S3/2180181/MC

 

 

 

Première section

 

 

Jugement  2018-0005 J

 

Audience publique du 9 mars 2018

 

Prononcé du 30 mars 2018

 

 

 

Commune du Châtelet-en-Brie (77)

 

Poste comptable : Le Châtelet-en-Brie

 

Exercice : 2013

 

 

 

République Française

Au nom du peuple français

 

La Chambre,

 

 

 

Vu le réquisitoire du 29 novembre 2016, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X..., comptable de la commune du Châtelet-en-Brie, au titre d’opérations relatives à l’exercice 2013 ;

 

Vu les accusés de réception de ce réquisitoire des 5 et 9 décembre 2016 par l’ordonnateur et par M. X... ;

 

Vu l’arrêté de charge provisoire du 24 février 2016 à l’encontre de M. X... ;

 

Vu le compte rendu en qualité de comptable de la commune du Châtelet-en-Brie par M. X... du 1er janvier au 31 décembre 2013 ;

 

Vu les justifications produites au soutien du compte en jugement ;

 

Vu le code des juridictions financières ;

 

Vu code général des collectivités territoriales ;

 

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

 

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

 

Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

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S3/2180181/MC

 

 

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

 

Vu le rapport de M. Hervé Beaudin, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;

 

Vu les conclusions du procureur financier ;

 

Vu les pièces du dossier ; 

 

Entendu lors de l’audience publique du 9 mars 2018, M. Hervé Beaudin, premier conseiller, en son rapport, M. Luc Héritier, procureur financier, en ses conclusions ; M. X..., comptable, informé de l’audience, n’étant ni présent ni représenté ;

 

Entendu en délibéré M. Jean-Marc Dunoyer de Segonzac, premier conseiller, en ses observations ;

 

Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre à fin de statuer sur la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X..., comptable de la commune du Châtelet-en-Brie, pour avoir payé au cours de l’exercice 2013, des primes de mérite à quarante-sept agents de la commune en l’absence des pièces justificatives requises ;

 

Attendu qu'aux termes du I de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 : « Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière […] de dépenses […] dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. / La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue cidessus se trouve engagée dès lors […] qu'une dépense a été irrégulièrement payée [] » ; qu’aux termes de l’article 19 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, applicable au moment des paiements : « Les comptables sont tenus d'exercer [...] en matière de dépenses, le contrôle […] de la validité de la créance dans les conditions prévues à l'article 20 ci-après» ; que selon l’article 20 du même décret : « le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : (…) 2° l’exactitude de la liquidation (…) 5° la production des pièces justificatives (…). » règlementaires et la production des justifications […] » ; qu’aux termes de l’article 38, lorsqu’à l’occasion de l’exercice de leur contrôle, les comptables publics constatent des irrégularités, ils doivent suspendre les paiements et en informer l’ordonnateur ;

 

Attendu que l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984 dispose que : « L’assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale […] fixe les régimes indemnitaires […] » ; que l’article D.1617-19 du code général des collectivités territoriales […] dispose qu’ : « Avant de procéder au paiement d’une dépense ne faisant pas l’objet d’un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales […] ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l’annexe 1 du présent code » ; que cette annexe I indique, en sa rubrique 210223 « primes et indemnités», que pour procéder au paiement les comptables doivent disposer des pièces suivantes : « 1. Décision de l’assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen des indemnités ; 2 Décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination, fixant le taux applicable à chaque agent. » ;

 

Attendu que le comptable en poste au cours de l’année 2013, a payé des primes de mérite à quarante-sept agents de la commune, pour un montant total de 12 519,49 €, sans disposer à l’appui de ces paiements de la délibération mentionnée ci-dessus et des décisions individuelles correspondantes ;


 

Attendu que le comptable faisait valoir que cette prime était accordée de manière informelle et que l’ordonnateur s’était engagé à régulariser la situation depuis deux ans ; qu’il ajoute que les crédits nécessaires au paiement de ces primes avaient été inscrits au budget entre 2011 et 2014 et que ces paiements avaient été mandatés, produisant à l’appui une délibération du conseil municipal du 13 novembre 2015 confirmant ces versements et indiquant que ces primes ne seraient pas versées en 2015 ;

 

Attendu qu’il résulte de ce qui précède qu’en payant des primes de mérite à quarante-sept agents de la commune du Châtelet-en-Brie en l’absence d’une délibération du conseil municipal et des décisions individuelles correspondantes, M. X... a manqué à son obligation de contrôle de la validité de la dépense ; qu’ainsi il a manqué aux obligations mentionnées au I de l’article 60 précité de la loi du 23 février 1963 et engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;

 

Attendu que ni le vote des crédits aux budgets de 2011 à 2014 ni la délibération du 13 novembre 2015 ne prouvent que le conseil municipal avait entendu accorder aux agents bénéficiaires les primes de mérite attribuées ; que cette dernière n’a pas d’effet rétroactif et que la décision de non versement en 2015 atteste de l’absence d’intention de la collectivité d’instaurer cette prime ; qu’en l’absence de délibération et de décision individuelle d’attribution, les primes de mérite payées aux agents n’étaient pas dues ; qu’ainsi le manquement du comptable a causé un préjudice financier à la commune du ChâteletenBrie ;

 

Attendu qu’aux termes du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné […], le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;

 

Attendu que lorsque le manquement a causé un préjudice financier à l'organisme public, la responsabilité du comptable est engagée sans qu'il y ait lieu pour le juge financier de porter une appréciation sur les circonstances de l'espèce ou le comportement du comptable ; qu’ainsi, M. X... ne peut utilement se prévaloir devant le juge financier de circonstances relatives au contexte difficile de sous-effectif et de l’importante charge de travail d’une trésorerie de petite taille ; qu’il ne peut davantage se prévaloir de ce que l’ordonnateur s’était engagé à régulariser la situation depuis deux ans ; qu’ainsi, il y a lieu de constituer M. X... débiteur de la commune du Châtelet-en-Brie pour un montant de 12 515,49  au titre de l’exercice 2013 ;

 

Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février susvisée : « Les débets portent intérêts au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; que les débets mentionnés ci-dessus porteront intérêt au taux légal à compter de la date de notification du réquisitoire à M. X... le 9 décembre 2016 ;

 

Attendu qu’aux termes du IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l'appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l'obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI. » ; qu’aux terme de l’article 1er du décret du 10 décembre 2012 susvisé : « La somme maximale pouvant être mise à la charge du comptable, conformément aux dispositions du deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, est fixée à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré. » ;

 

 

 

Attendu qu’en l’absence d’un plan de contrôle sélectif de la dépense pour l’année 2013, il appartenait au comptable de procéder à un contrôle exhaustif des primes et indemnités versées au personnel ; qu’ainsi, ce paiement irrégulier par M. X... ne pouvant être imputé à l’application du plan de contrôle sélectif, le ministre chargé du budget devra laisser à sa charge une somme au moins égale à trois pour mille du montant de son cautionnement, soit 330  ;

 

 

Par ces motifs,

 

 

DÉCIDE :

 

 

Article 1er : M. X... est constitué débiteur de la commune du Châtelet-en-Brie pour la somme de 12 515,49 , augmentée des intérêts de droit à compter du 9 décembre 2016. Le ministre chargé du budget devra laisser à sa charge une somme au moins égale à 330 €.

 

Article 2 : La décharge de M. X... pour sa gestion du 1er janvier au 31 décembre 2013 ne pourra être donnée qu’après apurement du débet fixé ci-dessus.

 

 

Fait et jugé par M. Alain Stéphan, président de séance ; M. Patrick Prioleaud, président de section et M. Jean-Marc Dunoyer de Segonzac, premier conseiller.

 

En présence de Mme Marie-Christine Bernier-Liparo, greffière de séance.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Marie-Christine Bernier-Liparo

 

 

 

 

 

Alain Stéphan

 

 

 

 

 

 

En conséquence, la République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre les dispositions définitives dudit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

 

 

En application des articles R. 242-14 à R. 242-16 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-17 à R. 242-19 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-26 du même code.

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