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3ème section
Jugement n° 2018-0005
Audience publique du 24 mai 2018
Prononcé du 25 juin 2018 | Commune de Redon (Ille et Vilaine)
Poste comptable : Trésorerie de Redon
Exercices : 2011 à 2015 |
République Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
Vu le réquisitoire n°2017-137 en date du 15 novembre 2017, par lequel le Procureur financier a saisi la Chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X, comptable de la commune de Redon au titre d’opérations relatives aux exercices 2011 à 2015, notifié le 21 novembre 2017 au comptable concerné ;
Vu le compte rendu en qualité de comptable de la commune de Redon par M. X du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2015, ensemble les comptes annexes ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code de la consommation ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique et le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu l’instruction codificatrice n°11-022-MO du 16 décembre 2011 publiée au bulletin officiel de la comptabilité publique de décembre 2011 ;
Vu les observations écrites présentées par M. X, comptable, enregistrées au greffe de la chambre le 21 décembre 2017 ;
Vu les rapports de M. Eric THIBAULT, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction, en date des 19 et 27 décembre 2017 ;
Vu les conclusions du Procureur financier en date du 17 mai 2018 ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendus lors de l’audience publique du 24 mai 2018, M. Eric THIBAULT, premier conseiller, en son rapport et M. Yann SIMON, procureur financier, en ses conclusions ;
En l’absence du comptable mis en cause et de l’ordonnateur, dûment informés de la tenue de l’audience ;
Ayant délibéré hors la présence du public, du rapporteur et du procureur financier ;
Sur la présomption de charge n°1 :
S’agissant des titres de recettes n°678 du 6 juin 2007, n°1137 du 23 septembre 2008 et n°1034 du 25 août 2009 :
Sur le réquisitoire
Attendu que, par le réquisitoire susvisé du 15 novembre 2017, le procureur financier a requis la chambre au motif que le comptable de la commune de Redon n’avait pas réalisé de diligences suffisantes pour assurer le recouvrement des titres susmentionnés, d’un montant total de 2 400 € ; que les titres de recettes en cause se rapportent à des redevances d’occupation du domaine public dues par la société Y et que le recouvrement de ces créances obéit dès lors aux règles de droit commun des recettes des collectivités territoriales ;
Attendu que dans son réquisitoire, le procureur financier estime, au vu des pièces du dossier, que, si le comptable a opéré des diligences en vue du recouvrement de ces créances, aucune d’entre elles ne constitue un acte susceptible d’être interruptif de la prescription de la créance ;
Attendu qu’en conséquence, ces éléments seraient de nature à caractériser un manquement du comptable à ses obligations en matière de recouvrement des recettes au regard des dispositions des articles 11 à 13 du décret du 29 décembre 1962 susvisé, susceptible d’engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
Sur le manquement du comptable à ses obligations
Attendu qu’aux termes du point I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, « (…) les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes (…). / Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes (…) dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. / La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors (…) qu’une recette n’a pas été recouvrée (…) » ; qu’en application des articles 11 à 13 du décret du 29 décembre 1962 susvisé, applicable aux faits de l’espèce, les comptables publics, « seuls chargés de la prise en charge et du recouvrement des ordres de recettes qui leur sont remis par les ordonnateurs », sont tenus d’exercer des diligences adéquates, complètes et rapides en vue du recouvrement des titres exécutoires qu’ils prennent en charge ;
Attendu qu’aux termes du 3° de l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, « l’action des comptables publics chargés de recouvrer les créances des régions, des départements, des communes et des établissements publics locaux se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge du titre de recettes. / Le délai de quatre ans mentionné à l’alinéa précédent est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des débiteurs et par tous actes interruptifs de la prescription » ;
Attendu qu’en vertu de l’article L. 622-7 du code de commerce, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, prononcée par un jugement du tribunal de commerce dans les conditions prévues à l’article L. 641-1 du même code, emporte en principe de plein droit, sauf exceptions prévues par le code de commerce, interdiction de payer toute créance née antérieurement comme postérieurement au jugement d’ouverture ; qu’en vertu des dispositions combinées des articles L. 622-24, L. 622-26 et R. 622-24 du code de commerce, à partir de la publication du jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au liquidateur dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement au BODACC, faute de quoi ils ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes de la liquidation et leurs créances deviennent inopposables au débiteur pendant la durée de la procédure de liquidation ; qu’aux termes de l’article L. 622-25-1 du même code, « la déclaration de créance interrompt la prescription jusqu’à la clôture de la procédure ; elle dispense de toute mise en demeure et vaut acte de poursuites » ;
Attendu qu’en réponse au réquisitoire du procureur financier et au questionnaire du rapporteur, le comptable en exercice a transmis par un courriel du 5 décembre 2017, dûment transmis aux parties, une copie de la déclaration des titres de recettes en cause réalisée par le comptable et notifiée le 19 avril 2011 au mandataire judiciaire désigné par un jugement du tribunal de commerce de Rennes en date du 30 mars 2011 dans le cadre du redressement judiciaire de la société Y ;
Attendu que, dans ses conclusions, le procureur financier constate que la déclaration des créances litigieuses a été effectuée par le comptable dans les délais impartis par le code de commerce, selon les dispositions susvisées, qu’il constate que le jugement prononçant la clôture de la procédure de liquidation pour insuffisance d’actif a été prononcé le 11 février 2013, ruinant définitivement la possibilité d’obtenir le recouvrement des créances en cause ;
Attendu que les diligences réalisées par M. X pour assurer le recouvrement des titres visés dans le réquisitoire ont été proportionnées à la nature et au montant des créances en cause ; qu’il a interrompu la prescription de l’action en recouvrement en déclarant valablement les créances auprès du mandataire judiciaire ; que les diligences du comptable ont donc été suffisantes ;
Attendu qu’en conséquence, il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X à raison du défaut de recouvrement des titres visés dans le réquisitoire ;
S’agissant du titre de recette n°999 du 4 septembre 2012 :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé du 15 novembre 2017, le procureur financier a proposé d’écarter le titre de recette n°999 du 4 septembre 2012 pour lequel la prescription ne serait intervenue que le 5 septembre 2016, après la fin du dernier exercice jugé ;
Attendu qu’aux termes des dispositions du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes » ; qu’en vertu de ce principe, il leur incombe notamment de procéder, par des diligences rapides, complètes et adéquates, à toutes mesures conservatoires des créances des organismes dont ils ont la charge ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier que le titre susvisé d’un montant de 693 € portant sur une redevance d’occupation du domaine public a été pris en charge par le comptable le 4 septembre 2012 ; qu’il ressort des pièces du dossier qu’une lettre de rappel a été transmise par le comptable le 8 octobre 2012 sans qu’il soit établi que cette lettre ait été effectivement notifiée au débiteur et ait, de ce fait, interrompu la prescription ; qu’en tout état de cause, au regard de la période de contrôle des comptes allant de l’exercice 2011 à 2015, il apparaît qu’au 31 décembre 2015, le titre en cause n’était pas encore prescrit laissant la possibilité au comptable de procéder à toutes les diligences et mesures conservatoires permettant l’encaissement de cette créance ;
Attendu qu’en conséquence, il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X à raison du défaut de recouvrement du titre visé dans le réquisitoire au regard de la seule période des contrôles ;
Sur la présomption de charge n°2 : budget principal – compte 6542 « créances éteintes » – exercices 2014, mandat n°2014-3742 d’un montant de 908,84 €, - exercice 2015, mandat n°2015-4083 d’un montant de 358,44 € et mandat n°2015-4874 d’un montant de 1245,35 € :
Sur le réquisitoire
Attendu qu’en son réquisitoire, le procureur financier a requis la chambre du fait que des titres de recettes auraient été admis en non-valeur par mandats n° 2014-3742 d’un montant de 908,84 € du 10 novembre 2014, n° 2015-4083 d’un montant de 358,44 € du 20 octobre 2015 et n° 2015-4874 d’un montant de 1245,35 € du 7 décembre 2015 imputés pour les exercices 2014 et 2015 au compte 6542 « créances éteintes » pour ces mêmes montants ;
Attendu que le procureur financier rappelle que, selon la rubrique 143 de l’annexe I à l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, les mandats en cause auraient dû être accompagnés de la décision de l’assemblée délibérante et d’un état précisant pour chaque titre le montant admis ; qu’un renvoi précise que « les pièces 1 et 2 peuvent, soit faire l’objet d’une délibération spécifique, soit être remplacées par une liste de créances admises en non-valeur annexée au compte administratif » ;
Attendu que, selon le représentant du ministère public, le comptable aurait manqué à ses obligations de contrôle de la validité de la dépense résultant de mandats d’admission en non-valeur susvisés, en n’exigeant pas la production des délibérations du conseil municipal de Redon actant de cette mesure d’ordre budgétaire et comptable prévue à la rubrique 143 de la nomenclature des pièces justificatives ; qu’ainsi l’absence de pièce justificative à l’appui du paiement serait susceptible d’engager la responsabilité du comptable ;
Sur le manquement du comptable à ses obligations
Attendu qu’aux termes de l’article 18 du décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : « (…) le comptable est seul chargé : (…) 4° de la prise en charge des ordres de recouvrer et de payer qui lui sont remis par les ordonnateurs » ; qu’aux termes de l’article 19 du même décret, « le comptable est tenu d’exercer le contrôle : 1° S’agissant des ordres de recouvrer : (…) b) Dans la limite des éléments dont il dispose, de la mise en recouvrement des créances et de la régularité des réductions et des annulations des ordres à recouvrer (…) » ;
Attendu qu’en réponse au réquisitoire du procureur financier, le comptable fait valoir que « l’effacement des dettes étant ordonné par le juge, soumettre le constat de la disparition de la créance dans les comptes de la collectivité à une délibération contreviendrait au principe du respect de l’autorité de la chose jugée » ; qu’il indique qu’« à défaut d’une formulation plus précise et explicite, [il a] considéré que la décision rendue consistant à prendre acte d’une décision de justice, devait être valablement constituée par la présence de la signature de l’ordonnateur au pied de l’état joint au mandat, sans acceptation préalable par l’assemblée délibérante » ;
Attendu que, dans ses conclusions, le procureur financier indique que la position qu’il avait exprimée dans son réquisitoire « ne semble pas conforme à la jurisprudence financière ou, en tout cas, à la jurisprudence dominante » ; qu’il rappelle que la présomption de charge porte sur une opération de dépense se traduisant par un débit du compte 6541 et un crédit du compte de la subdivision intéressée du compte de tiers où figure la créance ; qu’il estime qu’ « il s’agit d’une opération d’ordre, c’est-à-dire d’une opération d’ordre budgétaire et comptable ayant pour but de faire disparaître des écritures de prise en charge du comptable les créances irrécouvrables » et que cette opération de dépense ne se traduit pas par un décaissement « et même ne constitue pas un acte de paiement », un mandat d’admission en non-valeur « ne pouvant donc aboutir à un paiement irrégulier » ; qu’il en conclut que la responsabilité du comptable ne peut pas être recherchée ;
Attendu qu’aux termes de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, « avant de procéder au paiement d’une dépense ne faisant pas l’objet d’un ordre de réquisition, les comptables publics (...) ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l’annexe I du présent code » ;
Attendu que pour les mandats d’admission en non-valeur, la rubrique 143 « admission en non-valeur » de l’annexe I de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales alors en vigueur, fixant la liste des pièces justificatives des dépenses publiques locales, mentionne la production de la décision et d’un état précisant pour chaque titre le montant admis ; qu’un renvoi précise que ces pièces peuvent faire l’objet d’une délibération spécifique ou être remplacées par une liste de créances admises en non-valeur annexée au compte administratif ;
Attendu qu’aux termes de l’instruction codificatrice n°11-022-MO du 16 décembre 2011 publiée au bulletin officiel de la comptabilité publique de décembre 2011 : « Le traitement du surendettement (…) 1.7 La portée de l’effacement des créances (…) Afin de traduire au mieux cette situation particulière sans équivalent dans le secteur public local, il convient de traiter l’effacement comme une admission en non-valeur. Une délibération de la collectivité est nécessaire pour valider les états de non-valeur présentés par le comptable à concurrence des sommes effacées » ;
Attendu qu’il résulte de ces dispositions législatives et réglementaires alors en vigueur que l’effacement de créances résultant d’un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire intervenu à la suite d’une procédure de surendettement doit être traité comme une admission en non-valeur ; qu’il suit de là qu’à l’appui d’un mandat d’effacement de créance émis par l’ordonnateur d’une collectivité territoriale, doit être produite soit une délibération de l’assemblée délibérante, soit une liste de créances admises en non-valeur annexée au compte administratif ;
Attendu qu’en application de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « I. – outre la responsabilité attachée à leur qualité d’agent public, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes (…), de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu’ils dirigent (…), des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes ; (…) la responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu’un déficit (…) a été constaté, qu’une recette n’a pas été recouvrée » ; qu’il en résulte que le comptable est responsable du contrôle de la production des pièces justificatives et que sa responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve engagée dès lors qu’une recette n’aurait pas été régulièrement encaissée du fait d’un défaut de contrôle ;
Attendu que M. X a pris en charge les mandats n° 2014-3742 d’un montant de 908,84 € du 10 novembre 2014, n° 2015-4083 d’un montant de 358,44 € du 20 octobre 2015 et n° 2015-4874 d’un montant de 1 245,35 € du 7 décembre 2015 portant sur 66 titres de recettes imputés au compte 6542 « créances éteintes » ; qu’à l’appui de ces mandats, seules des correspondances en date du 3 novembre 2014, du 24 août 2015 et du 27 novembre 2015 adressées par le comptable à l’ordonnateur dans le cadre de procédures de rétablissement personnel prononcées sans liquidation judiciaire étaient jointes ; que les ordonnances de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, auxquelles le comptable se réfère et en date respectivement des 12 juin, 4 et 13 août 2014, des 5 et 10 juillet 2015 et du 3 novembre 2015, n’étaient pas jointes à ces correspondances ; que le tableau de synthèse joint à ces correspondances peut être pris en considération comme constituant l’état précisant pour chaque titre le montant admis, requis par la nomenclature ; qu’en revanche, il ne ressort ni de l’instruction, ni des pièces du dossier que le comptable disposait pour prendre en charge ces trois mandats d’une délibération du conseil municipal de Redon ou d’une liste de créances admises en non-valeur annexée aux comptes administratifs 2014 et 2015 de la commune de Redon, autre pièce justificative exigée à l’appui de tels mandats ;
Attendu que les ordonnances de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, prises par le juge du tribunal d’instance et auxquelles le comptable se réfère, sans toutefois les joindre à sa réponse au réquisitoire, donnent force exécutoire aux recommandations de la commission de surendettement ; que, cependant, même revêtues de l’autorité de la chose jugée, elles devaient encore être traduites sur le plan budgétaire et comptable par une décision de la collectivité, afin que les écritures correspondantes pussent être effectuées dans les comptes de la collectivité et que le comptable disposât de la pièce requise par la réglementation pour exercer ses obligations de contrôle et garantir la validité de la dépense ; que, de plus, n’ayant pas été transmises à l’ordonnateur, celui-ci n’en disposait pas pour décider de l’admission en non-valeur ; que le comptable ne pouvait considérer, dans ces conditions qu’il lui était possible de s’exonérer de la production des pièces requises par la réglementation à l’appui des mandats d’admission en non-valeur ;
Attendu que la décision d’admettre une créance en non-valeur ne constitue pas une des opérations d’ordre, définies par l’instruction budgétaire et comptable M14 applicable aux communes comme des écritures affectant à la fois un compte de dépense et un compte de recette et ayant une incidence budgétaire et récapitulées de manière exhaustive dans les annexes n° 3 et 4 de son tome 2 ; que, si elle n’entraîne pas un décaissement, une admission en non-valeur se traduit par l’inscription d’une charge réelle au compte 654 de la collectivité, qui réduit le résultat annuel du compte administratif et donc les sommes à affecter en fin d’exercice ; qu’une admission en non-valeur emporte, de fait, la renonciation par la collectivité à rechercher et à faire rechercher par le comptable le recouvrement de la recette et la disparition budgétaire et comptable d’une recette dans les comptes de la commune considérés, quand bien même l’admission en non-valeur préserve le caractère exécutoire du titre et la possibilité, théorique, de bénéficier de l’acquittement de tout ou partie de la créance en cas de retour à meilleure fortune du débiteur ; qu’une admission en non-valeur a pour conséquence la renonciation à une créance au bilan de la collectivité et que sa transcription budgétaire et comptable se traduit par un appauvrissement patrimonial de la commune ;
Attendu qu’au vu des pièces du dossier, M. X ne s’est pas assuré de la production des justifications requises ; qu’il a ainsi manqué à ses obligations de contrôle de validité de la dépense, telles que définies aux articles 18 et 19 du décret précité du 7 novembre 2012 ; qu’en conséquence, sur le fondement des dispositions de l’article 60-1 de la loi du 23 février 1963, il y a lieu de mettre en jeu la responsabilité du comptable pour avoir irrégulièrement pris en charge pour l’exercice 2014 pour un montant de 908,84 €, le mandat n° 3742 d’effacement de créances et pour l’exercice 2015 pour un montant de 358,44 € et 1245,35 €, les mandats n° 4083 et n° 4874 d’effacement de créances ;
Sur le préjudice financier
Attendu que le procureur financier n’a pas conclu sur l’existence ou non d’un préjudice financier dans l’hypothèse de l’existence d’un manquement du comptable ;
Attendu qu’aux termes de l’article L. 332-1 du code de la consommation alors en vigueur, « s’il n’a pas été saisi de la contestation prévue à l’article L. 332-2, le juge du tribunal d’instance confère force exécutoire aux mesures recommandées par la commission [de surendettement] en application du 1° de l’article L. 331-7-1 et de l’article L. 331-7-2, après en avoir vérifié la régularité, ainsi qu’aux mesures recommandées par la commission en application du 2° de l’article L. 331-7-1, après en avoir vérifié la régularité et le bien-fondé » ;
Attendu que l’effacement de créances se fonde sur une ordonnance du juge du tribunal d’instance qui confère une force exécutoire aux recommandations transmises par la commission de surendettement ; qu’à défaut de contestation de cette décision dans les délais, la mesure d’effacement s’impose de droit aux créanciers, donc à la collectivité, et fait disparaître le lien d’obligation existant entre le débiteur et la collectivité ; qu’elle entraîne ainsi un effacement des créances qui ne pourront plus faire l’objet de poursuites ultérieures ;
Attendu qu’à l’appui des mandats en cause, sans que cela ne soit contesté, le comptable a communiqué à l’ordonnateur la liste des débiteurs ayant fait l’objet d’une procédure de rétablissement personnel au sens des dispositions susvisées et pour lesquels la commune de Redon avait émis des titres de recettes ; que, comme il a été précédemment dit, les mesures d’effacement des dettes de ces débiteurs s’imposaient de droit à la collectivité et ont fait disparaître le lien d’obligation existant entre eux et la commune de Redon ; qu’ainsi, même si le comptable, en prenant en charge les mandats en litige, n’a pas procédé au contrôle de la production des pièces justificatives, il n’a pas, par son manquement, fait supporter à la collectivité une charge financière constituant un préjudice financier ;
Sur le contrôle sélectif de la dépense
Attendu qu’aux termes du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « (…) lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en Conseil d’Etat en fonction du niveau des garanties mentionnées au II. Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public, l’organisme public a dû procéder à l’indemnisation d’un autre organisme public ou d’un tiers ou a dû rétribuer un commis d’office pour produire les comptes, le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’aux termes du IX du même article, « les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au deuxième alinéa du VI ne peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l’appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l’obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ;
Attendu que, dans sa réponse au réquisitoire, M. X soutient sans l’établir que « les mandats d’admission en non-valeur faisaient l’objet d’un contrôle exhaustif dans le cadre du contrôle sélectif de la dépense » ;
Attendu que le contrôle hiérarchisé de la dépense vise à organiser les contrôles énumérés aux articles 19 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 susvisé ; que, selon l’instruction DGFiP 2014/05/4612 du 6 juin 2014 du directeur général des finances publiques, actualisant le guide méthodologique du contrôle hiérarchisé des dépenses locales, les comptables interviennent au titre de ces contrôles en tant que payeurs et caissiers ; que les mandats en cause n’entrainent pas de décaissement ; qu’un contrôle sélectif n’est pas applicable sur ce type de mandats ; qu’il suit de là qu’un moyen tiré de l’existence d’un contrôle sélectif de la dépense est inopérant en la matière et ne peut qu’être écarté ;
Sur les sommes pouvant être mises à la charge du comptable
Attendu qu’aux termes du deuxième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « (...) lorsque le manquement du comptable (…) n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en Conseil d’Etat en fonction des garanties mentionnées au II (...) » ;
Attendu que le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 précise que « la somme maximale pouvant être mise à la charge du comptable, conformément aux dispositions du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 est fixée à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré » ;
Attendu qu’il résulte des pièces jointes au dossier que le cautionnement du poste comptable concerné s’établissait à 151 000 € pour l’exercice 2014 comme pour l’exercice 2015, soit une somme laissée à charge du comptable d’un montant maximal de 226,50 € pour l’exercice 2014 comme pour l’exercice 2015 ;
Attendu que, compte tenu des circonstances particulières évoquées par M. X, notamment de l’existence, préalable à la démarche du comptable en vue de l’admission en non-valeur, d’ordonnances du juge d’instance revêtues de l’autorité de la chose jugée, et de l’existence d’instructions internes à certaines directions départementales des finances publiques considérant que ces décisions de justice suffisaient à fonder un mandat d’admission en non-valeur, il y a lieu, en l’espèce, de fixer à 113,25 € pour l’exercice 2014 et à 113,25 € pour l’exercice 2015 les montants que M. X devra acquitter au titre des dispositions précitées du deuxième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 ;
Attendu que les sommes non rémissibles sont d’une autre nature que les débets, seuls visés par les dispositions du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 et ne sont, dès lors, pas productives d’intérêts ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : au titre des exercices 2011 à 2015 (Présomption de charge n°1) :
Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de M. X au titre de la présomption de charge n°1.
Article 2 : au titre de l’exercice 2014 (Présomption de charge n°2)
Il y a lieu de mettre en jeu la responsabilité de M. X au titre de la seconde charge.
Une somme de cent treize euros et vingt-cinq centimes (113,25 €) est mise à sa charge, sur le fondement du deuxième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963.
Cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du paragraphe IX de l’article 60 précité.
Article 3 : au titre de l’exercice 2015 (Présomption de charge n°2)
Il y a lieu de mettre en jeu la responsabilité de M. X au titre de la seconde charge.
Une somme de cent treize euros et vingt-cinq centimes (113,25 €) est mise à sa charge, sur le fondement du deuxième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963.
Cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du paragraphe IX de l’article 60 précité.
Article 4 :
Il est sursis à la décharge de M. X pour sa gestion au titre des exercices 2014 à 2015, laquelle ne pourra intervenir qu’après apurement des sommes non rémissibles mises à sa charge.
Article 5 :
M. X est déchargé de sa gestion au titre des exercices 2011, 2012 et 2013, du 1er janvier au 31 décembre.
Fait et jugé par Mme Sophie Bergogne, présidente de séance, M. Jean-François Forestier, président de section, MM. Fabien Filliatre, Frédéric Chanliau et William Wichegrod, premiers conseillers.
En présence de M. Gabriel Rosener, greffier de séance.
Signé Gabriel ROSENER greffier de séance | Signé Sophie BERGOGNE présidente de la chambre |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.[1]
La secrétaire générale
Catherine PELERIN
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.
3, rue Robert d’Arbrissel - C.S. 64231 - 35042 Rennes Cedex - www.ccomptes.fr |
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[1] Sauf si uniquement non-lieu à charge