Jugement n° 2018-001
Audience publique du 28 février 2018 Jugement prononcé le 29 mars 2018
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COMMUNE DE DIJON (Département de la Côte-d’Or)
CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES DE DIJON MUNICIPALE
Exercices 2011, 2012, 2013 et 2014
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RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA CHAMBRE RÉGIONALE DES COMPTES BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ,
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des marchés publics, alors en vigueur ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité publique, alors en vigueur ;
Vu le décret n° 2007-450 du 25 mars 2007 modifiant le code général des collectivités territoriales dans sa partie règlementaire ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi de finances de 1963 modifié ;
Vu l’arrêté du 25 juillet 2013 portant application du premier alinéa de l'article 42 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique et encadrant le contrôle sélectif de la dépense ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable de la commune de Dijon pour les exercices 2011, 2012, 2013 et 2014 par M. X... ;
Vu le réquisitoire n° 2016-015 du 29 avril 2016 du procureur financier près la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté ;
Vu le rapport n° 18-001 du 3 janvier 2018 de M. Frédéric GUTHMANN, président de section, rapporteur ;
Vu les conclusions n° 2018-001 du 5 janvier 2018 de M. Jérôme DOSSI, procureur financier ;
Ensemble les pièces à l’appui ;
Entendus, lors de l’audience publique du 28 février 2018, M. Frédéric GUTHMANN, président de section, en son rapport, M. Jérôme DOSSI, procureur financier, en ses conclusions, M. X..., comptable public, et M. Y..., ordonnateur, dûment avertis de la tenue de l’audience publique n’étant ni présents ni représentés ;
Après avoir entendu en délibéré Mme Mélody DESSEIX, premier conseiller réviseur, en ses observations et après avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier ;
Sur la présomption de charge
Attendu que par réquisitoire susvisé du 29 avril 2016, le procureur financier a soulevé à l’encontre de M. X..., comptable de la commune de Dijon, une charge d’un montant total de 210 831,33 € concernant le paiement de cinq prestations réalisées par quatre sociétés en l’absence de contrat écrit ou de certificat administratif par lequel l’ordonnateur déclare avoir passé un contrat oral et prendre la responsabilité de l’absence de contrat écrit ;
Attendu, en premier lieu, qu’en application de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisé, « Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière […] de dépenses […] La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors […] qu’une dépense a été irrégulièrement payée […] » ; que l’article 12 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 susvisé, alors en vigueur, et les articles 19 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 susvisé imposent au comptable de vérifier la validité des dettes dont le paiement est sollicité ;
Attendu que, pour apprécier la validité des dettes, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications ; qu'à ce titre, il leur revient d'apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée ; que pour établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l'ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur a été fourni et, en deuxième lieu, si ces pièces sont, d'une part, complètes et précises, d'autre part, cohérentes au regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable et de la nature et de l'objet de la dépense telle qu'elle a été ordonnancée ; que lorsque les pièces justificatives fournies sont insuffisantes pour établir la validité de la dette, il appartient aux comptables de suspendre le paiement jusqu'à ce que l'ordonnateur leur ait produit les justifications nécessaires ;
Attendu, en second lieu, que selon le dernier alinéa de l’article L. 1617-3 du code général des collectivités territoriales : « La liste des pièces justificatives que le comptable peut exiger avant de procéder au paiement est fixée par décret » ; qu’aux termes de l’article D. 1617-19 du même code dans sa rédaction applicable aux opérations en cause : « Avant de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de réquisition, les comptables des communes, des départements, des régions et de leurs établissements publics (…)
ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I du présent code et établie conformément à celle-ci » ; que la liste des pièces justificatives figurant à l’annexe I du code général des collectivités territoriales était, à la date des paiements litigieux, fixée par le décret n° 2007-450 du 25 mars 2007, dont la rubrique 4, relative aux marchés publics, disposait que « la dépense est présentée sous la seule responsabilité de l'ordonnateur, selon l'une des sous-rubriques décrites dans la présente rubrique (…) » ; que la sous-rubrique 42, « Marchés publics passés selon une procédure adaptée prévue par les articles 28 ou 30 du code des marchés publics » distinguait les « Prestations fixées par contrat » (423), pour lesquelles les pièces justificatives exigées étaient les suivantes : « Contrat et, le cas échéant, avenant ; Mémoire ou facture (…) », des « Autres prestations » (425), pour lesquelles suffisait la production d’un mémoire ou d’une facture ; que le code des marchés publics, dans sa version issue du décret n° 2008-1356 du 19 décembre 2008 relatif au relèvement de certains seuils du code des marchés publics, disposait que « les marchés et accords-cadres d'un montant égal ou supérieur à 20 000 euros HT sont passés sous forme écrite » ; que l’article 2 du décret n° 2011-1853 du 9 décembre 2011, entré en vigueur le 12 décembre 2011, a ramené ce seuil à 15 000 euros HT ;
Attendu qu’il résulte de ces dispositions que lorsque la dépense est présentée par l’ordonnateur, sous sa seule responsabilité, sous la forme d’un marché public sans formalités préalables et que la facture produite fait état d’un montant égal ou supérieur au seuil prévu à l’article 11 du code des marchés publics, sans qu’un contrat écrit ne soit produit pour justifier la dépense engagée, il appartient au comptable, devant cette insuffisance apparente des pièces produites pour justifier la dépense correspondant à un marché public sans formalités préalables faisant nécessairement l'objet d'un contrat écrit en vertu de la réglementation applicable, de suspendre le paiement et de demander à l’ordonnateur la production des justifications nécessaires ; qu’en revanche, dès lors que l’ordonnateur a produit, en réponse à cette demande, un certificat administratif par lequel il déclare avoir passé un contrat oral et prend la responsabilité de l’absence de contrat écrit, il appartient au comptable, qui n’a pas à se faire juge de la légalité interne de la passation du marché en cause, de payer la dépense ;
En ce qui concerne les mandats n° 2011/32530, 2011/32531 et 2011/32532 :
Sur la responsabilité du comptable
Attendu que M. X... a procédé au paiement de trois mandats datés du 18 novembre 2011, correspondant à des prestations de la société Opérationnelle, pour un montant total de 41 746,38 € TTC ; qu’il fait valoir que chacune des factures produites à l’appui de ces mandats était inférieure au seuil de 20 000 € HT, en-dessous duquel les dispositions alors en vigueur du code des marchés publics n’exigeaient pas la production d’un contrat écrit, et qu’il n’appartient plus aux comptables publics de veiller au respect des seuils en additionnant les différents paiements effectués au cours d’une même année au profit d’un même fournisseur ou prestataire ;
Attendu toutefois qu’a l’appui du premier mandat était joint non seulement la facture correspondante, d’un montant de 10 777,50 € HT, mais aussi un ordre de service mentionnant le montant total de la prestation de la société Opérationnelle, à savoir 34 905 € HT ; que ce document permettait, à lui seul, la computation des engagements juridiques de la commune pour cet ensemble de prestations homogènes ; qu’ainsi, et sans qu’il soit nécessaire pour le comptable public de procéder lui-même à un quelconque calcul, il ne pouvait ignorer que les prestations de la société Opérationnelle excédaient le seuil de 20 000 € HT au-dessus duquel il aurait dû solliciter la production par l’ordonnateur d’un contrat écrit ou, à défaut, d’un certificat administratif dans les conditions mentionnées précédemment ; qu’en s’abstenant de suspendre les paiements et de demander à l’ordonnateur la production des pièces justificatives, le comptable public a manqué à ses obligations de contrôle et engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire au titre de l’exercice 2011 ;
Sur le préjudice financier
Attendu qu’en application du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963 susvisée, lorsque la responsabilité du comptable public est mise en jeu, il a obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante, sauf si le manquement dont il s’est rendu responsable n’a pas causé de préjudice financier à la collectivité, auquel cas le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce ; que, pour déterminer si le paiement irrégulier d'une dépense par un comptable public a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné, il appartient au juge des comptes d’apprécier si la dépense était effectivement due et, à ce titre, de vérifier notamment qu’elle n’était pas dépourvue de fondement juridique ;
Attendu que ni le comptable public, ni l’ordonnateur n’ayant justifié de l’existence d’un lien contractuel entre la commune de Dijon et la société Opérationnelle, la dépense correspondant au paiement des factures de cette société apparaît dépourvue de fondement juridique ; que le paiement des mandats litigieux doit ainsi être regardé comme ayant causé un préjudice financier à la commune de Dijon ; que si le comptable public n’avait pas manqué à son obligation de contrôle, le paiement desdits mandats aurait été suspendu ; qu’il existe ainsi un lien de causalité entre ce manquement et le préjudice financier subi par la commune de Dijon ;
Attendu que le montant du préjudice financier subi par la commune de Dijon correspond au montant TTC de l'ensemble des factures de la société Opérationnelle, soit 41 746,38 € ; qu’au titre de l’année 2011, il y a lieu de constituer M. X... débiteur de la commune de Dijon à hauteur de cette somme ;
Sur le respect des règles de contrôle sélectif de la dépense
Attendu qu’aux termes du paragraphe IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, « hormis le cas du décès du comptable ou du respect par celui-ci, sous l'appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes » ; que le montant du laissé à charge minimum défini à l’alinéa 2 du IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 est fixé à trois millièmes du cautionnement ;
Attendu qu’aux termes de l’article 4 de l’arrêté du 25 juillet 2013 susvisé : « Le comptable assignataire détermine la durée d'application du plan de contrôle hiérarchisé. Cette durée, qui peut être pluriannuelle, doit être mentionnée dans le plan de contrôle » ; qu’aux termes de l’article 11 du même arrêté : « Le comptable sollicite, selon des modalités définies par le directeur général des finances publiques, l'approbation par son supérieur hiérarchique de son plan de contrôle hiérarchisé des dépenses » ;
Attendu que le comptable public n’a pas produit de plan de contrôle hiérarchisé afférent à l’exercice 2011 ; que le plan de contrôle pour 2010, validé le 4 août 2010, qui ne précise pas sa durée d’application, ne saurait être regardé comme un plan pluriannuel applicable en 2011 ; qu’en l’absence de plan de contrôle, le comptable public ne pourra bénéficier d’une remise gracieuse de la totalité du débet mis à sa charge ;
En ce qui concerne les mandats n° 2012/27974 et 2012/38610 :
Sur la responsabilité du comptable
Attendu que M. X... a procédé au paiement de deux mandats en date des 26 septembre 2012 et 12 décembre 2012, correspondant à des prestations de la société Temps Réel, pour un montant total de 20 423,66 € TTC ; qu’il est constant qu’à la date du paiement du premier mandat, d’un montant de 3 000 € HT, M. X... ne disposait d’aucun élément lui permettant de connaître le montant total des prestations de la société Temps Réel ; que le montant de la facture produite à l’appui de ce mandat étant inférieur au seuil de 15 000 € HT alors en vigueur, en-dessous duquel le comptable public n’avait pas à solliciter la production d’un
contrat écrit, M. X... n'a pas commis de manquement à ses obligations de contrôle en procédant au paiement de ce premier mandat ; qu’en revanche, le second mandat de 16 585 € HT dépassait, à lui seul, le seuil de 15 000 € HT ; que le comptable public ne pouvait procéder au paiement de cette facture sans disposer d’un contrat écrit ou, à défaut, d’un certificat administratif de l’ordonnateur par lequel ce dernier déclare avoir passé un contrat oral et prend la responsabilité de l’absence de contrat écrit ; que M. X..., qui se borne à alléguer qu’il est possible que les pièces justificatives aient été portées à sa connaissance au moment du paiement sans être transmises avec le compte, n’a pas été en mesure de justifier avoir procédé aux vérifications qui lui incombaient ; qu’en procédant au paiement de ce mandat sans solliciter la production des justifications nécessaires, le comptable public a commis un manquement de nature à engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire au titre de l’exercice 2012 ;
Sur le préjudice financier
Attendu que l’ordonnateur a produit, à l’appui de sa réponse du 7 décembre 2017, un devis détaillé daté du 28 juin 2012 relatif aux prestations de la société Temps Réel, dont il indique qu’il aurait fait l’objet d’une acceptation verbale ; qu’un tel document ne saurait toutefois être regardé comme formalisant à lui seul un engagement juridique entre les parties ; que dans ces conditions, et en l’absence de tout document justifiant l’existence d’un lien contractuel entre la commune de Dijon et la société Temps Réel, la dépense correspondant au paiement de la facture de cette société apparaît dépourvue de fondement juridique ; que le paiement du mandat litigieux doit ainsi être regardé comme ayant causé un préjudice financier à la commune de Dijon ; que si le comptable public n’avait pas manqué à son obligation de contrôle, le paiement dudit mandat aurait été suspendu ; qu’il existe ainsi un lien de causalité entre ce manquement et le préjudice financier subi par la commune de Dijon ;
Attendu que le montant du préjudice financier subi par la commune de Dijon correspond au montant de la facture produite à l’appui du mandat du 12 décembre 2012, soit 19 835,66 € TTC ; qu’au titre de l’année 2012, il y a lieu de constituer M. X... débiteur de la commune de Dijon à hauteur de cette somme ;
Sur le respect des règles de contrôle sélectif de la dépense
Attendu que le comptable public n’a pas produit de plan de contrôle hiérarchisé afférent à l’exercice 2012 ; qu’ainsi qu’il a été mentionné précédemment, le plan de contrôle pour 2010, validé le 4 août 2010, n’était pas applicable en 2012 faute de s’être vu conférer une durée pluriannuelle ; qu’en l’absence de plan de contrôle, le comptable public ne pourra bénéficier d’une remise gracieuse de la totalité du débet mis à sa charge ;
En ce qui concerne les mandats n° 2013/31281, 2014/3684 et 2014/3685 :
Sur la responsabilité du comptable
Attendu que M. X... a procédé au paiement d’un mandat en date du 22 novembre 2013, et de deux mandats en date du 18 février 2014, correspondant à des prestations de la société EMA Evènements, relatives à l’organisation de l’élection de Miss France 2014 à Dijon, pour des montants respectifs de 21 800 € HT, 18 511,26 € HT et 34 753,33 € HT ; qu’à l’appui de chacun de ces mandats était jointe la facture de la société EMA Evènements correspondante, ainsi que, pour le deuxième mandat, un ordre de service ; que dans leurs réponses respectives du 12 mai 2016 et du 14 septembre 2016, le comptable en fonctions et l’ordonnateur ont produit un cahier des clauses particulières, une déclaration de sous-traitance du 24 octobre 2013 au profit de la société EMA Evènements, ainsi qu’une délibération du conseil municipal de la commune de Dijon en date du 24 juin 2013, approuvant le projet de convention de partenariat à conclure entre la commune et la société Miss France ;
Attendu qu’en application de la rubrique 451 de l’annexe I au code général des collectivités territoriales, les pièces justificatives pour le premier paiement direct d’un sous-traitant sont : « Marché, avenant, acte spécial ou tout document écrit signé par l'autorité compétente pour passer le marché et par le titulaire de celui-ci précisant la nature des prestations sous-traitées, le nom, la raison ou la dénomination sociale et l'adresse de sous-traitant, le montant des prestations sous-traitées et les conditions de paiement prévues pour chaque contrat de sous-traitance » ; que les paiements ultérieurs peuvent être pris en charge au vu des seules factures ;
Attendu que la responsabilité du comptable en matière de dépense s’apprécie au moment des paiements ; qu’il résulte de l’instruction qu’à la date de paiement du premier mandat relatif aux prestations de sous-traitance de la société EMA Evènements, le comptable public ne disposait d’aucun document écrit et signé par les parties établissant la réalité des liens contractuels ; qu’en prenant en charge ce premier mandat au vu de la seule facture de sous-traitance, le comptable public n’a pas satisfait aux obligations de contrôle qui lui incombaient et a commis un manquement de nature à engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
Attendu que la rubrique 451 de l’annexe I au code général des collectivités territoriales autorise les paiements ultérieurs au vu des seules factures de sous-traitance, le comptable public étant réputé avoir déjà exercé son contrôle sur l’engagement contractuel ; que toutefois, lorsque, comme en l’espèce, ce contrôle initial n’a pas été réalisé, il ne saurait prendre en charge les factures ultérieures sans s’assurer de la réalité de l’engagement juridique liant les parties, l’acte matérialisant celui-ci justifiant l’ensemble des paiements auxquels il donne lieu et non pas uniquement le premier d’entre eux ; qu’ainsi, en procédant au paiement des deux mandats datés du 18 février 2014, le comptable public a également commis un manquement de nature à engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
Sur le préjudice financier
Attendu que le ministère public a obtenu auprès du prestataire et versé au dossier, le 21 novembre 2017, l’acte d’engagement conclu le 24 octobre 2013 entre la commune de Dijon et la SNC Zénith de Dijon, pour l’organisation de la soirée Miss France 2014 ; qu’ainsi, et alors même que, ni le comptable public, ni l’ordonnateur n’a été en mesure de produire ce document au cours de l’instruction, le paiement des factures de sous-traitance de la société EMA Evènements n’est pas dépourvu de fondement juridique ; que le paiement de ces factures par le comptable public n’a donc causé aucun préjudice financier à la commune de Dijon ;
Attendu qu’il résulte des dispositions du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 de finances pour 1963 susvisée et de l’article 1er du décret du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l'article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, que le comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu alors que le manquement qu’il a commis n’a causé aucun préjudice financier à l’organisme public concerné peut se voir ordonner par le juge des comptes le versement d’une somme, insusceptible de faire l’objet d’une remise gracieuse par le ministre chargé du budget ; que le montant de cette somme, calculé pour chaque exercice comptable contrôlé, peut être modulé en fonction des circonstances de l’espèce, sans toutefois, excéder, pour chaque manquement aux obligations incombant au comptable en vertu du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, le plafond prévu fixé par le décret du 10 décembre 2012 précité à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré ;
Attendu qu’il y a lieu, compte tenu des circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. X... une somme non rémissible arrêtée à la somme de 182,25 € au titre de l’exercice 2013 et à la somme de 36,45 € au titre de l’exercice 2014 ;
En ce qui concerne les mandats n° 2014/18741 et 2014/18411 :
Sur la responsabilité du comptable
Attendu que M. X... a procédé au paiement de deux mandats en date du 22 juillet 2014, correspondant à des prestations de la société Easy Sono, pour des montants respectifs de 18 062,45 € HT et 31 207,14 € HT ; que le montant de chacune des deux factures produites à l’appui de ces mandats dépassait, à lui seul, le seuil de 15 000 € HT alors en vigueur, au-dessus duquel il appartenait au comptable public de solliciter la production d’un contrat écrit ; que M. X..., qui se borne à alléguer qu’il est possible que les pièces justificatives aient été portées à sa connaissance au moment du paiement sans être transmises avec le compte, n’a pas été en mesure de justifier avoir procédé aux vérifications qui lui incombaient ; qu’en procédant au paiement de ces mandats sans solliciter la production d’un contrat écrit ou, à défaut, d’un certificat administratif par lequel l’ordonnateur déclare avoir passé un contrat oral et prend la responsabilité de l’absence de contrat écrit, le comptable public a commis un manquement de nature à engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire au titre de l’exercice 2014 ;
Sur le préjudice financier
Attendu que ni le comptable public, ni l’ordonnateur n’ayant justifié de l’existence d’un lien contractuel entre la commune de Dijon et la société Easy Sono, la dépense correspondant au paiement des factures de cette société apparaît dépourvue de fondement juridique ; que le paiement des mandats litigieux doit ainsi être regardé comme ayant causé un préjudice financier à la commune de Dijon ; que si le comptable public n’avait pas manqué à son obligation de contrôle, le paiement desdits mandats aurait été suspendu ; qu’il existe ainsi un lien de causalité entre ce manquement et le préjudice financier subi par la commune de Dijon ;
Attendu que le montant du préjudice financier subi par la commune de Dijon correspond au montant TTC du total des factures de la société Easy Sono, soit 59 123,51 € ; qu’au titre de l’année 2014, il y a lieu de constituer M. X... débiteur de la commune de Dijon à hauteur de cette somme ;
Sur le respect des règles de contrôle sélectif de la dépense
Attendu que le comptable public a produit, au titre de l’exercice 2013, un plan de contrôle hiérarchisé de la dépense dont la directrice régionale des finances publiques de Bourgogne et du département de la Côte-d’Or a refusé de valider le caractère pluriannuel, un astérisque renvoyant à une mention holographe indiquant « accord pour 2013 » ; que ce plan de contrôle n’était, par suite, pas applicable en 2014 ; que les mandats n° 18741 et 18411 émis le 22 juillet 2014 sont en revanche couverts par le plan de contrôle pour 2014, lequel a été validé le 17 avril 2014 ; que ce plan prévoyait un contrôle a priori et exhaustif pour les marchés à suivi exhaustif et un contrôle également a priori et exhaustif pour les marchés à suivi non exhaustif d’un montant supérieur à 500 € ; qu’ainsi, les deux mandats précités auraient dû être contrôlés par M. X... dans le cadre de ce contrôle exhaustif, ce qui aurait dû le conduire à détecter les anomalies dont s’agit et à suspendre les paiements sollicités ; qu’en s’abstenant d’agir de la sorte, M. X... doit être regardé comme n’ayant pas respecté son plan de contrôle hiérarchisé de la dépense pour 2014 ; que dans ces conditions, le comptable public ne pourra bénéficier d’une remise gracieuse de la totalité du débet mis à sa charge au titre de l’exercice 2014 ;
Sur la situation du comptable public
Attendu qu’il résulte de ces dispositions combinées du troisième alinéa du VI et du IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 de finances pour 1963, dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, que le comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu en raison d’un manquement ayant causé un préjudice financier à l’organisme public concerné est susceptible de se voir accorder la remise gracieuse des sommes mises à sa charge par le juge des comptes par décision du
ministre chargé du budget ; qu’en dehors des cas de décès du comptable public ou du respect par celui-ci, sous l’appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale n’est possible ; que le ministre chargé du budget est alors tenu de laissé à la charge du comptable, pour chaque manquement commis par celui-ci, une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 cité ci-dessus ; que lesdits manquements sont constitués par le défaut d’exercice des contrôles énoncés aux articles 18, 19 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 dont les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables ;
Attendu qu’il résulte de ce qui précède qu’il doit être mis à la charge de M. X... :
pour l’exercice 2011 : un débet de 41 746,38 €, au titre des mandats n° 2011/32530, 2011/32531 et 2011/32532 ;
pour l’exercice 2012 : un débet de 19 835,66 €, au titre du mandat n° 2012/38610 ;
pour l’exercice 2013 : une somme non rémissible de 182,25 € au titre du mandat n° 2013/31281 ;
pour l’exercice 2014 : une somme non rémissible de 34, 65 € au titre des mandats n° 2014/3684 et 2014/3685, et un débet de 59 123,51 €, au titre des mandats n° 2014/18741 et 2014/18411 ;
Attendu qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est celle du 20 juin 2016 ;
Attendu qu’il ressort enfin des éléments produits au cours de l’instruction qu’au titre des exercices en cause, soit il n’existait pas de plan de contrôle hiérarchisé de la dépense, soit les règles de contrôle sélectif des dépenses n’ont pas été respectées ; qu’en conséquence, les sommes mises à la charge de M. X... par le présent jugement pourront faire l’objet en application du IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 rappelé ci-dessus, d’une remise gracieuse du ministre chargé du budget dans les conditions suivantes :
au titre de l’exercice 2011 : le débet de 41 746,38 €, pourra être remis dans la limite d’un laissé à charge de 528 € ;
au titre de l’exercice 2012 : le débet de 19 835,66 €, pourra être remis dans la limite d’un laissé à charge de 528 € ;
au titre de l’exercice 2014 : le débet de 59 123,51 € pourra être remis dans la limite d’un laissé à charge de 728 € ;
Attendu qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que M. X... ne pourra être déchargé de sa gestion au titre des exercices 2011, 2012, 2013 et 2014 qu’après apurement de l’ensemble des sommes mises à sa charge par le présent jugement ;
PAR CES MOTIFS :
DECIDE,
Article 1er : M. X... est constitué débiteur de la commune de Dijon, au titre de l’année 2011, de la somme de quarante-et-un mille sept cent quarante-six euros et trente-huit centimes (41 746,38 €) ; ladite somme portera intérêt au taux légal à compter du 20 juin 2016 et pourra faire l’objet d’une remise gracieuse sous réserve d’un laissé à charge de cinq cent vingt-huit euros (528 €).
Article 2 : M. X... est constitué débiteur de la commune de Dijon, au titre de l’année 2012, de la somme de dix-neuf mille huit cent trente-cinq euros et soixante-six centimes (19 835,66 €) ; ladite somme portera intérêt au taux légal à compter du 20 juin 2016 et pourra faire l’objet d’une remise gracieuse sous réserve d’un laissé à charge de cinq cent vingt-huit euros (528 €).
Article 3 : M. X... devra s’acquitter, au titre de l’année 2013, d’une somme non rémissible de cent quatre-vingt-deux euros et vingt-cinq centimes (182,25 €).
Article 4 : M. X... est constitué débiteur de la commune de Dijon, au titre de l’année 2014, de la somme de cinquante-neuf mille cent vingt-trois euros et cinquante-et-un centimes (59 123,51 €) ; ladite somme portera intérêt au taux légal à compter du 20 juin 2016 et pourra faire l’objet d’une remise gracieuse sous réserve d’un laissé à charge de sept cent vingt-neuf euros (729 €).
Article 5 : M. X... devra s’acquitter, au titre de l’année 2014, d’une somme non rémissible de trente-six euros et quarante-cinq centimes (36,45 €).
Article 6 : M. X... ne pourra être déchargé de sa gestion des exercices 2011, 2012, 2013 et 2014 qu’après apurement des débets et paiement des sommes non rémissibles prononcés aux articles 1, 2, 3, 4 et 5 ci-dessus.
Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté, réunie en formation plénière.
M. Nicolas ONIMUS, président de séance, président de section,
M. Christophe CANTON, premier conseiller,
Mme Valérie BIGOT, première conseillère,
Mme Julie MAILLARD, première conseillère,
Mme Mélody DESSEIX, première conseillère, réviseur.
Signé : Jean-Michel PERRIN, greffier et Nicolas ONIMUS, président de séance, président de section de la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté.
Collationné, certifié conforme à la minute déposée au greffe de la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté.
La greffière,
Mireille GRÉGOIRE
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Voies et délais de recours
La présente décision juridictionnelle peut être déférée en appel devant la Cour des comptes dans un délai de deux mois à compter de la date de sa notification (articles L. 242-6 et R. 242‑19 à 28 du code des juridictions financières).
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