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S2018-1876
République Française, Au nom du peuple français, La Cour,
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Vu la requête enregistrée le 12 août 2016 au greffe de la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur, par laquelle M. Jean-Jacques SAULNIER, comptable du syndicat intercommunal des collectivités territoriales informatisées des Alpes-Maritimes (SICTIAM), a élevé appel du jugement n° 2016-0026 du 6 juin 2016 par lequel ladite chambre régionale l’a constitué débiteur envers le SICTIAM de la somme de 13 323,44 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 4 novembre 2015, au titre de sa gestion au cours de l’exercice 2012 ;
Vu les pièces de la procédure suivie en première instance et notamment le réquisitoire du procureur financier près de la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur
n° 2015-0110 du 28 octobre 2015 ;
Vu le code général des collectivités territoriales, notamment son article L. 1617-5 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu l’instruction codificatrice n° 11-022-MO du 16 décembre 2011 portant recouvrement des recettes des collectivités territoriales et des établissements publics locaux ;
Vu le rapport R-2018-0295-1 de M. Nicolas ROCQUET, conseiller référendaire, chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions n° 376 du Procureur général du 6 juin 2018 ;
Entendu, lors de l’audience publique du 14 juin 2018, M. Nicolas ROCQUET, en son rapport, M. Serge BARICHARD, avocat général, en les conclusions du ministère public ; les autres parties, informées de l’audience n’étant ni présentes ni représentées ;
Après avoir entendu en délibéré Mme Dominique DUJOLS, conseillère maître, réviseure, en ses observations ;
Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur a engagé la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. SAULNIER pour avoir définitivement compromis l’action en recouvrement de trois titres de recette n° 611/2008 d’un montant de 5 669,04 €, n° 974/2008 d’un montant de 2 870,40 € et n° 1206/2008 d’un montant de 4 784 € émis à l’encontre de la commune de Mandelieu-la-Napoule pris en charge respectivement les 2 juin 2008, 23 septembre 2008 et 31 décembre 2008, qui a été atteinte par la prescription prévue à l’article L. 1617-5 susvisé du code général des collectivités territoriales au cours de l’exercice 2012, faute pour ce comptable d’avoir accompli en temps utile les diligences appropriées en vue dudit recouvrement ; que la chambre a jugé que ce manquement avait entraîné un préjudice financier pour la commune et qu’elle a, en conséquence, constitué M. SAULNIER débiteur envers le SICTIAM de la somme de 13 323,44 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 4 novembre 2015 ;
Attendu que le comptable appelant développe plusieurs moyens destinés à contester le manquement que la chambre régionale des comptes a retenu à son encontre ; qu’en premier lieu, il fait valoir qu’une annulation partielle du titre 974/2008 par un mandat en date du
15 septembre 2015 diminuerait le montant du débet à 11 888,24 € ;
Attendu qu’en deuxième lieu, il avance que s’agissant du titre 611/2008, l’application HELIOS fait apparaître des mises en demeure régulièrement établies depuis décembre 2012 ; que s’agissant des titres 974/2008 et 1206/2008, une mise en demeure signée par le président du SICTIAM a été envoyée le 7 septembre 2012 et que, ce faisant, ces éléments seraient de nature à interrompre le cours de la prescription de l’action de recouvrement tout en admettant qu’il ne peut apporter la preuve formelle de la réception de ces mises en demeure ; qu’il ajoute que si l’instruction codificatrice n° 11-022-MO du 16 décembre 2011 portant recouvrement des recettes des collectivités territoriales et des établissements publics locaux dispose que « par exception, en action manuelle hors HELIOS, le comptable peut envoyer les mises en demeure avec accusé de réception », les consignes données par sa direction étaient de ne plus envoyer les courriers en recommandé et qu’au surplus, il ne disposait ni du budget ni des moyens en personnel pour effectuer les envois de mise en demeure en recommandé et qu’enfin d’une part, dans des échanges écrits, la commune de Mandelieu-la-Napoule n’a pas invoqué le caractère prescrit des créances en cause et d’autre part les propos tenus relatifs à des demandes d’annulation au trésor public dans le courriel du 23 mars 2015 d’un agent de la commune précitée et ceux concernant les trois titres de recette en cause dans un courrier émanant d’un conseiller municipal dont la date semblerait être le 30 novembre 2015, apporteraient la preuve de manière indirecte que les mises en demeure ont bien été reçues.
Attendu qu’en troisième lieu, le comptable soutient qu’il aurait appliqué strictement l’instruction codificatrice n°11-022-MO du 16 décembre 2011 portant recouvrement des recettes des collectivités territoriales et des établissements publics locaux qui précise qu’ « en cas d'échec de la mise en demeure, le comptable doit saisir par écrit l'ordonnateur de l'organisme public créancier pour l'informer de l'échec du recouvrement amiable et lui indiquer qu'il envisage, sauf opposition écrite de sa part, de demander, suivant le cas, soit à la chambre régionale des comptes, soit au représentant de l'État la mise en œuvre de la procédure d'inscription/mandatement d'office » ; qu’en l’espèce l’ordonnateur se serait toujours opposé au recours à la procédure d’inscription d’office en particulier en le rappelant lors de l’audience publique du 3 mai 2016 ; qu’au surplus dès lors que la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur aurait été saisie, elle aurait rejeté la demande parce qu’elle faisait l’objet d’une contestation sérieuse dans son principe ou dans son montant de la part de la commune de Mandelieu-la-Napoule ;
Attendu qu’en dernier lieu le comptable considère que si la collectivité a reconnu par courrier qu’elle devait régler les titres en cause, le recouvrement des créances ne serait pas définitivement compromis ;
Attendu que l’appelant demande, par conséquent, à la Cour d’infirmer le jugement attaqué en ce qu’il l’a constitué débiteur du SICTIAM, au titre de l’exercice 2012, pour la somme de 13 323,44 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 4 novembre 2015 ;
Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisé : « Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes (…) La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors (…) qu’une recette n’a pas été recouvrée (…) » ; qu’il revient au comptable de dégager sa responsabilité en apportant la preuve que ses diligences ont été adéquates, complètes et rapides, la justification de telles diligences conduisant à présumer que le caractère irrécouvrable de la créance provient d’une cause étrangère à l’action du comptable ; que, lorsque tel n’est pas le cas, son action doit être regardée comme insuffisante et sa responsabilité engagée, s’il est établi que les possibilités de recouvrement ont été, de ce fait, compromises ;
Attendu, s’agissant du premier moyen, que l’annulation partielle du titre 974/2008 n’avait pas été invoquée à l’instance par le comptable et que celle-ci était simplement mentionnée dans une lettre du SICTIAM à la commune débitrice, sans qu’ait été prouvée, selon les conclusions du ministère public en date du 22 février 2016, l’inscription de ladite annulation partielle dans les comptes du SICTIAM ; que la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur n’a donc pas commis d’erreur de droit en ne retenant pas cette annulation dans le calcul du débet ; que si la pièce nouvelle produite par le requérant à l’appui de ce moyen peut en effet attester de l’inscription dans les comptes d’une réduction de 1 435,20 €, celle-ci n’est pas assortie de justificatifs prouvant la régularité de ladite réduction au regard des motifs autorisant une annulation de créance et notamment, selon l’instruction codificatrice précitée, la rectification « des erreurs matérielles de liquidation (identité du débiteur, liquidation de la créance erronée) commises lors de l’émission du titre de recettes »; qu’en conséquence, si la production éventuelle de tels justificatifs pourra permettre d’imputer cette somme sur le paiement du débet prononcé, il n’y a pas lieu d’infirmer le jugement sur ce point ;
Attendu, s’agissant du second moyen, que l’instruction codificatrice précitée ne saurait avoir pour effet de restreindre l’obligation pour le comptable d’apporter la preuve des diligences effectuées en vue du recouvrement des créances qu’il a prises en charge ; que de simples bordereaux de situation qui retracent l’historique des diligences accomplies dans l’application HELIOS ne sont pas de nature à justifier si des actes susceptibles d’interrompre la prescription ont été pris puisqu’ils ne garantissent en rien leur notification effective au redevable ; qu’il en va de même pour le courrier du 7 septembre 2012 qui n’a pas été émis en recommandé ; que les difficultés en termes de budget ou de personnel relèvent des circonstances de l’espèce ; que ces éléments, à supposer établis, ne pourront être utilement présentés qu'à l'appui d'une demande de remise gracieuse ;
Attendu, s’agissant du troisième moyen à l’appui de la requête, qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 1612-15 du CGCT, « le comptable public concerné » figure parmi les personnes habilitées à enclencher la procédure d’inscription d’office au budget d’une collectivité territoriale des crédits nécessaires à l’acquittement d’une dette correspondant à une dépense obligatoire de cette collectivité ; que l’instruction codificatrice précitée ne saurait faire obstacle à l’office du juge de se prononcer sur les diligences exercées par le comptable ; qu’au surplus, la preuve de l’opposition écrite de l’ordonnateur avant la date de prescription n’a pas été produite et qu’enfin la décision qui aurait été prise d’inscrire d’office ou non les titres de recettes en cause au budget de la collectivité relève de l’appréciation de la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur et qu’elle est sans effet sur l’inaction du comptable qui n’a pas saisi ladite chambre et qui ne peut préjuger des suites que celle-ci aurait entendu donner ;
Attendu, s’agissant du dernier moyen, que si la commune de Mandelieu-la-Napoule n’a pas invoqué le caractère prescrit des titres de recette, le renoncement du redevable à recourir à ce motif ne peut être présumé; que le courriel du 23 mars 2015 et le courrier de novembre 2015 précités ont été émis au-delà de la date de prescription et que ce faisant ils ne peuvent être vus comme une preuve valable de la réception des mises en demeure ;
Attendu qu’il ressort de ce qui précède que le recouvrement des titres de recettes précités s’est trouvé prescrit au cours de la gestion de M. SAULNIER, à défaut pour ce dernier de pouvoir justifier des actes interruptifs qu’il allègue avoir notifiés aux débiteurs ; qu’il en résulte une perte de recettes pour le SICTIAM ; que le manquement du comptable a donc causé un préjudice financier au syndicat et que ce faisant la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur n’a pas commis d’erreur de droit en constituant M. SAULNIER débiteur envers le SICTIAM de la somme de 13 323,44 €, augmentée des intérêts de droit à compter
du 4 novembre 2015 ;
Par ces motifs,
DECIDE :
Article unique - La requête de M. SAULNIER est rejetée.
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Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents : M. Yves ROLLAND, président de section, président de séance, MM. Jean-Yves BERTUCCI et Denis BERTHOMIER, conseillers maîtres et de Mmes Dominique DUJOLS et Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS, conseillères maîtres.
En présence de Mme Stéphanie MARION, greffier de séance.
Stéphanie MARION
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Yves ROLLAND
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En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.
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