S2018-1207  1/4

 

 

 

 

 

QUATRIÈME CHAMBRE

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Première section

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Arrêt n° S2018-1207

 

Audience publique du 19 avril 2018

 

Prononcé du 15 mai 2018

 

 

 

 

COMMUNE DE FROUARD

(MEURTHE-ET-MOSELLE)

 

Appel d’un jugement de la chambre régionale des comptes d’Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine

 

Rapport n° R-2018-0128-1

 

 

 

 

République Française,

Au nom du peuple français,

 

La Cour,

 

Vu la requête enregistrée le 3 novembre 2016 au greffe de la chambre régionale des comptes d’Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine, par laquelle M. X, comptable de la commune de Frouard, a élevé appel du jugement n° 2016-0008 du 9 septembre 2016 par lequel ladite chambre régionale l’a, au titre de l’exercice 2013, constitué débiteur envers cette commune de la somme de 13 495,22 € augmentée des intérêts de droit, pour avoir pa des indemnités d’astreinte en l’absence des pièces justificatives requises par la réglementation ;

Vu les pièces de la procédure suivie en première instance et notamment le réquisitoire du procureur financier près la chambre régionale des comptes d’Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine n° 2016-11 du 25 vrier 2016 ;

Vu le code général des collectivités territoriales, et notamment son article D. 1617-19 ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;

Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

Vu le rapport de Mme Anne FROMENT-MEURICE, présidente de chambre maintenue en activité, chargée de l’instruction ;

Vu la décision du président de la quatrième chambre de la Cour des comptes du 13 mars 2018 désignant Mme Adeline BALDACCHINO, conseillère référendaire, pour présenter ce rapport en audience publique ;

Vu les conclusions 271 du Procureur général du 13 avril 2018 ;

 

Entendu, lors de l’audience publique du 19 avril 2018, Mme Adeline BALDACCHINO, en la présentation du rapport, M. Benoît GUERIN, avocat général, en les conclusions du ministère public, M. X, comptable appelant, informé de l’audience, n’étant ni présent ni représenté ;

Après avoir entendu en délibéré M. Jean-Yves BERTUCCI, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;

Attendu que par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes d’Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine a engagé la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X  pour avoir procédé en 2013 au paiement d’indemnités d’astreinte d’été et de police à six agents communaux, sans avoir contrôlé la production des pièces justificatives exigées par la rubrique 210225 de l’annexe I à l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, soit notamment « la délibération déterminant les cas dans lesquels il est possible de recourir à de telles astreintes, la liste des emplois concernés et les modalités de leur organisation » ; quelle a jugé que le manquement  du comptable avait  causé un préjudice financier à la commune et l’a donc constitué en débet d’une somme de 13 495,22 €, avec intérêts à compter du 16 mars 2016, date à laquelle lui a été notifié le réquisitoire susvisé du procureur financier ;

Attendu que si M. X reconnaît, dans sa requête en appel, avoir effectué les paiements incriminés en l’absence de délibération du conseil municipal et admet en conséquence avoir manqué aux contrôles incombant au comptable public dans le cadre du visa de la dépense, il conteste en revanche que ce manquement ait causé un préjudice financier, en invoquant à titre principal l’existence d’un service d’astreinte effectivement rendu par les agents rémunérés ; qu’il fait valoir en effet que les agents auxquels ont été payées les indemnités litigieuses ont effectivement assuré un service à la demande de l’ordonnateur, comme l’attestent les tableaux d’astreinte produits par la commune à l’appui des mandats, tableaux où sont listés nominativement les personnels concernés ainsi que leurs périodes d’intervention ; que le requérant en conclut que la commune était tenue de rémunérer les temps d’astreinte desdits personnels, quel que soit le formalisme requis en la matière, décision du maire ou délibération du conseil sur le régime des astreintes ; qu’il argue enfin que la commune ne s’est pas appauvrie du fait des paiements incriminés qui constituaient la contrepartie légitime des services rendus par ces agents ;

Attendu que, s’il est nécessaire que le service fait soit attesté pour qu’un paiement soit dû, une telle attestation ne suffit pas à écarter l’existence d’un préjudice financier causé par un manquement ; qu’il appartient également au juge des comptes, pour déterminer si le paiement irrégulier d’une dépense par un comptable public a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné, d’apprécier si la dépense était effectivement due et, à ce titre, de vérifier notamment qu’elle n’était pas dépourvue de fondement juridique ;

Attendu qu’en l’espèce, pour être juridiquement fondé, le paiement d’indemnités d’astreinte était subordonné, en application de la nomenclature des pièces justificatives définie à l’annexe I du code général des collectivités territoriales (CGCT), et particulièrement des dispositions de la rubrique 210225,  à la production, à l’appui du premier mandat, d’une délibération du conseil municipal de la commune de Frouard déterminant les cas dans lesquels il était possible de recourir à des astreintes ou des permanences, la liste des emplois concernés et les modalités de leur organisation ; que le comptable, M. X a reconnu qu’il ne disposait pas, à l’appui des mandats de paiements en cause, d’une telle délibération qui aurait autorisé dans son principe le paiement d’astreintes et en aurait défini les bénéficiaires éventuels et les modalités dallocation ;

Attendu que M. X allègue qu’il disposait, à l’appui des mandats, des tableaux d’astreintes établis par l’ordonnateur où sont listés nominativement les agents concernés ainsi que leurs périodes d’intervention ; que cependant, en l’absence de la délibération du conseil municipal réglementairement requise, ces tableaux établis par l’ordonnateur ne sauraient à eux seuls constituer le fondement juridique de la dépense constituée par le paiement des astreintes, puisque cette dépense n’a pas été autorisée par l’autorité compétente en la matière, à savoir le conseil municipal ; que dès lors, le comptable public n’était d’ailleurs pas en mesure, au vu de ces seuls tableaux, de vérifier si les agents bénéficiaires des indemnités d’astreinte occupaient bien des emplois définis par le conseil municipal comme permettant d’y prétendre ;

Attendu que le paiement d’indemnités dont l’autorité compétente n’a pas expressément décidé le versement est indu et cause ipso facto un préjudice financier à la collectivité concernée ; que par conséquent, le moyen invoqué par l’appelant doit être rejeté ;

Attendu que M. X indique par ailleurs, dans sa requête en appel, que le maire de Frouard, alerté sur l’anomalie que constituait l’absence de délibération du conseil municipal sur le régime indemnitaire des astreintes, a réuni ledit conseil, à la fin de l’année 2015, pour l’inviter à délibérer sur le dispositif des astreintes ; que le comptable  produit à l’appui de son affirmation, une délibération du conseil municipal de Frouard du 25 novembre 2015 qui définit ledit régime, conformément à la rubrique 210225 précitée de la nomenclature des pièces justificatives ; que cependant, cette décision ne saurait valoir rétroactivement régularisation des mandats irrégulièrement payés en 2013, dans la mesure où la délibération ne peut fonder que des paiements d’indemnités postérieurs à la date à laquelle l’organe délibérant a manifesté sa volonté ; qu’elle ne peut en conséquence être prise en compte pour écarter l’existence d’un préjudice financier causé à la commune, en 2013, par le manquement de M. X ;

Attendu que c’est donc à bon droit que la chambre régionale des comptes d’Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine a constitué M. X débiteur pour avoir payé des indemnités d’astreinte en 2013, en l’absence de la pièce justificative requise qui en aurait constitué le fondement juridique, ce qui a causé un préjudice financier à la commune de Frouard ; qu’il y a lieu dès lors de rejeter la requête en appel du comptable.

 

Par ces motifs,

 

DECIDE :

 

Article unique La requête en appel de M. X est rejetée. 

 

Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents : M. Yves ROLLAND, président de section, président de la formation,
MM. Jean-Yves BERTUCCI et Olivier ORTIZ, conseillers maîtres, Mmes Dominique DUJOLS et Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS, conseillères maîtres, et M. Jean-Luc GIRARDI, conseiller maître.

En présence de M. Aurélien LEFEBVRE, greffier de séance.

 

 

 

Aurélien LEFEBVRE

 

 

 

Yves ROLLAND

 

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

 

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-120 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.

 

 

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