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QUATRIÈME CHAMBRE ------- Première section ------- Arrêt n° S2018-0031
Audience publique du 21 décembre 2017
Prononcé du 25 janvier 2018 | Commune de Carqueiranne (VAR)
Appel d’un jugement de la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur
Rapport n° R-2017-1221 |
République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu la requête en date du 9 juin 2016, enregistrée au greffe de la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur le 10 juin 2016, par laquelle le Procureur général près la Cour des comptes a interjeté appel d’une partie des dispositions définitives (charges n° 9, 10 et 11) du jugement n° 2016-011 du 14 mars 2016 par lequel ladite chambre régionale a mis à la charge de M. X, comptable de la commune de Carqueiranne, trois sommes irrémissibles d’un montant unitaire de 265 € ;
Vu les pièces de la procédure suivie en première instance et notamment le réquisitoire n° 2015‑0050 du 26 juin 2015 du procureur financier près la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2004-1144 du 26 octobre 2004 relatif à l’exécution des marchés publics par carte d’achat ;
Vu le rapport de Mme Marie-Aimée GASPARI, conseillère référendaire, magistrate, chargée de l’instruction ;
Vu les conclusions n° 959 du Procureur général du 13 décembre 2017 ;
Entendu, lors de l’audience publique du 21 décembre 2017, Mme Marie-Aimée GASPARI, en son rapport, M. Bertrand DIRINGER, avocat général, en les conclusions du ministère public ; les parties informées de l’audience n’étant ni présentes, ni représentées ;
Après avoir entendu en délibéré M. Yves ROLLAND, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;
Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur a mis à la charge de M. X, comptable de la commune de Carqueiranne, en premier lieu, une somme irrémissible de 265 € au titre de l’exercice 2012, pour avoir pris en charge cinq mandats relatifs à diverses dépenses réglées par carte d’achat pour un montant total de 13 682,19 €, et les avoir imputés au compte 6232 « fêtes et cérémonies » (charge n° 9) ; en deuxième lieu, une somme irrémissible de 265 € au titre de l’exercice 2012, pour avoir pris en charge trois mandats d’un montant total de 74 235,43 € (charge n° 10) et payé à un traiteur cette somme en l’absence de contrat écrit ou à défaut de certificat administratif de l’ordonnateur ; en troisième lieu, une somme irrémissible de 265 € au titre de l’exercice 2013, pour avoir payé à une société de marketing la somme de de 36 717,20 € (charge n° 11) en l’absence de contrat écrit ou à défaut de certificat administratif de l’ordonnateur ;
Attendu que le procureur général près la Cour des comptes sollicite l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a conclu à l’absence de préjudice financier pour chacune de ces trois charges ;
Sur la charge n° 9
Attendu que les cinq mandats litigieux, d’un montant total de 13 682,19 €, sont appuyés sur des relevés d’opérations présentés par l’établissement bancaire émetteur de la carte d’achat ; que considérant qu’il n’était pas établi que ces dépenses, imputées au compte 6232 « fêtes et cérémonies », ne correspondaient pas à des prestations réellement fournies, la chambre régionale des comptes, a jugé que le défaut de contrôle de l’imputation et des pièces justificatives afférentes, n’avait pas causé de préjudice financier à la commune ; qu’elle a ainsi mis à la charge du comptable une somme irrémissible d’un montant de 265 € ;
Attendu que l’appelant sollicite l’infirmation du jugement au motif, d’une part, que la chambre régionale des comptes s’est fondée à tort sur l’existence d’un service fait en contradiction avec une jurisprudence désormais établie de la Cour et, d’autre part, que les dépenses incriminées revêtaient un caractère indu dès lors qu’aucune mention dans les pièces justificatives produites ne permettaient de rattacher explicitement la dépense à une dépense d’intérêt communal ;
Attendu que si l’existence d’un service fait en contrepartie d’une dépense est une condition nécessaire pour que celle-ci soit due, celle-ci n’est pas une condition suffisante ; que pour déterminer si le paiement irrégulier d’une dépense par un comptable public a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné, il appartient au juge des comptes d’apprécier si la dépense était effectivement due et, à ce titre, de vérifier notamment qu’elle n’était pas dépourvue de fondement juridique ;
Attendu que la rubrique 0432 « autres paiement par carte d’achat » de la liste des pièces justificatives des dépenses du secteur local prévoit la production de « relevés d’opérations par carte d’achat détaillant la créance à payer à l’émetteur » ; qu’en outre, selon l’article 7 du décret n° 2004-1144 du 26 octobre 2004 relatif à l’exécution des marchés publics par carte d’achat repris dans l’instruction n° 05-025-M0-M9 du 21 avril 2005 relative à l’exécution des marchés par carte d’achat : « pour chaque créance née d’une exécution par carte d’achat porté par l’émetteur sur le relevé d’opérations, l’accepteur ou l’entité publique précise (…) la nature de la dépense ou, pour les marchés écrits et exécutés par carte d’achat (…) le décompte des sommes dues : nature des fournitures ou services, prix et le cas échéant quantité » ;
qu’en l’espèce, les mandats visés par le réquisitoire étaient appuyés uniquement des relevés d’opérations fournis par la Caisse d’Epargne, sans qu’il soit possible pour l’agent comptable de déterminer l’objet des dépenses et par voie de conséquence, leur imputation comptable ; qu’en l’état des pièces justificatives jointes aux mandats, le comptable ne pouvait s’assurer de l’objet et de la validité des créances ; que dès lors, le paiement des mandats, qui revêtait un caractère indu, a causé un préjudice financier à la commune de Carqueiranne ; qu’il y a lieu en conséquence d’infirmer le jugement de la chambre régionale des comptes en ce qu’elle a décidé à tort l’absence de préjudice financier et mis à la charge du comptable une somme non rémissible ;
Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’il y a donc lieu de constituer M. X débiteur envers la commune de Carqueiranne de la somme de 13 682,19 € au titre de l’exercice 2012 ;
Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, la date de réception du réquisitoire est le 16 juillet 2015 ;
Attendu que les pièces transmises par le comptable en fonction indiquent que le paiement des mandats, objets de la charge n° 9 est intervenu dans un champ couvert par le contrôle hiérarchisé de la dépense ; qu’il ne résulte pas de celles-ci que ces catégories de dépenses étaient dispensées de contrôle ;
Sur la charge n° 10
Attendu que la chambre régionale des comptes a considéré qu’en acceptant de payer trois mandats du 16 août 2012, pour un montant total de 74 235,43 €, correspondant à des dépenses de traiteur, en l’absence de tout contrat écrit et en n’exigeant pas de l’ordonnateur la production d’un certificat administratif attestant de la conclusion d’un contrat oral, le comptable a manqué à ses obligations en matière de contrôle des justifications telles que prévues aux articles 12 et 13 du décret du 29 décembre 1962 ; que toutefois, les dépenses correspondant à des prestations effectivement réalisées au profit de la commune, la chambre a jugé que le manquement imputable au comptable ne lui avait pas causé de préjudice financier ; qu’elle a ainsi mis à la charge du comptable une somme irrémissible d’un montant de 265 € ;
Attendu que l’appelant sollicite l’infirmation du jugement entrepris au motif que, d’une part, la chambre régionale des comptes s’est fondée à tort sur l’existence d’un service fait en contradiction avec une jurisprudence désormais établie de la Cour et que, d’autre part, le règlement des dépenses incriminées en l’absence d’un contrat matérialisant l’accord des parties revêt un caractère indu ;
Attendu que si l’existence d’un service fait en contrepartie d’une dépense est une condition nécessaire pour que celle-ci soit due, celle-ci n’est pas une condition suffisante ; que pour déterminer si le paiement irrégulier d’une dépense par un comptable public a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné, il appartient au juge des comptes d’apprécier si la dépense était effectivement due et, à ce titre, de vérifier notamment qu’elle n’était pas dépourvue de fondement juridique ;
Attendu qu’en l’espèce, les dépenses, bien que supérieures au seuil prévu par l’article 11 du code des marchés publics alors applicable, ont été payées en l’absence de tout contrat écrit et en n’exigeant pas de l’ordonnateur la production d’un certificat administratif conformément à l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, rubrique 4 « marchés publics », sous-rubrique 423 « prestations fixées par contrat » ;
qu’en effet, les mandats n’étaient accompagnés que de simples factures ; que dépourvu de fondement juridique, le paiement des mandats en cause revêt un caractère indu et a causé un préjudice financier pour la commune de Carqueiranne ; qu’en conséquence, la chambre ayant commis une erreur de droit, il y a lieu d’infirmer le jugement pour ce qui concerne la charge n° 10 ;
Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’il y a donc lieu de constituer M. X débiteur envers la commune de Carqueiranne de la somme de 74 235,43 € au titre de l’exercice 2012 ;
Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, la date de réception du réquisitoire est le 16 juillet 2015 ;
Attendu que les pièces transmises par le comptable en fonction indiquent que le paiement des mandats, objets de la charge n° 10, est intervenu dans un champ couvert par le contrôle hiérarchisé de la dépense ; qu’il ne résulte pas de celles-ci que ces catégories de dépenses étaient dispensées de contrôle ;
Sur la charge n° 11
Attendu que la chambre régionale des comptes a considéré qu’en acceptant de payer plusieurs mandats, courant 2013, correspondant à des prestations de marketing, pour un montant total de 36 717,20 €, en l’absence de tout contrat écrit et en n’exigeant pas de l’ordonnateur la production d’un certificat administratif attestant de la conclusion d’un contrat oral, le comptable a manqué à ses obligations en matière de contrôle des justifications telles que prévues aux articles 12 et 13 du décret du 29 décembre 1962 ; que toutefois, les dépenses correspondant à des prestations effectivement réalisées au profit de la commune, la chambre a jugé que le manquement imputable au comptable ne lui avait pas causé de préjudice financier ; qu’elle a ainsi mis à la charge du comptable une somme irrémissible d’un montant de 265 € ;
Attendu que l’appelant sollicite l’infirmation du jugement entrepris au motif que, d’une part, la chambre régionale des comptes s’est fondée à tort sur l’existence d’un service fait en contradiction avec une jurisprudence désormais établie de la Cour et que, d’autre part, le règlement des dépenses incriminées en l’absence d’un contrat matérialisant l’accord des parties revêt un caractère indu ;
Attendu que si l’existence d’un service fait en contrepartie d’une dépense est une condition nécessaire pour que celle-ci soit due, celle-ci n’est pas une condition suffisante ; que pour déterminer si le paiement irrégulier d’une dépense par un comptable public a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné, il appartient au juge des comptes d’apprécier si la dépense était effectivement due et, à ce titre, de vérifier notamment qu’elle n’était pas dépourvue de fondement juridique ;
Attendu qu’en l’espèce, les dépenses, bien que supérieures au seuil prévu par l’article 11 du code des marchés publics alors applicable, ont été payées en l’absence de tout contrat écrit et en n’exigeant pas de l’ordonnateur la production d’un certificat administratif conformément à l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, rubrique 4 « marchés publics », sous-rubrique 423 « prestations fixées par contrat » ; qu’en effet, les mandats n’étaient accompagnés que de simples factures ; que dépourvu de fondement juridique, le paiement des mandats en cause revêt un caractère indu et a causé un préjudice financier pour la commune de Carqueiranne ; qu’en conséquence, la chambre ayant commis une erreur de droit, il y a lieu d’infirmer le jugement en ce qui concerne la charge n° 11 ;
Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’il y a donc lieu de constituer M. X débiteur envers la commune de Carqueiranne de la somme de 36 717,20 € au titre de l’exercice 2013 ;
Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, la date de réception du réquisitoire est le 16 juillet 2015 ;
Attendu que les pièces transmises par le comptable en fonction indiquent que le paiement des mandats, objets de la charge n° 11, est intervenu dans un champ couvert par le contrôle hiérarchisé de la dépense ; qu’il ne résulte pas de celles-ci que ces catégories de dépenses étaient dispensées de contrôle ;
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1 - Le jugement de la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur n° 2016-011 du 14 mars 2016 est infirmé en ce qu’il a mis à la charge de M. X trois sommes non rémissibles d’un montant unitaire de 265 € au titre des charges 9, 10, et 11.
Article 2 - M. X est constitué débiteur envers la commune de Carqueiranne de la somme de 13 682,19 € au titre de l’exercice 2012, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2015 (charge n° 9).
Article 3 - M. X est constitué débiteur envers la commune de Carqueiranne de la somme de 74 235,43 € au titre de l’exercice 2012, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2015 (charge n° 10).
Article 4 - M. X est constitué débiteur envers la commune de Carqueiranne de la somme de 36 717,20 € au titre de l’exercice 2013, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2015 (charge n° 11).
Article 5 - Il ne résulte pas du plan de contrôle sélectif en vigueur en 2012 et 2013 que les paiements incriminés étaient dispensés de contrôle.
Article 6 - La décharge de M. X pour les exercices 2012 et 2013 ne pourra être prononcée qu’après l’apurement des débets prononcés à son encontre.
Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents : M. Jean-Philippe VACHIA, président de chambre, président de la formation, M. Yves ROLLAND, président de section, Mme Anne FROMENT-MEURICE, présidente de chambre maintenue en activité, M. Jean-Yves BERTUCCI, conseiller maître et Mme Isabelle LATOURNARIE- WILLEMS, conseillère maître.
En présence de M. Aurélien LEFEBVRE, greffier de séance.
Aurélien LEFEBVRE |
Jean-Philippe VACHIA |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.
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