- PLENIÈRE -
Jugement n° 2018-0004
Audience publique du 17 mai 2018 Délibéré du 17 mai 2018 Lecture publique le 19 juin 2018
| COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION DE NEVERS
(Département de la Nièvre)
CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES DE NEVERS MUNICIPALE ET BANLIEUE
Exercice 2015 |
République Française
Au nom du peuple français
LA CHAMBRE RÉGIONALE DES COMPTES DE BOURGOGNE, FRANCHE-COMTE,
VU le code des juridictions financières ;
VU le code général des collectivités territoriales ;
VU l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
VU les comptes relatifs à l’exercice 2015 produits à la chambre ;
VU le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
VU les textes législatifs et réglementaires relatifs au statut de la fonction publique territoriale ;
VU les comptes rendus en qualité de comptable de la communauté d’agglomération de Nevers pour l’exercice 2015 par Mme X... ;
VU le réquisitoire n° 2017-032 du 21 décembre 2017 du procureur financier près la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté ;
VU le rapport n° 18-024 du 30 mars 2018 de M. Nicolas BONNEAU, premier conseiller, rapporteur ;
VU les conclusions n° 2018-024 du 6 avril 2018 de M. Jérôme DOSSI, procureur financier ;
Ensemble les pièces à l’appui ;
Entendus lors de l’audience publique du 17 mai 2018, M. Nicolas BONNEAU, premier conseiller, en son rapport, M. Jérôme DOSSI, procureur financier, en ses conclusions ; Mme X..., comptable public et l’ordonnateur en fonctions dûment avertis de la tenue de l’audience n’étant ni présents, ni représentés ;
Après avoir entendu en délibéré M. Antoine DESFRETIER, premier conseiller réviseur, en ses observations et avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier ;
Sur la première présomption de charge à l’encontre de Mme X... au titre de l’exercice 2015
Sur la responsabilité du comptable
ATTENDU que par réquisitoire susvisé, le procureur financier a soulevé à l’encontre de Mme X..., comptable de la communauté d’agglomération de Nevers une première charge, d’un montant total de 6 965,74 €, portant sur l’exercice 2015, à raison du paiement irrégulier d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS) pour les mois de 2015 à trois agents de la collectivité, MM. Y..., Z... et Mme A... ;
ATTENDU qu’aux termes du 1er alinéa du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 : « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux différentes personnes morales de droit public dotées d'un comptable public » ; que ces mêmes dispositions prévoient que cette responsabilité personnelle et pécuniaire « se trouve engagée dès lors qu'un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu'une recette n'a pas été recouvrée, qu'une dépense a été irrégulièrement payée » ;
ATTENDU que les articles 19 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 susvisé imposent au comptable de vérifier la validité des dettes dont le paiement est sollicité, ce contrôle portant notamment sur la production des pièces justificatives mentionnées à l’annexe I de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales ;
ATTENDU qu’en application de l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, « avant de procéder au paiement d’une dépense, […] les comptables des collectivités territoriales […] ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l’annexe I du présent code et établie conformément à celle-ci […] » ;
ATTENDU qu’en ce qui concerne le paiement d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS), le comptable est tenu, en vertu de ces dispositions, d’exiger la production des pièces suivantes (rubrique 210224) : « 1. Délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d'heures supplémentaires ; 2. Décompte indiquant par agent et par taux d'indemnisation le nombre d'heures effectuées [Cette pièce peut prendre la forme d'états automatisés, elle n'est pas exigée lorsque ses indications figurent dans l'état nominatif décompté individuel ou collectif visé au 1 de la sous-rubrique 21021] ; 3. Le cas échéant, décision justifiant le dépassement du contingent mensuel autorisé » ;
ATTENDU qu’au moment du paiement des IHTS, la comptable disposait de la délibération du conseil communautaire en date du 28 février 2014 refondant le régime indemnitaire applicable aux agents de la communauté d’agglomération de Nevers ;
ATTENDU que la comptable a excipé du fait que ladite délibération précise la filière (technique), le grade (catégories B et C) et le cadre d’emploi (techniciens, agents de maîtrise et adjoints techniques) ; que, par suite, l’ensemble des emplois cités, de catégorie B et C, peut bénéficier des IHTS ;
ATTENDU que l’ordonnateur en fonctions de la communauté d’agglomération a fait valoir qu’il a fait le choix, dans sa délibération du 28 février 2014 concernant la refonte du régime indemnitaire des agents de la communauté d’agglomération de Nevers, d’indiquer les cadres d’emploi des agents de catégorie B et C bénéficiaires de l’IHTS, par filière et catégorie ce qui concerne tous les emplois de la collectivité correspondant à ces critères ;
ATTENDU que l’article 2 du décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 relatif aux IHTS prévoit que : « les indemnités horaires pour travaux supplémentaires peuvent être versées, dès lors qu'ils (les agents) exercent des fonctions ou appartiennent à des corps, grades ou emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d'heures supplémentaires, aux fonctionnaires de catégorie C et aux fonctionnaires de catégorie B » ;
ATTENDU que le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 pris pour l'application du 1er alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, modifié par l’article 1er du décret n° 2003-1013 du 23 octobre 2013, prévoit que « l'assemblée délibérante de la collectivité ou le conseil d'administration de l'établissement fixe, dans les limites prévues à l'article 1er, la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités ou établissements. L'organe compétent fixe, notamment, la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d'heures supplémentaires ouvrant droit aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires versées dans les conditions prévues pour leur corps de référence figurant en annexe au présent décret. Pour la détermination du montant des indemnités sont seuls pris en compte les emplois inscrits au budget de la collectivité ou de l'établissement effectivement pourvus » ;
ATTENDU que ces dispositions imposent aux organes délibérants des organismes publics locaux de définir la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation d’heures supplémentaires ; que la liste définie à l’annexe I du code général des collectivités territoriales traduit cette obligation en matière de pièces justificatives des paiements d’IHTS ;
ATTENDU que la délibération susmentionnée du 28 février 2014 fait expressément référence en son article 8, relatif aux agents de la filière technique, aux cadres d’emplois visés par la délibération, ceux des adjoints techniques, des techniciens et agents de maîtrise, dont les textes règlementaires, respectivement les décrets n° 2006-1691 du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux, n° 2010-1357 du 9 novembre 2010 portant statut particulier du cadre d'emplois des techniciens territoriaux et n° 88‑547 du 6 mai 1988 portant statut particulier du cadre d'emplois des agents de maîtrise territoriaux ; que ces décrets énumèrent les missions et emplois auxquels ils s’appliquent ; qu’ainsi la délibération du 28 février 2014 doit être regardée comme fixant par référence à ces décrets la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation d’heures supplémentaires ;
ATTENDU qu’au surplus l’article 8 de la même délibération prévoit que « tout agent qui effectue à la demande des autorités territoriales, des heures supplémentaires dans la limite des plafonds institués par les textes, peuvent bénéficier des IHTS » ; qu’au-delà du point particulier relatif aux IHTS, la délibération est, par ailleurs, complète, précise et détaillée, la décision de l’organe délibérant apparaissant dès lors explicite en ce qu’elle entend couvrir, en citant les cadres d’emploi, les emplois définis précisément par les textes réglementaires pris en ce sens ;
ATTENDU que M. Y... est chauffeur au sein du service de collecte des ordures ménagères de la communauté d’agglomération de Nevers, selon le décompte de ses heures supplémentaires, et que l’article 3 du décret n° 2006-1691 précité mentionne parmi les emplois exercés par les agents relevant du cadre d’emploi des adjoints techniques territoriaux, « l’emploi d'éboueur ou d'agent du service de nettoiement chargé de la gestion et du traitement des ordures ménagères » ;
ATTENDU que M. Z... est chef d’équipe d’exploitation de la régie d’eau de la communauté d’agglomération de Nevers, selon le décompte des heures supplémentaires, et que l’article 3 du décret n° 88-547 précité mentionne que « les agents de maîtrise sont chargés de missions et de travaux techniques comportant notamment le contrôle de la bonne exécution de travaux confiés à des entrepreneurs ou exécutés en régie, l'encadrement de fonctionnaires appartenant au cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux, ainsi que la transmission à ces mêmes agents des instructions d'ordre technique émanant de supérieurs hiérarchiques » ;
ATTENDU que la comptable disposait en outre de l’intégralité des autres pièces exigées par la nomenclature des pièces justificatives, les fiches de paye précisant la base et le taux, la caractérisation et les dates permettant de vérifier que les agents ne dépassaient pas le plafond mensuel réglementaire, soit 25 heures mensuelles ;
ATTENDU qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la délibération produite par l’ordonnateur à titre de pièce justificative était complète et précise au regard de la réglementation précitée ; qu’en conséquence, conformément au principe précédemment rappelé, la comptable pouvait prendre en charge le paiement des IHTS en présence de justifications qui s'avéraient suffisantes, sans qu’elle ait à se livrer à un examen de la légalité de la pièce en cause ;
ATTENDU que, si le réquisitoire relève, par ailleurs, que n’étaient pas produits au comptable public, à l’appui des ordres à payer afférents aux paiements litigieux, les décomptes indiquant par agent et par taux d’indemnisation le nombre d’heures effectuées, sous forme d’états automatisés ou dans les états nominatifs décomptés individuels ou collectifs, les bulletins de paye, mentionnent bien tous les éléments, en particulier le nombre d’heures effectuées et la rémunération associée, nécessaires à la liquidation ; que ces bulletins de paye font valablement office de décompte conformément à la nomenclature ci-dessus ;
ATTENDU que si n’était pas davantage produit de décision justifiant le dépassement du contingent mensuel autorisé pour les dépassements constatés certains mois pour les IHTS payés à MM. Y... et Z..., il s’avère que, sur la totalité des bulletins de paye, aucun dépassement du contingent d'horaire mensuel n’est observé ;
ATTENDU, par suite, que la comptable n’a pas commis de manquement à son obligation de contrôle lors du paiement des IHTS à MM. Y... et Z... au cours de l’exercice 2015 ; qu’il y a lieu de lever la présomption de charge soulevée à raison de ces dépenses ;
ATTENDU, en revanche, que le troisième agent bénéficiaire d’IHTS, Mme A..., agent saisonnier contractuel effectuait des permanences au Port de la Jonction les dimanches et jours fériés, ce service étant rendu au public durant la saison haute ; que les arrêtés de nomination faisaient référence à un besoin d’accroissement d’activité saisonnier ; que la comptable et l’ordonnateur en fonctions ont argué que les paiements en cause n’étaient
pas relatifs à des heures supplémentaires mais qu’il s’agissaient en l’occurrence d’heures payées au tarif du dimanche et des jours fériés, lorsque Mme A... travaillait dans ces conditions ; que sur le progiciel de paye utilisé par la collectivité, l’absence de rubrique permettant d'indemniser ce type d'heures au tarif du dimanche et des jours fériés a conduit à l'utilisation de la rubrique « heures supplémentaires de dimanche et jours fériés » sur les bulletins de paye ; que ses arrêtés de recrutement de 2015 précisent qu'elle est rémunérée sur la base d'un indice en fonction d'un état d'heures réalisées ;
ATTENDU que ces indemnités apparaissent effectivement régies par les arrêtés ministériels du 19 août 1975 instituant une indemnité pour travail du dimanche et des jours fériés en faveur des agents communaux et du 31 décembre 1992 fixant l'indemnité horaire pour travail du dimanche et des jours fériés en faveur des agents territoriaux ; qu’en l’absence de rubrique spécifiquement consacrée à cette catégorie d’indemnités dans la liste des pièces justificatives susmentionnée, il y a lieu de se référer à la rubrique générale 210223 « primes et indemnités » ; qu’au titre de cette rubrique doivent être produits à l’appui des paiements une décision de l’assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen des indemnités ainsi qu’une décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination fixant le taux applicable à chaque agent ;
ATTENDU que la délibération en date du 28 février 2014 n’a pas prévu le versement d’indemnités pour le travail du dimanche et des jours fériés, en particulier son article 10 consacré aux indemnités et primes liées à des fonctions ou de sujétions particulières ; que cette délibération ne vise pas les textes applicables en la matière ; qu’en tout état de cause la délibération susmentionnée prévoit en son article 2 que : « sont exclus du bénéfice du régime indemnitaire […] les agents contractuels recrutés sur le fondement de l’article 3-2° de la loi n° 84-3 du 26 janvier 1984 (accroissement saisonnier d’activité) » ; que Mme A... relevait précisément de cette catégorie d’agents ;
ATTENDU au surplus, qu’aucune mention aux arrêtés successifs de nomination de Mme A... ne prévoit le versement d’indemnités de travail du dimanche et des jours fériés ;
ATTENDU qu’ainsi, la comptable ne disposait pas, à l’occasion des paiements en cause, de pièces permettant de justifier le paiement d’indemnités de travail du dimanche et des jours fériés à Mme A... ; qu’elle a, en conséquence, manqué à ses obligations en matière de contrôle de la dépense et engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
ATTENDU qu’en application de l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963 susvisé, lorsque la responsabilité du comptable public est mise en jeu, il a obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante, sauf si le manquement dont il s’est rendu responsable n’a pas causé de préjudice financier à la collectivité, auquel cas le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce ; qu’il y a lieu, ainsi, de rechercher si le manquement ci-dessus défini a causé un tel préjudice à la communauté d’agglomération de Nevers ; que le préjudice financier résulte d'une perte provoquée par une opération de décaissement, donnant lieu à une constatation dans la comptabilité de l'organisme et se traduisant par un appauvrissement patrimonial définitif de la personne publique non recherché par cette dernière ;
ATTENDU qu’il résulte de l’ensemble des éléments ainsi rappelés que les paiements effectués d’indemnités pour travail du dimanche et des jours fériés à Mme A..., dépourvus de fondement juridique, doivent être considérés comme indus et constitutifs d’un préjudice financier pour la commune ;
Sur le lien de causalité entre le manquement du comptable et le préjudice financier
ATTENDU que si la comptable avait suspendu les paiements en cause, le versement des indemnités indues aurait été interrompu ; qu’en vertu du lien de causalité ainsi constaté, le préjudice financier subi par la communauté d’agglomération de Nevers est imputable au manquement susmentionné ; qu’il y a donc lieu de constituer Mme X... débitrice de la communauté d’agglomération de Nevers ;
Sur le débet
ATTENDU que le préjudice financier subi par la communauté d’agglomération de Nevers correspond au paiement irrégulier, par les mandats précédemment mentionnés, à Mme A... d’indemnités pour travail du dimanche et des jours fériés de juin à septembre 2015, pour un montant de 1 862,55 € ;
ATTENDU qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est celle à laquelle le réquisitoire a été notifié au comptable, soit le 12 janvier 2018 ;
Sur le respect des règles de contrôle sélectif de la dépense
ATTENDU qu’aux termes du paragraphe IX de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, « hormis le cas du décès du comptable ou du respect par celui-ci, sous l'appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes » ;
ATTENDU que, en ce qui concerne l’exercice 2015, le comptable a fait état de règles de contrôle sélectif de la dépense, inscrites au plan de contrôle hiérarchisé de la dépense, signé le 5 mai 2015 par le directeur départemental des finances publiques, que ce plan prévoyait un contrôle a priori ou a posteriori des nouveaux entrants tout au long de l’année ; que Mme A..., laquelle a signé neuf contrats pour lesquels elle a bénéficié d’indemnités pour travail du dimanche et des jours fériés pour les mois de mai, juin, juillet et septembre 2015, figurant sur les bulletins de paye aux mois de juin, juillet, août et octobre 2015, doit être considérée comme une nouvelle entrante pour chacun de ces contrats ; qu’en tout état de cause, elle est signalée dans les documents figurant à l’appui du mandat de paye n° 1634/15 du 14 octobre 2015 en tant que nouvelle entrante pour le mois d’octobre 2015 ; que, par suite, Mme X... ne peut donc être regardée comme ayant respecté les règles d’un dispositif de contrôle sélectif de la dépense, situation ouvrant droit à une remise gracieuse totale ;
ATTENDU par suite, la somme que le ministre chargé du budget devra laisser à sa charge au titre du présent débet ne pourra être inférieure à 3‰ du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable, soit 531 € ;
Sur la deuxième présomption de charge à l’encontre de Mme X... au titre de l’exercice 2015
Sur la responsabilité du comptable
ATTENDU que le réquisitoire du procureur financier soulevait que la comptable a payé par mandat n° 2204, bordereau n° 325, du 27 janvier 2015, pour un montant net de 84 123,71 €, en application d'un avenant contractuel n° 14 en date du 31 juillet 2014, des travaux de mise en conformité imputés en section de fonctionnement, à l'article budgétaire 611, « Contrats de prestations de services » ; que cette dépense aurait dû être inscrite en section d'investissement en application des règles d'imputation des dépenses du secteur public local ;
ATTENDU qu’aux termes du 1er alinéa du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux différentes personnes morales de droit public dotées d'un comptable public » ; que ces mêmes dispositions prévoient que cette responsabilité personnelle et pécuniaire « se trouve engagée dès lors qu'un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu'une recette n'a pas été recouvrée, qu'une dépense a été irrégulièrement payée » ;
ATTENDU que selon l'article 19 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 susvisé, « Le comptable public est tenu d'exercer le contrôle : […] 2° S'agissant des ordres de payer […] b) De l'exacte imputation des dépenses au regard des règles relatives à la spécialité des crédits » ;
Sur le manquement du comptable
ATTENDU que la comptable et l’ordonnateur en fonctions ont fait valoir que les biens dont relève l’investissement n’appartiennent pas au patrimoine de la collectivité, mais au patrimoine de la société SONIRVAL ; qu’il s’agit de biens de retour qui reviendront au patrimoine de la collectivité à l’expiration du bail emphytéotique administratif ; qu’ils allèguent, en outre, un risque de double amortissement en cas d’imputation en section d’investissement ; qu’ils évoquent enfin la possibilité d’une régularisation ;
ATTENDU que le premier argument doit être écarté, les dépenses dont s’agit relevant en raison de leur nature de la section d’investissement, qu’elles figurent ou non au patrimoine de la collectivité ;
ATTENDU que le deuxième argument ne peut également être admis car, s’agissant des biens affectés à une délégation de service public, ils ne sont pas inscrits au patrimoine de la collectivité, et ne doivent pas être amortis par la collectivité ;
ATTENDU qu’enfin le troisième argument tiré d’une possible régularisation d’écriture est inopérant, la responsabilité du comptable s’appréciant à la date du paiement ;
ATTENDU qu’au vu de la nature et de l’objet de la dépense, la comptable aurait dû constater l’obligation d’imputer le mandat en section d’investissement ;
ATTENDU au surplus que la circulaire n° INTB0200059C du 26 février 2002 relative aux règles d'imputation des dépenses du secteur public local précise que « constitue une dépense d'amélioration toute dépense qui a pour effet, soit d'augmenter la valeur et/ou la durée de vie du bien immobilisé, soit, sans augmenter cette durée de vie, de permettre une diminution des coûts d'utilisation ou une production supérieure. Ces dépenses constituent des immobilisations. Les dépenses de mise en conformité s'inscrivent dans une logique identique. Il peut être considéré qu'elles constituent des dépenses de la section d'investissement dès lors qu'elles augmentent la durée d'utilisation et réduisent les risques de dysfonctionnement. Les travaux de mise en conformité d'une chaufferie avec les normes de sécurité, ayant pour conséquence une prolongation de la durée de l'installation et une réduction des risques de mauvais fonctionnement, constituent des dépenses d'investissement » ;
ATTENDU qu’en prenant en charge le mandat précité en dépit de l’erreur d’imputation qui l’affectait, Mme X... a ainsi commis un manquement de nature à engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
ATTENDU qu’en application de l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963 susvisé, lorsque la responsabilité du comptable public est mise en jeu, il a obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante, sauf si le manquement dont il s’est rendu responsable n’a pas causé de préjudice financier à la collectivité, auquel cas le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce ; qu’il y a lieu, ainsi, de rechercher si le manquement ci-dessus défini a causé un tel préjudice à la communauté d’agglomération de Nevers ; que le préjudice financier résulte d'une perte provoquée par une opération de décaissement, donnant lieu à une constatation dans la comptabilité de l'organisme et se traduisant par un appauvrissement patrimonial définitif de la personne publique non recherché par cette dernière ;
ATTENDU que le manquement n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public, la dépense en cause ayant fait l’objet d’une délibération du conseil communautaire en date du 24 mai 2014 et de la signature d’un avenant en date du 31 juillet 2014 ;
ATTENDU de plus que, cette dépense ne fait pas partie des dépenses pouvant bénéficier du fonds de compensation de la TVA, prévues aux articles L. 1615-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, et que de ce fait l’erreur d’imputation n’a pas provoqué la perte d’une recette au titre de ce mécanisme de compensation ;
ATTENDU que le manquement ci-dessus établi n’a pas entraîné de préjudice financier pour la collectivité ;
ATTENDU qu’en application du 2ème alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 et de l’article 1 du décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012, que le montant du cautionnement est de 177 000 € et le plafond de la somme non rémissible est de 265,50 € (1,5 ‰ du montant du cautionnement) ;
ATTENDU qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en fixant le montant de la somme non rémissible mise à la charge de Mme X... à 132,75 €, soit la moitié du plafond de 1,5 millièmes, en raison notamment de l’absence de précision de la nomenclature comptable M14, ainsi que de la technicité du dossier ;
PAR CES MOTIFS :
DECIDE,
Article 1er : Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X... au titre de la première charge en ce qui concerne les IHTS versés à MM. Y... et Z... ;
Article 2 : Mme X... est constituée débitrice de la communauté d’agglomération de Nevers pour la somme de mille huit cent soixante deux euros et cinquante-cinq centimes (1 862,55 €) au titre de l’année 2015, somme qui portera intérêt au taux légal à compter du 12 janvier 2018 ;
Article 3 : Pour l’application des dispositions du second alinéa du paragraphe IX de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, le montant de la remise gracieuse qui pourra être accordée à Mme X... au titre du débet prononcé à l’article 2 ci-dessus, devra comporter un laissé à charge qui ne pourra être inférieur à cinq cent trente et un euros (531 €) ;
Article 4 : Mme X... ne pourra être déchargée de sa gestion au titre de l’exercice 2015 qu’après apurement du débet prononcé à l’article 2 ci-dessus ;
Article 5 : Il est mis à la charge de Mme X... une somme non rémissible de cent trente-deux euros et soixante-quinze centimes (132,75 €) ;
Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté, réunie en formation plénière.
M. Pierre VAN HERZELE, président de séance, président de chambre,
Mme Dominique SAINT CYR, présidente de section,
M. Nicolas ONIMUS, président de section,
M. Frédéric GUTHMANN, président de section,
M. Antoine DESFRETIER, premier conseiller, réviseur.
Signé : Mireille GREGOIRE, greffière et Pierre VAN HERZELE, président de la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté.
Collationné, certifié conforme à la minute déposée au greffe de la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté.
Le secrétaire général,
Stéphane PELTIER
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Voies et délais de recours
La présente décision juridictionnelle peut être déférée en appel devant la Cour des comptes dans un délai de deux mois à compter de la date de sa notification (articles L. 242-6 et R. 242‑19 à 28 du code des juridictions financières).
1/9