CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES Troisième Section Jugement n° 2018-0022
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Commune de La Valette du Var
(Var)
Trésorerie de La Valette du Var
Exercices 2013 à 2015, au 9 juillet
Rapport n° 2018-0009
Audience publique du 3 avril 2018
Délibéré le 3 avril 2018
Prononcé le 7 juin 2018
J U G E M E N T
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
La chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur
VU le réquisitoire n° 2017-0035 du 17 juillet 2017, portant sur les exercices 2013 à 2015, au
9 juillet, par lequel le procureur financier a saisi la chambre de deux présomptions de charges portant sur la gestion de M. X, comptable du 4 avril 2008 au 9 juillet 2015, en vue de la mise en jeu de sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
VU la notification du réquisitoire du procureur financier et du nom du magistrat chargé de l’instruction à l’ordonnateur le 24 juillet 2017 et à M. X, le 25 juillet 2017 ;
VU les comptes de la commune de La Valette du Var pour les exercices 2013 à 2015 ;
VU le code des juridictions financières ;
VU l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée et le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
VU l'arrêté n° 2017-25 du 18 décembre 2017 du président de la chambre fixant l'organisation des formations de délibéré et leurs compétences pour 2018 ;
VU l’ordonnance 2017-0102 du 17 juillet 2017 déchargeant M. Y de sa gestion pour la période comprise entre le 10/07/2015 et le 31/12/2015 ;
VU les pièces produites au cours de l’instruction, notamment les justifications en réponse transmises par l’ordonnateur le 28 août 2017, et par le comptable M. X le 20 septembre 2017 ;
Sur le rapport de M. Jean-François Kuntgen, premier conseiller ;
VU les conclusions du procureur financier ;
Après avoir entendu en audience publique le rapporteur et les conclusions orales de M. Marc Larue, procureur financier, l’ordonnateur et le comptable, informés de l’audience, n’étant ni présents ni représentés ;
Après avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier ;
En ce qui concerne les circonstances de force majeure
ATTENDU d’une part, qu’aucune circonstance de force majeure n’a été établie ni même alléguée ; que « les circonstances particulières qui ont perturbé le fonctionnement normal de son poste » à savoir « le déménagement » de la trésorerie, « les perturbations liées à l’absence ou à la suppression de personnel », « le passage à la dématérialisation » ne sauraient s’analyser comme des circonstances extérieures, imprévisibles, irrésistibles ;
ATTENDU d’autre part que le constat d’un manquement par le juge relève, en application de l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963, d’une appréciation objective sur le compte ; qu’est ainsi sans effet sur l’appréciation de sa responsabilité les circonstances susvisées, invoqués par M. X; que si de tels éléments peuvent venir à l’appui d’une demande de remise gracieuse en cas de débet, ils n’ont dès lors pas à être pris en compte par le juge au stade du jugement des comptes ; qu’il y a donc lieu pour la chambre de se prononcer sur l’existence de manquements de la part de M. X ;
En ce qui concerne le réquisitoire
ATTENDU que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a requis la chambre au motif que M. X a réglé par ordres de paiements du 2 avril 2013 (500 000 €) et 23 mai 2013 (2 000 000 €) la somme totale de 2 500 000 € à la société d'économie mixte Y ; que les avances consenties auraient dû être remboursées au plus tard le 31 août 2013 selon les termes de la délibération du conseil municipal du 22 mars 2013 ; que suite à des remboursements partiels, le solde correspondant, qui s'élevait à 1 950 000 € au 31 décembre 2015 pour cette opération s’élevait encore à 1 150 000 € au 31 décembre 2016 ;
ATTENDU que le réquisitoire relevait que le comptable devait exiger, au moment du paiement, les pièces prévues à l’annexe I de l’article D. 1617-19 du CGCT, rubrique 71 « Prêts et avances », à savoir une décision fixant le caractère de l'avance ou du prêt, les conditions d'octroi, les modalités de remboursement, précisant le bénéficiaire et, le cas échéant, la constitution de sûretés, un contrat comportant le tableau d'amortissement, le cas échéant, une convention entre le bénéficiaire et la collectivité (notamment au regard des dispositions de l'article L. 1523-7 du CGCT) ;
ATTENDU que le procureur financier a considéré que la délibération du conseil municipal du
22 mars 2013 ne fixait pas « les modalités de remboursement » ; que le « contrat comportant le tableau d'amortissement » n'avait pas été produit à l'appui du mandat ni fourni pendant la phase administrative d'examen des comptes ; que « la convention entre le bénéficiaire et la collectivité », relative à cette avance de trésorerie, n'avait pas, non plus, été produite ;
ATTENDU que le procureur financier a estimé en conséquence que le comptable paraissait avoir engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire à raison des paiements en cause ;
En ce qui concerne les positions défendues par le comptable et l’ordonnateur
ATTENDU que, dans sa réponse, M. X a fourni deux délibérations en date du 26 septembre 2013 et 27 février 2017 prolongeant la mise à disposition de l’avance de 2 500 000 € respectivement jusqu’au 31 mars 2014 et 31 décembre 2017 ; qu’il reconnait par ailleurs qu’un tableau d’amortissement des avances n’a pas pu être fourni et qu’en dehors de la convention initiale précitée du contrat de concession d’aménagement, il n’existe pas de convention traitant précisément des avances et de leurs conditions particulières ; qu’il estime que la commune n’a pas subi de préjudice financier ;
ATTENDU que l’ordonnateur a précisé que le solde de 1 150 000 € restant à rembourser, le serait d’ici la fin de l’année 2018, que chaque avance de trésorerie a fait l’objet d’une délibération en conseil municipal, et que depuis le début de l’année 2017, la ville établit systématiquement des conventions d’avance ; qu’il estime que le retard dans le remboursement de l’avance n’a pas généré de préjudice financier pour la collectivité ;
En ce qui concerne les propositions du rapporteur
ATTENDU que le rapporteur a proposé de considérer qu’il y avait manquement de la part du comptable pour paiement irrégulier de ces avances du fait de l’insuffisance des pièces justificatives produites ;
En ce qui concerne les conclusions du procureur financier
ATTENDU que, dans ses conclusions susvisées, le procureur financier a souligné qu’au vu des documents transmis par le comptable, ce dernier avait bien accepté de payer ces avances en l’absence de plusieurs pièces justificatives que la règlementation rendait obligatoire ;
ATTENDU que le procureur financier a conclu que M. X avait engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire et se trouvait ainsi dans un des cas prévus par les dispositions de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 ;
En ce qui concerne le manquement
ATTENDU qu’aux termes des dispositions de l’article 60 de la loi du 23 février 1963,
« Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors (…) qu’une dépense a été irrégulièrement payée (…) » ;
ATTENDU qu’aux termes de l’article 19 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, : « Le comptable public est tenu d’exercer le contrôle (…) 2° S’agissant des ordres de payer : (…) d) De la validité de la dette dans les conditions prévues à l’article 20 » ; qu’aux termes de l’article 20 du même texte : « Le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : (…) 5° La production des pièces justificatives » ;
ATTENDU que l’article L. 1617-3 du CGCT, prévoit que : « La liste des pièces justificatives que le comptable peut exiger avant de procéder au paiement est fixée par décret » ; qu’au cas particulier, la liste applicable était celle annexée au décret n° 2007-450 du 25 mars 2007 ;
ATTENDU que le réquisitoire faisait grief au comptable d’avoir payé deux avances à une société d’économie mixte en l’absence des documents prévus par la liste des pièces justificatives des dépenses du secteur public local précitée ;
ATTENDU que le comptable devait exiger, au moment du paiement, les pièces prévues à l’annexe I de l’article D. 1617-19 du CGCT, rubrique 71 « Prêts et avances » ;
ATTENDU que l’article L. 1523-7 du CGCT cité à la rubrique 71 de l’article D. 1617-19 du CGCT prévoit l’obligation d’une convention d’avances en ces termes : « Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent accorder aux sociétés d'économie mixte des subventions ou des avances destinées à des programmes d'intérêt général liés à la promotion économique du territoire ou à la gestion de services communs aux entreprises. Une convention fixe les obligations contractées par les sociétés d'économie mixte en contrepartie de ces aides. » ;
ATTENDU que le comptable reconnaît l’absence d’une convention d’avances et d’un tableau d’amortissement desdites avances ; que s’il évoque néanmoins le fait que chaque avance a fait l’objet d’« une délibération en conseil municipal », cette seule délibération ne saurait toutefois suffire en l’espèce au regard de la liste des pièces justificatives des dépenses du secteur public local requises pour justifier le paiement de ces avances ;
ATTENDU que la délibération du 26 septembre 2013 produite par le comptable se contente de prolonger l’échéance de l’avance de 2 500 000 € jusqu’au 31 mars 2014 ; que la délibération du
27 février 2017 qui prolonge la concession d’aménagement jusqu’au 31 décembre 2017 et repousse une nouvelle fois le remboursement de l’avance au 31 décembre 2017 ne peut être considérée comme une convention fixant les obligations de la société d’économie mixte en contrepartie de l’aide consentie ; que la délibération du 28 septembre 2017 qui a simplement décidé de prolonger l’avance jusqu’au 31 décembre 2018, ne peut être considérée comme une pièce justificative suffisante ; que de surcroît le comptable successeur en fonction depuis le 10 juillet 2015 M. Y avait bien rappelé à la commune par courrier du 25 février 2016 qu’une convention fixant les modalités de remboursement des avances était indispensable ;
ATTENDU qu’il résulte de ce qui précède qu’en n’exigeant pas la production des pièces prévues par la liste des pièces justificatives des dépenses du secteur public local relatives à ces avances de trésorerie et donc d’une délibération fixant les modalités de remboursement de ces avances accompagnée d’une « […]convention entre le bénéficiaire et la collectivité », le « contrat comportant [notamment un] tableau d'amortissement », le comptable ne pouvait procéder au règlement de ces avances ;
ATTENDU qu’ainsi M.Froment a manqué à ses obligations en matière de paiement des dépenses ;
En ce qui concerne le préjudice financier
ATTENDU qu’aux termes de l’article 60-VI de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Lorsque le manquement du comptable (…) a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné (…), le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
ATTENDU que les paiements visés dans le réquisitoire ont été réalisés en l’absence des pièces requises par la réglementation du secteur public local ; que le comptable ne disposait pas d’une convention concernant l’avance de trésorerie de 2 500 000 € accordée par la commune à la SEM Y, fixant notamment un échéancier de remboursement ; que si la délibération du 22 mars 2013 autorisait l’ordonnateur à verser ladite avance de trésorerie, cette décision ne faisait pas mention des « modalités de remboursement, précisant le bénéficiaire et, le cas échéant, la constitution de sûretés » prévues par la nomenclature des pièces justificatives ; que dans ces conditions, le comptable était dépourvu d’un document opposable lui permettant de procéder aux actes de recouvrement pour en obtenir le remboursement dans les délais impartis ;
ATTENDU que par ailleurs le comptable n’a pas demandé à l’ordonnateur d’émettre les titres nécessaires au recouvrement du solde des avances, à expiration de chaque date limite mentionnée par les délibérations successives, initialement le 31 août 2013, puis le 31 mars 2014 ;
ATTENDU que le comptable ne saurait exciper, pour contester l’existence d’un préjudice financier, de frais financiers émis régulièrement par la commune, alors qu’il ne produit que deux titres faisant mention de leur décompte jusqu’au 31 décembre 2014, qu’aucune convention ne précise le taux d’intérêt applicable et que le remboursement intégral des avances réglées en avril et mai 2013 n’est toujours pas soldé à la date du jugement ;
ATTENDU qu’en tout état de cause, la date limite de paiement retardée au 31 décembre 2017 est désormais dépassée ; que si l’ordonnateur indique dans sa réponse au réquisitoire une date de remboursement du solde de 1 150 000 € « d’ici la fin de l’année 2018 », force est de constater que le remboursement n’a toujours pas été effectué à la date du jugement ;
ATTENDU qu’en conséquence, les paiements réalisés en 2013 par le comptable, sans s’être assuré de la suffisance des justifications à l’appui et au moment du paiement, doivent être regardés comme indus et ayant créé un préjudice financier à la commune de La Valette du Var ;
ATTENDU toutefois que dans le cadre du régime de responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables, le juge des comptes reconnaît un caractère exonératoire au rétablissement de la caisse dès lors que celui-ci est intervenu avant que le juge ne se prononce ;
ATTENDU qu’en date du 14 avril 2017, le comptable en fonctions, M. Y a précisé que cette avance de 2 500 000 € a donné lieu à des remboursements partiels : 390 000 € le 14 mai 2014, 160 000 € le 06 juillet 2015 et 800 000 € le 5 décembre 2016 ; que dans ces conditions, le solde correspondant, qui s'élevait à 1 950 000 € au 31 décembre 2015 pour cette opération est de 1 150 000 € au 31 décembre 2016 ; qu’ainsi, les remboursements partiels de cette avance de trésorerie par la SEM Y ont conduit à ramener le solde correspondant à 1 150 000 € selon le dernier état communiqué par le comptable en fonctions ; qu’en l’espèce, il y a donc lieu de constituer débiteur de la commune, M. X pour la somme de 1 150 000 € ;
ATTENDU qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; que le premier acte de la mise en jeu de la responsabilité du comptable correspond à la notification du réquisitoire, intervenue en l’espèce le 25 juillet 2017 pour M. X ;
En ce qui concerne le contrôle sélectif des dépenses
ATTENDU qu’en application du deuxième alinéa de l’article 60-IX de la loi du 23 février 1963, les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du paragraphe VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse totale des sommes mises à leur charge s’ils ont respecté les règles de contrôle sélectif des dépenses ; que cette condition est déterminée « sous l’appréciation du juge des comptes » ;
ATTENDU que le comptable a produit un plan de contrôle hiérarchisé des dépenses, adopté le
4 décembre 2012 par la direction départementale des finances publiques pour l’exercice 2013 ; que le comptable indique explicitement que « les pièces en cause devaient être contrôlées de façon exhaustive » ; qu’ainsi le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense n’a pas été respecté ;
En ce qui concerne le réquisitoire
ATTENDU que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a requis la chambre au motif que par mandat n° 6587 du 26 novembre 2014 imputé au compte 2042 « Subventions d’équipement aux personnes de droit privé », M. X a payé une subvention d'équipement de 1 200 000 € à la STE Z dans le cadre de la réalisation du projet urbain « Grand Sud passion » ;
ATTENDU que le réquisitoire relevait qu’a été conclue au 1er mars 2010 une concession d'aménagement avec la STE A, devenue STE Z par délibération du 29 juillet 2011 ; que l'article 16.4 de la concession d'aménagement prévoyait que : « l'aménageur sollicitera le paiement de la participation de la collectivité concédante dans la limite du montant des tranches annuelles prévues dans le bilan prévisionnel, éventuellement modifié par avenant » ; que par délibération du 11 juillet 2014, le conseil municipal de la commune de La Valette du Var a pris acte du compte rendu financier présenté par l'aménageur, arrêté au 30 avril 2014 ; que le bilan prévisionnel joint à la délibération précisait que la participation de la commune restait fixée à 10 000 000 € pour la durée de la concession et prévoyait, en recettes, une participation communale, pour l'exercice 2014 de 1 000 000 € HT ; que le mandat de 1 200 000 € HT réglé le 26 novembre 2014 est donc plus élevé que la somme figurant au bilan prévisionnel approuvé par le conseil municipal pour l'année 2014 ; qu’au surplus, par courrier du 15 octobre 2014, la STE Z avait demandé le versement de la somme de 1 000 000 € HT et non pas de la somme de 1 200 000 € HT ;
ATTENDU que le procureur financier a considéré qu’à l’examen de ces pièces contradictoires, le comptable aurait dû suspendre le paiement en application de l'article 38 du décret n° 2012-1246 du
7 novembre 2012 précité ;
ATTENDU que le procureur financier a estimé en conséquence que le comptable paraissait avoir engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire à raison du paiement en cause ;
En ce qui concerne les positions défendues par le comptable et l’ordonnateur
ATTENDU que, dans sa réponse, M. X précise que la demande en date du 15 octobre 2014 par laquelle la STE Z sollicite le versement de la participation de l'année 2014 est bien de
1 000 000 € HT ; que le mandat de paiement fait apparaitre un montant de 1 200 000 € dans la colonne TTC ; que la déclaration de TVA complétée et payée par la STE Z à la date du
16 décembre 2014 fait apparaître un montant taxable de 1 000 000 € et une taxe due de 200 000 € ; que dans la mesure où les pièces justificatives étaient rédigées avec des montants HT cela sous entendait que le paiement serait assorti d'une TVA calculée au taux normal de 20 %, soit 200 000 € dans le cas présent ;
ATTENDU que l’ordonnateur a précisé que le mandat a été réglé pour un montant de 1 200 000 € TTC ; que le bilan prévisionnel prévoyant une participation communale de
1 000 000 € HT, la commune a versé cette somme ;
En ce qui concerne les propositions du rapporteur
ATTENDU que le rapporteur a proposé de considérer qu’il y avait manquement de la part du comptable pour paiement irrégulier de ce mandat du fait de présence de pièces contradictoires sur le montant à régler à la société ;
En ce qui concerne les conclusions du procureur financier
ATTENDU que, dans ses conclusions susvisées, le procureur financier a souligné que si l’émetteur du mandat considérait que la TVA était due en sus des 1 000 000 € HT le mandat aurait dû mentionner explicitement un montant de TVA, afin que le comptable soit en mesure d’exercer son contrôle; à défaut le comptable a payé un mandat d’un montant de 1 200 000 € HT alors qu’il devait régler un montant de 1 000 000 € HT ;
ATTENDU que le procureur financier a conclu que M. X avait engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire et se trouvait ainsi dans un des cas prévus par les dispositions de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 ;
En ce qui concerne le manquement
ATTENDU qu’aux termes des dispositions de l’article 60 de la loi du 23 février 1963,
« Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors (…) qu’une dépense a été irrégulièrement payée (…) » ;
ATTENDU qu’aux termes de l’article 19 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, : « Le comptable public est tenu d’exercer le contrôle (…) 2° S’agissant des ordres de payer : (…) d) De la validité de la dette dans les conditions prévues à l’article 20 » ; qu’aux termes de l’article 20 du même texte : « Le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : (…) 5° La production des pièces justificatives » ; que selon les dispositions de l’article 38 du même décret susvisé, « (…) lorsqu'à l'occasion de l'exercice des contrôles prévus au 2° de l'article 19 le comptable public a constaté des irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de l'ordonnateur, il suspend le paiement et en informe l'ordonnateur. Ce dernier a alors la faculté d'opérer une régularisation ou de requérir par écrit le comptable public de payer. » ;
ATTENDU que le comptable se trouvait en présence de pièces contradictoires pour payer ledit mandat ; d’une part, le bilan prévisionnel de la société joint à la délibération du 11 juillet 2014 qui prévoyait une participation communale pour l’exercice 2014 de 1 000 000 € HT et un courrier du 15 octobre 2014 de la STE Z demandant le versement de 1 000 000 € HT ; et d’autre part, un mandat émis le 26 novembre 2014 mentionnant un montant de 1 200 000 € HT et un montant identique de 1 200 000 € TTC, la TVA étant indiquée à 0 € dans ledit document ; qu’il en résulte que le montant versé de 1 200 000 € par le comptable est donc plus élevé que la somme figurant au bilan prévisionnel approuvé par le conseil municipal et que des incertitudes manifestes concernent l’assujetissement ou non de la participation à verser à la TVA ;
ATTENDU que le comptable ne produit aucun document précisant que la commune devait prendre en charge la TVA applicable à la société ; que le document de déclaration de TVA présenté par le comptable « complétée et payée par la STE Z à la date du 16 décembre 2014 faisant apparaître un montant taxable -base HT- de 1 000 000 € et une taxe due de 200 000 € » non signé, ne signifie pas que la STE Z aurait réglé cette TVA ; qu’en tout état de cause, si la STE Z a bien déclaré et réglé 200 000 € de TVA, ni le comptable ni l’ordonnateur n’ont produit de document indiquant qu’il y avait lieu de majorer les 1 000 000 € HT de subvention, de 200 000 € de TVA ;
ATTENDU que le comptable qui était en présence de pièces contradictoires sur le montant à régler à la société, et se trouvait ainsi dans l’impossibilité de contrôler l’exactitude des calculs de liquidation aurait dû suspendre le paiement et en informer l’ordonnateur ; qu’il en résulte qu’en omettant ces démarches M. X a manqué à ses obligations en matière de paiement des dépenses ;
En ce qui concerne le préjudice financier
ATTENDU qu’aux termes de l’article 60-VI de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Lorsque le manquement du comptable (…) a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné (…), le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
ATTENDU que si le comptable soutient à juste titre qu’il n’appartient pas aux comptables publics de se faire juges de la légalité des décisions administratives sur lesquelles sont fondés les paiements, ils doivent en revanche vérifier l’exactitude des calculs de liquidation ; qu’en présence de pièces contradictoires, le comptable n’a pu contrôler l’exactitude du calcul de liquidation de la dépense ; que le paiement réalisé par le comptable, sans s’être assuré de l’exactitude du calcul de la dépense, doit être regardé comme indu et ayant créé un préjudice financier à la commune de La Valette du Var, justifiant ainsi sa mise en débet ;
ATTENDU toutefois que le régime de responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables, permet au juge des comptes de limiter le montant du débet au seul trop versé si le comptable fournit les éléments permettant de le déterminer ; qu’en l’espèce, il y a donc lieu de constituer débiteur de la commune, M. X pour la somme de 200 000 € correspondant à un trop payé au titre de l’exercice 2014 ;
ATTENDU qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; que le premier acte de la mise en jeu de la responsabilité du comptable correspond à la notification du réquisitoire, intervenu en l’espèce le 25 juillet 2017 pour M. X ;
En ce qui concerne le contrôle sélectif des dépenses
ATTENDU qu’en application du deuxième alinéa de l’article 60-IX de la loi du 23 février 1963, les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du paragraphe VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse totale des sommes mises à leur charge s’ils ont respecté les règles de contrôle sélectif des dépenses ; que cette condition est déterminée « sous l’appréciation du juge des comptes » ;
ATTENDU que le comptable a produit un plan de contrôle hiérarchisé des dépenses, adopté le
4 décembre 2012 par la direction départementale des finances publiques pour l’exercice 2013 ; que ce plan était rapportable sur l’exercice 2014 conformément aux documents produits par le comptable ; que ce dernier indique explicitement que « les pièces en cause devaient être contrôlées de façon exhaustive » ; qu’ainsi le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense n’a pas été respecté ;
Par ces motifs :
DÉCIDE
Article 1er : Au titre de la charge n° 1, et de l’exercice 2013, M. X est constitué débiteur de la commune de La Valette du Var pour la somme de 1 150 000 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 25 juillet 2017 ;
Article 2 : Au titre de la charge n° 2, et de l'exercice 2014, M. X est constitué débiteur de la commune de La Valette du Var pour la somme de 200 000 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 25 juillet 2017 ;
Article 3 : Lors du paiement des dépenses au titre des charges n° 1 et 2 pour lesquelles,
M. X a été constitué débiteur, le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense en vigueur n’a pas été respecté ;
Article 4 : Il est sursis à la décharge de M. X au titre de sa gestion des exercices 2013 à 2015 au 9 juillet, jusqu’à apurement des débets prononcés à son encontre par le présent jugement.
Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur, le cinq avril deux mille dix-huit.
Présents : M. Daniel Gruntz, président de séance, président de section, MM. Megy et Corsi, premiers conseillers.
La greffière de séance,
Bérénice BAH |
Le président de séance,
Daniel GRUNTZ |
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La République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de leur notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.
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