S 2018-1821

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PREMIERE CHAMBRE

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Première section

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Arrêt n° S 2018-1821

 

Audience publique du 29 mai 2018

 

Prononcé du 26 juin 2018

 

DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES DE BASSE-NORMANDIE ET DU DEPARTEMENT DU CALVADOS

 

 

Exercice 2014

 

Rapport n° R-2018-0574

 

 

 

 

 

République Française,

Au nom du peuple français,

 

 

La Cour,

 

 

Vu le réquisitoire en date du 21 décembre 2017, par lequel le Procureur général près la Cour des comptes a saisi ladite Cour de charges soulevées à l’encontre de M. X, directeur régional des finances publiques de Basse-Normandie et du département du Calvados, au titre de l’exercice 2014, notifié le 2 février 2018 au comptable concerné ;

 

Vu les comptes rendus en qualité de comptable de l’Etat, par M. X, du 3 juin 2013 au 30 septembre 2015 ;

 

Vu les justifications produites au soutien du compte en jugement ;

 

Vu le code des juridictions financières ;

 

Vu le code des marchés publics, applicable au moment des faits ;

 

Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

 

Vu l’article la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, notamment son article 20 ;

 

Vu le décret n° 2008-366 du 17 avril 2008 instituant une prime de restructuration de service et une allocation d'aide à la mobilité du conjoint ;

 

Vu le décret n° 2011-1038 du 29 août 2011 instituant une prime d'intéressement à la performance collective des services dans les administrations de l'Etat ;

 

Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

 

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

 

Vu l’arrêté du 4 février 2009 fixant pour les agents des ministères économiques et financiers les conditions de modulation de la prime de restructuration de service instituée par le décret n° 2008-366 du 17 avril 2008 ;

 

Vu l’arrêté du 4 mai 2010 fixant la liste des opérations de restructuration ouvrant droit au bénéfice de la prime de restructuration de service et de l'indemnité de départ volontaire dans les services de la direction générale des finances publiques ;

 

Vu l’arrêté du 20 décembre 2013 portant nomenclature des pièces justificatives des dépenses de l’Etat ;

 

Vu le rapport n° R-2018-0574 à fin d’arrêt de Mme Karine TURPIN, conseillère référendaire, magistrate chargée de l’instruction ;

 

Vu les conclusions n° 323 du Procureur général du 22 mai 2018 ;

 

Vu les pièces du dossier ; 

Entendu lors de l’audience publique du 29 mai 2018 Mme Karine TURPIN, conseillère référendaire, en son rapport, M. Bertrand DIRINGER, avocat général, en les conclusions du ministère public, M. X, directeur régional des finances publiques de Basse-Normandie et du département du Calvados, ayant eu la parole en dernier ;

Entendu en délibéré Madame Sophie THIBAULT, conseillère maître, réviseur, en ses observations ;

 

Sur la charge n° 1, soulevée à l’encontre de M. X, au titre de l’exercice 2014

 

1. Attendu que par le réquisitoire susvisé le Procureur général près la Cour des comptes a estimé que la responsabilité de M. X pourrait être engagée, au titre de sa gestion 2014, à raison du paiement d’une dépense 108 034,80 € en l’absence de contrat écrit ; que le comptable aurait ainsi manqué à ses obligations de contrôle de la validité de la dette, lequel porte notamment sur la production des pièces justificatives ;

 

Sur le droit applicable

 

2. Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du paiement des dépenses et leur responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve engagée dès lors qu'une dépense a été irrégulièrement payée ;

3. Attendu que, selon les articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, les comptables publics doivent contrôler la validité de la dette, ledit contrôle portant notamment sur la justification du service fait et l’exactitude des calculs de liquidation ainsi que sur la production des pièces justificatives ;

 

4. Attendu que selon les dispositions de l’article 38 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, lorsqu'à l'occasion de l'exercice des contrôles prévus au 2° de l'article 19 le comptable public a constaté des irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de l'ordonnateur, il suspend le paiement et en informe l'ordonnateur ;

 

5. Attendu qu’aux termes des dispositions combinées de l’article 11 du code des marchés publics, en vigueur au moment des faits, et de l’arrêté du 20 décembre 2013 portant nomenclature des pièces justificatives des dépenses de l’Etat susvisé, les dépenses de commande publique d’un montant égal ou supérieur à 15 000 HT ne peuvent être effectuées par le comptable qu’en référence à un contrat écrit ;

 

Sur les faits

 

6. Attendu que suite à la demande de paiement n° DP 5120440 398, le comptable a payé, le 20 juin 2014, un montant de 108 034,80 € au groupement d’intérêt public (GIP) LABEO ; que la seule pièce jointe à l’appui de la demande de paiement est une facture n° FC-14029 du 14 mai 2014 de ce montant, qui ne fait référence à aucun marché ou contrat ; que l’état des paiements fait référence à un marché n° 2200817651 ;

 

7. Attendu que le GIP provisoirement dénommé « Laboratoires Normands Associés (LANA) » a été créé le 1er septembre 2013 ; qu’il a pris le nom de LABEO le 1er janvier 2014 ;

 

Sur les éléments apportés à décharge par le comptable

 

8. Attendu que le comptable fait valoir que la dépense litigieuse correspondrait à l’un des paiements se rattachant à une convention passée le 30 mars 2011 avec le laboratoire Y, organisme prédécesseur du GIP LABEO ; qu’il produit ce document ; qu’il relève qu’un contrat passé le 21 octobre 2015 entre l’Etat (direction départementale de la protection des populations du Calvados) et le GIP LABEO se réfère à la convention de 2011 précitée ; qu’il estime que le GIP LABEO se substituait dans les droits et obligations des organismes dont il était issu, notamment ledit laboratoire ;

 

Sur l’application au cas d’espèce

 

9. Attendu qu’il résulte du point 5 ci-dessus qu’au vu du montant de la dépense, celle-ci ne pouvait intervenir qu’en référence à un marché écrit en cours de validité ; que le comptable produit la convention passée le 30 mars 2011 avec le laboratoire Y, qui était alors un service du département du Calvados ; que toutefois la cession de ce contrat au GIP bénéficiaire des paiement nécessitait l’accord préalable et exprès de l’ordonnateur, même si le laboratoire précité avait été intégré dans le GIP ; qu’à cet égard le comptable ne disposait au moment du paiement ni d’un contrat conclu avec le GIP lui-même, ni d’un avenant à la convention de 2011 prévoyant la cession de celle-ci au GIP, ni de toute autre autorisation de cession, ni plus généralement d’aucun document attestant que les droits et obligations des contrats passés par les organismes prédécesseurs auraient été repris par le GIP ; que la convention du 21 octobre 2015 conclue avec le GIP, postérieure au paiement, ne peut tenir lieu d’accord préalable, quelles que soient ses stipulations ; qu’enfin n’est produit aucun certificat par lequel l’ordonnateur aurait endossé la responsabilité de l’absence de contrat écrit ;

 

10. Attendu ainsi qu’en payant la dépense en l’absence de référence à un contrat en cours de validité vis-à-vis du bénéficiaire des paiements, M. X a manqué à ses obligations précitées de contrôle de la validité de la dette, notamment au regard de la production des justifications ; qu’il y a donc lieu d’engager sa responsabilité à ce motif, au titre de l’exercice 2014 ;


Sur l’existence d’un préjudice financier

 

11. Attendu que le paiement d’une dépense d’un montant égal ou supérieur à 15 000 en l’absence de contrat écrit cause un préjudice financier à la collectivité publique, sauf si des pièces attestent de la volonté de l’ordonnateur de poursuivre avec le bénéficiaire des paiements les mêmes relations contractuelles que celles régulièrement nouées avec l’organisme prédécesseur ;

12. Attendu à cet égard que la convention précitée du 21 octobre 2015, passée entre l’Etat et le GIP LABEO, stipule expressément qu’elle annule et remplace celle du
30 mars 2011 conclue avec le Y ;

13. Attendu qu’en l’espèce les pièces produites établissent la volonté de l’Etat de continuer à entretenir avec le GIP LABEO les mêmes relations contractuelles que celles qu’il avait engagées avec le laboratoire Y ; qu’il doit donc être considéré que le manquement du comptable n’a pas causé de préjudice financier pour l’État ;

 

14. Attendu qu’aux termes des dispositions du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « lorsque le manquement du comptable […] n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce » ; que le décret du 10 décembre 2012 susvisé fixe le montant maximal de cette somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable ;

 

15. Attendu que le montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré est fixé à 685 000 € ; qu’il s’ensuit que le montant maximum de la somme susceptible d’être mise à la charge de M. X au titre de l’exercice 2014 s’élève à
1 027,50  ;

 

16. Attendu qu’il sera fait une exacte appréciation des circonstances de l’espèce en arrêtant cette somme à 400 € ;

 

Sur la charge n° 2, soulevée à l’encontre de M. X, au titre de l’exercice 2014 :

 

17. Attendu que par le réquisitoire susvisé le Procureur général près la Cour des comptes a estimé que la responsabilité de M. X pourrait être engagée, à raison du paiement d’une indemnité temporaire et dégressive de restructuration à plusieurs agents en 2014 pour un montant de 46 936,41 € ; que cette indemnité, instaurée par une décision ministérielle de 2003, ne reposerait sur aucune disposition législative ou réglementaire ;

 

Sur le droit applicable

 

18. Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du paiement des dépenses, et leur responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve engagée dès lors qu'une dépense a été irrégulièrement payée ;

19. Attendu que, selon les articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, les comptables publics doivent contrôler la validité de la dette, le contrôle portant notamment sur la justification du service fait et l’exactitude des calculs de liquidation ainsi que la production des justifications ;

 

 

20. Attendu que selon les dispositions de l’article 38 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, lorsqu'à l'occasion de l'exercice des contrôles prévus au 2° de l'article 19 le comptable public a constaté des irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de l'ordonnateur, il suspend le paiement et en informe l'ordonnateur ;

21. Attendu qu’aux termes de l’article 20 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou règlementaire ;

22. Attendu que, s'il ne leur appartient pas de se faire juges de la légalité des décisions administratives sur lesquelles sont fondés les paiements d'indemnités, les comptables publics doivent, en revanche, vérifier la référence, comme le prévoit la nomenclature, à des textes de nature à justifier le paiement desdites indemnités, ainsi que les conditions d'application desdits textes ;

 

Sur les faits

 

23. Attendu que M. X a payé en 2014 une indemnité temporaire et dégressive de restructuration pour un montant global de 46 936,41 €, au bénéfice de six agents, au titre d’un dispositif d’accompagnement des opérations de restructuration du réseau, sur le fondement d’une décision du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 21 juillet 2003 ;

 

Sur les éléments apportés à décharge par le comptable

 

24. Attendu que le comptable estime que l’indemnité temporaire et dégressive de restructuration prévue par la décision précitée est valablement fondée sur le décret du 17 avril 2008 susvisé instituant une prime de restructuration de service et une allocation d’aide à la mobilité du conjoint, ainsi que décliné pour les agents des ministères économiques et financiers par les arrêtés susvisés du 4 février 2009 et du 4 mai 2010 ;

 

Sur l’application au cas d’espèce

 

25. Attendu que la décision ministérielle précitée ne fait pas référence aux textes invoqués par le comptable ; qu’au surplus, elle tend à ce que soit servi un élément indemnitaire distinct de celui prévu par le décret et les arrêtés cités au point 24 ci-dessus ; qu’enfin les paiements de l’indemnité temporaire et dégressive de restructuration ont été effectués sous un code indemnitaire distinct de celui de la prime de restructuration de service ;

 

26. Attendu qu’une décision ministérielle ne constitue pas un texte instituant valablement l’indemnité servie, au sens de la nomenclature et des lois et règlements en vigueur ; qu’en payant les sommes en question en l’absence de référence à un texte législatif ou réglementaire en vigueur tel que prévu par la nomenclature des pièces justificatives, et ne pouvant ainsi vérifier l’exactitude des calculs de liquidation, M. X a manqué à ses obligations précitées de contrôle de la validité de la dette ; qu’il y a donc lieu d’engager sa responsabilité à ce motif, au titre de l’exercice 2014 ;

 

Sur l’existence d’un préjudice financier

 

 

28. Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963, « lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;

 

29. Attendu qu’il y a donc lieu de constituer M. X débiteur de l’État pour la somme de 46 936,41 € au titre de l’exercice 2014 ;

 

30. Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 2 février 2018, date de réception du réquisitoire par M. X ;

 

31. Attendu que les paiements en cause n’entraient pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif, au sens du IX de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée ;

 

Sur la charge n° 3, soulevée à l’encontre de M. X, au titre de l’exercice 
2014 :

 

32. Attendu que par le réquisitoire susvisé le Procureur général près la Cour des comptes a estimé que la responsabilité de M. X pourrait être engagée, à raison du paiement d’une prime d’intéressement à la performance collective des services des ministères économiques et financiers à plusieurs agents en 2014 pour un montant de 255 661,81  ; que cette prime, instaurée par une décision ministérielle du 27 janvier 2014, ne reposerait sur aucune disposition réglementaire ;

 

Sur le droit applicable

 

33. Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du paiement des dépenses, et leur responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve engagée dès lors qu'une dépense a été irrégulièrement payée ;

34. Attendu que, selon les articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, les comptables publics doivent contrôler la validité de la dette, le contrôle portant notamment sur la justification du service fait et l’exactitude des calculs de liquidation ainsi que sur la production des justifications ;

35. Attendu que selon les dispositions de l’article 38 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, lorsqu'à l'occasion de l'exercice des contrôles prévus au 2° de l'article 19 le comptable public a constaté des irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de l'ordonnateur, il suspend le paiement et en informe l'ordonnateur ;

36. Attendu qu’aux termes de l’article 20 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou règlementaire ;

37. Attendu que, s'il ne leur appartient pas de se faire juges de la légalité des décisions administratives sur lesquelles sont fondés les paiements d'indemnités, les comptables publics doivent, en revanche, vérifier la référence, comme le prévoit la nomenclature, à des textes de nature à justifier le paiement desdites indemnités, ainsi que les conditions d'application desdits textes ;


Sur les faits

38. Attendu que M. X a payé trois indemnités au bénéfice d’agents de la DGFIP en poste dans les départements du Calvados, de la Manche et de l’Orne pour un montant global de 255 661,81 €, correspondant à la prime d’intéressement à la performance collective, sur le fondement d’une décision du ministre de l’économie et des finances et du ministre délégué chargé du budget en date du 27 janvier 2014, prise en référence au décret du 29 août 2011 susvisé instituant une prime d'intéressement à la performance collective des services dans les administrations de l'Etat ;

 

Sur les éléments apportés à décharge par le comptable

 

39. Attendu que le comptable fait valoir que les paiements ont été réalisés sur le fondement d’une décision du ministre de l’économie et des finances et de celui chargé du budget ; que celle-ci constitue un acte réglementaire entrant dans leur champ de compétence, en application de l’article 2 du décret du 29 août 2011 précité ;

 

40. Attendu que le comptable estime que le fait que l’arrêté soit présenté sous forme d’une décision ne paraît pas amoindrir sa portée réglementaire ; que la jurisprudence a reconnu aux ministres comme à tout chef de service, le pouvoir de réglementer l’organisation et le fonctionnement des services placés sous leur autorité ;

 

41. Attendu que le comptable rappelle qu’aux termes de l’article 60 de la loi du
23 février 1963 et des articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012 susvisés, le comptable n’a pas à se faire juge de la légalité des pièces justificatives soumises ; qu’il n’entre pas dans son champ de compétence de vérifier la légalité d’une décision réglementaire de son ministre ;

 

Sur l’application au cas d’espèce

 

42. Attendu qu'un comptable public ne saurait être délié de ses obligations au motif qu'il est placé sous l’autorité hiérarchique du ministre des finances, ordonnateur des dépenses litigieuses ;

 

43. Attendu que le décret du 29 août 2011 susvisé, auquel la décision ministérielle du 27 janvier 2014 faisait référence, n’était pas, selon les dispositions de son annexe, applicable au ministère des finances ; que les pièces à l’appui de la dépense étaient ainsi contradictoires ;

 

44. Attendu au surplus qu’à supposer que son annexe ait été modifiée pour le rendre applicable au ministère des finances, ce décret prévoyait, pour sa mise en œuvre, des arrêtés, dont l’un pris après avis du comité technique compétent et l’autre conjointement avec le ministre chargé de la fonction publique ; qu’une simple décision des ministres chargés de l’économie, des finances et du budget, de surcroît non publiée, ne pouvait en tenir lieu ; qu’à titre très subsidiaire, le décret précité prévoyant expressément les modalités de sa mise en œuvre, celle-ci ne pouvait relever des pouvoirs dont, même en l’absence de textes exprès, les ministres disposent pour régler l’organisation et le fonctionnement de leurs services ; qu’en tout état de cause une décision ministérielle ne constitue pas un texte instituant valablement l’indemnité servie, au sens de la nomenclature et des lois et règlements en vigueur ;

 

 

 

 

 

45. Attendu ainsi qu’en payant les sommes en question en l’absence de référence à un texte législatif ou réglementaire en vigueur tel que prévu par la nomenclature des pièces justificatives, et ne pouvant ainsi vérifier l’exactitude des calculs de liquidation, M. X a manqué à ses obligations de contrôle de la validité de la dette ; qu’il y a donc lieu d’engager sa responsabilité à ce motif au titre de l’exercice 2014 ;

 

Sur l’existence d’un préjudice financier

 

46. Attendu que les paiements d'indemnités non prévues par un texte législatif ou réglementaire régulièrement publié sont indus ; que, dès lors, leur paiement a été la cause d’un préjudice financier pour l’Etat ;

47. Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963, « lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;

 

48. Attendu qu’il y a donc lieu de constituer M. X débiteur de l’État pour la somme de 255 661,81 € au titre de l’exercice 2014 ;

 

49. Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 2 février 2018, date de réception du réquisitoire par M. X ;

 

50. Attendu que les paiements en cause n’entraient pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif, au sens du IX de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée ;

 

Par ces motifs,

 

DÉCIDE :

 

Charge n° 1, exercice 2014

 

Article 1er. – M. X devra s’acquitter d’une somme de 400 €, en application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ; cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du IX de l’article 60 précité.

 

Charge n° 2, exercice 2014

 

Article 2. – M. X est constitué débiteur de l’État au titre de l’exercice 2014 pour la somme de 46 936,41 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 2 février 2018.

 

Les paiements n’entraient pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif.

 

Charge n° 3, exercice 2014

 

Article 3. – M. X est constitué débiteur de l’État au titre de l’exercice 2014 pour la somme de 255 661,81 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 2 février 2018.

 

Les paiements n’entraient pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif.

 

Article 4. – La décharge de M. X au titre de l’exercice 2014 ne pourra être donnée qu’après apurement des débets à acquitter, fixés ci-dessus.

 


 

Fait et jugé par M. Philippe GEOFFROY, président de section, président de la formation ; MM. Daniel-Georges COURTOIS, Vincent FELLER, Guy FIALON, conseillers maîtres et Mme Sophie THIBAULT, conseillère maître.

 

En présence de Mme Marie-Hélène PARIS-VARIN, greffière de séance.

 

 

 

Marie-Hélène Paris-Varin

 

Philippe Geoffroy

 

 

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

 

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.

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