Le

Le Premier président

àMonsieur Manuel Valls Premier ministre
Réf. : S2016-3531Objet : L’administration centrale du ministère des Outre-mer (exercices 2011 à 2015)

En application des dispositions de l’article L. 111-3 du code des juridictions financières, la Cour a examiné l’organisation et la gestion de l’administration centrale des Outre-mer, pour les exercices 2011 à 2015.

À l’issue de son contrôle, la Cour m’a demandé, en application des dispositions de l’article R. 143-1 du même code, d’appeler votre attention sur les conclusions qu’elle tire de ses travaux.

Depuis 2012, le Gouvernement compte un ministère des Outre-mer de plein exercice dont la gestion est largement assurée par le ministère de l’intérieur. Le ministère et son unique direction générale - la direction générale des Outre-mer (DGOM) - peuvent ainsi concentrer leur action sur la définition, l’impulsion, la coordination, l’évaluation et la prospective des politiques publiques outre-mer, conformément aux dispositions des décrets n° 2014-415 du 16 avril 2014 relatif aux attributions du ministère des Outre-mer et n° 2013-728 du 12 août 2013 portant organisation de l’administration centrale du ministère de l’intérieur et du ministère des Outre-mer.

Le contrôle de la Cour a fait apparaître des défauts d’organisation, tant interministérielle que ministérielle, qui entravent l’exercice de ces missions.

La définition et l’impulsion des politiques publiques outre-mer devraient être données, selon les dispositions du décret susvisé du 16 avril 2014, par des conseils et comités interministériels dont la ministre des Outre-mer a la responsabilité de préparer et de mettre en œuvre les décisions. Or, la Cour constate qu’ils n’ont pas été réunis au cours de la période contrôlée, le Gouvernement se privant ainsi d’un puissant moyen d’impulsion de l’action publique outre-mer.

Des plans sectoriels ont certes été adoptés, pour la jeunesse en 2015 et sur la santé en 2016, mais il paraît manquer une vision d’ensemble des politiques publiques outre-mer qui, au-delà du document budgétaire de politique transversale, serait partagée par l’ensemble des ministères. Hors les textes portés par lui-même, qui sont peu nombreux, le ministère des Outre-mer se trouve ainsi tributaire de l’impulsion donnée aux réformes par les autres ministères.

D’autre part, de nombreuses décisions sont prises lors des déplacements dans les Outremer du Président de la République ou du Premier ministre, sans qu’un relevé systématique en soit donné. Une information égale des ministères concernés par leur mise en œuvre supposerait qu’un tel relevé soit établi par les deux cabinets.

S’agissant de la coordination des politiques publiques outre-mer, la direction générale des Outre-mer travaille activement avec les autres ministères, notamment pour adapter les projets de loi et de décret aux spécificités ultramarines, mais le plus souvent dans un temps limité. Dans son rapport public annuel 20111, la Cour constatait déjà que certains ministères ne respectaient pas les règles et les délais de saisine pour la confection des textes, tels que fixés par la circulaire du Premier ministre du 19 décembre 2008 sur la coordination de l’action du Gouvernement outre-mer. Cinq ans plus tard, la Cour considère toujours que le ministère des Outre-mer et ses partenaires doivent mieux anticiper la prise en compte de ces spécificités.

À cet égard, les ministères concernés pourraient, comme l’ont fait les ministères sociaux, se doter d’un comité de pilotage de la législation et de la règlementation outre-mer qui associerait la DGOM à des réunions régulières de programmation et de suivi. Ils devraient au préalable désigner, auprès de leur secrétaire général, un référent pour les Outre-mer.

De la même façon, l’évaluation et la prospective des politiques publiques outre-mer supposent la disponibilité de données administratives et statistiques encore perfectibles et surtout des choix d’organisation qui font toujours défaut. L’administration centrale du ministère des Outre-mer est en effet dans la situation singulière où les effectifs du cabinet de la ministre (59 en décembre 2015 et 71 en juillet 20162) représentent plus de la moitié des effectifs de la direction générale et ceux du bureau du cabinet à eux seuls plus de 40 %. Cette disproportion des moyens fragilise l’exercice de fonctions stratégiques pour la conception et la mise en œuvre de politiques publiques outremer. La fonction de prospective, notamment, devrait être renforcée à partir d’enquêtes statistiques plus conséquentes.

La Cour formule donc les recommandations suivantes :

Recommandation n° 1 : désigner auprès de chaque secrétaire général ministériel (service chargé des affaires juridiques) un référent pour les Outre-mer ;

Recommandation n° 2 : réexaminer la distribution des effectifs du ministère des Outre-mer entre le cabinet de la ministre et la direction générale pour renforcer la fonction prospective de celle-ci.

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Je vous serais obligé de me faire connaître, dans le délai de deux mois prévu à l’article L. 143-5 du code des juridictions financières, la réponse que vous aurez donnée à la présente communication3.

Je vous rappelle qu’en application des dispositions du même code :

deux mois après son envoi, le présent référé sera transmis aux commissions des finances et, dans leur domaine de compétence, aux autres commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Il sera accompagné de votre réponse si elle est parvenue à la Cour dans ce délai. À défaut, votre réponse leur sera transmise dès sa réception par la Cour (article L. 143-5) ;

dans le respect des secrets protégés par la loi, la Cour pourra mettre en ligne sur son site internet le présent référé, accompagné de votre réponse (article L. 143-1) ;

l’article L. 143-10-1 prévoit que, en tant que destinataire du présent référé, vous fournissiez à la Cour un compte rendu des suites données à ses observations, en vue de leur présentation dans son rapport public annuel. Ce compte rendu doit être adressé à la Cour selon les modalités de la procédure de suivi annuel coordonné convenue entre elle et votre administration.

Didier Migaud