S2018-1260 1 / 5
QUATRIÈME CHAMBRE ------- Première section ------- Arrêt n° S2018-1260
Audience publique du 19 avril 2018
Prononcé du 15 mai 2018 | ECOLE SUPERIEURE D’ART ET DE DESIGN LE HAVRE-ROUEN (SEINE-MARITIME)
Exercice 2013
Rapport n° R-2018-0190-1 |
République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu les requêtes, enregistrées respectivement les 1er et 9 février 2017 au greffe de la chambre régionale des comptes de Normandie, par lesquelles MM. X et Y, comptables successifs de l’Ecole supérieure d’Art et de Design Le Havre-Rouen (ESADHaR), ont élevé appel du jugement n° 2016-22 du 13 décembre 2016 les constituant débiteurs de l’Ecole à hauteur respectivement de 16 080,56 € et 4 175,70 € pour le paiement, au cours de l’exercice 2013, d’une prime de fonctions et de résultats à deux agents de l’Ecole, en l’absence des pièces justificatives exigibles ;
Vu les pièces de la procédure suivie en première instance ;
Vu le code général des collectivités territoriales et notamment son article
D. 1617-19 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le rapport de Mme Anne FROMENT-MEURICE, présidente de chambre maintenue en activité, chargée de l’instruction ;
Vu la décision du 13 mars 2018 désignant Mme Adeline BALDACCHINO, conseillère référendaire, pour présenter le rapport en audience publique ;
Vu les conclusions n° 263 du Procureur général du 11 avril 2018 ;
Entendu, lors de l’audience publique du 19 avril 2018, Mme Adeline BALDACCHINO, en la présentation du rapport, M. Serge BARICHARD, avocat général, en les conclusions du ministère public, les comptables appelants, informés de l’audience, n’étant ni présents, ni représentés ;
Entendu en délibéré Mme Dominique DUJOLS, conseillère maître, réviseur, en ses observations ;
Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes de Normandie a constitué débiteurs de l’ESADHRaR MM. X et Y, comptables successifs de l’établissement public pour avoir payé une prime de fonctions et de résultats à des agents en l’absence d’arrêtés du directeur général de l’ESADHaR fixant, pour chaque bénéficiaire, le coefficient applicable à la part de la prime en question, prévu par la rubrique 210223 de l’annexe I du code général des collectivités territoriales (CGCT) ; que, par ailleurs, se prononçant sur le respect du plan de contrôle sélectif de la dépense, la chambre a d’une part, établi qu’il résultait de l’instruction que le contrôle du paiement de la prime de fonctions et de résultats n’était pas inscrit dans le calendrier de 2013 et a d’autre part considéré, qu’en l’absence de transmission au juge financier de document attestant de la mise en œuvre des contrôles prévus, document nécessaire au juge pour conclure au respect des règles du contrôle sélectif de la dépense, MM. X et Y ne devraient pas pouvoir prétendre à une remise gracieuse totale de leur débet ;
Attendu que les requêtes susvisées ont le même objet, concernent une même charge et invoquent des moyens identiques ; qu’il y a lieu, en conséquence, de les joindre pour qu’il y soit statué par une seule et même décision ;
Attendu que si MM. X et Y admettent, dans leurs requêtes en appel, que les paiements en cause de la prime de fonctions et de résultats constituaient un manquement aux contrôles qui incombent au comptable public, ils contestent en revanche d’une part, l’existence d’un préjudice financier et s’il devait être confirmé par le juge d’appel, ses modalités de calcul et d’autre part, le non-respect du plan de contrôle sélectif de la dépense.
Sur l’existence d’un préjudice financier
Attendu que les requérants réfutent en premier lieu l’existence d’un préjudice financier en arguant, s’agissant de M. Y, que la délibération du conseil d’administration de l’ESADHaR du 9 juin 2011 autorisant le versement de cette prime et les arrêtés individuels d’attribution aux deux bénéficiaires concernés montrent la volonté manifeste de l’établissement de leur verser cette prime et, pour M. X, que la dite délibération ayant instauré le principe du versement de cette prime et fixé un montant minimum de versement assorti d’une fourchette de coefficients applicables à chaque part, l’établissement n’interdisait pas à l’ordonnateur de l’école de verser le montant maximum.
Attendu qu’il résulte de l’examen de la délibération n° 03-3 du 9 juin 2011 du conseil d’administration de l’ESADHaR qui vise l’ensemble des textes relatifs à la prime de fonctions et de résultats pris pour son application dans la fonction publique territoriale que la prime doit comprendre deux parts tenant compte des responsabilités liées aux fonctions exercées et des résultats de la procédure individuelle d’évaluation ; que les montants individuels de chaque part doivent être respectivement déterminés par application au montant de référence d’un coefficient multiplicateur compris dans une fourchette de 1 à 6 au regard des responsabilités pour la première part et dans une fourchette de 0 à 6 pour la deuxième part, laquelle, au surplus, doit faire l’objet d’un réexamen annuel au vu des résultats de la procédure d’évaluation individuelle ;
Attendu que la délibération du 9 juin 2011 décide pour le régime indemnitaire de base que « les montants de base du régime indemnitaire sont fixés, pour chaque filière, cadre d’emploi et grade dans le tableau joint en annexe 1 » ; que cette annexe 1 prévoit, pour le grade d’attaché, s’agissant du montant en euro brut de la PFR : « MINI 350 ; part fonctionnelle affectée d’un coefficient de 1 à 6 ; part résultat affectée d’un coefficient de 0 à 6 » ;
Attendu que le manquement des comptables a directement causé un préjudice financier à l’établissement puisque, d’une part, le montant de la prime doit faire l’objet d’un réexamen annuel, en fonction des résultats de l’évaluation de l’agent bénéficiaire et d’autre part, en l’absence de référence à un coefficient propre à chaque agent fixé par l’autorité compétente, investie du pouvoir de nomination de l’agent, la dépense liée à la prime n’était pas due, le comptable ne pouvant en présumer le montant ; que c’est donc à bon droit que la chambre régionale a considéré que les paiements desdites primes avaient causé un préjudice à l’ESADHaR ;
Sur le montant du débet
Attendu que MM. X et Y font valoir en second lieu que le montant du préjudice ne pourrait en aucun cas être de la totalité de la prime payée, mais au maximum d’une somme comprise entre le montant réellement payé et le minimum prévu par la délibération.
Attendu qu’il peut être admis que les versements effectués par MM. X et Y ne doivent être considérés comme indus que pour le montant qui excède le minimum prévu par l’annexe précitée de la délibération du 9 juin 2011 pour le total des deux parts de la prime de fonctions et de résultats (PFR) ; que ce montant minimum est égal à 350 € ;
Attendu qu’il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris, pour avoir fixé le montant des débets respectifs de MM. X et Y à la totalité des sommes versées aux deux agents bénéficiaires et, par l’effet dévolutif de l’appel de constituer M. X débiteur de la somme de 9 803,88 € et M. Y de la somme de 2 425,70 € ;
Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité 21 juillet 2016, date de réception du réquisitoire du procureur financier par
M. X et le 4 août 2016 par M. Y ;
Sur le contrôle sélectif de la dépense
Attendu que M. X, arguant de ce qu’il lui est fait grief de n’avoir transmis aucun document attestant de la mise en œuvre des contrôles prévus dans le cadre du plan de contrôle sélectif de la dépense, rappelle que selon ce plan de contrôle, communiqué à la chambre, il n’était justement pas prévu de contrôler en 2013 la prime de fonctions et de résultats ; que M. Y affirme qu’il n’a jamais été demandé, au cours de l’instruction, de produire un document attestant de la mise en œuvre des contrôles prévus tel que mentionné dans le jugement de la chambre, alors qu’un tel document, selon lui, n’aurait apporté aucune information complémentaire puisqu’il n’était pas prévu en 2013 de contrôler le paiement de la prime de fonctions et de résultats ;
Attendu qu’il convient, pour l’appréciation du respect du contrôle sélectif de la dépense, de s’en tenir à la constatation de la chambre dans son jugement selon laquelle il résultait de l’instruction que le plan de contrôle ne prévoyait pas de contrôler en 2013 la prime de fonctions et de résultats et donc d’admettre que le plan de contrôle a été respecté ; qu’il y a lieu en conséquence d’infirmer également le jugement à ce titre et de considérer qu’en application du IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, le plan de contrôle sélectif applicable pour l’exercice 2013 a été respecté ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er – Le jugement n° 2016-22 du 13 décembre 2016 de la chambre régionale des comptes de Normandie est infirmé en ce qu’il a constitué débiteurs de l’ESADHaR M. X et M. Y respectivement de 16 080,56 € et de 4 175,70 € et en ce qu’il a décidé que le plan de contrôle sélectif de la dépense n’avait pas été respecté.
Article 2 : M. X est constitué débiteur de l’ESADHaR au titre de l’exercice 2013 de la somme de 9 803,88 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 21 juillet 2016.
Le plan de contrôle sélectif de la dépense en vigueur pour l’exercice 2013 a été respecté.
Article 3 : M. Y est constitué débiteur de l’ESADHaR au titre de l’exercice 2013 de la somme de 2 425,70 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 4 août 2016.
Le plan de contrôle sélectif de la dépense en vigueur pour l’exercice 2013 a été respecté.
Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents : M. Yves ROLLAND, président de section, président de la formation,
MM. Jean-Yves BERTUCCI et Olivier ORTIZ, conseillers maîtres, Mmes Dominique DUJOLS et Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS, conseillères maîtres, et M. Jean-Luc GIRARDI, conseiller maître.
En présence de M. Aurélien LEFEBVRE, greffier de séance.
Aurélien LEFEBVRE |
Yves ROLLAND |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.
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