S2018-0934 1/5
République Française, Au nom du peuple français,
La Cour, |
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Vu le réquisitoire à fin d’instruction de charges n° 2016-81 RQ-DB du 2 décembre 2016 du Procureur général près la Cour des comptes, notifié le 17 mars 2017 à Mme X, agent comptable de l’Institut français du Rwanda, et à l’ordonnateur, directeur de l’institut, qui en ont accusé réception respectivement le 3 avril 2017 et le 20 mars 2017 ;
Vu les réponses au réquisitoire formulées par Mme X les 2 et 15 mai 2017 ;
Vu l’arrêté conservatoire de débet dit « décision provisoire de charges » en date du 21 janvier 2016 transmis à la Cour le 25 janvier 2016, par lequel le directeur de la direction spécialisée des finances publiques pour l’étranger a mis en jeu la responsabilité de Mme X en sa qualité d’agent comptable de l’Institut français du Rwanda, au titre des exercices 2011 et 2012 ;
Vu les bordereaux d’injonctions du 5 octobre 2014 et du 10 avril 2015 du directeur de la direction spécialisée des finances publiques pour l’étranger, ensemble les pièces justificatives visées au réquisitoire du 2 décembre 2016 ;
Vu les comptes des exercices 2011 et 2012 rendus en qualité de comptable de l’Institut français du Rwanda par Mme X ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;
Vu l’ensemble des pièces du dossier ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée, dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;
Vu le décret n° 2008-228 du 5 mars 2008 relatif à la constatation et à l’apurement des débets des comptables publics et assimilés ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963 modifiée dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu les lois et règlements applicables aux établissements de diffusion culturelle à l’étranger dotés de l’autonomie financière, notamment le décret modifié n° 76-832 du 24 août 1976 relatif à l’organisation financière de certains établissements ou organismes de diffusion culturelle dépendant du ministère des affaires étrangères et du ministère de la coopération, ensemble l’arrêté du 24 janvier 2011 portant abrogation des arrêtés des 3 mars 1982 et 30 avril 1999 modifiés fixant la liste des établissements et organismes de diffusion culturelle d’enseignement dotés de l’autonomie financière ;
Vu l’instruction codificatrice n° 94-005-M97 du 11 janvier 1994 sur l’organisation financière et comptable des établissements ou organismes de diffusion culturelle à l’étranger ;
Vu le rapport à fin d’arrêt de M. Étienne CHAMPION, conseiller maître, chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions n° 183 du Procureur général du 13 mars 2018 ;
Entendu, lors de l’audience publique du 22 mars 2018, M. Etienne CHAMPION, en son rapport, Mme Loguivy ROCHE, avocate générale en les conclusions du ministère public, les parties informées de l’audience, n’étant ni présentes ni représentées ;
Entendu en délibéré M. Olivier ORTIZ, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;
Sur le régime de responsabilité applicable
Attendu que l’article 90 de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 a défini des règles nouvelles pour la mise en jeu de la responsabilité pécuniaire des comptables publics ; que selon le II de l’article 90 précité, le nouveau régime « entre en vigueur le 1er juillet 2012 » et « les déficits ayant fait l'objet d'un premier acte de mise en jeu de la responsabilité d'un comptable public ou d'un régisseur avant cette date demeurent régis par les dispositions antérieures » ;
Attendu que le premier acte de mise en jeu de la responsabilité des agents comptables des centres culturels français à l’étranger, dont les comptes sont apurés par le trésorier payeur général pour l’étranger pour la gestion 2011 et par le directeur de la direction spécialisée des finances publiques pour l’étranger pour la gestion 2012, est la notification du bordereau d’injonctions par ce trésorier payeur général pour 2011 et par le directeur de la direction spécialisée des finances publiques pour l’étranger pour 2012 ;
Attendu que les injonctions notifiées à Mme X au titre de ses opérations sur l‘exercice 2011 sont en date du 5 octobre 2014, et au titre de ses opérations sur l’exercice 2012, du 10 avril 2015 ; que dès lors les charges qui en résultent dans l’arrêté conservatoire de débet sont à juger selon les dispositions de la loi de finances du 28 décembre 2011 précitée ;
Sur la charge n° 1 soulevée à l’encontre de Mme X (exercice 2011)
Attendu que par le réquisitoire susvisé, il est fait grief à Mme X d’un dépassement de crédits au compte 641 « rémunérations du personnel » à hauteur de 471 539,00 francs rwandais lors du paiement des mandats n°s 276 et 277, par bordereau 18 émis le 16 décembre 2011, alors que la décision budgétaire modificative n° 3 a été approuvée après clôture de l’exercice le 9 janvier 2012 ;
Attendu qu’aux termes de l’article de l'article 12 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 susvisé, le comptable est tenu, en matière de dépenses, d'exercer le contrôle de la disponibilité des crédits ; qu’aux termes de l'article 37 du même décret, lorsqu'à l'occasion de ce contrôle il constate des irrégularités, il est tenu de suspendre le paiement et d'en informer l'ordonnateur ;
Attendu que le I de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 modifiée dispose à son deuxième alinéa que les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière de dépenses, dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique ; que le IV de l'article 60 de la même loi précise que la responsabilité pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu'une dépense a été irrégulièrement payée ;
Attendu que Mme X fait valoir qu’elle a dû faire face à une situation complexe et difficile ; qu’elle a dû établir une décision modificative après le paiement des salaires ; qu’elle ne conteste pas l’irrégularité du paiement ;
Attendu que les éléments de fait exposés par la comptable, s’ils sont susceptibles d’être présentés à l’appui d’une demande de remise gracieuse d’un débet prononcé le cas échéant à son égard, ne démontrent pas que Mme X aurait été confrontée à des circonstances extérieures à son action, imprévisibles et irrésistibles ;
Attendu qu'en procédant au paiement de dépenses en dépassement des crédits budgétaires ouverts, la comptable a manqué à son obligation de contrôle de la disponibilité des crédits et que, dès lors, sa responsabilité personnelle et pécuniaire s'est immédiatement trouvée engagée ;
Attendu que si les dépenses payées par Mme X en dépassement des crédits ouverts par l’autorité budgétaire sur le compte 641 sont de nature à causer un préjudice financier à l’établissement, il y a lieu de prendre en compte l’intervention de la décision modificative n° 3 approuvée le 9 janvier 2012, moins d’un mois après le paiement des mandats du 16 décembre 2011 ; que le compte 641 de l’année 2011 a donc fait l’objet d’une validation par l’autorité délibérante qui a abondé ce compte des crédits nécessaires pour permettre de couvrir les paiements en cause ; qu’à la date à laquelle le juge des comptes statue, le manquement de la comptable doit être regardé comme n’ayant pas causé préjudice à l’Institut français du Rwanda ;
Attendu qu’en application du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, lorsque le manquement du comptable n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger, en tenant compte des circonstances de l’espèce, à s’acquitter d’une somme non rémissible dont le montant maximum est fixé par le décret du 10 décembre 2012 susvisé ;
Attendu qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en prononçant à l’encontre de Mme X une somme non rémissible égale au plafond mentionné à l’article 1er du décret précité, à savoir 1,5 pour mille du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré (9 100 €), soit 13 € ;
Sur la charge n° 2 soulevée à l’encontre de Mme X (exercice 2012)
Attendu que par le réquisitoire susvisé, il est fait grief à Mme X d’un solde débiteur non régularisé du compte 41112 « clients années antérieures » du 31 décembre 2012 à hauteur de 2 664 524,75 francs rwandais ;
Attendu que le I de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée dispose que la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable se trouve engagée dès lors qu'un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté ;
Attendu que la comptable ne conteste pas l’existence du solde débiteur et que les éléments qu’elle a transmis lors de l’instruction ne permettent pas de justifier de la créance et de son origine ; qu’elle indique avoir commis une omission en reportant une créance soldée à la balance d’entrée 2012 ;
Attendu que les éléments présentés par la comptable ne sont pas de nature à l’exonérer de sa responsabilité personnelle et pécuniaire ; qu’il y a lieu dès lors d’engager sa responsabilité ;
Attendu que ce solde débiteur non régularisé a causé un préjudice financier à l’Institut français du Rwanda ;
Attendu que, selon le troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’il convient donc de constituer Mme X débitrice de l’Institut français du Rwanda de la somme de 2 664 524,75 francs rwandais au titre de l’exercice 2012 ;
Attendu qu’en application du VIII de l’article 60 de la loi de finances pour 1963 précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ;
Attendu qu’au cas d’espèce, le premier acte de la mise en jeu de la responsabilité de Mme Xa été la notification d’injonctions par le directeur de la direction spécialisée des finances publiques pour l’étranger par le bordereau d’injonctions signé le 10 avril 2015 auquel Mme X a adressé une réponse reçue le 12 mai 2015 ; qu’il convient dès lors de retenir cette date pour le décompte des intérêts légaux ;
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1er – Mme X devra s’acquitter d’une somme de 13 € au titre de la charge n° 1 sur l’exercice 2011 ; cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en application du IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963.
Article 2 - Mme X est constituée débitrice de la somme de 2 664 524,75 francs rwandais (soit 3 330,66 € au taux de chancellerie en vigueur au31 décembre 2012), augmentée des intérêts de droit à compter du 12 mai 2015, au titre de la charge n° 2 sur l’exercice 2012.
Article 3 - Les règles de contrôle sélectif des dépenses ne sont pas applicables en l’espèce.
Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section.
Présents : M. Jean-Philippe VACHIA, président de chambre, président de la formation ; M. Yves ROLLAND, président de section, MM. Denis BERTHOMIER et Olivier ORTIZ, conseillers maîtres, Mmes Dominique DUJOLS, Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS, conseillères maîtres, et M. Jean-Luc GIRARDI, conseiller maître.
En présence de M. Aurélien LEFEBVRE, greffier de séance.
Aurélien LEFEBVRE
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Jean-Philippe VACHIA
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En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-120 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.
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