépenses budgétaires. En fonction de la consommation, des mesures correctives devraient pouvoir être mises en place afin de respecter le plafond annuel, ou le relever. Une telle opération serait néanmoins difficile à mettre en œuvre.
En complément pourraient être mises en œuvre des mesures administratives permettant de contrôler plus finement la dépense fiscale, tel l’agrément administratif préalable pour les mesures les plus coûteuses et ne ciblant qu’un nombre limité de bénéficiaires, à l’image de l’agrément préalable outre-mer. Si la Cour avait constaté des dérives sur le nombre et le type de projets aidés72, l’agrément n’ayant pas pour objet de plafonner le montant de la dépense fiscale, son existence permet cependant d’édicter des critères d’éligibilité, toujours perfectibles, dont l’adéquation au projet est vérifiée a priori, et de faire ainsi évoluer ces critères avec le temps.
L’agrément préalable outre-mer
La dépense fiscale n° 110224 concerne la réduction d’IR à raison des investissements productifs réalisés dans les départements, territoires et collectivités d’outre-mer avant le 31 décembre 201773.
Depuis 1992, les projets réalisés en outre-mer, dont le montant est supérieur aux seuils légaux fixés en fonction du secteur économique (250 000 € dans le cas général), doivent recevoir un agrément pour bénéficier de l’aide fiscale. En dessous du seuil, la défiscalisation est de plein droit et uniquement soumise à un dispositif déclaratif sommaire. Ce principe, posé par l’, prévoit que l'agrément est délivré (après instruction des dossiers par la DGFiP et après avis du ministère des outre-mer ou du préfet), lorsque l'investissement remplit quatre conditions, parmi lesquelles « s'intègre[r] dans la politique d'aménagement du territoire, de l'environnement et de développement durable » (les trois autres conditions sont de présenter un intérêt économique pour le département, d’avoir pour but la création ou le maintien d'emplois et de garantir la protection des investisseurs et des tiers). C’est le seul cas d’agrément fiscal pour lequel il existe une condition environnementale.
Si le secteur des énergies renouvelables a été relativement concerné dans un premier temps74, le nombre de demandes d’agrément a singulièrement baissé depuis les années 2010 suite à l’exclusion du secteur du photovoltaïque du champ fiscal de l’aide à l’investissement outre-mer75. Le montant des investissements agréés dans le secteur des énergies renouvelables est ainsi passé de 421 M€ en 2009 (32 % des investissements) à 6 M€ en 2012 (soit 0,5 %) et est quasiment nul depuis76. Le nombre de dossiers déposés est lui aussi tombé à quelques unités (3 en 2012 contre 88 en 2009).
Des coûts administratifs mal connus
Les moyens humains consacrés au suivi des dépenses fiscales sont très faibles : aucun agent à la direction des pêches maritimes et de l’aquaculture ; 0,3 équivalent temps plein (ETP) à la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (quasi exclusivement pour le suivi des mesures liées au logement) ; un agent au sein du secrétariat général du ministère chargé de l’environnement et de l’énergie ; 0,6 ETP à la direction générale de la performance économique (ministère en charge de l’agriculture et de la forêt).
La DGFiP et la DGDDI ne disposent d’éléments relatifs ni au coût de production de la donnée fiscale, ni au coût d’information du contribuable (gestion des appels, renseignements, etc.), ni au temps dédié aux contrôles réalisés. La DGFiP est dans l’incapacité de donner une évaluation du coût en ETP du processus de chiffrage et de suivi des dépenses fiscales. Les frais de gestion ne sont identifiables que pour certaines dépenses fiscales.
Concernant les taxes dont la gestion est confiée à la DGDDI, le taux moyen d’intervention est de 0,44 % en 2015. Un rapport de 201477 de la Cour souligne que le taux moyen d’intervention masque une disparité importante entre les directions régionales. Par exemple, en 2011, le taux d’intervention pour la TICPE variait entre 0,06 % et 26,31 %. Pour 2015, les taux moyens d’intervention nationaux par taxe sont de 0,08 % pour la TICPE
(y compris la TVA sur le pétrole, hors TICGN, TICFE et TICHLC), 0,53 % pour la TICGN, 0,68 % pour la TGAP et 11,6 % pour la TSVR.
Dans son rapport de 2014 précité, la Cour a analysé la procédure de remboursement de la TICPE par la Douane. En 2011, la Douane a affecté plus d’effectifs pour gérer les seuls remboursements effectués ex post en fonction des consommations effectives des redevables, de l’ordre de 440 M€ que pour gérer le produit de cette taxe, soit 25 Md€ (135 ETP contre 167). Face à ce constat, la Cour a préconisé d’étudier le remplacement du dispositif actuel de remboursement par un crédit d’impôt, vérifié dans le cadre de l’examen global de la situation fiscale du redevable par les services de la DGFiP.
Le remboursement de TICE pour les transporteurs routiers en commun de voyageurs : un exemple de complexité
Le coût de gestion de la mesure fiscale n° 800404 « Remboursement d’une fraction de taxe intérieure de consommation sur le gazole utilisé par les exploitants de transport public routier en commun de voyageurs », selon une évaluation ancienne (2007), est estimé à 15,2 M€ en 2007, soit 4,5 % du montant total des remboursements. La gestion des remboursements occupe plus de la moitié des effectifs affectés à la TIC. La demande de remboursement est semestrielle78 et doit être accompagnée des pièces justificatives suivantes : la copie du certificat d’immatriculation, un RIB (ou RIP), éventuellement le mandat donné par le bénéficiaire à un mandataire pour déposer en son nom la demande. Si le système est déclaratif pour les transporteurs nationaux, les transporteurs étrangers doivent fournir la copie des factures d’acquisition en France métropolitaine. L’administration des douanes procède à l’examen de la recevabilité, à l’enregistrement dans l’application SIDECAR et à la liquidation de la demande avant le versement de la détaxe. Le niveau de contentieux s’établit en moyenne autour de 100 000 € par an, soit 0,38 % du montant de la dépense fiscale.
Les frais de gestion liés au dispositif du bonus-malus sont, eux, déterminés selon une grille tarifaire revue annuellement. Cette grille comprend des coûts fixes, pour la gestion de l’extranet ou la préparation du rapport annuel statistique, et des coûts qui varient en fonction du nombre de conventions signées avec les concessionnaires, de dossiers traités et de contrôles réalisés. Les frais de gestion versés à l’Agence de services et de paiements (ASP) se sont ainsi élevés à 0,68 M€ en 2014 et 0,45 M€ en 2015. Ils diminuent en valeur absolue et proportionnellement au montant des aides versées, mais ce constat est essentiellement lié pour 2015 au retard de négociation de la convention du deuxième semestre avec l’ASP. Ces coûts de gestion pourraient augmenter en 2016 en raison de la révision des primes à la conversion qui pourrait induire une hausse du nombre de dossiers traités et une complication des versements liés à l’achat de véhicules d’occasion.
synthèse sur les frais de gestion payés à l’ASP
| Frais de gestion (€) | Aides versées (€) | Frais /aides (%) | Nombre dossiers gérés | Frais /dossier (€) |
2012 | 1 492 182 | 207 842 429 | 0,72 % | 483 840 | 3,08 |
2013 | 1 687 594 | 329 054 175 | 0,51 % | 567 794 | 2,97 |
2014 | 684 406 | 232 166 103 | 0,29 % | 247 561 | 2,76 |
2015 | 453 766 | 201 750 408 | 0,22 % | 93 199 | 4,87 |
Variation 2015/2012 | - 70 % | - 3 % | - 69 % | - 81 % | 58 % |
Source : Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), calculs Cour des comptes (NEB CAS Véhicules propres)
La transparence de l’information au Parlement sur ces coûts de gestion n’est, de plus, pas assurée. Les frais de gestion versés par l’ASP sont suivis comme des dépenses d’intervention, au même titre que le financement des aides du bonus-malus. L’administration avait indiqué à la Cour, en 2014, son intention de les suivre de façon distincte (titre 3) à partir de l’exercice 2015, mais n’y a pas donné suite. Une telle précision n’apparaît pas non plus dans le PAP 2016. Une simple information de la part des montants du titre 6 dédiés aux frais de gestion est mentionnée dans le RAP pour l’exécution.
Des dispositifs peu contrôlés
Malgré leur coût croissant, les dépenses fiscales ne font pas l’objet d’une politique de contrôle ambitieuse.
L’absence d’une stratégie globale de contrôle
Il n’existe pas de démarche systématique de contrôle d’une mesure fiscale autre que celle déployée pour l’ensemble des recettes fiscales. Des vérifications ont lieu par l’administration lorsque le dépôt d’une demande est prévu par le texte de référence de la dépense fiscale. En l’absence d’une telle procédure, l’éligibilité est vérifiée, soit dans le cadre des contrôles portant sur l’ensemble des avantages fiscaux auxquels peut prétendre le contribuable, soit dans celui d’une politique de contrôle thématique à l’échelle nationale ou locale.
Dans son rapport public de 201079, la Cour avait mis en avant les défaillances du contrôle fiscal. Dans le cadre de la présente enquête, la Cour a pu constater que la DGFiP et la DGDDI n’ont pas été en mesure de fournir la liste exhaustive des dépenses fiscales ayant donné lieu à rappel, du fait des limites techniques de l’application de suivi du contrôle fiscal. De même, la DGDDI indique également que sa base nationale de contrôles ne reprend pas les données relatives aux contrôles a posteriori réalisés sur les dépenses fiscales et n’est donc pas en mesure, sauf exception (par exemple sur les remboursements de TICPE), de transmettre une typologie des contrôles et des éléments quantitatifs précis sur les résultats des contrôles a posteriori par dépense fiscale.
Les données statistiques fournies par la DGFiP portent sur 7 dépenses fiscales uniquement80, qui ont donné lieu à 13 518 rappels, pour un montant total de 44,2 M€. Les contrôles externes portent sur 18 % du montant, pour 5,5 % des rappels, le complément étant porté par les contrôles sur pièces. Ces rappels représentent 0,6 % du total des dépenses fiscales, avec des disparités fortes, les statistiques étant dominées par le CIDD-CITE. La fiscalité en faveur de la forêt est celle qui donne lieu aux rappels proportionnellement les plus importants : 2,51 % du montant de la dépense fiscale, sans qu’il soit permis de tirer des conclusions plus précises à défaut de connaître le nombre de dossiers contrôlés81. Il n’est par ailleurs pas possible de porter un avis sur la rentabilité de ces contrôles, au-delà de leur aspect pédagogique et dissuasif, puisque la DGFiP ne sait pas chiffrer leur coût. Au-delà de ces considérations d’ordre général, on constate également une réelle insuffisance des contrôles sur les dépenses fiscales en faveur de l’amélioration de la performance énergétique des logements.
Les difficultés rencontrées par la Cour pour obtenir une vision complète des contrôles effectués sur les dépenses fiscales confirment que ces dernières ne constituent pas un axe d’analyse considéré comme pertinent par les administrations concernées.
Concernant la direction des douanes, sa mission de contrôle comporte deux volets : la fonction de gestion – contrôle de recevabilité (accueil du public, traitement des déclarations, tâches d’assiette et de liquidation, contrôles de cohérence des documents et de sécurité lors du dédouanement physique de la marchandise) - et la fonction de contrôle a posteriori, qui inclut aussi bien les contrôles différés (contrôle sur pièces, inventaires et contrôles physiques) que les enquêtes sur place à partir d’un travail préalable d’analyse de risque. Si la priorité a été mise sur le dédouanement pendant des années (par exemple : atteindre l’objectif de dématérialisation de 90 % des procédures), les sujets fiscaux au sens large commencent progressivement à devenir une priorité de cette administration dans le cadre de l’évolution de ses missions. À titre d’exemple, la direction régionale des douanes de Dunkerque a récemment créé et fait monter en puissance une cellule spécialisée, le pôle énergétique interrégional, qui doit permettre d’organiser et de rationaliser l’exécution des contrôles par les services de proximité. Les cellules d’orientation des contrôles et les services régionaux d’enquête assurent respectivement des tâches d’analyse de risque et d’enquête sur pièces et sur place, tandis que les agents des bureaux de douane ont conservé la responsabilité des contrôles « différés » en plus de leurs fonctions de gestion (contrôles réalisés dans les quatre mois qui suivent la validation de la déclaration en douane et contrôles d’inventaire de stocks).
Des contrôles partiels aux résultats inégaux
Les incohérences de la réduction d’impôt au titre des dépenses réalisées sur certains espaces naturels
La dépense fiscale n° 110257 « Réduction d’IR au titre des dépenses réalisées sur certains espaces naturels en vue du maintien et de la protection du patrimoine naturel » est illustrative de l’absence de contrôle des déclarations fiscales. Selon les données des documents budgétaires, 930 particuliers ont bénéficié de ce crédit d’impôt sur la période 2010-2013 (de 0 en 2010 à 528 en 2013) pour un montant qui n’est pas chiffré avec précision (dépense dont le coût affiché est de ε). Pourtant, la fondation du patrimoine n’a délivré un agrément que pour trois projets sur la même période (un seul label pour chacune des années 2010 à 2012) en faveur de deux particuliers et d’un groupement foncier rural plein propriétaire composé de quatre administrateurs. Le montant global des travaux labellisés est de 33 609 €.
Les données recueillies auprès de la DRFiP Centre-Val de Loire révèlent que 22 particuliers ont bénéficié d’une réduction d’impôt dans le département du Loiret au titre des revenus déclarés pour les années 2010 à 2013 (de 1 en 2010 à 11 en 2013), pour un montant cumulé de 14 766 €. À la demande de la Cour, des recherches ont été menées par la DRFiP sur les éléments fournis dans les déclarations concernées, sachant que les contribuables ne sont pas tenus de transmettre les justificatifs correspondants au service lors de la déclaration de leurs revenus. Douze déclarations comportent des informations sur la nature des dépenses, mais les réductions d’impôt accordées n’apparaissent alors pas justifiées au regard de l’article 199 octovicies du code général des impôts. Les dépenses engagées et déclarées concernent des travaux d'isolation, d'entretien d'espaces verts, l'acquisition de chaudières, etc. qui peuvent, sous certaines conditions, ouvrir droit à crédit d'impôt au titre du développement durable et des économies d'énergie (CIDD/CITE).
Le cas particulier du bonus /malus
Le contrôle du bonus-malus est un cas particulier. La convention entre le MEEM et l’ASP prévoit la transmission trimestrielle au ministère du nombre de contrôles sur pièces ou sur place effectués et des anomalies constatées au cours de ces contrôles avec une répartition entre contrôles aléatoires et ciblés. Les modalités de vérification de la non-imposition du bénéficiaire de la prime de conversion de 500 € pour un véhicule d’occasion n’ont pas été fournies à la Cour. Des conventions sont conclues par les professionnels de l’automobile avec l’ASP. Elles prévoient les moyens de contrôle.
À la suite de cas frauduleux avérés en Norvège (Nissan Leaf) en septembre 2013 (280 000 € détournés) puis en juin 2014 (4 M€) à huit mois d’intervalle, les critères d’attribution du bonus ont été modifiés. Un délai de six mois ou le parcours d’une distance minimale de 6 000 km est désormais exigé avant toute cession du véhicule. La quasi-totalité des aides sont versées sous forme d’avance faite par les concessionnaires à leurs clients, le concessionnaire se faisant ensuite rembourser par l’ASP. Dans les cas litigieux, l’ASP a émis des ordres de reversement à l’encontre des concessionnaires n’ayant pas, volontairement ou non, procédé aux contrôles prévus par la convention conclue avec l’ASP. Les concessionnaires qui ont contesté ces ordres de reversement ont engagé des procédures actuellement en cours devant les tribunaux administratifs compétents.
Par ailleurs, lorsque les opérations mises en œuvre ont impliqué des irrégularités relevant de la compétence des services des impôts ou des douanes, et qu’un nombre important de véhicules était concerné, plusieurs enquêtes judiciaires ont été ouvertes. Elles devraient permettre d’établir les responsabilités de chacun des acteurs, certains des concessionnaires impliqués étant suspectés d’être directement complices des fraudes commises. Le directeur général de l’énergie et du climat a demandé à la chambre syndicale internationale de l’automobile et du motocycle (CSIAM) et au comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA) de relayer un message de vigilance auprès des constructeurs afin qu’ils se livrent à une surveillance plus attentive des activités de leurs concessionnaires et agents de marque.
Le contrôle du crédit d’impôt développement durable
Au cours la période contrôlée, le CIDD n’a jamais été un thème choisi au niveau national pour programmer des investigations. Selon la DGFiP, « aucun dispositif fiscal ne constitue en soi un motif ou un axe de programmation ».
Il est vrai que la complexité du dispositif nécessite souvent des contrôles sur place, onéreux pour l’administration : la demande de la production des factures est par exemple insuffisante pour savoir si l’isolation a concerné au moins 50 % de la surface des murs ou si les fenêtres remplacées représentent au moins la moitié des fenêtres du logement.
Rencontrés dans le but d’appréhender les difficultés concrètes du contrôle, les agents d’une direction régionale des finances publiques ont insisté sur la difficulté des contribuables à bien comprendre la mesure, sur la complexité de la norme et sur l’attitude de certaines entreprises qui « vendent du CIDD », ce qui induirait plus de litiges que la mauvaise foi du contribuable, comportement jugé marginal.
Le fait que les normes aient évolué rapidement, parfois d’une année à l’autre pour certains produits, a pu avoir pour conséquence qu’un équipement commandé en année N-1, installé et payé en année N, n’était plus conforme à la réglementation CIDD de l’année N et ne puisse plus faire l’objet d’une réduction d’impôt82. En 2014, cela a concerné par exemple les panneaux photovoltaïques ou les systèmes de récupération des eaux pluviales, comme cela avait été antérieurement le cas pour les pompes à chaleur air/air à partir de 2009.
Par ailleurs, parmi les dossiers signalés par la DGFiP comme ayant entraîné de nouvelles instructions aux services fiscaux, beaucoup portent sur le fait que le CIDD ne s’appliquait qu’à une fraction du coût de l’équipement. Il est peu compréhensible pour le contribuable qu’en changeant un ancien chauffage électrique par convecteur par un chauffage central à eau chaude et fonctionnant avec une chaudière à condensation, seule la chaudière soit prise en charge par le CIDD et aucunement les radiateurs.
Le contrôle de l’Éco-PTZ
La société de gestion des financements et de la garantie de l’accession sociale à la propriété (SGFGAS) centralise toutes les données relatives à la mesure et suit les encours bancaires dans chaque réseau ayant octroyé des prêts, chaque établissement bancaire étant chargé de vérifier la conformité des factures aux devis justifiant du montant du prêt. En revanche, la SGFGAS a conduit des contrôles par sondage dès le lancement de la mesure.
Sur 8 705 prêts contrôlés, 997 étaient porteurs d’anomalies, soit 11,4 %. Le taux de non-conformité s’est d’abord amélioré sensiblement, passant de 16 % pour les offres émises en juillet 2009 (quatre mois après ouverture du dispositif) à 6 % pour celles émises en juillet 2010, mais ce niveau est remonté à 10 % ensuite.
Les deux premières années de contrôle ont porté pour l’essentiel sur les premières générations d’Éco-PTZ distribuées par les établissements de crédit dans un contexte règlementaire nouveau, précisé par la suite. Les contrôles les plus récents portent sur des prêts soumis à une réglementation plus complète.
Des contrôles plus techniques sur les opérations de rénovation globale permettraient d’évaluer l’atteinte des objectifs annoncés. Cependant la base contrôlable est très restreinte, moins de 1 % des Éco-PTZ ayant été conclus sur ce fondement. Le taux d’anomalie reste important pour cette mesure.
Le contrôle de la TVA à taux réduit
Le contrôle de la bonne application du taux réduit de TVA relève du droit commun83. L’impossibilité d’identifier et de quantifier statistiquement les anomalies constatées sur la TVA à taux réduit pour la rénovation thermique des logements empêche de dresser un panorama fiable des irrégularités ou même des difficultés d’application du taux réduit.
Les documents et études relatifs aux phénomènes de fraude liés à la TVA ne semblent pas désigner les taux réduits comme un risque spécifique. Notamment, si un rapport de juin 201584 considère que les taux réduits constituent un facteur de complexification de la gestion – et donc du coût – de la TVA, il n’en fait pas des cibles spécifiques d’une stratégie de contrôle rénovée, laquelle devrait plutôt s’attacher aux mécanismes de fraude complexes et organisées.
Ce panorama des contrôles par les administrations des dépenses fiscales illustre la difficulté de ces derniers pour les dispositifs précis et fluctuants (tel le CIDD-/CITE), ainsi que l’absence de données disponibles par dépense fiscale.
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
Le suivi des dépenses fiscales est donc largement défaillant dans le champ du développement durable, à l’image des constats déjà dressés par la Cour d’une façon générale. L’absence d’instruments de pilotage adaptés est particulièrement en cause, alors que la spécificité du secteur justifierait des outils d’évaluation adaptés.
Alors que la mise en place des conférences fiscales laissait espérer une amélioration de ce constat, cet outil n’a pas tenu ses promesses et n’est pas devenu opérationnel, comme l’attestent les résultats des dernières conférences fiscales en matière environnementale.
En outre, les dépenses fiscales non numérotées ou déclassées ne sont pas suivies. Les ministères semblent ignorer certaines dépenses fiscales rattachées à leur programme, quand d’autres les contestent. Les dépenses les plus coûteuses et dommageables pour l’environnement ne sont pas rattachées à la mission « Écologie » et ce ministère n’est pas consulté ou informé de leur évolution.
Les coûts eux-mêmes sont mal évalués. Si des difficultés de chiffrage sont inhérentes à la nature de certaines dépenses fiscales, les écarts constatés entre prévision et exécution justifieraient un cadrage méthodologique. En outre, le risque de dérapage budgétaire justifierait d’introduire des gardes-fous, soit par limitation temporelle des dispositifs, soit par plafonnement de la dépense, même si de telles dispositions ne vont pas sans difficultés de mise en œuvre.
De ce fait, la transparence en matière d’information du Parlement est partielle et la représentation nationale ne peut se baser sur des estimations fiables de dépense, et constate, en général près de deux ans après l’exécution de la dépense fiscale, le montant effectivement non encaissé. Ce retard ne permet que des rectifications tardives, ce qui conduit parfois à des modifications soudaines et substantielles des conditions pour les acteurs privés.
Compte-tenu de ces constats, la Cour formule les recommandations suivantes :
borner dans le temps les dépenses fiscales, lors de leur création ou leur modification, en application des dispositions de la LPFP de 2014 ;
compléter les documents budgétaires (PAP et RAP) en classant les dépenses fiscales en fonction des objectifs du programme auquel elles se rattachent ;
procéder à l’évaluation exhaustive des dépenses fiscales d’ici à fin 2019 ;
mettre en place des mesures de plafonnement des dépenses fiscales, avec des mesures d’encadrement pluriannuel de la dépense ou d’agrément administratif préalable ;
indiquer dans la documentation budgétaire les meilleurs chiffrages disponibles au sein de l'administration et préciser la marge d'incertitude ;
mieux utiliser les conférences fiscales telles qu’issues de la LPFP de 2012 au même titre que les conférences budgétaires, en associant plus étroitement les ministères dépensiers au suivi des dépenses fiscales, et les rendre plus opérationnelles en proposant des mesures d’adaptation des dépenses fiscales en cas de dérive du dispositif.
Une efficience incertaine
Alors que l’efficacité mesure le rapport entre les objectifs et les résultats, la mesure de l’efficience consiste à comparer les résultats obtenus et les moyens mobilisés, financiers ou humains, au regard de l’objectif fixé. L’existence d’autres méthodes qui auraient permis d’atteindre le même résultat de façon plus économe peut compléter cette analyse. Enfin, si une mesure efficiente est nécessairement efficace, l’inverse n’est pas toujours vérifié.
Dans le cas de l’évaluation des dépenses fiscales en faveur de l’environnement, l’appréciation de leur efficience pose plusieurs problèmes :
l’objectif de la mesure n’est pas nécessairement, exclusivement ou prioritairement environnemental ;
la mesure se place dans un ensemble plus vaste de dispositifs concourant à une politique publique donnée et il est souvent délicat d’isoler l’effet de la seule dépense fiscale ;
les données disponibles ne permettent pas nécessairement d’avoir une situation de référence et de connaître la situation qui aurait prévalu en l’absence de la mesure analysée ;
enfin, pour certaines dépenses, l’absence de données relatives au nombre de bénéficiaires ou au coût de la mesure ne permet même pas un calcul de l’efficacité. Ainsi, pour les deux tiers des dépenses fiscales, favorables comme défavorables, le nombre des bénéficiaires est indisponible. Les montants des dépenses fiscales favorables sont en apparences mieux connus, mais 18 % de ces dispositifs ont un montant nul ou inférieur à 500 000 €.
proportion des données non renseignées relatives aux bénéficiaires
et aux montants (en nombre de dépenses fiscales)
| Dépenses fiscales ayant une incidence favorable | % | Dépenses fiscales ayant une incidence défavorable | % |
Valeur du champ « bénéficiaires » pour l’année 2013 | Valeur du champ « bénéficiaires » pour l’année 2013 | Valeur du champ « bénéficiaires » pour l’année 2013 | Valeur du champ « bénéficiaires » pour l’année 2013 | Valeur du champ « bénéficiaires » pour l’année 2013 |
Donnée renseignée (autre que 0) | 11 | 25 % | 8 | 29 % |
ND ou ou (vide) ou 0 | 33 | 75 % | 20 | 71 % |
Valeur du champ « montant » pour l’année 2015 | Valeur du champ « montant » pour l’année 2015 | Valeur du champ « montant » pour l’année 2015 | Valeur du champ « montant » pour l’année 2015 | Valeur du champ « montant » pour l’année 2015 |
Donnée renseignée (autre que 0) | 28 | 64 % | 16 | 57 % |
ε | 8 | 18 % | 3 | 11 % |
NC ou | 8 | 18 % | 9 | 32 % |
Nombre de dépenses numérotées | 44 | 100 % | 28 | 100 % |
Source : Cour des comptes à partir des documents budgétaires (RAP 2015)85
Méthodes d’évaluation de l’efficience des dépenses fiscales
Pour l’analyse de l’efficience de l’outil fiscal proprement dit, deux approches générales coexistent :
* La première approche est la méthode fondée sur une situation de référence, utilisée par exemple par l’Insee dans son analyse du bonus/malus écologique86. Cette méthode, quantitative, consiste à définir un modèle afin d’estimer ce que la situation aurait été en l’absence de la mesure fiscale. L’écart entre la situation observée et la situation de référence permet de mettre en évidence les effets « purs » de la mesure, les effets d’aubaine et les effets induits. Le résultat de la mesure, par exemple en émissions de CO2 évitées87, peut être chiffré par l’écart par rapport au modèle, et comparé à des stratégies alternatives pour atteindre le même objectif.
* L’autre approche, choisie pour l’évaluation de certaines dépenses fiscales, se rapproche de la mesure de l’efficacité88, et consiste à comparer l’atteinte d’un objectif chiffré, par exemple le nombre de logements sociaux construits ou aidés, au montant de la dépense fiscale, et à chiffrer le montant moyen de l’aide unitaire. Ce chiffre permet de comparer l’efficacité relative des dépenses fiscales entre elles, ou encore l’évolution dans le temps de l’efficience relative d’une même dépense fiscale.
Compte tenu de la faible précision des objectifs affichés comme des données disponibles, l’approche retenue dans les développements qui suivent estime une situation de référence pour analyser quantitativement l’effet des mesures fiscales. À défaut, l’analyse qualitative apprécie la pertinence de la dépense fiscale au sein de la politique globale dans laquelle elle s’inscrit.
Analyse de l’effet sur la réduction des émissions de CO2
Pour analyser les effets des mesures fiscales sur le développement durable, une méthode spécifique peut compléter l’approche globale. L’impact environnemental des mesures étudiées peut en effet être analysé par les émissions de CO2 couvertes par le dispositif. Ce critère est certes réducteur, car d’autres polluants (particules notamment) ou externalités (perte de biodiversité, etc.) sont aussi à prendre en compte. D’autre part, ce critère n’est pas applicable à toutes les catégories de dépenses fiscales, en particulier celles concernant les espaces naturels, mais il reste néanmoins pertinent, particulièrement pour les dépenses fiscales relevant des domaines de l’énergie, des carburants ou des transports, car l’émission de CO2, tout comme les autres polluants associés, est proportionnelle à la consommation d’énergie fossile.
Dans le cas d’une mesure qui s’accompagne d’une émission de CO2, la dépense fiscale en euros par tonne de CO2 émis est l’unité de mesure utilisée. Dans le cas d’une mesure qui vise à diminuer les émissions de CO2, c’est le coût en euros de la tonne évitée qui devient l’unité de mesure. Ces comparaisons permettent d’apprécier l’impact comparé du soutien de la dépense fiscale quant au CO2 en particulier, et par extension à l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre (GES) en général.
Analyse de l’effet sur les marchés : la sensibilité prix, un effet de long terme
Les dépenses fiscales en faveur de la protection de l’environnement visent à modifier le comportement des consommateurs : l’analyse de leur capacité à inciter les agents économiques à émettre le moins de CO2 possible est ainsi au cœur de la mesure de l’efficience.
La baisse du prix d’un bien donné peut conduire à une surconsommation, à pouvoir d’achat global constant. Dans le cas des mesures de soutien sectoriel qui viennent diminuer le prix de l’énergie, l’effet indirect est alors d’augmenter la consommation d’énergie, et donc les émissions de CO2. Les valeurs d’élasticité prix varient dans le temps et selon les pays, notamment si des alternatives existent pour satisfaire le même besoin.
Concernant les secteurs de l’industrie et des transports, l’élasticité-prix est relativement faible à court terme : les installations industrielles ou les véhicules ne peuvent être changés rapidement, et les consommateurs doivent accepter de payer plus cher l’énergie. L’élasticité prix est en revanche plus importante à long terme, car les consommateurs ont alors le temps de s’adapter. Pour les ménages, une étude de l’Insee89 a estimé une élasticité prix quasi nulle à court terme sur l’énergie domestique (chauffage, cuisine). Le budget consacré à l’énergie domestique est ainsi « subi », la variation des prix ayant simplement pour effet de faire varier d’autant les dépenses à court terme, sans possibilité d’adaptation, donc sans changement de comportement. L’élasticité est de l’ordre de - 0,2 à long terme, ce qui reste relativement faible. En revanche, les élasticités-prix sont plus importantes pour le carburant, le changement de véhicule ou l’utilisation de moyens de transport alternatifs étant – relativement – plus aisé.
élasticités prix de court terme et de long terme pour quelques domaines
Domaine | Élasticité prix de court terme | Élasticité prix de long terme |
Carburant transport routier90 | - 0,3 | - 0,6 |
Carburant transport des ménages | - 0,288 | - 0,591 |
Énergie domestique88 | ε | - 0,2 |
Source : Cour des comptes, d’après Insee, CIRED, CE Delft
Ces données seront utilisées pour estimer la surconsommation d’énergie liées aux mesures fiscales diminuant le prix de l’énergie. D’ores et déjà, deux constats sont susceptibles d’être tirés des valeurs d’élasticité prix.
L’effet sur la consommation d’énergie d’une mesure fiscale peut être estimé grâce à la comparaison des élasticités. Les modifications de comportement sont presque nulles pour l’énergie domestique, un peu plus fortes pour le carburant. Les dépenses fiscales qui visent l’énergie domestique (par exemple l’isolation des logements) sont donc moins efficientes que celles qui visent les carburants routiers ;
Par ailleurs, les élasticités prix de long terme sont plus importantes que celles de court terme : le changement de comportement des consommateurs ne peut être obtenu que si un délai suffisant permet une modification des usages des acteurs économiques. Les mesures fiscales qui ont pour ambition de changer les comportements doivent donc être suffisamment stables dans le temps pour être efficaces, sinon de trop fréquentes variations risquent d’engendrer essentiellement des effets d’aubaine. Il va de soi que ce type de dépenses devrait, du fait de sa durée, faire l’objet d’une évaluation particulièrement attentive et mises en place dès leur création.
Les résultats modestes de l’incitation à la rénovation des logements
En matière d’amélioration de la performance énergétique des logements, plusieurs dépenses fiscales numérotées peuvent être suivies. Ces dépenses fiscales, dont le montant cumulé s’élève à 3 774 M€ en 2015, s’imputent sur quatre types d’imposition : impôt sur le revenu, TVA, impôt sur les sociétés et dégrèvement de taxes foncières.
Les dépenses fiscales pour l’isolation des logements sont :
le crédit d’impôt pour la transition énergétique (900 M€) pour les particuliers effectuant certains travaux en faveur des économies d’énergie ;
le taux de 5,5 % pour les travaux d'amélioration de la qualité énergétique des locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans, ainsi que sur les travaux induits qui leur sont indissociablement liés (1 120 M€) ;
l’éco-prêt à taux zéro, crédit d'impôt au titre d'une avance remboursable ne portant pas intérêt, destinée au financement de travaux de rénovation afin d'améliorer la performance énergétique des logements anciens (110 M€) ;
le dégrèvement d’un quart des dépenses liées aux travaux d’économie d’énergie, sur la cotisation de TFPB pour les organismes HLM et les SEM (100 M€) ;
la TVA à taux réduit pour les travaux réalisés par les HLM (1 544 M€92) ;
l’exonération partielle ou totale de TFPB pour les logements qui font l’objet, par le propriétaire, de dépenses d’équipement (non numérotée).
Ces différents dispositifs peuvent se cumuler, les travaux éligibles au CITE et à l’Éco-PTZ pouvant également bénéficier de la TVA à taux réduit ou de l’exonération de TFPB. L’assiette de ces deux derniers dispositifs est cependant plus large : des travaux non éligibles au CITE ou à l’Éco-PTZ, par exemple ceux effectués par une entreprise non labellisée « Reconnue garante de l’environnement » (RGE), pouvant néanmoins bénéficier de la TVA à taux réduit ou de l’exonération de TFPB.
Une atteinte des objectifs très relative
Si les objectifs, principalement environnementaux, assignés à ces mesures, sont ambitieux, leurs résultats restent en revanche modestes.
Des objectifs quantitatifs, une ambition environnementale
Alors que la loi de finances pour 200593 avait fixé une ambition de rénovation de 400 000 logements par an (objectif porté à 500 000 logements par an en 2013), la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement94 a fixé un objectif de réduction de 38 % de la consommation énergétique du parc de bâtiments existants à l’horizon 2020, ainsi qu’un objectif de 23 % d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie d’ici à 2020. En revanche, il n’a pas été fixé de norme claire quant au niveau de performances que devaient atteindre les logements rénovés, ni précisé quelles vérifications seraient opérées.
Pour atteindre ces objectifs, la loi Grenelle I prévoyait la mise en place d’incitations financières destinées à faciliter la réalisation des travaux de rénovation énergétique :
d'une part, des rénovations lourdes sur les résidences principales privées les plus énergivores, grâce à l'attribution d'un éco-prêt à taux zéro, correspondant au total à un objectif de rénovation complète de plus de quatre millions de logements, le cap de 400 000 par an devant être atteint en 2013 ;
d'autre part, des rénovations intermédiaires sur environ neuf millions de logements d’ici 2020, aidées via le CIDD.
En parallèle de ces objectifs chiffrés, les projets annuels de performance du programme 174 – Énergie, climat et après mines précisent que le CIDD concourt à divers objectifs, qui se sont accumulés depuis 2009 : inciter les particuliers à réaliser des travaux de rénovation améliorant la performance énergétique ; soutenir le développement de filières d’équipements performants ou utilisant les énergies renouvelables ; inciter à la recherche et au développement dans le domaine des énergies renouvelables pour développer des « filières vertes » en France ; inciter à implanter en France des chaînes de production de ces équipements ; créer des emplois liés à l’installation, l’exploitation et la maintenance de ces équipements ; faire évoluer les standards de marché vers des performances élevées ; améliorer le pouvoir d’achat des ménages et les protéger contre la volatilité des prix de l’énergie ; accompagner d’autres politiques publiques, comme l’amélioration de la qualité de l’air.
Des objectifs à venir très ambitieux par rapport à l’état du parc95
La loi « Transition énergétique et croissance verte » du 17 août 2015 dispose qu’à l’horizon 2050 il sera nécessaire de disposer d'un parc immobilier dont l'ensemble des bâtiments sont rénovés en fonction des normes « bâtiment basse consommation » (BBC) ou assimilées, en menant une politique de rénovation thermique des logements concernant majoritairement les ménages aux revenus modestes.
La norme BBC qui équivaut aujourd’hui à la prescription de la réglementation thermique 2012 pour les logements neufs (RTE 2012) fixe pour les logements neufs une exigence énergétique de 50 kilowattheures d’énergie primaire au mètre carré de surface hors œuvre nette96 par an, résumée en 50 kWhep/m²/an. La norme BBC pour la rénovation des bâtiments existants est moins sévère, avec une exigence de consommation inférieure à 80 kWhep/m²/an.
L’ambition d’amener la totalité du parc de logements aux normes BBC en 2050 doit être confrontée à la situation constatée au moment où s’est débattue la loi. Les études publiées par le commissariat général au développement durable ou par des experts privés97 arrivent en effet au même résultat : moins de 1 % du parc de logements français est à la classe A (BBC neuf) et moins de 3 % est à la classe B, proche du niveau que tous devraient atteindre en 2050.
De nombreux logements rénovés
Les objectifs en nombre de logements pour l’éco-prêt à taux zéro sont très loin d’être atteints : le nombre de prêts émis est passé de 80 000 en 2010 à environ 31 000 pour 201398, contre un objectif de 400 000 logement rénovés complètement chaque année, fixé à l’article 5 de la loi Grenelle 1. En supposant que l’objectif de la loi Grenelle couvre toutes les rénovations, et non seulement celles aidées par l’éco-prêt à taux zéro, seuls 290 000 logements ont fait l’objet d’une rénovation énergétique performante achevée en 201499. Si l’on ajoute à ce nombre environ 100 000 logements sociaux rénovés, sans pouvoir disposer de document sur la nature des travaux, on est quand même proche de l’objectif en volume de la loi Grenelle 1.
Mais le recours au CIDD-CITE est également en baisse, passant de 1,56 million de ménages bénéficiaires de la mesure en 2010 à 730 000 en 2014100, pour un total escompté de 5,92 millions de bénéficiaires sur la période 2010-2014, baisse que le MEEM relie à la réduction du périmètre des équipements éligibles.
L’ADEME, en charge de l’évaluation de ces mesures, a financé un travail universitaire101 qui permet de conclure que « l’étude qui a été menée sur l’impact de ce dispositif sur les travaux sur l’enveloppe thermique du logement (isolation des parois vitrées et opaques) suggère que le CIDD a eu un effet positif sur la décision d’investir des ménages, celui-ci devenant significatif deux à trois ans après la création du CIDD. Nos résultats mettent également en évidence un ajustement à la hausse des dépenses consacrées aux équipements ouvrant droit au CIDD lorsque le niveau de subvention a été augmenté entre 2006 et 2008 pour une partie des ménages ».
Cependant, il convient de garder à l’esprit que le nombre de logements rénovés annuellement n’est qu’un objectif dérivé de l’objectif principal, celui d’une baisse de 38 % de la consommation énergétique des logements à horizon 2020, objectif de l’article 5 de la loi Grenelle I. Le scénario visé, dit scénario MEEDDAT102, est issu des groupes de travail du Grenelle de l’environnement. Il combine des rénovations « lourdes » financées par l’Éco-PTZ, des rénovations « intermédiaires » financées par le CIDD-CITE, des destructions de logements (200 000 logements/an) ciblées sur les plus énergivores, et une rénovation massive des logements sociaux.
Une atteinte des objectifs environnementaux décevante
L’objectif principal de la loi Grenelle I est une diminution de la consommation énergétique des logements de 38 % entre 2009 et 2020. Or, comme le montre le tableau ci-dessous, la tendance récente observée est une quasi-stagnation de la consommation énergétique, liée à l’accroissement du parc de logements et à l’augmentation importante des usages spécifiques de l’électricité (ordinateurs, télévision, etc.). Cependant, dans ce total, la part de la consommation d’énergie liée au chauffage a diminué, quoique modestement, sous l’impact des différentes actions visant aux économies d’énergie dans le logement (isolation, amélioration de l’efficacité des modes de chauffage, etc.).
consommation énergétique globale des logements (en TWh)
Année | 2009 | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 (p) | 2016 (p) | 2016 vs 2009 |
Total | 498 | 500 | 507 | 508 | 504 | 500 | 499 | 493 | - 1,0 % |
dont chauffage | 342 | 344 | 344 | 342 | 337 | 332 | 326 | 317 | - 7,3 % |
Source : Cour des comptes, d’après les PAP du programme 135 (indicateur 5.1)
Si les dépenses fiscales relatives au logement semblent donc contribuer à un grand nombre de rénovations, elles s’avèrent peu performantes du point de vue énergétique. Au cours de la période 2009-2016 (l’année 2009 est la référence de l’objectif de la loi Grenelle I), la consommation totale d’énergie a décru de 1,0 %, alors que l’objectif est une baisse de 38 % d’ici 2020. Au vu des tendances actuelles, et en dépit des sommes significatives engagées, les ambitions de la loi Grenelle I sur la diminution de la consommation énergétique semblent très difficiles à atteindre.
Quant aux objectifs environnementaux analysés par type de mesure, seul le CIDD a fait l’objet d’études103, d’ailleurs nombreuses, notamment en vue de modéliser les effets de ce dispositif sur les comportements individuels104. Après l’avoir analysé en avril 2011, le comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales105 a conclu que le CIDD « a contribué à l’atteinte des objectifs environnementaux […] mais que ces progrès ne se font pas à moindre coût ». À la suite de cette première évaluation administrative, il a été décidé d’engager une mesure de révision générale des politiques publiques sur le CIDD106 présentée en mai 2012, et visant à renforcer son pilotage.
La Cour a conduit un contrôle de cette dépense fiscale du point de vue de la politique de l’environnement (exercices 2005 à 2010). Cette enquête a donné lieu à des observations définitives en janvier 2013107, constatant que « le CIDD souffre d’une grande complexité et son champ d’application n’a cessé de varier depuis son instauration par la loi de finances de 2005 » et recommandant d’approfondir l’analyse des filières, afin de limiter les effets d’aubaine, de clarifier et simplifier les instructions fiscales et de poursuivre, pour les dispositifs dont la performance énergétique est liée à la qualité de l’installation et de la maintenance, la mise en œuvre de conditions d’agrément des installateurs et des entreprises. Ces recommandations ont été partiellement mises en œuvre avec la transformation du CIDD en CITE.
Le lent développement des filières « vertes »
En réponse aux recommandations de la Cour, la DHUP et la DGEC ont indiqué que le dispositif du CIDD avait fait l’objet d’évolutions régulières afin de renforcer la performance des équipements éligibles. Cette évolution de la définition des équipements éligibles au regard de leur performance réelle a conduit au retrait de certains équipements dont le marché était jugé suffisamment mature ou dont l’efficacité en termes de performance énergétique était discutable (retrait des pompes à chaleur air-air ou de certains types de panneaux photovoltaïques). La réactivité du pilotage du CIDD a ainsi permis d’accompagner une montée en gamme des équipements et des techniques de rénovation énergétique des bâtiments, contrepartie positive de l’instabilité réglementaire constatée.
Le deuxième effet induit par le CIDD a été de renforcer le mouvement de labellisation des équipements éligibles engagé par le secteur privé, facilitant la transcription des normes européennes dans des critères d’identification simples. Ces démarches qualité ont conduit à la création de labels dans quatre grandes filières identifiées par la DGEC : solaire thermique ; pompe à chaleur ; appareil de chauffage au bois ; travaux de maîtrise de l’énergie (isolation des parois opaques/vitrées, etc.).
Le CIDD avait également pour objectif de développer en France des filières de production « vertes » et d’améliorer la qualité de l’offre d’équipements. Parmi les activités aidées par le CIDD, la filière bois est celle qui semble avoir été la mieux valorisée : les filières d’énergies renouvelables « bois » et « solaire thermique » sont les seules à bénéficier d’une balance commerciale excédentaire105, 108.
Si l’on estime que l’objectif de soutien de l’industrie était un élément fort du CIDD, les résultats restent mitigés. S’il s’agissait, en soutenant la demande, d’aider les producteurs nationaux à innover par des offres plus technologiques, l’évolution du CIDD a difficilement pu y contribuer : un effort de recherche et développement s’accommode mal de remises en cause des normes chaque année, d’autant que les normes européennes l’emportent sur des incitations nationales peu pérennes.
La certification des professionnels responsables de la pose des équipements
Afin de garantir la qualité de l’installation des équipements et des travaux de rénovation énergétique des bâtiments, l’État et l’ADEME ont lancé, en partenariat avec les professionnels, l’élaboration d’une charte qualité. Cette charte de « reconnaissance Grenelle Environnement » (RGE) a été signée en novembre 2011. Au-delà de cette charte, a introduit une « éco-conditionnalité » dans le CIDD, et la l’a étendue à certains travaux financés par l’Éco-PTZ, c’est-à-dire que l’aide fiscale est désormais réservée à des matériels et équipements posés par des professionnels disposant d’une certification à la réalisation de travaux de rénovation énergétique des bâtiments. Fin 2015, environ 50 000 entreprises avaient obtenu un label RGE109 (+20 000 en un an, sur un potentiel de 150 000).
Une efficience contrariée par des effets d’aubaine
Le dispositif de soutien à l’isolation thermique des logements a été analysé selon la logique issue du rapport Guillaume : ciblage de la mesure, accessibilité, atteinte des objectifs affichés (efficacité), instruments alternatifs (efficience). L’analyse de l’efficience environnementale a également été menée, pour mettre en regard les performances obtenues sur les émissions de gaz à effet de serre et l’effort financier déployé par la sphère publique.
De nombreux effets d’aubaine non mesurés
L’assiette assez large du CIDD a développé rapidement le marché par un effet réel d’incitation, mais a aussi créé des effets d’aubaine pour l’acquisition de certains équipements qui ont d’ailleurs été par la suite exclus de la liste d’éligibilité. Il en a été ainsi, par exemple, des pompes à chaleur air-air dites réversibles, concourant au chauffage l’hiver et à la réfrigération l’été : l’argument d’un meilleur confort a été un argument puissant pour leur diffusion, au détriment des économies d’énergie, puisque le dispositif consommait quasiment toute l’année au lieu des seuls mois d’hiver. De même, les fenêtres à multiples vitrages ont pour mérite de bien isoler du bruit, mais sont de peu d’effet sur la consommation énergétique quand elles ne sont pas intégrées dans des parois opaques elles-mêmes isolées.
Les restrictions apportées à l’usage du CITE et le ciblage sur les équipements les plus performants diminuent notablement ces inconvénients, mais le plafonnement des dépenses éligibles ne le rend pas très incitatif pour une démarche globale de rénovation :
seuls certains équipements sont pris en compte, alors que leur pose et tout l’équipement périphérique facilitant leur installation sont exclus ;
le montant des travaux éligibles est plafonné par période de cinq ans à un montant suffisant pour de petits travaux, mais peu incitatif pour une rénovation globale110.
Ce montant est suffisant pour provoquer un effet d’incitation à de petits travaux, voire maintenir des effets d’aubaine sur la fourniture d’un équipement de chauffage remplaçant une chaudière tombée en panne. Mais il est en revanche insuffisant pour déclencher des travaux globaux visant à atteindre en une seule fois le meilleur niveau réglementaire de performance.
Enfin, l’effet d’aubaine est très élevé pour la TVA à taux réduit en ce qui concerne les travaux d’entretien des équipements économisant l’énergie et même pour les travaux induits indissolublement liés à ces équipements : d’une part, quand une visite d’entretien ou une réparation de matériel de chauffage est inévitable, le taux de TVA est accessoire dans la décision de réparer ; d’autre part, l’installation d’une chaudière à bois est difficilement dissociable de l’aménagement d’une cheminée, que celle-ci soit soumise ou non à un taux de TVA réduit.
Selon l’ADEME, la simplification et l’harmonisation des systèmes de subventions pourraient être un moyen de limiter ces effets d’aubaine. Elle cite à cet égard l’action de la KfW (Kreditanstalt für Wiederaufbau ou institut de crédit pour la reconstruction) allemande, organisme de crédit capable de soutenir l’investissement en mobilisant à grande échelle des capitaux à bas coût. Le système français va nécessairement évoluer puisque l’article 14 de dispose que le Gouvernement doit proposer au Parlement, au plus tard le 1er janvier 2017, une aide globale se substituant à l’ensemble des aides fiscales, et subordonnée à un projet complet de rénovation et un rapport ex post. L’ADEME précise que ses études montrent qu’une aide croissante avec l’efficacité de la rénovation optimise la dépense publique111. Le carnet numérique, introduit par l’article 11 de la même loi pourrait être utilisé pour suivre la performance énergétique des logements au cours du temps.
Les limites du recours au CITE : l’exemple de la rénovation énergétique
d’un pavillon
Dans le cas d’un pavillon d’un seul niveau ayant une emprise au sol de 100 m2, les travaux de rénovation « efficaces » combinent :
- une isolation par le toit et l’extérieur des murs qui revient à 30 000 € d’isolant. Les travaux éligibles comprennent la fourniture et la pose, sans pouvoir dépasser 150 €/m2 pour l’isolant. En visant la meilleure isolation possible (bardage extérieur esthétique), 100 m2 d’isolant au plafond, et 100 m2 d’isolant sur les murs (10 m x 3 m pour chaque paroi, soit 120 m2 pour une maison carrée, moins la surface des portes et fenêtres) sont nécessaires ;
- en comptant le remplacement de six fenêtres et de deux portes, il faut ajouter 3 000 €, plus 1 000 € de pose ;
- enfin, une chaudière à granulé bois revient à 6 000 € environ, plus 3 000 € de pose et accessoires.
Le coût total des travaux atteint ainsi 43 000 € environ, dont 39 000 € éligibles au CITE. Si ce pavillon est habité par un couple avec deux enfants, qui bénéficie donc d’un plafond de travaux éligibles de 16 800 € par période de 5 ans, les travaux devront s’étaler sur 11 ans ou plus pour que tous bénéficient du crédit d’impôt.
En supposant que le logement passe de la classe F (350 kWh/an/m2) à la classe B (75 kWh/an/m2), c’est-à-dire que la rénovation thermique est efficace, le gain annuel s’élève à 27,5 MWh. À partir des prix de décembre 2015 de l’énergie112, en supposant que le chauffage passe du fioul domestique au granulé bois, le gain annuel est de 1 570 €. Il faut près de vingt ans, en intégrant le CITE, pour rentabiliser l’opération, hors inflation.
Des bénéficiaires majoritairement propriétaires et aisés
En 2012113 comme en 2015114, le commissariat général au développement durable a relevé que le CIDD est majoritairement utilisé par les ménages les plus aisés, souvent propriétaires. Ainsi, les propriétaires occupants de maisons individuelles représentent 76 % des ménages qui investissent dans les travaux de rénovation thermique et 82 % des ménages bénéficiaires du CIDD115, alors même qu’ils ne représentent que 45 % de la population. À l’inverse, les ménages locataires, qui par définition n’ont pas le même intérêt à réaliser ces travaux, représentent 31 % de la population, mais seulement 1 % des ménages déclarant avoir bénéficié du CIDD. Ces constats sont confirmés par les données exhaustives transmises par la DGFiP sur la période 2009-2014.
L’Éco-PTZ a été utilisé à 90 % par des propriétaires occupants. La part des maisons individuelles est écrasante, avec une part assez stable de 94 % des opérations. Les opérations se sont cumulées avec le CIDD pour plus de 45 % d’entre elles au cours des années où cette possibilité était proposée sous condition de revenus. Plus de la moitié des éco-prêts attribués de 2013 à 2015 ont été accordés aux deux plus hauts déciles de revenus116.
Ces constats peuvent être en partie expliqués par la répartition légale des charges entre locataire et propriétaire : le locataire n’est pas incité à effectuer les travaux car il ne bénéficie des économies que sur sa durée d’occupation du logement, et le propriétaire bailleur ne bénéficie pas des économies d’énergie liées aux travaux. Les propriétaires occupants sont ainsi les plus incités à effectuer des travaux de rénovation énergétique.
En plus d’un taux de recours plus élevé pour les ménages les plus aisés, le montant unitaire moyen du CIDD augmente également avec le décile de revenu. Les ménages les 10 % les plus aisés ont un montant moyen de CIDD 54 % plus important que celui des ménages les 10 % les moins aisés. Une première explication semble tenir au plafonnement de l’avantage fiscal. L’analyse des montants dépensés par les hauts déciles de revenu révèle que ces derniers ont déclaré beaucoup de petits travaux qu’ils auraient certainement pu financer sans aide publique : l’aide moyenne reçue sur la période de cinq ans est proche de 1 400 €.
Des aides indépendantes des revenus accentuent l’effet d’aubaine, ainsi que le confirment des études ex post117. En ciblant l’aide sur les ménages faisant face à des barrières à l’investissement, l’ADEME estime que l’efficience de la dépense serait renforcée, à condition que le taux de l’aide soit suffisant pour permettre les travaux.
Les freins nés de la complexité du recours au CIDD-CITE
À la différence de la TVA à taux réduit et de l’avantage de taux de l’Éco-PTZ, le CITE peut présenter des difficultés pour le contribuable, du fait de son état déclaratif précis, même si la mesure a été très simplifiée par rapport au CIDD. Pour la dernière année d’application de ce dernier (revenus et dépenses de 2014 déclarés en 2015), la notice explicative pour la déclaration 2042 QE avait ajouté à la confusion du fait du changement rétroactif des règles en fin d’année, d’où la mention des dépenses payées en deux colonnes, jusqu’au 31/08/2014 et à partir du 1/09/2014. Alors que comportait 4 pages, la notice explicative en comptait 10.
La difficulté principale déjà rencontrée au cours des années précédentes tenait dans la mise en place, à partir de 2012, de taux différents pour les mêmes travaux selon qu’ils étaient isolés ou groupés, formule dite du « bouquet de travaux » (en vigueur pour l’Éco-PTZ). Le conditionnement de l’éligibilité à la réalisation d’un bouquet de travaux a été supprimé à compter du 1er septembre 2014, lors de la transformation du CIDD en CITE.
Le dispositif de bouquet de travaux était intéressant du point de vue de l’efficacité énergétique, mais complexe pour les particuliers, en raison des majorations de taux de CIDD et de critères qu’il induisait. C’est pourquoi le recours préconisé par l’ADEME à des dispositifs d’accompagnement des particuliers, tels que des plateformes de rénovation, devrait être étudié.
Les rapports du médiateur des ministères économiques et financier mentionnent des saisines fréquentes relatives au CIDD de 2007 à 2009, notant par exemple en 2009 que « les différents dispositifs de crédit d’impôt pour l’habitation principale constituent une source constante de litiges soumis au médiateur ». Il semble, au vu des derniers rapports du médiateur, que les saisines aient diminué sur les années 2011 à 2014. Les services de la direction régionale des finances publiques (DRFiP) de Haute-Normandie ont confirmé les difficultés liées à la complexité de la législation et à son évolution constante.
Ainsi, dans les services d’accueil de la direction départementale des finances publiques (DDFiP) de Seine-Maritime, les questions relatives au CIDD représentent près de 15 % des demandes de renseignement au téléphone et au guichet et près d’un tiers des consultations physiques des contribuables.
Cette complexité pour le contribuable a été reconnue par la direction générale des finances publiques (DGFiP). La faible stabilité du mécanisme du crédit d’impôt dans le temps ainsi que, pour le CIDD, la formule du bouquet de travaux, rendent le recours au CIDD-CITE particulièrement complexe pour le contribuable.
Une assez faible efficience environnementale des mesures « logement »
Les études réalisées par le centre d'études et de recherches économiques sur l'énergie118 permettent d’avoir un suivi fin de la consommation énergétique des logements sur les différents postes (chauffage, eau chaude sanitaire, cuisson) au cours du temps. La quantité d’énergie consommée, pondérée par les facteurs d’émission déterminés par la base Carbone de l’ADEME, permet d’obtenir l’émission moyenne des logements à différentes dates. Le calcul ne montre pas au niveau macroscopique d’effet net de l’introduction du CIDD en 2005, même si la tendance est à la baisse des émissions moyennes par logement.
émissions annuelles de CO2 par logement (en tonnes)
Source : Cour des comptes, d’après étude CEREN 2015, base carbone ADEME, études 2005, 2010, 2012 et 2013 SNCU/AMORCE et AMORCE
Deux approches ont été utilisées pour chiffrer de manière plus fine le coût de la tonne de CO2 évitée par les dépenses fiscales sur le logement.
La première approche repose sur une étude de l’Insee119 sur l’évaluation économétrique du « sur-taux » de 25 à 40 % du CIDD, entre 2006 et 2012. En fonction des économies d’émission de CO2 annuelles liées aux travaux, cette étude permet de calculer le coût de la tonne de CO2 évitée, sur les vingt-cinq ans de la durée de vie de l’équipement. En supposant que l’intégralité des émissions du logement moyen est effacée suite aux travaux, le calcul conduit à 85 €/tonne de CO2 évitée, chiffre supérieur à la valeur tutélaire du carbone120 telle que déterminée dans le rapport Quinet121, qui la fixe environ à 32 € en 2010. En pondérant de façon plus réaliste les travaux réalisés selon leur efficacité énergétique, telle que catégorisée par l’étude OPEN122 (entre 1 et 3 étoiles), ce montant atteint 325 €/tonne de CO2 évitée.
La seconde approche prend en compte l’intégralité des économies d’énergie couvertes par les certificats d’économie d’énergie (CEE liés aux bâtiments résidentiels123), et affecte les économies associées aux dépenses fiscales. Certes moins robuste, mais couvrant un périmètre plus large, cette approche tend à minorer le coût de la tonne de CO2 évitée, car certaines des opérations de rénovation thermique ne sont pas liées aux dépenses fiscales. Le bilan effectué en 2016 par l’ADEME sur les CEE conduit à 385 TWh cumac124 économisés entre 2010 et 2014, et un facteur d’émission de 255 g de CO2/kWh en moyenne pour ces CEE. En comparant cette économie d’émission de 98 Mt de CO2 aux 21,0 Md€ de dépenses fiscales couvrant le logement sur cette période (y compris le logement social en métropole), on obtient un montant de 214 €/tonne de CO2 évitée.
Sur la base de ces analyses, le coût de la tonne de CO2 évitée par les dépenses fiscales en faveur du logement est compris entre 214 € et 325 €. Le coût d’évitement recommandé par le rapport Quinet de 2008 variait entre 32 à 56 €/tonne de CO2 entre 2010 et 2020125.
Les valeurs plus récentes du coût d’évitement de la tonne de CO2 restent dans des ordres de grandeur similaires : l’analyse comparative menée par le CGDD en 2010 conduit, selon les études126, à des valeurs entre 20 et 100 €/tonne de CO2 à horizon 2020, l’administration américaine donne une plage de 11 à 105 $/tonne en 2015 selon le taux d’actualisation retenu127, l’ADEME annonce des niveaux de l’ordre de 110 €/tonne de CO2 à l’horizon 2020128 et le ministère de l’environnement visait, après la COP21, une taxe carbone à 100 €/tonne de CO2 à l’horizon 2030129.
Le rapport de la mission Canfin-Grandjean-Mestrallet remis en juillet 2016130 effectue une revue de la littérature économique récente, avec des prix variant entre 10 et 79 €/tonne de CO2, et préconise un prix du carbone dans un « corridor » prévisible pour les marchés (prix plancher et prix plafond fixés), de 25 à 50 €/tonne de CO2 en 2020, à 40 à 100 €/tonne en 2030.
Au regard de ces chiffrages, qui n’ont pu être expertisés par la Cour mais qui justifieraient de plus amples évaluations, les mesures fiscales sur le logement conduisent à des coûts d’évitement significativement plus importants que les valeurs de référence du prix du carbone, et semblent ainsi inefficientes sur le plan environnemental.
En conclusion, il conviendrait de rendre plus ciblée l’aide globale à la rénovation thermique qui remplacera les actuelles aides fiscales, et de moduler son taux en fonction de la performance énergétique des travaux.
Les contradictions de la politique des transports
En matière de transports, les dépenses fiscales en faveur du développement durable, d'importance modeste, doivent être mises en regard de l’ensemble des dépenses défavorables, dont les montants sont beaucoup plus importants.
Ce constat mériterait d’être complété par un bilan équivalent comprenant les dispositifs relatifs aux transports autres que les dépenses fiscales.
Certaines mesures récentes ou à venir illustrent néanmoins une évolution favorable, telles que la réduction progressive du différentiel de taxation entre le gazole et l’essence, l’augmentation du taux de TICPE sur le gazole utilisé par le secteur du transport routier de marchandises, le recentrage du bonus écologique sur les véhicules électriques et hybrides.
Par ailleurs, le transport aérien international sera soumis à un marché carbone, soit au niveau européen dans le cadre de l’intégration des activités aériennes dans le système d’échange des quotas d’émission de gaz à effet de serre (ETS « aviation ») instauré en 2012 (dont la Cour, dans un référé de 2012131, notait les limites compte tenu du régime dérogatoire accordé au secteur aérien et du très faible niveau de la tonne de carbone sur le marché secondaire), soit au niveau mondial dans le cadre des instruments que pourrait créer l’accord attendu à l’OACI pour l’automne 2016.
L’exonération, totale ou partielle, de taxes sur les carburants est admise en droit européen « en raison d'une harmonisation insuffisante au niveau communautaire, des risques de perte de compétitivité au niveau international ou de considérations sociales »132.
Ces exonérations visent souvent un secteur donné (agriculture, pêche, etc.), avec pour objectif le maintien de la compétitivité. Les mesures fiscales de soutien sectoriel par détaxe de carburant portaient en 2014 sur 33 % des émissions françaises de CO2 par combustion d’énergie fossile, avec un taux de soutien moyen de 64 € par tonne de CO2.
Au total, près de 100 mégatonnes (Mt) de CO2 sont concernées par les vingt mesures quantifiées, à comparer aux 303 Mt de CO2 émises en 2014 en France du fait de la combustion d’énergie fossile. Cette proportion est particulièrement importante, mais s’explique par la prise en compte des combustions pour le transport aérien (n° 800109, 27 Mt de CO2), pour le transport routier (n° 800403, 26 Mt de CO2) et pour les consommations agricoles et piscicoles de gazole (n° 800201, 16 Mt de CO2).
En divisant le montant de la dépense par les émissions couvertes, ce qui revient à observer la pente entre la mesure et l’origine sur le graphique ci-dessus, on obtient la dépense fiscale moyenne ou le coût d’évitement de la tonne de CO2. La dépense n° 800109 (exonération de taxe intérieure pour les produits énergétiques à bord des avions) correspond au coût maximum (soutien de 98,5 €/tCO2) pour le maximum d’émission de CO2 émis, ce qui signifie qu’il y a une subvention de fait particulièrement importante à l’utilisation de ce carburant qui peut conduire à une forme d’incitation à la consommation d’énergie.
La détaxe du carburant pour le transport aérien conduit à diminuer les incitations pour les compagnies aériennes à rendre le transport plus efficient, et encourage comparativement les déplacements en avion en baissant le prix relatif de ces déplacements. L’effet de la détaxe sur les émissions de CO2 du transport aérien domestique est estimé de 10 à 30 %, soit des surémissions de 0,4 à 1,2 Mt de CO2 par an. Le taux de soutien par emploi, si tel est l’objectif de la détaxe, s’élève, selon les scénarios, de 250 à 310 000 € par emploi et par an.
D’une façon générale, la dispersion des taux de soutien montre les incohérences de la fiscalité des carburants, du point de vue de son impact environnemental.
classement de 19 dépenses fiscales133 étudiées en fonction de leur coût (M€, données dépenses fiscales 2014) et des émissions de CO2 soutenues partiellement ou totalement par la dépense (en Mt de CO2, données 2014134)
Source : Cour des comptes d’après documentation budgétaire et rapports environnementaux
Légende : le libellé étendu de la mesure fiscale est indiqué en Annexe n° 3 :, avec la correspondance suivante.
Graphique du haut : avions = n° 800109 ; agriculture/pisciculture = n° 800201 ; Outre-mer = n° 800401 ; bateaux = n° 800101 ; chaleur renouvelable = n° 730218 ; agriculture = n° 800405 ; transport routier = n° 800403
Graphique du bas : agrocarburants = n° 800107 ; Outre-mer = n° 710102 ; transport en commun = n° 120113 ; GNV = n° 800207 ; GPL = n° 800208 ; butane = n° 800203 ; Fluvial = n° 800117 ; cogénération = n° 800108 ; réseaux de chaleur = n° 800116 ; charbon = n° 800114 ; photovoltaïque = n° 180105 ; méthanisation agricole = LFI 2016.
Les dépenses fiscales relatives aux modes alternatifs au transport routier : des résultats incertains
Le soutien aux modes alternatifs de transports recouvre le soutien aux modes de transports alternatifs pour les personnes (transport en commun, vélo) et pour les marchandises (rail, fluvial). Le bonus-malus est une forme de soutien visant les véhicules plus propres. Parmi les huit dépenses fiscales concernées, seules les deux concernant les transports en commun (n° 120113 - dépense fixe de 100 M€ par an sur la période 2010-2015 - et n° 800404 - 60 M€ en 2015 contre 30 en 2010) ont fait l’objet d’une évaluation dans le rapport Guillaume (IGF, 2011). Elles ont été cotées 0 (non efficientes et non efficaces). Les deux dépenses fiscales relatives au transport de marchandises par voie fluviale (n° 230510 et 800117) représentent respectivement 1 et 36 M€ en 2015 (contre 0 en 2010). La dépense fiscale relative au système mixte rail/route135, seule dépense visant le mode ferroviaire, n’est pas numérotée et donc n’est pas suivie dans les documents budgétaires.
L’encouragement à la pratique du vélo, une niche encore mal évaluée
Deux dépenses fiscales ont été introduites récemment136 concernant les déplacements à vélo. L’une vise à favoriser le report individuel du transport domicile-travail vers le vélo, en mettant en place une indemnité kilométrique incitatrice au niveau individuel, prise en charge par l’employeur. L’autre incite les employeurs à développer les trajets à vélo de leurs salariés en instituant une réduction d’impôt à ce titre pour l’entreprise. Leur objectif commun est de favoriser le report du transport individuel vers le vélo, mode de transport moins polluant que la voiture.
Une estimation du coût existe pour l’indemnité kilométrique : 4 M€ pour le secteur privé (avec une hypothèse de prise en charge de 15 %, du fait du caractère facultatif, et de 3,6 % de salariés concernés pour un trajet moyen journalier de 6,8 km) et 2 M€ pour le secteur public. La réduction d’impôt a été introduite par amendement parlementaire, et n’a pas fait l’objet d’une étude d’impact.
Aucune évaluation de l’efficience de ces dépenses, il est vrai très récentes, n’est disponible à ce jour. Pour l’indemnité kilométrique, une expérimentation a néanmoins été menée entre décembre 2014 et juin 2015 et apporte quelques éléments. Selon l’ADEME137, après un an d’expérimentation locale138, le nombre d’usagers a été multiplié par deux et la part modale139 du vélo portée de 3,8 % à 8,5 %. L’évolution constatée des pratiques des salariés a permis une diminution globale de près de 2,7 tonnes de CO2 sur six mois, soit en moyenne 0,03 tonne de CO2 économisée par an et par nouvel usager du vélo. L’effet potentiel de cette mesure sur le report modal vers le vélo semble ainsi limité, touchant principalement des personnes utilisant auparavant le covoiturage ou les transports en commun.
mesure comparative de l’impact CO2
Modes de transport | Émissions de CO2 (en g/km) | Distance économisée sur six mois (en km) | Économie de CO2 sur six mois (en kg) |
Voiture | 224 | 833 | 187 |
Deux roues motorisées | 129 | 1 744 | 225 |
Transports en commun | 166 | 9 110 | 1 512 |
Vélo | 0 | - | - |
Covoiturage | 112 | 6 549 | 734 |
Train | 26 | 333 | 9 |
Total | - | 18 568 | 2 666 |
L’indemnité kilométrique vélo s’élève à 0,25 €/km141, soit un coût pour l’État d’environ 0,075 €/km, avec un taux moyen de cotisations sociales de 30 % du salaire brut, avec un plafond à 200 € par an142. Le coût de la dépense fiscale s’établit, en prenant en compte le plafond de 200 €, à 235 €/tonne de CO2 évitée.
Les dépenses en faveur des transports en commun, coûteuses
et aux effets mal connus
Trois dépenses fiscales sont rattachées à la thématique des transports en commun. Aucune évaluation ou donnée quantitative n’est disponible pour permettre un suivi ou une évaluation de leur efficience. Ces mesures s’insèrent de plus dans un dispositif fiscal complexe qui ne permet pas à l’administration de déterminer l’effet de la suppression d’une dépense fiscale ou de sa modification sur l’ensemble du dispositif. Les effets de levier ne sont donc pas aujourd’hui identifiables.
La dépense n° 120113 « Exonération partielle de la prise en charge par l’employeur des frais de transport entre le domicile et le lieu de travail » est une dépense ancienne, créée en 1948, dont l’objectif est de réduire le coût des abonnements à la charge du salarié, afin de créer une incitation économique en faveur de l’usage des transports en commun. La prise en charge partielle par l’entreprise étant obligatoire, le taux de recours au dispositif peut être estimé à 100 % pour les bénéficiaires imposables à l’IR. Selon le rapport Guillaume (IGF, 2011), le dispositif participe ainsi d’un ensemble plus global de dispositions destinées à contenir les charges professionnelles des salariés : il est l’accessoire de dispositions plus structurantes et son efficacité propre n’est pas avérée. Il n’existe par ailleurs ni évaluation sur la mise en œuvre de ce dispositif (avant ou après l’extension de 2009 à l’ensemble des salariés) ni données quantitatives à ce sujet. Enfin, il n’existe ni étude faisant le lien entre ce dispositif et le niveau d’utilisation des transports en commun, ni analyse ou estimation de l’impact de cette mesure en termes de réduction de trafic routier. Il n’est donc pas possible de quantifier dans quelle mesure la prise en charge partielle des frais de transport par l’employeur a contribué à la croissance de la fréquentation des transports en commun urbains143 durant les dernières décennies.
La dépense n° 800404 « Remboursement d’une fraction de taxe intérieure de consommation sur le gazole utilisé par les exploitants de transport public routier en commun de voyageurs » consiste en un remboursement partiel de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). L’objectif est d’inciter au développement du transport public routier en commun de voyageurs. Celui-ci correspond, selon le rapport Guillaume (IGF, 2011) à « une activité économique d'intérêt général ayant des effets croisés sur le niveau des infrastructures, l'aménagement du territoire, l'accessibilité sociale aux services de transport et l'environnement ». Les bénéficiaires sont les exploitants de transport public routier en commun de voyageurs. Le taux de remboursement est égal à la différence entre le tarif de TIC en vigueur dans la région d'achat du carburant pour la période considérée et le taux de 39,19 € par hectolitre144. Il n’existe pas d’évaluation de l’efficience de cette dépense. Les seules données disponibles sont celles des douanes en 2010 sur le nombre et la ventilation des demandes de remboursement : 1 491 remboursements pour 168 765 véhicules soit 29,49 M€ (175 € par véhicule).
nombre et ventilation des demandes de remboursements au titre de la dépense 800404 en 2010
| 2010 |
Nombre de demandes de remboursement nationales | 1 418 |
Nombre de demandes de remboursement communautaires | 73 |
Total demandes de remboursement | 1 491 |
Nombre de véhicules nationaux | 165 509 |
Nombre de véhicules communautaires | 3 256 |
Total véhicules | 168 765 |
Montants remboursés aux opérateurs nationaux (€) | 29 192 888 |
Montants remboursés aux opérateurs communautaires (€) | 300 763 |
Total remboursement (€) | 29 493 651 |
Montant moyen annuel remboursé par véhicule en € | 175 |
Source : SIDECAR (DGDDI).
Enfin, l’efficience de la dépense n° 820113 « Exonération de TICFE pour l’électricité utilisée pour le transport de personnes et de marchandises par train, métro, tramway et trolleybus » n’est pas évaluée.
Les effets d’aubaine du bonus-malus automobile, mesure à l’efficience controversée
S’il n’a pas été évalué dans le cadre du rapport Guillaume (IGF, 2011), cette mesure a néanmoins fait l’objet d’une évaluation de son efficience plusieurs fois depuis sa mise en place. En 2010, le CGDD145 indiquait que, conformément à son objectif, le dispositif contribuait à la réduction des émissions de CO2 du parc automobile.
Ces résultats ont été contredits en 2012 par une étude de l’Insee146. Elle indique147 qu’à court terme, le bonus-malus, dans sa mise en place en 2008, aurait augmenté les émissions totales de CO2 de près de 170 000 tonnes par trimestre (soit une hausse de 1,2 %) en raison notamment du surcroît de ventes de véhicules neufs. Elle précise aussi qu’à long terme, le bilan aurait été très négatif avec le barème de 2008, en raison de l’augmentation du parc induite par la baisse du prix des modèles d’entrée de gamme. Enfin, elle souligne qu’avec un barème moins avantageux et les mêmes comportements qu’en 2008, le bilan aurait été plus équilibré et proche de la neutralité en termes d’émissions de CO2. Il faudrait élargir ce bilan aux autres formes de pollution qui caractérisent en particulier l’usage du diesel (notamment l’émission de particules fines).
L’évaluation sur le long terme s’avère dans tous les cas très délicate du fait d’une éventuelle sur-réaction des acheteurs en 2008 et de l’évolution progressive et permanente du dispositif, notamment des barèmes appliqués qui évoluent une à plusieurs fois par an. Il n’existe pas à ce jour d’évaluation disposant d’un recul suffisant sur le dispositif du bonus-malus. Initialement créé pour une durée de cinq ans (2008-2012), ce dispositif a pourtant été prolongé lors du plan de soutien à la filière automobile de juillet 2012 jusqu’à fin 2014, puis à nouveau prolongé sans date limite par le décret n° 2014-1672 du 30 décembre 2014. Aucune de ces prolongations n’a été assortie de la condition d’une évaluation du dispositif.
Il n’a pas été possible d’établir un suivi du dispositif de 2008 à 2013 à seuils constants, les données ne pouvant être fournies par le CGDD (SOeS) pour certains seuils et certaines années.
part des véhicules dépassant les seuils du malus, à seuil constant
Seuil constant | 2008 | 2009 | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 |
Seuil malus 2008 : 161 g/km | 14 % | 8,89 % | 7,4 % | 6,69 % | 6,5 % | 3,5 % | 2,6 % | 2,1 % |
Seuil malus 2012 : 141 g/km | 36,7 % | 27,5 % | 22,0 % | 19,3 % | 16,4 % | 11,3 % | 8 % | 6,5 % |
Seuil malus 2013 : 135 g/km | | | | | 26,6 % | 17,1 % | 12,3 % | 9,7 % |
Seuil malus 2013 : 130 g/km | | | | | | | 17,3 % | 13,6 % |
Source : DGEC et CGDD (SOeS)
Le PAP 2015 présente néanmoins un nouvel indicateur unique sur les émissions moyennes de CO2 des véhicules neufs, qui fournit un début de comparaison sur l’évolution des résultats d’une année sur l’autre. Il est en lien avec les objectifs globaux définis dans le Grenelle de l’environnement et au niveau communautaire.
émissions moyennes de CO2 des véhicules neufs
| 2012 (exé.) | 2013 (exé.) | 2014 (exé.) | 2015 (prev.) | 2016 (prev.) |
Émissions moyennes en g de CO2/km | 124 | 117 | 114 | 110 | 106 |
Source : Cour des comptes d’après PAP du programme 791, années 2015 et 2016, DGEC
Pour les consommateurs dont le choix initial se serait porté sur des véhicules à faible consommation, même en l’absence du dispositif, le bonus-malus comporte un effet d’aubaine. Les bonus sur les véhicules hybrides (jusqu’à 110g de CO2/km) et hybrides rechargeables introduisent une distorsion technologique non justifiée vis-à-vis des véhicules à moteur thermiques qui émettent le même montant de CO2. Il est possible de s’interroger en outre sur les montants d’aide prévus pour certaines marques de véhicules et sur leur degré réel d’incitation financière, comme l’illustre le tableau ci-dessous.
nombre de dossiers, montants d’aides et prix d’achat pour les véhicules hybrides de marque Porsche
Marque | Véhicules hybride | Nombre de dossiers | Montant de l’aide | Prix du véhicule |
Porsche | Cayenne SE Hybrid | 300 | 2 000 € | 85 000 € |
Porsche | 918 Spyder | 7 | 2 000 € | 775 000 € |
Porsche | Panamera SE Hybrid | 36 | 4 000 € | 107 200 € |
Source : Cour des comptes, d’après bilan trimestriel du dispositif « bonus écologique » 2015 (ASP), barème et prix internet
Nota : Les bonus cités pour 2015 (2000 € et 4000 €) ne sont plus en vigueur depuis le 1er janvier 2016 (750 € et 1 000 € désormais).
Les dépenses en faveur du transport fluvial malaisées à analyser en regard d’un développement limité
Deux dépenses fiscales sont rattachées à la thématique du transport fluvial.
La dépense n° 230510 « Exonération des plus-values de cession de bateaux affectés au transport fluvial de marchandises » a été mise en place au 1er janvier 2012148. L’objectif était de renouveler et moderniser la flotte de façon à attirer des opérateurs de transport fluvial, solides économiquement et capables de faire face à la concurrence européenne en proposant des services à un prix suffisamment attractif par rapport à la route. L’application de la dépense fiscale est assortie d’une condition149 de réinvestissement de cette plus-value de cession dans un bateau plus récent ou disposant d’une capacité de cale plus importante. Cette exonération est plafonnée à 100 000 € par cession (ce qui lui permet de respecter les règles européennes « de minimis »). À titre comparatif, le prix d’achat d’un bateau se situe aux alentours de 1 800 000 €.
Un état des lieux de la flotte fluviale de commerce (2014-2025) réalisé par Voies navigables de France (VNF) en août 2013 ainsi que les statistiques disponibles sur le site de VNF et les données du CGDD (SOeS) donnent des éléments quantitatifs. La flotte a diminué du fait d’une baisse du nombre de bateaux de tonnage intermédiaire. Pour autant, le lien ne peut être fait avec la mise en place du dispositif. L’évolution de la capacité de tonnage des bateaux fluviaux dans le temps ne fait pas apparaître, en effet, d’inflexion notable à partir de 2012. Les données relatives à l’âge des bateaux n’ont pas été fournies, de sorte qu’il n’est pas possible d’analyser l’évolution de l’âge des bateaux dans le temps. Enfin, aucune donnée relative au nombre de bénéficiaires n’est disponible pour quantifier l’utilisation de la dépense fiscale150.
évolution de la capacité de tonnage des bateaux fluviaux dans le temps
Source : Cour des comptes, d’après données VNF
Cette analyse de l’impact des dépenses fiscales est d’autant plus malaisée que d’autres aides existent, notamment le plan d’aide à la modernisation de la flotte fluviale (VNF avec un cofinancement par l’État) sur des pas de temps différents. Ainsi, 14,3 M€ ont été consacrés à ces aides à la modernisation de la flotte pour la période 2008-2012 et un plan 2013-2017 de 22,5 M€ a été autorisé par la Commission européenne. Il serait utile de disposer d’une analyse de l’application de cette dépense fiscale qui est désormais mise en œuvre depuis quatre ans.
La dépense n° 800117 « Exonération de taxe intérieure de consommation pour les produits énergétiques utilisés comme carburant ou combustible pour le transport de marchandises sur les voies navigables intérieures » a été introduite en loi de finances du 29 décembre 2010 pour limiter les charges pesant sur le transport fluvial (dont l’un des principaux postes est le carburant) et augmenter sa compétitivité par rapport aux autres modes de transport de marchandises151.
Le transport fluvial apparaît fiable, sécurisé et compétitif par certains aspects (caractère massifié particulièrement adapté à certaines cargaisons - granulats, ciments, déchets, charbon, céréales - aux conteneurs et au transport de matières dangereuses). Il souffre néanmoins d’une flotte de petit gabarit vieillissante, d’une structuration de la profession perfectible et d’un surcoût lié à la nécessité de recourir au transport routier en pré et post acheminement (ruptures de charges).
Ce mode de transport s’est globalement développé, avec une hausse de 6 % entre 2004 et 2014 selon Voies navigables de France152, et il y est fait recours de façon plus importante dans certains bassins (selon la DGITM, 20 % en moyenne pour les principaux bassins153). La part modale du transport de marchandises par voie fluviale reste néanmoins modeste au niveau national (sous les 3 %), bien en deçà de la part du transport routier. Le trafic fluvial exprimé en tonnes kilomètres a beaucoup progressé depuis 1997 (40 %), mais assez peu depuis 2010.
évolution dans le temps du nombre de tonnes kilomètres de marchandises transportés par les modes de transports routier et fluvial
Source : Cour des comptes, d’après données SOeS
Au total, les données disponibles sont trop parcellaires pour porter un jugement sur l’efficience de ces dépenses fiscales, et voir dans quelle mesure l’attractivité de ce secteur est soutenue par ce biais.
La détaxe de carburant : un soutien à des secteurs économiques sans cohérence d’ensemble
L’OCDE aborde la question des dépenses fiscales en examinant en priorité l’utilisation des combustibles fossiles. Alors que leur utilisation représente la principale source d’émission de CO2 et de polluants, principale cause du changement climatique, elle constate, en 2015154, que la plupart des pays développés persistent dans la mise en œuvre de politiques qui encouragent leur production et leur consommation. L’OCDE a recensé et documenté 800 mesures de soutien. Celles-ci prennent parfois la forme de subventions directes, mais le plus souvent celle de dépenses fiscales, et bénéficient principalement aux produits pétroliers. Au total, l’OCDE estime leur coût entre 160 et 200 Md$ par an, sur la période 2010-2014.
Le rapport de 2015 « Taxer la consommation d’énergie » de l’OCDE155 compare les taxes et dépenses fiscales relatives à la consommation d’énergie dans les différents États-membres, pour mieux en comprendre la modulation et voir si les taux sont corrélés aux effets climatiques.
Plusieurs constatations communes à presque tous les pays s’imposent :
les produits énergétiques utilisés dans les transports, l’essence et le gazole, sont beaucoup plus lourdement taxés que ceux utilisés pour le chauffage, la production d’électricité ou les usages industriels ;
l’agriculture, la pêche et la forêt sont des secteurs souvent exonérés d’impôt sur l’énergie, ou en tout cas bénéficient de taux beaucoup plus faibles que les autres secteurs ;
le gazole routier est beaucoup moins taxé que l’essence ;
parmi les combustibles utilisés pour la production de chaleur et les usages industriels, le charbon est souvent taxé à un taux très faible voire nul, alors que les produits pétroliers sont souvent taxés beaucoup plus lourdement que les autres produits énergétiques.
De façon très nette, dans la plupart des pays de l’OCDE, la taxation et les dépenses fiscales portant sur l’énergie ne sont pas modulées selon les externalités négatives liées à la pollution et l’impact climatique, mais plutôt selon le soutien recherché à certains secteurs économiques nationaux. Le soutien aux acteurs économiques répond à la volonté de préserver leur compétitivité par rapport à des concurrents qui ne sont pas soumis aux mêmes exigences environnementales. La détaxe de carburant a l’avantage d’être facilement compatible avec les règles européennes portant sur les aides d’État, mais elle induit un biais de comportement en affichant un coût de l’énergie plus faible (distorsion des prix relatifs). La baisse relative du coût de l’énergie ne pousse pas les acteurs économiques à accentuer leurs efforts pour diminuer leur consommation d’énergie.
Ces constats s’appliquent très bien à la France, où 22 dépenses fiscales portent sur un soutien sectoriel par détaxe de carburant. La dépense fiscale 810101 (« taux réduit de TIC sur le gazole et les supercarburants utilisés pour la pêche ») aurait en outre pu être intégrée dans cette liste, mais elle n’est jamais entrée en vigueur : prévue initialement comme une exonération partielle de la TICPE lors de l’instauration de la taxe carbone en loi de finances initiale (LFI) 2010156, elle a en effet été censurée par le Conseil constitutionnel avec cette taxe carbone.
Une fiscalité qui contribue à encourager les émissions de CO2
Sur l’ensemble des 22 mesures listées, 2 sont éteintes depuis la LFI 2009 (800104 et 800402), 2 ne sont pas numérotées. Sur les 17 restantes, 8 mesures sont classées 2 (moyennement efficientes) dans la nomenclature du rapport Guillaume (IGF 2011), pour un total de 4 930 M€ en 2014, 3 sont classées 1 (peu efficientes) pour un total de 1 158 M€ en 2014, et 6 sont classées 0 (inefficientes) pour un total de 267 M€157.
Pour chacune des dépenses, un calcul a été effectué pour estimer les émissions de CO2 associées à la mesure en 2014 dont le coût a été diminué du fait de la mesure fiscale. Au total, près de 100 millions de tonnes (Mt) de CO2 sont concernées, à comparer aux 303 Mt de CO2 émises en 2014 en France du fait de la combustion d’énergie fossile. Cette proportion est particulièrement importante. Elle s’explique par la prise en compte des combustions pour le transport aérien (mesure 800109 ; 27 Mt de CO2), pour le transport routier (mesure 800403 ; 26 Mt de CO2) et pour les consommations agricoles et piscicoles de gazole (mesure 800201 ; 16 Mt de CO2). Ces émissions se répartissent en 55,6 Mt d’émissions de CO2 associées à des mesures classées 2 (moyennement efficientes), 30,9 Mt à des mesures classées 1 (peu efficientes), et 13,1 Mt à des mesures classées 0 (inefficientes).
Le rapport du montant de la mesure et des émissions de CO2 associées permet de calculer le taux de soutien de fait de la dépense fiscale aux émissions concernées, en €/tonne de CO2. Il convient de préciser que ce soutien est uniquement induit, car l’objectif premier de ces dépenses fiscales n’est pas lié à la protection de l’environnement, mais à une volonté de soutien sectoriel.
La mesure n° 800203 par exemple applique un taux très faible de TIC sur les carburants butane et propane, en lieu et place du taux applicable aux supercarburants, conduisant à un soutien de 764 €/tonne de CO2. À l’autre extrémité de l’éventail de coût, l’exonération de l’autoconsommation des raffineries (mesure n° 800102) semble faible à 7,7 €/tonne de CO2, la TIC applicable au pétrole brut étant assez basse (2,19 €/100 kg de pétrole brut en 2014). L’exonération de TIC charbon (mesure 800114) avec un soutien à 3,1 €/tonne de CO2 illustre la faible taxation du charbon (1,19 €/MWh, soit 1,6 €/100 kg de charbon). Le taux moyen de soutien sur les mesures pour lesquelles les données sont disponibles s’établit à 64 €/tonne de CO2.
montants et émissions de CO2 associées aux mesures fiscales de soutien sectoriel par détaxe de carburant pour lesquelles des données sont disponibles158
Dépense fiscale | Montant 2014 | Émission de CO2 associées | Soutien en €/tonne de CO2 |
800203- Taux réduit de TIC pour les butanes et propanes | 107 M€ | 0,1 Mt | 764,3 |
800302 - Détaxe des carburants en Corse | 1 M€ | - | |
800404 – Remboursement partiel de TIC pour les bus utilisés pour du transport en commun | 42 M€ | 3,5 Mt | 12,2 |
800405 – Remboursement partiel de TIC pour les agriculteurs | 117 M€ | 9,5 Mt | 12,3 |
800114 – Exonération de TIC pour les entreprises de valorisation de la biomasse | 3 M€ | 1,0 Mt | 3,1 |
800401 – Exclusion des départements d’outre-mer du champ d’application de la TIC | 750 M€ | 3,6 Mt | 208,1 |
800403 – Remboursement partiel de TIC pour certains véhicules routiers | 405 M€ | 26,3 Mt | 15,4 |
710102 – Exonération de TVA en Guadeloupe, en Martinique et à la Réunion pour les produits pétroliers | 180 M€ | 0,8 Mt | 216,4 |
800101 – Exonération de TIC pour les bateaux | 265 M€ | 2,0 Mt | 132,5 |
800102- Exonération de TIC pour les productions de produits énergétiques | 70 M€ | 9,1 Mt | 7,7 |
800103- Taux réduit de TIC pour les taxis | 24 M€ | - | |
800109 – Exonération de TIC pour les avions | 2 660 M€ | 27,0 Mt | 98,5 |
800117- Exonération de TIC en faveur du transport de marchandises sur les voies navigables intérieures | 31 M€ | 0,3 Mt | 103,3 |
800201 – Taux réduit de TIC sur le gazole sous condition d’emploi | 1 700 M€ | 16,4 Mt | 103,7 |
Source : Cour des comptes, d’après la documentation budgétaire et les statistiques environnementales (SOeS, ADEME, VNF…)
Un soutien constant au transport aérien
Dans le cas du transport aérien, la détaxe pour le carburant consommé sur les trajets internationaux est appliquée en vertu de la du 7 décembre 1944, mais les États restent libres de taxer le carburant consommé sur les trajets domestiques159.
Un rapport commandé par la Commission européenne à l’Université de Cranfield160 (Royaume-Uni) avait conclu que la hausse du coût du kérosène se traduisait par un report du surcoût sur les passagers (surtaxe carburant) et par une amélioration de l’efficacité énergétique du transport aérien, de l’ordre de 6 à 10 % par décennie. La détaxe carburant limite cette pression sur l’efficacité énergétique, et conduit à des émissions de CO2 plus importantes161.
Une autre étude du CE Delft162 (centre de recherche indépendant) complète l’analyse de l’impact potentiel de l’abolition des mesures fiscales portant sur le transport aérien en France. Pour les différents scénarios considérés, l’effet reste un renchérissement du coût du billet (de 10 à 25 %), une baisse associée de la demande, une baisse comparable des émissions de CO2 (de 10 à 30 %) et enfin des gains fiscaux importants (de l’ordre de 200 à 600 M€/an).
La question de la suppression de ce soutien sectoriel ne pourrait de toute façon pas être envisagée sans une étude d’impact qui analyse les conséquences économiques d’une telle suppression, même progressive, compte tenu du poids du carburant dans l’ensemble des coûts des compagnies aériennes (entre 1/5 et 1/3 des coûts) et des risques de distorsion de concurrence entre transporteurs, du fait de la possibilité pour certains de se ravitailler dans des aéroports de pays limitrophes et de bénéficier de l’exonération de taxe sur les vols internationaux.
Un soutien au transport routier en voie de réduction
Dans le cas du secteur routier, la fin de la détaxe applicable aux carburants pour le transport routier dégraderait la compétitivité du pavillon français qui, sauf dans les zones frontalières, n’a pas la possibilité de s’approvisionner dans les pays voisins où les carburants sont moins taxés.
En raisonnant uniquement en sensibilité prix et en utilisant l’étude mentionnée précédemment163 pour retenir une sensibilité prix de -0,3, sachant que la fraction de TIC remboursée est de 4,89 €/hl de gazole en 2014164, et que le prix moyen à la pompe (TIC incluse) était de 1,07 €/l165, on obtient une surconsommation, liée à la mesure fiscale, de 1,4 %, soit 0,4 Mt de CO2. Cela représente, en ordre de grandeur, 10 % des économies de CO2 liées aux réseaux de chaleur renouvelable.
Le traitement fiscal préférentiel du gazole à usage routier : injustifié et coûteux selon l’OCDE
Selon une étude de 2014 de l’OCDE166, dans 33 des 34 pays de l’OCDE (les États-Unis étant le pays qui fait exception), le gazole est taxé à des taux inférieurs à ceux applicables à l’essence, alors qu’ils représentent à eux deux 95 % de l’énergie consommée pour le transport routier. L’usage du gazole n’est pas répandu de façon uniforme : alors qu’il ne représente que 20 à 25 % de l’énergie consommée dans les transports en Amérique du nord, cette proportion peut monter jusqu’à 80 % dans certains pays européens (Belgique, Luxembourg, Espagne, de l’ordre de 75 % pour la France). Surtout, cet usage a évolué de façon très significative depuis le premier choc pétrolier (passant, au sein des pays de l’OCDE, de 19 % de l’énergie consommée dans les transports en 1971 à 28 % en 2009). Cette évolution résulte d’une consommation un peu plus faible au km (le diesel comporte 10 % d’énergie par litre en plus que l’essence en moyenne), et du fait que – pour différentes raisons – ce carburant a bénéficié de dépenses fiscales dans la plupart des pays, à certaines exceptions notables, comme les la Suisse et surtout les États-Unis (où il est plus taxé) ou le Royaume-Uni (où la taxation est identique).
Compte tenu des externalités relatives à chacun de ces carburants (le diesel produit 2 % de moins de CO2 que l’essence au km parcouru167, mais émet d’autres éléments polluants) le rapport conclut sans ambiguïté que les externalités associées à chacun de ces carburants ne justifient pas, d’un point de vue environnemental, les taux d’imposition plus faibles actuellement réservés au gazole (10 % plus faible en 2015 au km parcouru168). L’OCDE recommande une réduction progressive de l’avantage fiscal en faveur du gazole pour atténuer dans la phase transitoire les effets défavorables de cet alignement sur la distribution et la compétitivité.
La France procède depuis 2015 au rapprochement des tarifs de TICPE du gazole et des essences, en augmentant d’un centime d’euro par litre le tarif du gazole et en abaissant d’un centime d’euro par litre le tarif des essences chaque année, faisant ainsi évoluer l’écart de taxation de 18 à 12 centimes d’euros par litre entre 2014 et 2017. La France a également augmenté de 4 centimes d’euro par litre le tarif réduit de TICPE applicable au gazole utilisé par le secteur du transport routier de marchandises.
Compte-tenu des conclusions précédentes, cet effort devra être poursuivi pour diminuer l’impact environnemental de ce carburant.
Enfin, il apparaît indispensable de lancer (avec le concours du CGDD et de l’ADEME notamment) des évaluations globales des politiques menées dans les différents secteurs des transports, afin de pouvoir décider de façon éclairée quels outils (réglementaires, budgétaires, fiscaux) sont les plus appropriés et doivent être combinés afin d’assurer progressivement une meilleure cohérence de l’action publique. Ce point apparaît d’autant plus important qu’en matière d’environnement les effets ne pourront être observés qu’à moyen et long termes et que les décisions doivent donc se faire avec une certaine stabilité.
Une politique de préservation des ressources naturelles peu développée
La faiblesse des données utilisables ne permet de dresser qu’un bilan assez limité de l’efficience des dépenses fiscales relatives au patrimoine naturel, qui sont pourtant les principales à avoir un aspect positif sur le développement durable, qui constitue par ailleurs souvent leur objectif essentiel.
Un faible impact des dispositifs en faveur du patrimoine naturel
L’analyse de l’efficience des dépenses fiscales en faveur des espaces naturels remarquables, comme celle des forêts et de l’agriculture biologique, souffre essentiellement de l’absence de données disponibles.
Le soutien aux espaces naturels remarquables, peu suivi et à l’effet limité
Les dépenses fiscales en faveur de la protection du patrimoine naturel ont été créées en 2005 et 2006 et s’inspirent des mesures en faveur de la préservation du patrimoine architectural. Six dépenses fiscales ont été recensées sur la période 2010-2015. Trois sont relatives à la taxe sur le foncier non bâti (TFNB). Ces exonérations de TFNB visent à prendre en compte l’absence de revenus tirés des espaces naturels. Les trois autres mesures sont éteintes ou vont l’être du fait de leur faible utilisation. Il est à noter que ces dispositifs sont peu connus (la dépense 520118 - Exonération, sous certaines conditions, de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence des trois quarts de leur montant, en faveur des successions et donations intéressant les propriétés non bâties qui ne sont pas de nature de bois et forêts et situées dans les sites NATURA 2000, les zones centrales des parcs nationaux, les réserves naturelles, les sites classés et les espaces naturels remarquables du littoral n’était pas connue des parcs nationaux qui, pourtant pouvaient en bénéficier) ou mal utilisés (la dépense 110257 - Réduction d'impôt sur le revenu au titre des dépenses réalisées sur certains espaces naturels en vue du maintien et de la protection du patrimoine naturel est sollicitée par les contribuables pour des dépenses qui ne rentrent pas dans son assiette). À ces mesures fiscales, qui s’élèvent à moins de 4 M€ (montant cumulé sur la période 2010-2015), viennent s’ajouter les crédits d’intervention soit, pour l’année 2016, 3,4 M€ du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), ainsi que 3,6 M€ au titre du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Ces six dépenses fiscales ont un impact positif, ou a minima neutre, sur la protection du patrimoine naturel, eu égard à leurs conditions d’octroi. Cependant, du fait de l’absence d’un réel suivi quantitatif et qualitatif, le dispositif Natura 2000 est peu piloté par l’administration. L’enquête n’a pas permis de mesurer l’effet des dépenses fiscales sur l’adhésion au réseau Natura 2000. Cependant, les éléments portés à la connaissance de la Cour révèlent que la non-compensation progressive par l’État169 de l’exonération de TFNB n’est pas sans poser de difficultés financières aux petites communes rurales, allant même jusqu’à remettre en cause leurs engagements vis-à-vis de l’animation du réseau Natura 2000. Par ailleurs, la méconnaissance des bénéficiaires nuit à l’évaluation de l’efficacité des dispositifs.
Selon les données du ministère170, le nombre de bénéficiaires de l’exonération de taxe sur le foncier non bâti au profit d’une parcelle Natura 2000 a diminué entre 2010 et 2015, passant de 8 100 à 7 400 avec un creux à 5 700 en 2012. Ces données ne sont pas cohérentes avec la durée quinquennale de l’exonération conjuguée avec la croissance de sites labellisés sur la même période.
historique de publication des arrêtés portant désignation de zones Natura 2000
Source : Cour des comptes à partir des données l’Inventaire National du Patrimoine Naturel171
La loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, votée en juillet 2016, ne s’est pas accompagnée d’une refonte de la fiscalité en faveur de la protection des espaces naturels.
Les incitations fiscales pour la forêt insuffisamment orientées en faveur d’une exploitation durable
La Cour a recensé douze dépenses fiscales visant à soutenir le secteur sylvicole (onze mesures numérotées et donc figurant dans les documents budgétaires, auxquelles est ajouté le taux de TVA réduit sur le bois de chauffage). L’objectif premier de ces mesures est économique : aider un secteur d’activité. Cependant, l’octroi de sept de ces dépenses est assujetti à la signature d’un engagement de gestion durable.
les différents engagements de gestion durable
Type de document | Définition | Diffusion |
Code de bonne pratique sylvicole (CBPS) | C’est un outil au service de la gestion des petites surfaces. Le CBPS, auquel le propriétaire peut adhérer volontairement, contient des recommandations essentielles conformes à une gestion durable. | En 2013, 23 450 propriétaires ont souscrit un CBPS pour une superficie totale de 240 736 ha. La superficie moyenne d’un propriétaire signataire est de 10 ha. |
Plan simple de gestion (PSG) | C’est un document spécifique à chaque propriétaire. Il est obligatoire pour les forêts de plus de 25 hectares. Il comprend un état des lieux avec identification des enjeux liés à la biodiversité, des objectifs de gestion et le programme des coupes et travaux. | Au 31 décembre, 35 148 propriétaires avaient l’obligation de disposer d’un PSG (pour un total de 3,5 Mha). À la même date, 4 266 propriétaires avaient signé volontairement un PSG (pour une superficie de 103 000 ha). |
Règlement type de gestion (RTG) | C’est un outil définissant les modalités de gestion pour chaque grand type de peuplement. Le RTG s’adresse aux propriétaires pour lesquels le PSG n’est pas obligatoire et qui font gérer leur bois par un organisme de gestion ou un expert. | 1 906 propriétaires ont signé un RTG pour une surface cumulée de 25 545 ha. La superficie moyenne d’un propriétaire signataire est de 14 ha. |
Source : Cour des comptes à partir du de la Forêt privée française et des (page 20).
Les deux dépenses les plus coûteuses (entre 40 et 50 M€ par an)172 concernent une exonération de droits de mutation et une réduction de l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Leur bénéfice est conditionné à l’application pendant 30 ans d’une gestion durable. Cependant, pour les forêts d’une superficie supérieure à 25 hectares, la signature d’un plan simple de gestion est déjà obligatoire conformément à l’article L.312-1 du code forestier. Les dispositifs fiscaux encouragent ainsi financièrement les propriétaires à une gestion durable de la forêt tandis qu’ils pénalisent ceux qui ne s’engageraient pas dans cette démarche, au mépris de la règlementation. Les petits propriétaires privés particuliers, qui représentent 56 % de la superficie boisée, ont peu recours aux dispositifs fiscaux comme en atteste le faible taux de signature d’un document de gestion au sein de cette population.
taux de signature d’un document de gestion en fonction de la taille de la forêt
% des propriétaires / % superficie | 1 à < 10 ha | 10 à <2 5 ha | > 25 ha |
Au moins un document de gestion | 1,4 / 2,2 | 12,6 / 13,8 | 63,7 / 81,2 |
Plan simple de gestion | 0,0 / 0,0 | 6,8 / 7,9 | 60,6 / 79,5 |
Règlement type de gestion | 0,1 / 0,2 | 2,7 / 2,7 | 1,9 / 1,9 |
Code de bonne pratique sylvicole | 1,3 / 2,0 | 4,6 / 4,8 | 8,2 / 8,2 |
Source : Agreste - Enquête sur la structure de la forêt privée en 2012 (page 21). Un même propriétaire peut détenir un ou plusieurs documents de gestion forestière (PSG, RTG ou CBPS). Ces documents peuvent ne concerner qu'une partie de la propriété forestière.Le comité du rapport Guillaume avait manqué de données en 2011 pour procéder à l’évaluation de ces deux dépenses fiscales. La Cour, dans son rapport de novembre 2014 sur les soutiens à la filière-bois173, avait relevé l’absence de précision des chiffrages dans la documentation budgétaire. La qualité de l’information ne s’est pas améliorée depuis. Pourtant certaines informations pourraient être accessibles à partir des déclarations fiscales (notamment le formulaire 2042 C) et d’une synthèse nationale des informations qui peuvent être connues à la maille départementale.
Interrogé sur le maintien de ces dispositifs qui, malgré les évolutions récentes174, restent plus orientés vers une fiscalité de détention qu’une fiscalité de gestion active, le ministère de l’agriculture a avancé deux arguments qui ne sont pas déterminants pour en apprécier l’efficience : les aides fiscales sont complémentaires des aides directes et revêtent d’ailleurs un caractère automatique ; par ailleurs la signature de documents de gestion permet d’optimiser les missions des services déconcentrés. Ces éléments ne permettent donc pas de conclure sur l’efficience.
Les aides pour l’agriculture biologique, peu suivies et parfois peu incitatives
Trois dépenses fiscales soutiennent le développement de l’agriculture biologique. Elles s’inscrivent pour des montants relativement faibles en complément des crédits de la politique agricole commune (160 M€ par an en moyenne sur la période 2015-2020) et d’autres aides nationales (notamment le fonds Avenir bio géré par l’agence Bio pour 4 M€ par an, dont la Cour a critiqué le processus de décision et le caractère parcellaire des évaluations du dispositif175) et locales (régions, départements, chambres d’agriculture, etc.). Une étude de l’institut national pour la recherche agronomique (INRA) de septembre 2013176 identifie des effets positifs de l’agriculture biologique sur la qualité des sols, sur la qualité de l’eau, sur le niveau d’émissions de GES et sur la préservation de la biodiversité.
L’évolution du montant du crédit d’impôt en faveur des entreprises agricoles utilisant le mode de production biologique (32 M€ en 2010, 21 M€ en 2014) résulte moins des variations du nombre des bénéficiaires que des modifications législatives intervenues sur la période (réduction par deux du montant et institution d’un plafonnement global en 2011, hausse du montant en 2012). Avec un taux de recours au dispositif de 35 % en 2014 (21 % en 2013), la dépense fiscale soutient le secteur d’activité et contribue à réorienter les comportements des agriculteurs et éleveurs vers l’agriculture biologique, mais n’a pas, sans doute, à elle seule, un effet incitatif sur le changement de système de production.
évolution du nombre d’exploitations agricoles en agriculture biologique et de bénéficiaires du crédit d’impôt
| 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 |
Nombre d'exploitations agricoles | 20 604 | 23 135 | 24 425 | 25 467 | 26 466 |
Nombre de
bénéficiaires du crédit d’impôt | 9 255 | 9 000 | 8 650 | 5 375 | 9 270 |
Chiffrage de la dépense fiscale (M€) | 32 | 22 | 22 | 17 | 21 |
Montant total maximum du crédit d’impôt/bénéficiaire | 4 000 € | 2 000 € | (cumul avec aides PAC dans la limite de 4 000 €) | 2 500 € | (cumul avec aides PAC dans la limite de 4 000 €) | 2 500 € | (cumul avec aides PAC dans la limite de 4 000 €) | 2 500 € (cumul avec aides PAC dans la limite de 4 000 €) |
Source : Cour des comptes à partir des données RAP et Agence Bio
Ce dispositif vient en complément d’aides européennes, calculées en hectares et insuffisamment incitatives pour les petites exploitations par rapport aux efforts consentis (formation, changement de système de production, de circuit de distribution, etc.). Selon le ministère de l’agriculture, le crédit d’impôt s’adresse aux exploitants exclus, en tout ou partie, des aides à la conversion et au maintien de la PAC en raison de la surface cultivée, de la nature de la production ou des priorités régionales, notamment depuis le transfert, début 2015, de la gestion des aides de la PAC aux régions, qui peuvent cibler ou établir des priorités en matière d’aides au maintien. Toutefois, ni le ministère, ni la DGFiP ne disposent de données statistiques leur permettant de vérifier que le crédit d’impôt profite effectivement aux petites exploitations ainsi qu’à celles écartées des aides de la PAC. Les bénéficiaires sont ainsi ciblés, mais mal connus. Par ailleurs, les modalités de cumul du crédit d’impôt avec les aides de la PAC, sollicités alternativement ou conjointement au gré de l’exploitant dans la limite du plafond fixé, et la durée maximale de bénéfice de la mesure, qui pourrait être limitée pour les exploitations converties en agriculture biologique ayant atteint leur équilibre économique, ne sont pas encadrées, ce qui réduit l’efficience de la dépense fiscale.
L’exonération de TFNB pour les terres agricoles exploitées selon le mode de production biologique est subordonnée à une délibération des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre. Le manque à gagner pour les collectivités n’est pas compensé par l’État, ce qui explique que la dépense ne soit pas suivie dans les documents budgétaires. D’après le rapport CGAER/IGF/CGEDD de février 2013177 dont les données n’ont pas pu être actualisées par le ministère de l’agriculture, seules 382 communes avaient voté cette exonération en 2011, mais elle n’a trouvé à s’appliquer que dans 121 d’entre elles. Alors qu’en France près de 60 % des surfaces agricoles sont cultivées par des agriculteurs qui la louent en fermage à un tiers178, l’exonération de TFNB ne bénéficie qu’aux propriétaires, qui ne sont pas tenus de la reverser à leurs locataires, contrairement à d’autres catégories d’exonérations de TFNB au profit des agriculteurs, ce qui en réduit l’effet incitatif pour l’exploitant.
L’objectif du Grenelle de l’environnement était la conversion de 6 % de la SAU en 2012 et 20 % en 2020179. Le programme Ambition Bio 2017180 vise un doublement des surfaces cultivées entre 2012 et 2017. Si l’objectif final paraît à ce stade très ambitieux, les surfaces en mode de production biologique, certifiées et en conversion, ont augmenté de 33,1 % entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2015. Fin 2015, la France comptait 28 884 exploitations en mode de production biologique, couvrant 1,38 Mha181 (soit 5,11 % de la surface agricole utile - SAU). La demande des consommateurs en produits issus de l’agriculture biologique a augmenté de 14,6 % en 2015 et le secteur reste fortement importateur (seuls 76 % des produits bio consommés en France y sont produits).
Les dépenses fiscales portant sur l’agriculture biologique sont très diverses, peu suivies, et parfois peu incitatives (exonération de TFNB). L’évolution de ces dispositifs doit être analysée en examinant les conditions de leur mise en œuvre (règles de cumul avec les aides de la PAC et limitation dans la durée) et en tenant compte du dispositif global de financement public de l’agriculture biologique.
Des résultats contrastés en matière d’énergies renouvelables, quelques dispositifs prometteurs
À l’image du reste des pays européens, la France a mis en place des dispositifs d’encouragement des énergies renouvelables, principalement par le biais de dépenses fiscales, ce qui en constitue la singularité.
Les réseaux de chaleur renouvelable, une mesure efficace et incitative
La dépense fiscale 730218 porte sur le taux de TVA réduit à 5,5 % pour la livraison de chaleur via un réseau alimenté par au moins 50 % d’énergies renouvelables (ENR). Représentant 50 M€ en 2016 contre 25 M€ en 2009, elle pourrait croître jusqu’à 75 M€ à échéance 2019-2023, compte tenu des objectifs affichés dans la LTECV182 et en cours de déclinaison dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). La DGEC envisage ainsi une dépense d’environ 70 M€ à 75 M€ à échéance 2019-2023, en fonction des options retenues. L’aide aux réseaux de chaleur peut constituer l’illustration d’une dépense fiscale à la fois efficace et efficiente. Selon l’ADEME, cette efficacité peut également s’expliquer par le soutien du fonds Chaleur, dont les taux ont été augmentés pour prendre en compte la baisse du prix des combustibles fossiles.
Les réseaux de chaleur constituent un vecteur intéressant pour développer des énergies renouvelables et de récupération. À chaleur livrée constante, le changement de combustible permet de diminuer les émissions de CO2 : le facteur d’émission va ainsi de 75 gCO2/kWh (réseau de chaleur bois) à 428 gCO2/kWh (fioul collectif). De même, à chaleur livrée constante, le réseau de chaleur bois consomme cinq fois moins d’énergie primaire par rapport à un chauffage électrique individuel183. Par ailleurs, du fait de leur puissance, les réseaux de chaleur sont soumis à des normes plus strictes de protection de l’environnement184 comparativement aux moyens de chauffage individuels. L’efficacité de la dépense fiscale est liée à l’atteinte des objectifs intermédiaires fixés pour 2013 par le Grenelle de l’environnement185, les objectifs affichés pour 2020 étant ambitieux (3,2 Mtep de chaleur renouvelable par réseau de chaleur186). Du fait de la faiblesse du taux de soutien (taux de subvention en €/tep) par rapport à celui des autres sources de chauffage187, les réseaux de chaleur sont une source d’énergie économe du point de vue des finances publiques.
soutien à la chaleur renouvelable par type d’énergie en 2011 et 2012
Taux de subvention en €/tep | 2011 | 2012 |
Bois hors BCIAT (Bois chaleur industrie, agriculture et transports) | 524 | 475 |
Géothermie | 861 | 1 207 |
Biogaz | 551 | |
Solaire | 10 183 | 10 408 |
Réseaux de chaleur renouvelable (> 50 % d’ENR&R) | 454 | 316 |
Source : Cour des comptes, d’après DGEC et documentation budgétaire. Le taux de soutien combine les fonds chaleur et déchets de l’ADEME, ainsi que la dépense fiscale 730218 pour les réseaux de chaleur, valorisée à 25 M€/an.
Comme l’illustre le tableau ci-dessus, parmi les différentes sources de chaleur renouvelable soutenue par le fonds chaleur de l’ADEME, les réseaux de chaleur renouvelable sont les moins couteux en €/tep, y compris en intégrant la dépense fiscale 730218. La comparaison porte ici sur le taux de soutien du fonds chaleur de l’ADEME par tonne-équivalent pétrole (tep) de chaleur fournie. Le montant de l’aide nécessaire pour financer un nouveau réseau de chaleur est ainsi plus faible que celui nécessaire pour une nouvelle installation solaire ou de géothermie, en supposant que l’aide de l’ADEME est correctement calibrée pour chaque technologie. En multipliant par deux le taux de soutien des réseaux de chaleur (seule la moitié de l’énergie est de façon certaine d’origine renouvelable), le taux de soutien reste plus faible que pour le solaire ou la géothermie.
Sur le plan environnemental, les réseaux de chaleur renouvelable, parce qu’ils diminuent la consommation d’énergie fossile pour livrer de la chaleur, ont permis d’éviter près de 3,9 Mt de CO2 en 2013188, soit, mis en regard d’une dépense fiscale chiffrée à 40 M€ pour cette même année, 10 €/tonne de CO2. Sur le plan économique, la dépense fiscale conduit à une réduction de 57 € en moyenne sur la facture annuelle de chauffage, rendant le réseau de chaleur plus économique (- 8 € en moyenne sur l’année, données 2013) par rapport à un chauffage au gaz189. Elle tend ainsi à favoriser un changement de comportement du consommateur, même si la baisse du coût de l’énergie peut générer un effet « rebond ». L’atteinte des objectifs fixés, pour une dépense publique modérée, rend cette mesure efficiente.
La réussite de l’exemple suédois : cohérence et continuité
Dès 1991, la Suède a introduit une taxe carbone dont le taux général, relevé progressivement, atteint désormais 120 €/tonne CO2 en 2016 (contre 22 €/en France). La taxe carbone suédoise présente des taux variables (taux plein pour les services et les ménages, mais exonération totale pour les entreprises du secteur ETS depuis 2011). Elle a joué un rôle déterminant sur la réduction des émissions GES suédoises (27 % depuis 1995, contre 13 % en France).
Comme la France aujourd’hui190, la Suède avait alors une part de combustibles fossiles pour le chauffage des logements de 60 %191 au milieu des années 1980, spectaculairement réduite à 1 % en 2015. Cette réduction est due à la taxe carbone suédoise qui a permis de verdir durablement le réseau de chaleur urbain (95 % des appartements connectés, approvisionnés à 5 % seulement par les combustibles fossiles192 en 2014 contre 90 % en
1980) et de remplacer les chaudières au fioul et au gaz des maisons individuelles par des pompes à chaleur (géothermiques, air-air) et le réseau de chaleur urbain. Actuellement, le prix du fioul domestique et du gaz est deux fois plus élevé193 en Suède qu’en France.
La taxe carbone suédoise, dont les hausses successives ont été compensées par une baisse de l’IR et des cotisations sociales, a permis de réduire de plus de 20 % les émissions de GES suédoises depuis 1990, selon les modélisations du ministère des Finances (Markal Nordic). Le total des recettes de la taxe carbone, versé au budget général sans pré- affectations, s’élevait à 2,5 Md€ en 2014.
Des dépenses en faveur du photovoltaïque, scories de la « bulle » du secteur
Quatre dépenses fiscales194, dont deux ne sont pas numérotées, ont pour objet de promouvoir l’installation de panneaux photovoltaïques. Les montants associés aux seules dépenses fiscales sont limités (2 M€ tracés dans les RAP 2014), l’essentiel des aides publiques au photovoltaïque passant par d’autres soutiens : tarifs d’achat, appels d’offres, soutien à la R&D, CIDD.
Le cas de l’outre-mer a fait l’objet d’une analyse par le Sénat195, les dépenses fiscales sur l’investissement productif (110224 et 320113) ayant conduit de 2006 à 2011 à une « bulle » sur le photovoltaïque, estimée au plus fort à 250 M€ pour 2009, déconnectée des besoins économiques. La LFI 2011196 y a mis fin.
La politique de soutien au photovoltaïque a été particulièrement incitative, et a conduit à systématiquement dépasser les objectifs affichés : l’objectif de 500 MWc pour 2015 de la PPI 2006197, ou celui de 1 100 MWc pour 2012 de la PPI 2009198, étaient dépassés dès 2010 avec une puissance installée de 1 200 MWc199. De même, l’objectif de 5 400 MWc pour 2020 de la PPI 2009 était dépassé en 2014. Face à cet emballement pour le photovoltaïque, un moratoire a été décrété en 2010200, et la LFI 2011 a limité plusieurs avantages dont bénéficiait cette énergie. Cet équipement très rapide du territoire a conduit à un soutien massif précoce des installations, plus onéreux qu’un soutien étalé dans le temps, le coût de revient de la technologie diminuant avec le temps (par effet d’apprentissage)201.
La réduction d’ISF pour les investissements dans les sociétés produisant de l’électricité photovoltaïque illustre la vie chaotique des dépenses fiscales : elle avait été critiquée dans le rapport de la mission CGEIET-IGF en 2010. Elle a été supprimée en LFI 2011, rétablie en 2015 dans la LTE202, puis supprimée de nouveau en partie en LFR 2015203.
Des dépenses en faveur de la méthanisation agricole ambitieuses, mais encore trop récentes pour être évaluées
Deux nouvelles mesures de la loi de finances pour 2016204 exonèrent de TFPB et de cotisations foncières des entreprises (CFE) les installations de méthanisation agricole, pour un montant estimé à 3,8 M€ en 2016. La méthanisation agricole permet la production de biogaz, méthane obtenu par fermentation de matières organiques. Des objectifs ambitieux ont été fixés dans le Plan National d’Action en faveur des énergies renouvelables de 2010205 pour la production nationale de biogaz, à laquelle la méthanisation contribue : 625 MW de puissance électrique et 555 ktep de chaleur produite en 2020. L’ insère des objectifs intermédiaires : 137 MW de puissance électrique installée et 300 ktep de chaleur produite en 2018, et 237 à 300 MW et 700 à 900 ktep en 2023. Ces objectifs sont peu ambitieux en matière de production électrique, en retrait par rapport à ceux de 2010, et déjà atteints. En 2013, la puissance électrique installée était de 275 MW, et la chaleur produite atteignait 90 ktep206. Le (EMAA) fixe un objectif quantitatif spécifique à la filière méthanisation agricole : présence de 1 000 méthaniseurs agricoles sur le territoire en 2020.
Ces mesures sont trop récentes pour une analyse de leur efficience environnementale, mais il est intéressant de noter que l’outil de la dépense fiscale s’insère dans un ensemble déjà fourni d’aides à la méthanisation : tarifs d’achat pour le biométhane207, pour le biogaz208, fonds Chaleur et fonds Déchet de l’ADEME, financements liés au programme « économie circulaire » des investissements d’avenir.
Le coût retenu pour la tonne de CO2 évitée, supposé être égal au coût actuellement calculé en l’absence de la dépense fiscale, peut être estimé entre 112 et 373 € par tonne de CO2209.
Des dépenses favorisant la substitution de carburants nombreuses mais aux effets incertains
La substitution de carburant regroupe douze dépenses fiscales, dont trois non numérotées, promouvant d’une part l’utilisation de gaz de pétrole liquéfié (GPL) ou de gaz naturel pour véhicules (GNV), et d’autre part l’utilisation d’agrocarburants. Le recours au GPL ou au GNV a pu être motivé par la plus grande efficacité énergétique apparente de ces carburants, émettant 15 à 20 % de CO2 en moins que le diesel par kWh thermique fourni.
Cependant, le taux de rendement du moteur diesel étant en moyenne plus important (fonctionnement à des températures plus élevées), le kWh « utile » génère moins de CO2 avec un moteur diesel : les meilleurs véhicules particuliers génèrent 84 g de CO2/km en version essence et 79 g de CO2/km en version diesel.
comparatif des véhicules particuliers les plus économes disponibles à la vente en 2015, par type de carburant
Carburant | g de CO2/km du modèle le plus économe | Puissance associée |
Diesel | 79 | 100 chevaux (73 kW) |
Essence | 84 | 68 chevaux (50 kW) |
GNV | 79 | 68 chevaux (50 kW) |
GPL | 106 | 69 chevaux (51 kW) |
Source : Cour des comptes d’après ADEME210
Le GNV et le GPL, présentés comme des carburants moins émetteurs de CO2 en se basant sur leur pouvoir calorifique plus important (moins de CO2 émis par kWh d’énergie thermique), ne conduisent pas pour l’instant à des véhicules plus écologiques : les véhicules les plus économes fonctionnant au GPL ou au GNV émettent autant de CO2 par km parcouru que ceux fonctionnant au diesel. Leur intérêt réel réside donc plutôt dans une moindre émission de particules fines et de NOx.
Par ailleurs, la faible densité de points d’approvisionnement ne conduit qu’à parc anecdotique : en 2014211, 1,9 % des autobus, 0,6 % des véhicules particuliers et 0,3 % des camionnettes et camions peuvent fonctionner au GPL ou au GNV. Plus inquiétant, le parc immatriculé est en décroissance, de -17 % pour les véhicules particuliers (soit -36 500 véhicules), et -11 % pour les camionnettes et camions (soit -2 800 véhicules). Cet effet n’est pas compensé par la hausse de 1 100 autobus en GNV.
La récente directive 2014/94/UE sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs vise à développer les points d’approvisionnement en carburant alternatif, notamment GPL et GNV. Sa transposition permettrait de revoir la politique globale de soutien à ces carburants.
De façon générale, les véhicules au GPL ou au GNV ne permettent pas d’économie de CO2, les flottes et les points de distribution de GPL et de GNV restent anecdotiques, et les dépenses fiscales bénéficient essentiellement à des flottes privées existantes, sans effet incitatif.
S’agissant des agrocarburants, la France s’était fixée des objectifs212 excédant les contraintes de la directive 2003/30/CE. Les considérations de soutien au secteur agricole, en mettant à profit la possibilité d’utiliser les terres en jachère pour des cultures industrielles, avaient pesé dans cette décision.
comparaison entre les objectifs français concernant la consommation et l’incorporation des biocarburants et leurs réalisations
| 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 |
Bioéthanol – objectif de consommation (en ktep) | 550 | 550 | 550 | 550 | 550 | 550 |
Bioéthanol – consommation réelle (en ktep) | 394 | 392 | 417 | 394 | 414 | |
Biodiesel – objectif de consommation (en ktep) | 2 165 | 2 250 | 2 350 | 2 350 | 2350 | 2375 |
Biodiesel – consommation réelle (en ktep) | 2 023 | 2 035 | 2 269 | 2 293 | 2 541 | |
Taux d’incorporation - objectif | 7 % | 7 % | 7 % | 7 % | 7 %(1) | 7,7 % | 7 %(1) | 7,7 % |
Taux d’incorporation – réalisé | 6,70 % | 6,84 % | 6,74 % | 6,78 % | 6,11 % | 7,72 % | 6,79 % | 7,70 % |
Source : Cour des comptes, d’après SOeS (, édition 2015),EurObserv’Er ( 2011 à 2015) et données DGPE (taux d’incorporation 2015)
(1) À partir de 2014, les taux d’incorporation sont différenciés pour l’essence (7 %) et le diesel (7,7 %)
Ces objectifs annuels de consommation de bioéthanol et biodiesel, ainsi que de taux d’incorporation, n’ont pas été atteints entre 2010 et 2014, à l’exception du taux d’incorporation en biocarburants dans le diesel en 2014. Le bilan environnemental des biocarburants est controversé, ainsi que la Cour l’a indiqué dans son rapport213 de 2012, puisqu’elle constatait la confusion de la situation, rappelant que le fait de savoir si l’utilisation non alimentaire des cultures destinées aux matières premières dans la fabrication des biocarburants entre ou non en concurrence avec leur finalité alimentaire est déterminant pour en dresser le bilan. En outre, citant des études de l’OCDE214, la Cour a relevé que le bilan environnemental stricto sensu dépendait des conditions de production avec des impacts potentiels très négatifs, en particulier en cas de changement d’affectation des sols, en termes d’émission de gaz à effet de serre, de biodiversité et d’empreinte écologique en général (acidification des sols, pollution, utilisation des ressources en eau). Prenant en considération les impacts négatifs des biocarburants de première génération, la 215 a fixé, en son article 2, à 7 % la contribution maximale des biocarburants conventionnels dans l’atteinte de l’objectif communautaire de 10 % d’énergie renouvelable utilisée dans les transports en 2020. Par ailleurs, fixe en son article 3 des objectifs de taux d’incorporation plus faibles en pourcentages par rapport aux 7 % initiaux, mais ne portant que sur des biocarburants « avancés »216. La politique française de soutien aux agrocarburants a ainsi gagné en cohérence, comme l’a souligné la Cour en 2016217, même si la filière reste fragilisée par les incertitudes sur le bénéfice environnemental associé, et par des objectifs européens fluctuants.
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONs
L’évaluation des dépenses fiscales est délicate du fait de l’absence, le plus souvent, d’objectif affiché et d’un pilotage déficient. En conséquence, les données indispensables à une analyse de l’efficacité ou de l’efficience font fréquemment défaut, en particulier dans le champ du développement durable. La spécificité des outils à mobiliser pour réaliser des évaluations justifierait une vérirable mobilisation des organismes d’évaluation et de recherche, qui pourtant ne se voient que très peu sollicités pour réaliser de tels travaux.
Des différentes dépenses fiscales mises en place en faveur du développement durable dans le secteur du logement, seul le crédit d’impôt développement durable a fait l’objet de nombreuses études de la part de l’administration et des organismes qui lui sont associés. Au regard du nombre d'opérations aidées et de l'objectif initial de mobiliser massivement les propriétaires de logement pour qu’ils prennent conscience de la nécessité de faire des travaux, la mesure a été efficace dans les premières années qui ont suivi sa mise en place. Les autres mesures sont soit marginales (Éco-PTZ), soit trop récentes pour faire l'objet d'un jugement, mais le peu d'opérations ayant eu recours à la TVA à 5,5 % pour la première année ne milite pas en faveur d'un jugement positif. Toutefois, s’agissant de leur impact sur les émissions de CO2, ces dépenses fiscales ressortent comme largement inefficientes.
Concernant les transports, les incohérences sont nombreuses, avec une fiscalité largement défavorable au développement durable, malgré certaines évolutions récentes, et des dispositifs, comme le bonus-malus, qui ont donné lieu à d’importants effets d’aubaine. Les dispositions de détaxe du carburant restent largement orientées vers le soutien aux secteurs économiques concernés, au détriment de leur impact sur l’environnement.
Quant aux aides au patrimoine naturel, le bilan paraît très incertain. Si la plupart des mesures ont indubitablement un impact favorable sur le développement durable, ni leur efficacité, ni a fortiori leur efficience ne peuvent être estimées. Le dispositif Natura 2000, en particulier, ne fait l’objet d’aucun pilotage réel. Les coûteuses mesures en faveur de la forêt semblent plus procéder d’une fiscalité de détention que d’une fiscalité orientée vers une gestion active. Les efforts en faveur des énergies renouvelables sont notamment marquées par les effets d’aubaine concernant le photovoltaïque.
Aucune des mesures de substitution aux dépenses fiscales ne s’impose avec évidence. Outre que les lignes directrices européennes interdisent la plupart du temps des aides directes, les solutions alternatives comportent toutes des inconvénients, soit qu’elles soient trop onéreuses (subventions budgétaires), soit qu’elles nécessitent d’importants suivis administratifs (agréments fiscaux, remboursements a posteriori des taxes, etc.).
La difficulté de ce constat n’échappe pas à la Cour. Néanmoins il est de sa responsabilité de souligner l’incohérence d’un dispositif qui voit se mettre en place de façon parallèle et non coordonnée des dispositions d’incitations fiscales aux objectifs variés, mais dont l’incidence est contradictoire en matière de développement durable, au risque de cumuler les coûts et d’annuler les résultats.
Quoi qu’il en soit, une meilleure évaluation des dépenses fiscales semble le point de passage obligé pour permettre de faire évoluer les dispositifs existants.
La Cour recommande donc de :
lancer, avec le concours des organismes d’évaluation et de recherche, et notamment de l’ADEME et du CGDD, des évaluations globales des politiques menées dans les différents secteurs des transports ;
présenter, dans un rapport unique annexé au projet de loi de finances, pour chacune des dépenses fiscales en faveur de la protection de l’environnement, la dernière évaluation disponible de l’atteinte de ses objectifs ;
après évaluation, donner de la cohérence l’ensemble des dispositifs fiscaux relatifs au développement durable en remettant en cause les mesures aux effets contradictoires sur l’environnement.
Conclusion générale
Lors de la première Conférence environnementale pour la transition écologique qui s’est tenue à Paris à l’automne 2012, le Président de la République avait affiché l’objectif de faire de la France « la nation de l’excellence environnementale » avec la fiscalité comme un des principaux vecteurs, ambition reprise dans la feuille de route pour la transition écologique.
L’État dispose de deux autres moyens d’intervention que la fiscalité pour mettre en œuvre sa politique environnementale : la subvention budgétaire et la réglementation.
En l’absence de marges budgétaires, l’intervention du budget de l’État a un coût d’opportunité particulièrement élevé, particulièrement en France.
La réglementation s’avère inopérante s’agissant de certains secteurs, comme la rénovation de logements, où les enjeux sont pourtant les plus importants. De même la réglementation en matière de transports, largement décidée au niveau communautaire, ne peut évoluer que lentement pour permettre aux secteurs concernés de s’adapter.
L’action par la fiscalité est donc, dans certains cas, la plus adaptée ou en tout cas la plus tentante pour les pouvoirs publics, à l’image du choix opéré par les pays occidentaux qui se sont engagés dans la voie de la réforme de leur fiscalité environnementale pour réussir leur transition énergétique : d’autres pays se sont engagés dans la même voie, ainsi devenue un principaux vecteurs de la transition écologique parmi les membres de l’OCDE, à l’exemple de certains pays précurseurs tels que l’Allemagne ou la Suède.
Avant de recourir à des dépenses fiscales, le « verdissement » de la fiscalité passe par l’internalisation des coûts externes liés aux atteintes portées à l’environnement.
De ce point de vue, la fiscalité française, malgré quelques améliorations, reste très en retrait par rapport à ce qui s’observe dans d’autres pays européens et le poids de la fiscalité écologique classe la France dans la fourchette basse des pays imposant les comportements défavorables au développement durable.
Cette résistance s’explique d’abord au fond par la difficulté de ne pas alourdir le poids des prélèvements obligatoires, déjà très élevé en France, pesant sur certains secteurs économiques très concurrentiels.
En outre l’intervention publique se heurte à un forte résistance à l’instauration de nouvelles taxes comme l’illustrent au cours des années récentes les échecs successifs dans la mise en œuvre de trois projets de taxe : la TGAP énergie-climat en 2000 ; la taxe carbone en 2009-2010 ; l’éco-taxe en 2014. Ces trois échecs sont d’autant plus marquants qu’ils affectent chacune un aspect considérable de la fiscalité environnementale : les activités polluantes, les émissions de carbone, les transports.
Néanmoins un mouvement d’ensemble semble s’amorcer pour intégrer dans la fiscalité ces externalités négatives.
Il est encore trop tôt pour évaluer les effets de l’introduction par la loi de finances initiale pour 2014 (art.32) d’une composante carbone ou « contribution climat énergie » dans les tarifs des taxes intérieures de consommation (TIC). Mais, si la hausse progressive de la valeur de la tonne de CO2 fixée dans la loi de transition énergique pour la croissance verte et la loi de finances rectificative pour 2015 est respectée, le poids des taxes environnementales devrait augmenter.
Le recensement des dépenses fiscales montre que le poids des dépenses fiscales défavorables au développement durable reste prédominant.
Non seulement le doublement en 15 ans du nombre de dépenses fiscales n’a pas conduit à remettre en cause ce constat, mais pire, l’examen sur les cinq dernières années a montré que ce déséquilibre a eu tendance à s’accroître.
Il n’est donc pas certain que le dispositif de dépenses fiscales françaises soit globalement favorable au développement durable, sous l’effet conjugué de dispositifs contraires.
Certes la réduction programmée du différentiel de taxation entre essence et gazole devrait permettre d’atténuer un des principaux aspects négatifs de la fiscalité française, mais ce mouvement d’ensemble ne pourra être que progressif pour permettre aux agents économiques d’ajuster leurs comportements : adaptation de la production (construction automobile, raffinage), de la consommation (marquée par une préférence française pour le gazole),
Compte tenu du poids croissant qu’est ainsi appelée à jouer la fiscalité pour permettre à la France d’atteindre les objectifs environnementaux ambitieux qui ont été fixés, il est d’autant plus nécessaire qu’elle soit utilisée de la manière la plus efficiente possible.
Or, les moyens permettant d’évaluer cette efficience sont aujourd’hui assez généralement absents. Les analyses menées dans le cadre de cette enquête permettent de constater que les dépenses fiscales en faveur du développement durable font l’objet d’un suivi très insuffisant de la part de l’administration, alors qu’elles représentent un enjeu budgétaire significatif. Le suivi des dépenses fiscales est parcellaire, les coûts affichés peu fiables et mal maîtrisés, leur pilotage globalement inexistant. Faute d’objectif clair, comme c’est très souvent le cas, l’analyse de l’efficience est alors hors de portée. Même lorsque l’objectif est déterminé, les données statistiques nécessaires pour mener l’évaluation sont souvent indisponibles.
Une meilleure évaluation supposerait par ailleurs une véritable mobilisation des acteurs publics qui disposent des compétences et de l’expertise pour réaliser de telles études, en particulier l’ADEME et le Commissariat général au développement durable du ministère en charge de l’écologie.
De l’évaluation de l’efficience des dépenses fiscales relative au développement durable, nécessairement partielle, qu’a pu mener la Cour, trois constats principaux peuvent être dressés.
Tout d’abord, alors que la priorité a longtemps été donnée aux interventions en faveur du logement, les résultats sont d’autant plus décevants que des moyens considérables ont été consacrés à ce secteur. Les dispositifs ont pâti en particulier de leur instabilité et de leur complexité et l’évaluation de leur coût comparé aux émissions de CO2 qu’elles ont permis d’éviter permet de conclure à leur inefficience en termes de développement durable.
Ensuite, pour les dépenses fiscales où certaines données étaient exploitables, en particulier dans le champ des transports, il ressort que la contribution à l’accroissement des émissions de CO2 des dépenses fiscales défavorables à l’environnement l’emportait sur la réduction permise par les dépenses fiscales favorables, en raison notamment de leur montant élevé. La France accuse donc un réel retard par crainte de handicaper certains secteurs économiques, à la différence d’un pays tel que la Suède, qui a réussi à engager sa transition énergétique en fixant une taxe carbone de 120 €/tonne de CO2 s’appliquant de manière quasi uniforme à l’ensemble des utilisateurs d’énergie. Quelles que soient les motivations économiques légitimes qui ont pu conduire à leur mise en place, le maintien de ces dépenses fiscales apparaît désormais globalement contradictoire avec la politique environnementale nationale.
Enfin, en qui concerne les formes alternatives de production d’énergie ou la préservation des espaces naturels, les bilans sont souvent bons, mais l’impact reste marginal par rapport aux enjeux environnementaux. Les dispositifs qui concernent l’agriculture biologique, les réseaux de chaleur, la méthanisation agricole ou encore la substitution de carburants peinent à démonter un impact quantitatif réel.
Le bilan global montre que les dispositifs de dépenses fiscales analysées doivent être remis en cause lorsque leur efficience n’est pas démontrée.
Une réflexion pour corriger cette situation devrait être menée en tenant compte de trois éléments fondamentaux qui ressortent de l’analyse du rapport.
La dimension européenne doit d’abord être prise en compte, car elle conditionne souvent le choix de dispositifs fiscaux et toute modification doit intégrer les conditions de la concurrence au niveau communautaire. Tous les secteurs économiques concurrentiels sont concernés, particulier celui des transports, alors qu’a contrario celui du logement l’est beaucoup moins.
De plus, les mesures à prendre doivent être déclinées par secteur, chacun présentant ses spécificités. En matière de logement, une réforme est nécessaire pour cibler les aides sur les dispositifs conduisant à une amélioration marquée de la performance énergétique, en application des dispositions législatives (article 14 de la loi TECV). Dans les domaines de l’énergie et du transport, un changement de paradigme est en cours, avec d’une part l’alignement progressif de la taxation du gazole et de l’essence, d’autre part l’introduction, progressive elle aussi, de la contribution énergie-climat. Le maintien de dépenses fiscales visant à alléger le poids de la fiscalité énergétique pour des catégories nombreuses d’utilisateurs apparaîtra de plus en plus contradictoire avec ce nouveau paradigme. Enfin, en matière d’espaces naturels, les outils fiscaux ne sont pas nécessairement les plus adaptés : pour chaque secteur, une évaluation pourrait proposer des mises en cohérence entre les aides européennes, budgétaires et fiscales, afin d’atteindre plus efficacement les objectifs poursuivis.
Enfin, une évolution de l’architecture des dépenses fiscales suppose une évaluation la plus robuste possible, à la fois pour préciser l’efficience au regard du développement durable et pour en apprécier les conséquences sur les secteurs économiques concernés. En matière d’environnement, une difficulté particulière se pose : les enjeux se situent particulièrement dans le moyen et le long terme, et les effets des incitations fiscales mettent en général du temps avant de se faire sentir. Il y a donc un délicat équilibre à trouver entre la stabilité des dispositifs, afin que ces derniers puissent être évalués sur la base d’une période suffisamment longue, et leur nécessaire évolution, pour limiter les effets d’aubaine et permettre un pilotage pertinent.
L’ensemble des constats dressés dans ce rapport montre qu’ont été mis en place progressivement des dispositifs aux effets contradictoires et mal évalués, dont les effets au mieux s’annihilent alors que leurs coûts s’additionnent.
La Cour appelle les pouvoirs publics à remettre en cohérence l’ensemble des dispositifs fiscaux relatifs au développement durable.
Glossaire
AB Agriculture biologique
ADEME Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie
ANAH Agence nationale de l'habitat
ASP Agence de services et de paiement
BBC Bâtiment basse consommation
CCFA Comité des constructeurs français d’automobiles
CGAAER Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux
CGDD Commissariat général au développement durable
CGEDD Conseil général de l’environnement et du développement durable
CFE Cotisation foncière des entreprises
CIDD Crédit d’impôt développement durable
CIFA Compte d’investissement forestier et d’assurance
CITE Crédit d’impôt transition énergétique
CJUE Cour de justice de l’Union européenne
CSIAM Chambre syndicale internationale de l’automobile et du motocycle
CSPE Contribution au service public de l’électricité
DEFI Dispositif d’encouragement fiscal à l´investissement en forêt
DGDDI Direction générale des douanes et droits indirects
DGEC Direction générale de l’énergie et du climat
DGFiP Direction générale des finances publiques
DHUP Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages
DLF Direction de la législation fiscale
DOCOB Document d’objectifs
DPT Document de politique transversale
ETP Équivalent temps plein
ETS Emission trading system
FEADER Fonds européen agricole pour le développement rural
GNV Gaz naturel pour véhicules
GPL Gaz de pétrole liquéfié
ICPE Installation classée pour la protection de l’environnement
IGF Inspection générale des finances
INRA Institut national pour la recherche agronomique
Insee Institut national de la statistique et des études économiques
IS Impôt sur les sociétés
ISF Impôt de solidarité sur la fortune
LFI Loi de finances initiale
LFR Loi de finances rectificative
LOLF Loi organique relative aux lois de finances
LTECV Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte
LPFP Loi de programmation des finances publiques
MAAF Ministère de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt
MEEM Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer
OCDE Organisation de coopération et de développement économiques
PAC Politique agricole commune
PAP Projet annuel de performances
PIB Produit intérieur brut
PLF Projet de loi de finances
PPE Programmation pluriannuelle de l’énergie
RAP Rapport annuel de performances
SIP Service des impôts des particuliers
TFNB Taxe foncière sur les propriétés non bâties
TFPB Taxe foncière sur les propriétés bâties
TFUE Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
TGAP Taxe générale sur les activités polluantes
TIC Taxe intérieure de consommation
TICPE Taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers
TIPP Taxe intérieure sur les produits pétroliers
TVA Taxe sur la valeur ajoutée
Annexes
échange de correspondances entre la présidente de la Commission des finances du Sénat et le Premier président de la Cour des comptes
classification des dépenses fiscales
Les dépenses fiscales sont classées dans un premier temps selon leur objectif explicitement environnemental ou non, puis dans un second temps selon leur impact sur l’environnement positif ou négatif.
Règle de classement synthétique
La première catégorie regroupe les dépenses qui ont été explicitement créées dans un objectif d’amélioration environnementale. Il peut s’agir des dépenses qui soutiennent la préservation d’écosystèmes (Natura 2000, zones humides) ou celles qui visent une amélioration de la performance énergétique des logements.
La deuxième catégorie regroupe les dépenses qui n’ont pas été créées dans un objectif d’amélioration environnementale (ce n’est pas leur objectif premier), mais qui peuvent avoir un impact environnemental positif, notamment en induisant un changement de comportement (incitation à l’utilisation d’une alternative plus environnementale). Il s’agit des dépenses qui soutiennent :
les énergies renouvelables par rapport aux énergies fossiles, ou une meilleure efficacité énergétique (domaine énergie) ;
les modes de transport alternatifs au routier (transport de personnes : individuel-vélo ou communs-métro tramway par rapport à la voiture ; transport de marchandises : rail ou fluvial / routier) ;
l’utilisation de carburants moins polluants (moindre émission de CO2 ou de particules fines) ou plus efficaces sur le plan énergétique (GNV).
Le bonus-malus n’est pas une dépense fiscale, mais il est ajouté à cette liste. Bien que son objectif apparaisse parfois comme une aide au secteur de l’industrie automobile, une raison environnementale a été initialement mise en avant. Il pourrait éventuellement avoir un impact environnemental positif, même si pour l’instant il n’en existe aucune réelle démonstration.
La troisième catégorie comporte les dépenses qui ont un impact environnemental négatif et visent à soutenir les entreprises d’un secteur industriel ou commercial donné (aides sectorielles). Elles n’ont pas été créées dans un objectif d’amélioration environnementale et ne s’inscrivent pas dans une logique environnementale positive.
Pour certaines dépenses fiscales, les conséquences favorables ou défavorables sur la protection de l’environnement peuvent être discutées. La catégorisation établie par la Cour repose sur les analyses suivantes.
Liste des dépenses fiscales dont le classement peut être discuté et argument
venant à l’appui du choix retenu
Libellé de la dépense fiscale | Argument en faveur de la protection de l’environnement |
Exonération des dons et legs consentis à des associations d'utilité publique de protection de l'environnement et de défense des animaux | L’objectif assigné dans les documents budgétaires est en lien avec l’environnement : « Aider les associations de protection de l'environnement ou des animaux » | C’est une dépense fiscale créée en faveur de la protection de l’environnement. |
Exonération de la TGAP pour les lubrifiants biodégradables, non écotoxiques et d'origine renouvelable | Les produits éligibles sont favorables à l’environnement.218 | C’est une dépense fiscale créée en faveur de la protection de l’environnement. |
Taux de 7% (10% à compter du 1er janvier 2014) applicable aux éléments constitutifs des aliments pour le bétail et aux engrais, aux amendements calcaires, aux produits cupriques et aux produits phytopharmaceutiques destinés à l'agriculture biologique | Les engrais utilisés en agriculture biologique sont peu nocifs sur l’environnement. La liste des produits éligibles est revue régulièrement par la Commission européenne. | C’est une dépense fiscale créée pour soutenir le secteur de l’agriculture biologique mais ayant un impact favorable sur la protection de l’environnement. |
Ensemble des dépenses fiscales du programme 149 Forêt | Toutes les mesures ont pour objectif d’ « Aider le secteur sylvicole ». C’est donc en premier lieu un objectif économique. Il apparait cependant que ces dispositifs ont pour effet indirect de favoriser l’entretien des forêts ce qui est positif pour l’environnement. |
Exonération de TICFE pour l'électricité produite à bord des bateaux | L’objectif assigné dans les documents budgétaires est en lien avec l’environnement : « Favoriser les économies d’énergie ». Par ailleurs, les sites internet relatifs à ce sujet évoquent l’énergie solaire ou éolienne, les hydrogénérateurs, et toutes les alternatives au diesel. | C’est une dépense fiscale créée en faveur de la protection de l’environnement. |
Exonération plafonnée de taxe intérieure de consommation pour les esters méthyliques d'huiles végétales, les esters méthyliques d'huile animale ou usagées, les biogazoles de synthèse, les esters éthyliques d'huile végétale incorporés au gazole ou au fioul | Le sujet des biocarburants est complexe. | Le MAAF considère qu’ils sont favorables au DD Cf. réponse à l’insertion du rapport public annuel 2015 : « Soutenir les biocarburants produits en France comporte des co-bénéfices en matière d’atténuation du changement climatique, de politique agricole et industrielle, d’indépendance énergétique, d’indépendance protéique, et enfin d’économie circulaire. » | La Cour a une position plutôt négative. | Page 39 du rapport 2012 sur les biocarburants : « Par ailleurs, le bilan en termes d'émissions de GES a été constamment révisé dans un sens plus restrictif. De surcroît, les analyses des coûts/avantages ont commencé à tenir compte plus correctement de l’énergie nécessaire à leur production par rapport à celle restituée lors de leur combustion, ainsi que des changements d'affectation des sols (CAS) résultant de l’affectation de surfaces croissantes à la culture des plantes destinées à les produire. » | Conclusion de l’insertion au rapport public annuel 2015 : « Toutefois, le contexte dans lequel se situe cette politique a fortement évolué depuis 2012 : | - au niveau européen, avec la controverse récente sur les bénéfices réels des biocarburants pour l’environnement qui a conduit à un plafonnement de l’incorporation des biocarburants de première génération issus des filières agricoles et à une incertitude sur la politique qui sera suivie au-delà de 2020 ; » |
Autorisation à titre expérimental de l'usage des huiles végétales pures (HVP) comme carburant pour les flottes captives des collectivités locales ou de leurs groupements ayant signé avec l'État un protocole permettant d'encadrer cet usage à un taux réduit | Le sujet des biocarburants est complexe. | Le MAAF considère qu’ils sont favorables au DD Cf. réponse à l’insertion du rapport public annuel 2015 : « Soutenir les biocarburants produits en France comporte des co-bénéfices en matière d’atténuation du changement climatique, de politique agricole et industrielle, d’indépendance énergétique, d’indépendance protéique, et enfin d’économie circulaire. » | La Cour a une position plutôt négative. | Page 39 du rapport 2012 sur les biocarburants : « Par ailleurs, le bilan en termes d'émissions de GES a été constamment révisé dans un sens plus restrictif. De surcroît, les analyses des coûts/avantages ont commencé à tenir compte plus correctement de l’énergie nécessaire à leur production par rapport à celle restituée lors de leur combustion, ainsi que des changements d'affectation des sols (CAS) résultant de l’affectation de surfaces croissantes à la culture des plantes destinées à les produire. » | Conclusion de l’insertion au rapport public annuel 2015 : « Toutefois, le contexte dans lequel se situe cette politique a fortement évolué depuis 2012 : | - au niveau européen, avec la controverse récente sur les bénéfices réels des biocarburants pour l’environnement qui a conduit à un plafonnement de l’incorporation des biocarburants de première génération issus des filières agricoles et à une incertitude sur la politique qui sera suivie au-delà de 2020 ; » |
Diminution du prélèvement supplémentaire de la taxe générale sur les activités polluantes à proportion de la quantité de biocarburants incorporée aux carburants mis à la consommation | Le sujet des biocarburants est complexe. | Le MAAF considère qu’ils sont favorables au DD Cf. réponse à l’insertion du rapport public annuel 2015 : « Soutenir les biocarburants produits en France comporte des co-bénéfices en matière d’atténuation du changement climatique, de politique agricole et industrielle, d’indépendance énergétique, d’indépendance protéique, et enfin d’économie circulaire. » | La Cour a une position plutôt négative. | Page 39 du rapport 2012 sur les biocarburants : « Par ailleurs, le bilan en termes d'émissions de GES a été constamment révisé dans un sens plus restrictif. De surcroît, les analyses des coûts/avantages ont commencé à tenir compte plus correctement de l’énergie nécessaire à leur production par rapport à celle restituée lors de leur combustion, ainsi que des changements d'affectation des sols (CAS) résultant de l’affectation de surfaces croissantes à la culture des plantes destinées à les produire. » | Conclusion de l’insertion au rapport public annuel 2015 : « Toutefois, le contexte dans lequel se situe cette politique a fortement évolué depuis 2012 : | - au niveau européen, avec la controverse récente sur les bénéfices réels des biocarburants pour l’environnement qui a conduit à un plafonnement de l’incorporation des biocarburants de première génération issus des filières agricoles et à une incertitude sur la politique qui sera suivie au-delà de 2020 ; » |
Réduction d’impôt au titre des souscriptions en numéraire au capital de sociétés agréées de financement de la pêche artisanale (SOFIPECHE) réalisées à compter du 1er janvier 2009 | Cette disposition incite à la pêche et donc au prélèvement sur les ressources halieutiques. |
Source : Cour des comptes
liste des dépenses fiscales
Les dépenses fiscales suivantes ont été examinées dans le présent rapport. Elles sont classées par catégorie selon la typologie décrite en annexe 2.
Dépenses fiscales explicitement créées dans un objectif d’amélioration environnementale (Catégorie 1)
050204 | Dégrèvement égal au quart des dépenses à raison des travaux d’économie d’énergie, sur la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les organismes HLM et les SEM |
060105 | Exonération en faveur des zones humides |
060106 | Exonération en faveur des parcelles NATURA 2000 |
060107 | Exonération en faveur de certains terrains situés dans le cœur d'un parc national sis dans un département d'outre-mer |
110222 | (CIDD-CITE) Crédit d’impôt pour dépenses d’équipements de l’habitation principale en faveur des économies d’énergie et du développement durable |
110257 | Réduction d'impôt sur le revenu au titre des dépenses réalisées sur certains espaces naturels en vue du maintien et de la protection du patrimoine naturel |
210321 | Eco prêt à taux zéro (crédit d'impôt au titre d'une avance remboursable ne portant pas intérêt destinée au financement de travaux de rénovation afin d'améliorer la performance énergétique des logements anciens) |
520111 | Exonération des dons et legs consentis à des associations d'utilité publique de protection de l'environnement et de défense des animaux |
520118 | Exonération, sous certaines conditions, de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence des trois quarts de leur montant, en faveur des successions et donations intéressant les propriétés non bâties qui ne sont pas de nature de bois et forêts et situées dans les sites NATURA 2000, les zones centrales des parcs nationaux, les réserves naturelles, les sites classés et les espaces naturels remarquables du littoral |
730218 | Taux de 5,5% pour la fourniture par réseaux d’énergie d’origine renouvelable |
730223 | Taux de 5,5% pour les travaux d'amélioration de la qualité énergétique des locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans ainsi que sur les travaux induits qui leur sont indissociablement liés. |
820101 | Exonération de TICFE pour l’électricité produite à bord des bateaux |
Dépenses non reprises dans les documents budgétaires | Exonération des droits d'enregistrement et de publicité foncière pour les acquisitions et échanges d'immeuble faits par le Conservatoire du littoral |
Dépenses non reprises dans les documents budgétaires | Exonération des droits d'enregistrement et de publicité foncière pour les acquisitions et échanges d'immeuble faits par les parcs nationaux dans le cœur du parc national |
Dépenses non reprises dans les documents budgétaires | Exonération de la taxe spéciale d'équipement pour les espaces naturels et assimilés (terres, prés, vergers, vignes, lacs, mares, etc.) |
Dépenses non reprises dans les documents budgétaires | Réduction d’impôt pour la mise à disposition d’une flotte de vélos |
Dépenses non reprises dans les documents budgétaires | Exonération de l’impôt de l’« indemnité kilométrique vélo » |
Dépenses fiscales créées dans un objectif non environnemental mais pouvant avoir un impact favorable sur la protection de l’environnement (Catégorie 2)
060103 | Exonération de TFNB en faveur des terrains plantés en bois |
060202 | Dégrèvement de TFNB pour les terres gérées par les Associations foncières pastorales |
110224 | Réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs réalisés dans les départements, territoires et collectivités territoriales d'outre-mer, avant le 31 décembre 2020 |
110226 | Réduction d'impôt sur le revenu pour investissements et cotisations d'assurance de bois et forêts jusqu'au 31 décembre 2017 |
110241 | Réduction d'impôt au titre des cotisations versées aux associations syndicales autorisées ayant pour objet la réalisation de travaux de prévention en vue de la défense des forêts contre les incendies sur des terrains inclus dans les bois classés |
110262 | Crédit d'impôt sur le revenu pour travaux forestiers et rémunérations versées pour la réalisation de contrats de gestion de bois et forêts jusqu'au 31 décembre 2017 |
120113 | Exonération partielle de la prise en charge par l’employeur des frais de transport entre le domicile et le lieu de travail |
140127 | Exonération des intérêts des sommes inscrites sur un compte épargne d'assurance pour la forêt (CIFA) ouverts jusqu'au 31 décembre 2013 |
180105 | Exonération des produits de la vente d’électricité issue de l’énergie radiative du soleil |
200201 | Amortissement exceptionnel des matériels destinés à économiser l’énergie et des équipements de production d’énergies renouvelables |
200205 | Amortissement exceptionnel des matériels spécifiquement destinés à l’approvisionnement en GPL et GNV et à la charge des véhicules électriques |
200212 | Amortissement exceptionnel des véhicules fonctionnant exclusivement ou non au moyen de l’électricité, de gaz de pétrole liquéfié (GPL), de gaz naturel (GNV) ou de superéthanol E85, ainsi que des batteries et des équipements spécifiques |
200213 | Amortissement exceptionnel des immeubles destinés à l’épuration des eaux industrielles ou à la lutte contre la pollution atmosphérique et des constructions destinées à la mise aux normes des installations de production agricole classées |
200216 | Majoration du taux d’amortissement dégressif pour certains matériels des entreprises de première transformation du bois |
210316 | Crédit d'impôt en faveur des entreprises agricoles utilisant le mode de production biologique |
230507 | Taxation au taux réduit de 6 % libératoire de l'impôt sur le revenu ou de 8 % libératoire de l'impôt sur les sociétés, des plus-values réalisées à l'occasion d'apports à un groupement forestier |
230510 | Exonération des plus-values de cession de bateaux affectés au transport fluvial de marchandises |
310204 | Amortissement exceptionnel égal à 50 % du montant des sommes versées pour la souscription de parts de sociétés d'épargne forestière |
320113 | Déduction des investissements productifs réalisés dans les départements, territoires et collectivités territoriales d'outre-mer et des souscriptions au capital de sociétés qui réalisent de tels investissements. Dispositions applicables jusqu'au 31 décembre 2020 |
400108 | Exonération partielle des bois et forêts, des sommes déposées sur un compte d'investissement forestier et d'assurance (CIFA), des parts d'intérêts détenues dans un groupement forestier, des biens ruraux loués par bail à long terme et des parts de GFA |
520109 | Exonération partielle de droits de mutation des bois et forêts, des sommes déposées sur un compte d'investissement forestier et d'assurance (CIFA), des parts d'intérêts détenues dans un groupement forestier, des biens ruraux loués par bail à long terme, des parts de GFA et de la fraction des parts de groupements forestiers ruraux représentative de biens de nature forestière et celle représentative de biens de nature agricole |
730210219 | Taux de 5,5% pour certaines opérations (livraisons à soi-même d’opérations de construction, livraisons à soi-même de travaux de rénovation , ventes, apports, etc.) et taux de 10 % pour les livraisons à soi-même de travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien lorsqu’ils ne bénéficient pas du taux réduit de 5,5%, portant sur les logements sociaux et locaux assimilés suivants : - logements sociaux à usage locatif ; -logements destinés à la location-accession - logements relevant des structures d’hébergement temporaire ou d’urgence ; - logements relevant de certains établissements d’hébergement de personnes âgées ou handicapées ; - partie des locaux dédiés à l’hébergement dans les établissements d’accueil pour enfants handicapés |
730212 | Taux de 7% (10% à compter du 1er janvier 2014) applicable aux éléments constitutifs des aliments pour le bétail et aux engrais, aux amendements calcaires, aux produits cupriques et aux produits phytopharmaceutiques destinés à l'agriculture biologique |
730213 | Taux de 7% pour les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des logements achevés depuis plus de deux ans (avant le 1er janvier 2014, une partie de la dépense fiscale concerne les travaux d’amélioration de la qualité énergétique) |
730215 | Taux de 5,5 % (10% à compter du 1er janvier 2014) pour les travaux sylvicoles et d'exploitation forestière réalisés au profit d'exploitants agricoles |
800117 | Exonération de taxe intérieure de consommation pour les produits énergétiques utilisés comme carburant ou combustible pour le transport de marchandises sur les voies navigables intérieures |
800203 | Taux réduit de taxe intérieure de consommation pour les butanes et propanes utilisés comme carburant sous condition d’emploi |
800207 | Réduction de taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel à l’état gazeux destiné à être utilisé comme carburant repris à l’indice 36 du tableau B du 1 de l’article 265 du code des douanes |
800208 | Taux réduit de taxe intérieure de consommation sur le GPL |
800404 | Remboursement d’une fraction de taxe intérieure de consommation sur le gazole utilisé par les exploitants de transport public routier en commun de voyageurs |
800406 | Autorisation à titre expérimental de l'usage des huiles végétales pures (HVP) comme carburant pour les flottes captives des collectivités locales ou de leurs groupements ayant signé avec l'État un protocole permettant d'encadrer cet usage à un taux réduit |
820103 | Exonération de TICFE pour l’électricité utilisée pour le transport de personnes et de marchandises par train, métro, tramway et trolleybus |
Dépenses non reprises dans les documents budgétaires | Exonération de la TGAP pour les lubrifiants biodégradables, non écotoxiques et d'origine renouvelable |
Dépenses non reprises dans les documents budgétaires | Exonération de la TGAP pour les sacs de caisse à usage unique et biodégradable constitués de 40 % au moins de matières végétales |
Dépenses non reprises dans les documents budgétaires | Taux de 5,5 % (10 % à compter du 1er janvier 2014) sur le bois de chauffage, les produits de la sylviculture aggloméré destinés au chauffage et les déchets de bois destinés au chauffage. |
Dépenses non reprises dans les documents budgétaires | Exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pour 7 ans des installations et bâtiments de toute nature affectés à la production de biogaz, d'électricité et de chaleur par la méthanisation agricole |
Dépenses non reprises dans les documents budgétaires | Exonération de contribution foncière des entreprises pour 7 ans des installations et bâtiments de toute nature affectés à la production de biogaz, d'électricité et de chaleur par la méthanisation agricole |
Dépenses non reprises dans les documents budgétaires | Exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties des installations et bâtiments de toute nature affectés à la production de biogaz, d'électricité et de chaleur par la méthanisation agricole |
Dépenses non reprises dans les documents budgétaires | Exonération du droit d'enregistrement pour les actes liés à l'exploitation de terres incultes |
Dépenses non reprises dans les documents budgétaires | Exonération de TFNB pour les terres exploitées selon le mode de production biologique |
Dépenses non reprises dans les documents budgétaires | Diminution de 75 % de la taxe spéciale véhicules routiers si système mixte rail/route |
Dépenses non reprises dans les documents budgétaires | Exonération partielle de la TGAP déchets |
Dépenses non reprises dans les documents budgétaires | Diminution de la redevance d’exploitation d’une ICPE si entreprise ISO 14001 |
Dépenses non reprises dans les documents budgétaires | Exonération de la TFPB pour les immobilisations dédiées au photovoltaïque |
Dépenses non reprises dans les documents budgétaires | Exonération de la cotisation foncière des entreprises pour les concessionnaires de mines ou extracteur de pétrole/gaz |
Dépenses non reprises dans les documents budgétaires | Exonération partielle ou totale de la TFPB, sur délibération des collectivités locales, pour les logements qui font l’objet, par le propriétaire, de dépenses d’équipement |
Dépenses fiscales défavorables (Catégorie 3)
100110 | Déduction des souscriptions en numéraire au capital de sociétés agréées ayant pour objet le financement de la pêche artisanale (SOFIPECHE) versées avant le 1er janvier 2009 |
110255 | Réduction d’impôt au titre des souscriptions en numéraire au capital de sociétés agréées de financement de la pêche artisanale (SOFIPECHE) réalisées à compter du 1er janvier 2009 |
230405 | Provision pour reconstitution des gisements de substances minérales solides |
710102 | Exonération de certains produits et matières premières ainsi que des produits pétroliers dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion |
720201 | Exonération de la partie du trajet effectué à l’intérieur de l’espace maritime national pour les transports aériens ou maritimes de personnes et de marchandises en provenance ou à destination de la Corse |
800103 | Taux réduit de taxe intérieure de consommation pour les carburants utilisés par les taxis |
800104 | Exonération de taxe intérieure de consommation pour les carburants utilisés par certains commerçants sédentaires qui effectuent des ventes ambulantes, dans la limite de 1500 litres par an |
800107 | Exonération plafonnée de taxe intérieure de consommation pour les esters méthyliques d'huiles végétales, les esters méthyliques d'huile animale ou usagée, les biogazoles de synthèse, les esters éthyliques d'huile végétale incorporés au gazole ou au fioul domestique, le contenu en alcool des dérivés de l'alcool éthylique et l'alcool éthylique d'origine agricole incorporé directement aux supercarburants ou au superéthanol E85 |
800108 | Exonération de taxes intérieures de consommation pendant 5 ans pour les huiles minérales et le gaz naturel consommés aux fins de cogénération |
800111 | Exonération de taxe intérieure de consommation pour les huiles végétales pures utilisées comme carburant agricole ou pour l'avitaillement des navires de pêche professionnelle |
800114 | Exonération de taxe intérieure de consommation sur le charbon pour les entreprises de valorisation de la biomasse dont les achats de combustibles et d’électricité utilisés pour cette valorisation représentent au moins 3 % de leur chiffre d’affaires |
800115 | Exonération de taxe intérieure de consommation pour les produits énergétiques utilisés pour les besoins de l’extraction et de la production du gaz naturel |
800116 | Exonération de taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel des ménages et des réseaux de chaleur |
800201 | Taux réduit de taxe intérieure de consommation sur le gazole sous condition d’emploi, repris à l'indice 20 du tableau B de l’article 265 du code des douanes |
800204 | Taux réduit de taxe intérieure de consommation applicable aux carburéacteurs utilisés sous condition d’emploi |
800206 | Taux réduit de taxe intérieure de consommation applicable aux émulsions d’eau dans du gazole |
800209 | Taux réduit de taxe intérieure de consommation pour le gazole utilisé par les engins fonctionnant à l’arrêt, qui équipent les véhicules relevant des positions 87-04 et 87-05 du tarif des douanes |
800210 | Taux réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, le gaz naturel et les charbons au profit des installations intensives en énergie et soumises au régime des quotas d’émission de gaz à effet de serre de la directive 2003/87/CE |
800211 | Taux réduit de TIC sur les produits énergétiques, le gaz naturel et les charbons au profit des installations intensives en énergie et exerçant une activité considérée comme exposée à un risque important de fuite carbone |
800302 | Détaxe applicable aux supercarburants et essences consommés en Corse |
800401 | Exclusion des départements d’outre-mer du champ d’application de la taxe intérieure de consommation applicable aux carburants |
800402 | Remboursement de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel et sur le gaz de pétrole liquéfié carburant aux exploitants de transport public et de bennes de ramassage des déchets ménagers dans la limite d’un contingent annuel |
800403 | Remboursement d’une fraction de taxe intérieure de consommation sur le gazole utilisé par certains véhicules routiers |
800405 | Remboursement partiel en faveur des agriculteurs de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques |
820102 | Exonération de TICFE pour l’électricité consommée par des entreprises grandes consommatrices d’énergie soumises à autorisation pour l’émission de gaz à effet de serre |
970101 | Exonération de la taxe applicable aux voitures particulières les plus polluantes pour les véhicules à carrosserie "Handicap" et pour les véhicules acquis par les personnes titulaires de la carte d’invalidité |
Dépenses non reprises dans les documents budgétaires | Exonération de taxe intérieure de consommation pour les produits énergétiques utilisés comme carburant ou combustible à bord des navires de pêche |
Dépenses non reprises dans les documents budgétaires | Diminution de l'assiette du surcroît de TGAP lié à la mise en vente d'essence/gazole si utilisation de biocarburant |
Dépenses déclassées (PLF 2009) | Dépenses déclassées (PLF 2009) |
800101 | Exonération de taxe intérieure de consommation pour les produits pétroliers utilisés par certains bateaux |
800102 | Exonération de taxe intérieure de consommation pour les produits énergétiques consommés dans l’enceinte des établissements de production de produits énergétiques |
800109 | Exonération de taxe intérieure de consommation pour les produits énergétiques utilisés comme carburant ou combustible à bord des aéronefs, à l’exclusion des aéronefs de tourisme privé |
Source : Cour des comptes
chiffrage des dépenses fiscales
Les données retenues sont celles des PAP pour les montants prévisionnels et celles des RAP pour les montants exécutés, à l’exception des mesures ci-dessous.
Pour ce qui concerne la dépense n° 730210 « Taux de 5,5 % pour certaines opérations (livraisons à soi-même d’opérations de construction, livraisons à soi-même de travaux de rénovation, ventes, apports, etc.) et taux de 10 % pour les livraisons à soi-même de travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien lorsqu’ils ne bénéficient pas du taux réduit de 5,5 %, portant sur les logements sociaux et locaux assimilés suivants : - logements sociaux à usage locatif ; -logements destinés à la location-accession - logements relevant des structures d’hébergement temporaire ou d’urgence ; - logements relevant de certains établissements d’hébergement de personnes âgées ou handicapées ; - partie des locaux dédiés à l’hébergement dans les établissements d’accueil pour enfants handicapés », seuls ont été retenus les coûts liés au taux de 5,5 % pour les travaux d’amélioration de la performance énergétique des logements sociaux (analogue de la dépense 730223) et au taux réduit de TVA pour l’acquisition de logements sociaux. La part sur l’acquisition de logements sociaux contribue, par ricochet, à l’amélioration de la performance énergétique du parc de logement, les réglementations thermiques applicables aux logements neufs étant de plus en plus contraignantes, ainsi que le souligne le CGDD220. Le chiffrage est réalisé en sommant la part de la TVA lié à la construction de logements sociaux, obtenue à partir des bilans annuels réalisés par le ministère du logement, et pour 2014 la part liée aux travaux de rénovation thermique, calculée par différence de taux (20 % - 5,5 %) sur l’assiette de la dépense fiscale 050204. Le calcul pour 2015 est l’application du ratio 2014 sur la dépense fiscale totale (1 620 M€) sur la prévision de dépense du Voies et moyens, tome II, du PLF 2016 (1 630 M€). Ce chiffrage agrège en pratique une partie de la DF 7302014 (exonération partielle de TVA pour l’acquisition des terrains destinés à la construction des logements sociaux). La portion correspondant à la DF 730204 est ainsi retirée pour obtenir le solde de la DF 730210 correspondant à l’amélioration de la performance thermique des logements sociaux.
Chiffrage de la mesure 730210
en M€ | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 (p) |
Part construction | 1 452221 | 1 333222 | 1 153223 | 1 589224 | 1 473225 | |
Part amélioration | | | | | 62 | |
DF 730204 | (à retrancher) | 150 | 200 | 170 | 140 | 190 | |
Part développement durable de la DF 730210226 | 1 302 | 1 233 | 983 | 1 449 | 1 345 | 1 544 |
Source : Cour des comptes d’après la documentation budgétaire et les données du ministère du logement.
Pour ce qui concerne la dépense n° 730213 « Taux de 7% pour les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des logements achevés depuis plus de deux ans », 30 % des montants indiqués ont été retenus au titre des dépenses d’amélioration des performances énergétiques des logements. En effet, jusqu’au 1er janvier 2014, il n’existait pas de distinction entre les travaux de toute nature et les travaux de performance énergétique dans les logements. Comme le note la DLF dans sa réponse, ce taux fixe est insuffisant pour une appréciation fine de l’évolution de la dépense dans le temps, mais cette estimation permet d’obtenir un coût de la dépense fiscale portant sur l’amélioration énergétique des logements sur la période 2010-2013. Le ratio de 30 % est obtenu à partir des projections de la DLF pour 2014 dans le 227.
Pour ce qui concerne la dépense n° 730223 « Taux de 5,5% pour les travaux d'amélioration de la qualité énergétique des locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans ainsi que sur les travaux induits qui leur sont indissociablement liés », le montant retenu au titre des dépenses de l’année 2014 n’est pas celui qui figure dans le RAP 2014 mais celui indiqué dans le PAP associé au PLF 2016. En effet, une erreur de chiffrage a été détectée par l’administration.
Pour ce qui concerne les dépenses n° 120124 « Réduction d'IR à raison des investissements productifs réalisés dans les départements, territoires et collectivités territoriales d'outre-mer, avant le 31 décembre 2020 » et 330113 « Déduction des investissements productifs réalisés dans les départements, territoires et collectivités territoriales d'outre-mer et des souscriptions au capital de sociétés qui réalisent de tels investissements », il a été considéré que l’ensemble de la dépense pouvait être considérée comme ayant un impact favorable sur l’environnement. Pour les projets réalisés dans les secteurs des transports, de la navigation de plaisance, de l'agriculture, de la pêche maritime et de l'aquaculture, de l'industrie charbonnière et de la sidérurgie, de la construction navale, des fibres synthétiques, de l'industrie automobile ou concernant la rénovation et la réhabilitation d'hôtel, de résidence de tourisme et de village de vacances classés ou des entreprises en difficultés ou qui sont nécessaires à l'exploitation d'une concession de service public local à caractère industriel et commercial, un agrément du ministre chargé du budget est indispensable. Pour les projets réalisés dans les autres secteurs, cet agrément est nécessaire dès que le montant de l’investissement dépasse 1 M€. Cet agrément est délivré à la condition que l’investissement s’intègre dans la politique d'aménagement du territoire, de l'environnement et de développement durable. Par ailleurs, depuis 2010, les dépenses d’investissements dans les énergies renouvelables (hors installations photovoltaïques) bénéficient d’un taux de réduction majoré.
Pour ce qui concerne les trois mesures déclassées, les données actualisées pour l’année 2015 ne sont pas disponibles dans les RAP publiés au début du mois de mai 2016. En conséquence, ce sont les données prévisionnelles (PAP 2016) qui ont été retenues.
Pour ce qui concerne la dépense n° 800211 « Taux réduit de TIC sur les produits énergétiques, le gaz naturel et les charbons au profit des installations intensives en énergie et exerçant une activité considérée comme exposée à un risque important de fuite carbone », les données pour l’année 2015 sont celles du PAP 2016 étant donné que la dépense ne figure pas dans le RAP 2015.
en Suède, la réussite de la transition énergétique
a été permise par une politique fiscale volontariste
Pays précurseur sur les outils économiques innovants pour l’environnement, la Suède a fortement baissé ses émissions GES depuis 1990 s’appuyant sur une taxe carbone efficace pour réduire la part des combustibles fossiles dans le secteur du chauffage, qui est toujours considérée comme l’outil le plus efficient pour atteindre l’objectif climatique 2030.
Plusieurs administrateurs suédois, comme J.Kuylenstierna, directeur du Stockholm Environment Institute, Ministère des Finances, ont souligné que la taxe carbone est le dispositif le plus efficace pour réduire les émissions GES à moindre coût. Ce constat a été partagé dans les travaux de la coalition internationale New Climat Economy228 (initiée en 2013 par la Suède et 6 autres pays) et de l’OCDE229.
Parmi l’éventail large de dispositifs verts suédois (péages urbains, taxe SO2, etc.), les mécanismes de marché non-budgétaires méritent d’être examinés de près.
Le marché des certificats verts d’électricité EnR sont bien moins couteux que les tarifs de rachat. La redevance NOx redistribuée aux installations industrielles les plus propres, protège la compétitivité des entreprises suédoises.
Certains instruments verts suédois présentent toutefois un bilan plus nuancé, comme le programme d’audits énergétiques pour l’industrie (PFE) ou les soutiens passés à la filière du super-éthanol E85 en déclin. Toujours pionnière, la Suède devrait introduire une taxe innovante sur le contenu en substances chimiques toxiques des produits (téléphones portables, électroménager, matériaux de construction, etc.) d’ici 2017.
1. La Suède a introduit, avec succès, des outils économiques très efficaces pour réduire les émissions GES à moindre coût.
1.1. Instrument transversal, la taxe carbone serait l’outil le plus efficient
La Suède a introduit une taxe carbone dès 1991 dont le taux général, relevé progressivement, atteint désormais 120 €/tonne CO2 en 2016 (FR: 22 €/t). Décrite en détail dans la ND 2016-135888, la taxe carbone suédoise présente des taux variables (taux plein pour les services et les ménages, mais exonération totale pour les entreprises du secteur ETS depuis 2011). Elle a joué un rôle déterminant sur la réduction des émissions GES suédoises (27% depuis 1995, FR:13 %).
Comme la France aujourd’hui230, la Suède avait une part de combustibles fossiles pour le chauffage des logements de 60 %231 au milieu des années 1980, spectaculairement réduite à 1 % en 2015. Cette réduction est due à la taxe carbone suédoise qui a permis de verdir durablement le réseau de chaleur urbain (95 % des appartements connectés, approvisionnés à 5 % seulement par les combustibles fossiles232 en 2014 contre 90 % en 1980) et remplacer les chaudières au fioul et au gaz des maisons individuelles par des pompes à chaleur (géothermiques, air-air) et le réseau de chaleur urbain. Actuellement, le prix du fioul domestique et du gaz est deux fois plus élevé233 en Suède qu’en France.
La taxe carbone suédoise, dont les hausses successives ont été compensées par une baisse de l’impôt sur le revenu et des cotisations sociales (voir ND 2016-13588 sur le green tax shift suédois), a permis de réduire de plus de 20 % les émissions GES suédoises depuis 1990, selon les modélisations du Ministère des Finances (Markal Nordic). Le total des recettes de la taxe carbone, versé au budget général sans pré-affectations, s’élevait à 2,5 Md€ en 2014.
Selon les responsables de l’Agence suédoise de la Conjoncture (KI), chargée par le Gouvernement d’analyser « l’impact socio-économique des politiques publiques pour atteindre les objectifs climatiques », ont également partagé cette analyse dans leur rapport remis récemment au Gouvernement, dans lequel ils ont estimé qu’une hausse de la taxe carbone à 269 €/tonne d’ici 2030, reversée entièrement sous la forme d’une baisse des cotisations patronales, serait le moyen le plus efficient pour atteindre l’objectif de réduction des émissions GES (hors-ETS) de 50 % en 2030. Selon leurs modélisations (EMEC)234, le PIB en 2030 reculerait de 0,7 % seulement par rapport au scénario de référence 2030 basé sur les dispositifs actuels235, le pouvoir d’achat de 0,9 %, l’emploi de 0,2 % et les émissions GES de 18 %.
1.2. Un marché de certificats verts d’électricité EnR plus compétitif que les feed-in tariffs
Le marché suédois de certificats verts a été introduit en Suède dès 2003 puis est devenu le 1er mécanisme bilatéral au monde de soutien à l’électricité EnR depuis son élargissement à la Norvège en 2012 (voir ND 2016-135888 pour une description plus détaillée).
S’appuyant sur le principe de neutralité technologique (même niveau de subvention pour l’éolien terrestre, maritime, cogénération biomasse, etc.), le coût pour le consommateur final est très faible : 5 €/MWh dans la facture contre environ 16 €/MWh en France (CSPE : 22,5€/MWh dont environ 70 % dus aux tarifs de rachat EnR).
La production d’électricité verte est en forte progression en Suède et en ligne avec les objectifs : 17 TWh en 2014 (soit 17 millions de certificats verts distribués) dont le prix moyen était de 19 €/MWh en 2014, équivalent à une subvention non-budgétaire de 300 M€/an. L’éolien terrestre concentrait 80 % des certificats, suivi de la biomasse (16 %) et de l’hydro (4 %).
La direction des énergies renouvelables de l’Agence suédoise de l’Énergie met en avant l’impact du dispositif sur la surcapacité de la production électrique, dominée par le nucléaire (34 % de la production nationale) et l’hydroélectricité (47 %). La montée de l’éolien (10 %), entretenue mécaniquement par les taux d’obligations d’achat de certificats verts fixés par le Parlement, dope les exportations d’électricité (14 % de la production, + 45 % par rapport à 2014) et baisse le prix de l’électricité (20 €/MWh en 2015 contre 35 €/MWh en 2002). Le coût des certificats verts pour le consommateur « serait donc même négatif si l’on prend en compte les effets indirects sur la baisse du prix de l’électricité ».
Cet impact sur le prix de l’électricité menace, par ailleurs, la rentabilité des installations classiques (nucléaire et hydro), qui pâtissent de taxes à la production élevée (voir ND 2016-7936). Selon le Secrétaire Général de la Commission nationale sur l’énergie, Bo Diczfalusy, ces taxes environnementales pourraient être revues à la baisse prochainement et font l’objet de vives négociations actuellement au niveau politique. Ces taxes atteignaient 480 M€ pour le nucléaire (taxe sur l’effet thermique) et 591 M€ sur l’hydroélectricité (taxe foncière) en 2014, ce qui pourrait générer des pertes supérieures à 1 Md€ pour l’État en cas de suppression de celles-ci.
Un accord politique trans-partisan sur l’énergie obtenu le 10 juin 2016 prévoit une suppression de la taxe sur le nucléaire d’ici deux ans (avec une première baisse dès 2017) et une réduction de la taxe foncière sur l’hydroélectricité de 82 % d’ici quatre ans. En contrepartie, la taxe sur l’électricité sera augmentée de 4,5 €/MWh (hors industrie).
1.3. Qualité de l’air : grands succès des péages urbains et de la redevance NOx
Les péages urbains permettent de réduire le trafic dans les grandes agglomérations, améliorer la qualité de l’air et financer les infrastructures régionales de transports. Les recettes de l’ordre de 255 M€/an sont versées au budget général, mais pré-affectées à des projets de transport dans les régions. Le péage urbain a permis de réduire le trafic routier de 20 % dès son introduction en 2007 à Stockholm et le trafic n’a pas augmenté depuis en dépit d’une croissance démographique forte (+20% sur la période).
Le coût du péage varie entre 1,2 et 3,2 €/passage en fonction de l’horaire (taux maximum aux horaires de pointe à 8h et 17h, plafond journalier de 11,3 €, gratuit le weekend et entre 18h30 et 6h30). La hausse du coût du péage de l’ordre de 50 % à Stockholm au 1er janvier 2016 a déjà permis de réduire de 8 % le trafic sur le périphérique au cours des premiers mois 2016. Les questions de protection de la vie privée (le propriétaire du véhicule reçoit une facture par mois indiquant les passages des conducteurs de son véhicule) n’ont pas fait débat et la majorité des habitants soutient le péage au vu de l’amélioration du trafic. Le péage permet également des gains indirects économiques importants en réduisant les embouteillages (optimisation du temps de travail) et des gains sur la santé. Le péage a réduit les concentrations de NO2 dans l’air de plus d’1 μg/m³ dans la région de Stockholm générant par exemple un bénéfice de 18,5 M€/an236 suite à des coûts réduits de traitement d’asthme sur les enfants.
L’agence suédoise de l’Environnement (SNV) souligne les excellents résultats obtenus par la redevance sur les émissions NOx qui a permis de réduire les émissions NOx de plus de 50 % depuis 1990. Les installations de combustion produisant plus de 25 GWh/an (401 unités en 2014) sont soumises à cette redevance qui s’élève à 5,4 €/kg NOx (FR: 0,17 €/kg pour la TGAP), qui est ensuite entièrement reversée aux installations les moins polluantes (dispositif non budgétaire, 60 M€ de recettes en 2014). Les autorités suédoises compétentes ont mis en avant les avantages de cette redevance qui permet de « facturer les émissions NOx à des taux 10 fois supérieurs à ceux possibles par une taxe », tout en n’affectant pas la compétitivité du secteur grâce au principe de redistribution. Saluée par l’OCDE, la redevance NOx devrait toutefois être modifiée prochainement pour éviter d’avantager certains secteurs industriels par rapport à d’autres. Le taux de la taxe pourrait être augmenté et les montants redistribués revus à la baisse afin de limiter d’éventuels impacts positifs sur la production.
2. Un bilan environnemental plus nuancé concernant certaines politiques publiques ciblées
2.1. Biocarburants : des exonérations fiscales coûteuses et la problématique des aides d’État
Les gouvernements successifs depuis 2006 mènent une politique très dynamique sur les biocarburants (voir ND 2016-45149) dans le but d’atteindre l’objectif national ambitieux d’un parc de véhicules indépendant des combustibles fossiles d’ici 2030. La Suède franchit régulièrement les records de biocarburants avec une part de 15 % des carburants vendus en 2015 composée à 50 % de biodiesel HVO, 29 % de biodiesel FAME, 12 % d’éthanol et 9 % de biogaz (FR: 5 % avec 78 % FAME, 15 % éthanol, 7 % autres biodiesel), la Cour des comptes suédoise a estimé que le coût pour les finances publiques des exonérations de taxe carbone et énergie sur les biocarburants était de l’ordre de 200 M€/an237, soit de 320 €/tonne CO2 évité238.
Ce rapport coût-efficacité de la mesure, bien supérieur au taux de la taxe carbone et au coût moyen de réduction dans certains pays (8 €/ton10, CDM/JI), a été jugé excessif. D’autres analystes suédois ont estimé qu’il ne l’était pas en raison de l’importance de lancer la filière (impact de réduction sur le long terme) et de soutenir l’innovation (biodiesel HVO).
Les ministères suédois consultés ont mis en avant leurs problèmes liés à la règlementation européenne sur les aides d’État (voir ND 2016-135888). Le principe européen de non surcompensation des biocarburants par rapport aux carburants fossiles, qui détermine les niveaux acceptables d’exonération des droits d’accise, déstabilise le marché et n’est pas « une solution durable sur le long terme », selon les ministères suédois concernés. Suite à la chute des cours du pétrole, la Suède a revu à la hausse les taux d’exonération239 à partir d’août 2016, après les avoir réduites au 1er janvier 2016, ce qui a perturbé le marché.
Les aides sur les biocarburants de 1ère génération (« Food-based biofuels »: éthanol, FAME) pourraient être supprimées en 2020, ce qui crée de nouvelles incertitudes. Selon le Ministère des Finances et les modélisations de l’Agence suédoise de la conjoncture, les exonérations de fiscalité verte présentent un rapport coût-efficacité240 bien supérieur à la solution alternative qui serait basée sur l’introduction de quotas (i.e. l’obligation pour les distributeurs de carburants d’incorporer un certain pourcentage de biocarburants en faible mélange dans l’essence et le diesel, selon un système similaire au marché des certificats verts d’électricité EnR).
Il est intéressant de noter que les Suédois ne prévoient pas d’introduire sur le moyen terme de nouvelles taxes sur les biocombustibles-bois pour lutter par exemple contre certains polluants liés à la combustion (PM10, BaP, etc.) hors NOx, ni de revoir le taux de TVA sur le bois de chauffage contrairement à la France (hausse de TVA de 5,5 à 10 % entre 2012 et 2014).
2.2. Efficacité énergétique pour l’industrie : l’impact faible du programme PFE
La Cour des comptes suédoise a réalisé un audit sur les effets environnementaux du programme PFE. Lancé par le Gouvernement social-démocrate en 2005 et s’achevant en 2017 en vertu de la règlementation européenne sur les aides d’État, ce programme permet aux entreprises intensives en énergie241 de bénéficier d’une exonération totale de la taxe énergie sur l’électricité (5 €/MWh) durant cinq ans en contrepartie de l’introduction d’un système de gestion énergétique et d’audits énergétiques. Les entreprises participantes doivent également mettre en place des mesures d’amélioration énergétique identifiées par l’audit, dont le retour sur investissement est inférieur à trois ans.
Selon la Cour des comptes suédoise, les entreprises intensives en énergie participant au PFE n’ont pas plus réduit leur consommation énergétique que celles n’ayant pas pris part au programme, ce qui avait fait débat dans la presse lors de la parution du rapport, au regard notamment de la dépense fiscale liée au programme de l’ordre de 16 M€/an242. Elle a reproché le manque d’objectifs clairs et quantitatifs du programme sur les économies d’énergies des installations. L’Agence suédoise de l’énergie, en charge de la gestion du programme, reconnaît que les exigences de gain énergétique auraient pu être plus ambitieuses, et que le délai de 3 ans pour le retour sur investissement aurait dû être bien plus long pour soutenir à la fois les modernisations prioritaires et celles moins efficientes. Les autorités suédoises s’accordent, par ailleurs, sur le fait que le programme a soutenu la compétitivité du secteur.
2.3. La filière de l’E85 en fort déclin malgré un réseau d’approvisionnement développé
Selon le ministère suédois des Finances, l’échec de la filière suédoise du super-éthanol E85 pour véhicules flexifuel (pouvant être approvisionnés soit en essence, soit en E85) s’explique par des problèmes de corrosion des moteurs. Suite à une loi de 2006, toutes les stations-essence suédoises vendant plus de 1.000 m3/an de carburants doivent disposer d’une pompe à biocarburant. Pour des raisons de coût, les pompes E85 ont été privilégiées et environ 70 %243 des stations-essences suédoises étaient équipées d’une pompe E85 en 2015 (1.800 unités, FR : 700), suivi de pompes biogaz (150). Alors que cette loi a été critiquée pour son impact sur la fermeture de petites stations-services dans les campagnes244, elle prête à nouveau le flan à la critique car la filière E85 disparait aujourd’hui avec quasiment aucun véhicule E85 vendu depuis plusieurs années (contre 60.000 en 2008), 1.200 m3 d’E85 vendus en janvier 2016 (contre 22.000 m3 en janvier 2011, voir ND 2016-1023478), en dépit d’une infrastructure d’approvisionnement très développée.
À l’image du marché des certificats verts d’électricité EnR, les outils économiques suédois pour l’environnement, souvent basés sur des mécanismes de marché selon l’approche traditionnelle libérale suédoise, présentent un rapport coût-efficacité élevé tout en préservant la compétitivité de l’industrie (en particulier la redevance NOX entièrement reversée aux installations les plus vertueuses).
Au final, la Suède a réussi à se doter de l’empreinte carbone la plus faible de l’UE15 (réduction des émissions GES de 27 % depuis 1990), malgré une fiscalité verte totale parmi les plus faibles de l’UE (2,2 % du PIB en 2014; FR: 2,1 %). Certains dispositifs suédois (certificats verts, redevance NOx, hausse de la taxe carbone, sur le secteur du chauffage, compensée par une baisse de l’IR et des cotisations sociales, péages urbains) méritent d’être examinés de près.
3. La politique spécifique en matière d’agriculture
La réduction des émissions polluantes (GES, polluants de l’air, émissions diffuses d’azote et de nitrate dans la mer Baltique qui souffre d’eutrophisation, etc.) dans les exploitations agricoles est soutenue en Suède dans le cadre du programme national « Greppa Näringen ». Plus de 30 000 exploitations agricoles ont bénéficié d’audits gratuits depuis la création du programme en 2001. Le programme est conduit par l’Agence suédoise de l’Agriculture en coopération avec les Préfectures, le syndicat agricole suédois LRF et certaines entreprises agroalimentaires. Il est financé par le biais du programme suédois de développement rural et par certaines taxes environnementales. Dans le cadre de ce programme, la formation à l’apprentissage de la conduite des machines agricoles plus respectueuse pour l’environnement est proposée aux exploitants agricoles.
4. La baisse du trafic routier de plus de 20 % en ville grâce au péage urbain
Testé en 2006 puis introduit définitivement en 2007 suite à une décision du Parlement, le péage urbain de Stockholm obtient désormais un large soutien de la population en raison de son impact fort sur la décongestion du trafic, avec un nombre de véhicules en baisse de plus de 20 %, et sur la qualité de l’air. Le coût du péage, relevé au 1er janvier 2016, varie entre 1,2 et 3,2 € en fonction de l’horaire de passage (taux maximum aux horaires de pointe à 8h et 17h). Il existe un plafond journalier de 11,3 €. Depuis le 1er janvier 2013, Göteborg, deuxième ville du pays, dispose également d’une taxe à la congestion (taux plus faibles variant de 1 à 2,4 €/passage, plafond : 6,5 €). Les recettes des péages urbains (180 M€/an) sont versées au budget général, mais sont pré-affectées à la construction d’infrastructures routières dans les régions de Stockholm et Göteborg.
Le caractère régressif de la taxe de congestion n’a pas vraiment fait débat en Suède, car les consommateurs les plus modestes se déplaçaient déjà pour beaucoup en transport en commun (réseau de métro très étendu), en raison notamment des frais de parking en ville (qui sont bien plus élevés que le coût du transport en commun) et des amendes (supérieures à 100 €), des coûts du véhicule dont le carburant.
5. Le renforcement de la politique environnementale suédoise par l’information au public
Pour réduire le trafic routier en milieu urbain, la communication entourant les coûts d’un véhicule en centre-ville à Stockholm et Göteborg (péage urbain, parking, carburant, amendes, etc.) a permis aux transports collectifs, moins onéreux, de renforcer leur part de marché. Actuellement, la ville de Stockholm mène une campagne de promotion pour l’utilisation des vélos en libre accès (publicité dans le métro de Stockholm et affiches publicitaires dans les arrêts de bus). Les efforts de la ville pour développer des pistes cyclables, des parkings à vélos ont permis de tripler le nombre de cyclistes en 20 ans.
l’exemple des Pays-Bas
1. Suivi et gestion des dépenses fiscales
La Cour des Comptes néerlandaise s’est interrogée sur l’efficacité des dépenses fiscales en 2015 à travers un examen des différentes évaluations qui en ont été faites245. Elle a recensé 86 dépenses fiscales en 2015, pour un impact budgétaire global de 18,5 Md€ (soit 2,72 % PIB).
Comparées aux subventions directes (5,8 Md€ en 2013)), les dépenses fiscales sont donc relativement importantes. Il est à noter que les autorités néerlandaises préfèrent généralement, par un souci de simplification et de lisibilité, des dispositifs génériques à des instruments spécifiques ou sectoriels ; par conséquent certains dispositifs peuvent être utilisés à des fins relativement variées. Ils sont mis en œuvre par l’Agence de soutien aux entreprises néerlandaises RVO NL et par l’administration fiscale néerlandaise.
Les dix dépenses fiscales les plus importantes, listées ci-dessous, couvrent, en 2015, 65% du montant global des dépenses fiscales :
Dépense fiscale | Poids financier en 2015 (en millions d’euros) |
Exemption d’accises transport aérien | 2 042 |
Exemption de l’agriculture dans l’IR | 1 791 |
Abattement pour les entrepreneurs | 1 741 |
Produits alimentaires restauration | 1 404 |
Exemption eaux communautaires | 1 165 |
Transport de personnes (dont transport publics) | 1 065 |
Exemption de droits sur certains déboursements de capital | 926 |
Réduction d’impôts pour R&D | 794 |
Services intensifs en main d’œuvre | 627 |
Livres, magazines et presse | 527 |
Source : Ambassade de France aux Pays-Bas
La Cour des Comptes néerlandaise a élaboré sa propre définition de la dépense fiscale : « les dépenses fiscales sont des dispositifs fiscaux mis en œuvre afin de réaliser des objectifs par exemple dans le domaine de l’économie, de l’emploi, de l’environnement, de l’énergie et des transports. »
Cette définition est basée à son tour sur celle qu’utilise le Ministère des Finances néerlandais : « Dépenses publiques sous forme de perte ou de report de recettes fiscales, résultant d’une provision dans la loi dans la mesure où cette provision n’est pas en accord avec la structure d’impôts primaire de la loi ». Cette définition se trouve dans la Loi de Finances (ou Miljoenennota) 2015.
De fait, il s’agit d’une définition qui est utilisée depuis 1999, suite à une motion parlementaire de 1997 appelant le Gouvernement néerlandais à justifier systématiquement les dépenses fiscales dans la Loi de Finances à des fins de lisibilité et de contrôle parlementaire des dépenses publiques. Depuis 1999, les dépenses fiscales sont recensées explicitement en annexe, avec leur impact budgétaire. Cela coïncide avec l’émergence en France de la LOLF.
Les trois quarts du nombre des dépenses fiscales relèvent de trois ministères : Affaires économiques, Infrastructures et Environnement, Finances.
En valeur, ces trois ministères gèrent 88% de l’impact financier de ces dépenses.
Nombre de dépenses fiscales par ministère et intérêt financier
Ministère | Nombre de dépenses | Poids financier (en M€) |
Affaires économiques | 34 | 8 204 |
Infrastructure et Environnement | 20 | 5 433 |
Finances | 12 | 2 585 |
Education, Culture et Sciences | 8 | 1 367 |
Affaires sociales et emploi | 7 | 775 |
Santé | 3 | 90 |
Intérieur | 2 | 47 |
TOTAL | 86 | 18 501 |
Source : Ambassade de France aux Pays-Bas
Les provinces ne figurent pas dans cette liste de responsables des dépenses fiscales (de fait, elles ont une compétence fiscale très limitée aux Pays-Bas). Le ministère des Finances dispose, en tant que ministère chargé de la fiscalité et du budget, de la responsabilité budgétaire et du pouvoir de coordination des dépenses fiscales.
1.1. Suivi et pouvoir décisionnel
Le ministère compétent peut proposer une dépense fiscale pour réaliser ses objectifs de politique publique, tout en justifiant, dans la lettre de politique générale (beleidsbrief) détaillant sa politique et sa justification budgétaire, le recours à une dépense fiscale plutôt qu’à un autre instrument. Les dépenses fiscales des différents ministères doivent être justifiées dans les budgets et rapports annuels ministériels. Le ministère des Finances porte la responsabilité budgétaire des dépenses fiscales dans son budget. Une dépense fiscale peut être supprimée au moment où il résulte de son évaluation qu’elle est inefficace.
1.2. Principes budgétaires appliqués aux dépenses fiscales
Les dépenses fiscales doivent être justifies à l’aide d’un « cadre d’évaluation ».
Ce « cadre » propose une grille d’analyse composée de plusieurs questions, qui permettent d’évaluer la nécessité de recourir à une dépense fiscale pour réaliser l’objectif de politique publique :
Quel est l’objectif de la dépense ?
Pourquoi une dépense fiscale (approche de récompensation) plutôt qu’un impôt (approche de punition) ?
Le suivi et l’évaluation sont-ils garantis ?
Depuis 2002, ce « cadre » fait partie du manuel des « règles budgétaires de l’État ». La loi des Finances distingue plusieurs catégories de dépenses fiscales.
1.3. L’évaluation des dépenses fiscales
Le Cadre précité prévoit une évaluation systématique de chaque dépense fiscale au moins une fois tous les cinq ans. Depuis 2002, l’annexe de la loi de finances détaillant les dépenses fiscales indique systématiquement quelles dépenses ont été évaluées. C’est le ministère des Finances qui pilote et contrôle cet effort d’évaluations, tandis que les différents ministères restent eux-mêmes responsables de l’évaluation des dépenses fiscales qui relèvent de leur compétence.
Il résulte du rapport de la Cour des Comptes de 2015 que 32 des 86 dépenses fiscales, représentant un intérêt financier de 5,3 Md€, n’ont pas été évaluées à ce stade (2015). D’après les évaluations qui ont été faites des 54 dépenses restantes, il résulte notamment que 17 d’entre elles sont potentiellement inefficientes et que seulement 28 évaluations donnent lieu à un jugement positif de l’efficience de la dépense.
La Cour des Comptes s’est aussi demandée combien de dépenses fiscales sont potentiellement nuisibles à l’environnement et si ces dépenses sont efficientes. Il résulte de l’examen que 13 des dépenses actuelles (2015), représentant un montant de 5,6 Md€ par an, sont potentiellement nuisibles. Il s’agit des dépenses suivantes :
Dépense fiscale | Poids financier en 2015 |
Exemption d’accises transport aérien | 2 042 |
Exemption de l’agriculture dans l’IR | 1 791 |
Exemption d’accises pour les bateaux en eaux communautaires | 1 165 |
Taux réduit de TVA pour la floriculture | 229 |
Exemption de droits de mutation pour terres arables | 106 |
Taux réduit d’impôt sur l’énergie pour la serriculture | 74 |
Exemption d’impôts sur les véhicules motorisés de plus de 25, 30 ou 40 ans | 74 |
Remboursement d’impôt sur l’énergie pour les institutions à but non-lucratif | 35 |
Règlement TVA pour l’agriculture | 18 |
Exemption de droits de mutation pour l’Agence de gestion des terres arables | 11 |
Remboursement d’impôt sur l’énergie pour les églises | 8 |
Remboursement d’impôt sur l’énergie pour les gros consommateurs | 7 |
Exemption de droits de mutation pour l’aménagement du territoire | 1 |
TOTAL | 5 561 |
Source : Ambassade de France aux Pays-Bas
L’efficience de 4 d’entre ces 13 dépenses est inconnue. 14 des dépenses fiscales actuelles visent l’amélioration de l’environnement. Il s’agit des dépenses suivantes, qui représentent 917 M€ par an et dont, pour 7 d’entre elles, l’efficience est inconnue :
Dépense fiscale | Poids financier en 2015 |
Surcharge fiscale réduite pour les voitures à basse consommation | 525 |
Réduction pour les investissements énergétiques | 106 |
Réduction pour les investissements environnementaux | 93 |
Exemption des placements verts | 56 |
Abattement des placements verts | 38 |
Amortissement des investissements environnementaux | 38 |
Tarif zéro d’impôts sur les voitures à très basse consommation | 36 |
Énergie durable produite localement | 8 |
Exemption forêts et terrains naturels | 7 |
Exemption gestion des forêts et terrains naturels | 6 |
Exemption des droits de mutation des terrains naturels | 3 |
Exemption des travaux forestiers | 1 |
TOTAL | 917 |
Source : Ambassade de France aux Pays-Bas
le contrôle des dépenses fiscales par les administrations
Le contrôle du crédit d’impôt développement durable
Lors de la réception des 246, un contrôle de conformité est effectué entre les cases cochées par le contribuable et les droits au crédit d’impôt en découlant. L’ensemble des pièces justificatives est conservé par le contribuable, qui ne les transmet à l’administration fiscale que sur demande. En cas de contrôle ciblé sur un contribuable particulier, les éléments du CIDD sont examinés comme les autres données sur les ressources et les charges entraînant des déductions ou des crédits d’impôt. Si un service des impôts des particuliers (SIP) peut, dans son ressort territorial, décider de mener des enquêtes ponctuelles sur certains sujets, dont le CIDD, dans ce cas, un groupe de contribuables est ciblé et fait l’objet d’un contrôle exhaustif sur la mesure.
Au cours la période contrôlée, le CIDD n’a jamais été un thème choisi au niveau national pour programmer des investigations. Selon la DGFiP, « aucun dispositif fiscal ne constitue en soi un motif ou un axe de programmation ». Le bilan des contrôles recensés au niveau national ne comporte que ceux effectués dans le cadre de procédures lourdes, sans prendre en compte les rectifications et redressements effectués par les SIP dans le cadre d’une procédure simple de demande d’information, de la notification d’un redressement ou de la gestion éventuelle des demandes de remise gracieuse ou d’octroi de délai. Le montant moyen des redressements a atteint 2 829 € en 2011, 5 435 € en 2012, 3 277 € en 2013 et 3 448 € en 2014.
Nombre de contrôles à fort enjeux et montants CIDD
Année | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 |
Sur pièces | 2 | 887 | 556 | 444 | 482 |
Montant | 6 082 | 2 069 574 | 1 680 501 | 1 170 207 | 1 219 995 |
Sur place | 0 | 54 | 111 | 73 | 47 |
Montant | 0 | 593 414 | 1 944 749 | 542 054 | 466 299 |
Total | 2 | 941 | 667 | 517 | 489 |
Montant | 6082 | 2 662 988 | 3 625 250 | 1 694 261 | 1 686 294 |
Rencontrés au cours de l’enquête dans le but d’appréhender les difficultés concrètes du contrôle, les agents d’une direction régionale des finances publiques ont insisté sur la difficulté qu’éprouvent les contribuables pour bien comprendre la mesure, sur la complexité de la norme et sur l’attitude de certaines entreprises qui « vendent du CIDD », ce qui induit plus de litiges que la mauvaise foi du contribuable, comportement jugé marginal.
Dans la DRFiP rencontrée au cours de l’enquête de la Cour, les agents chargés du contrôle de base disposent tous d’un organigramme d’aide à la décision et d’un tableau récapitulatif des taux applicables selon la période, selon que les travaux sont isolés ou réalisés dans le cadre d’un bouquet. Ils reconnaissent toutefois que le respect de certains critères ne peut vraiment être vérifié que dans le cadre d’un contrôle sur place, la demande de la production des factures étant insuffisante pour savoir si l’isolation a concerné au moins de 50 % de la surface des murs, ou si les fenêtres remplacées sont au moins la moitié des fenêtres du logement.
À partir des anomalies les plus fréquentes, les SIP peuvent conduire des contrôles plus ciblés et identifier des risques potentiels, notamment quand le nombre de contribuables déclarant des dépenses éligibles est notablement supérieur à la moyenne. Cela a pu aboutir à une centaine de contrôles locaux en trois ans, pour des redressements en moyenne autour de 1 500 € par dossier.
Les litiges traités au niveau de la direction régionale rencontrée, comme ceux recensés au niveau national, portent souvent sur la méconnaissance de la réglementation, des entreprises ayant posé des isolants sans indiquer leur performance énergétique sur la facture, ou ayant installé des équipements de chauffage hors norme. Le fait que les normes aient évolué rapidement, parfois d’une année à l’autre pour certains produits, a pu avoir pour conséquence qu’un équipement commandé en année N-1, installé et payé en année N, ne soit plus conforme à la réglementation CIDD de l’année N et ne fasse plus l’objet d’une réduction d’impôt. En 2014, cela a concerné les panneaux photovoltaïques ou les systèmes de récupération des eaux pluviales, comme cela avait été antérieurement le cas pour les pompes à chaleur air/air à partir de 2009.
Parmi les dossiers signalés par la DGFiP comme ayant entraîné de nouvelles instructions aux services fiscaux, beaucoup portent sur le fait que le CIDD ne s’applique qu’à une fraction du coût de l’équipement. Le contribuable a du mal à admettre que s’il change son ancien chauffage électrique par convecteur par un chauffage central à eau chaude et chaudière à condensation, seule la chaudière est prise en charge et aucunement les radiateurs. Mais il est des cas où des équipements de chauffage à énergie renouvelable sont aussi pris en charge de façon partielle : pour les chaudières fonctionnant avec des granulés de bois alimentées automatiquement par une vis sans fin transférant les particules combustibles d’une trémie à la chaudière proprement dite, jusqu’à une décision de 2009247, (Instruction du 6/4/2009), le système d’alimentation n’était pas pris en compte au motif qu’il ne concourait pas directement à la production de l’énergie ; il est de tradition dans certaines régions comme l’Alsace d’utiliser des poêles à bois de construction traditionnelle décorés par des carreaux de faïence et souvent agrémentés d’une petite banquette, or ces poêles, quand ils sont aux normes « Flamme verte », sont éligibles au CIDD, mais les banquettes et carreaux de faïence ne le sont pas, d’où l’exigence que la facture fasse apparaître d’une part le prix de l’ossature, de l’autre celui de la « carrosserie » ; à défaut, l’instruction est de ne retenir que 50 % du prix du poêle.
Le recours à une entreprise au label RGE a été rendu obligatoire à compter du 1er janvier 2015. Cependant des travaux payés en 2015 peuvent avoir été effectués en 2014 par des entreprises qui ne possédaient pas l’agrément. L’administration fiscale a anticipé le problème puisque sont considérées comme engagées au plus tard le 31 décembre 2014 pour la France métropolitaine (ou le 31 décembre 2015 pour les départements d'outre-mer248) les dépenses afférentes à l'acquisition et à l'installation d'équipements, matériaux ou appareils pour lesquels le contribuable peut justifier de l'acceptation d'un devis et du versement d'un acompte à l'entreprise au plus tard à ces mêmes dates.
La Société de gestion des financements et de la garantie de l’accession sociale à la propriété (SGFGAS) centralise toutes les données relatives à la mesure et suit les encours bancaires dans chaque réseau ayant octroyé des prêts, mais ne fait pas état de contrôles exhaustifs par rapport aux opérations engagées, chaque établissement bancaire étant chargé de vérifier la conformité des factures aux devis justifiant du montant du prêt. En revanche, la SGFGAS a conduit des contrôles par sondage dès le lancement de la mesure. Sur 8 705 prêts contrôlés, la SFGFAS a constaté que 997 étaient porteurs d’anomalies, soit 11,4 %. Le taux de non-conformité s’est d’abord amélioré sensiblement, passant de 16 % pour les offres émises en juillet 2009 (quatre mois après ouverture du dispositif) à 6 % pour celles émises en juillet 2010, mais ce niveau est remonté à 10 % ensuite.
Les deux premières années de contrôle ont porté pour l’essentiel sur les premières générations d’éco-prêt PTZ distribuées par les établissements de crédit dans un contexte règlementaire nouveau, précisé par la suite. Les contrôles les plus récents portent sur des prêts soumis à une réglementation plus complète. Cependant, des analyses plus fines ne peuvent être menées, compte tenu de l’échantillon encore limité de dossiers sanctionnés issus de ces derniers contrôles (148 dossiers sur 1 458 contrôlés). Des résultats qualitatifs plus aboutis devaient être disponibles en 2014. Le contrôle du dispositif a actuellement abouti à un niveau de sanctions cumulées s’élevant à 2,7 M€.
Il serait particulièrement intéressant de mener des contrôles plus techniques sur les opérations de rénovation globale, pour constater si oui ou non les objectifs annoncés ont été atteints. Cependant la base contrôlable est très restreinte, moins de 1% des Éco-PTZ ayant été conclus sur ce fondement.
Le contrôle de la TVA à taux réduit
Il n’existe ni procédures, ni pratiques spécifiques portant sur le contrôle de la bonne application du taux réduit de TVA qui relève du droit commun des contrôles pratiqués par les services fiscaux vis-à-vis des entreprises249. A fortiori, avant 2014, aucune distinction ne pouvait être opérée entre la TVA à taux réduit applicable à des travaux d’entretien de façon générale et celle relative aux économies d’énergie. L’impossibilité d’identifier et de quantifier statistiquement les anomalies constatées empêche de dresser un panorama fiable des irrégularités ou même des difficultés d’application du taux réduit. Seul un examen ponctuel des dossiers de vérification permet de porter une appréciation.
Les entreprises sont tenues de déclarer les montants de TVA qu’elles ont acquittés et collectés. Depuis le 1er octobre 2014, toutes ont l’obligation de procéder à une télé-déclaration et à un télépaiement via un espace personnel ou via un prestataire agréé. Les formulaires-types qui structurent les déclarations de TVA comportent schématiquement cinq lignes, correspondant à la TVA brute à payer répartie entre les trois taux métropolitains (5,5 %, 10 % et 20 %) et les deux taux applicables dans les DOM (2,1 % et 8,5 %).
Le régime déclaratoire, qui couvre aussi l’étape de la liquidation, est fondé sur des agrégats qui ne permettent ni d’isoler des opérations ni des dispositifs fiscaux. En l’espèce, cela signifie que les montants de TVA brute collectée au taux de 10 %, taux applicable en 2013 pour tous les travaux, agrègent aussi les ventes de biens ou prestations de toutes natures soumis à ce taux. La DGFIP a indiqué que « Cela étant, s'agissant des déclarations des entreprises générales de bâtiment, il s'agit très majoritairement de travaux éligibles à ce taux. Il n’est pas possible de distinguer précisément, via les déclarations de TVA, la TVA collectée au titre des travaux d’amélioration des logements de plus de deux ans de celle collectée au titre d'autres prestations de services. Toutefois, l'identification du secteur d'activité des sociétés déclarantes permet d'évaluer cette TVA avec suffisamment de précision ».
Il n’est a priori pas question d’imaginer un système de déclaration et de liquidation plus détaillé qu’il ne l’est actuellement, sauf à rendre beaucoup plus complexes les déclarations de TVA. Néanmoins il en résulte l’impossibilité de chiffrer le coût réel de la dépense fiscale. La solution évoquée par la DGFIP, c’est-à-dire le croisement du secteur d’activité des entreprises déclarantes et des montants déclarés au titre du taux à 10 %, doit en effet correspondre en grande partie aux opérations de travaux visées par l’article 279-0 bis, avec cependant une zone de chevauchement possible avec ceux de l’, c’est-à-dire les travaux de construction de logements sociaux neufs dits « intermédiaires », également soumis au taux de 10 %. Quoique les entreprises du secteur du bâtiment soient relativement spécialisées dans tel ou tel champ, il est probable que certaines – notamment dans le second œuvre ou les finitions – sont susceptibles d’intervenir à la fois dans des programmes neufs et dans des opérations d’entretien et d’amélioration de logements existants.
En outre, les entreprises concernées sont, sinon structurellement, du moins fréquemment créditrices vis-à-vis de la TVA puisqu’elles acquittent un taux normal pour leurs propres fournitures et ne facturent qu’un taux réduit à leurs clients. Cela signifie que la liquidation d’une « moindre recette », voire d’un paiement de la part de l’État en cas de versement d’un solde créditeur de TVA, ne sont en l’espèce accompagnés d’aucun justificatif d’aucune sorte et il n’existe pas de démarche de contrôle portant spécifiquement sur le taux réduit de TVA. Le contrôle de son application emprunte la voie des vérifications fiscales de droit commun, sans que les stratégies et les priorités de contrôle affichées par l’administration fiscale, au niveau national ou déconcentré, paraissent l’identifier en tant que tel.
Les vérifications fiscales sont de deux types : les vérifications sur pièces et les vérifications sur place (ces dernières étant des « vérifications de comptabilité » pour les entreprises).
Les vérifications sur pièces sont en principe limitées aux éléments fournis par les assujettis dans le cadre de leurs obligations déclaratives. Les services vérificateurs rencontrés dans le cadre de l’instruction estiment que ces vérifications procèdent pour l’essentiel de la gestion et de la régulation du système déclaratif, les cas de « vérification d’initiative », qui marquent un degré supplémentaire dans les investigations, étant assez rares. Les vérifications sur pièces ne faisant pas l’objet d’une notification formelle au contribuable, elles ne permettent pas aux agents vérificateurs de s’adresser directement au contribuable avant l’émission d’une proposition de rectification. En ce qui concerne le taux réduit de TVA, cela signifie concrètement que dans ce cadre, il n’est possible de demander ni les factures constitutives du chiffre d’affaires, ni même les attestations signées par les clients. C’est donc dans le seul cadre des vérifications sur place, notifiées au préalable, que peuvent être réunis des éléments matériels.
Les documents et études relatifs aux phénomènes de fraude liés à la TVA ne semblent pas désigner les taux réduit comme un risque spécifique. Notamment, si un rapport de juin 2015250 considère que les taux réduit constituent un facteur de complexification de la gestion – et donc du coût – de la TVA, il n’en fait pas des cibles spécifiques d’une stratégie de contrôle rénovée, laquelle devrait plutôt s’attacher aux mécanismes de fraude complexes et organisés. En sens inverse, le même rapport conclut : « Il est donc très difficile d’établir une corrélation entre la baisse du taux de TVA et un repli des comportements frauduleux. L’utilisation d’une baisse du taux de TVA comme outil de lutte contre la fraude est donc sujette à caution ».
Cette intégration au droit commun a pour conséquence l’impossibilité d’estimer avec quelque assurance une « intensité de contrôle » de la correcte utilisation du taux réduit. En effet, dans l’application de suivi des vérifications fiscales externes tous les cas de mauvaise application d’un taux réduit de TVA sont analytiquement regroupés sans qu’il soit possible d’identifier dans cette masse l’article du code général des impôts qui a été enfreint et donc, la mesure fiscale dont a irrégulièrement bénéficié telle ou telle entreprise. Toutefois la DGFiP a été en mesure de fournir à la Cour des états récapitulatifs des vérifications fiscales engagées au titre des années 2010 à 2015 par les services déconcentrés en croisant les codes NAF du secteur de la construction et le code thésaurus 2781010 mentionné ci-dessus.
Dans la mesure où les entreprises du secteur de la construction peuvent faire usage d’un taux réduit au titre de différentes catégories de travaux, ces états récapitulatifs ne portent pas spécifiquement sur l’article 279-0 bis, mais au moins sur cinq mesures fiscales différentes relevant de la TVA dans le secteur de la construction et du logement, sans même évoquer les erreurs commises dans l’usage du taux de droit commun ou dans l’usage des taux ultramarins.
National des vérifications déconcentrées ayant abouti à une rectification au titre de la TVA dans les secteurs de la construction et du logement
| 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 (jusqu’au 10/11) |
Nombre de vérifications | Dont vérifications spécifiques sur la TVA | 391 | 16 | 403 | 22 | 416 | 20 | 413 | 20 | 364 | 24 | 287 | 22 |
Droits bruts établis par les vérifications (tous impôts) en M€ | 43,69 | 40,79 | 42,65 | 45,43 | 49,88 | 34,60 |
Montant total des rectifications de TVA en M€ | 6,72 | 6,11 | 9,15 | 5,79 | 7,95 | 5,98 |
Montant total des pénalités en M€ | 29,99 | 26,46 | 28,17 | 29,27 | 42,39 | 24,28 |
Source : Cour des comptes à partir des états DGFiP
Montant moyen et médian des rappels effectués (période 2010-2014)
suite à un contrôle sur pièces
| Nombre de rappels | Somme € | Moyenne € | Médiane € |
(CIDD-CITE) Crédit d’impôt pour dépenses d’équipements de l’habitation principale en faveur des économies d’énergie et du développement durable [110222] | 12 144 | 29 577 424 | 2 435 | 1 280 |
Réduction d'IR pour investissements et cotisations d'assurance de bois et forêts jusqu'au 31 décembre 2017 [110226] | 72 | 265 056 | 3 681 | 2 219 |
Réduction d'IR au titre des dépenses réalisées sur certains espaces naturels en vue du maintien et de la protection du patrimoine naturel [110257] | 4 | 22 655 | 5 664 | 5 881 |
Crédit d'impôt en faveur des entreprises agricoles utilisant le mode de production biologique [210316] | 54 | 162 126 | 3 002 | 3 891 |
Eco prêt à taux zéro (crédit d'impôt au titre d'une avance remboursable ne portant pas intérêt destinée au financement de travaux de rénovation afin d'améliorer la performance énergétique des logements anciens)[210321] | 135 | 544 620 | 4 034 | 2 476 |
Exonération partielle de droits de mutation des bois et forêts, des parts d'intérêts détenues dans un groupement forestier, des biens ruraux loués par bail à long terme, des parts de GFA et de la fraction des parts de groupements forestiers ruraux représentative de biens de nature forestière et celle représentative de biens de nature agricole [520109] | 175 | 4 290 692 | 24 518 | 12 105 |
Exonération partielle des bois et forêts, des sommes déposées sur un compte d'investissement forestier et d'assurance (CIFA), des parts d'intérêts détenues dans un groupement forestier, des biens ruraux loués par bail à long terme et des parts de GFA [400108] - régime des bois et forêts | 184 | 1 389 150 | 7 550 | 2 876 |
Montant moyen et médian des rappels effectués (période 2010-2014)
suite à un contrôle fiscal externe
| Nombre de rappels | Somme € | Moyenne € | Médiane € |
(CIDD-CITE) Crédit d’impôt pour dépenses d’équipements de l’habitation principale en faveur des économies d’énergie et du développement durable [110222] | 718 | 7 631 709 | 10 629 | - |
Réduction d'IR pour investissements et cotisations d'assurance de bois et forêts jusqu'au 31 décembre 2017 [110226] | 5 | 119 036 | 23 807 | 11 100 |
Réduction d'IR au titre des dépenses réalisées sur certains espaces naturels en vue du maintien et de la protection du patrimoine naturel [110257] | 2 | 9 597 | 4 799 | 4 799 |
Crédit d'impôt en faveur des entreprises agricoles utilisant le mode de production biologique [210316] | 12 | 32 101 | 2 675 | 3 521 |
Eco prêt à taux zéro (crédit d'impôt au titre d'une avance remboursable ne portant pas intérêt destinée au financement de travaux de rénovation afin d'améliorer la performance énergétique des logements anciens)[210321] | 9 | -77 601 | -8 622 | 1 910 |
Exonération partielle des bois et forêts, des sommes déposées sur un compte d'investissement forestier et d'assurance (CIFA), des parts d'intérêts détenues dans un groupement forestier, des biens ruraux loués par bail à long terme et des parts de GFA [400108] - régime des bois et forêts | 4 | 257 151 | 64 288 | 11 067 |
la performance énergétique du parc de logements
Au demeurant, les deux sources d’information sont assez convergentes sur le nombre infime des logements d’étiquette énergie A : 0,3 % pour le CGDD, 0,05 % pour EX’IM dont les chiffres sont plus anciens, et assez cohérentes en ce qui concerne les logements en étiquettes B, 2 % pour le CGDD et 1,3 % pour EX’IM. L’étiquette C est de 11,7 % pour le CGDD comme pour EX’IM. Or il faut considérer que l’obtention de l’étiquette C, soit une consommation maximale de 150 kW hep/m²/an était un objectif raisonnable quand il ne s’agissait que de diminuer globalement la consommation d’énergie d’un parc situé en moyenne autour de 270 kW hep/m²/an, tout autre est l’enjeu si tous les logements à rénover doivent se situer en BBC rénovation soit 80 kW hep/m²/an, plus de 3 fois moins que la moyenne et la moitié de l’étiquette C.
Répartition des logements en fonction de leur étiquette énergie et de leur étiquette climat
Au final, on retiendra que plus de 95% des logements sont à rénover pour atteindre la classe B, soit environ 27 millions de logements, cet effort à répartir sur 35 ans après la promulgation de la LTECV conduisant à l’exigence d’une rénovation totale à la norme BBC rénovation de 770 000 logements par an, ce qui est très différent de la notion de nombre de logements ayant fait l’objet de travaux qui était l’objectif des périodes précédentes, et diffère aussi de l’objectif vague de rénovation énergétique à mettre en œuvre avant 2025 sur tous les logements dont la consommation excède 330 kWhep/m²/an. Il s’agit en l’occurrence des logements des classes F et G, soit selon le CGDD 30,7% du parc, soit environ 850 000 logements par an sur la période de 10 ans considérée. Or la loi ne précise ni la classe énergétique qui doit être atteinte après travaux, ni la sanction opérée si les travaux ne sont pas effectués.
L’article 6, censuré par le Conseil constitutionnel, prévoyait à l’origine que : « À partir de 2030, les bâtiments privés résidentiels doivent faire l'objet d'une rénovation énergétique à l'occasion d'une mutation, selon leur niveau de performance énergétique, sous réserve de la mise à disposition des outils financiers adéquats. - Un décret en Conseil d'État précise le calendrier progressif d'application de cette obligation en fonction de la performance énergétique, étalé jusqu'en 2050 ». Le Conseil constitutionnel a considéré « qu'en s'attachant à réduire la consommation énergétique des bâtiments résidentiels, le législateur a poursuivi un objectif d'intérêt général ; que, toutefois, en ne définissant ni la portée de l'obligation qu'il a posée, ni les conditions financières de sa mise en œuvre, ni celles de son application dans le temps, le législateur n'a pas suffisamment défini les conditions et les modalités de cette atteinte au droit de disposer de son bien ».
On peut estimer que l’ensemble des obligations de rénover fixées dans le cadre de la LTECV, même si elles n’ont pas été censurées, souffrent de la même lacune, puisque les objectifs intermédiaires de niveau de rénovation des logements des étiquettes F et G n’ont pas été précisés.
Les logements les plus « énergivores » de la classe G représentent enfin 7,35% du parc pour EX’IM et le double, soit 15,3% du parc, pour le CGDD ce qui est un écart considérable et équivaut à 4,3 millions de logement, si on les rapporte aux 28,2 millions de résidences principales recensées par l’Insee en 2012. Selon le CGDD, la majorité de ces logements sont dans le parc locatif privé et sont de petite taille. On observera de façon incidente que le CITE n’est accessible qu’aux propriétaires occupants, mais que l’Éco-PTZ et la TVA à taux réduit sont des outils que les propriétaires bailleurs peuvent mobiliser.
Étiquette énergie selon l’âge du logement
Source : SOeS, enquête Phébus 2013
La très grande majorité des logements de l’étiquette G (> 450 kWhep/m²/an) ont été construits avant 1974, près de la moitié avant 1948. Pour l'étiquette E, proche de la moyenne nationale (231 à 330 kWhep/m²/an) comme pour l’étiquette D (151 à 230 kWhep/m²/an), les logements anciens sont encore nombreux, mais la part la plus importante correspond à des logements construits de 1975 à 2000. L’étiquette C (91 à 150 kWhep/m²/an) voit la part des logements construits depuis 2001 être très prépondérante, de même que l’étiquette B qui équivaut à la norme évoquée pour la rénovation de tous les logements dans la LTECV. En pourcentage du parc, cette étiquette B ne représente encore que 2 % du total des logements.
Globalement, ce sont les logements de petite taille (1 ou 2 pièces) qui sont très majoritaires parmi les logements de l’étiquette G, alors que l’étiquette E présente une répartition équilibrée de petits, moyens et grands logements. En étiquette D, les petits logements sont minoritaires et très minoritaires en étiquette C.
Étiquette énergie selon la taille du logement
Source : SOeS, enquête Phébus 2013
Enfin ce sont les locataires du parc privé, avec une présence vraisemblable dans les petits logements délabrés du « parc social de fait », qui sont très majoritaires à occuper des logements d’étiquette F et G. La situation de l’étiquette E est équilibrée entre locataires du parc privé, du parc social, et propriétaires occupants, puis les locataires du privé deviennent minoritaires dans les catégories de logement plus économes en énergie, étiquette D et surtout étiquette C.
Etiquette énergie selon le statut d’occupation du logement
Source : SOeS, enquête Phébus 2013
données quantitatives sur les bénéficiaires des dépenses fiscales en faveur du logement
Compatibilité des différents dispositifs en faveur du logement
Cumuls et exclusion des dépenses fiscales
Caractéristique | CITE | Éco-PTZ | TVA 5,5 % | Exonération TFPB |
Équipement ou matériau agréé CITE | Oui | Oui | Oui | Oui |
Pose isolation | Oui | Oui | Oui | Oui |
Pose autre équipement | Non | Oui | Oui | Oui |
Travaux indissolublement induits | Non | Oui | Oui | Oui |
Logement construit avant 1990 | Oui | Oui | Oui | Oui |
Logement construit entre 1990 et 2014 | Oui | Non251 | Oui | Oui |
Recours à une entreprise non RGE | Non | Non | Oui | Oui |
Source : Cour des comptes
Le bouquet de travaux du CIDD
La complexité du CIDD s’illustre par la notion de bouquet de travaux, qui s’appliquait de trois manières distinctes :
- soit en rendant obligatoire la réalisation concomitante de plusieurs travaux de rénovation énergétique pour bénéficier du CIDD sur certains équipements : ainsi, en 2012, l’acquisition de matériaux d’isolation thermique des parois vitrées, de volets isolants ou de portes d’entrée donnant sur l’extérieur n’a été éligible « qu’à la condition que ces dépenses soient réalisées concomitamment à d’autres dépenses » ;
- soit en modulant le taux du crédit d’impôt en fonction de la réalisation ou non d’un bouquet de travaux : à compter de 2012, les contribuables ont pu bénéficier d’une majoration de dix points de leur crédit d’impôt s’ils réalisaient un bouquet de travaux ;
- soit, comme en 2014, en conditionnant l’éligibilité au CIDD à la réalisation d’un bouquet de travaux, sauf lorsque les revenus du contribuable étaient inférieurs aux seuils définis au II de l’.
La complexité du dispositif était accrue par le fait que les obligations précises des bouquets n’étaient pas les mêmes selon que le logement était indépendant ou situé dans un immeuble. Le principe de base était qu’une dépense d’amélioration de chauffage n’était prise en compte que si des travaux d’isolation étaient faits simultanément, et une isolation de la maison devait comprendre au moins deux éléments, par exemple murs et toit, ou murs et vitrages. En revanche, les volets et portes isolants n’étaient pas éligibles dans le cadre d’un bouquet de travaux, mais ces matériels sont désormais susceptibles de bénéficier du crédit d’impôt. En ce qui concerne les volets isolants, la motorisation de leur ouverture n’est pas éligible au CIDD, d’où l’exigence d’une facturation séparée entre le volet et le moteur de commande.
Le rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales notait déjà à ce propos en 2011 que « la complexité du CIDD (suivi des évolutions, connaissance des équipements et des critères techniques etc.) confronte les agents de la DGFIP à un public, qui plus est, non au fait de ces questions, auquel elle délivre une information sans assurance sur sa parfaite fiabilité compte tenu de la technicité du dispositif. De plus, la multiplicité des équipements et le manque de fiabilité des pièces justificatives (factures délivrées par l’installateur de l’équipement) sur lesquelles s’effectuent les contrôles de l’administration sont source d’une application non homogène du dispositif sur le territoire national, voire de fraudes ».
Les bénéficiaires du CIDD de 2005 à 2013
La DGFiP tient à jour des statistiques précises sur le crédit d’impôt, mais il faut noter que la dépense fiscale d’une année N se réfère aux travaux payés en année N-1 par le contribuable, et indiqués en année N dans sa déclaration des revenus N-1. C’est pourquoi la mesure mise en place en 2005 ne donne lieu à des dépenses qu’à partir de 2006, les dépenses 2014 correspondent à des opérations de 2013.
Le nombre de foyers fiscaux bénéficiaires a varié moins sensiblement que le coût du CIDD : entre 1,2 et 1,5 million de 2007 à 2012. Ce n’est qu’en 2013 que s’est amorcée une chute significative du nombre de bénéficiaires, par suite du fort resserrement du dispositif. On peut ainsi distinguer deux phases dans l’évolution à la baisse du coût du CIDD : une première phase liée à une baisse des taux et une seconde à compter de 2012, via la limitation de l’éligibilité au crédit d’impôt. En moyenne, 2 à 4 % des foyers fiscaux ont bénéficié chaque année du CIDD. Au total, près de 10 millions de foyers fiscaux ont bénéficié du CIDD dans la période (soit près d’un tiers des foyers fiscaux) pour un montant de 13,8 Md€.
Coût du CIDD et foyers fiscaux bénéficiaires (2006 à 2013)
| 2006 | 2007 | 2008 | 2009 | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 |
Bénéficiaires occupants | 1 254 902 | 1 322 881 | 1 536 941 | 1 536 147 | 1 472 975 | 1 234 245 | 795 184 | 662 899 |
Montant (K€) | 1 872 900 | 2 099 580 | 2 778 380 | 2 627 310 | 2 031 600 | 1 107 090 | 667 950 | 611 210 |
Montant moyen (€) | 1 492 | 1 587 | 1 796 | 1 710 | 1 379 | 897 | 840 | 922 |
Bénéficiaires bailleurs | | | | 9 518 | 7 997 | 7 209 | 4 566 | 4 931 |
Montant (K€) | | | | 13 660 | 10 680 | 6 160 | 6 370 | 8 500 |
Montant moyen (€) | | | | 1 435 | 1 336 | 854 | 1 395 | 1 740 |
Bénéficiaires | 1 254 902 | 1 322 881 | 1 536 941 | 1 545 665 | 1 480 972 | 1 241 454 | 799 750 | 667 830 |
Montant total CIDD (K€) | 1 872 900 | 2 099 580 | 2 778 380 | 2 640 970 | 2 042 280 | 1 113 250 | 674 320 | 619 790 |
Source : Cour des comptes d’après les données exhaustives DGFiP.
Non seulement le nombre de bénéficiaires s’est réduit en fin de période, mais encore les restrictions sur le matériels pris en charge et la baisse des taux a fait qu’après une montée en charge très rapide du dispositif (passage de 400 M€ en 2005 à 2,4 Md€ en 2008), le coût du CIDD s’est stabilisé aux alentours de 2,5 Md€ pendant trois ans. Il a ensuite diminué fortement sous l’effet des réformes successives touchant soit au taux du crédit d’impôt soit à la limitation de l’éligibilité au crédit d’impôt. La mise en place du bouquet de travaux a ainsi conduit à une baisse de près de 50 % du coût du CIDD en 2013. Le montant moyen de la dépense fiscale par contribuable, qui avait atteint 1 800 € en 2008, était deux fois moins élevé en 2013.
Si l’on rapporte le montant des crédits d’impôt accordés au montant des travaux déclarés par les contribuables, pour la période 2009/2013, on constate que la part subventionnée par le CIDD a diminué de façon très forte, passant de 29,4 % en 2009 à moins de 14 % en fin de période.
Crédit d’impôt rapporté au montant des travaux déclarés
Année de revenus | Travaux déclarés M€ | Crédit impôt M€ | Taux de subvention |
2009 | 8 982 | 2 641 | 29,4 % |
2010 | 8 916 | 2 042 | 22,9 % |
2011 | 6 585 | 1 113 | 16,9 % |
2012 | 5 025 | 674 | 13,4 % |
2013 | 4 533 | 620 | 13,7 % |
Total | 34 041 | 7 090 | 20,83 % |
Source : Cour des comptes d’après les données exhaustives DGFiP
Le montant moyen calculé à partir des états exhaustifs transmis par la DGFiP présente de légers écarts avec celui qui est estimé dans les tableaux budgétaires et les comptes du logement. Ces écarts ne justifient pas une mise en cause de la fiabilité des prévisions.
Montant moyen du crédit d’impôt par foyer fiscal (2006-2013)
Source : Cour des comptes d’après les données exhaustives DGFiP.
Les données exhaustives fournies par la DGFiP permettent également d’appréhender la répartition régionale des aides. En rapportant le nombre de bénéficiaires au titre de la résidence principale au parc des résidences principales recensé en 2011, on constate qu’entre 2006 et 2013, environ 35 % des résidences principales auraient été concernées par le crédit d’impôt, dont 20 % dans la période 2009 à 2013 où les aides ont été décroissantes. Les importants écarts régionaux montrent que le pourcentage de bénéficiaires n’est pas proportionnel au pourcentage de résidences principales, alors que les résidences secondaires sont exclues du bénéfice du CIDD. Moins de 24 % des résidences principales franciliennes ont bénéficié du CIDD, soit 12 % de bénéficiaires, alors que la région regroupe près de 18 % des résidences principales françaises. Certaines régions comme la Bretagne, les Pays de la Loire, la Bourgogne ou la Franche-Comté ont un pourcentage de bénéficiaires plus élevé que celui de leurs résidences principales.
Les données et les études disponibles montrent que les populations aux revenus les plus faibles, qui comptent beaucoup moins de propriétaires, peuvent difficilement engager la totalité des travaux permettant à un logement le moins performant sur le plan énergétique d’atteindre la classe la plus performante. Pour l’exemple d’un pavillon de 100 m² à rénover, le budget de base est estimé à 43 000 € ; avec un plafond de 16 000 € pour un couple sur cinq ans, la réduction d’impôt serait de 4 800 €, soit seulement environ 10,5 % de la dépense finale. En retenant des travaux moins ambitieux, ne permettant pas d’atteindre l’étiquette B à partir d’un logement de mauvaise qualité, mais s’inscrivant dans le plafond de l’Éco-PTZ, soit 30 000 €, les 4 800 € de CITE représenteraient une subvention de 16 %.
Les aides fiscales à la rénovation énergétique des logements se concentrent ainsi sur les ménages les plus aisés, limitant les ambitions de rénovation massive du parc de logements. Le reste à charge est important pour les ménages modestes, et limite probablement pour eux les rénovations énergétiques. Si les difficultés pour les ménages modestes tiennent donc principalement au coût global de la réhabilitation (supérieur au plafond de dépense ouvrant droit au CITE) et à la contrainte de liquidité posée par le CITE (le ménage doit faire l’avance des fonds et ne sera remboursé via son crédit d’impôt que l’année suivante), le cumul de prêts et d’aides de l’ANAH semble mieux adapté, mais il manque une mesure plus globale pour financer les ménages à revenus moyens qui voudraient entamer une rénovation globale de leur logement en une seule fois.
Les bénéficiaires du CIDD puis du CITE en 2014, année de transition
L’année 2014 se décompose en deux périodes :
d’une part les dépenses payées du 1er janvier au 31 août, soit 185 999 foyers ayant déclaré 1 332 M€ de travaux, dont 954 M€ ont été retenu et ont généré un crédit d’impôt à hauteur de 190 M€ (1 021 € en moyenne), soit un taux de subvention de 19,9 % ;
d’autre part les dépenses payées du 1er septembre au 31 décembre, soit 503 887 foyers ayant déclaré 2 696 M€ de travaux, dont 2 338 M€ ont été retenus et ont généré un crédit d’impôt de 702 M€ (1 393 en moyenne), soit un taux de subvention de 30%.
La hausse importante du taux de subvention (généralisée à 30% à compter du 1er septembre) a pu entraîner une hausse de 36 % du crédit d’impôt moyen en seconde période par rapport à la première, et une augmentation de 51 % par rapport au crédit d’impôt octroyé aux propriétaires occupants recensés en 2013.
Les bénéficiaires de l’Éco-PTZ
Alors que certains débats évoquaient une montée en charge de l’Éco-PTZ en vue de rénover des centaines de milliers de logements, le bilan de la mesure s’avère de plus en plus modeste au fil du temps.
Bilan quantitatif de l’Éco-PTZ entre 2009 et 2015
| 2009 | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 |
Nombre de prêts accordés | 70 993 | 74 484 | 40 755 | 33 861 | 32 646 | 31 196 | 25 567 |
Montant total (M€) | 1 170 | 1 326 | 692 | 582 | 564 | 543 | 405 |
Montant travaux (M€) | 1 340 | 1 528 | 799 | 673 | 658 | 659 | 490 |
Montant moyen du prêt (€) | 16 489 | 16 895 | 16 992 | 17 180 | 17 382 | 17 398 | 17 190 |
Durée moyenne (mois) | 107 | 109 | 110 | 117 | 122 | 122 | 123 |
Dépense budgétaire (M€) | ᵋ | 30 | 71 | 90 | 100 | 120 | nd |
Source : Société de gestion des financements et de la garantie de l’accession sociale à la propriété (SGFGAS)
Après un lancement permettant la mise en place de près de 150 000 prêts pour les années 2009 et 2010, le nombre de prêts annuels a connu une décroissance continue, en se stabilisant autour de 30 000 au cours de la dernière période. Le nombre d’éco-prêts émis en 2015 est inférieur de 24,5% à celui de 2014 qui lui-même était en baisse de 3,9% par rapport à 2013. Le montant moyen est par contre resté stable, passant de 16 489 € en 2009 à 17 398 € en 2014. De ce fait, la dépense budgétaire, qui s’étale sur plusieurs années, a connu une croissance assez lente.
Les bénéficiaires de la TVA à taux réduit
Les statistiques disponibles ne permettent pas de connaître le nombre de bénéficiaires de la TVA à taux réduit pour les économies d’énergie mise en place depuis 2014. Les chiffres définitifs de cet exercice, tels que publiés dans le PLF pour 2016, font état d’une dépense fiscale de 730 M€ très inférieure à la prévision initiale qui se montait à 1 740 M€ pour 280 000 entreprises bénéficiaires, la fiabilité étant indiquée dans les documents budgétaires comme relevant de « l’ordre de grandeur ». Pour le moins, on peut compter comme bénéficiaires la totalité des bénéficiaires du CIDD en 2014, soit 660 525 contribuables, mais il faudrait ajouter un nombre inconnu de personnes ayant procédé à des opérations d’entretien de dispositifs éligibles installés antérieurement.
Au cours de la période précédente, on pouvait considérer que toute personne qui déclarait faire des travaux liés à l’économie d’énergie dans son logement bénéficiait d’une part de la TVA à taux réduit applicable aux travaux en général. À partir des enquêtes OPEN, on reconstituait alors une base théorique de bénéficiaires et un montant affectable aux économies d’énergie, ce qui avait conduit l’administration à inscrire une prévision de l’ordre de 30 % du montant de la TVA « travaux ».
Les bénéficiaires du dégrèvement de TFPB pour les HLM
Il n’existe aucune information sur les organismes bénéficiant de cette mesure.
analyse de l’efficience des dépenses fiscales en faveur du logement
L’analyse porte sur les dépenses fiscales visant à améliorer la performance énergétique des logements, et l’outil de mesure de l’efficacité environnementale sont les certificats d’économie d’énergie (CEE). L’efficience environnementale est ici mesurée par le coût de la tonne de CO2 évitée.
Deux approches sont proposées, la première reposant sur une étude économétrique de l’Insee sur le CIDD seul, la seconde sur l’analyse des CEE sur la période 2010-2014 (2ème période).
En termes d’énergie consommée dans les bâtiments résidentiels, la ventilation obtenue par l’étude CEREN 2015 est indiquée ci-dessous. La tendance est légèrement à la baisse depuis 2005, avec une baisse de 495 TWh à 461 TWh en 2013. La part du chauffage sur la somme des consommations énergétiques est en décroissance (81 % en 1990, 72 % en 2013), part compensée par les autres appareils électriques.
En se focalisant sur les émissions de CO2 associées, la décroissance des émissions est plus rapide que celle de la consommation énergétique (– 7 % d’énergie entre 2005 et 2013, – 18 % en émission de CO2), et la part du chauffage reste stable sur la somme des émissions de CO2 à 88 % environ sur la période considérée. Les principaux postes restent le chauffage individuel au gaz et au fuel, puis à l’électricité, le contenu CO2 de ces postes étant important par kWh dépensé.
La performance énergétique des logements semble ainsi en amélioration depuis les années 2000, avec une diminution des émissions de CO2 dans un contexte d’accroissement du parc de logements (de 21,6 millions de logement en 1990 à 28,1 millions en 2013, données CEREN 2015, et + 8,5 % de 2005 à 2013).
| 2005 | 2013 | Écart |
Nombre de logements252 (en millions) | 25,8 | 28,1 | +8,5 % |
Consommation énergétique (en TWh) | 495,1 | 460,9 | – 6,9 % |
Émissions de CO2 (en Mt de CO2) | 85,8 | 70,4 | – 18 % |
Tonne de CO2 émises par logement | 3,3 | 2,5 | – 24 % |
La variation au cours du temps des émissions de CO2 par logement ne fait pas apparaître de discontinuité nette avec l’introduction du CIDD en 2005.
Étude économétrique de l’Insee sur le CIDD
L’objet de cette première analyse est d’utiliser une évaluation économétrique de l’Insee pour estimer un minorant du coût de la tonne de carbone évitée pour une dépense fiscale ciblée.
L’Insee a publié en 2012 un document de travail253 sur l’évaluation économétrique du « sur-taux » de CIDD de 25 à 40 %, introduit en 2006, et concernant les ménages dont le logement a été achevé avant 1977 et qui réalisent des travaux d’amélioration de l’efficacité énergétique avant le 31 décembre de la deuxième année suivant l’acquisition.
Dans un scénario optimiste, en supposant qu’il n’y a pas d’effet d’aubaine, c’est-à-dire que seuls les travaux non rentables en l’absence du CIDD sont financés par le CIDD, l’étude calcule le coût pour le budget de l’État de la tonne de CO2 évitée en fonction des économies d’émission de CO2 réalisées annuellement.
Pour déterminer un minorant du coût de la tonne de CO2 évitée, il faut déterminer un majorant de l’économie annuelle de CO2 en tonnes liée aux travaux financés par le CIDD.
Majorant par effacement des émissions du logement moyen
Une première méthode pour déterminer le majorant de l’économie de CO2 réalisée consiste à considérer que les travaux d’économie d’énergie entrepris conduisent à effacer complètement les émissions d’un logement moyen datant d’avant 1977 (condition d’éligibilité au sur-taux du CIDD).
La moyenne des émissions pour les logements datant d’avant 1975 oscille entre 2,73 tonnes de CO2 (appartement) et 4,49 tonnes de CO2 (maison individuelle), avec une moyenne sur l’ensemble de 3,7 tonnes de CO2 par logement et par an. Cela conduit à des émissions de l’ordre de 41 kg de CO2/an/m2, soit une performance E au niveau du diagnostic de performance énergétique (DPE).
Une estimation de la variance des consommations par logement peut être obtenue au niveau des consommations énergétiques, via l’étude Phébus du SOeS : sur une segmentation plus fine (74 catégories, selon le nombre de pièces, la zone climatique, la date de construction, etc.), les moyennes de consommation oscillent entre 5,3 et 30,8 MWh/logement/an. En se limitant aux logements d’avant 1975, on obtient une consommation moyenne de 12,9 MWh/an pour les appartements et 21,1 MWh/an pour les maisons individuelles, soit 17,3 MWh/an pour l’ensemble.
L’effacement des émissions de GES d’un logement moyen consiste ainsi à supposer que le sur-taux de CIDD concerne tous les propriétaires, et non uniquement ceux ayant des logements aux performances énergétiques les plus catastrophiques (pas de biais de sélection des logements concernés en fonction de la performance énergétique), et que les travaux conduisent à réduire à néant les émissions de GES. Cette hypothèse est illustrée par le schéma ci-dessous : partant de la catégorie E, le logement entre en catégorie A, performance atteinte par 6,7 % des logements en France en 2013 (Source : étude Phébus).
Illustration de l’hypothèse d’effacement des émissions du logement moyen (émissions en kg d’équivalent CO2/m2/an)
L’effacement complet des émissions de CO2 sur un logement moyen conduit ainsi à une réduction des émissions de 3,7 tonnes de CO2 par an, soit un coût, d’après l’étude économétrique de l’Insee, de 85 €/tonne de CO2 évitée. Cette hypothèse donne un premier ordre de grandeur, mais peut être affinée grâce aux données disponibles sur l’efficacité des travaux de rénovation énergétique.
Majorant par pondération de l’efficacité des travaux de rénovation
Une méthode plus fine pour déterminer le majorant des économies de CO2 annuelles liées aux travaux de rénovation énergétique consiste, au lieu de supposer que l’on efface les émissions d’un logement moyen, à pondérer les différentes catégories de travaux de rénovation par leur efficacité sur les émissions de CO2.
L’étude OPEN de 2014 de l’ADEME254 a établi des critères pour estimer l’efficacité de travaux de rénovations énergétiques. La pose d’un isolant trop fin, ou sur une partie des murs seulement, conduit à des travaux peu ou pas efficace (« une étoile »). Des travaux insuffisant, mais qui peuvent être par la suite complété pour atteindre une bonne performance énergétique sont noté « deux étoiles ». Enfin, une remise à niveau performante du logement est notée « trois étoiles ». L’étude précise que pour les années 2006 et 2008, couvertes par l’étude de l’Insee, 22 à 23 % des opérations de rénovations énergétiques sont « une étoile », 66 à 69 % des opérations « deux étoiles », et 8 à 10 % des opérations « trois étoiles ».
Pour associer ces notes à une performance énergétique, on suppose que les opérations trois étoiles permettent d’atteindre 10 kg de CO2 émis par m2 et par an (étiquette B-C), et que les opérations deux étoiles permettent d’atteindre 30 kg de CO2/m2/an (étiquette D), tandis que les opérations une étoile sont sans impact. Ces niveaux correspondent pour les 3 étoiles au seuil des 15 % des logements les plus performants, et pour les 2 étoiles au seuil des 33 % les plus performants du parc total (Source : étude Phébus 2013).
Illustration de pondération des économies d’émissions du logement moyen (émissions en kg d’équivalent CO2/m2/an)
| 1 étoile | 2 étoiles | 3 étoiles |
Part des travaux en 2008 (OPEN 2014) | 23,9 | 65,7 | 10,4 |
Part des travaux en 2006 (OPEN 2014) | 22,1 | 69,7 | 8,2 |
Moyenne 2006 et 2008 | 23,0 | 67,7 | 9,3 |
Émissions post-travaux (en kg de CO2/m2/an) | 41,6 | 30,0 | 10,0 |
Source : Cour des comptes, d’après étude OPEN 2014
Sous ces hypothèses, l’économie pondérée liée aux travaux de rénovation est de 0,95 tonne de CO2 évitée par an et par logement. Le coût de atteint ainsi 325 €/tonne de CO2 évitée, bien au-delà de la valeur tutélaire du carbone, évaluée pour 2010 à 32 €/tonne de CO2 par le rapport Quinet255.
Données issues de l’analyse des CEE par l’ADEME
Les CEE permettent une autre estimation de l’économie de CO2 liée aux travaux de performance énergétique des logements. Sur la seconde période (2010-2014) 385 TWh cumac ont été économisés sur le secteur du bâtiment résidentiel (données DGEC). Les opérations sur le logement ont une durée de vie conventionnelle de 25 ans en moyenne, et le « cumac » signifie que les kWh économisés sont cumulés et actualisés avec un taux de 4 % annuel sur la durée de vie conventionnelle.
Sur cette même période, les dépenses fiscales portant sur la rénovation thermique des logements s’élèvent à 14,8 Md€ hors logement social256, sur un total des dépenses pour la rénovation des logements estimé à 66,1 Md€ HT avec l’étude OPEN 2014 (données sur 2010, 2011 et 2013, prolongation de tendance linéaire sur 2012 et 2014 à partir de 2011 et 2013). Le taux de soutien moyen atteint ainsi 22 %.
en Md€ | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | Total |
Dépenses HT engagées ayant eu un impact énergétique (OPEN 2014) | 14,3 | 13,5 | | 12,8 | | 66,1 |
Prolongation de tendance (Cour des comptes) | | | 13,1 | | 12,4 | 66,1 |
Dépenses fiscales « logement », hors logement social | 4,2 | 3,9 | 2,8 | 2,4 | 1,6 | 14,8 |
Ce taux de soutien de 22 % est particulièrement important : le taux du CIDD ayant varié entre 15 et 40 % selon les cas, pour s’établir à 30 % sur les opérations couvertes, un taux de soutien à 22 % signifie qu’une majorité significative des opérations de rénovation énergétique sont couvertes par une dépense fiscale, faisant peser le risque d’un soutien excessif à cette filière.
L’ADEME a estimé les émissions associées aux CEE, aboutissant en moyenne à un taux de conversion de 1 TWh économisé = 0,26 Mt de CO2 évitée. En combinant les 98,2 Mt de CO2 ainsi économisées sur les 25 ans de vie des équipements couverts par les CEE (385 TWh x 0,26 Mt de CO2/TWh), pour les travaux réalisés sur la période 2010-2014, aux 21,0 Md€ de dépenses fiscales associées (logement social inclus), on obtient un minorant du coût à 214 €/tonne de CO2 évitée.
Qu’il s’agisse du calcul dérivé de l’approche économétrique de l’Insee, ou d’un calcul basé sur les données des certificats d’économie d’énergie, le coût de la tonne de CO2 évitée est très important pour les mesures logement, de 214 à 385 €/tonne de CO2 évitée. Ces mesures ne sont pas efficientes au niveau environnemental, l’effort budgétaire étant très supérieur à la valeur tutélaire du carbone préconisée par les diverses approches économiques.
analyse de l’efficience des dépenses fiscales en faveur de la protection des espaces naturels
Le réseau Natura 2000 et sa mise en œuvre dans le droit français
Le réseau Natura 2000 est formé de l’ensemble des sites de l’Union européenne désignés au titre des directives n° concernant la protection des oiseaux sauvages et n° concernant la conservation des habitats naturels ainsi que la faune et la flore sauvages. Ce réseau recouvre 18,4 % du territoire européen au 31 décembre 2013257. À la même date, 1758 sites sont répertoriés sur le territoire national, localisés dans 9 000 communes258 (1665 sites terrestres et 225 sites marins259).
La procédure de désignation des zones Natura 2000 diffère selon qu’elles sont du ressort de la « directive Oiseaux » ou de la « directive Habitats »260. La désignation d’un site se matérialise en droit français par la publication d’un arrêté.
Historique de publication des arrêtés portant désignation de zones Natura 2000
Source : Cour des comptes à partir des données l’Inventaire National du Patrimoine Naturel261
Les paragraphes 1 et 2 de l'article 6 de la « directive Habitats » donnent compétence aux États membres pour définir les mesures appropriées permettant d'atteindre l’objectif défini à l'article 2, à savoir « assurer la biodiversité par la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages sur le territoire européen ». 262 La plupart des pays ont choisi de mettre en place une gestion de type réglementaire : achat du foncier, réglementation de la circulation, mise en place de permis, etc. Seuls la France et le Royaume-Uni ont adopté une approche contractuelle de la gestion263. Les articles 140 à 146 de la loi n° 2005-157 relative au développement des territoires ruraux sont venus précisés les modalités de cette contractualisation, notamment le rôle central joué par les collectivités locales.
Ainsi chaque site Natura 2000 du territoire national a fait l’objet, dans le cadre d’un « comité de pilotage », de la définition concertée d’objectifs qui concourent au maintien ou à l’amélioration de l’état de conservation des habitats naturels et des espèces. Le « document d’objectifs » (DOCOB) reprend l’ensemble des aspirations des parties prenantes, qu'elles soient écologiques, économiques, culturelles ou sociales, et indique les modalités de mise en œuvre, notamment les dispositions financières d’accompagnement. Les usagers et les propriétaires sont ensuite invités à s’investir dans la gestion de ces sites par la signature de
« contrats de gestion »264 et, depuis 2005 de « chartes Natura 2000 »265. La signature d’une charte constitue une alternative au contrat Natura 2000 dans la mesure où elle est plus adaptée aux propriétés de petites tailles et est également moins coûteuse (pas de participation financière des usagers).
La mise en œuvre de ce réseau a été difficile et la France a été condamnée deux fois par la Cour de justice (arrêts du 11 septembre 2001 et du 26 novembre 2012266) pour l’insuffisance de son réseau. La Commission a mis en demeure la France par lettre du 9 juillet 2004. En réponse, l’engagement avait été pris d’achever avant le 30 avril 2006 la désignation des sites permettant de combler les lacunes du réseau. Depuis mi-juillet 2013, une procédure pré-contentieuse existe entre la France et la Commission européenne en raison du retard de désignation des sites "Habitats" en droit national. À ce jour, 1397 DOCOB sont terminés, 275 sont en cours et 82 sont non débutés267.
La dépense fiscale, un outil incitatif au service de la protection des espaces naturels et de la mise en œuvre du réseau Natura 2000
Au cours de la période sous revue, six mesures fiscales visent à favoriser la protection
des espaces naturels
Présentation synthétique des mesures fiscales en faveur de la préservation des espaces naturels
Libellé | Coût et nombre de bénéficiaires | Commentaire |
Exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties en faveur des parcelles NATURA 2000 [060106] | 1 M€ | | Le nombre de bénéficiaires n’est pas renseigné dans les documents budgétaires. | Applicable à compter des rôles 2006, l’exonération était à l’origine compensée par l’État à hauteur du produit de la base exonérée par le taux de taxe foncière en vigueur en 2003. La compensation de l’État a diminué depuis. | | Une parcelle de bois et forêts située en zone Natura 2000 bénéficie de la dépense fiscale 060103. |
Exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties en faveur des zones humides [060105] | Lors de sa suppression dans le cadre de la loi de finances pour 2014, il a été indiqué que le dispositif avait un coût nul car il n’était pas utilisé268. Une des raisons peut être que l’application de cette exonération est effective pour les seules zones humides non classées Natura 2000 ou non situées dans un parc national ultramarin. La loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages réintroduit cette exonération () suite à un amendement parlementaire lors de la première lecture. | Dans certains départements (Charente-Maritime par exemple, le dispositif a été mis en œuvre prioritairement car il offrait un spectre de terrains éligibles plus large que le dispositif Natura 2000). | Lors de sa suppression dans le cadre de la loi de finances pour 2014, il a été indiqué que le dispositif avait un coût nul car il n’était pas utilisé268. Une des raisons peut être que l’application de cette exonération est effective pour les seules zones humides non classées Natura 2000 ou non situées dans un parc national ultramarin. La loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages réintroduit cette exonération () suite à un amendement parlementaire lors de la première lecture. | Dans certains départements (Charente-Maritime par exemple, le dispositif a été mis en œuvre prioritairement car il offrait un spectre de terrains éligibles plus large que le dispositif Natura 2000). |
Exonération en faveur de certains terrains situés dans le cœur d'un parc national sis dans un département d'outre-mer [060107] | Ce dispositif a été créé en complémentarité de la dépense fiscale 060106 car la directive Natura 2000 n’est pas applicable en outre-mer. Lors de sa suppression dans le cadre de la loi de finances pour 2014, il a été indiqué que son coût est nul faut de recours. | Ce dispositif a été créé en complémentarité de la dépense fiscale 060106 car la directive Natura 2000 n’est pas applicable en outre-mer. Lors de sa suppression dans le cadre de la loi de finances pour 2014, il a été indiqué que son coût est nul faut de recours. |
Réduction d'IR au titre des dépenses réalisées sur certains espaces naturels en vue du maintien et de la protection du patrimoine naturel [110257] | < 500 000 € en 2013 | | 528 ménages bénéficiaires en 2013. Ce nombre est incohérent avec les données transmises par la Fondation du patrimoine sur le nombre de projets labellisés entre 2009 et 2013 : trois labels décernés en faveur de six particuliers. | Créée par la loi de finance rectificative pour 2009 cette réduction d’IR est venue se substituer à une imputation sur le revenu global sans limitation de montant des déficits fonciers provenant des dépenses inhérentes à la préservation des espaces naturels remarquables. | | Le bénéfice du crédit d’impôt est soumis à une labellisation du projet par la Fondation du patrimoine. | | Cette mesure n’est plus active depuis le 31 décembre 2013. |
Déduction des dépenses d'amélioration afférentes aux propriétés non bâties [130213] | < 500 000 € en 2013 | | 220 ménages bénéficiaires en 2013 (1000 en 2011 ; 800 en 2010) | Cette mesure concerne des travaux qui n’apportent en général pas de plus-value directe à un bien non bâti (curage de canaux, entretien de berges, aménagement de sentiers, etc.). Ils ne servent que l’intérêt général de la restauration de services écosystémiques. |
Exonération, sous certaines conditions, de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence des trois quarts de leur montant, en faveur des successions et donations intéressant les propriétés non bâties qui ne sont pas de nature de bois et forêts et situées dans les sites NATURA 2000, les zones centrales des parcs nationaux, les réserves naturelles, les sites classés et les espaces naturels remarquables du littoral [520118] | 2 M€ en 2015 | | Le nombre de ménages bénéficiaires n’est pas connu. | Cette exonération, instituée par l’article 71 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 ne concernait à l’origine que les sites Natura 2000. Le dispositif a été modifié par l’article 22 de la loi n° 2006-436 du 14 avril 2006 relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux. | | Cette exonération n’est pas connue des parcs nationaux. | |
Source : Cour des Comptes
Des dispositifs introduits sans réelle évaluation préalable
L’analyse des débats parlementaires révèle le peu d’information dont dispose le législateur au moment de voter en faveur ou en défaveur d’un nouveau dispositif. Les extraits ci-dessous sont illustratifs de cette tendance.
Avis de la commission des finances du Sénat sur la dépense 520118269 : « Le présent article instaure une nouvelle niche à finalité environnementale, destinée à préserver les espaces situés en zone « Natura 2000 ». […] Votre rapporteur général ne dispose d'aucune évaluation du coût de ce dispositif mais considère que l'objectif d'engagement de gestion, sur une période de 18 ans, conformément aux objectifs de conservation définis par l'État, peut justifier une telle mesure ».
Avis de la commission des finances du Sénat sur la dépense 130213270 : « Dans l'exposé des motifs de son amendement, le Gouvernement a relevé que certains travaux de restauration et de gros entretien d'espaces naturels effectués en vue du maintien d'un bon état écologique et paysager nécessitaient des investissements importants pour les propriétaires, sans aucun espoir de valorisation économique proportionnée. Il relevait donc que, sans un soutien fiscal, le risque de voir ces espaces naturels se dégrader progressivement était important. Si votre rapporteur général comprend les motivations environnementales du présent article et la nécessité de préserver les espaces classés en zone « Natura 2000 », il constate que le présent article crée une nouvelle niche fiscale dont le coût est inconnu - les informations communiquées à votre rapporteur général sur ce point étant contradictoires. »
Des dispositifs dont la mesure de l’efficacité est limitée par la méconnaissance des bénéficiaires
Les documents budgétaires ne renseignent pas le nombre de bénéficiaires de l’exonération de TFNB au titre des zones Natura 2000. Pourtant cette information est connue du ministère en charge de l’écologie. Les données sont cependant très éloignées (rapport de 1 à 2) des estimations de la DGFiP (2 500 bénéficiaires en 2012271) ou de celles figurant dans les documents parlementaires (5 300 bénéficiaires en 2014272).
Nombre de bénéficiaires de la dépense 060106
| 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 |
Nombre de bénéficiaires | 8 100 | 6 000 | 5 700 | 6 600 | 7 000 | 7 400 |
Source : DGALN, à partir d’Alloca et CARDIF
La fiabilité de ces données doit être questionnée. La diminution du nombre de bénéficiaires entre 2010 et 2012 n’est pas cohérente avec l’augmentation forte du nombre de sites Natura 2000 entre 2006 et 2010 et avec le fait que l’exonération est valable pendant cinq ans.
Sur la base de 2,5 propriétaires par site en moyenne, le nombre de bénéficiaires potentiels serait de l’ordre de 4 200.
Nombre de propriétaires par site
Nombre de propriétaires | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 |
Part dans les sites Natura 2000 (%) | 27,3 | 30,1 | 20,8 | 12,7 | 5,7 | 2,8 | 0,5 | 0,1 |
Source : Cour des comptes à partir des données l’Inventaire National du Patrimoine Naturel
Le bénéfice de l’exonération de taxe sur le foncier non bâti n’est pas automatique. Les propriétaires éligibles doivent en faire la demande auprès des services fiscaux. Il est donc probable qu’un certain nombre n’en bénéficie pas. En conséquence, les données sur le nombre de chartes (2 200 sur la période 2007-2013) ou de contrats de gestion (environ un millier) signés ne peuvent fournir qu’une indication sur la population des bénéficiaires potentiels.
La nature des bénéficiaires, majoritairement des personnes publiques, pourrait expliquer le relatif désintérêt pour ce dispositif.
Nature des propriétaires de parcelles situées dans des sites Natura 2000 (à gauche) et des signataires des contrats Natura 2000 (à droite)
Source : Cour des comptes à partir des données l’Inventaire National du Patrimoine Naturel (à gauche) ; MNHN/Bureau Natura 2000 (à droite)
Prenant l’exemple de la dépense fiscale 110257, le rapport IGF/CGEDD d’octobre 2011273 soulignait l’importance d’une connaissance fine des terrains et de leurs propriétaires avant de définir les dispositifs. En effet, les entretiens conduits par la mission avaient mis en avant que « l’avantage fiscal institué en faveur des travaux de conservation ne pouvait par nature pas être incitatif compte tenu du niveau de revenu et de patrimoine des contribuables possédant généralement des espaces naturels intéressants du point de vue de la biodiversité ».
Une efficience de ces dispositifs difficile à mesurer
En préalable, on soulignera que les dépenses fiscales 060105, 060106, 060107274, 520108275, 110257276 et 130213277 ont nécessairement un impact positif, à minima neutre, sur la préservation du patrimoine naturel puisque leur octroi est soumis à la signature d’un engagement de gestion ou à l’aval de l’autorité administrative compétente.
La Cour ne peut que conforter le constat de la mission CGEDD/CGAER278 sur la perfectibilité de la remontée d’informations permettant à la direction de l’eau et de la biodiversité de piloter le dispositif Natura 2000. Par ailleurs ce même rapport établit que « la majorité des acteurs se limite à constater qu’il n’existe actuellement pas de suivi fiable à l’échelle d’un site, d’un groupe de sites ou d’une région, permettant d’évaluer contradictoirement les évolutions en termes d’état de conservation. ». En l’état actuel de l’information statistique, il est totalement hors de portée de pouvoir analyser l’efficience de la politique Natura 2000 et de ses outils.
Les effets des dépenses fiscales sur l’adhésion au réseau Natura 2000
Le succès de la mise en œuvre du réseau Natura 2000 par la voie contractuelle, et non par une voie réglementaire ou coercitive, passe par une adhésion des parties prenantes. Les exonérations de TFNB ou de droits de mutation, de par leur effet incitatif, devaient avoir un effet de levier.
Il est très difficile de chiffrer le gain de TFNB pour les propriétaires car les paramètres permettant de le calculer sont très variables (taux d’imposition communal et intercommunal, nature de la culture, classe de la parcelle). Le gain moyen serait de un euro par an et par hectare selon la DGFiP.
Aucun élément ne permet d’étayer l’affirmation du ministère selon laquelle au moins 50 % des signatures de chartes seraient le fait de l’exonération de TFNB.
Il possible d’affirmer que la dépense fiscale 060106 a eu plusieurs effets négatifs sur la mise en œuvre de la politique Natura 2000 en raison du manque à gagner pour les collectivités locales non compensé par l’État. En effet, leur participation au financement du dispositif est passée de 0 à 70 % entre 2005 et 2015 du fait de l’application depuis 2009 d’un coefficient déflateur dans le calcul de la compensation. Ces effets négatifs sont :
un moindre financement des actions prévues dans les chartes Natura 2000 par les collectivités voire un désengagement de l’animation du réseau qui leur est pourtant confiée par la loi ;
une mise en suspens de la validation des chartes Natura 2000 par certains préfets afin d’éviter que les exonérations de TFNB ne remettent en cause l’équilibre budgétaire des communes concernées. La direction de l’eau et de la biodiversité a recommandé elle-même à ses services déconcentrés de faire en sorte que l’approbation par le préfet de nouvelles chartes Natura 2000 soit différée et que les animateurs des sites n’incitent plus à leur signature.
La part des différentes mesures fiscales dans le financement global de la politique Natura 2000 est négligeable. Le ministère en charge de l’environnement et le FEADER ont financé 99,2 % des fonds engagés au titre des 2 212 contrats Natura 2000 signés, soit 54 M€. La contractualisation de très peu de nouveaux contrats en 2014 et 2015 est avant tout le fait de la raréfaction des crédits budgétaires279.
Les effets de la politique Natura 2000 sur la préservation de la biodiversité
Les synthèses des audits départementaux280 menés en 2011, 2012, 2013 et 2014 par le CGEDD et le Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux (CGAAER) pour évaluer la mise en œuvre des politiques de l’eau et de la biodiversité concluent qu’ « il reste difficile d’objectiver la contribution de Natura 2000 à l’état de conservation favorable des espèces et des habitats. [….] Un consensus existe toutefois pour affirmer que les pressions restent très importantes (urbanisation, pratiques agricoles intensives) et que de manière générale, la biodiversité continue de régresser ».
Le directeur de l’eau et de la biodiversité, le 9 avril 2015281, exprime également des réserves sur l’efficacité de la politique : « les deux évaluations de l’état de conservation des habitats et espèces d’intérêt communautaire conduites en 2007 et en 2013 ne permettent pas de mesurer globalement de progrès. L'évaluation est toutefois contrastée selon les types de milieux et par ailleurs, le recul manque certainement pour pouvoir apprécier l'efficacité de contrats qui commencent seulement à être signés. »
Conclusion : des dépenses fiscales dont l’effet est limité
Si l’exonération de TFNB a pu aider à la conclusion d’engagements de gestion dans le cadre de la politique Natura 2000, elle n’en a pas moins fragilisé financièrement certaines petites communes rurales. Par ailleurs, les effets de la politique Natura 2000 sur la préservation de la biodiversité sont controversés. De manière plus générale, l’enquête réalisée par la Cour vient confirmer les constats établis précédemment282 sur la très faible efficacité et donc a fortiori la très faible efficience des dépenses fiscales en faveur de la protection du patrimoine naturel.
La fiscalité sur le foncier non bâti n’apparait pas le meilleur outil pour protéger le patrimoine naturel notamment au regard de son incidence sur les finances des collectivités locales, alors même que les transferts de l’État sont en constante diminution. Une solution alternative pourrait consister en un renforcement de l’éco-conditionnalité des aides versées aux agriculteurs, aux sylviculteurs ou aux pêcheurs. Cette orientation a été retenue dans le cadre de la réforme de la Politique agricole commune283, entrée en vigueur le 1er janvier 2015, puisque désormais 30 % de l’enveloppe des paiements directs sont alloués à trois pratiques : maintien des prairies permanentes, diversification des cultures et maintien d’une surface d’intérêt écologique et 30 % des crédits du développement rural sont consacrés à la restauration, à la préservation et au renforcement des écosystèmes liés à l’agriculture et à la foresterie ainsi qu’à l’utilisation efficace des ressources. Cependant l’impact d’une telle mesure sur les pratiques risques d’être limité. En effet, les exploitations de moins de 10 ha, qui constituent une grande partie des exploitations284, ne sont pas soumises au critère de diversité des assolements. De plus, la France applique, pour le paiement vert, des critères peu contraignants : la comptabilisation des cultures favorise notamment les grandes monocultures (le blé d’hiver et de printemps sont comptabilisées comme deux cultures ; les monocultures de maïs, très consommatrices d’eau et d’intrants, ne sont pas soumises au critère de diversification des sols si elles satisfont une condition de couvert hivernal semé). En 2010, 76% des exploitations françaises respectaient déjà le critère de diversité d’assolement. Pour autant, l’article 2 du prévoyait d’inscrire ce rôle de l’agriculture et de la sylviculture au profit de la préservation de la biodiversité dans les finalités de la politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation. Cet article a été supprimé lors de la troisième lecture au Sénat.
Les collectivités locales jouent un rôle majeur dans la préservation du patrimoine naturel remarquable : animation du réseau Natura 2000285, acquisition de zones humides286 notamment. À ce titre, une meilleure allocation des ressources budgétaires de l’État vers les collectivités les plus denses en termes de patrimoine naturel apparaît opportune. Cette idée avait déjà été avancée en octobre 2003 par le sénateur Le Grand dans son rapport d’information. La dixième recommandation du rapport sur les aides publiques dommageables à l’environnement d’octobre 2011287 l’explicite : « Intégrer un critère de biodiversité dans le calcul de la dotation global de fonctionnement » et précise même que le critère surfacique semble le plus approprié car contestable.
La loi sur la biodiversité ne prévoit pas une refonte de la fiscalité en faveur de la protection du patrimoine naturel. Cependant la création d’obligations réelles environnementales288 est introduite à l’article 33 A. Ces obligations, issues de contrats de droit privé, doivent permettre la préservation du patrimoine naturel, grâce aux mécanismes du marché.
analyse de l’efficience des dépenses fiscales en faveur des forêts
L’engagement n° 77 du Grenelle de l’environnement visait à dynamiser la filière bois en protégeant la biodiversité forestière ordinaire et remarquable.
La Cour a recensé 12 dépenses fiscales visant à soutenir le secteur sylvicole (11 mesures numérotées et donc figurant dans les documents budgétaires auxquelles est ajouté le taux de TVA réduit sur le bois de chauffage). L’objectif premier de ces mesures est économique : aider un secteur d’activité. Cependant, elles ont pour effet de promouvoir la gestion durable des forêts par rapport à une absence de gestion. Elles favorisent ainsi la mobilisation du bois, matière première renouvelable, et le renouvellement des arbres sur pied indispensable à la bonne conservation des forêts. La contribution à l’intérêt général des bois et forêts est rappelée à l’. L’ du même code indique que « La politique forestière a pour objet d'assurer la gestion durable des bois et forêts. Elle prend en compte leurs fonctions économique, écologique et sociale ».
L’organisation du secteur forestier en France : une majorité de petits propriétaires privés, davantage conservateurs que gestionnaires
La forêt française est très majoritairement détenue par des propriétaires privés : ils représentent 75 % de la superficie boisée, soit 12,1 Mha. Les forêts domaniales couvrent 9 % de la surface forestière métropolitaine. Les 16 % restant correspondent essentiellement à des forêts communales289. L’ensemble de la forêt publique est gérée par l’Office national des forêts (ONF).
Les propriétaires particuliers (personne physique, communauté matrimoniale, indivision ou copropriété) sont majoritaires : ils représentent 75 % de la superficie forestière privée. Cependant les forêts de grande superficie (100 hectares et plus) sont majoritairement détenues par des personnes morales (56%)290. La propriété forestière est très morcelée.
Nombre de propriétaires et surface forestière totale par classe de surface
Source : Les chiffres clé de la forêt privée, édition 2015, Forêts privées françaises
Entre 2000 et 2012, sur un périmètre restreint à la forêt privée, l’achat / vente représente près des trois quarts des procédures d’acquisition / cession (respectivement 72 et 73 % des surfaces). Les donations ne sont qu’à l’origine de 21 % des acquisitions et 15 % des cessions. Les apports (groupement forestier ou société) sont très marginaux (2 % des acquisitions et 6 % des cessions).
L’achat de parcelles forestières est motivé en premier lieu par le souhait d’agrandir son patrimoine (pour 63 % des propriétaires privés) loin devant la réduction du morcellement (argument avancé par 24 % des propriétaires). Cette répartition reste vraie quelle que soit la taille de la superficie détenue. Elle est cependant extrême chez les plus petit propriétaires, respectivement 72 et 14 %, et moindre chez les plus gros propriétaires, respectivement 54 et 32 %.
Les propriétaires privés cèdent leurs parcelles plus pour des raisons techniques (25 % avancent des difficultés à exploiter et 15 % l’enclavement de la surface) que pour des besoins économiques (12 % justifient la vente par un besoin de revenu et 0,3 % par la gestion de leur patrimoine).
Même chez les plus gros propriétaires, la forêt n’est pas majoritairement perçue comme une source d’activité économique291. C’est avant tout une activité familiale et de détente, sauf chez les plus gros propriétaires (100 hectares et plus) où la forêt est vue en premier lieu comme une mise en valeur du patrimoine.
La forêt présente davantage les caractéristiques d’un bien de détention que d’un bien de gestion.
La dépense fiscale, un outil incitatif au service de la gestion durable des forêts
Au cours de la période sous revue, sept dépenses fiscales sont conditionnées à un engagement de gestion durable
Même si la protection de l’environnement n’est pas l’objectif premier des sept mesures ci-après, leur octroi est subordonné à un engagement de gestion durable de la forêt
Présentation synthétique des mesures fiscales subordonnées à une gestion durable du patrimoine boisé
Libellé | Coût et nombre de bénéficiaires | Commentaire |
Exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties des terrains plantés en bois [060103] | Pour 2015, les données varient entre 3 et 5 M€292. | | Le nombre de bénéficiaires n’est pas connu. | Pour bénéficier de l’exonération, les propriétaires doivent répondre à une condition de densité de peuplement, attestée par un certificat de moins d’un an. La durée de l’exonération, qui varie entre 10 et 50 ans selon les cas, alors qu’elle était uniformément de 30 ans avant 2002, couvre dans tous les cas environ un tiers de la durée de vie de l’arbre arrivée à maturité. |
Réduction d'IR pour investissements et cotisations d'assurance de bois et forêts jusqu'au 31 décembre 2017 [110226] | Pour 2015, les données varient entre 2 et 5 M€293. | | 8725 bénéficiaires en 2014. | L’article 9 de , complété par l’article 64 de , a créé une réduction d’impôt au profit des personnes physiques au titre de la réalisation d’opérations forestières entre le 1er janvier 2001 et le 31 décembre 2010 pour la mise en valeur de leurs terrains. Le dispositif a été assoupli en (baisse de la taille des parcelles) puis par l’ qui a prorogé le dispositif DEFI jusqu’à la fin de l’année 2013 et a modifié les durées de détention des parcelles et les exigences de gestion durable. Il a également étendu le bénéfice de la réduction d’impôt aux dépenses liées à la gestion durable de la forêt (DEFI contrat) et a élevé le plafond des ressources éligibles. Enfin, l’ a prorogé le DEFI jusqu’au 31 décembre 2017 et l’a de nouveau aménagé : réduction de la taille du domaine forestier nécessaire pour bénéficier du dispositif, application d’un crédit d’impôt (et non plus une simple réduction) au DEFI travaux et contrat. | | Pour bénéficier de la réduction d’impôt au titre de l’acquisition de bois et forêt, le propriétaire s’engage à appliquer un plan de gestion durable pour une durée de 15 ans. () |
Crédit d'IR pour travaux forestiers et rémunérations versées pour la réalisation de contrats de gestion de bois et forêts jusqu'au 31 décembre 2017 [100262] | Pour 2015, les données varient entre 4 et 8 M€294. | | 0 bénéficiaires en 2014. | | L’ du 29 décembre 2015 de finances rectificatives pour 2015 étend le crédit d’impôt dispositif d’encouragement fiscal à l’investissement (DEFI) aux groupements d’intérêt économique environnemental forestier (GIEEF). | | L’engagement de gestion durable est d’une durée de huit ans () |
Exonération des intérêts des sommes inscrites sur un compte épargne d’assurance pour la forêt (CEAF) ouverts jusqu’au 31 décembre 2013 [140127] | 0 € | | 0 bénéficiaires en 2013 | Pour bénéficier de la mesure, le propriétaire doit s’engager à appliquer l’une des garanties de gestion durable. | | Le décret d’application de ce dispositif, créé par l’article 68 de la , n’a été publié que le 3 juin 2013 (). Aucun compte n’a été ouvert. Les avantages fiscaux ont été considérés comme trop faibles par les propriétaires au regard des contraintes induites. Le dispositif a été remplacé par le CIFA295. |
Amortissement exceptionnel égal à 50 % du montant des sommes versées pour la souscription de parts de sociétés d'épargne forestière [310204] | Le coût est inférieur à 500 000 €. | | Le nombre d’entreprises bénéficiaires n’est pas connu. | Les actifs de ces sociétés doivent être constitués de forêts pour au moins 60% gérées selon un plan simple de gestion agréé. | | Une seule société d’épargne forestière (SEF) a été recensée à ce jour par la DGFiP. |
Exonération partielle de droits de mutation des bois et forêts, des sommes déposées sur un compte d'investissement forestier et d'assurance (CIFA), des parts d'intérêts détenues dans un groupement forestier, des biens ruraux loués par bail à long terme, des parts de GFA et de la fraction des parts de groupements forestiers ruraux représentative de biens de nature forestière et celle représentative de biens de nature agricole [520109] | Pour 2015, le coût de la dépense est de 40 ou 50 M€ selon les sources296. | | Le nombre de ménages bénéficiaires n’est pas connu en 2013 (6 080 en 2010). | L’exonération impose de s’engager à appliquer pendant 30 ans aux bois et forêt l’une des garanties de gestion durable prévues à l’article L8 du code forestier. Tous les 10 ans, un bilan de la mise en œuvre de l’engagement de gestion doit être établi (). | En cas de rupture de l’engagement, les sommes exonérées sont à remboursées majorées d’un montant supplémentaire fonction de l’ancienneté de l’engagement de gestion297. |
Exonération partielle d’ISF des bois et forêts, des sommes déposées sur un compte d'investissement forestier et d'assurance (CIFA), des parts d'intérêts détenues dans un groupement forestier, des biens ruraux loués par bail à long terme et des parts de GFA [400108] | Pour 2015, le coût de la dépense est de 46 ou 50 M€ selon les sources298. | Le nombre de ménages bénéficiaires n’est pas connu en 2013 (62300 en 2010). | L’article 885 D du CGI dispose que l’assiette et les bases d’imposition de l’ISF sont déterminées selon les mêmes règles et les mêmes sanctions que les droits de succession sauf disposition contraire. Cette dépense a donc une assiette analogue à la dépense fiscale 520109 créée antérieurement. |
Source : Cour des Comptes
La nature des engagements de gestion durable
Le bénéfice d’un des avantages fiscaux décrits ci-dessus est conditionné à la mise en œuvre d’un document de gestion durable (plan simple de gestion – PSG, code de bonnes pratiques sylvicoles – CBPS, règlement type de gestion – RTG). Si seulement 5,7 % des propriétaires privés ont signé un tel document, 44 % des forêts privées sont couvertes par un document de gestion forestière299.
Concernant les forêts publiques, une traite de la conservation de la biodiversité dans la gestion courante des forêts publiques. Par ailleurs, le de l’EPIC, signé le 7 mars 2016, reprend les obligations assignées par l’État à son opérateur.
Les différents engagements de gestion durable
Type de document | Définition | Diffusion |
Code de bonne pratique sylvicole (CBPS) | C’est un outil au service de la gestion des petites surfaces. Le CBPS, auquel le propriétaire peut adhérer volontairement, contient des recommandations essentielles conformes à une gestion durable. | En 2013, 23 450 propriétaires ont souscrit un CBPS pour une superficie totale de 240 736 ha. La superficie moyenne d’un propriétaire signataire est de 10 ha. |
Plan simple de gestion (PSG) | C’est un document spécifique à chaque propriétaire. Il est obligatoire pour les forêts de plus de 25 hectares. Il comprend un état des lieux avec identification des enjeux liés à la biodiversité, des objectifs de gestion et le programme des coupes et travaux. | Au 31 décembre, 35 148 propriétaires avaient l’obligation de disposer d’un PSG (pour un total de 3,5 Mha). À la même date, 4 266 propriétaires avaient signé volontairement un PSG (pour une superficie de 103 000 ha). |
Règlement type de gestion (RTG) | C’est un outil définissant les modalités de gestion pour chaque grand type de peuplement. Le RTG s’adresse aux propriétaires pour lesquels le PSG n’est pas obligatoire et qui font gérer leur bois par un organisme de gestion ou un expert. | 1 906 propriétaires ont signé un RTG pour une surface cumulée de 25 545 ha. La superficie moyenne d’un propriétaire signataire est de 14 ha. |
Source : Cour des comptes à partir du de la Forêt privée française et des (page 20).
Par ailleurs, environ 5,6 Mha de forêt en France métropolitaine dont 2,32 Mha de forêt privée, sont dotés d’un certificat de gestion durable. La certification forestière est un complément aux documents de gestion prenant en compte la multifonctionnalité de la forêt.
L’engagement de gestion durable à remplir dépend de la taille de la forêt et de la dépense fiscale. Il convient de noter que le PSG est obligatoire dès lors que la superficie de la forêt dépasse 25 hectares.
Obligation à remplir par les propriétaires en fonction de la taille de leur forêt
| < 10 ha | Entre 10 et 25 ha | Plus de 25 ha |
Détention simple | Facultatif : CBPS ou RTG | Facultatif : CBPS, RTG ou PSG | Obligatoire : PSG |
Exonération ISF (400108) ou exonération de droits de mutation (520109) | Obligatoire : CBPS ou RTG pendant 30 ans | Obligatoire : CBPS, RTG ou PSG pendant 30 ans | Obligatoire : PSG pendant 30 ans |
DEFI acquisition (110226) | Obligatoire : CBPS ou RTG pendant 15 ans | Obligatoire : CBPS, RTG ou PSG pendant 15 ans | Obligatoire : PSG pendant 15 ans |
DEFI travaux (110262) | - | Obligatoire : CBPS, RTG ou PSG pendant 8 ans | Obligatoire : PSG pendant 8 ans |
DEFI contrat (110262) | Obligatoire : CBPS ou RTG pendant la durée du contrat | Obligatoire : CBPS, RTG ou PSG pendant la durée du contrat | - |
Aujourd’hui près de la moitié de la forêt française est couverte pas un document de gestion durable qui prend quatre formes différentes (aménagement, PSG, RTG, CBPS). Dans le souci de favoriser les mutualisations, le MAAF s’est engagé dans le cadre du à questionner la pertinence de leurs différences de contenu et d’objectifs et à les faire évoluer si besoin. Ce programme ne mentionne pas l’introduction de sanctions en cas de non-respect des obligations du code forestier.
Des mesures qui sont peu efficaces
Le comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales de juin 2011 avait manqué de données pour procéder à l’évaluation des mesures forestières les plus couteuses (110226 et 520109). La qualité des informations ne s’est pas améliorée depuis. Comme le montre le tableau n° 1 pour quatre des sept dépenses étudiées, le nombre de bénéficiaires n’est pas connu (il est nul pour deux autres). Par ailleurs, les données sur le coût des mesures ne sont pas concordantes selon les sources. Pourtant certaines informations, notamment celles relatives aux différents DEFI, peuvent être connues avec une grande précision. Pour l’exemple mentionné, elles sont accessibles aux services fiscaux dans les cases 7UN, 7UP, 7UQ, 7UU et 7TE de la déclaration de revenus complémentaire n° 2042 C. Les données de la dépense fiscale n° 400108 sont renseignées dans l’annexe 2 de la déclaration n° 2075 pour les contribuables disposant d’un patrimoine supérieur à 2,57 M€.
Informations disponibles à la maille départementale | Source : département du Loiret – DRFiP Centre Val de Loire | Montant global des réductions d'impôt accordées (DEFI acquisition et DEFI assurance) | | |
La fiscalité forestière est avant tout patrimoniale
La fiscalité forestière présente cette spécificité d’être avant tout une fiscalité patrimoniale. Les mesures d’incitation ne représentent que 30 % de l’ensemble des dépenses fiscales forestières, estimées par le Comité interministériel d’audit des programmes (CIAP) entre 50 et 53 M€ après retraitement de la partie agricole des mesures d’exonération partielle de l’assiette d’ISF et d’exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit.
Dans son rapport300 devant la commission des finances dans le cadre de l’étude du projet de loi de finance pour 2016, le sénateur Yannick Botrel, préconise de rééquilibrer progressivement les soutiens publics vers les mesures incitatives.
Pour autant, 1 % seulement des propriétaires forestiers déclare que l’avantage fiscal est l’une de leurs deux principales attentes vis-à-vis de leur forêt301.
Les petits propriétaires sollicitent peu les dispositifs fiscaux
Les propriétaires d’une forêt de plus de 25 hectares étant dans l’obligation de signer un PSG, ils sont de facto éligibles aux exonérations ou réduction d’impôts présentés supra. La fiscalité ne joue pour eux aucun rôle incitatif. Les exonérations ou réductions sont liées à la simple détention.
Pour ce qui concerne les propriétaires de superficies boisées plus petites, les données sur le nombre de documents de gestion signés donnent une indication sur le recours aux dispositifs fiscaux (les informations étant largement relayées par les organisations professionnelles, on peut raisonnablement faire l’hypothèse qu’un propriétaire signataire sollicitera une réduction fiscale dès lors qu’il y est éligible).
Taux de signature d’un document de gestion en fonction de la taille de la forêt
% des propriétaires / % superficie | 1 à < 10 ha | 10 à <2 5 ha | > 25 ha |
Au moins un document de gestion | 1,4 / 2,2 | 12,6 / 13,8 | 63,7 / 81,2 |
Plan simple de gestion | 0,0 / 0,0 | 6,8 / 7,9 | 60,6 / 79,5 |
Règlement type de gestion | 0,1 / 0,2 | 2,7 / 2,7 | 1,9 / 1,9 |
Code de bonne pratique sylvicole | 1,3 / 2,0 | 4,6 / 4,8 | 8,2 / 8,2 |
Source : Agreste - Enquête sur la structure de la forêt privée en 2012 (page 21). Un même propriétaire peut détenir un ou plusieurs documents de gestion forestière (PSG, RTG ou CBPS). Ces documents peuvent ne concerner qu'une partie de la propriété forestière.
Au regard des données du tableau ci-dessus, seulement 14 % des propriétaires de forêt de moins de 25 hectares disposent d’un document de gestion les rendant éligibles aux différentes mesures fiscales. Le taux de recours aux dispositifs fiscaux est donc nécessairement faible.
Quels arguments à l’appui du maintien de ces dispositifs ?
La Cour a fait le constat, dans son rapport de juin 2014 portant sur les dépenses fiscales et budgétaires relatives à la forêt – Exercices 2016 à 2012 (actualisation à 2013), que le système fiscal forestier n’impose aucune condition de gestion active au propriétaire mais oblige uniquement à disposer d’un document de gestion durable. Les dispositifs fiscaux n’ont donc aucun effet sur le remembrement ou la mobilisation de la ressource en bois.
Étant donné leur absence d’effet incitatif pour les plus gros propriétaires, et le faible taux de recours chez les propriétaires de forêts de moins de 25 hectares, il est légitime de s’interroger sur le maintien de ces mesures.
Selon le MAAF, il existe une certaine complémentarité entre les aides fiscales et les aides directes. Les secondes permettent d’avoir accès à des financements européens302. Elles sont limitées aux projets collectifs et à des projets individuels structurels qui justifient le temps d’instruction propre des services du ministère pour la mise en œuvre et le contrôle. Les premières permettent d’instruire un grand nombre d’intervention selon des règles simples et largement généralisables en se basant sur le professionnalisme des intervenants forestiers et sur l’insertion des travaux dans les documents de gestion durable. Par ailleurs, les aides fiscales sont certaines alors que les aides directes sont sujettes à sélection et sont fonction des moyens budgétaires.
Par ailleurs, le MAAF voit dans la signature des documents de gestion une source d’optimisation des missions des agents des services déconcentrés. En l’absence de documents, ces derniers doivent en effet autoriser préalablement les coupes303.
analyse de l’efficience des dépenses fiscales en faveur de l’agriculture biologique
Depuis la loi d’orientation agricole de 1988 qui protège le terme d’ « agriculture biologique » (AB) et met en place des moyens financiers liés à l'homologation des cahiers des charges, la France a fait le choix de soutenir le mode de production agriculture biologique qu’elle considère comme un mode de production agricole non polluant et respectueux de l’environnement, créateur d’emplois et faisant l’objet d’une demande nationale forte.
Le dispositif national de soutien à l’agriculture biologique
Le dispositif national de soutien à l’agriculture biologique s’appuie aujourd’hui à la fois sur des instruments budgétaires et fiscaux et est complété par un dispositif européen de soutien important.
Depuis 2011, deux dispositifs européens visent à compenser tout ou partie des surcoûts et manques à gagner des exploitants liés à la conversion et au maintien des pratiques de l’agriculture biologique304. L’enveloppe globale des aides européennes était de 103 M€ en 2014 (complétée d’une aide de l’État de 14 M€). Pour la programmation 2015-2020, seront financées avec le deuxième pilier (développement rural) de la politique agricole commune (PAC) et représenteront 160 M€ par an en moyenne, versés sur toute la période, ce qui représente un doublement du montant des aides publiques par rapport à la période 2007-2014.
À ces aides européennes s’ajoutent des aides nationales, et notamment le fonds Avenir bio géré par l’agence Bio (4 M€ par an) destiné à financer des projets de structuration de filières, des crédits liés aux mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) gérées par le ministère de l’agriculture, des aides des chambres d’agriculture, des coûts liés à la recherche et à l’enseignement agricole et des aides des collectivités territoriales (aide à la certification, à l'installation, aux investissements) dont il n’existe pas d’évaluation.
En complément, trois dépenses fiscales en faveur de l’agriculture biologique viennent en soutien au secteur : le crédit d'impôt en faveur des entreprises agricoles utilisant le mode de production biologique, dont le périmètre applicable aux groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC) a été étendu lors de la LFR pour 2015, le taux réduit de taxe sur la valeur ajouté applicable aux éléments constitutifs des aliments pour le bétail et aux engrais, aux amendements calcaires, et aux produits phytopharmaceutiques utilisables en agriculture biologique305, et l’exonération pour cinq ans de taxe sur le foncier non bâti des propriétés exploitées en mode de production biologique .
La dépense fiscale, un outil incitatif au service de l’agriculture biologique
Au cours de la période, trois mesures fiscales visent à encourager le mode de production biologique
L’objectif des trois dépenses fiscales, dont les deux premières figurent dans le programme 154 – Économie et développement durable de l’agriculture et des territoires de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires est de « soutenir le mode de production biologique », considéré vertueux pour l’environnement, via une aide au secteur agricole.
Présentation synthétique des dépenses fiscales visant à soutenir l’agriculture biologique
Libellé | Nombre de bénéficiaires | Coût | Date de création | Commentaire |
Crédit d’impôt (IR ou IS) en faveur des entreprises agricoles utilisant le mode de production biologique [210316] | entreprises agricoles (individuelles ou sociétés imposées à l’IR ou plus rarement à l’IS) : | 2014 : 9270 | 2013 : 5375 | 2012 : 8650 | 2011 : 9000 | 2010 : 9255 | | 2014 : 21 M€ | 2013 : 20 M€ | 2012 : 22 M€ | 2011 : 22 M€ | 2010 : 33 M€ | | (prévision 2015 : 20 M€) | | 2006, reconduit en 2012 puis en 2015 | | Fin du fait générateur : 2014 puis 2017 | Créé en 2006 pour pallier l’absence d’aide au maintien de la PAC. | Modifié en 2008 pour accélérer le mouvement vers l’AB. | Révisé en 2010 lors de la systématisation de l’aide au maintien mais maintenu jusqu’en 2014 (LFR pour 2012) et prorogé jusqu’en 2017 (LFR pour 2015). | Depuis 2012 (au titre de 2011), le crédit d'impôt s'élève à 2500 €, cumulable avec les aides perçues au titre de la PAC pour autant que le total n'excède pas 4000 € par an306. |
Taux réduit de TVA applicable aux éléments constitutifs des aliments pour le bétail et des engrais utilisables en agriculture biologique [730212] | inconnu | < 1 M€ en 2011 (selon le rapport CGAAER / IGF / CGEDD de février 2013) | | Cout total de la DF (sans distinction AB) | 2014 : 26 M€ | 2013 : 50 M€ | 2012 : 55 M€ | | | 1966/2011/ | 2012 | | Dépense non bornée | La LFR pour 2012 soumet à compter du 16 mars 2012 au taux réduit de TVA (7 %) les produits phytopharmaceutiques mentionnés dans le règlement UE relatif à la production biologique. | La LFR pour 2014 a maintenu un taux de TVA à 10 % à compter du 1er janvier 2014 sur les produits phytopharmaceutiques et a limité le bénéfice du taux réduit aux engrais et amendements calcaires utilisables dans l’agriculture biologique |
Exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties pendant une durée de 5 ans pour les terres agricoles exploitées selon un mode de production biologique [non numérotée] | Inconnu | En 2011 : 382 communes ont voté l’exonération de TFNB mais elle n’a trouvé à s’appliquer que dans 121 communes | Selon le rapport CGEDD-IGF-CGAAER, le cout pour ces communes est inférieur à 200 000 € par an | 2009 | Dépense non bornée | Dispositif soumis à délibération des collectivités locales. | Le bénéfice de l’exonération est subordonné au respect du règlement UE 1408/2013 du 18 décembre 2013 concernant les aides de minimis dans le secteur de la production de produits agricoles. | Il est soumis à obligation déclarative. La durée de l’exonération est fixée à 5 ans. |
Source : Cour des comptes
Deux dépenses fiscales ont fait l’objet d’une évaluation
Le crédit d’impôt (IR ou IS) en faveur des entreprises agricoles utilisant le mode de production biologique [201316] apparaît comme de fiabilité « très bonne » dans les documents budgétaires. Il a été évalué dans le cadre de l’évaluation des dépenses fiscales et des taxes affectées à faible rendement relevant du périmètre du MAAF (conférence fiscale 2014). Au terme des débats entre le ministère de l’agriculture qui jugeait ce dispositif impératif pour les petites exploitations agricoles ayant basculé en mode de production AB et la direction du budget qui s’interrogeait sur l’efficacité de la mesure, le dispositif a été prorogé jusqu’en 2017 par l’ de finances pour 2015.
Le dispositif avait précédemment fait l’objet d’une évaluation dans le rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et niches fiscales de juin 2011, qui lui avait attribué un score de 3 (mesure efficace et efficiente).
Le Taux réduit de TVA applicable aux éléments constitutifs des aliments pour le bétail et aux engrais, aux amendements calcaires, aux produits cupriques et aux produits phytopharmaceutiques destinés à l’agriculture biologique [730212] a été analysé lors de la conférence fiscale 2013. Le ministère de l’agriculture a estimé que ce dispositif favorisait la compétitivité des exploitations agricoles et avait un effet redistributif pour les petits exploitants pour un coût de gestion marginal (1 387 € en 2009 d’après l’IGF). Lors de la conférence fiscale 2014, le ministère de l’agriculture et la direction du budget se sont accordés sur la restriction du bénéfice du taux de TVA réduit aux engrais et amendements calcaires utilisables dans l’agriculture biologique afin de limiter « l’utilisation excessive d’engrais et de pesticides qui peuvent être à l’origine de dommages environnementaux et susceptibles de porter atteinte à la santé humaine » et sur le passage au taux normal de 20 % des autres engrais, fertilisants, soufre et produits cupriques. La fiabilité est de « l’ordre de grandeur » dans les documents budgétaires, qui ne donnent aucun élément de chiffrage précis de cette mesure sur les produits AB.
L’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties des terres agricoles exploitées selon un mode de production biologique [non numérotée], dont les recettes sont affectées aux collectivités locales et dont le régime dérogatoire ne fait pas l’objet d’une compensation de la part de l’État n’est pas considérée comme une dépense fiscale par le ministère des finances et ne fait donc l’objet d’aucun débat lors des conférences fiscales ni d’aucune évaluation.
Quelle efficience de ces dispositifs en faveur du développement durable ?
Les mesures fiscales présentées ont pour objet d’aider le secteur agricole biologique, mais génèrent des externalités positives sur la protection de l’environnement. L’analyse de leur efficience doit donc être appréciée d’une part au regard de leur efficacité - impact de la dépense publique sur le développement de la production et du nombre d’opérateurs AB et effets de l’AB sur la préservation de l’environnement - et d’autre part au regard de leur contribution spécifique à l’ensemble du dispositif de soutien public à l’AB.
Les dépenses fiscales s’inscrivent dans une stratégie globale de développement de l’agriculture biologique, priorité de la politique agricole
L’analyse de la courbe de croissance de l’agriculture biologique tend à attester de l’efficacité d’un soutien public, incluant les dépenses fiscales, au secteur.
L'AB jouit d'une dynamique positive, avec un nombre d'exploitations en hausse depuis 20 ans. Suite au Grenelle de l'environnement, le premier plan pluriannuel de développement de l’agriculture biologique « Ambition 2012 » fixait un objectif national ambitieux de 6 % de surfaces cultivées en bio en France pour 2012, objectif alors non atteint (3 % des surfaces). Présenté en mai 2013, le programme Ambition Bio 2017 affichait un objectif général de doublement de la part des surfaces agricoles (S.A.U) en agriculture biologique d’ici fin 2017. La « part des S.A.U en agriculture biologique dans la superficie agricole utilisée » est d’ailleurs un indicateur de performance du programme 154 Économie et développement durable de l’agriculture et des territoires.
Part de S.A.U totale en agriculture biologique en 2014
De 2007 à 2012, le nombre d’opérateurs en mode de production biologique (producteurs et opérateurs de l'aval) a doublé en France, passant de près de 18 400 à plus de 36 700 et les surfaces en AB ont connu une très forte croissance (+85 % en 5 ans). Au 31 décembre 2015, la France comptait 28 884exploitations engagées en agriculture biologique et 1,38 Mha cultivés en agriculture biologique (soit 5,11 % de la surface agricole utile)307, ce qui la place à la 3ème place dans l'Union européenne en termes de SAU après l’Espagne et l’Italie (source Agence bio).
Évolution du nombre d’opérateurs en AB de 1995 à 2015
Les dépenses fiscales, par le biais du développement de l’agriculture biologique, agissent en faveur du développement durable
L’AB est définie par le règlement (CE) n° 834/2007 du 28 juin 2007308 comme un « système global de gestion agricole et de production alimentaire qui allie les meilleures pratiques environnementales, un haut degré de biodiversité et la préservation des ressources naturelles ». Le cahier des charges de l’AB, précisé dans les règlements d'application, et notamment le règlement n° 889/2008 du 5 septembre 2008, se décline en un certain nombre de mesures réputées favorables à l'environnement comme l’interdiction d’utiliser des produits phytosanitaires de synthèse ou comme la mise en place de mesures préventives pour la gestion de la santé des plantes ou des animaux. Le mode de production « bio » semble donc susceptible de fournir des produits et des biens publics contribuant à la protection de l'environnement.
L’Institut national de la recherche agronomique INRA, dans une étude réalisée pour le Commissariat général à la stratégie et à la prospective309 en septembre 2013 identifie des effets positifs de l’AB sur la qualité des sols, sur la qualité de l’eau, sur le niveau d’émissions de GES et sur la préservation de la biodiversité tant en abondance qu’en richesse spécifique mais aussi certains effets néfastes comme les phénomènes de compactage, d’érosion ou encore de ruissellement des sols liés la multiplication des opérations de travail du sol, ou encore le risque de contamination des sols et des eaux par le cuivre et le soufre, sur lesquels travaillent plusieurs projets de recherche.
La contribution spécifique de ces dépenses fiscales au dispositif de soutien à l’agriculture biologique
Si le financement public apparaît bénéfique au développement de l’AB et, par effet induit, à la protection de l’environnement, l’efficience des dépenses fiscales doit être mesurée au regard de leur contribution spécifique au dispositif de soutien à l’agriculture biologique.
L’exemple du crédit d’impôt en faveur des entreprises agricoles utilisant le mode de production biologique
Le crédit d’impôt en faveur des entreprises agricoles utilisant le mode de production biologique a été créé en 2006 pour compenser l’absence d’aide au maintien des exploitations biologiques à l’issue de la période de conversion. Il a toutefois été maintenu après la généralisation de l’aide au maintien en 2010 et modifié à maintes reprises depuis. Initialement prorogé jusqu’en 2014 par la LFR pour 2012, le dispositif a encore été reconduit par la LFR pour 2015 jusqu’au 31 décembre 2017.
Le crédit d’impôt étant cumulable avec les aides européennes à la conversion et au maintien, le dispositif fiscal a pu être utilisé en 2011 comme variable d’ajustement des crédits de l’UE310. La Cour, dans son du 3 novembre 2011311, avait ainsi relevé qu’en dépit de la baisse des moyens nationaux à partir de 2011, les crédits affectés à l’agriculture biologique resteraient globalement stables du fait de l’accroissement du montant des financements européens. Elle avait d’ailleurs regretté « que l’augmentation des financements européens ne se solde pas par un accroissement global de l’aide, qui aurait été plus conforme aux efforts à réaliser pour atteindre l’engagement inscrit dans le Grenelle ».
Évolution des aides de la PAC et du crédit d’impôt de 2010 à 2014
| 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 |
Aide PAC | 63 | 87 | 92 | 106 | 117 |
Crédit d’impôt | 32 | 22 | 22 | 17 | 21 |
Total | 95 | 109 | 114 | 123 | 138 |
Source : Cour des comptes à partir des données du de février 2013 et du rapport d’information de l’Assemblée nationale, Commission des affaires européennes, n° 3102 sur les enjeux de la production biologique dans l’Union européenne, octobre 2015.
Le dispositif est ouvert aux exploitations dont 40 % des recettes sont issues d’activités certifiées en agriculture biologique, qu’elles soient imposées à l’IR ou à l’IS et quel que soit le mode d’exploitation (entreprise individuelle ou groupement agricole d'exploitation en commun).
L’effet incitatif ciblé de la dépense fiscale
Sur la période 2010-2014, le nombre d’exploitants agricoles exerçant en mode biologique (26 466 en 2014) augmente plus vite que le nombre de bénéficiaires du crédit d’impôt en faveur des entreprises agricoles utilisant le mode de production biologique (9 270 en 2014), qui reste globalement stable sur la période.
Avec un taux de recours au dispositif de 35 % en 2014 (21 % en 2013), la dépense fiscale semble jouer un rôle de soutien au secteur et contribuer à réorienter les comportements des agriculteurs et éleveurs vers l’AB, mais n’a pas, à elle seule, un effet incitatif sur l’ensemble des exploitants agricoles.
L’évolution du montant de la dépense fiscale résulte en effet moins des variations du nombre des bénéficiaires que des modifications législatives intervenues sur la période (réduction par deux du montant et institution d’un plafonnement global en 2011, hausse du montant en 2012).
Évolution du nombre d’exploitations agricoles en agriculture biologique et de bénéficiaires du crédit d’impôt
| 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 |
Nombre d'exploitations agricoles | 20 604 | 23 135 | 24 425 | 25 467 | 26 466 |
Nombre de
bénéficiaires du crédit d’impôt | 9 255 | 9 000 | 8 650 | 5 375 | 9 270 |
Chiffrage de la DF (M€) | 32 | 22 | 22 | 17 | 21 |
Montant total maximum du crédit d’impôt/bénéficiaire | 4 000 € | 2 000 € | (cumul avec aides PAC dans la limite de 4 000 €) | 2 500 € | (cumul avec aides PAC dans la limite de 4 000 €) | 2 500 € | (cumul avec aides PAC dans la limite de 4 000 €) | 2 500 € (cumul avec aides PAC dans la limite de 4 000 €) |
Source : Cour des comptes à partir des données RAP et Agence Bio
La stabilité du nombre de bénéficiaires de la mesure s’explique par leur nature. Selon le ministère de l’agriculture, le crédit d’impôt n’a pas vocation à concerner l’ensemble des exploitants agricoles, mais s’adresse uniquement à ceux qui sont exclus, en tout ou partie, des aides à la conversion et au maintien de la PAC.
Le dispositif vient ainsi en complément d’aides européennes, calculées en hectares et insuffisamment incitatives pour les petites exploitations par rapport aux efforts consentis (formation, changement de système de production, de circuit de distribution, etc.) et aux bénéfices environnementaux qu’elles apportent312. Il peut également bénéficier aux plus grandes exploitations qui n’accèdent pas aux aides de la PAC, en raison de la nature de la production (arboriculteurs, maraîchers, horticulteurs et certaines catégories d’éleveurs : volaille ou porc hors sol) ou des priorités régionales, notamment depuis le basculement des aides de l’AB du premier au second pilier de la PAC et du transfert, début 2015, de leur gestion aux régions, qui peuvent cibler ou prioriser les aides au maintien. Il contribue alors à assurer un niveau minimum de soutien aux producteurs biologiques sur l'ensemble du territoire et à réduire l’écart de compétitivité avec la production non biologique.
La dépense fiscale aurait donc une utilité réelle sur cette catégorie d’exploitants, bien que la stabilité du nombre de ses bénéficiaires démontre que son effet incitatif est limité.
La mesure de l’efficience de la dépense fiscale est limitée par la méconnaissance de ses bénéficiaires
L’analyse de l’impact de la mesure sur les bénéficiaires identifiés se heurte toutefois à deux limites.
D’une part, la typologie des bénéficiaires du crédit d’impôt par taille d’exploitation n’est pas connue du ministère de l’agriculture et l’analyse des statistiques de la DGFiP ne permet pas d’affirmer que, conformément à son objet, la dépense fiscale profite surtout aux petites exploitations ainsi qu’à celles écartées des aides de la PAC313. Ainsi, les directions départementales des territoires, chargées du suivi des aides de minimis agricoles ne recensent pas les bénéficiaires du crédit d’impôt qui ne sont pas par ailleurs bénéficiaires des aides de la PAC.
En l’absence de données précises sur l’efficacité réelle (atteinte de l’objectif) de la dépense fiscale par rapport à sa cible présumée, la portée de l’évaluation de la mesure menée lors des conférences fiscales 2014 aboutissant à la conclusion d’une mesure « très bonne » doit être appréciée avec précaution.
D’autre part, le mécanisme du crédit d’impôt, tel qu’il est défini à l’, ne fixe aucune condition particulière d’obtention liée à la surface de l’exploitation ni aux modalités de cumul avec les aides de la PAC (hormis le respect du plafond annuel de 4 000 €314 -7 500 € pour les GAEC315- pour les aides à l’agriculture biologique et de 15 000€ pour l’ensemble des aides de minimis). Il en résulte qu’un exploitant éligible aux aides de la PAC peut choisir lui-même, en l’absence de cadre règlementaire contraire, s’il souhaite privilégier le crédit d’impôt réputé d’usage plus aisé (déclaration sur l’imprimé n° 2079-BIO-SD / CERFA n° 12657) que les aides de la PAC soumises à des formulaires complexes, ou la combinaison des deux. Or cette décision a pour conséquence que la dépense pèse soit sur le budget national soit sur celui de la PAC, ce qui ne permet pas l’optimisation des moyens public et nécessite que les modalités de cumul des aides soient mieux encadrées. De surcroît, elle atteste que la mesure fiscale est susceptible de profiter à des bénéficiaires qui ne sont pas ceux prioritairement identifiés, ce qui réduit son efficience.
L’excédent de crédit d’impôt non imputé et restitué aux exploitants en agriculture biologique car dépassant l’impôt dû est très importante. Une étude de 2010, chiffrait à 85% le nombre de bénéficiaires de la mesure qui avaient reçu un chèque du Trésor public. Dans le département du Loiret, le taux de restitution du crédit d’impôt, qui était de 89% en 2010, atteint 65% en 2014, la baisse s’expliquant notamment par l’inscription des cotisations sociales sur l’avis d’imposition sur le revenu depuis 2012.
L’opportunité d’une limitation de la durée de bénéfice de la dépense fiscale pourrait être examinée
En l’état actuel du dispositif, les entreprises agricoles utilisant le mode de production biologique peuvent bénéficier du crédit d'impôt au titre de chacune des années 2011 à 2017 au cours desquelles elles remplissent les conditions d’obtention.
Or le rapport CGAER/IGF/CGEDD sur le développement de l’agriculture biologique316 rappelait en février 2013 que si la période de conversion en mode AB nécessitait d’être prolongée par une aide au maintien, justifiant que l’aide fiscale ou européenne soit versée sur une durée pluriannuelle, à terme, cette aide n’est plus justifiée pour certaines exploitations converties en mode de production AB et qui ont trouvé leur équilibre économique. Elle recommandait donc que soit examinée l’opportunité de limiter dans le temps le crédit d’impôt, à l’exception des zones à fort enjeu environnemental, estimant que « le dispositif serait de plus en plus coûteux au fur et à mesure que la politique de soutien à l’agriculture biologique portera ses fruits ».
La question d’une limitation de la durée de bénéfice de la mesure mérite tout particulièrement d’être examinée alors que la politique de soutien au développement AB fait croître le nombre d’exploitations agricoles biologiques, avec un effet multiplicateur sur le nombre de demandeurs potentiels du crédit d’impôt et le montant de la dépense fiscale, et que par ailleurs, une aide annuelle de 160 M€ au secteur AB a été annoncée dans le cadre de la programmation 2015-2020 de la PAC, qui devrait profiter à l’ensemble du secteur317 .
L’exemple de l’exonération de TFNB
L’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties pendant une durée de cinq ans pour les terres agricoles exploitées selon un mode de production biologique a été autorisée par la loi de finances pour 2009. Elle est subordonnée à une délibération des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre.
N’étant pas supportée par le budget de l’État, cette dépense fiscale n’est ni référencée dans les documents budgétaires, ni évaluée. L’absence de données statistiques du MAAF et la DGFiP sur cette mesure ne permet pas d’en mesurer ni la portée (nombre de bénéficiaires, montant de l’exonération), ni l’impact (effet incitatif).
D’après les données disponibles, en 2011, 382 communes ont voté l’exonération de TFNB mais elle n’a trouvé à s’appliquer que dans 121 d’entre elles, représentant un coût inférieur à 200 000 € pour ces communes318.
Informations disponibles à la maille régionale | État de mise en œuvre de la mesure d’exonération de TFNB pour les terres agricoles AB dans deux départements de la région Centre-Val de Loire | Source : DRFiP Centre Val de Loire - DRAAF Centre-Val de Loire |
Ces statistiques illustrent la désaffection des communes pour cette dépense fiscale, en particulier si on les rapproche des données du recensement agricole de l’Agreste pour 2012, qui comptabilise 34 583 communes comptant au moins une exploitation agricole sur leur territoire et 2 108 communes en comptant au moins 50, qui sont toutes potentiellement concernées par le dispositif.
L’analyse des collectivités sur l’application de cette mesure n’est pas connue des ministères, qui relèvent toutefois que l’exonération de TFNB ne bénéficie qu’aux propriétaires, qui ne sont pas tenus de la reverser à leurs locataires, contrairement à d’autres catégories d’exonérations de TFNB (dégrèvement au profit des jeunes agriculteurs). Alors qu’en France près de 60 % des surfaces agricoles sont cultivées par des agriculteurs qui la louent en fermage à un tiers319, les conditions d’application de la mesure réduisent l’effet incitatif pour l’exploitant.
La gestion localisée des mesures de soutien à l’agriculture biologique présente des avantages car elle permet de soutenir les modes de production les plus compatibles avec les exigences environnementales des territoires. C’est d’ailleurs déjà l’objet des aides directes apportées aux exploitants par les collectivités locales, en complément des aides de la PAC et de l’État. En région Centre-Val de Loire par exemple, les exploitants peuvent obtenir des aides de la région (aides à la certification, aide aux investissements, appuis techniques et accompagnement à la conversion, aides aux groupements d’agriculture biologique), des départements (aides à l’investissement pour les maraîchers biologiques), des pays (aides à la diversification agricole, aux micro-filières de qualité ou à l’acquisition de matériels en commun) et des chambres d’agriculture (accompagnement technique et économique aux projets), auxquels s’ajoutent les soutiens des sociétés coopératives et des instances professionnelles de la filière « bio » en région. Le nouveau mécanisme de versement des aides à la conversion et au maintien en agriculture biologique de la PAC, qui confie aux régions la gestion des crédits européens s’oriente également dans ce sens.
Dans ces conditions, le maintien au niveau des communes d’une mesure complémentaire de soutien à l’agriculture biologique, qui n’est quasiment pas utilisée et qui s’ajoute à un dispositif national et territorial déjà incitatif, ne semble pas totalement efficient.
Conclusion : des dépenses fiscales à réexaminer ou supprimer
Le soutien public à l’agriculture biologique concourt au développement du secteur et est bien identifié par les exploitants dans le choix technico-économique de conversion. Pour autant, les objectifs assignés à l’agriculture biologique par le Grenelle de l’environnement n’ont pas été atteints en 2012 (6% de SAU en AB) et ne le seront vraisemblablement pas en 2017 et en 2020 (doublement des surfaces entre 2012 et 2017).
Les dépenses fiscales portant sur l’agriculture biologique sont très diverses, peu suivies, mal encadrées et parfois peu incitatives (exonération de TFNB) : ces mesures ne sont pas efficaces, ni par conséquent efficientes.
La pertinence du maintien de ces dispositifs doit être analysée en examinant les conditions de leur mise en œuvre (règles de cumul avec les aides de la PAC et limitation dans la durée) et en tenant compte de l’ensemble du dispositif de financement public. Ainsi, les modalités de recours au crédit d’impôt doivent être encadrées et la suppression de l’exonération de TFNB doit être envisagée.
analyse de l’efficience des dépenses fiscales en faveur des réseaux de chaleur renouvelable
La mesure 730218 porte sur le taux de TVA réduit à 5,5 % pour la livraison de chaleur dans le cas de réseaux de chaleur alimenté par au moins 50 % d’énergies renouvelables (ENR).
Cette dépense fiscale a doublé depuis 2009 (25 M€ contre 50 M€ prévus en 2016320), compte tenu du développement des réseaux de chaleur majoritairement alimentés par des ENR321 et pourrait continuer à croître compte tenu des objectifs affichés dans la LTECV322 et en cours de déclinaison dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). La DGEC envisage ainsi une dépense d’environ 70 M€ à 75 M€ à échéance 2019-2023, en fonction des options retenues.
Les réseaux de chaleur constituent un vecteur intéressant pour développer des énergies renouvelables et de récupération. En 2013, on compte 518 réseaux de chaleur (3 883 km de réseau), soit une puissance installée de 15,6 GW. À chaleur livrée constante, ils permettent de diminuer les émissions de CO2 par rapport aux réseaux majoritairement alimentés par des énergies fossiles. Leur performance environnementale est en croissance depuis 2005323, traduisant un « verdissement » des combustibles utilisés. Le facteur d’émission de GES va ainsi de 75 gCO2/kWh (réseau de chaleur bois) à 428 gCO2/kWh (fioul collectif). De même, à chaleur livrée constante, le réseau de chaleur bois consomme cinq fois moins d’énergie primaire par rapport à un chauffage électrique individuel324. Enfin, dans l’optique de diminution de la consommation énergétique des logements, le réseau de chaleur à énergie renouvelable limite le besoin d’isolation du logement à performance énergétique fixée, et donc les investissements totaux. Par ailleurs, du fait de leur puissance, les réseaux de chaleur sont soumis à des normes plus strictes de protection de l’environnement325 comparativement aux moyens de chauffage individuels.
Analyse de l’efficience de cette dépense fiscale
L’analyse de l’efficience se base sur l’objectif initial de la mesure, ou de la politique publique. Dans le cas des réseaux de chaleur, l’objectif affiché par la France à la Commission européenne en 2013326 (date de dernière modification de la mesure) consiste à financer 3,2 Mtep de chaleur renouvelable par réseau de chaleur en 2020. Les objectifs intermédiaires issus du Grenelle de l’environnement portaient sur 300 ktep issus de la biomasse dans les réseaux de chaleur et 470 ktep issus des unités d’incinération des ordures ménagères, au 31 décembre 2012327.
L’enquête nationale du chauffage urbain328 indique que la chaleur livrée en 2013 par réseau de chaleur atteint 25,8 TWh, contre 18,4 TWh en 2005. Le bouquet énergétique étant passé de 26 % d’énergie renouvelable en 2005 à 40 % en 2013, la chaleur renouvelable est passée de 4,7 à 10,3 TWh, soit de 0,4 à 0,9 Mtep de 2005 à 2013. La progression est sensible, mais l’objectif de 3,2 Mtep de chaleur renouvelable par réseau de chaleur en 2020 semble difficile à atteindre.
Si l’on utilise les chiffres 2012 pour les comparer aux objectifs intermédiaires issus du Grenelle de l’environnement, on obtient 170 ktep issus de la biomasse, contre 300 ktep visés, et 610 ktep issus des unités de valorisation énergétique, contre 470 ktep visés. Les objectifs du Grenelle de l’environnement sont donc globalement atteints sur ces deux dimensions cumulées.
L’atteinte des objectifs du Grenelle permet de qualifier la politique publique sur les réseaux de chaleur renouvelable d’efficace. Son efficience peut s’apprécier en regardant le montant de la subvention accordée aux différentes technologies permettant de produire de la chaleur renouvelable, en combinant le montant de la dépense fiscale pour les réseaux de chaleur, les subventions du fonds chaleur, et celles du fonds déchets, pour les années 2011 et 2012329.
Soutien à la chaleur renouvelable par type d’énergie en 2011 et 2012
Taux de subvention en €/tep | 2011 | 2012 |
Bois hors BCIAT (Bois chaleur industrie, agriculture et transports) | 524 | 475 |
Géothermie | 861 | 1 207 |
Biogaz | 551 | |
Solaire | 10 183 | 10 408 |
Réseaux de chaleur renouvelable (> 50 % d’ENR&R) | 454 | 316 |
Source : Cour des comptes, d’après DGEC et documentation budgétaire. Le taux de soutien combine les fonds chaleur et déchets de l’ADEME, ainsi que la dépense fiscale 730218 pour les réseaux de chaleur, valorisée à 25 M€/an.
Comme l’illustre le tableau ci-dessus, parmi les différentes sources de chaleur renouvelable soutenue par le fonds chaleur de l’ADEME, les réseaux de chaleur renouvelable sont les moins couteux en €/tep, y compris en intégrant la dépense fiscale 730218. La comparaison porte ici sur le taux de soutien du fonds chaleur de l’ADEME par tonne-équivalent pétrole (tep) de chaleur fournie. Le montant de l’aide nécessaire pour financer un nouveau réseau de chaleur est ainsi plus faible que celui nécessaire pour une nouvelle installation solaire ou de géothermie, en supposant que l’aide de l’ADEME est correctement calibrée pour chaque technologie. En multipliant par deux le taux de soutien des réseaux de chaleur (seule la moitié de l’énergie est de façon certaine d’origine renouvelable), le taux de soutien reste plus faible que pour le solaire ou la géothermie.
Les réseaux de chaleur renouvelable permettent d’utiliser de l’énergie renouvelable en remplacement d’énergie fossile pour livrer de la chaleur. Les énergies fossiles utilisées génèrent en moyenne 0,32 Mt de CO2/TWh consommé330. En faisant l’hypothèse d’un rendement comparable entre TWh consommé et TWh livré pour les ENR, et en leur associant des émissions de CO2 nulles (carbone non issu de sources fossiles), le calcul conduit à une économie de 3,9 Mt de CO2 évitées en 2013, grâce aux réseaux de chaleur renouvelable.
La dépense fiscale 730218 conduit à une réduction de 57 € sur la facture annuelle de chauffage pour les réseaux de chaleur331, rendant ce mode plus économique de 8 € en moyenne sur l’année par rapport à un chauffage au gaz332 (données 2013).
Le montant est ici étudié uniquement du point de vue du consommateur, en supposant que la détaxe lui est intégralement répercutée : en rendant le réseau de chaleur plus économique que le chauffage au gaz, la mesure permet un changement de comportement du consommateur, à coût de production de la chaleur supposé fixe pour l’industriel.
La baisse relative du prix de l’énergie induit cependant un risque de « rebond » qui conduit in fine à une surconsommation d’énergie. Une étude économétrique333 estime que lorsque l’amélioration de l’isolation thermique permet de diminuer le besoin énergétique d’un logement, 25 à 40 %334 de cette baisse est « surconsommée » pour chauffer le logement : seule une partie (de 60 à 75 %) de l’amélioration énergétique conduit effectivement à une baisse de la consommation d’énergie. Les réseaux de chaleur bénéficiant de la mesure fiscale étant alimentés en partie par des énergies fossiles, l’effet rebond conduit à une consommation accrue d’énergie finale, laquelle est en partie génératrice de GES. Une aide au secteur qui ne changerait pas le signal prix de l’énergie limiterait cet effet rebond.
Suggestions d’autres outils qui pourraient être plus efficients
La dépense fiscale 730218 conduit à réduire le coût d’approvisionnement du kWh de chaleur par rapport à son coût réel, en appliquant un taux de TVA réduit à 5,5 %. L’assiette étant la chaleur livrée par un réseau de chaleur alimenté à 50 % au moins par des énergies renouvelables ou de récupération, cette dépense peut être redondante avec les subventions du fonds chaleur de l’ADEME. La dépense fiscale baisse les coûts de fonctionnement, quand la subvention du fonds chaleur diminue l’investissement initial.
Une fois qu’un logement est raccordé à un réseau de chaleur, il est relativement « captif ». Les coûts de changement du mode de chauffage sont significativement plus importants que le différentiel annuel de 49 € entre le chauffage au gaz et le chauffage par réseau de chaleur en l’absence du taux de TVA réduit.
Sur la durée, la dépense fiscale risque d’être très onéreuse, sans effet sur la proportion de chaleur renouvelable livrée par un réseau de chaleur. Il pourrait être envisagé de transférer une partie du montant de la dépense fiscale à l’enveloppe du fonds chaleur de manière à mieux subventionner l’investissement initial et arrêter tout soutien au fonctionnement.
analyse de l’efficience des dépenses fiscales en faveur des modes alternatifs de production d’électricité
Le soutien aux modes alternatifs de production d’électricité recouvre le soutien à la cogénération et aux énergies renouvelables. Parmi les six mesures listées dans le tableau ci-dessous, deux ne sont pas numérotées et portent sur le photovoltaïque, et une a été adoptée en loi de finances pour 2016.
Dépenses fiscales de soutien aux modes alternatifs de production d’électricité
Dépense fiscale | Intitulé |
180105 | Exonération des produits de la vente d’électricité issue de l’énergie radiative du soleil |
200201 | Amortissement exceptionnel des matériels destinés à économiser l’énergie et des équipements de production d’énergies renouvelables |
800108 | Exonération de taxes intérieures de consommation pendant cinq ans pour les huiles minérales et le gaz naturel consommés aux fins de cogénération |
Non numérotée | Réduction d’IR et d’impôt sur la fortune au titre des souscriptions au capital de sociétés exerçant une activité de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil (abrogation de l’exclusion prévue à l’article Article 885-0 V bis I 1. 0. b. bis du CGI) |
Non numérotée | Exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les immobilisations dédiées au photovoltaïque (article 1382 CGI) |
LFI 2016335 –article 24 – I A. | Exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) des sociétés produisant du biogaz, de l'électricité, de la chaleur par la méthanisation agricole |
LFI 2016334 –article 24 – I B. | Exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE) des sociétés produisant du biogaz, de l'électricité, de la chaleur par la méthanisation agricole |
Parmi les mesures listées, les trois mesures numérotées ont fait l’objet d’une évaluation lors du rapport Guillaume (IGF, 2011).
Le soutien au photovoltaïque
Deux mesures portent sur le photovoltaïque, une exonération d’IR et d’ISF en cas de souscription dans une société produisant de l’électricité photovoltaïque, et une exonération de TFPB pour les immobilisations dédiées au photovoltaïque. L’énergie photovoltaïque fait l’objet d’un soutien très important, par plusieurs outils : tarifs d’achat, appel d’offres, soutien à la R&D, prime à l’aménagement du territoire, CIDD336. Le taux de soutien constaté par la CRE s’établissait en 2011337 à 470 €/MWh, contre 59 €/MWh pour la biomasse ou 37 €/MWh pour l’éolien. Les objectifs initiaux en 2006338 de développement du photovoltaïque étaient, en puissance installée, de 160 MW en 2010 et 500 MW en 2015. Entre 2006 et 2008, 1 573 MW ont été autorisés339, conduisant à une révision de l’objectif en 2009340 à 1 100 MW en 2012341 et 5 400 MW en 2020. La puissance installée fin 2014 atteignait 5 600 MW, dépassant à nouveau les objectifs PPI de 2020, et conduisant à une nouvelle révision dans le cadre du projet de PPE342 entre 9 000 et 10 200 MW en 2018, et 12 000 et 20 200 MW en 2023.
Objectifs et puissance photovoltaïque installée en France (MWc343)
Référence | 2010 | 2012 | 2014 | 2015 | 2018 | 2020 | 2023 |
PPI 2006 | 160 | | | 500 | | | |
PPI 2009 | | 1 100 | | | | 5 400 | |
Puissance installée | 1 200 | 4 080 | 5 600 | | | | |
PPE 2016 (projet) | | | | | 9 000 – 10 200 | | 12 000 – 20 200 |
Source : Cour des comptes d’après EurObserv’Er (baromètre photovoltaïque)
Les mesures fiscales contribuent au financement de la filière photovoltaïque : si leur impact est difficile à mesurer dans un ensemble dense de mesures de soutien à la filière, les objectifs visés de puissance installée sont systématiquement dépassés. Une cotation 2, cohérente avec la dépense 180105 est attribuée.
La méthanisation agricole
La méthanisation agricole s’inscrit dans la production nationale de biogaz. Les objectifs initiaux en 2006337 de développement du biogaz étaient, en puissance électrique installée, de 100 MW en 2010 et 250 MW en 2015. Le Plan National d’Action en faveur des énergies renouvelables de 2010344 prévoit pour le biogaz une puissance électrique de 625 MW et une production de chaleur de 555 ktep en 2020. En 2013, la puissance installée était de 275 MW électrique, et la chaleur produite atteignait 90 ktep. L’objectif initial de 2006 est ainsi dépassé pour la puissance électrique.
Outre, les exonérations de taxe foncière pour les installations, la méthanisation agricole fait l’objet de multiples soutiens : tarif d’achat garanti pour le biométhane injecté dans le réseau de gaz naturel345, pour l’électricité dans le cas d’installation de moins de 12 MW346, fonds Chaleur et Déchet de l’ADEME, financement d’études de projets de méthanisation dans le cadre du programme « économie circulaire » des investissements d’avenir (PIA).
Les mesures fiscales visent des frais fixes, indépendant de la production de biogaz, ajoutant un nouvel outil dans le panel du soutien à cette filière. Si la pertinence de cet outil peut être remise en cause, le soutien à la filière est nécessaire pour atteindre les objectifs ambitieux du plan EMAA347. Une cotation 2 est ainsi attribuée.
La proportionnalité du dispositif
Pour les dépenses pour lesquelles cela était possible, un calcul a été effectué pour estimer les émissions de CO2 associées à la mesure. Ce calcul est effectué en 2014 pour les mesures numérotées, et en 2013 rétroactivement pour la méthanisation agricole (dernière données statistiques disponibles). Ce calcul porte sur les émissions de CO2 dont le coût a été diminué du fait de la présence de la mesure fiscale. Au total, près de 170 kilotonnes (kt) de CO2 sont concernées, qui se décomposent en 500 kt générés par la cogénération au fioul, et 330 kt économisés grâce au photovoltaïque et à la méthanisation agricole.
La mesure 800108 ne vise en effet depuis 2012 que les installations de cogénération alimentées par des huiles minérales (fioul), dont les émissions sont importantes.
En segmentant en fonction de la cotation d’efficience de la mesure, - 330 kt d’émissions de CO2 sont associée à des mesures classées 2 (moyennement efficientes), et 500 kt à la mesures classées 0 (inefficientes).
Le rapport du montant de la mesure et des émissions de CO2 associées permet de calculer le taux de soutien de la dépense fiscale aux émissions concernées ou évitées, en €/tonne de CO2. La mesure 800108 affiche un taux d’apparence faible (6 €/tonne), lié à la faible taxation du fioul lourd (2,19 €/100 kg en 2014), et des émissions de CO2 plus faible que dans le cas du pétrole brut. À contrario, le CO2 évité est très largement subventionné pour le photovoltaïque (167 €/tonne de CO2), sur la seule mesure d’exonération de la TVA, et légèrement moins pour la méthanisation agricole (au moins 112 €/tonne de CO2348).
Montants et émissions de CO2 associées aux mesures fiscales de soutien aux modes alternatifs de production d’électricité pour lesquelles des données de coût sont disponibles
Dépense fiscale | Montant 2014 | Émission de CO2 associées | Soutien en €/tonne de CO2 |
180105- Non taxation des revenus tirés de la production photovoltaïque | 2 M€ | - 12 kt | - 167 |
800108- Exonération de TIC pour les intrants de la cogénération | 3 M€ | 500 kt | 6 |
LFI 2016- Exonération de TFPB pour la méthanisation agricole | 2,1 M€349 | - 320 kt | - 112 |
LFI 2016- Exonération de CFE pour la méthanisation agricole | 1,7 M€348 | - 320 kt | - 112 |
Source : Cour des comptes, d’après documentation budgétaire et statistiques environnementales (SOeS, ADEME, Sinoe, EurObserv’Er…)
Ces calculs indiquent que la tonne de carbone évitée est très largement subventionnée dans le cas de la production photovoltaïque, et légèrement moins pour la méthanisation agricole. Cet écart peut s’expliquer par l’écart de coût de revient des deux technologies, mais l’engouement observé pour le photovoltaïque semble indiquer que ce secteur est soutenu de façon trop intense par rapport à ses besoins réels.
Le rapport Guillaume (IGF, 2011) avait recommandé la suppression de la mesure 800108, le tarif de rachat compensant la TIC pour les unités de production d’électricité par cogénération, et transférant ainsi le coût de la dépense fiscale de l’ensemble des contribuables aux consommateurs d’électricité. Le soutien à la cogénération alimentée au fioul lourd ne paraît pas nécessairement l’objectif prioritaire de lutte contre le changement climatique.
La mesure 800108 n’a rigoureusement aucun effet sur le marché, la suppression de la mesure étant automatiquement compensée par le tarif d’achat de l’électricité produit par la cogénération.
La mesure 180105 s’ajoute à une ensemble déjà dense de dispositifs de soutien au photovoltaïque. La mission relative à la régulation et au développement de la filière photovoltaïque en France (CGEIET-IGF) avait pointé en 2010 les risques de dérapages financiers du soutien au photovoltaïque : le coût de revient de la technologie diminuant avec le temps, un soutien massif précoce est plus onéreux qu’un soutien étalé dans le temps. La mission avait ainsi préconisé un plafonnement des puissances soutenues au titre du tarif de rachat, et la suppression de la réduction d’ISF au titre de la souscription au capital d’une entreprise de production d’électricité photovoltaïque. Cette suppression était motivée par le fait que l’entreprise avait une rentabilité quasi-garantie grâce aux tarifs de rachat de l’électricité. La suppression a été adoptée en LFI 2011350, mais la mesure a été rétablie par la LTE en 2015351.
L’engouement pour l’investissement dans les installations photovoltaïques conduit ainsi, à puissance finale constante, à un surcoût à l’installation, surcoût porté essentiellement par le contribuable au vu du fort taux de soutien pour cette technologie. Ces mesures fiscales semblent conduire principalement à un effet d’aubaine, sans valeur ajoutée pour la politique environnementale.
La bulle photovoltaïque outre-mer
Le rapport parlementaire sur l’aide fiscale à l’investissement outre-mer352 a constaté un effet d’aubaine lié au développement photovoltaïque dans les départements d’outre-mer.
Couplé à l'obligation d'achat par EDF de l'énergie produite à un tarif intéressant, l'aide fiscale a généré un effet d'aubaine et a induit une masse d'investissements déconnectée du besoin économique. La part des investissements outre-mer dans le secteur photovoltaïque dans le total des investissements agréés est ainsi passée de 9,5 % en 2006 à 33 % en 2009. Un plafonnement spécifique en matière d'investissement dans le secteur des énergies tendant à moduler le taux d'avantage fiscal en fonction de la productivité de l'installation afin d'inciter les entreprises concernées à réduire le prix du watt installé a été envisagé mais l'arrêté d'application n'est jamais intervenu.
Au bilan, la dépense fiscale a été multipliée par cinq entre 2006 et 2009, passant de 49 M€ à 253 M€. Cette évolution a en outre connu deux phases d'accélération correspondant à des anticipations en réaction à des effets d'annonce, fin 2008 s'agissant du plafonnement des niches fiscales, et à l'automne 2010 après l'arrêt de la défiscalisation au 29 septembre 2010 finalement entérinée par l'article 36 de la loi de finances pour 2011.
Enfin la mesure sur la méthanisation agricole induit un gain moyen annuel par unité de 24 000 € (11 000 € en cas de TFPB seule, 45 000 € en cas de TFPB et de CFE). La mesure est entrée en vigueur en 2016, ce qui limite l’analyse de l’effet sur le marché, mais l’administration escompte des effets positifs sur l’emploi, et sur l’environnement353.
analyse de l’efficience des dépenses fiscales en faveur de la substitution de carburants
Le soutien aux carburants alternatifs vise principalement le gaz naturel véhicule (GNV), le GPL et les agrocarburants ou biocarburants. Le gaz naturel pour le chauffage a également été intégré à cette catégorie, l’objectif étant de remplacer des chauffages au fioul individuel, plus polluant.
Le mode de soutien varie selon les dépenses fiscales : crédit d’impôt pour l’acquisition d’un véhicule dont la motorisation permet un carburant alternatif, amortissement exceptionnel des points d’approvisionnement en carburant alternatif et des véhicules acquis par les entreprises, exonération de TIC et de TGAP, totale ou partielle, pour les carburants alternatifs, et enfin déduction de TVA pour les carburants acquis par les entreprises.
La déduction de TVA pour les achats de carburant par les entreprises, qui varie de 100 % pour le GPL et GNV, 80 % pour le gazole, et 0 % pour l’essence, a fait l’objet d’un amendement à l’Assemblée nationale à l’occasion de la LFR 2015354, pour permettre la déduction de 40 % en 2016 et 80 % en 2017 des achats d’essence. L’article amendé a cependant été supprimé par un amendement sénatorial.
Dépenses fiscales de soutien aux carburants alternatifs
Dépense fiscale | Libellé de la dépense |
110225 | Crédit d’impôt pour dépenses d’acquisition d’un véhicule fonctionnant au moyen du GPL ou de gaz naturel véhicule (GNV) ou de l’énergie électrique, ou pour dépenses de transformation d’un véhicule de moins de trois ans destinées à permettre son fonctionnement au moyen du GPL |
200205 | Amortissement exceptionnel des matériels spécifiquement destinés à l’approvisionnement en GPL et GNV et à la charge des véhicules électriques |
200212 | Amortissement exceptionnel des véhicules fonctionnant exclusivement ou non au moyen de l’électricité, de GPL, de gaz naturel (GNV) ou de super-éthanol E85, ainsi que des batteries et des équipements spécifiques |
800107 | Exonération plafonnée de taxe intérieure de consommation pour les esters méthyliques d'huiles végétales, les esters méthyliques d'huile animale ou usagée, les biogazoles de synthèse, les esters éthyliques d'huile végétale incorporés au gazole ou au fioul domestique, le contenu en alcool des dérivés de l'alcool éthylique et l'alcool éthylique d'origine agricole incorporé directement aux supercarburants ou au super-éthanol E85 |
800111 | Exonération de taxe intérieure de consommation pour les huiles végétales pures utilisées comme carburant agricole ou pour l'avitaillement des navires de pêche professionnelle |
800116 | Exonération de taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel des ménages et des réseaux de chaleur |
800207 | Réduction de taxe intérieure de consommation de 100 % sur le gaz naturel à l’état gazeux destiné à être utilisé comme carburant repris à l’indice 36 du tableau B du 1 de l’article 265 du code des douanes (à compter du 1er avril 2014) |
800208 | Taux réduit de taxe intérieure de consommation sur le GPL |
800406 | Autorisation à titre expérimental de l'usage des huiles végétales pures (HVP) comme carburant pour les flottes captives des collectivités locales ou de leurs groupements ayant signé avec l'État un protocole permettant d'encadrer cet usage à un taux réduit |
Non numérotée | Diminution de l'assiette du surcroît de TGAP lié à la mise en vente d'essence si utilisation de biocarburant et diminution par 10 du taux si biocarburant conforme à l'article 21 de la () |
Non numérotée | Taux réduit de TGAP à proportion du volume d'incorporation de biocarburant dans les supercarburants et gazole mis à la consommation sur le territoire national |
Non numérotée | Déduction partielle de TVA pour achats de carburant utilisés par les entreprises pour des véhicules et engins exclus du droit à déduction, avec un taux de 80 % pour les gazoles et le super-éthanol E85, et un taux de 100 % pour le GPL et GNV () |
L’analyse de l’efficience pour ces dispositifs a été effectuée par filière, avec le GNV/GPL d’une part, et les agrocarburants d’autre part, chaque ensemble de mesure concourant à la même politique publique étant étudié en bloc. La mesure 800116 avait été cotée 0 par le rapport Guillaume (IGF, 2011).
Le gaz naturel véhicule et GPL
L’intérêt du gaz naturel véhicule (GNV) et du GPL est de dégager moins de CO2 par kWh d’énergie fourni. La métrique retenue est ici la quantité de GES dégagée pour un kWh d’énergie, c’est-à-dire pour une unité d’énergie disponible pour le véhicule. En utilisant la base Carbone de l’ADEME355, on peut ainsi comparer l’essence, le gazole, leurs versions comportant une incorporation plus ou moins grande d’agrocarburants, le GNV et le GPL. Les valeurs indiquées dans le tableau ci-dessous combinent les émissions liées à la combustion et à l’amont (distillation, transport, pertes en cours de transformation, etc.), soit les émissions « directes » de l’utilisation du carburant.
Émissions de CO2 par kWh d’énergie fourni, pour différents carburants
Carburant | kg de CO2 par kWh | Écart par rapport au diesel pompe |
Diesel pompe | 0,322 | |
Essence pompe | 0,303 | – 6 % |
Essence E10 | 0,299 | – 7 % |
Diesel B30 | 0,291 | – 9 % |
GPL | 0,270 | – 16 % |
GNV | 0,250 | – 22 % |
Essence E85 | 0,159 | – 50 % |
Note : les carburants à la pompe sont ceux de 2009 (6,3 % d’incorporation de biodiesel en volume pour le diesel, et 7,8 % d’incorporation de bioéthanol en volume pour l’essence)
Source : Cour des comptes d’après ADEME
L’incorporation de biocarburant (E10 implique un taux d’incorporation de 10 % en volume de bioéthanol, E85 de 85 % en volume, B30 un taux d’incorporation de 30 % en volume de biodiesel) diminue sensiblement les émissions de CO2, la partie combustion étant alors nulle (carbone issu de la biomasse, non comptabilisé ici). Le GPL et le GNV affichent également des émissions de CO2 par kWh fournis plus faibles.
Cependant, le tableau ci-dessous indique que le diesel à la pompe dégage plus de CO2 par kWh fourni que l’essence à la pompe, ce qui est contre-intuitif. L’explication en est que le taux de rendement du moteur diesel étant cependant en moyenne plus important (fonctionnement à des températures plus élevées), le kWh « utile » génère moins de CO2 avec un moteur diesel : les meilleurs véhicules particuliers génèrent 84 g de CO2/km en version essence et 79 g de CO2/km en version diesel.
Comparatif des véhicules les plus économes disponibles à la vente par type de carburant
Carburant | g de CO2/km du modèle le plus économe | Puissance associée |
Diesel | 79 | 100 chevaux (73 kW) |
Essence | 84 | 68 chevaux (50 kW) |
GNV | 79 | 68 chevaux (50 kW) |
GPL | 106 | 69 chevaux (51 kW) |
Source : Cour des comptes d’après ADEME356
Le GNV et le GPL, présentés comme des carburants moins émetteurs de CO2 en se basant sur leur pouvoir calorifique plus important (moins de CO2 émis par kWh d’énergie thermique), ne conduisent pas pour l’instant à des véhicules plus écologiques. Les -20 % annoncés357 sur la foi des pouvoirs calorifiques est pour l’instant erronée. L’incorporation de biogaz en lieu et place du GNV pourrait, à l’image des biocarburants pour l’essence et le diesel, limiter ces émissions, mais les véhicules commercialisés en 2015 ne permettent pas de tirer parti du meilleur pouvoir calorifique du GPL et du GNV. Les 20 % de diminution des émissions de CO2 souvent évoqués sur la base de ces pouvoirs calorifiques ne se reflètent pas dans les performances des véhicules particuliers. L’étude par mesures embarquées sur des autobus358 conduit également à des émissions de CO2 plus importantes pour le GNV que pour le diesel, mais à des émissions de particules fines, de CO et de NOx significativement plus faibles.
Par ailleurs, la faible densité de points d’approvisionnement ne conduit qu’à parc anecdotique en 2014359 : 1,9 % des autobus, 0,6 % des véhicules particuliers et 0,3 % des camionnettes et camions peuvent fonctionner au GPL ou au GNV. Plus inquiétant, le parc immatriculé est en décroissance, de -17 % pour les véhicules particuliers (soit -36 500 véhicules), et -11 % pour les camionnettes et camions (soit -2 800 véhicules). Cet effet n’est pas compensé par la hausse de 1 100 autobus en GNV.
La récente directive 2014/94/UE sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs vise à développer les points d’approvisionnement en carburant alternatif, notamment GPL et GNV. Sa transposition permettrait de revoir la politique globale de soutien à ces carburants.
De façon générale, le parc de véhicules motorisés au GNV ou au GPL est en décroissance, pour des performances environnementales au mieux équivalentes à celle du diesel. La politique d’encouragement du GNV et du GPL n’a pas été efficace, ce qui conduit à une cotation de 0 en efficience (objectifs non atteints).
Les agrocarburants ou biocarburants ont été envisagés comme un moyen de rendre plus écologique les moteurs thermiques (essence ou diesel), en incorporant des carburants d’origine renouvelable aux dérivés du pétrole. L’évaluation de la politique publique des biocarburants a fait l’objet d’un rapport public thématique de la Cour en 2012360 pointant le décalage entre l’ambition élevée de la France, supérieure à l’ambition européenne en matière de taux d’incorporation, et la réalité technique des moteurs, et industrielle des installations de production. Le bilan environnemental des biocarburants était également remis en question, avec un apport discutable en termes d’émissions de GES.
Les deux objectifs qui ont été affichés sont le taux d’incorporation de biocarburant dans les carburants361, excédant les contraintes de la directive 2003/30/CE362, et un volume de consommation de biocarburant363.
Comparaison entre les objectifs concernant les biocarburants et le réalisé
| 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 |
Bioéthanol – objectif de consommation (en ktep) | 550 | 550 | 550 | 550 | 550 | 550 |
Bioéthanol – consommation réelle (en ktep) | 394 | 392 | 417 | 394 | 414 | |
Biodiesel – objectif de consommation (en ktep) | 2 165 | 2 250 | 2 350 | 2 350 | 2350 | 2375 |
Biodiesel – consommation réelle (en ktep) | 2 023 | 2 035 | 2 269 | 2 293 | 2 541 | |
Taux d’incorporation - objectif | 7 % | 7 % | 7 % | 7 % | 7 %(1) | 7,7 % | 7 %(1) | 7,7 % |
Taux d’incorporation – réalisé | 6,70 % | 6,84 % | 6,74 % | 6,78 % | 6,11 % | 7,72 % | 6,79 % | 7,70 % |
Source : Cour des comptes, d’après SOeS (, édition 2015),EurObserv’Er ( 2011 à 2015) et données DGPE (taux d’incorporation 2015)
Les objectifs affichés sur les biocarburants ont été atteints en 2014 et 2015 pour la seule filière gazole (taux d'incorporation en part d'énergie renouvelable réelle de 7,70 % pour un objectif de 7,70 %). Pour la filière essence, le taux d’incorporation n’est que de 6,79 % pour un objectif de 7 %. De même, les objectifs de consommation sont atteints sur la filière biodiesel uniquement sur l’année 2014, et ne sont pas atteint sur la filière bioéthanol. Au vu de ces résultats, la politique publique peut être qualifiée d’inefficace. La cotation associée est 0.
Sur les onze mesures étudiées, dix sont ainsi cotées 0, la dernière portant sur la déductibilité différenciée de la TVA sur les carburants pour les entreprises ne pouvant être analysée faute de donnée. Trois des mesures sont éteintes (110225, 200205 et 200212), et deux ne sont pas numérotées. Les six mesures restantes portent sur 341 M€ en 2014.
La proportionnalité du dispositif
L’analyse des émissions de CO2 dans le cas des biocarburants peut être délicate, les émissions induites par l’intégralité du cycle de production dépendant grandement du type de culture et des méthodes de transformation. Concernant la dépense 800107, l’exonération de TICPE sur les esters d’huiles végétales, le calcul effectué ici consiste simplement à considérer que les émissions concernées sont celles qu’un véhicule consommant du diesel aurait émises. Ce calcul n’a pas prétention à représenter l’économie réelle de CO2 liées au biocarburant, mais un ordre de grandeur du taux de soutien au CO2 déplacé des carburants fossiles vers un autre type de carburant. Les émissions cumulées, calculées uniquement pour les dépenses fiscales pour lesquelles des données sont disponibles, s’élèvent à 190 Kt de CO2 net, 1 390 Kt d’émissions liées au gaz naturel de chauffage, GNV et GPL, et – 1 200 Kt liés aux biodiesels.
Le rapport du montant de la mesure et des émissions de CO2 associées permet de calculer le taux de soutien de la dépense fiscale aux émissions concernées, en €/tonne de CO2. Le résultat peut être comparé aux cibles de la contribution énergie-climat de l’article 1-VIII de la LTE : 56 €/tonne de CO2 en 2020, et 100 €/tonne de CO2 en 2030. Le taux de soutien de la tonne de carbone pour le biodiesel atteint 133 €/tonne de CO2 économisée, sachant que les économies de CO2 sont grandement surévaluées en considérant que le biocarburant n’émet aucun gramme de CO2. Le taux de soutien aux biodiesel est ainsi très élevé. Les taux réduits de TIC sur le gaz naturel utilisé comme carburant (800207) et le GPL (800208) conduisent à des taux de soutien particulièrement important, respectivement 1 467 et 289 €/tonne de CO2, pour une efficacité environnementale faible. Ces deux dépenses cumulent 148 M€ de dépense fiscale en 2014 et 390 Kt de CO2 pour un effet très discutable. En intégrant la dépense 800116 (exonération de TIC pour le gaz naturel de chauffage des ménages), le taux de soutien moyen sur le gaz naturel et le GPL atteint 130 €/tonne.
Analyse de l’efficience, des montants et des émissions de CO2 associées aux mesures fiscales de soutien aux carburants alternatifs pour lesquelles des montants sont disponibles
Dépense fiscale | Montant 2014 | Émission de CO2 associées | Soutien en €/tonne de CO2 |
800107 – Exonération plafonnée de TIC pour les biocarburants | 160 M€ | – 1 200 kt | – 133 |
800116 – Exonération de TIC sur le gaz naturel des particuliers et les réseaux de chaleur | 33 M€ | 1 000 kt | 33 |
800207- Taux réduit de TIC sur le gaz naturel carburant | 44 M€ | 30 kt | 1 467 |
800208- Taux réduit de TIC sur le GPL | 104 M€ | 360 kt | 289 |
Source : Cour des comptes, d’après documentation budgétaire, et statistiques environnementales (ADEME)
Le fort soutien au gaz naturel et au GPL a conduit à l’émergence de quelques flottes captives, mais sans changement significatif du parc de véhicules. Concernant le GPL, le cumul d’avantages fiscaux et de bonus écologique en 2010 a été associé à un pic d’immatriculations de 75 500 véhicules, mais depuis 2011, les immatriculations de véhicules pouvant fonctionner au GPL sont en baisse pour atteindre 2 200 véhicules en 2014. Ces véhicules peuvent souvent fonctionner également avec de l’essence, et on observer une baisse continue de la consommation de GPL carburant de près de 115 Kt en 2010 à 91 Kt de GPL en 2014364.Concernant le GNV, la très faible densité de stations-service (40 stations accessibles au public, 260 stations privées pour poids lourds et flotte de véhicules légers), et l’avantage environnemental discutable, limite le développement de ce type de motorisation. Enfin, concernant les biocarburants, les différentes incitations ont conduit à un taux d’incorporation élevé, même si en deçà des objectifs initiaux, et une consommation en croissance (+4 % en moyenne annuelle) dans le cas du biodiesel. Les biais de marché ont principalement concerné le financement de l’outil de production et de transformation du biodiesel, ainsi que l’avait relevé la Cour dans son rapport public thématique de 2012, avec une rente de situation temporaire pour la filière lors de l’instauration de la TGAP en 2005.
analyse de l’efficience des dépenses fiscales en faveur de modes de transport alternatifs au transport routier
Numéro | Titre de la dépense fiscale | Axes |
800117 | Exonération de taxe intérieure de consommation pour les produits énergétiques utilisés comme carburant ou combustible pour le transport de marchandises sur les voies navigables intérieures | Transport alternatif au routier (fluvial) |
230510 | Exonération des plus-values de cession de bateaux affectés au transport fluvial de marchandises | Transport alternatif au routier (fluvial) |
Non numérotée | Diminution de 75 % de la taxe spéciale véhicules routiers si système mixte rail/route (article 284 ter du code des douanes) | Transport alternatif au routier (rail) |
Non numérotée | Réduction d’impôt pour la mise à disposition d’une flotte de vélos (article 39 de la loi n° 2015-992 relative à la transition énergétique pour la croissance verte) | Transport alternatif à la voiture (vélo) |
Non numérotée | Exonération de l’impôt de l’« indemnité kilométrique vélo » (article 50 de la loi n° 2015-992 relative à la transition énergétique pour la croissance verte) | Transport alternatif à la voiture (vélo) |
120113 | Exonération partielle de la prise en charge par l’employeur des frais de transport entre le domicile et le lieu de travail | Transports en commun |
800404 | Remboursement d’une fraction de taxe intérieure de consommation sur le gazole utilisé par les exploitants de transport public routier en commun de voyageurs | Transports en commun |
820103 | Exonération de TICFE pour l’électricité utilisée pour le transport de personnes et de marchandises par train, métro, tramway et trolleybus | Transports en commun |
Source : Cour des comptes, FIC efficience des dépenses fiscales en faveur du développement durable
Le vélo comme alternative à la voiture
Un décret d’application publié le 12 février 2016365 pour le secteur privé fixe le montant de l’indemnité kilométrique à 25 centimes par kilomètre. Les modalités relatives au secteur public sont encore en cours de discussion. Un décret d’application366 publié le 24 février 2016 précise également les modalités d'application de la réduction d'impôt (liste des frais concernés et modalités de déclaration).
Cependant, une première expérimentation menée pour l’ADEME367 de mars 2015368 permet de disposer d’une première évaluation même si elle ne peut être généralisée à ce stade. Le nombre d’usagers du vélo a été multiplié par deux. L’augmentation de la part modale est de 70 %, en prenant en compte la fréquence d’utilisation par type d’usager (nombre de jours d’utilisation et un nombre moyen de 20 jours travaillés par mois). Environ 8 % des adhérents disent avoir augmenté leurs pratiques par simple effet de saisonnalité et 13 % d’entre eux ont arrêté l’expérimentation au moins provisoirement. Compte tenu des effets de la saisonnalité et des contraintes individuelles pouvant inciter à l’arrêt de l’usage du vélo sur une période de six mois, ces résultats ne peuvent être généralisés. Ils devraient être vérifiés à plus long terme. Selon les résultats de l’étude, une hypothèse plus réaliste serait une augmentation de la part modale de l’ordre de 50 %.
Résultats de l’expérimentation menée par l’ADEME pendant six mois
| Avant IKV | Depuis IKV | Taux d’évolution |
Nombre de cyclistes déclarés | 200 | 419 | 110 % |
Nombre de cyclistes pondérés par niveau de pratique | 176 | 296 | - |
Nombre de salariés | | 8 210 | |
Part modale estimée | 2 % | 3,6 % | 70 % |
Source : ADEME (étude « Évaluation de la mise en œuvre expérimentale de l’indemnité kilométrique pour les vélos » réalisée pour le compte de l’ADEME par : INDDIGO, mars 2015 - page 9) (IKV : indemnité kilométrique vélo)
Sur les 550 personnes qui s’étaient déclarées intéressées, 380 ont choisi de tenter l’expérience. La majorité des nouveaux cyclistes provient des transports collectifs. Le second mode concerné est la voiture particulière mais seuls 5 % d’entre eux utilisaient leur voiture seul. Les 550 personnes intéressées initialement comprenaient 200 utilisateurs de la voiture individuelle. Ceux-ci n’ont cependant pas adhéré au test dans les mêmes proportions. L’effet potentiel de cette mesure sur le report modal vers le vélo semble donc faible puisqu’il touche des personnes qui utilisaient déjà un transport collectif, soit le covoiturage soit les transports en commun.
Proportion des personnes ayant participé au test en fonction du mode de transport utilisé avant le test
Mode de transport utilisé avant le test | Proportion | Proportion |
Transports collectifs | 54 % | 54 % |
Covoiturage | 14 % | 19 % |
Voiture particulière (hors covoiturage) | 5 % | 19 % |
Source : ADEME (étude « Évaluation de la mise en œuvre expérimentale de l’indemnité kilométrique pour les vélos » réalisée pour le compte de l’ADEME par : INDDIGO, mars 2015 - page 9) (IKV : indemnité kilométrique vélo)
Les nouveaux cyclistes ont une pratique moins régulière que les cyclistes réguliers (11 fois par semaine contre 18) mais sur des distances plus longues. Il s’agit pour 40 % d’entre eux de cyclistes occasionnels.
Enfin, le caractère facultatif de cette mesure pour l’employeur amène également à s’interroger sur l’impact réel du dispositif (nombre de salariés concernés). En outre, un autre dispositif concourt au même objectif. L’abonnement à un service public de location de vélos est en effet pris en charge par l’employeur à hauteur de 50 % du coût de l’abonnement et les locations de vélos font l’objet de subventions publiques qui permettent de proposer un tarif attractif aux usagers.
Cette expérimentation a été prolongée sur un panel légèrement différent369, sur une durée d’un an pour prendre en compte la saisonnalité. Le nombre de cyclistes déclarés croît de 125 %, et l’effet de l’indemnité kilométrique vélo semble robuste sur des durées relativement longues.
Prise en compte du plafond annuel de l’indemnité kilométrique vélo
L’étude de l’ADEME136 indique que les usagers parcourent en moyenne 6,6 km par jour, et donne une distribution de la distance moyenne parcourue par jour parmi l’échantillon. Cette distribution est globalement exponentiellement décroissante, avec beaucoup de trajet en deçà de 5 km, et très peu au-delà de 20 km. L’étude précise que 60 % des usagers environ atteint le plafond de 200 € d’indemnité par an.En supposant que la distribution est exponentielle, et que sa valeur moyenne est de 6,6 km par jour ouvré, il est possible de prendre en compte le plafond de 200 € annuel pour le coût moyen du km parcouru en vélo. Le nombre moyen de jours travaillés annuellement est de 211370, ce qui conduit à un kilométrage moyen de 1 390 km/an, sachant que le plafond s’applique à partir de 800 km/an (200 €, et indemnité à 0,25 €/km). Le coût moyen C du km s’obtient ainsi en considérant que les cyclistes effectuant moins de 800 km/an sont rémunérés à 0,25 €/km parcouru, et ceux au-delà de façon forfaitaire à 200 €/an. En divisant les sommes distribuées par le kilométrage moyen (1 390 km/an), on obtient C selon la formule ci-dessous :
L’hypothèse de la distribution exponentielle conduit à ce que 56 % des cyclistes atteignent le plafond de 200 €, chiffre proche de 60 % annoncés par l’ADEME. En appliquant à nouveau un taux moyen de cotisations sociales de 30% pour connaître le coût de la dépense fiscale (0,033 €/km), ainsi que le facteur d’émission issu de l’étude de l’ADEME (0,14 kg de CO2 économisé/km parcouru), on obtient un taux de soutien par la dépense fiscale de 235 €/tonne de CO2 évitée.
Les mesures relatives aux transports en commun (transport de personnes) : une absence de données quantitatives et d’évaluation
Nombre et ventilation des demandes de remboursements au titre de la dépense 800404 en 2010
| 2010 |
Nombre de demandes de remboursement nationales | 1 418 |
Nombre de demande de remboursement communautaires | 73 |
Total demande de remboursement | 1 491 |
Nombre de véhicules nationaux | 165 509 |
Nombre de véhicules communautaires | 3 256 |
Total véhicules | 168 765 |
Montants remboursés aux opérateurs nationaux (€) | 29 192 888 |
Montants remboursés aux opérateurs communautaires (€) | 300 763 |
Total remboursement (€) | 29 493 651 |
Montant moyen annuel remboursé par véhicule en € | 175 |
Source : SIDECAR (DGDDI).
Le bonus/malus automobile
En 2010, le CGDD371 indiquait que conformément à son objectif, le dispositif contribuait à la réduction des émissions de CO2 du parc automobile en faisant état d’une baisse annuelle moyenne des émissions de véhicules neufs de 9,2 grammes de CO2 par kilomètre entre 2007 et 2008 et de 6,3 grammes de CO2 par kilomètre entre 2008 et 2009 alors qu’elle était auparavant de 1 à 2 grammes de CO2 kilomètre. Ces résultats ne sont toutefois pas imputables au seul dispositif du bonus-malus. Deux éléments conjoncturels y ont également contribué, mais leur effet est difficilement individualisable : la hausse continue et rapide du prix du pétrole et la crise économique à partir de l’été 2008. Une autre étude du CGDD372 explicite plus en détail les effets de la crise économique et des évolutions technologiques sur le bonus-malus. Les mêmes données chiffrées y figurent par ailleurs pour ce qui concerne la baisse des émissions des véhicules neufs.
Il faut souligner que, si le dispositif du bonus-malus contribue certainement à la baisse des émissions moyennes de CO2 des véhicules neufs, il n’est pas le seul facteur expliquant cette évolution373 et que, à l’inverse il peut contribuer à augmenter le taux d’émissions de CO2 s’il conduit à accroître la demande de véhicules de la part des ménages et s’il conduit les ménages à accroître leurs déplacements en réponse à la baisse induite de leur coût moyen.
Il n’a pas été possible d’établir un suivi du dispositif de 2008 à 2013 à seuils constants, les données ne pouvant être fournies par le CGDD (SOeS) pour certains seuils et certaines années.
Part des véhicules dépassant les seuils du malus, à seuil constant
Seuil constant | 2008 | 2009 | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 |
Seuil malus 2008 : 161 g/km | 14 % | 8,89 % | 7,4 % | 6,69 % | 6,5 % | 3,5 % | 2,6 % | 2,1 % |
Seuil malus 2012 : 141 g/km | 36,7 % | 27,5 % | 22,0 % | 19,3 % | 16,4 % | 11,3 % | 8 % | 6,5 % |
Seuil malus 2013 : 135 g/km | | | | | 26,6 % | 17,1 % | 12,3 % | 9,7 % |
Seuil malus 2013 : 130 g/km | | | | | | | 17,3 % | 13,6 % |
Source : DGEC et CGDD (SOeS)
L’élargissement de la prime de 500 € sous condition de ressources aux véhicules d’occasion émettant moins de 110 gCO2/km et répondant à la norme Euro 5, c’est-à-dire mis en service entre le 1er janvier 2011 et le 31 août 2015, pourrait également avoir un coût estimé par le ministère à 17 M€. Il faut souligner qu’une partie de ces véhicules pourront avoir déjà bénéficié d’un bonus lors de leur achat initial. L’objectif de cette prime à la conversion est le retrait de véhicules diesel anciens ; son coût élevé (60 M€) pour un impact nécessairement partiel (ciblage sur les ménages non imposables) pose la question de son efficience face à d’autres mesures réglementaires.
Le transport fluvial comme alternative à la route (transport de marchandises).
Évolution de la capacité de tonnage des bateaux fluviaux dans le temps
Source : Cour des comptes, d’après données VNF
Évolution dans le temps du nombre de tonnes kilomètres de marchandises transportés par les modes de transports routier
Source : Cour des comptes, d’après données SOeS