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CINQUIEME CHAMBRE

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Quatrième section

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Arrêt n° S 2018-0001

 

Audience publique du 14 décembre 2017

 

Prononcé du 5 janvier 2018

 

 

 

GROUPEMENT D’INTERET PUBLIC FORMATION CONTINUE ET INSERTION PROFESSIONNELLE

(GIP FC-IP) DE L’ACADEMIE DE LYON

 

Exercices 2010 à 2014

 

Rapport n° R 2017-1179

 

 

 

 

République Française,

Au nom du peuple français,

 

La Cour,

 

 

Vu le réquisitoire en date du 4 mai 2017, par lequel le Procureur général près la Cour des comptes a saisi la cinquième chambre de la Cour des comptes de présomptions de charges en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X, de M. Y et de Mme Z, agents comptables successifs du Groupement d’intérêt public formation continue et insertion professionnelle de l’académie de Lyon (GIPAL), au titre d’opérations relatives aux exercices 2010 à 2014, notifié respectivement les 29 mai pour Mme X, M. Y et le 30 mai pour Mme Z, ainsi qu’au directeur du GIP ;

Vu les comptes rendus en qualité de comptables du GIPAL par Mme X, du 1er janvier au 30 juin 2010, M. Y du 1er juillet 2010 au 30 octobre 2012, et Mme Z du 31 octobre 2012 au 31 décembre 2014 ;

Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique alors en vigueur et le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifiée dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificatives pour 2011 ;

Vu les lois et règlements relatifs à la comptabilité des groupements d’intérêt public ;

Vu la convention constitutive du GIPAL du 3 juillet 2008 et celle du 18 avril 2013 ;

Vu les arrêtés du Premier président de la Cour des comptes n° 14-974 du 17 décembre 2014 et n° 15-688 du 17 décembre 2015 portant répartition des attributions entre les chambres de la Cour des comptes ;

Vu les lettres, en date du 26 mai 2017, de notification du réquisitoire ;

Vu les observations en réponse au réquisitoire adressées par Mme Z, comptable, le 18 mai 2016, 22 juin 2017, 27 septembre 2017, 29 septembre 2017 et 13 décembre 2017 ;

Vu les cautionnements de Mme X, M. Y et Mme Z ;

Vu le rapport à fin d’arrêt de Mme Hélène Gadriot-Renard, conseiller maître, magistrate chargée de l’instruction et les pièces jointes au rapport ;

Vu les conclusions n° 919 du Procureur général du 6 décembre 2017 ;

Entendu lors de l’audience publique du 14 décembre 2017 Mme GadriotRenard, conseiller maître en son rapport, M. Christophe Luprich, substitut général, en les conclusions du ministère public, les parties informées de l’audience n’étant ni présentes, ni représentées ; 

Entendu en délibéré Mme Nathalie Casas, conseillère maître, réviseure, en ses observations ;

 

Sur la présomption de charge unique soulevée à l’encontre des comptables successifs du GIPAL, au titre des exercices 2010 à 2014 :

 

Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la cinquième chambre de la Cour des comptes de la responsabilité encourue par Mme X, M.  Y et Mme Z à raison de paiements irréguliers, pendant les exercices 2010 à 2014, d’éléments de rémunération et de remboursement de frais au bénéfice de personnels mis à la disposition de l’établissement, effectués sans qu'aucun document de nature à établir un lien juridique entre l’établissement et les bénéficiaires ait été produit, et sans vérification que les pièces fournies étaient complètes, précises et cohérentes au regard de la nature de la dépense ;

 

Sur les éléments apportés à décharge par les comptables

Attendu que seule Mme Z a répondu au réquisitoire ; qu’elle apporte dans sa réponse des précisions sur certains des dossiers concernés ; que, pour ces dossiers, elle produit notamment les lettres d’engagement en tant que vacataires qui justifient le versement d’indemnités en cette qualité aux personnels concernés ; que, de surcroît, elle relève qu’au cours des exercices 2010 à 2014, des décisions collectives prises par le Recteur ont nominativement désigné les personnels mis à disposition du GIPAL pour y exercer les fonctions qui y étaient précisées ;

 

Sur le droit applicable

Attendu qu’en application des dispositions des décrets n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique et n° 20121246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du contrôle des pièces justificatives dont ils assurent le paiement; quà ce titre il leur revient d'apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée ; que, pour établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l'ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en deuxième lieu, si ces pièces sont d'une part complètes et précises, d'autre part cohérentes au regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable et de la nature et l'objet de la dépense telle qu'elle a été ordonnancée ;

 

Attendu quen l’espèce l’annexe 11 de l’instruction comptable applicable n’exige pas la production de conventions de mise à disposition pour le paiement de dépenses au bénéfice des personnels relevant de cette position administrative ; qu’elle ne contient de prescription particulière que pour les personnels détachés, en requérant à ce titre « la décision de rémunération et éventuellement contrat » ;

 

Sur les manquements et les responsabilités

Attendu que pour chaque exercice, les décisions nominatives du Recteur ont été produites ; qu’elles indiquaient le service d’affectation des personnels, ainsi que leur quotité de temps de travail ; que de surcroît ces listes étaient insérées par l’ordonnateur dans le registre du personnel et qu’elles ont été présentées au conseil d’administration du GIPAL, présidé par le Recteur ;

Attendu en conséquence que, dans le cadre du contrôle qui lui incombe et qui ne porte pas sur la légalité des décisions qui lui sont transmises, le comptable disposait d’une pièce justificative établissant sans ambiguïté le lien juridique entre les agents qui y étaient listés et le GIPAL ; que, lorsque ce lien était établi, le comptable n’a pas manqué à ses obligations en effectuant les règlements, compte tenu de la production des autres justificatifs requis, notamment ceux établissant la régularité des frais de déplacement dont le remboursement était demandé ;

Attendu toutefois que certains agents ont bénéficié de paiements alors qu’ils ne figuraient pas sur les listes collectives ;

Attendu qu’ainsi, en 2011, M. A ne figurait sur aucune liste nominative et qu’aucune lettre d’engagement le concernant n’a été produite ; que la délibération du conseil d’administration autorisant le versement d’indemnité au directeur d’un centre de formation des apprentis, invoquée par la comptable, n’est pas nominative et que rien n’établit donc que M. A pouvait s’en prévaloir ; qu’en conséquence le paiement de 1 131,90 € d’indemnité et de 51,76 € de remboursement de frais de déplacement à son bénéfice ne peut être considéré comme justifié ;

Attendu que de la même manière, en 2012, Mme B et M. C ne figurent pas sur les listes nominatives produites par la comptable ; qu’en conséquence le remboursement de frais à leur bénéfice n’est pas justifié à hauteur respectivement de 40,49 et 270,82  ;

Attendu qu’en 2012 des indemnités ont été payées au bénéfice de Mme D au titre des fonctions exercées comme directrice d’un centre de formation des apprentis ; qu’une lettre d’engagement a effectivement été produite attestant de son recrutement en cette qualité ; que toutefois, si cette lettre datée de septembre 2012 a régulièrement fondé les paiements postérieurs à sa date de signature, elle ne peut en revanche être tenue pour une pièce justificative suffisante pour les règlements intervenus au titre du premier semestre 2012 ; qu’en conséquence le paiement d’indemnités de janvier à at 2012 n’est pas justifié à hauteur de 14 714,87 € ;

Attendu qu’il ressort de ce qui précède que les paiements irréguliers auxquels ont procédé les comptables en 2011 et 2012 s’établissent comme suit :

 

 

Exercice

Montant en € des paiements irréguliers

CHARGE UNIQUE

2011

1 183,66

2012

15 026,18

 

 

Attendu qu’au regard de la date des paiements, ces dépenses irrégulières effectuées sont imputables à M. Y ;

Attendu que ledit comptable a manqué à ses obligations de contrôle prescrites par l’article 13 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique pour les exercices 2010 à 2012 ; qu’il convient de mettre en jeu sa responsabilité personnelle et pécuniaire au titre de 2011 et de 2012 (au 30 octobre) ;

 

Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février susvisée, « lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;

Attendu que le paiement d’indemnités ou le remboursement de frais à une personne sans que la preuve ait été apportée au juge des comptes de l’existence d’un lien juridique entre cette personne et le GIPAL constitue un préjudice financier pour ledit établissement ; qu’ainsi il y a lieu de constituer débiteur du GIPAL M. Y pour la somme de 16 209,84  ;

Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, la date de réception du réquisitoire est le 29 mai 2017 pour M. Y ;

Attendu qu’aucune charge ne subsiste à l’encontre de Mme X du 1er décembre 2008 au 20 juin 2010 et de Mme Z, pour sa gestion du 31 octobre 2012 au 31 décembre 2014 ; qu’il y a donc lieu de décharger et de déclarer quitte Mme X pour sa gestion terminée à la date précitée ; qu’il y a lieu de décharger Mme Z de sa gestion pour la période du 31 octobre 2012 au 31 décembre 2013, l’exacte reprise des soldes de la balance de sortie au 31 décembre 2014 dans la balance d’entrée au 1er janvier 2015 n’ayant pas été vérifiée ; qu’aucune charge ne pesant sur M. Y au titre de sa gestion du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2010, il pourra en être déchargé ;

 

Par ces motifs,

 

Ordonne :

 

Article 1er - M. Y est constitué débiteur du Groupement d’intérêt public formation continue et insertion professionnelle de l’académie de Lyon, pour les sommes de 1 183,66 € au titre de l’exercice 2011 et de 15 026,18 € au titre de l’exercice 2012, augmentées des intérêts de droit à compter du 29 mai 2017.

 

Article 2 – M. Y est déchargé de sa gestion pour l’exercice 2010 (du 1er juillet 2010). Sa décharge au titre des exercices 2011 et 2012 (au 30 octobre) ne pourra être donnée qu’après apurement du débet fixé ci-dessus.

 

Article 3 - Mme X est déchargée de sa gestion pour la période comprise entre le 1er janvier et le 30 juin 2010.

Mme X est quitte et libérée de sa gestion terminée à la date ci-avant indiquée.

Mainlevée peut être donnée et radiation peut être faite de toutes oppositions et inscriptions mises ou prises sur ses biens meubles et immeubles ou sur ceux de ses ayants cause pour sûreté de ladite gestion et son cautionnement peut être restitué (ou ses cautions dégagées).

Article 4 - Mme Z est déchargée de sa gestion pour la période comprise entre le 31 octobre 2012 et le 31 décembre 2013.

 


Fait et jugé par M. Pascal DUCHADEUIL, président de chambre, président de la formation ; MM. Philippe HAYEZ, président de section, Noël DIRICQ, Yves ROLLAND, conseillers maîtres et Mme Marie-Dominique PERIGORD, conseillère maître.

 

En présence de Mme Marie-Noëlle TOTH, greffière de séance.

 

 

 

 

 

 

Marie-Noëlle TOTH

 

 

 

 

 

Pascal DUCHADEUIL

 

 

 

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ladite ordonnance à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

 

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les ordonnances prononcées par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.

 

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