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QUATRIÈME CHAMBRE ------- Première section ------- Arrêt n° S 2018-0316
Audience publique du 25 janvier 2018 Prononcé du 22 février 2018
| ARRÊTE CONSERVATOIRE DE DEBET CENTRE CULTUREL FRANÇAIS DE KABOUL (AFGHANISTAN)
Exercice 2010
Rapport n° R-2017-1360 |
République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu le réquisitoire à fin d’instruction de charges n° 2016-50 RQ-DB du 31 août 2016 du Procureur général près la Cour des comptes, notifié le 10 janvier 2017, à M. X, agent- comptable du centre culturel français de Kaboul, qui en a accusé réception le 20 janvier 2017, et au directeur de l’établissement, qui en accusé réception le 24 janvier 2017, ainsi qu’au directeur spécialisé des finances publiques pour l’étranger ;
Vu l’arrêté conservatoire de débet du 24 octobre 2013 transmis à la Cour le 18 mai 2015 par lequel le directeur spécialisé des finances publiques pour l’étranger a mis en jeu la responsabilité de M. X, en sa qualité d’agent comptable du centre culturel français de Kaboul, au titre de l’exercice 2010 ;
Vu le bordereau d’injonctions du 3 octobre 2013 du directeur spécialisé des finances publiques pour l’étranger, ensemble les pièces justificatives visées au réquisitoire du 31 août 2016 ;
Vu le compte de l’exercice 2010 rendu en qualité de comptable du centre culturel français de Kaboul, par M. X ;
Vu les justifications produites au soutien du compte en jugement ;
Vu l’ensemble des pièces du dossier ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;
Vu le décret n° 2008-228 du 5 mars 2008 relatif à la constatation et à l’apurement des débets des comptables publics et assimilés ;
Vu les lois et règlements applicables aux établissements de diffusion culturelle à l’étranger dotés de l’autonomie financière, notamment le décret modifié n° 76-832 du 24 août 1976 relatif à l’organisation financière de certains établissements ou organismes de diffusion culturelle dépendant du ministère des affaires étrangères et du ministère de la coopération ;
Vu l’instruction M 9-7 sur l’organisation financière et comptable des établissements ou organismes de diffusion culturelle à l’étranger ;
Vu le rapport de M. Bertrand SAINT-ETIENNE, auditeur, chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions du Procureur général n° 022 du 18 janvier 2018 ;
Entendu, lors de l’audience publique du 25 janvier 2018, M. Bertrand SAINT-ETIENNE, en son rapport, Mme Loguivy ROCHE, avocate générale, en les conclusions du ministère public ; M. X, informé de l’audience, n’étant ni présent ni représenté ;
Entendu en délibéré M. Olivier ORTIZ, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;
Sur le régime de responsabilité applicable
Attendu que l’article 90 de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 a défini des règles nouvelles pour la mise en jeu de la responsabilité pécuniaire des comptables publics ; que selon le II de l’article 90 précité, le nouveau régime « entre en vigueur le 1er juillet 2012 » et « les déficits ayant fait l'objet d'un premier acte de mise en jeu de la responsabilité d'un comptable public ou d'un régisseur avant cette date demeurent régis par les dispositions antérieures » ;
Attendu que le premier acte de mise en jeu de la responsabilité de agents comptables des centres culturels français à l’étranger, dont les comptes sont apurés par le directeur spécialisé des finances publiques pour l’étranger, est la notification du bordereau d’injonctions par ce directeur ;
Attendu que les injonctions formulées à l’encontre de M. X au titre de ses opérations sur l’exercice 2010 lui ont été notifiées en 2013 ; que dès lors les charges qui en résultent dans l’arrêté conservatoire de débet sont à juger selon, les dispositions de la loi de finances du 28 décembre 2011 ;
Sur la charge unique soulevée à l’encontre de M. X
Attendu qu’il est fait grief à M. X d’avoir procédé en l’absence de pièces justificatives au paiement de deux mandats imputés au compte 641 « rémunération du personnel » du centre culturel français de Kaboul, pour un montant total de 4 500 € ;
Sur l’existence d’un manquement
Attendu, d’une part, que M. X fait valoir que le centre culturel rencontrait des difficultés de recrutement en raison du contexte régional et que l’établissement était dans la nécessité urgente de renforcer son personnel, après avoir été fermé pendant un an ;
Attendu que la situation prévalant à Kaboul à l’époque de la réouverture du centre culturel, corroborée par la réponse de l’ordonnateur au bordereau d’injonctions, ne saurait être constitutive de force majeure, les circonstances extérieures exposées ne revêtant pas de caractère imprévisible et n’étant pas de nature à empêcher le comptable d’effectuer les diligences lui incombant au titre du règlement général sur la comptabilité publique ;
Attendu, d’autre part, que M. X fait valoir que les dépenses en cause correspondent, non à une rémunération, mais au paiement d’une prestation de service dont a bénéficié le centre culturel français de Kaboul entre octobre et décembre 2010, consistant à évaluer les besoins de l’établissement ;
Attendu qu’il ressort de l’instruction que le directeur du centre culturel français de Kaboul avait recruté une ressortissante française comme agent de droit local ; que la rémunération de celle-ci en tant que secrétaire générale de l’établissement était inscrite à la décision budgétaire modificative n° 1 pour 2010 ; que ses fonctions sont mentionnées sur l’un des mandats de paiement en cause ; que les dépenses en cause sont imputées au compte 641 « rémunérations du personnel » ;
Attendu qu’en l’espèce les paiements en cause correspondent à la rémunération pour les mois d’octobre à décembre 2010 de la secrétaire générale du centre culturel français de Kaboul ;
Attendu qu’aux termes de l’article 13 du décret susvisé du 29 décembre 1962, les comptables sont tenus de contrôler « l’exactitude des calculs de liquidation (…) et la production des justifications » ; qu’ainsi, en l’absence de contrat de travail et d’état détaillé de salaires à l’appui des paiements en cause, M. X a manqué à cette obligation en ne suspendant pas le paiement jusqu’à communication par l’ordonnateur des pièces justificatives manquantes ; qu’il y a lieu, dès lors, de mettre en jeu sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
Sur le préjudice financier pour l’établissement
Attendu qu’en l’absence des pièces justificatives requises à l’appui de la dépense, le comptable n’a pu s’assurer, au moment du paiement, de l’exactitude des calculs de liquidation de la dépense à régler ; que dès lors, le paiement de salaires en l’absence de pièces justificatives conformes constitue une dépense indue qui a causé un préjudice financier pour l’établissement ;
Attendu que, selon le 3ème alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
Attendu qu’il convient donc de constituer M. X débiteur du centre culturel français de Kaboul de la somme de 4 500 euros au titre de l’exercice 2010 ;
Attendu qu’en application du VIII de l’article 60 de la loi de finances pour 1963 susvisée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’au cas d’espèce, le premier acte de la mise en jeu de la responsabilité de M. X a été la notification d’injonctions par le directeur spécialisé des finances publiques pour l’étranger par le bordereau d’injonctions signé le 3 octobre 2013 à laquelle M. X a répondu le 22 octobre 2013 ; qu’il convient dès lors de retenir cette date pour le décompte des intérêts légaux ;
Attendu que les règles de contrôle sélectif des dépenses ne sont pas applicables en l’espèce ;
Par ces motifs,
dÉcide :
Article 1er – M. X est constitué débiteur du centre culturel français de Kaboul, au titre de l’exercice 2010, de la somme de 4 500 euros augmentée des intérêts de droit à compter du 22 octobre 2013.
Article 2 - Les règles de contrôle sélectif des dépenses ne sont pas applicables en l’espèce.
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Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents : M. Yves ROLLAND, président de section, président de séance ; Mme Anne FROMENT-MEURICE, présidente de chambre maintenue en activité, MM. Jean-Yves BERTUCCI, Olivier ORTIZ, conseillers maîtres, Mme Dominique DUJOLS, conseillère maître.
En présence de Mme Marie-Hélène PARIS-VARIN, greffière de séance.
Marie-Hélène PARIS-VARIN | Yves ROLLAND |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.
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