Chambre Jugement n° 2018-0025 Audience publique du 31 mai 2018 Prononcé du 14 juin 2018 | COMMUNE DE BONNEUIL-EN-VALOIS (Oise) Poste comptable : CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES DE CRÉPY-EN-VALOIS Exercice 2015 |
République française
Au nom du peuple français
La chambre,
Vu l’arrêté de charge provisoire pris par le chef du pôle interrégional d’apurement administratif de Rennes le 13 décembre 2017 à l’encontre de Mme Sylvie X pour sa gestion au titre de l’exercice 2015 concernant les comptes de la commune de Bonneuil-en-Valois, enregistré au ministère public près la chambre régionale des comptes Hauts-de-France le 29 décembre 2017 ;
Vu le réquisitoire en date du 17 janvier 2018 par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de
Mme Sylvie X, comptable de la commune de Bonneuil-en-Valois, au titre d’opérations effectuées sur l’exercice 2015, notifié le 5 février 2018 ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable de la commune de Bonneuil-en-Valois par Mme Sylvie X du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
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Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu l’arrêté du 25 juillet 2013 portant application du premier alinéa de l’article 42 du
décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique et encadrant le contrôle sélectif de la dépense ;
Vu le rapport de M. Michel Demarquette, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions du procureur financier ;
Vu les pièces du dossier et, notamment, les pièces produites par Mme Sylvie X;
Entendus lors de l’audience publique du 31 mai 2018, M. Michel Demarquette, premier conseiller, en son rapport, et M. Fabrice Navez, procureur financier, en les conclusions du ministère public ; Mme Sylvie X, comptable mise en cause, et M. Gilles Y, ordonnateur en fonctions, informés de l’audience, n’étant ni présents ni représentés ;
Entendu en délibéré, M. Matthieu Ly Van Luong, premier conseiller, réviseur, en ses observations ;
Sur la présomption de charge unique, soulevée à l’encontre de Mme Sylvie X, au titre de l’exercice 2015 :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes Hauts-de-France de la responsabilité encourue par Mme Sylvie X pour avoir procédé au paiement, par divers mandats de paie émis en 2015, repris en annexe I, d’une prime dénommée « indemnité spéciale » au bénéfice d’un agent de la commune de Bonneuil-en-Valois, en l’absence de délibération du conseil municipal fixant les conditions d’attribution de cette prime et de la décision de l’autorité détentrice du pouvoir de nomination fixant le taux de celle-ci, pour un montant de 1 788,00 € au titre de l’exercice 2015 ;
Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations
Sur le droit applicable
Attendu qu’aux termes des dispositions du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 « […] les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables […] du paiement des dépenses […]. Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière […] de dépenses […] dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors […] qu’une dépense a été irrégulièrement payée […] » ;
Attendu que l’article 19 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, prévoit qu’il incombe aux comptables, notamment, s’agissant des ordres de payer, d’exercer le contrôle « […] de la validité de la dette dans les conditions prévues à l’article 20 » ; que l’article 20 du même décret précise que « Le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : 1° La justification du service fait ; 2° L’exactitude de la liquidation ; 3° L’intervention des contrôles préalables prescrits par la réglementation ; […] ;
5° La production des pièces justificatives ; 6° L’application des règles de prescription et de déchéance. » ;
Attendu qu’aux termes de la rubrique 210223 « Primes et indemnités » de l’annexe I de
l’article D. 1617‑19 du code général des collectivités territoriales, le comptable doit être en possession, au moment du paiement, des pièces justificatives suivantes : « 1. Décision de l’assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen des indemnités ; 2. Décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination fixant le taux applicable à chaque agent » ;
Sur les faits
Attendu qu’il résulte de l’instruction que la comptable mise en cause ne disposait pas, au moment des paiements, d’une délibération du conseil municipal fixant les conditions d’attribution de l’indemnité spéciale ni de la décision de l’autorité détentrice du pouvoir de nomination fixant le taux de cette indemnité ; que dès lors, la comptable ne s’est pas assurée de disposer de l’ensemble des pièces justificatives requises pour contrôler la validité de la dette ; qu’ainsi, en l’absence de justifications suffisantes, Mme Sylvie X aurait dû suspendre le paiement considéré et demander toutes précisions à l’ordonnateur, conformément à l’article 38 du
décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 susvisé ; qu’elle a donc manqué à ses obligations de contrôle de validité de la dette et a ainsi engagé sa responsabilité au titre de l’article 60 de la
loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
Attendu que, selon l’article 60 susvisé de la loi du 23 février 1963 modifiée, « la responsabilité personnelle et pécuniaire prévue au I est mise en jeu par le ministre dont relève le comptable, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes dans les conditions qui suivent » ; que « lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné […] le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
Attendu que la comptable, pour démontrer l’absence de préjudice, fait valoir que cette prime a été budgétée à compter de l’exercice 1991 et qu’il s’agirait d’une indemnité de travaux versée au titre des avantages acquis depuis cette date sur la base du troisième alinéa de l’article 111 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Attendu que l’ordonnateur précise, dans une attestation qu’il a remise à la comptable, que le salarié a perçu une indemnité de travaux depuis février 1991 et que cette indemnité a pris le nom de prime spéciale suite à un changement de logiciel ;
Attendu que, cependant, ces moyens doivent être écartés dans la mesure où la volonté de l’organe délibérant de verser cette prime n’est pas établie ;
Attendu que, conformément à une jurisprudence constante (Cour des comptes, n° 69575 du 10 avril 2014, communauté de communes du Saint-Affricain), le constat de l’existence, ou non, d’un préjudice financier relève de la seule appréciation du juge des comptes ; qu’un préjudice financier résulte, notamment, du paiement d’une dépense indue donnant lieu à une constatation dans la comptabilité de l’organisme et se traduisant par un appauvrissement patrimonial de la personne publique ;
Attendu que le défaut de contrôle de la validité de la dette a conduit la comptable mise en cause à payer une dépense qui n’aurait pas dû l’être compte tenu de l’absence de pièces fondant juridiquement la dépense et traduisant la volonté de l’organe délibérant de verser cette prime ; qu’ainsi, le manquement de la comptable a causé un préjudice à la commune de
Bonneuil-en-Valois ;
Attendu qu’il y a donc lieu de constituer Mme Sylvie X débitrice de la commune de Bonneuil-en-Valois pour la somme de 1 788 € au titre de sa gestion au cours de l’exercice 2015 ; qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le
5 février 2018, date à laquelle Mme Sylvie X a eu connaissance, de façon certaine, de l’existence du réquisitoire ;
Sur le respect des règles de contrôle sélectif de la dépense
Attendu que le IX de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée dispose que « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l’appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l’obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI (…) » ;
Attendu qu’il résulte de l’instruction qu’un plan de contrôle sélectif de la dépense relatif à
l’exercice 2015, pour la commune de Bonneuil-en-Valois, a été établi par la comptable et visé par la direction départementale des finances publiques de l’Oise ; que ledit plan prévoit le « contrôle obligatoire (a priori ou a posteriori) des entrants (exhaustif) et des indemnités des élus (par sondage), contrôle indicatif par sondage, a priori et/ou a posteriori, sur des thèmes » mais qu’aucune annexe au plan de contrôle ne vient préciser les thèmes sur lesquels lesdits contrôles par sondage doivent être effectués ; qu’ainsi, l’imprécision de ce plan ne permet pas de déterminer les conditions dans lesquelles le plan de contrôle devait être mis en œuvre ; que, dès lors, les mandats concernés auraient dû faire l’objet d’un contrôle exhaustif ; qu’ainsi, la remise gracieuse susceptible d’être accordée par le ministre chargé du budget ne pourra avoir pour effet de laisser à la charge de la comptable une somme inférieure à trois pour mille du cautionnement de 177 000 € lié au poste comptable, soit, en l’espèce, 531 € ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1 : Au titre de l’exercice 2015, sur la présomption de charge unique :
Mme Sylvie X est constituée débitrice de la commune de
Bonneuil-en-Valois de la somme de 1 788 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 5 février 2018.
Article 2 : La remise gracieuse du débet fixé à l’article 1 ci-dessus, susceptible d’être accordée par le ministre chargé du budget, ne pourra avoir pour effet de laisser à la charge du comptable une somme inférieure à trois pour mille du cautionnement de 177 000 € lié au poste comptable, soit 531 €.
Article 3 : La décharge de Mme Sylvie X du 1er janvier au 31 décembre 2015 ne pourra être donnée par le pôle interrégional d’apurement administratif de Rennes, autorité compétente, qu’après apurement du débet fixé à l’article 1 ci-dessus.
Fait et jugé par M. Sylvain Huet, président de séance, MM. Jean-Bernard Mattret, Denis Bonnelle et Matthieu Ly Van Luong, premiers conseillers, et Mme Florence Cortot, conseillère.
En présence de M. Bernard Chabé, greffier de séance.
Bernard Chabé Sylvain Huet
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à
l’article R. 242-29 du même code.
JU 2018-0025 – Commune de Bonneuil-en-Valois 1/6
ANNEXE I
Présomption de charge unique
Versement d’une prime dénommée « indemnité spéciale » à un agent de la commune
Exercice 2015
Mois | Bord. | Mandat | Date paiement | Montant (€) |
janv-15 | 1 | 6 | 27/01/2015 | 149,00 |
févr-15 | 3 | 107 | 25/02/2015 | 149,00 |
mars-15 | 6 | 128 | 25/03/2015 | 149,00 |
avr-15 | 15 | 267 | 24/04/2015 | 149,00 |
mai-15 | 23 | 352 | 22/05/2015 | 149,00 |
juin-15 | 32 | 403 | 29/06/2015 | 149,00 |
juil-15 | 42 | 509 | 27/07/2015 | 149,00 |
août-15 | 55 | 584 | 25/08/2015 | 149,00 |
sept-15 | 64 | 661 | 24/09/2015 | 149,00 |
oct-15 | 78 | 760 | 26/10/2015 | 149,00 |
nov-15 | 91 | 838 | 24/11/2015 | 149,00 |
déc-15 | 96 | 873 | 18/12/2015 | 149,00 |
Total | 1 788,00 |
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