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S2018-1888
QUATRIEME CHAMBRE ------- Première section ------- Arrêt n° S2018-1888 Audience publique du 14/06/2018 Prononcé du 28/06/2018
| INSTITUTION NATIONALE DES INVALIDES
Exercices 2013 et 2014
Rapport n° R-2018-0524
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République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu le réquisitoire en date du 21 juillet 2017 par lequel le Procureur général près la Cour des comptes a saisi la deuxième chambre de la Cour des comptes de présomptions de charges, en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. Z, agent comptable de l’institution nationale des invalides, au titre d’opérations relatives aux exercices 2013 et 2014, notifié le 3 octobre 2017 au comptable concerné ;
Vu la réponse et les pièces produites par M. Z le 30 octobre 2017 ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable de l’institution nationale des invalides, par M. Z du 1er septembre 2011 au 31 décembre 2015 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;
Vu l’ordonnance n° 2017-3274 déchargeant M. Z pour les années 2011, du premier septembre, et 2012.
Vu la remise de service de M. Z, sorti de service au 31 décembre 2015 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre ;
Vu le code de la sécurité sociale et notamment son article L.174-15 ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu les lois, décrets et règlements relatifs à la comptabilité des établissements publics ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifiée dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificatives pour 2011 ;
Vu le décret n° 2017-1577 du 17 novembre 2017 modifiant la partie réglementaire du code des juridictions financières ;
Vu les arrêtés du Premier président de la Cour des comptes n° 17-728 du
8 décembre 2017 et n° 17-887 et 17-949 du 20 décembre 2017 modifiant l’arrêté du 20 juillet 2017 portant organisation de la Cour et de ses travaux, respectivement définissant le périmètre de compétences et les attributions des six chambres, fixant la répartition entre les chambres du contrôle des organismes relevant d’une compétence obligatoire de la Cour des comptes et fixant les modalités de transfert d’affaires entre chambres de la Cour des comptes suite à la réorganisation prévue par le décret n° 2017-1577 du 17 novembre 2017 ;
Vu l’instruction codificatrice n° 10-031-M91 du 21 décembre 2010 relative à la règlementation financière et comptable des établissements publics à caractère nationaux ;
Vu le rapport n° R-2018-0524 à fin d’arrêt de Mme Lucie ROESCH, auditrice, chargée de l’instruction ;
Vu les conclusions n° 374 du Procureur général en date du 6 juin 2018 ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du 14 juin 2018 Mme Lucie ROESCH, auditrice, en son rapport, Mme Loguivy ROCHE, avocate générale, en les conclusions du ministère public, M. Z comptable, étant présent et ayant eu la parole en dernier ;
Entendu en délibéré Mme Dominique DUJOLS, conseillère-maître, réviseure, en ses observations ;
Sur la présomption de charge unique, soulevée à l’encontre de M. Z, au titre des exercices 2013 et 2014
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a estimé que la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. Z, agent comptable de l’institution nationale des invalides, pouvait être mise en jeu à hauteur de 16 080 € et 33 813 € au titre respectivement des exercices 2013 et 2014 pour avoir pris en charge le mandat d’annulation n° 8166 en date du 18 décembre 2013 afin d’annuler le titre de recette n° 4349 sur la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) pour un montant de 16 080 € correspondant à l’hospitalisation de Mme X. à l’institution nationale des Invalides et le mandat d’annulation n° 7268 en date du 30 décembre 2014 pour un montant de 33 813 € afin d’annuler le titre de recette n° 4586 sur la mutuelle générale de Cayenne, correspondant à l’hospitalisation de Mme Y. à l’institution nationale des invalides, sans qu’un ordre de réduction ou d’annulation de recettes ne soit produit à leur appui ; qu’il ne serait pas établi que ces annulations correspondraient à l’un des cas prévus par la règlementation financière et comptable des établissements publics nationaux à caractère administratif ; enfin, qu’aucun ordre de recouvrer n’aurait été émis à la suite de ces annulations ;
Attendu qu’en application de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 susvisé « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes (…) de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu’ils dirigent » ; et que la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics se trouve engagée « dès lors qu’un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu’une recette n’a pas été recouvrée (…) ».
Attendu qu’aux termes des articles 17, 18, 19 et 20 du décret n° 2012-1246 du
7 novembre 2012 susvisé, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des actes et contrôles qui leur incombent » ; que le comptable public est seul chargé, dans le poste comptable qu’il dirige, notamment « de la tenue de la comptabilité générale ; (…) de la prise en charge des ordres de recouvrer et de payer qui lui sont remis par les ordonnateurs ; du recouvrement des ordres de recouvrer et des créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou tout autre titre exécutoire ; de l’encaissement des droits au comptant et des recettes liées à l’exécution des ordres de recouvrer (…) ; de la conservation des pièces justificatives des opérations transmises par les ordonnateurs et des documents de comptabilité » ; que, s’agissant des ordres de recouvrer, le comptable public est notamment tenu d’exercer le contrôle « de la régularité de l’autorisation de percevoir la recette ; (…) de la mise en recouvrement des créances et de la régularité des réductions et des annulations des ordres de recouvrer » ;
Attendu que la règlementation applicable aux établissements publics administratifs en matière de réduction ou d’annulation de recettes prévoit, s’agissant d’annulations ou de réductions intervenant après la clôture de l’exercice, l’émission d’une part d’un ordre de dépense au nom de l’agent comptable imputé sur les crédits du chapitre intéressé, et, d’autre part, d’un ordre de réduction ou d’annulation de recette joint à l’appui de l’ordre de dépense ; qu’en outre cette annulation ne peut intervenir que dans des cas limitativement énumérés et notamment, selon l’Instruction M. 91 susvisée, la « régularisation d'une erreur de liquidation commise au préjudice du débiteur » ou la « régularisation dans le fondement même de la créance » ;
Attendu que le comptable a pris en charge deux mandats d’annulation de recettes, l’un en 2013 et l’autre en 2014, sans que soient joints des ordres d’annulation des titres de recettes émis au bénéfice de l’institution nationale des invalides ;
Attendu que le comptable fait valoir que le logiciel informatique utilisé par l’institution nationale des invalides à l’époque des faits ne permettait pas l’émission d’ordres de réduction ou d’annulation de titres de recette portant sur des exercices clos et que, dès lors il n’était en capacité de disposer des pièces justificatives nécessaires à l’exercice des contrôles qui lui incombaient ; qu’il invoque par ailleurs une erreur dans l’émission des titres de recouvrement, ceux-ci ayant été émis par erreur à l’encontre d’organismes de sécurité sociale qui n’étaient pas redevables de ces sommes dans le cadre du dispositif de financement de l’institution nationale des invalides pour les patients relevant du régime général ;
Attendu que les modalités de financement des dépenses de l’institution nationale des invalides, fixées à l’article L. 174-15 du code de la sécurité sociale susvisé prévoient le versement à l’institution nationale des invalides par arrêté du ministère en charge de la santé d’une dotation annuelle ; que cette dotation couvre l’ensemble des dépenses engagées par l’Institution nationale des invalides pour assurer la prise en charge sanitaire des assurés sociaux pour le compte de l’assurance maladie ; que par ce biais les frais supportés par l’Institution nationale des invalides pour l’hospitalisation de patients couverts par les régimes généraux d’assurance maladie sont pris en charge sans qu’elle ait à facturer individuellement les actes médicaux réalisés dans ce cadre ;
Attendu que M. Z a pris en charge le mandat d’annulation n° 8166 émis par l’ordonnateur afin d’annuler le titre n° 4349 sur la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) après que celle-ci ait refusé la prise en charge individuelle d’une première patiente pour un montant de 16 080 € qu’il a pris en charge le mandat d’annulation n° 7268 émis par l’ordonnateur afin d’annuler le titre de recette n° 4586 sur la mutuelle générale de Cayenne, section locale du régime général, après que cet organisme ait également refusé la prise en charge individuelle d’une autre patiente pour un montant de 33 813 € ; qu’il résulte des pièces fournies par le comptable que les frais étaient couverts dans l’un et l’autre cas par la dotation annuelle perçue par l’institution nationale des invalides et qu’ainsi les soins prodigués aux deux patientes avaient déjà été pris en compte dans le cadre de la dotation versée ; qu’ainsi ces annulations correspondent, conformément à la réglementation, à la « régularisation dans le fondement même de la créance » et que quand bien même le comptable n’aurait pas disposé des ordres d’annulation à l’appui des mandats, les créances n’étaient pas dues ;
Attendu qu'il n’y a donc pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de M. Z, comptable public, à raison de la présomption de charge unique au titre de sa gestion des comptes des exercices 2013 et 2014 ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de M. Z au titre de la présomption de charge unique.
Article 2 : M. Z est déchargé de sa gestion du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.
M. Z est déclaré quitte et libéré de sa gestion terminée à la date ci-avant indiquée.
Mainlevée peut être donnée et radiation peut être faite de toutes oppositions et inscriptions mises ou prises sur ses biens meubles ou immeubles ou sur ceux de ses ayants cause pour sûreté de ladite gestion et son cautionnement peut être restitué ou ses cautions dégagées.
Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents :
M. Yves ROLLAND, président de section, président de séance, MM. Jean-Yves BERTUCCI, Denis BERTHOMIER, conseillers-maîtres, Mmes Dominique DUJOLS, Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS, conseillères-maîtres.
En présence de Mme Stéphanie MARION, greffière de séance.
Stéphanie MARION |
Yves ROLLAND |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.
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