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S2018-0506

 

 

QUATRIÈME CHAMBRE

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Première section

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Arrêt n° S2018-0506

 

Audience publique du 22 février 2018

 

Prononcé du 22 mars 2018

 

ETABLISSEMENT D'HEBERGEMENT POUR PERSONNES AGEES DEPENDANTES « LES JARDINS ARGENTÉS » D'ANNOEULLIN (NORD)

 

Appel d’un jugement de la chambre régionale des comptes
Nord-Pas-de-Calais, Picardie

 

Rapport n° R-2017-1668

 

 

 

 

République Française,

Au nom du peuple français,

 

La Cour,

Vu les requêtes enregistrées les 7 et 14 décembre 2016 au greffe de la chambre régionale des comptes de Nord-Pas-de-Calais, Picardie, par lesquelles MM. X et Y, comptables successifs de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) "Les jardins argentés" d'Annoeullin ont respectivement élevé appel du jugement n° 2016-0039 du 13 octobre 2016 par lequel ladite chambre régionale les a constitués débiteurs à hauteur respectivement de 7 163,41 euros et 4 633,45 euros, à défaut d’actes interruptifs de la prescription pour huit titres de recettes au cours des exercices 2009 à 2013 ;

Vu les pièces de la procédure suivie en première instance et notamment le jugement 
avant-dire droit n° 2016-0025 du 30 juin 2016 de la chambre régionale des comptes de
Nord-Pas-de-Calais, Picardie ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des collectivités territoriales et notamment son article L.1617-5 ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;

Vu le rapport de M. François ADAM, conseiller maître, chargé de l’instruction ;

Vu les conclusions du Procureur général  083 du 15 février 2018 ;

Entendu lors de l’audience publique du 22 février 2018, M. ADAM, conseiller maître en son rapport, M. Bertrand DIRINGER, avocat général, en les conclusions du ministère public, les parties, informées de l’audience, n’étant ni présentes, ni représentées ;

Entendue en délibéré, Mme Anne FROMENT-MEURICE, présidente de chambre maintenue en activité, réviseure, en ses observations ;

Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes a engagé la responsabilité de M. X pour le non-recouvrement de deux titres de recettes émis en 2005 pour un montant total de 7 163,41 euros et de M. Y pour le non-recouvrement de six titres de recettes émis en 2006 pour un montant total de 4 633,45 euros, au titre de frais d'hébergement de pensionnaires de l'EHPAD "Les jardins argentés" d'Annoeullin ;

Attendu que M. X argue que les deux titres de recettes en cause ne sont pas devenus irrécouvrables pendant la période où il était en fonctions comme comptable et qu’il demande l'infirmation du jugement en ce qui le concerne ;

Attendu que M. Y soutient que les titres de recettes n'étaient pas suffisamment précis pour poursuivre leur recouvrement et que par ailleurs, quatre d'entre eux ont en fait été recouvrés ; qu’il demande également l'infirmation du jugement en ce qui le concerne ;

Sur la jonction des requêtes

Attendu que les requêtes des deux comptables sont formées contre le même jugement de la chambre régionale des comptes de Nord-Pas-de-Calais, Picardie et qu’elles présentent à juger des questions voisines ; qu’il y a lieu en conséquence de les joindre et d’y statuer par un seul arrêt ;

Sur le moyen avancé par M. X

Attendu que M. X produit deux lettres de relance envoyées le 7 juin 2007 et
le 7 juillet 2008 en vue du recouvrement des titres n° 704 et 705 pris en charge le 28 novembre 2005, ainsi qu'un courrier du notaire chargé de la succession du pensionnaire concerné, daté du 29 novembre 2016 et confirmant être en possession de la lettre du 7 juin 2007 ;

Attendu que M. X soutient en conséquence que des actes interruptifs du délai de prescription de l'action en recouvrement fixé à quatre ans par l'article L. 1617-5 susvisé du code général des collectivités territoriales sont intervenus en 2007 et 2008, ayant pour effet de reporter la date d'expiration de ce délai après le 1er novembre 2010, date de la fin de ses fonctions comme comptable de l' EHPAD; qu'il considère ainsi, contrairement au jugement de première instance, que les deux titres de recettes n'ont pas été prescrits pendant sa période de gestion ;

Attendu qu'aux termes de l'article 60 de la loi n°63-156 du 20 février 1963, le comptable public est personnellement et pécuniairement responsable du recouvrement des recettes, et que sa responsabilité se trouve engagée dès lors qu'il n'a pas mené les diligences adéquates, complètes et rapides à cet effet ; que celles-ci doivent notamment permettre d'interrompre en temps utile le délai de prescription de l'action en recouvrement ;

Attendu que les lettres de relance produites n'ont pas fait l'objet d'une demande d'accusé de réception et quen tout état de cause, l'interruption du délai de prescription n'est pas démontrée ; que le courrier du 29 novembre 2016 précité, intervenu après la fin du délai de prescription de l'action en recouvrement, n’indique pas la date de réception de la lettre du 7 juin 2007 ; qu’il ne saurait ni conduire à une réouverture du délai de prescription, ni valider a posteriori le caractère interruptif de prescription de la relance ; qu’ il ne constitue pas par ailleurs une reconnaissance de dette ou une renonciation explicite au bénéfice de la prescription au sens de l'article 2250 du code civil ;

 

Attendu qu'au vu des éléments produits, le recouvrement des deux titres de recettes en cause s'est donc trouvé définitivement compromis en novembre 2009, pendant la période de gestion de M. X ; que celui-ci n'avait pas formulé de réserves sur la gestion de son prédécesseur à ce titre et qu'il convient donc de rejeter le moyen soulevé ;

Sur le moyen de M. Y concernant la présentation formelle des titres de recettes pris en charge en 2006

Attendu que l’appelant fait valoir que les six titres de recettes émis en 2006, et dont le non-recouvrement fait l'objet du jugement attaqué, n'étaient pas conformes aux circulaires en vigueur relatives à la forme des titres de recettes ; qu'ils n'étaient pas d'une précision suffisante pour poursuivre le recouvrement, en l'absence de désignation complète et précise du débiteur, et qu'ainsi quatre d'entre eux concernaient une pensionnaire majeure protégée, placée sous la tutelle d'une association de protection tutélaire chargée notamment de payer les frais d'hébergement pour son compte, qui était le véritable débiteur, sans toutefois être mentionnée sur les titres de recettes ;

Attendu que la présentation des titres de recettes émis par l'ordonnateur d'un établissement public local doit notamment respecter les textes législatifs et réglementaires relatifs à la comptabilité publique, ce qui n'est pas contesté par le comptable appelant ; qu'en outre des circulaires administratives peuvent interpréter le droit applicable à l'attention des comptables publics ; qu'en l'espèce les titres émis étaient cohérents avec les prescriptions de l'instruction codificatrice n° 5-050-M0 du 13 décembre 2005 de la direction générale de la comptabilité publique, alors en vigueur ;

Attendu que les titres de recettes comportaient clairement les noms des pensionnaires débiteurs concernés ; que le fait que l'une des pensionnaires soit majeure protégée ne faisait pas obstacle au recouvrement, des précisions sur l'identification de l'organisme tutélaire pouvant le cas échéant être obtenues de l'ordonnateur, s'agissant d'une situation courante au sein d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ; que la tutelle a pour mission de représenter la personne majeure protégée dans tous les actes de la vie civile en application de l'article 473 du code civil, et donc notamment de procéder au règlement de ses dettes, qu'elle soit ou non désignée explicitement par le créancier ;

Attendu dès lors que la présentation des titres de recettes ne constituait pas un obstacle à l'engagement des diligences appropriées en vue du recouvrement des recettes et qu'il convient de rejeter le moyen avancé ;

Sur le moyen allégué par M. Y de l'apurement de quatre des titres de recettes émis en 2006

Attendu que l'appelant produit un courrier de l'association en charge de la tutelle d'une des pensionnaires débitrice, justifiant de versements à l'établissement d'hébergement de
1 426,50 euros le 27 novembre 2011 et de 1 474,05 euros le 22 décembre 2006 ; que ces versements se trouvent être égaux aux montants des titres en cause émis pour le recouvrement des frais d'hébergement de novembre (titres n° 752 et 786) et de décembre 2006 (titres n° 833 et 867) ; que le comptable allègue que ces versements auraient fait l'objet d'imputations erronées rendues possibles par une succession d'erreurs comptables, expliquant ainsi que les titres de recettes apparaissent comme non recouvrés dans la comptabilité de l'établissement et notamment dans le compte de gestion 2013 ;

 

 

 

Attendu que les pièces produites attestent de versements encaissés par l'établissement et permettent d'identifier le pensionnaire concerné, mais sans donner de précisions sur la période de rattachement ; que les coïncidences de montants ne sont pas probantes, les titres émis pour recouvrer les frais d'hébergement étant susceptibles de représenter des montants identiques pour des mois différents ; que les pièces produites par le comptable font apparaître des erreurs comptables mais ne permettent pas de démontrer l'apurement des titres de recettes n° 752, n° 786, n° 833 et n° 867 ;

Attendu qu'il convient donc de rejeter le moyen présenté ;

Sur les demandes complémentaires formulées par M. Y

Attendu que M. Y sollicite l'annulation de cinq titres de recettes émis en 2006 et "leur réémission à l'encontre des bons débiteurs" ; qu'une telle annulation, sans qu'il soit besoin d'apprécier son bien-fondé, ressort en toute hypothèse de la compétence de l'ordonnateur de l’établissement et ne saurait relever de l’office du juge des comptes ;

Attendu que M. Y demande également "l'imputation des règlements de l'AGSS-UDAF en date des 27 novembre et 21 décembre 2006 […] qui peut s'opérer par simple rectification comptable de la trésorerie d'Annoeullin et leur imputation sur les bons titres" ; qu'une telle correction comptable, sans qu'il soit besoin d'apprécier son bien-fondé, ne relève pas de la compétence du juge des comptes ;

Attendu qu'il convient donc de rejeter les demandes complémentaires de
M. Y ;

Par ces motifs,

DECIDE :

Article 1er. – La requête de M. X est rejetée.

Article 2. - La requête de M. Y est rejetée.

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Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents :
M. Jean-Philippe VACHIA, président de chambre, président de la formation,
Mme Anne FROMENT-MEURICE, présidente de chambre maintenue en activité,
M. Yves ROLLAND, président de la section, MM. Jean-Yves BERTUCCI, Jean-Luc GIRARDI, et Mme Dominique DUJOLS, conseillers maîtres.

En présence de Mme Stéphanie MARION, greffière de séance.

 

 

 

 

 

Stéphanie MARION

 

 

 

 

Jean-Philippe VACHIA

 

 


En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.

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