rapport n° 2018-0086

centre hospitalier du Puy-en-velay
(Haute-loire)

jugement n° 2018-0013

Trésorerie le puy ville

audience publique du 20 avril 2018

code n° 043 023 999

délibéré du 20 avril 2018

exercice 2014

proNONCÉ LE 25 mai 2018

 

 

 

 

République française

 

Au nom du peuple français

 

La chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-ALPES
(Statuant en sections réunies)

 

Vu le réquisitoire 35-GP/2017 à fin d’instruction de charge pris le 10 juillet 2017 par le procureur financier près la chambre régionale des comptes Auvergne-RhôneAlpes pour l’exercice 2014 ;

Vu les courriers de notification du réquisitoire en date du 28 août 2017 adressés à Mme X..., comptable concernée, et à M. Jean-Marie Y..., directeur du centre hospitalier du Puy-en-Velay, dont ils ont accusé réception le 29 août 2017 ;

VU le code général des collectivités territoriales ;

VU le code des juridictions financières ;

VU l’article 60 de la loi de finances pour 1963 n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée, notamment par l’article 90 de la loi de finances rectificative n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;

VU le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du § VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifiée ;

VU le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, applicable sur l’exercice 2014;

VU les lois et règlements relatifs à la comptabilité des communes et des établissements publics locaux ;

VU l’arrêté du président de la cinquième section de la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes en date du 10 août 2017, désignant M. Franck PATROUILLAULT, conseiller, comme rapporteur pour instruire la charge identifiée dans le réquisitoire susvisé ;

VU la demande d’informations adressée le 26 janvier 2018 à Mme X..., comptable mise en cause, et à M. Y..., directeur du centre hospitalier ;

VU les observations écrites de Mme X..., enregistrées au greffe de la juridiction le 29 septembre 2017 et le 16 février 2018 ;

VU le compte produit en qualité de comptable du centre hospitalier par Mme X... pour l’exercice 2014 ;

VU le rapport n° 2017-0086 de M. Franck PATROUILLAULT, conseiller, magistrat instructeur, déposé au greffe de la chambre le 13 mars 2018 ;

VU les lettres du 19 mars 2018 informant la comptable concernée et l’ordonnateur de la clôture de l’instruction ;

VU les lettres du 26 mars 2018 informant la comptable et l’ordonnateur de la date fixée pour l’audience publique et les accusés de réception délivrés le 29 mars 2018 par M. X... et le 26 mars 2018 par M. Y... ;

Vu les conclusions n° 18-0086 du procureur financier en date du 22 mars novembre 2018 ;

Entendu en audience publique M. Franck PATROUILLAULT, conseiller, en son rapport ;

Entendu en audience publique Mme Marie-Odile ALLARD, procureur financier, en ses conclusions ;

En l’absence de la comptable concernée à l’audience ;

Après avoir délibéré hors la présence du public, du rapporteur et du procureur financier ;

Après avoir entendu en délibéré, Mme Jennifer EL-BAZ, conseillère, réviseur en ses observations ;

 

En ce qui concerne la présomption de charge unique relative au paiement sur l’exercice 2014 d’une indemnité de sujétion spéciale à des agents non-titulaires pour un montant total de 4 509,22 €

Sur les réquisitions du ministère public,

Attendu que par le réquisitoire  35-GP/2017 du 10 juillet 2017, le procureur financier près la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes a saisi la juridiction sur le fondement du § III de l’article L. 242-1 du code des juridictions financières, à fin d’ouverture d’une instance à l’encontre de Mme X... au titre de sa gestion comptable sur l’exercice 2014 du centre hospitalier du Puy-en-Velay ;

Attendu quen son réquisitoire, le procureur financier relève que la comptable mise en cause aurait pris en charge, sur l’ensemble de l’exercice 2014, des mandats de paiement au bénéfice de trois agents non-titulaires comprenant le versement mensuel de l’indemnité de sujétion spéciale, instituée par le décret  90-693 du 1er août 1990 relatif à l’attribution d’une indemnité de sujétion spéciale aux personnels de la fonction publique hospitalière, pour un montant total de 4 509,22 €, alors que le versement de cette indemnité n’était pas mentionné au contrat des agents en question et n’avait pas fait l’objet de décisions individuelles du directeur du centre hospitalier ;

Attendu que le procureur conclut de ce qui précède qu’en l’absence des pièces justificatives devant être jointes à l’appui des mandats de paiement en application de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, Mme X... paraît avoir engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ; qu’elle se trouverait ainsi dans le cas déterminé par les dispositions de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 et qu’il y a lieu, en conséquence, d’ouvrir l’instance prévue au § III de l’article L. 242-1 du code des juridictions financières aux fins de déterminer la responsabilité encourue ;

Sur les observations de Mme X...,

Attendu que dans ses observations produites à la chambre, Mme X... a confirmé ne pas avoir disposé au moment du paiement des pièces mentionnées au réquisitoire, à savoir une mention explicite au contrat des agents et une décision individuelle du directeur du centre hospitalier du Puy-en-Velay ;

Attendu que, par ailleurs, Mme X..., indique que, alors que le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense applicable prévoyait un contrôle exhaustif des nouveaux agents, son logiciel de traitement n’a pas identifié les trois agents en cause dans le réquisitoire en tant que nouveaux arrivants ;

Sur la responsabilité de la comptable,

Attendu qu’aux termes de l’article 60-I modifié de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux différentes personnes morales de droit public» ; que « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ; que « leur responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu’un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu’une recette n’a pas été recouvrée, qu’une dépense a été irrégulièrement payée » ;

Attendu que l’article 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, applicable sur l’exercice 2014, dispose que « le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : (…) 5°/ la production des pièces justificatives » ;

Attendu que l’article D. 6145-54-3 du code de la santé publique dispose que : « Les dispositions des articles D. 1611-1, D. 1617-19, D. 1617-21 et D. 1617-23 du code général des collectivités territoriales sont applicables aux établissements publics de santé » ;

Attendu qu’il résulte de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, qu’avant de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de réquisition, les comptables publics ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I du présent code ; que, pour ce qui concerne le paiement de l’indemnité de sujétion spéciale prévue par l’article 1 du décret n° 90-693 du 1er août 1990 relatif à l'attribution d'une indemnité de sujétion spéciale aux personnels de la fonction publique hospitalière, il y a lieu de se référer aux rubriques 22011 et 220223, qui disposaient que devaient être jointes au premier paiement des agents la « décision du directeur ou contrat mentionnant notamment les modalités de recrutement et les conditions d’emploi, le grade, l’échelon, l’indice de traitement, le taux horaire ou les modalités de rémunération de l’agent » et « les pièces requises pour les paiements ultérieurs », et pour les paiements ultérieurs la « décision individuelle d’attribution prise par le directeur » et « pour les agents contractuels, mention au contrat » ;

Attendu que sur l’ensemble de l’exercice 2014, Mme X... a pris en charge aux comptes 64138 « personnel sous CDI » et 64158 « personnel sous CDD » différents mandats relatifs aux paiements d’une indemnité de sujétion spéciale au profit de trois agents contractuels, pour un montant total de 4 509,22 € ;

Attendu que les contrats de travail de ces agents ont débuté au 1er janvier 2014 ; qu’ils comportent une rédaction identique de leur article 3 définissant la rémunération principale puis le régime indemnitaire, stipulant que « [l’agent] percevra en outre, le cas échéant, le supplément familial de traitement et les indemnités et primes afférentes au dit emploi » ; qu’une telle formulation ne répond pas à l’exigence de mentionner au contrat la possibilité d’attribuer l’indemnité de sujétion spéciale ; qu’au surplus il n’est pas contesté que la comptable ne disposait pas au moment du paiement de décision individuelle du directeur du centre hospitalier attribuant cette prime aux agents concernés ;

Attendu que Mme X... a ainsi procédé aux paiements incriminés sans disposer des deux pièces requises par la nomenclature des pièces justificatives alors qu’il lui revenait de suspendre les paiements dans l’attente de leur production ; qu’il en résulte donc que Mme X... a manqué à ses obligations de contrôle de la production des pièces justificatives ; que sa responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve ainsi engagée à hauteur de 4 509,22 ;

 

Sur le préjudice financier pour le centre hospitalier,

Attendu que l’article 60-VI de la loi du 23 février 1963, modifié par la loi n° 20111978 du 28 décembre 2011, dispose que, « lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n'a pas causé de préjudice financier à l'organisme public concerné, le juge des comptes peut l'obliger à s'acquitter d'une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en Conseil d'État en fonction du niveau des garanties mentionnées au II./ Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public, l'organisme public a dû procéder à l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers ou a dû rétribuer un commis d'office pour produire les comptes, le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;

Attendu que les paiements des primes objets du litige, en l’absence des deux pièces justificatives exigées par la liste des pièces justificatives, revêtent un caractère, non seulement irréguliers, mais également indus ; qu’en effet, en l’absence de décision individuelle d’attribution prise par le directeur ou de mention aux contrats des agents, il y a lieu de considérer que les droits au paiement n’ont pas été ouverts par l’autorité compétente ;

 

Attendu qu’il en résulte que les dépenses ainsi payées, du fait du manquement du comptable à ses obligations de contrôle de la validité de la dette, ont causé un préjudice financier au centre hospitalier ; qu’il y a lieu, en conséquence, de prononcer un débet à l’encontre de Mme X... et de mettre à sa charge une somme de 4 509,22 € de même montant que les dépenses irrégulièrement payées ; qu’en application des dispositions de l’article 60-IX de la loi précitée du 23 février 1963, ledit débet porte intérêts de droit à compter de la notification du réquisitoire intervenue à la date du 29 août 2017 ;

Sur le respect du plan de contrôle hiérarchisé de la dépense,

Attendu que Mme X... a produit le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense applicable sur l’exercice 2014 ; qu’il prévoyait un contrôle exhaustif des agents « entrants » et « sortants » pour l’ensemble des mois de l’exercice considéré ;

Attendu que les agents contractuels ayant bénéficié des paiements incriminés ont été recrutés par des contrats de travail débutant au 1er janvier 2014 ; que dès lors l’ensemble de leurs éléments de rémunération devait être vérifié par le comptable ;

Attendu qu’il revient au comptable de démontrer qu’il a respecté le plan de de contrôle hiérarchisé de la dépense ; qu’à ce titre Mme X... indique notamment que le logiciel de traitement du poste comptable n’a pas identifié les agents comme « entrants », empêchant de ce fait l’exercice des contrôles requis par le plan ;

Attendu cependant que cet élément propre à la gestion du poste comptable ne saurait être constitutif d’un cas de force majeure ; que dès lors il doit être constaté que Mme X... n’a pas respecté le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense ; que cette circonstance fait obstacle à la remise gracieuse totale des débets par le ministre chargé du budget ;

 

 

PAR CES MOTIFS

DECIDE

Article 1 :

Mme X... est constituée débitrice envers le centre hospitalier du Puy-en-Velay d’une somme de 4 509,22 € sur l’exercice 2014 augmentée des intérêts de droit calculés au taux légal à compter de la date du 29 août 2017 de notification du réquisitoire du procureur financier près la chambre régionale des comptes ;

 

Article 2 :

Mme X... ne pourra être déchargée de sa gestion sur l’exercice 2014 qu’après avoir justifié, de l’apurement, en principal et intérêt, du débet mis à sa charge.

 

 

 

 

 

Fait et jugé par M. Michel PROVOST, vice-président, président de séance ; Mme Geneviève GUYÉNOT, présidente de section ; M. Martin LAUNAY, président de section ; M. Joris MARTIN, conseiller ; Mme Jennifer EL BAZ, conseillère.

 

La greffière

Le président de séance

 

 

 

 

 

 

 

 

Catherine Portron

Michel Provost

 

 

 

 

 

En conséquence, la République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

 

Voies et délais de recours :

 

 

En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.

 

1/6 – jugement  2018-0013