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QUATRIEME CHAMBRE

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Première section

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Arrêt n° S 2018-0318

 

Audience publique du 25 janvier 2018

 

Prononcé du 22 février 2018

CENTRE COMMUNAL D’ACTION SOCIALE DE SOUILLAC (LOT)

 

Appel d’un jugement de la chambre régionale des comptes de Midi-Pyrénées

 

 

 

Rapport n° 2017-1543

République Française,

Au nom du peuple français,

La Cour,

Vu la requête en date du 9 décembre 2015, enregistrée au greffe de la chambre régionale des comptes de Midi-Pyrénées le 14 décembre 2015, par laquelle M. X, comptable du centre communal d’action sociale de la commune de Souillac a élevé appel du jugement n° 2015-0015 du 7 octobre 2015 par lequel ladite chambre régionale a mis à sa charge deux sommes non rémissibles de 223 , au titre de l'exercice 2012, pour avoir procédé d’une part, à des paiements sur factures d’achats de produits alimentaires en l’absence des pièces justificatives requises et, d’autre part, pour avoir payé à deux reprises les trois mêmes factures ;

Vu les pièces de la procédure suivie en première instance et notamment le réquisitoire du procureur financier près la chambre régionale des comptes de Midi-Pyrénées n° 2015-0017 du 17 mars 2015 ;

Vu le code général des collectivités territoriales, et notamment son article
D. 1617-19 ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;

Vu le rapport de M. Olivier BREUILLY, conseiller référendaire, chargé de l’instruction ;

Vu les conclusions du Procureur général n° 989 du 15 décembre 2017 ;

Entendu, lors de l’audience publique du 25 janvier 2018, M. BREUILLY, en son rapport, M. Christophe LUPRICH, substitut général, en les conclusions du ministère public, M. X, appelant, n’étant ni présent, ni représenté ;

Après avoir entendu en délibéré M. Jean-Yves BERTUCCI, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;

Sur la charge 1

Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale a mis à la charge de M. X une somme non rémissible de 223 , au titre de l’exercice 2012, pour avoir payé des achats de produits alimentaires pour des totaux hors taxes allant, suivant les fournisseurs de 22 469,87 € à 101 435,33 , au vu de pièces justificatives qui se limitaient à des factures transmises par lesdits fournisseurs alors qu’en application de l’article 11 du code des marchés publics, un marché aurait, selon elle, dû être produit au comptable à l’appui de ces dépenses ;

Attendu que M. X fait valoir, en se référant à l’instruction ministérielle du 26 mars 2004 relative au contrôle en matière de marchés publics exercés par les agents du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, que le comptable n'a pas à assurer un suivi du seuil des marchés, la présentation de la dépense se faisant sous la seule responsabilité de l’ordonnateur ; qu’il insiste notamment sur le fait qu’en l’espèce, aucune facture prise isolément ne dépassait le seuil fixé par l’article 11 du code des marchés publics et qu’il ne lui appartenait pas de réaliser, en lieu et place de l’ordonnateur, une computation destinée à vérifier si ce seuil était respecté ; qu’en conséquence, la production de simples factures suffisait à justifier les paiements ;

Attendu que, dans ses conclusions susvisées, le Procureur général soutient la même argumentation que l’appelant ;

Attendu qu’il est patent qu’à la suite de la parution du code des marchés publics entré en vigueur le 9 septembre 2001, dans un souci de simplification, les comptables publics n’ont plus à contrôler le seuil des marchés publics ; qu’à cette fin, la nomenclature des pièces justificatives pour le secteur public local définie par l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales a été modifiée par le décret n° 2003-301 du 2 avril 2003 ; que, selon la rubrique 41 de la nomenclature précitée, le choix de la procédure de passation relève de la responsabilité de l’ordonnateur ; que la nomenclature issue du décret n° 2007-450 du 25 mars 2007 maintient ce principe selon lequel la dépense est présentée sous la seule responsabilité de l’ordonnateur, selon l’une des sous-rubriques de la rubrique n° 4 Marchés publics ;

Attendu que, pour apprécier la validité des créances, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications ; qu’à ce titre, il leur revient d’apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense concernée ; que, pour établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l’ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature applicable leur ont été fournies et, en second lieu, si ces pièces sont, d’une part, complètes et précises, d’autre part, cohérentes au regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable et de la nature et de l’objet de la dépense telle qu’elle a été ordonnancée ; que, lorsque les pièces justificatives fournies sont insuffisantes pour établir la validité de la créance, il appartient aux comptables de suspendre le paiement jusqu’à ce que l’ordonnateur leur ait produit les justifications nécessaires ;

Attendu qu’au cas d’espèce, aucune facture prise isolément ne dépasse le seuil de dispense de procédure prévu par l’article 11 du code des marchés publics et fixé à 15 000  HT par le décret n° 2011-1853 du 9 décembre 2011 modifiant certains seuils du code des marchés publics ;

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que l’appelant soutient que les dépenses litigieuses étaient suffisamment justifiées par la production de factures ; que, dès lors, il y a lieu d’infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a constaté en l’espèce un manquement du comptable et mis à la charge de M. X la somme irrémissible de 223  ;

Attendu qu’en raison de l’effet dévolutif de l’appel, il y a lieu de statuer sur le premier grief du réquisitoire du procureur financier susvisé ;

Attendu qu’en l’absence de manquement imputable au comptable, il n’y a pas lieu à charge au titre de ce premier grief ;

Sur la charge n° 2

Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes a mis à la charge de M. X une somme non rémissible de 223 , au titre de l’exercice 2012, pour avoir payé, à deux reprises, trois factures d’un montant respectif de 318,95 , 98,15 et 333,19  ;

Attendu que, dans sa requête en appel, M. X reconnaît l’existence d’un double paiement des trois factures ; qu’il relève toutefois que « Suite à l’intervention de la Chambre régionale, puis le signalement à l’ordonnateur, ces doubles paiements ont pu être annulés et remboursés. » ; qu’après avoir développé diverses considérations relatives notamment aux conditions d’exercice de ses fonctions, il conclut en contestant qu’une somme irrémissible ait été mise à sa charge dans un tel cas ;

Attendu que le Procureur général, dans ses conclusions susvisées, convient que les doubles paiements en cause ont par la suite été régularisés par l’émission de titres de recettes ; qu’il conclut néanmoins au rejet de la requête au motif que « Le fait de payer une facture en double constitue l’un des manquements les plus graves, car il fait peser sur la collectivité un risque réel de dépassement indu. » ;

Attendu qu’il n’est pas contesté que les trois doubles paiements ont été régularisés avant que ne soit rendu le jugement du 7 octobre 2015 ; que ledit jugement en prend acte en mentionnant les références des trois titres de recettes émis à cette fin le 4 décembre 2014 et précisant que « les sommes en cause ont toutes fait l’objet d’une intégration dans les écritures du comptable » ; qu’au demeurant, il ressort de pièces du dossier que les fournisseurs concernés ont remboursé les sommes en cause par chèque bancaire avant la fin de l’exercice 2014 ;

Attendu que M. X, lorsqu’il a procédé aux trois doubles paiements, a manqué aux obligations de contrôle de la validité de la créance qui lui incombaient en application des articles 12 et 13 du décret susvisé du 29 décembre 1962 alors en vigueur ; qu’un tel manquement était de nature à engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire dans les conditions prévues par l’article 60 susvisé de la loi de finances du 23 février 1963 ; que toutefois le rétablissement complet de la caisse du comptable est intervenu avant le jugement attaqué du 7 octobre 2015 ;

Attendu que c’est donc à bon droit que l’appelant conteste la somme irrémissible mise à sa charge à ce titre par le jugement de la chambre régionale ; que dès lors, il y a lieu d’infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a constaté en l’espèce un manquement du comptable et mis à la charge de M. X la somme irrémissible de 223  ;

 

 

Attendu qu’en raison de l’effet dévolutif de l’appel, il y a lieu de statuer sur le second grief du réquisitoire du procureur financier susvisé ;

Attendu qu’en l’absence de manquement imputable au comptable, il n’y a pas lieu à charge au titre de ce second grief ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement est infirmé en ce qu’il a mis à la charge de M. X la somme de 223 € au titre de la charge n° 1 et la somme de 223 € au titre de la charge n° 2.

Article 2 : Il n’y a pas lieu à charge à l’encontre de M. X au titre des deux griefs du réquisitoire n° 2015-0017 du 17 mars 2015 du procureur financier près la chambre régionale des comptes de Midi-Pyrénées.

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Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section.
Présents : M. Yves ROLLAND, président de section, président de séance ; Mme Anne FROMENT-MEURICE, présidente de chambre maintenue en activité,
MM. Jean-Yves BERTUCCI, Olivier ORTIZ, conseillers maîtres, et Mme Dominique DUJOLS, conseillère maître.

 

En présence de Mme Marie-Hélène PARIS-VARIN, greffière de séance.

 

 

 

 

 

 

Marie-Hélène PARIS-VARIN

Yves ROLLAND

 

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

 

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.

 

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