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Chambre plénière Jugement n° 2018-003
Audience publique du 20 février 2018
Prononcé du 13 mars 2018 | COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION DE LA REGION NAZAIRIENNE ET DE L’ESTUAIRE (CARENE) (Loire‑Atlantique)
Trésorerie de Saint-Nazaire Municipale
Exercice : 2013 |
République Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
Vu le réquisitoire en date du 22 mars 2017, par lequel le Procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X..., comptable de la communauté d’agglomération de la région nazairienne et de l’estuaire (CARENE) au titre d’opérations relatives à l’exercice 2013, notifié le 28 mars 2017 au comptable concerné, et, le même jour, au président de la CARENE ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable de la CARENE, ensemble les comptes annexes, par M. X... du 1er janvier au 31 décembre 2013 ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le rapport de M. Bertrand Schneider, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions du procureur financier ;
Vu les pièces du dossier, et, notamment, les réponses du comptable adressées par courriers électroniques enregistrés les 12 avril et 29 novembre 2017 ;
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Entendu lors de l’audience publique M. Bertrand Schneider, premier conseiller, en son rapport, M. Sébastien Heintz, procureur financier, en ses conclusions, et M. X..., comptable, présent, ayant eu la parole en dernier ;
Entendu en délibéré M. Jean-Louis Monniot, président de section, réviseur, en ses observations ;
Sur la présomption de charge unique, soulevée à l’encontre de M. X..., au titre de l’exercice 2013 :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes des Pays de la Loire de la responsabilité encourue par M. X… à raison du paiement du mandat n° 3621 du 6 novembre 2013 (pris en charge le 14 novembre 2013) d’un montant de 105 467,68 €, sans avoir contrôlé l’exactitude des calculs de la liquidation de la dépense et, ainsi, sans avoir mis en œuvre les clauses relatives aux pénalités de retard prévues dans le marché n° 13S13 du 24 mai 2013 ; qu’il aurait dû surseoir au paiement du mandat en cause ;
Attendu que ce mandat n° 3621 vient en paiement de la réalisation de travaux dans le cadre du marché à procédure adaptée n° 13S13 du 24 mai 2013, passé en application des articles 26-II-5 et 28 du code des marchés publics ; que l’article 4-1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) de ce marché fixe un délai d’exécution des travaux de deux mois maximum, soit au plus tard le 14 août 2013 ; que la CARENE a indiqué en cours d’instruction que la lettre de notification du 22 mai 2013 valait ordre de service, tel que mentionné par l’article 4-1 du CCAP ; que l’article 4-3 du CCAP prévoit que « les pénalités de retard commencent à courir, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une mise en demeure, le lendemain du jour où le délai contractuel d’exécution des prestations est expiré (…) » ; que la CARENE a prononcé la réception des ouvrages le 16 octobre 2013 ; qu’il en résulte un retard d’exécution du marché de 62 jours par rapport au délai contractuel global et des pénalités de retard correspondantes de 1 822,46 €, en application des dispositions de l’article 4-3 du CCAP ;
Attendu que le comptable fait valoir dans ses réponses que la CARENE connaissait les retards d’exécution des travaux, qu’elle avait accepté d’accorder des délais supplémentaires, qu’elle n’avait pas assorti le procès-verbal de réception des travaux de réserves, enfin, qu’elle n’avait pas réclamé de pénalités de retard au titulaire du marché pour travaux non effectués dans le délai prescrit ; que, cependant, ces faits ne sauraient exonérer le comptable de la nécessité de vérifier la décision de l’autorité compétente en application des dispositions de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales et qu’il ne peut se satisfaire d’une modification implicite des pièces du marché ; qu’en l’espèce, la mention de la participation d’agents de la CARENE à des réunions de chantier, la production d’échanges de courriers électroniques entre des agents des services de la CARENE, le maître d’œuvre et le titulaire du marché, courriers qui font état de retards d’exécution, ne sauraient se substituer à l’absence de décision de la CARENE ;
Attendu que, par ailleurs, l’argument avancé par le comptable, selon lequel l’absence de réserves dans le procès-verbal de réception définitive des travaux vaut non application des pénalités de retard, doit être réfuté au motif que, l’article 7-2 du CCAP, qui renvoie, « sans stipulation particulière », à l’article 41 du CCAG travaux (dans sa version fixée par l’arrêté du 8 septembre 2009, applicable en 2013), ne prévoit aucune disposition ou mention relative au respect des délais contractuels d’exécution dans les opérations préalables à la réception ou dans l’établissement du procès-verbal de réception ou encore dans la décision de réception ;
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Attendu, en outre, que si le comptable souligne que la CARENE n’a pas réclamé de pénalités de retard, il inscrit cette assertion dans le cadre de l’article 7-2 du CCAP qui vise la situation dans laquelle la collectivité aurait décidé de repousser les délais d’exécution des travaux, ce qu’aucun élément que le comptable produit n’atteste ; qu’au surplus, même dans ce cas et comme indiqué précédemment, le titulaire du marché porte la responsabilité du retard et continue d’encourir l’application de pénalités de retard ; que, plus largement, l’article 4-3 du CCAP prévoit que « les pénalités de retard commencent à courir, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une mise en demeure, le lendemain du jour où le délai contractuel d’exécution des prestations est expiré (…) » ; que, pour l’ensemble de ces motifs, le raisonnement du comptable se trouve dénué de fondement ;
Attendu qu'en application des articles 19 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, les comptables publics sont tenus d'exercer le contrôle de la validité de la créance, qui inclut le contrôle de l’exactitude des calculs de liquidation ; qu’à ce titre, il lui revient de s’assurer de la production de pièces justificatives suffisantes, complètes et précises de nature à lui permettre de réaliser ces contrôles ; qu’en application de l’article 38 du décret précité, à l’occasion des contrôles prévus aux articles 19 et 20, les comptables publics doivent suspendre les paiements et informer l’ordonnateur des irrégularités constatées ; qu’aux termes du paragraphe I de l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée, « les comptables sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière (…) de dépenses» et « que la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable se trouve engagée dès lors, notamment, qu’une dépense a été irrégulièrement payée (…) » ;
Attendu qu’il appartenait au comptable de contrôler la validité de la dette et l’exactitude des calculs de la liquidation définis par les clauses du marché n° 13S13 du 24 mai 2013 avant de procéder au paiement du mandat n° 3621 du 6 novembre 2013 (pris en charge le 14 novembre 2013) ; que, dès lors, son contrôle aurait dû le conduire à constater l’absence de pièces justificatives suffisantes, complètes et précises, et à suspendre le paiement en application de l’article 38 du décret précité ; qu’aucun avenant ou décision prolongeant le délai d’exécution ni aucune décision d’exonération des pénalités ne sont intervenus à la date du paiement ; qu’en conséquence, en ne suspendant pas le paiement, M. X… a manqué à ses obligations et procédé au paiement d’une dépense irrégulière, engageant ainsi sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
Attendu qu’il n’est ni établi, ni même allégué par le comptable, de circonstance constitutive de la force majeure, au sens du premier alinéa du V de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 ;
Attendu que le comptable fait valoir que l’article 7-2 du CCAP stipule que la collectivité locale est « susceptible » de réclamer des pénalités mais qu’elle ne l'a pas fait, qu’aucun compte rendu des réunions de chantier ne fait allusion à un décompte de pénalités, de même que le procès‑verbal de réception définitive des ouvrages ; que, dans ces conditions, le préjudice financier ne peut lui être opposé ;
Attendu que l’article 7-2 du CCAP vise la situation dans laquelle la collectivité accorde un report du délai d’exécution des travaux, décision qui n’a pas été prise par la collectivité ; qu’en outre, le régime des pénalités de retard, s’applique de plein droit dès l’expiration du délai contractuel d’exécution ; que, dès lors, le moyen invoqué par le comptable manque en fait et en droit ;
Attendu qu’il résulte de la jurisprudence que le paiement par un comptable public sans justification emporte l’existence d’un préjudice financier au détriment de l’organisme public concerné ;
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Attendu qu’en l’espèce, le manquement du comptable a causé un préjudice financier à la CARENE, au sens des dispositions du troisième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 modifiée ; que si la responsabilité du comptable public est engagée à concurrence de la totalité des dépenses irrégulièrement payées, elle peut être limitée au montant du seul trop payé, notamment si celui‑ci se déduit de la rectification d'un calcul de liquidation ; qu'ainsi, il y a lieu de fixer le montant du débet au titre des pénalités de retard non déduites, soit 1 822,46 € ;
Attendu qu’aux termes des dispositions de la loi du 23 février 1963 susvisée, « Lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’ainsi il y a lieu de constituer M. X... débiteur de la commune de la communauté de communes pour la somme de 1 822,46 € ;
Attendu que le comptable observe que l’irrégularité porte sur 1 822,46 € d’un paiement unique de 105 467,68 € et que le budget 2013 de la CARENE a atteint 113 086 655,77 € ;
Attendu cependant que la circonstance, de nature générale, évoquée par le comptable s’avère sans lien avec le manquement et, en tout état de cause, insusceptible de l’atténuer ; qu’elle ne peut dès lors être retenue ;
Attendu qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics », qu’en l’espèce, cette date est le 28 mars 2017, date de réception du réquisitoire par M. X… ;
Attendu qu’en application du IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu peuvent obtenir du ministre chargé du budget une remise gracieuse, qui peut être totale, en cas de respect des règles de contrôle sélectif des dépenses ;
Attendu qu’en application de l’article 4 de l’arrêté du 25 juillet 2013 portant application de l’article 42 du décret n °2012-1246 du 7 novembre 2012 modifié relatif à la gestion budgétaire et comptable publique et encadrant le contrôle sélectif de la dépense, « le comptable assignataire détermine la durée d'application du plan de contrôle hiérarchisé. Cette durée, qui peut être pluriannuelle, doit être mentionnée dans le plan de contrôle » ;
Attendu que le comptable a produit un plan de contrôle, signé par le comptable supérieur, applicable pour l’exercice 2013 ;
Attendu que le plan de contrôle produit prévoyait un contrôle non exhaustif des dépenses relatives à des marchés à procédure adapté ; que le comptable indique, en réponse, que le paiement au titre duquel sa responsabilité était engagée relevait d’un mandat « sur lequel le CHD [contrôle hiérarchisé de la dépense] s'est appliqué et sur lequel un visa intellectuel devait et a été effectué » ; qu’il produit à l’appui de ses dires un état informatique du visa du mandat en cause qui fait apparaitre sa sélection au titre du contrôle hiérarchisé de la dépense ; que, dans ces conditions, le comptable ne fait pas la démonstration du respect par ses soins du contrôle sélectif des dépenses ;
Attendu qu’en application du IX de l’article 60 de la loi n° 63-156 précitée, les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans ce cadre, ne peuvent obtenir du ministre chargé du budget une remise gracieuse totale ; que la somme laissée à la charge de M. X… par le ministre ne pourra être inférieure à 3 ‰ du montant du cautionnement du poste comptable (fixé à 177 000 € pour 2013), soit une somme de 531 € ;
5/5
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : En ce qui concerne M. X..., au titre de l’exercice 2013, présomption de charge unique
M. X... est constitué débiteur de la communauté d’agglomération de la région nazairienne et de l’estuaire pour la somme de mille huit cent vingt-deux euros et quarante-six centimes (1 822,46 €), augmentée des intérêts de droit à compter du 28 mars 2017.
Le paiement entrait dans une catégorie de dépenses faisant l’objet d’un contrôle. L’éventuelle remise gracieuse du ministre ne pourra ainsi être totale et la somme laissée à charge de M. X... ne pourra être inférieure à cinq cent trente-et-un euros (531 €) pour l’exercice 2013.
Article 2 : La décharge de M. X... pour l’exercice 2013 ne pourra être donnée qu’après apurement du débet mis à sa charge.
Fait et jugé par M. Jean-Louis Monniot, président de section, président de séance ;
MM. Jean-Luc Marguet et Nicolas Renou, premiers conseillers.
En présence de Mme Sylvie Bayon, greffière de séance.
Sylvie BAYON
greffière de séance |
Jean-Louis MONNIOT
président de séance |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
5/5
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : En ce qui concerne M. X..., au titre de l’exercice 2013, présomption de charge unique
M. X... est constitué débiteur de la communauté d’agglomération de la région nazairienne et de l’estuaire pour la somme de mille huit cent vingt-deux euros et quarante-six centimes (1 822,46 €), augmentée des intérêts de droit à compter du 28 mars 2017.
Le paiement entrait dans une catégorie de dépenses faisant l’objet d’un contrôle. L’éventuelle remise gracieuse du ministre ne pourra ainsi être totale et la somme laissée à charge de M. X... ne pourra être inférieure à cinq cent trente-et-un euros (531 €) pour l’exercice 2013.
Article 2 : La décharge de M. X... pour l’exercice 2013 ne pourra être donnée qu’après apurement du débet mis à sa charge.
Fait et jugé par M. Jean-Louis Monniot, président de section, président de séance ;
MM. Jean-Luc Marguet et Nicolas Renou, premiers conseillers.
En présence de Mme Sylvie Bayon, greffière de séance.
Signé : Sylvie Bayon, greffière de séance
Jean-Louis Monniot, président de séance
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Ampliation certifiée conforme à l’original
Christophe GUILBAUD secrétaire général |
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.
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