rapport n° 2017-0352 | École nationale supérieure d’architecture de lyon |
jugement n° 2018-0004 |
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audience publique du 23/01/2018 | code n° 069 168 310 |
délibéré du 23/01/2018 | exercice 2014 |
prononcÉ le : 19 fevrier 2018 |
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République française
Au nom du peuple français
La chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-ALPES
(Statuant en 5èmesection)
Vu le réquisitoire n° 33-GP/2017 à fin d’instruction de charge pris le 23 juin 2017 par le procureur financier près la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône‑Alpes ;
Vu le courrier de notification du réquisitoire en date du 28 août 2017 adressé à M. Philippe X..., comptable, et à Mme Nathalie Y..., directrice de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon (ENSAL), dont ils ont accusé réception le 29 août 2017 ;
VU le code général des collectivités territoriales ;
VU le code des juridictions financières ;
VU l’article 60 de la loi de finances pour 1963 n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée, notamment par l’article 90 de la loi de finances rectificative n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;
VU le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du § VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifiée ;
VU le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique ;
VU les lois et règlements relatifs à la comptabilité des communes et des établissements publics locaux ;
VU les arrêtés de la présidente de la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes relatifs aux attributions, à la composition et aux compétences des sections et des formations de délibéré ;
VU l’arrêté de la présidente de la chambre régionale des comptes portant délégation de signature à M. Alain LAIOLO, président de la 5ème section ;
VU la décision du président de la 5ème section, agissant par délégation de la présidente de la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes, en date du 10 août 2017, désignant M. Nicolas BILLEBAUD, conseiller, comme rapporteur pour instruire la charge identifiée dans le réquisitoire susvisé ;
VU la demande d’informations adressée le 4 septembre 2017 à M. Philippe X... ;
VU les observations écrites de M. Philippe X..., enregistrées au greffe le 29 septembre 2017 ;
VU les observations écrites de la directrice de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Lyon, enregistrées au greffe le 29 septembre 2017 ;
VU le compte produit en qualité de comptable de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Lyon par M. Philippe X... pour l’exercice 2014 ;
VU le rapport n° 2017-0352 de M. Nicolas BILLEBAUD, conseiller, magistrat instructeur, déposé au greffe de la chambre le 22 novembre 2017 ;
VU les lettres du 23 novembre 2017 informant le comptable concerné et l’ordonnateur de la clôture de l’instruction ;
VU les lettres du 3 janvier 2018 informant le comptable concerné et l’ordonnateur de la date fixée pour l’audience publique et les accusés de réception délivrés le 5 janvier 2018 par M. Philippe X... et le 18 janvier 2018 par Mme Nathalie Y... ;
Vu les conclusions n° 17-352 du procureur financier en date du 11 décembre 2017 ;
Entendu en audience publique M. Nicolas BILLEBAUD, conseiller, en son rapport ;
Entendu en audience publique M. Denis LARRIBAU, procureur financier, en ses conclusions ;
En l’absence du comptable concerné et de l’ordonnateur dûment informés de la tenue de l’audience ;
Après avoir délibéré hors la présence du public, du rapporteur et du procureur financier ;
Après avoir entendu en délibéré, M. Charles THEROND, conseiller, réviseur en ses observations ;
En ce qui concerne la présomption de charge unique relative à l’absence de diligences adéquates, complètes et rapides afin de permettre le recouvrement d’un titre d’un montant de 3 600 €
Sur les réquisitions du ministère public,
Attendu que par le réquisitoire n° 33-GP/2017 du 23 juin 2017, le procureur financier près la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes a saisi la juridiction sur le fondement du § III de l’article L. 242-1 du code des juridictions financières, devenu depuis l’article L. 242-4 du même code, à fin d’ouverture d’une instance à l’encontre de M. Philippe X... au titre de sa gestion comptable de l’école nationale supérieure d’architecture de Lyon ;
Attendu qu’en son réquisitoire, le procureur financier relève que le comptable mis en cause n’auraient pas accompli les diligences adéquates, complètes et rapides afin de recouvrer un titre de recettes détenu par l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Lyon pour un montant de 3 600 € ;
Attendu que le procureur financier conclut de ce qui précède que M. Philippe X... a pu engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire par l’insuffisance des diligences exercées en vue du recouvrement du titre ; qu’il se trouverait ainsi dans le cas prévu par les dispositions de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, et qu’il y a lieu en conséquence d’ouvrir l’instance prévue au § III de l’article L. 242-1 du code des juridictions financières devenu depuis l’article L. 242-4 du même code, aux fins de déterminer leur responsabilité encourue ;
Sur le titre retenu par le réquisitoire,
Attendu que l’état des restes à recouvrer du compte 416 « créances contentieux » joint au compte de gestion de l’exercice 2015, et le titre litigieux produit à l’appui du réquisitoire, font apparaître les éléments suivants :
Compte | Exercice | Titre | Débiteur | Montant en € | Date PEC | Date de prescription |
416 | 2010 | T-71 | M. Z... | 3 600 | 22/06/2010 | 22/09/2009 |
Sur les observations du comptable mis en cause,
Attendu que dans ses observations enregistrées au greffe de la juridiction le 29 septembre 2017, M. Philippe X... fait valoir que son prédécesseur l’avait informé ne pas avoir pu effectuer de poursuites en vue du recouvrement du titre de recettes en question, le dossier correspondant, considéré comme sensible, étant suivi par la direction de l’établissement ; qu’en l’absence d’accès au dossier, il ne pouvait s’assurer des diligences effectuées par l’ordonnateur ; qu’il a formulé plusieurs demandes auprès de l’ordonnateur sur l’état d’avancement de la procédure de recouvrement, l’alertant sur les risques de prescription ; que ne constatant aucun encaissement et la date de prescription approchant, il a demandé à l’ordonnateur l’autorisation d’engager des poursuites par voie d’huissier et en cas de refus, l’engagement de la procédure d’admission en non-valeur justifiée par le refus d’engager des poursuites contentieuses ; que ce n’est que lorsque le dossier a été présenté en non-valeur qu’il a constaté l’absence d’acte interruptif de la prescription et, de fait, la prescription du titre ;
Sur les observations de l’ordonnateur,
Attendu que dans ses observations enregistrées au greffe le 29 septembre 2017, Mme Nathalie Y... fait valoir que le débiteur, ancien élève de l’école, a abandonné ses études pour cause de maladie grave ; qu’en dépit des demandes répétées de l’agent comptable d’engager des poursuites contentieuses, la direction de l’école n’a pas souhaité le suivre, compte tenu de l’état de santé de l’intéressé et a présenté le dossier en admission en non-valeur au conseil d’administration du 19 mai 2016 ; que la présentation tardive du dossier, classé au sein du service RH, de par son contenu confidentiel, est indépendante de M. Philippe X... ;
Sur l’interruption de la prescription de l’action en recouvrement,
Attendu que l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales dispose, dans son 3°, que « L'action des comptables publics chargés de recouvrer les créances des régions, des départements, des communes et des établissements publics locaux se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge du titre de recettes. / Le délai de quatre ans mentionné à l'alinéa précédent est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des débiteurs et par tous actes interruptifs de la prescription » ; que le 5° du même article précise que « (…) La mise en demeure de payer interrompt la prescription de l'action en recouvrement (…) » et le 7° que « Les comptables publics compétents chargés du recouvrement de ces titres peuvent procéder par la voie de l'opposition à tiers détenteur lorsque les sommes dues par un redevable au même poste comptable sont supérieures à un montant, fixé par décret en Conseil d'Etat, pour chacune des catégories de tiers détenteur./ Le comptable public chargé du recouvrement notifie cette opposition au redevable en même temps qu'elle est adressée au tiers détenteur » ;
Attendu que pour interrompre la prescription de l’action en recouvrement, les actes de poursuites doivent avoir été notifiés aux débiteurs ; que la preuve de la notification doit être apportée par le comptable ; que la transmission par lettre recommandée avec avis de réception constitue une preuve de la notification à la date de la signature de l’avis de réception ;
Sur la responsabilité du comptable,
Attendu qu’aux termes de l’article 60-I modifié de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes……. de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu’ils dirigent » ; que « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes,…. dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ; que « leur responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu’un qu’une recette n’a pas été recouvrée,» ;
Attendu qu’il résulte de l’article 11 du décret n° 62-1587 du 29 mars 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, dans sa rédaction applicable à la date des faits, que les comptables publics sont seuls chargés de la prise en charge et du recouvrement des ordres de recettes qui leur sont remis par les ordonnateurs et de la conservation des pièces justificatives des opérations et des documents de comptabilité ; que l’article 12 du même texte dispose qu’en matière de recettes, les comptables sont tenus d’exercer le contrôle, dans la limite des éléments dont ils disposent, de la mise en recouvrement des créances de l’organisme public et de la régularité des réductions et des annulations des ordres de recettes ; qu’en application des dispositions de l’article 19 de ce décret, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des opérations dont ils sont chargés aux termes de l’article 11, ainsi que de l’exercice régulier des contrôles prévus aux articles 12 et 13, dans les conditions fixées par les lois de finances ;
Attendu que la créance litigieuse concerne des droits de scolarité dus pour un stage en architecture et ingénierie qui s’est déroulé du 5 février 2009 au 6 décembre 2010 ; que dans un premier temps, au lieu d’émettre un titre de recette dont le recouvrement est confié au comptable public, l’ordonnateur a établi une facture le 19 janvier 2009 puis adressé un rappel le 2 février 2010, en l’absence de paiement par l’intéressé ; qu’un titre de recette a finalement été émis le 21 juin 2010 et pris en charge par le comptable le 22 juin 2010 ; que le délai de prescription quadriennale de la créance courait à compter de cette date et expirait donc le
22 juin 2014 ;
Attendu que M. Philippe X... a pris ses fonctions de comptable de l’école nationale supérieure d’architecture de Lyon le 3 mai 2011 ; que s’il soutient que son prédécesseur l’avait informé ne pas avoir pu effectuer de poursuites en vue du recouvrement du titre de recettes en question, il n’a pas émis de réserves sur la gestion dudit prédécesseur ;
Attendu que si M. Philippe X... soutient que l’ordonnateur ne l’a pas autorisé à mettre le débiteur en demeure d’honorer sa créance, il relevait de sa seule compétence de prendre des mesures de recouvrement et notamment des actes interruptifs de la prescription ; que cette compétence constitue la contrepartie de sa responsabilité personnelle et pécuniaire ; qu’en l’absence de tels actes interruptifs, l’action en recouvrement du comptable s’est trouvée prescrite le 22 juin 2014, sous la gestion de M. X... ;
Attendu qu’il résulte de ce qui précède qu’à défaut de diligences adéquates, rapides et complètes de nature à préserver le cours de la prescription quadriennale prévue à l’article L. 1617-5 précité du code général des collectivités territoriales, le recouvrement du titre retenu par le réquisitoire s’est trouvé définitivement compromis ; que l’admission en non-valeur de la créance n’a pas pour effet de dégager le comptable de sa responsabilité ; qu’en conséquence M. Philippe X... a engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire à hauteur de 3 600 € sur le fondement de l’article 60 de la loi précitée du 26 février 1963 ;
Sur le préjudice financier pour l’école nationale supérieure d’architecture de Lyon,
Attendu que l’article 60-VI de la loi du 23 février 1963, modifié par la loi n° 2011‑1978 du 28 décembre 2011, dispose que, « lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n'a pas causé de préjudice financier à l'organisme public concerné, le juge des comptes peut l'obliger à s'acquitter d'une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en Conseil d'État en fonction du niveau des garanties mentionnées au II./ Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public, l'organisme public a dû procéder à l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers ou a dû rétribuer un commis d'office pour produire les comptes, le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
Attendu que lorsqu’un comptable n’a pas exercé dans les délais appropriés toutes les diligences requises pour le recouvrement d’une créance, ce manquement doit en principe être regardé comme ayant causé un préjudice financier à l’organisme concerné ; qu’il ne peut en aller autrement que lorsqu’il résulte des pièces du dossier, et en particulier des éléments produits par le comptable, qu’à la date du manquement, la recette était irrécouvrable en raison notamment de l’insolvabilité de la personne qui en était redevable ;
Attendu qu’en l’espèce, à la date du manquement, il ne ressort aucunement de l’instruction que le débiteur du titre était en situation d’insolvabilité ; que par ailleurs, si l’ordonnateur soutient qu’il convenait de tenir compte de l’état de santé du débiteur, il n’apparaît pas que l’établissement ait renoncé à recouvrer la créance en cause ; que dès lors le manquement du comptable a nécessairement causé un préjudice financier à l’école nationale supérieure d’architecture de Lyon ;
Attendu qu’il découle de ce qui précède qu’il y a lieu de prononcer un débet à l’encontre de M. Philippe X..., d’un montant de 3 600 € sur l’exercice 2014 ; qu’en application des dispositions de l’article 60-IX de la loi précitée du 23 février 1963, ledit débet porte intérêts de droit à compter de la notification du réquisitoire intervenue à la date du 29 août 2017 ;
PAR CES MOTIFS
DECIDE
Article 1 : | M. Philippe X... est constitué débiteur envers l’école nationale supérieure d’architecture de Lyon d’une somme de 3 600 € augmentée des intérêts de droit calculés au taux légal à compter de la date du 29 août 2017 de notification du réquisitoire du procureur financier près la chambre régionale des comptes ;
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Article 2 : | M. Philippe X... ne pourra être déchargé et déclaré quitte de sa gestion du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 qu’après avoir justifié de l’apurement, en principal et intérêts du débet mis à sa charge. |
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Fait et délibéré en la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes, cinquième section, le vingt-trois janvier deux mille dix-huit.
Présents : M. Alain LAIOLO, président de section, président de séance ;
M. Michel BON, premier conseiller,
M. Antoine LANG, premier conseiller,
Mme Jennifer EL-BAZ, conseillère,
M. Charles THEROND, conseiller.
La greffière | Le président de séance |
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Brigitte DESVIGNES | Alain LAIOLO |
La République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Voies et délais de recours :
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.
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