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Chambre Jugement n° 2018-0023 Audience publique du 15 mai 2018 Prononcé du 31 mai 2018 | COMMUNE DE SAILLY-FLIBEAUCOURT (Somme) Poste comptable : CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES DE CRECY-EN-PONTHIEU Exercice 2015 |
République française
Au nom du peuple français
La chambre,
Vu l’arrêté de charge provisoire pris par le chef du pôle interrégional d’apurement administratif de Rennes le 28 juin 2017 à l’encontre de M. Serge X pour sa gestion au titre de l’exercice 2015 concernant les comptes de la commune de Sailly-Flibeaucourt, enregistré au greffe de la chambre le 24 juillet 2017 ;
Vu le réquisitoire en date du 30 janvier 2018, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de
M. Serge X, comptable de la commune de Sailly-Flibeaucourt au titre d’opérations relatives à l’exercice 2015, notifié le 26 février 2018 au comptable concerné ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable de la commune de Sailly-Flibeaucourt par
M. Serge X, du 1er janvier au 31 décembre 2015 ;
Vu les justifications produites au soutien du compte en jugement ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 pris pour l’application du premier alinéa de
l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
Vu le décret n° 97-702 du 31 mai 1997 relatif au régime indemnitaire des fonctionnaires du cadre d’emplois des agents de police municipale et du cadres d’emplois des gardes champêtres ;
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Vu le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le rapport de M. Douglas Berthe, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions du procureur financier ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendu, lors de l’audience publique du 15 mai 2018, M. Douglas Berthe, premier conseiller, en son rapport, M. Fabrice Navez, procureur financier, en les conclusions du ministère public ;
M. Paul Y, ordonnateur en fonctions, et M. Serge X, comptable mis en cause, informés de l’audience, n’étant ni présents ni représentés ;
Entendu en délibéré M. Olivier Fréel, premier conseiller, réviseur, en ses observations ;
Sur la présomption de charge unique :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes Hauts-de-France de la responsabilité encourue par M. Serge X pour avoir, de janvier à décembre 2015, irrégulièrement payé à M. Olivier Z, garde champêtre principal (agent de la catégorie C – filière police municipale), 12 indemnités horaires pour travaux supplémentaires, pour un montant total de 1 932 € au titre de l’exercice 2015, et ce dans les conditions mentionnées en annexe ;
Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations
Sur le droit applicable
Attendu qu’aux termes des dispositions du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 « […] les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables […] du paiement des dépenses […]. Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière […] de dépenses […] dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors […] qu’une dépense a été irrégulièrement payée […] » ;
Attendu que l’article 19 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, prévoit qu’il incombe aux comptables, notamment s’agissant des ordres de payer, d’exercer le contrôle « […] de la validité de la dette dans les conditions prévues à l’article 20 » ; que l’article 20 du même décret précise que « Le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : 1° La justification du service fait ; 2° L’exactitude de la liquidation ; 3° L’intervention des contrôles préalables prescrits par la réglementation ; […] ;
5° La production des pièces justificatives ; 6° L’application des règles de prescription et de déchéance » ;
Attendu que pour apprécier la validité des dettes, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications ; qu’à ce titre, il leur revient d’apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée ; que pour établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l’ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en second lieu, si ces pièces sont, d’une part, complètes et précises, d’autre part, cohérentes au regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable et de la nature et de l’objet de la dépense telle qu’elle a été ordonnancée ;
Attendu que l’article 2 du décret n° 97-702 du 31 mai 1997 prévoit que des indemnités horaires pour travaux supplémentaires peuvent être accordées aux fonctionnaires du cadre d’emplois des gardes champêtres dans les conditions fixées par le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 ;
Attendu qu’il résulte des dispositions combinées de l’article 2 du décret n° 91-875 du
6 septembre 1991 et de l’article 2 du décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 qu’il appartient à l’assemblée délibérante de la collectivité de fixer les conditions d’attribution et la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires ouvrant droit aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires ;
Attendu que la rubrique 210224 de l’annexe I du code général des collectivités territoriales, complétant l’article D. 1617-19 du même code, prescrit que, pour payer l’indemnité horaire pour travaux supplémentaires, le comptable doit s’assurer d’avoir à sa disposition la décision de l’assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen de cette indemnité ainsi qu’un état liquidatif précisant pour chaque agent, par mois et par taux d’indemnisation, le nombre d’heures effectuées ;
Attendu que la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable doit s’apprécier au moment du paiement ;
Sur les faits
Attendu qu’il résulte de l’instruction que le comptable mis en cause disposait, au moment des paiements, d’une délibération du conseil municipal de la commune de Sailly-Flibeaucourt du 13 mars 1992 autorisant l’attribution d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires aux seuls agents des filières administrative et technique de la commune pour les cadres d’emploi suivants : secrétaire de mairie, attaché, rédacteur et agent d’entretien ;
Attendu qu’en l’espèce, M. Olivier Z relevait de la filière police municipale et du cadre d’emplois des gardes champêtres ;
Attendu que l’instruction a établi que le comptable avait effectué 12 paiements mensuels d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires à M. Olivier Z, de janvier à décembre 2015, à raison de 161 € par mois (correspondant à 10 heures supplémentaires), pour un montant total de 1 932 € ;
Attendu qu’une délibération subséquente du conseil municipal de la commune de
Sailly-Flibeaucourt – qui a autorisé le paiement d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires aux agents de la filière police municipale exerçant les emplois de garde champêtre, garde champêtre chef, garde champêtre principal ou garde champêtre chef principal – n’est intervenue que le 27 avril 2017, soit postérieurement aux dates des paiements en cause ;
Sur les éléments relevés par le comptable et l’ordonnateur en fonctions
Attendu que, dans sa réponse, l’ordonnateur indique qu’avant la date de chacun des 12 paiements repris dans le réquisitoire du procureur financier, la commune n’avait pas délibéré afin d’autoriser le versement d’une indemnité horaire pour travaux supplémentaires tant au profit des agents de la filière police municipale qu’à celui de M. Olivier Z, agent concerné ;
Attendu que le comptable mis en cause a reconnu n’avoir disposé ni d’une délibération autorisant le versement d’une indemnité horaire pour travaux supplémentaires à un agent de la filière police municipale ni d’une délibération autorisant le versement de cette indemnité à M. Olivier Z, agent concerné, et ce à la date de chacun des 12 paiements repris dans le réquisitoire du procureur financier ; qu’il indique que les paiements ont été effectués sous couvert de la délibération du 13 mars 1992 qui n’avait fait l’objet d’aucune observation de ses prédécesseurs ;
Attendu que le comptable et l’ordonnateur ont, au cours de l’instruction, transmis copie d’états liquidatifs justifiant des heures supplémentaires effectuées par M. Olivier Z, qui auraient été produits à l’occasion de chacun des paiements mensuels repris dans le réquisitoire ;
Sur l’application au cas d’espèce
Attendu que, dans leurs réponses, le comptable et l’ordonnateur confirment l’absence de délibération justifiant les paiements au cours de l’exercice 2015 ;
Attendu que la délibération précitée du 13 mars 1992 ne pouvait constituer la pièce justificative attendue pour le paiement des indemnités horaires pour travaux supplémentaires à l’agent concerné, celui-ci ne remplissant pas, au moment des paiements, les conditions exposées dans ladite délibération ; que dès lors le moyen présenté par le comptable doit être écarté ;
Attendu que le comptable mis en cause ne disposait pas, au moment des paiements repris en annexe, d’une délibération du conseil municipal autorisant le versement d’une indemnité horaire pour travaux supplémentaires à M. Olivier Z ; que la production par l’ordonnateur d’états liquidatifs à l’appui des mandats de paiement, ne pouvait à elle seule justifier le paiement des indemnités horaires pour travaux supplémentaires ; que, dès lors, le comptable ne s’est pas assuré de disposer de l’ensemble des pièces justificatives requises pour contrôler la validité de la dette ; qu’ainsi, en l’absence de justifications suffisantes, M. Serge X aurait dû suspendre les paiements considérés et demander toutes précisions à l’ordonnateur, conformément à l’article 38 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 susvisé ; qu’il a donc manqué à son obligation de contrôle de validité de la dette et a ainsi engagé sa responsabilité au titre de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
Attendu que selon l’article 60 susvisé de la loi du 23 février 1963 modifiée « la responsabilité personnelle et pécuniaire prévue au I est mise en jeu par le ministre dont relève le comptable, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes dans les conditions qui suivent » ; que
« lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […] le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
Attendu qu’un préjudice financier résulte, notamment, du paiement d’une dépense indue donnant lieu à une constatation dans la comptabilité de l’organisme et se traduisant par un appauvrissement patrimonial de la personne publique ;
Attendu que l’ordonnateur en fonctions et le comptable affirment que la commune n’a subi aucun préjudice dans la mesure où « les heures supplémentaires ont réellement été effectuées » selon le comptable ;
Attendu que ce moyen doit être écarté dans la mesure où la volonté de l’organe délibérant de verser les indemnités horaires pour travaux supplémentaires à M. Olivier Z n’est pas établie ; que le constat de l’existence, ou non, d’un préjudice financier relève de la seule appréciation du juge des comptes ;
Attendu que le défaut de contrôle de la validité de la dette a conduit le comptable mis en cause à payer une dépense qui n’aurait pas dû l’être compte tenu de l’absence d’une délibération fondant juridiquement la dépense et traduisant la volonté de l’organe délibérant de verser cette indemnité ; que ces opérations indues de décaissement ont donné lieu à une constatation dans la comptabilité de la commune et se sont traduites par un appauvrissement patrimonial de
celle-ci ; qu’ainsi, le manquement du comptable a causé un préjudice financier à commune de Sailly-Flibeaucourt ;
Attendu qu’il y a donc lieu de constituer M. Serge X débiteur de la commune de
Sailly-Flibeaucourt pour la somme de 1 932 € au titre de sa gestion du 1er janvier 2015 au
31 décembre 2015 ; qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 26 février 2018, date à laquelle M. Serge X a eu connaissance, de façon certaine, de l’existence du réquisitoire ;
Sur le respect des règles de contrôle sélectif de la dépense
Attendu que le IX de l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée dispose que « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l’appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l’obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ;
Attendu qu’il résulte de l’instruction qu’aucun plan de contrôle sélectif de la dépense relatif à la paie, au titre de l’exercice 2015, pour la commune de Sailly-Flibeaucourt n’a été établi ; que, dès lors, les mandats concernés auraient dû faire l’objet d’un contrôle exhaustif ; qu’ainsi, la remise gracieuse susceptible d’être accordée par le ministre chargé du budget ne pourra avoir pour effet de laisser à la charge du comptable une somme inférieure à trois pour mille du cautionnement de 151 000 € lié au poste comptable, soit 453 € ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1 : Au titre de l’exercice 2015, sur la présomption de charge unique :
M. Serge X est constitué débiteur de la commune de Sailly-Flibeaucourt pour la somme de 1 932 €, augmentée des intérêts de droit à compter du
26 février 2018.
Article 2 : La remise gracieuse du débet fixé à l’article 1 ci-dessus, susceptible d’être accordée par le ministre chargé du budget, ne pourra avoir pour effet de laisser à la charge du comptable une somme inférieure à trois pour mille du cautionnement de 151 000 € lié au poste comptable, soit 453 € ;
Article 3 : La décharge de M. Serge X du 1er janvier au 31 décembre 2015 ne pourra être donnée par le pôle interrégional d’apurement administratif de Rennes, autorité compétente, qu’après apurement du débet fixé à l’article 1 ci-dessus.
Fait et jugé par M. Olivier Jouanin, président de séance, Mme Valérie Gasser‑Sabouret,
MM. Olivier Pernet et Olivier Fréel, premiers conseillers, et M. Raphaël Cardet, conseiller.
En présence de Bernard Chabé, greffier de séance.
Bernard Chabé Olivier Jouanin
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à
l’article R. 242-29 du même code.
JU 2018-0023 – Commune de Sailly-Flibeaucourt 1/7
Présomption de charge unique : versement d’indemnités horaires
pour travaux supplémentaires (IHTS) – Exercice 2015
N° bord. | N° mandat | Date de solde de la pièce | Mois | Olivier Z – garde-champêtre |
IHTS | ||||
Indemnités payées par M. Serge X (1/01/2015 au 31/12/2015) | ||||
2 | 29 | 26/01/2015 | janv-15 | 161,00 € |
5 | 81 | 23/02/2015 | févr-15 | 161,00 € |
9 | 157 | 25/03/2015 | mars-15 | 161,00 € |
12 | 224 | 24/04/2015 | avr-15 | 161,00 € |
15 | 292 | 22/05/2015 | mai-15 | 161,00 € |
18 | 352 | 24/06/2015 | juin-15 | 161,00 € |
21 | 429 | 24/07/2015 | juil-15 | 161,00 € |
24 | 494 | 25/08/2015 | août-15 | 161,00 € |
30 | 558 | 24/09/2015 | sept-15 | 161,00 € |
35 | 636 | 26/10/2015 | oct-15 | 161,00 € |
39 | 696 | 24/11/2015 | nov-15 | 161,00 € |
43 | 743 | 18/12/2015 | déc-15 | 161,00 € |
TOTAL réglé par M. Serge X : | 1 932,00 € |
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