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CINQUIEME CHAMBRE ------- Quatrième section ------- Arrêt n° S 2017-4118
Audience publique du 14 décembre 2017
Prononcé du 5 janvier 2018 | GROUPEMENT D’INTERET PUBLIC « FORMATION ET INSERTION PROFESSIONNELLES DE L’ACADEMIE DE NICE » (GIP FIPAN)
Exercices 2013 et 2014
Rapport n° R2017-1298 |
République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu le réquisitoire en date du 5 juillet 2017, par lequel le Procureur général près la Cour des comptes a saisi la cinquième chambre de la Cour des comptes de charges soulevées à l’encontre de M. X et de Mme Y, agents comptables du GIP FIPAN, au titre des exercices 2013 et 2014, notifié respectivement les 13 juillet et 13 septembre 2017 aux comptables concernés ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptables du GIP FIPAN, par M. X, du 1er janvier au 28 août 2013, et Mme Y, à compter du 29 août 2013 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu les lois et règlements applicables à la comptabilité des groupements d’intérêt public ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique alors en vigueur et le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu l’instruction codificatrice n° 02-072-M95 du 2 septembre 2002 modifiée ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu l’avis publié le 9 novembre 2002 relatif à un arrêté portant approbation de la convention constitutive d’un groupement d’intérêt public ; la convention constitutive du groupement d’intérêt public Formation et insertion professionnelles de l’académie de Nice (GIP FIPAN) du 2 mai 2013 approuvée par décision du 5 juillet 2013 du préfet de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur ; les avenants à ces conventions ;
Vu l’arrêté du Premier président de la Cour des comptes n° 16-1008 du 19 décembre 2016 portant répartition des attributions entre les chambres de la Cour des comptes ;
Vu le rapport à fin d’arrêt R2017-1298 de Mme Marie-Dominique PERIGORD, conseillère maître, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions n° 902 du Procureur général du 29 novembre 2017 ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du 14 décembre 2017, Mme Marie-Dominique PERIGORD, conseillère maître, en son rapport, M. Christophe LUPRICH, substitut général, en les conclusions du ministère public, les parties informées de l’audience n’étant ni présentes, ni représentées ;
Entendu en délibéré M. Philippe HAYEZ, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;
Sur la charge unique, soulevée à l’encontre de M. X et de Mme Y, au titre des exercices 2013 et 2014 :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a estimé que la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X et de Mme Y pouvait être mise en jeu à hauteur de 4 000 € pour n’avoir pas effectué de diligences suffisantes en vue du recouvrement d’une créance détenue par le GIP FIPAN depuis le 17 novembre 2009 à l’encontre de l’association Les Chibanis, et admise en non-valeur le 30 avril 2013 ;
Sur le droit applicable
Attendu que selon le I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses » ; que « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ; que « la responsabilité personnelle et pécuniaire […] se trouve engagée dès lors qu’un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu’une recette n’a pas été recouvrée, qu’une dépense a été irrégulièrement payée […] » ;
Attendu qu’aux termes des articles 11 et 12-A du décret n° 62-1587 29 décembre 1962 susvisé, les comptables publics sont seuls chargés « de la prise en charge et du recouvrement des ordres de recettes qui leur sont remis par les ordonnateurs ; des créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou tout autre titre dont ils assurent la conservation ainsi que de l’encaissement des droits au comptant et des recettes de toute nature que les organismes publics sont habilités à recevoir » ; que les comptables publics sont tenus d’exercer le contrôle « de l’autorisation de percevoir la recette […] de la mise en recouvrement des créances de l’organisme public et de la régularité des réductions et des annulations des ordres de recettes » ;
Sur les faits
Attendu que le GIP FIPAN a émis le 17 novembre 2009 un titre de recettes n° 775 pour un montant de 4 000 €, à l’encontre de l’association Les Chibanis, pour laquelle le GIP intervenait comme sous-traitant de prestations de coordination dans le cadre d’un projet d’insertion professionnelle pour un travail de mémoire financé par le contrat urbain de cohésion sociale de la ville de Nice (CUCS) ;
Attendu que la créance a fait l’objet de deux courriers simples de relance, les 6 octobre 2010 et 4 octobre 2011 ; que, par lettre du 15 décembre 2011, la directrice de l’association a informé le GIP des difficultés financières de l’association et sollicité une remise gracieuse ;
Attendu que, par lettre recommandée du 22 février 2012, le directeur du GIP a rejeté cette demande et sollicité la transmission « d’un courrier du liquidateur judiciaire en charge [du] dossier pour donner suite » ;
Attendu que cette démarche n’a été suivie d’aucune procédure de recouvrement ; que le conseil d’administration a admis la créance en non-valeur le 28 mars 2013 ; que cette décision a donné lieu à l’émission d’un mandat de charge exceptionnelle le 30 avril 2013 ;
Sur les éléments apportés à décharge par les comptables et par l’ordonnateur
Attendu que M. X, comptable au moment des faits, n’a pas directement répondu au réquisitoire, mais, dans un courrier électronique du 26 septembre 2017, a renvoyé à la réponse de son successeur ;
Attendu que l’agent comptable et l’ordonnateur font valoir que le GIP est intervenu comme sous-traitant de l’association Les Chibanis dans le cadre d’une opération pour l’insertion professionnelle financée dans le cadre d’un contrat urbain de cohésion sociale (CUCS) pour la ville de Nice ; que la facture établie correspondait à une somme forfaitaire prévue dans le projet initial ; que les subventions allouées par le CUCS à l’association ont été inférieures au montant attendu ; que l’action s’est ainsi trouvée déficitaire et l’association en difficulté financière ; que le GIP n’a pas fait droit à la demande de remise gracieuse présentée par l’association, mais que, faute de convention, il n’a pu poursuivre le recouvrement de sa créance ; qu’après de nombreux rappels restés sans réponse et connaissant l’impossibilité pour l’association d’honorer cette créance, le GIP a décidé de l’admettre en non-valeur ;
Attendu que Mme Y observe que l’admission en non-valeur est intervenue avant son entrée en fonctions ;
Sur l’existence d’un manquement
Attendu que ni le comptable, ni l’ordonnateur ne contestent l’absence de diligences en vue du recouvrement ; que l’agent comptable se borne à évoquer les « relances effectuées par le GIP auprès de l’association débitrice » ; que l’action en recouvrement s’est limitée à la phase amiable, au moyen de trois rappels tardifs, envoyés les 6 octobre 2010, 4 octobre 2011 et 22 février 2012 ; qu’aucune démarche n’a été conduite pour faire valoir les droits du GIP par voie d’exécution forcée et propre à prévenir l’éventuelle insolvabilité du débiteur ;
Attendu, s’agissant de l’impossibilité de poursuivre le recouvrement du fait de l’absence de convention entre le GIP et l’association débitrice, que ce document est au nombre des justifications exigées par la nomenclature annexée à l’instruction codificatrice M95 susvisée, applicable au GIP en matière de ventes de prestations au moment de la prise en charge du titre par le comptable ; qu’il incombait donc au comptable d’exiger cette pièce à l’appui du titre émis en 2009 à l’encontre de l’association Les Chibanis ; que, dès lors, il ne peut arguer de l’absence de cette pièce pour justifier l’impossibilité de poursuivre le recouvrement ;
Attendu en outre que l’agent comptable n’apporte pas la preuve de l’irrécouvrabilité de la créance avant sa date de prescription ; que la seule affirmation de l’impossibilité, pour l’association, de s’acquitter de sa dette, ne peut être admise à sa décharge ; que l’admission en non-valeur ne saurait suppléer rétroactivement l’absence de diligences et ne lie pas le juge des comptes dans l’appréciation de la responsabilité du comptable ;
Attendu qu’en n’accomplissant pas des diligences adéquates, complètes et rapides en vue du recouvrement de la créance détenue par le GIP sur l’association Les Chibanis, le comptable a manqué à ses obligations ;
Attendu qu’à la date d’entrée en fonctions de Mme Y, le 29 août 2013, l’admission en non-valeur était déjà prononcée, et que l’action en recouvrement du titre de recettes était déjà compromise par l’inaction de son prédécesseur ;
Attendu que M. X a engagé sa responsabilité au titre de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
Attendu qu’aux termes de l’article 60 VI de la loi n° 63-156 susvisée, « lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
Attendu que le non-recouvrement d’une créance cause par principe un préjudice financier à la collectivité publique créancière ;
Attendu que, dans ses conclusions, le Procureur général fait valoir que le manquement du comptable a directement entraîné un manquant dans les caisses du GIP ;
Attendu que le manquement du comptable du fait du non-recouvrement de la créance détenue par le GIP FIPAN sur l’association Les Chibanis et de l’admission en non-valeur de la créance auquel il a conduit, ont causé au GIP FIPAN un préjudice financier, au sens des dispositions du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février susvisée, de 4 000 € au GIP FIPAN ;
Attendu qu’aux termes du même article, « Lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’ainsi il y a lieu de constituer M. X débiteur du GIP FIPAN pour la somme de 4 000 € ;
Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 13 juillet 2017, date de réception du réquisitoire par M. X ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
En ce qui concerne M. X
Au titre de l’exercice 2013, charge unique
Article 1er. – M. X est constitué débiteur du Groupement d’intérêt public Formation et insertion professionnelle de l’Académie de Nice (GIP FIPAN) au titre de l’exercice 2013, pour la somme de 4 000 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 13 juillet 2017.
Article 2. – La décharge de M. X pour l’exercice 2013 ne pourra être donnée qu’après apurement du débet fixé ci-dessus.
En ce qui concerne Mme Y
Article 3. – Mme Y est déchargée de sa gestion pour la période du 29 août 2013 au 31 décembre 2014.
Fait et jugé par M. Pascal DUCHADEUIL, président de chambre, président de la formation ; MM. Philippe HAYEZ, président de section, Noël DIRICQ et Yves ROLLAND, conseillers maîtres.
En présence de Mme Marie-Noëlle TOTH, greffière de séance.
Marie-Noëlle TOTH |
Pascal DUCHADEUIL |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.
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