rapport n° 2018-0093

commune de panissage (isère)

jugement rectifie 2018-0011

trésorerie de la tour du pin

audience publique du 20 avril 2018

code n° 038 123 293

délibérés du 20 avril 2018

et du 8 juin 2018

exercices 2012 à 2015

Prononcé le  8 juin 2018

 

 

 

 

 

République française

 

Au nom du peuple français

 

La chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-ALPES
(Statuant en sections réunies)

 

Vu le réquisitoire en date du 12 janvier 2018, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de MM. Philippe  et Nicolas Y..., comptables successifs de la commune de Panissage sur les exercices 2012 à 2015 ;

VU les courriers de notification du réquisitoire en date du 2 février 2017 dont les parties ont accusé réception le 5 février 2018 ;

VU l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

VU le code des juridictions financières ;

VU le code général des collectivités territoriales ;

VU le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

VU le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

VU les observations écrites présentées par M. Nicolas Y..., enregistrées au greffe le 12 mars et le 13 avril 2018 ;

VU les observations écrites présentées par M. Philippe X..., enregistrées au greffe le 15 mars 2018 ;

VU le rapport de M. Olivier LEROY, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;

Vu les pièces du dossier ;

Entendu lors de l’audience publique du 20 avril 2018, M. Olivier LEROY, premier conseiller, en son rapport, Mme Marie-Odile ALLARD, procureur financier, en ses conclusions ainsi qu’en dernier M. Nicolas Y..., comptable mis en cause, en ses observations orales ;

Entendu en délibéré M. Joris MARTIN, conseiller, réviseur, en ses observations ;

Après avoir délibéré hors la présence du public, du rapporteur et du procureur financier ;

 

Sur la première présomption de charge, soulevée à l’encontre de M. Nicolas Y... au titre des exercices 2014 et 2015

Sur les réquisitions du ministère public,

Attendu qu’en son réquisitoire, le procureur financier relève que le comptable mis en cause a payé au cours des exercices 2014 et 2015 deux mandats pour solde du lot n°2 « Maçonnerie – Serrurerie » du marché public de travaux passé selon une procédure adaptée pour l’aménagement des abords de l’église notifié le 16 janvier 2014 par la commune de Panissage, sans que ne soit jointe à ces mandats la décision de réception prise par l'autorité compétente ;

Attendu que le représentant du ministère public relève que la décision de réception figure dans la liste des pièces justificatives à produire pour le paiement du solde d’un marché public de travaux passé en procédure adaptée, prévue par l’annexe I à l’article D.1617-19 du code général des collectivités territoriales, aux rubriques 424 et 43252 de la nomenclature ;

Attendu que le représentant du ministère public considère qu’en ayant néanmoins procédé au paiement des mandats soldant le marché, M. Nicolas Y... semble avoir manqué à son devoir de contrôler la validité de la dette et est susceptible d’avoir engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ; qu’il se trouverait ainsi dans le cas prévu par les dispositions de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 et des articles 18 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ; qu’il y a lieu en conséquence d’ouvrir l’instance prévue au III de l’article L. 2424 du code des juridictions financières aux fins de déterminer les responsabilités encourues ;

 

Sur les observations de M. Nicolas Y..., comptable mis en cause,

Attendu que par courriel enregistré au greffe le 12 mars 2018, M. Nicolas Y... ne conteste pas l’absence d’une des pièces justificatives prévues par la réglementation précitée pour le paiement du solde d’un marché public de travaux passé en procédure adaptée ; qu’il précise à la juridiction être issu de la filière fiscale et avoir pu être confronté au manque de rigueur de la commune ;

Attendu qu’en ses observations écrites et orales, M. Nicolas Y... fait valoir que si l’existence d’un manquement était retenue à son encontre, ce dernier n’aurait pas causé de préjudice financier à la commune de Panissage, comme l’atteste le maire de la commune ;

 

Sur la charge présumée,

Attendu que la présomption de charge formulée au réquisitoire est fondée sur le paiement des mandats de solde du lot n°2 du marché pour l’aménagement des abords de l’église de Panissage ; que, selon les termes du réquisitoire, le comptable en fonctions à la date de paiement des mandats de soldes aurait dû exiger la production de la décision de réception des travaux ;

Attendu que le réquisitoire attribue à M. Nicolas Y... la prise en charge des deux mandats portant paiement du solde du lot n° 2 ;

 

Sur la responsabilité du comptable,

Attendu que l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 dispose que, « I. - (…) les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables (…) du paiement des dépenses, (…), de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils dirigent. / (…) La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu'une dépense a été irrégulièrement payée (…) » ;

Attendu que le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 dispose en son article 18 que dans le poste comptable qu'il dirige, le comptable public est seul chargé «  7° - du paiement des dépenses, soit sur ordre émanant des ordonnateurs, soit au vu des titres présentés par les créanciers, soit de leur propre initiative » et « 11° - de la conservation des pièces justificatives des opérations transmises par les ordonnateurs et des documents de comptabilité » ; qu’en son article 19, ce décret dispose que contrôle des comptables publics porte « sur la validité de la dette dans les conditions prévus à l’article 20 » ;

Attendu que l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales dispose que, « Avant de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales (…) ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I du présent code » ; que la sous-rubrique 424 de la nomenclature indique que les pièces à produire sont alors celles prévues à la rubrique 43 pour les marchés publics passés selon une procédure formalisée ; que pour le paiement du solde des marchés, la sous-rubrique 43252 mentionne que doivent être produits la décision de réception prise par l'autorité compétente ou à défaut la proposition du maître d'œuvre ou décision de justice portant date d'effet de la réception, le décompte général et définitif, la situation, le relevé, le mémoire ou la facture justifiant le décompte ;

Attendu que M. Nicolas Y..., a pris en charge deux mandats, l’un sur l’exercice 2014, l’autre sur l’exercice 2015, portant paiement du solde d’un marché pour un montant global de 1 470,58  ;

Attendu que la décision de réception des travaux n’a pas été produite à l’appui de ces mandats ;

Attendu qu’ainsi M. Nicolas Y... a manqué à son obligation de contrôle de la validité de la créance telle définie par l’article 20 du décret relatif à la gestion budgétaire et comptable public précité ; que sa responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve ainsi engagée à hauteur de 1 470,58 €;

 

Sur le préjudice financier pour la commune de Panissage,

Attendu qu’il ne résulte pas de l’instruction que les travaux de ce lot n’aient pas été réalisés dans les délais contractuels de sorte qu’il y aurait lieu d’appliquer des pénalités de retard ; que dès lors, le paiement du solde du marché, bien qu’irrégulier au regard de la législation comptable, a eu pour effet d’éteindre une dette exigible de la collectivité ; que dans ces conditions, le manquement du comptable doit être regardé comme n’ayant pas causé de préjudice financier à la commune de Panissage ;

Sur la somme non-rémissible susceptible d’être laissée à la charge du comptable mis en cause,

Attendu que le § VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 dispose que « Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n'a pas causé de préjudice financier à l'organisme public concerné, le juge des comptes peut l'obliger à s'acquitter d'une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en Conseil d'État en fonction du niveau des garanties mentionnées au II » ;

Attendu que sur les exercices en jugement, le montant du cautionnement du poste comptable s’établissait à 110 000 € ; que dès lors, la somme susceptible d’être laissée à la charge de M. Nicolas Y... ne saurait excéder le montant de 165 € ;

Attendu qu’en faisant une juste appréciation des circonstances de l’espèce, dont en particulier le caractère non récurent du manquement, il y a lieu pour la chambre régionale des comptes de laisser à la charge de M. Nicolas Y... une somme non rémissible de 100 € au titre de la première charge élevée par le réquisitoire du procureur financier ;

 

 

Sur la seconde présomption de charge, soulevée à l’encontre de M. Philippe X... au titre de l’exercice 2014

Sur les réquisitions du ministère public,

Attendu qu’en son réquisitoire, le procureur financier relève que le comptable mis en cause a payé au cours de l’exercice 2014 douze mandats pour le remplacement de personnels de la commune de Panissage d’un montant total de 10 536,03 €, sans que ne leur soit jointe la délibération de la commune autorisant la conclusion d’une convention avec le centre de gestion de l’Isère pour la mise à disposition des agents de remplacement 

Attendu que le représentant du ministère public relève que la décision de la commune figure dans la liste des pièces justificatives à produire lors d’une mise à disposition de personnel par une autre collectivité publique, prévue par l’annexe I à l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, à la rubrique 2164 de la nomenclature ;

Attendu que le procureur financier considère dès lors que le comptable, avant de prendre en charge et payer les mandats pour le remplacement de personnels, devaient veiller à ce que lui soit produite la pièce lui permettant de vérifier que la dépense devait être réglée ;

Attendu que le représentant du ministère public considère qu’en ayant néanmoins procédé au paiement des mandats pour le remplacement de personnels, M. Philippe X... semble avoir manqué à son devoir de contrôle de la validité de la dette et est susceptible d’avoir engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire et qu’il se trouverait ainsi dans le cas prévu par les dispositions de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 et des articles 18 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ; qu’il y a lieu en conséquence d’ouvrir l’instance prévue au III de l’article L. 2424 du code des juridictions financières aux fins de déterminer les responsabilités encourues ;

 

Sur les observations de M. Philippe X..., comptable mis en cause,

Attendu que par courriel enregistré au greffe le 15 mars 2018, M. Philippe X... ne conteste pas l’absence d’une des pièces justificatives prévues par la réglementation précitée pour le paiement des mandats pour le remplacement de personnels ; qu’il fait part de sa difficulté à apporter des réponses à la juridiction du fait de la suppression de la trésorerie de Virieu et de la perte des archives lors du déménagement de la trésorerie ; qu’il indique à ce titre que le contrôle des paies reposait sur un tableur commun qui permettait de s’assurer de la présence des pièces justificatives nécessaires ; que celles-ci étaient conservées dans les dossiers individuels des agents et, lorsqu’elles étaient produites en double, jointes au mandat ;

Attendu ainsi que M. Philippe X... n’est pas en mesure de produire la délibération précitée mais n’exclut pas qu’elle ait pu figurer dans le dossier des agents concernés ; qu’il fait valoir que si un manquement était retenu à son encontre, ce dernier n’aurait pas causé de préjudice financier à la collectivité dans la mesure où les agents de remplacement ont répondu à un réel besoin afin notamment de pallier l’absence de la secrétaire générale ;

 

Sur la charge présumée,

Attendu que la présomption de charge formulée au réquisitoire est fondée sur le paiement des mandats portant remboursement de la rémunération des agents mis à disposition par le centre de gestion de la fonction public territorial de l’Isère; que selon les termes du réquisitoire, le comptable en fonctions à la date de prise en charge des mandats aurait dû exiger la production de la délibération autorisant la commune à accueillir des agents remplaçants mis à disposition par le centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale de l’Isère ;

 

Sur la responsabilité du comptable,

Attendu que l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 dispose que, « I. - (…) les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables (…) du paiement des dépenses, (…), de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils dirigent. / (…) La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu'une dépense a été irrégulièrement payée (…) » ;

Attendu que selon l’article 20 décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable public, le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte notamment sur « 2° - l'exactitude de la liquidation » et « 5° - la production des pièces justificatives » ;

Attendu que l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales dispose que, « Avant de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales (…) ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I du présent code » ;

Attendu qu’en ce qui concerne la mise à disposition de personnel par une autre collectivité publique, la rubrique 2164 de la nomenclature exige la production au comptable public d’une délibération autorisant la conclusion de la convention ;

Attendu que M. Philippe X..., a pris en charge douze mandats pour le remplacement de personnels pour un montant global de 10 536,03 € ;

Attendu que la décision de la commune de recourir à ces personnels par convention avec le centre de gestion de l’Isère n’a pas été produite à l’appui de ces mandats ;

Attendu qu’ainsi M. Philippe X... a manqué à son obligation de contrôle de la validité de la dette telle que définie par l’article 20 du décret du 7 novembre 2012 précité; qu’il y a lieu d’engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire à ce titre sur lexercice 2014 à hauteur de 10 536,03 €;

 

Sur le préjudice financier,

Attendu que le § VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 dispose notamment que  « lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public, l'organisme public a dû procéder à l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers ou a dû rétribuer un commis d'office pour produire les comptes, le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;

Attendu que dans sa réponse du 12 mars 2018, le comptable communique un courriel de l’ordonnateur qui affirme que les personnels ont bien été mis à disposition ; qu’il résulte toutefois de la jurisprudence de la Cour des comptes que, s’il est en principe nécessaire que le service fait soit attesté pour qu’un manquement ne soit pas considéré comme ayant causé un préjudice financier, à l’inverse, il ne suffit pas d’une telle attestation pour écarter l’existence d’un préjudice financier causé par un manquement ;

Attendu qu’en l’absence de délibération du conseil municipal pour recourir à des personnels de remplacement, la volonté de l’organe délibérant ne peut être attestée ; qu’il en résulte que les rémunérations versées aux agents de remplacement au cours de l’exercice 2014 ne peuvent être considérées comme dues ; que le paiement d’une dépense indue cause nécessairement un préjudice financier pour la collectivité ;

 

Attendu qu’il résulte de ce qui précède, qu’il y a lieu, en conséquence, de prononcer un débet à l’encontre de Philippe X..., et de mettre à sa charge une somme de 10 536,03 € de même montant que les dépenses irrégulièrement payées ; qu’en application des dispositions de l’article 60-IX de la loi précitée du 23 février 1963, ledit débet de 10 536,03 € porte intérêts de droit à compter de la date de réception du réquisitoire intervenue le 5 février 2018 ;

 

Sur la troisième présomption de charge, soulevée à l’encontre de M. Philippe X... et M. Nicolas Y... au titre des exercices 2012 à 2015

Sur les réquisitions du ministère public,

Attendu qu’en son réquisitoire, le procureur financier relève que les comptables mis en cause ont payé au cours des exercices 2012 à 2015 plusieurs mandats pour les salaires de Mme Sandrine Z..., recrutée par la commune de Panissage en qualité d’agent contractuel de recensement et d’animation, sans que ne puisse être produit le contrat de travail à durée déterminée de l’intéressée ;

Attendu que le représentant du ministère public relève que le contrat de travail d’un agent non-titulaire figure dans la liste des pièces justificatives à produire pour le premier paiement de sa rémunération, prévu par l’annexe I à l’article D.1617-19 du code général des collectivités territoriales, à la rubrique 21011 de la nomenclature ;

Attendu que le procureur financier considère dès lors que les comptables, avant de prendre en charge et payer les mandats pour la rémunération de Mme Sandrine Z..., devaient veiller à ce que leur soit produite la pièce leur permettant de vérifier que la dépense devait être réglée ;

Attendu que le représentant du ministère public considère qu’en ayant néanmoins procédé au paiement des mandats pour la rémunération de Mme Sandrine Z..., M. Philippe X... et M. Nicolas Y... semblent avoir manqué à leur devoir de contrôle de la liquidation de cette dépense et sont susceptibles d’avoir engagé leurs responsabilités personnelles et pécuniaires et qu’ils se trouveraient ainsi dans le cas prévu par les dispositions de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 et des articles 18 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ; qu’il y a lieu en conséquence d’ouvrir l’instance prévue au III de l’article L. 2424 du code des juridictions financières aux fins de déterminer les responsabilités encourues ;

 

Sur les observations des comptables mis en cause,

Attendu que par courriel enregistré au greffe le 15 mars 2018, M. Philippe X... ne conteste pas l’absence d’une des pièces justificatives prévues par la réglementation précitée pour le paiement des mandats de rémunération d’un agent contractuel mais considère que la collectivité n’a pas subi de préjudice financier dans la mesure où le travail de Mme Z... a répondu à un besoin de la collectivité ;

Attendu que par courriels enregistrés au greffe les 12 mars et 13 avril 2018, M. Nicolas  Y... a confirmé avoir pris en charge seize mandats entre 2014 et 2015 en l’absence du contrat de travail de Mme Sandrine Z... ; que toutefois, il indique avoir pu s’appuyer lors de son contrôle sur un contrat de travail daté du 3 septembre 2012, non signé, pour la période du 4 septembre 2012 au 31 août 2013 indiquant les conditions de rémunération de l'agent contractuel, ainsi que sur un arrêté du maire de Panissage daté du 8 décembre 2014, également non signé, relatif aux conditions du versement de l’indemnité de mission des préfectures ; qu’il a également produit un contrat de travail signé le 2 mai 2016 entre Mme Sandrine Z... et le SIVU des écoles publiques primaire et maternelle de Virieu, Blandin, Panissage et Chassignieu ;

Attendu que M. Nicolas Y... fait également valoir que la commune de Panissage n’a pas subi de préjudice financier, l’agent ayant bien réalisé les tâches lui ayant été attribuées comme en atteste le maire de la commune ;

Attendu en outre qu’en ses observations orales lors de l’audience publique, M. Nicolas Y... expose que les fiches de paye peuvent valoir contrat de travail ou du moins servir de justificatif d’un lien de travail au civil ;

Attendu enfin que ce dernier rappelle que selon lui, l’existence d’un plan de contrôle sélectif de la dépense invite à procéder uniquement au contrôle des points mentionnés dans ce plan et non à procéder à un contrôle exhaustif des thèmes non cités comme le soutient le procureur financier en ses conclusions ;  

Sur la charge présumée,

Attendu que la présomption de charge formulée au réquisitoire est fondée sur le paiement des mandats portant rémunération d’un agent contractuel ; que selon les termes du réquisitoire, les comptables en fonctions à la date de paiement des mandats auraient dû exiger la production du contrat de travail signé entre Mme Sandrine Z... et la commune de Panissage ;

Attendu que le réquisitoire attribue à M. Philippe X... pour la période du 1er janvier 2012 au 31 août 2014 et à M. Nicolas Y... pour la période du 1er septembre 2014 au 31 décembre 2015, le paiement des mandats portant rémunération de Mme Sandrine Z... ;

Sur la responsabilité des comptables,

Attendu que l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 dispose que, « I. - (…) les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables (…) du paiement des dépenses, (…), de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils dirigent. / (…) La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu'une dépense a été irrégulièrement payée (…) » ;

Attendu que le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2012, dispose à son article 19 que les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des opérations dont ils sont chargés aux termes de l'article 11 ainsi que de l'exercice régulier des contrôles prévus aux articles 12 et 13 ; que l’article 11 indique que les comptables publics sont seuls chargés du paiement des dépenses sur ordres émanant des ordonnateurs accrédités ; que l’article 12 dispose que les comptables publics sont tenus d'exercer, en matière de dépenses, le contrôle de la validité de la créance dans les conditions prévues à l'article 13, cet article précisant que le contrôle des comptables publics sur la validité de la créance porte notamment sur l'exactitude des calculs de liquidation ;

Attendu que selon l’article 20 décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable public, le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte notamment sur « 2° - l'exactitude de la liquidation » et « 5° - la production des pièces justificatives » ;

Attendu que l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales dispose que, « Avant de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de réquisition, les comptables publics des collectivités territoriales (…) ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I du présent code » ;

Attendu que le contrat de travail à durée déterminée figure dans la liste des pièces justificatives à produire pour le premier paiement de la rémunération d’un agent contractuel, prévue par l’annexe I à l’article D.1617-19 du code général des collectivités territoriales, à la rubrique 21011 de la nomenclature;

Attendu que M. Philippe X... a pris en charge vingt-quatre mandats pour la rémunération de Mme Sandrine Z... pour un montant de 500,52 € sur l’exercice 2012, 2 211,05 € sur l’exercice 2013 et 847,68 € sur l’exercice 2014 ;

Attendu que M. Nicolas Y... a pris en charge seize mandats pour la rémunération de Mme Sandrine Z... pour un montant de 629,71 € sur l’exercice 2014 et 1 442,32 ;

Attendu que le contrat de travail de Mme Sandrine Z... n’a pas été produit à l’appui de ces mandats ;

Attendu qu’ainsi M. Philippe X... et M. Nicolas Y... ont manqué à leur obligation de contrôle de la validité de la dette ; qu’il y a lieu à engager leurs responsabilités personnelles et pécuniaires à ce titre sur les exercices 2012 à 2015 à hauteur des montants précités ;

Sur le préjudice financier pour la commune de Panissage,

 

Attendu que le § VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 dispose notamment que «lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public, l'organisme public a dû procéder à l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers ou a dû rétribuer un commis d'office pour produire les comptes, le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;

 

Attendu que dans sa réponse enregistrée le 12 mars 2018, M. Nicolas Y... a communiqué un courriel de l’ordonnateur qui certifie que Mme Sandrine Z... a bien travaillé  pour la commune de Panissage en 2014 et 2015 ; qu’il résulte toutefois de la jurisprudence de la Cour des comptes que, s’il est en principe nécessaire que le service fait soit attesté pour qu’un manquement ne soit pas considéré comme ayant causé un préjudice financier, à l’inverse, il ne suffit pas d’une telle attestation pour écarter l’existence d’un préjudice financier causé par un manquement ;

 

Attendu qu’en l’absence de contrat de travail signé entre Mme Sandrine Z... et la commune de Panissage, aucun document n’établit les droits de l’agent ; qu’à cet égard, les bulletins de salaire ne suffisent pas à établir les droits de l’intéressée ; qu’il en résulte que les rémunérations versées à Mme Sandrine Z... au cours des exercices 2014 et 2015 revêtent un caractère indu et ont ainsi causé un préjudice financier à la commune de Panissage ;

 

Attendu qu’il résulte de ce qui précède, qu’il y a lieu, en conséquence, de prononcer un débet à l’encontre de M. Philippe X..., et de mettre à sa charge, au titre des exercices 2012 à 2014, une somme de 3 559,25 € de même montant que les dépenses irrégulièrement payées ; qu’en application des dispositions de l’article 60-IX de la loi précitée du 23 février 1963, ledit débet de 3 559,25 € porte intérêts de droit à compter de la date de réception du réquisitoire intervenue le 5 février 2018 ;

 

Attendu qu’il résulte de ce qui précède, qu’il y a lieu, en conséquence, de prononcer un débet à l’encontre de M. Nicolas Y..., et de mettre à sa charge, au titre des exercices 2014 et 2015, une somme de 2 072,03 € de même montant que les dépenses irrégulièrement payées ; qu’en application des dispositions de l’article 60-IX de la loi précitée du 23 février 1963, ledit débet de 2 072,03 € porte intérêts de droit à compter de la date de réception du réquisitoire intervenue le 5 février 2018 ;

 

Sur le respect du plan de contrôle sélectif de la dépense,

Attendu que l’article 60-IX de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 dispose que « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l'appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l'obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ;

Attendu que M. Philippe X... a produit le plan de contrôle sélectif de la dépense applicable sur les exercices 2011 à 2014 ; que ce plan ne distingue pas de manière explicite les catégories de dépenses soumises à un contrôle exhaustif et celles soumises à un contrôle sélectif comme le prévoit l’arrêté du 25 juillet 2013 ; que, parmi les dépenses de personnels, seul le compte 648 « autres charges » est mentionné ; qu’ainsi en l’absence de contrôles prévus s’agissant de la catégorie des dépenses de personnels, ces dernières devaient faire l’objet d’un contrôle exhaustif ; qu’en conséquence, le plan de contrôle sélectif des dépenses n’a pas été respecté ; que dès lors, le ministre chargé du budget ne pourra pas faire remise gracieuse totale des débets mis à la charge de M. Philippe X... au titre des charges n°2 et n°3 et du débet mis à la charge de M. Nicolas Y... au titre de l’exercice 2014 s’agissant de la troisième charge ; 

Attendu que le plan de contrôle hiérarchisé de la commune de Panissage pour l’exercice 2015 transmis par M. Nicolas Y... dans sa réponse enregistrée le 13 avril 2018 prévoit, concernant la paie des agents titulaires et non titulaires, un contrôle mensuel limité aux entrants et sortants, ainsi qu’au supplément familial de traitement et variation de rémunération supérieur à 5% ; que dès lors, les autres éléments de la catégorie des dépenses de personnel n’avaient pas à faire l’objet d’un contrôle ;

Attendu que Mme Sandrine Z... n’était en 2015 ni entrante ni sortante de la collectivité ; qu’en conséquence, le plan de contrôle sélectif de la paye a été respecté ; que dès lors, le ministre chargé du budget pourra faire remise gracieuse totale du débet prononcé à l’encontre de M. Nicolas Y... sur l’exercice 2015 au titre de la troisième charge ;

 

                                                          Par ces motifs

Décide

Article 1 : Il est prononcé une somme non rémissible de cent euros (100 €) à l’encontre de M. Nicolas Y... sur les exercices 2014 et 2015 au titre de la première charge ;

Article 2 : M. Philippe X... est constitué débiteur de la commune de Panissage d’une somme de 10 536,03 €, augmentée des intérêts de droit calculés au taux légal à compter du 5 février 2018, sur l’exercice 2014 au titre de la seconde charge ;

Article 3 : M. Philippe X... est constitué débiteur de la commune de Panissage d’une somme de 500,52 €, augmentée des intérêts de droit calculés au taux légal à compter du 5 février 2018, sur l’exercice 2012 au titre de la troisième charge ;

Article 4 : M. Philippe X... est constitué débiteur de la commune de Panissage d’une somme de 2 211,05 €, augmentée des intérêts de droit calculés au taux légal à compter du 5 février 2018, sur l’exercice 2013 au titre de la troisième charge ;

Article 5 : M. Philippe X... est constitué débiteur de la commune de Panissage d’une somme de 847,68 €, augmentée des intérêts de droit calculés au taux légal à compter du 5 février 2018, sur l’exercice 2014 au titre de la troisième charge ;

Article 6 : M. Philippe X... ne pourra pas obtenir remise gracieuse totale du ministre chargé du budget au titre des débets ainsi mis à sa charge ;

Article 7 : M. Nicolas Y... est constitué débiteur de la commune de Panissage d’une somme de 629,71 €, augmentée des intérêts de droit calculés au taux légal à compter du 5 février 2018, sur l’exercice 2014 au titre de la troisième charge ;

Article 8 : M. Nicolas Y... ne pourra pas obtenir remise gracieuse totale du ministre chargé du budget au titre du débet mis à sa charge sur l’exercice 2014 au titre de la troisième charge ;

Article 9 : M. Nicolas Y... est constitué débiteur de la commune de Panissage d’une somme de 1 442,32 €, augmentée des intérêts de droit calculés au taux légal à compter du 5 février 2018, sur l’exercice 2015 au titre de la troisième charge ;

Article 10 : M. Nicolas Y... pourra obtenir une remise gracieuse totale du ministre chargé du budget au titre du débet mis à sa charge sur l’exercice 2015 au titre de la troisième charge ;

 

Article 11 : M. Philippe X... ne pourra être déchargé et déclaré quitte de sa gestion du 1er janvier 2012 au 31 août 2014 qu’après avoir justifié de l’apurement, en principal et intérêts, des débets prononcés à son encontre ;

 

Article 12 : M. Nicolas Y... ne pourra être déchargé et déclaré quitte de sa gestion du 1er septembre 2014 au 31 décembre 2015 qu’après avoir justifié du paiement de la somme laissée à sa charge et de l’apurement, en principal et intérêts, des débets prononcés à son encontre ;

Fait et jugé par M. Guy DUGUEPEROUX, Président de section, Président de séance ; M. Alain LAÏOLO, Président de section ; M. Michel BON, premier conseiller, M. Franck PATROUILLAULT, m. Nicolas Billebaud, conseillers.

En présence de Mme Catherine PORTRON, greffière de séance.

 

 

La greffière de séance

Le président de séance

 

 

 

 

 

 

 

 

Catherine PORTRON

Guy DUGUEPEROUX

 

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

 

En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.

1/11 – jugement n° 2018-0011