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République Française, Au nom du peuple français,
La Cour, |
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Vu la requête enregistrée le 18 octobre 2016 au greffe de la chambre régionale des comptes d’Auvergne, Rhône-Alpes, par laquelle le procureur financier près cette chambre, a élevé appel du jugement n° 2016-0038 du 29 juillet 2016 de la chambre régionale des comptes d’Auvergne, Rhône-Alpes qui a mis à la charge des deux comptables successifs du centre de gestion de la fonction publique territoriale de l’Isère au cours des exercices 2009 à 2012 une somme non rémissible de 200€ pour Mme X et de 600€ pour M. Y au titre de la charge n° 1 et 2 ;
Vu le mémoire en réponse de Mme X enregistré le 23 novembre 2016 au greffe de la chambre régionale d’Auvergne, Rhône-Alpes ;
Vu les courriels de M. Y en date des 30 novembre 2016 et 8 décembre 2016 ;
Vu les pièces de la procédure suivie en première instance et notamment le réquisitoire du procureur financier près la chambre régionale d’Auvergne, Rhône-Alpes n°33GP/2014 du 6 octobre 2014 ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le décret n° 85-643 du 26 juin 1985 relatif aux centres de gestion institués par la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relative à la fonction publique territoriale ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, applicable au moment des faits ;
Vu le rapport de Mme Isabelle GRAVIERE-TROADEC, conseillère maître, magistrate chargée de l’instruction ;
Vu les conclusions n° 966 du Procureur général du 13 décembre 2017 ;
Entendu, lors de l’audience publique du 21 décembre 2017, Mme Isabelle GRAVIERE-TROADEC, en son rapport, M. Bertrand DIRINGER, avocat général, en les conclusions du ministère public ; les parties informées de l’audience n’étant ni présentes, ni représentées ;
Après avoir entendu en délibéré Mme Anne FROMENT-MEURICE, présidente de chambre maintenue en activité, réviseure, en ses observations ;
Attendu que par le jugement entrepris, la Chambre régionale des comptes d’Auvergne, Rhône-Alpes a engagé la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X au titre de l’exercice 2009 et de M. Y, au titre des exercices 2010, 2011 et 2012, pour avoir versé des indemnités aux vice-présidents du centre de gestion de la fonction publique territoriale de l’Isère, sans disposer d’un arrêté de délégation de fonctions à leur égard pris par le président du centre de gestion ;
Attendu, toutefois, que la chambre a jugé que le manquement du comptable n’avait pas causé de préjudice financier pour le centre de gestion de la fonction publique territoriale de l’Isère, le paiement, bien qu’irrégulier, n’étant pas indu ; qu’en conséquence, en tenant compte de l’existence d’une délibération du conseil d’administration du 8 juillet 2008 qui a voté la désignation des vice-présidents et fixé le niveau de leurs indemnités, elle a, conformément aux dispositions du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, mis à la charge de Mme X une somme non rémissible de 100 € et de M. Y, une somme non rémissible de 300 €, au titre de la présomption de charge n°2 du réquisitoire susvisé ;
Attendu que l’appelant conteste l’absence de préjudice financier décidée par la chambre régionale et qu’il demande en conséquence d’infirmer les dispositions concernant le préjudice financier dans le jugement précité et de déclarer débiteurs du centre de gestion
Mme X de la somme de 21 675,69 € au titre de l’exercice 2009 et M. Y des sommes de 21 841,92 € pour l’exercice 2010, et de 22 480,20 € pour chacun des deux exercices 2011 et 2012 ;
Attendu que l’appelant fait valoir que, s’agissant du paiement d’indemnités à des adjoints au maire ou à des vice-présidents d’établissements publics de coopération intercommunale, la jurisprudence administrative, comme la jurisprudence financière sont constantes, considérant que le vice-président d’un syndicat intercommunal ou l’adjoint au maire qui n’a pas reçu de délégation ne peut justifier de l’exercice effectif de ses fonctions ; que, par suite, il ne peut prétendre au versement des indemnités prévues ; que dès lors, s’agissant d’apprécier la responsabilité des comptables publics du fait du paiement des indemnités en cause, en l’absence d’arrêtés de délégations en bonne et due forme, indispensables pour prouver l’exercice effectif des fonctions d’adjoints, il y a lieu de considérer que les sommes versées l’ont été indûment et ont constitué un préjudice financier, en application du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée ;
Attendu qu’il ajoute que cette jurisprudence est sans conteste également applicable aux centres départementaux de gestion de la fonction publique territoriale, en vertu de l’article 29 du décret n° 85-643 du 26 juin 1985 selon lequel « le président peut déléguer l‘exercice d’une partie de ses fonctions, sous sa surveillance et sa responsabilité, à un ou plusieurs membres du bureau » dont font partie les vice-présidents ; qu’il précise enfin que les termes « 2.le cas échéant, un arrêté de délégation de fonction» de la rubrique 3111 de l’annexe I du code général des collectivités territoriales (CGCT) auquel renvoie l’article D.1617-19 du même code, s’agissant des pièces justificatives dont doit disposer le comptable pour payer des indemnités de fonctions à un élu local, ne doit pas s’entendre comme une latitude de fournir ou non un arrêté de délégation mais comme une obligation s’appliquant spécifiquement au cas des adjoints au maire ou vice-présidents d’établissements publics de coopération intercommunale et locaux (les centres de gestion relevant de cette dernière catégorie) et conditionnant leur versement ;
Attendu que dans son mémoire en réponse à la requête en appel susvisé, Mme X rappelle que, dans le jugement entrepris, la chambre a considéré, en fonction des différentes pièces remises, que les vice-présidents avaient été régulièrement nommés, avaient effectivement rempli leurs missions et que la collectivité (l’établissement en fait) n’avait pas été lésée ; qu’elle précise que les délibérations produites ont bien été transmises auparavant au contrôle de la légalité ; que Mme X en conclut que « puisqu’il s’agissait d’un défaut de formalisme –production de délibérations et non d’arrêtés de délégations-, seul le comptable devait être sanctionné pour son manquement de vérification des pièces justificatives » ; qu’elle joint à sa réponse, la déclaration de recettes établissant la preuve du paiement de la somme non rémissible prononcée par la chambre ;
Attendu que M. Y, dans ses courriels susvisés, transmet de même les déclarations de recettes établissant la preuve du paiement de la somme non rémissible prononcée à son encontre par la chambre, sans répondre spécifiquement à la requête en appel ;
Attendu que pour déterminer si le paiement irrégulier d’une dépense par un comptable public a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné, il appartient au juge des comptes d’apprécier si la dépense était effectivement due et, à ce titre, de vérifier notamment qu’elle n’était pas dépourvue de fondement juridique ;
Attendu qu’un centre de gestion de la fonction publique territoriale (CGFPT) est un établissement public local à caractère administratif auquel s’appliquent, à ce titre, les dispositions de l’article D.1617-19 du code général des collectivités territoriales ; que le comptable public d’un CGFPT doit donc exiger « les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l’annexe I du code » précité ;
Attendu que dans cette annexe, à la rubrique 3 – « dépenses liées à l’exercice de fonctions électives ou de représentation » sont requis pour le premier paiement d’une indemnité de fonction d’un élu local : la délibération fixant les conditions d’octroi de l’indemnité et de son montant ; le cas échéant, l’arrêté de délégations de fonctions ;
Attendu que, dès lors que l’article 29 du décret n° 85-643 du 26 juin 1985 relatif aux centres de gestion susvisé prévoit que le président peut déléguer l’exercice d’une partie de ses fonctions à un ou plusieurs membres du bureau dont font partie les vice-présidents, le terme précité « le cas échéant » ne doit pas s’entendre comme une faculté, mais bien, ainsi que le soutient l’appelant, comme une obligation s’appliquant spécifiquement au cas des vice-présidents d’établissements publics locaux ; qu’en effet un arrêté de délégation de fonctions était indispensable pour fonder la validité de la dépense ; qu’en son absence, le paiement d’indemnités effectué par les deux comptables était, nonobstant les délibérations invoquées par Mme X dans sa réponse précitée, dépourvu de fondement juridique adéquat et donc indu ;
Attendu en conséquence que la chambre régionale des comptes a commis une erreur de droit en ne retenant pas le préjudice financier subi par le centre de gestion de la fonction publique territoriale de l’Isère ; qu’il y a donc lieu d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis à la charge de Mme X et de M. Y une somme non rémissible respectivement de 100 et 300 €, et, par l’effet dévolutif de l’appel, de constituer Mme X débitrice, au titre de l’exercice 2009, de la somme de 21 675,69 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 31 octobre 2014 , date de réception du réquisitoire par la comptable et M. Y, débiteur des sommes de 21 841,92 € pour l’exercice 2010, et de 22 480,20 € pour chacun des deux exercices 2011 et 2012 augmentée des intérêts de droit à compter du 30 octobre 2014, date de réception du réquisitoire par le comptable ;
Attendu que le plan de contrôle sélectif de la dépense en vigueur pour la période en cause prévoyait un contrôle exhaustif des indemnités ; qu’en conséquence il n’a pas été respecté ;
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1er – Le jugement est infirmé en ce que, au titre de la seconde charge élevée par le réquisitoire, il a mis à la charge de Mme X une somme non-rémissible de 100 € sur l’exercice 2009 et de M. Y une somme non-rémissible de 300 € sur les exercices 2010, 2011 et 2012.
Article 2 – Mme X est constituée débitrice du centre de gestion de la fonction publique territoriale de l’Isère de la somme de 21 675,69 € pour l’exercice 2009, augmentée des intérêts de droit à compter du 31 octobre 2014. Les dépenses en cause devaient faire l’objet d’un contrôle exhaustif.
Article 3 – M. Y est constitué débiteur du centre de gestion de la fonction publique territoriale de l’Isère de la somme de 21 841,92 € pour l’exercice 2010, 22 480,20 € pour l’exercice 2011 et 22 480,20 € pour l’exercice 2012, augmentée des intérêts de droit à compter du 30 octobre 2014. Les dépenses en cause devaient faire l’objet d’un contrôle exhaustif.
Article 4 - La décharge de Mme X pour l’exercice 2009 et de M. Y pour les exercices 2010, 2011 et 2012 ne pourra être prononcée qu’après l’apurement des débets prononcés à leur encontre.
Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents : M. Jean-Philippe VACHIA, président de chambre, président de la formation,
M. Yves ROLLAND, président de section, Mme Anne FROMENT-MEURICE, présidente de chambre maintenue en activité, M. Jean-Yves BERTUCCI, conseiller maître et
Mme Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS, conseillère maître.
En présence de M. Aurélien LEFEBVRE, greffier de séance.
Aurélien LEFEBVRE
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Jean-Philippe VACHIA
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En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.
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