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République Française, Au nom du peuple français, La Cour, |
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Vu la requête enregistrée le 9 août 2016 au greffe de la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur, par laquelle le procureur financier près ladite chambre a élevé appel du jugement n° 2016-0027 du 6 juin 2016 par lequel la juridiction a mis à la charge de Mme X, comptable de la commune de Grimaud, une somme non rémissible de 200 € au titre de sa gestion au cours de l’exercice 2013 en ce qui concerne la charge n° 1 ;
Vu les pièces de la procédure suivie en première instance et notamment le réquisitoire du procureur financier n° 2016-0014 du 28 janvier 2016 ;
Vu le code général des collectivités territoriales et notamment son article D.1617-19 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, en vigueur au moment des faits ;
Vu les observations produites le 1er mars 2017 par Mme X ;
Vu le rapport de M. Nicolas ROCQUET, auditeur, chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions n° 939 du Procureur général du 7 décembre 2017 ;
Entendu, lors de l’audience publique du 14 décembre 2017, M. Nicolas ROCQUET, en son rapport, Mme Loguivy ROCHE, avocate générale, en les conclusions du ministère public ; les parties informées de l’audience n’étant ni présentes ni représentées ;
Après avoir entendu en délibéré M. Olivier ORTIZ, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;
Attendu que par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes de Provence- Alpes-Côte d’Azur a engagé, au titre de la charge n° 1, la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X pour avoir procédé en 2013 au paiement d’indemnités d’astreinte à quatre agents communaux sans avoir contrôlé la production des pièces justificatives exigées par l’annexe I de l’article D.1617-19 du code général des collectivités territoriales ; que, toutefois, elle a jugé que les manquements de la comptable n’avaient pas causé de préjudice financier à la commune et a prononcé une somme non rémissible de 200 € à l’encontre de Mme X ;
Attendu que l’appelant développe plusieurs moyens visant à contester l’absence de préjudice pour la collectivité, retenue par la chambre régionale des comptes ; qu’il estime, d’une part, que la chambre a commis une erreur de droit en jugeant que le préjudice s’apprécie à tout moment ; que, d’autre part, elle a commis une erreur de fait en considérant que des états liquidatifs répondant aux exigences de la nomenclature avaient été produits par la comptable en cours d’instance ; que, enfin, elle a commis une erreur de droit en ne tirant pas les conséquences du défaut de précision de la délibération du 19 novembre 2008 que le jugement constate par ailleurs ; que l’appelant demande, en conséquence, à la Cour d'infirmer partiellement le jugement précité et de constituer la comptable débitrice d'un montant de 4 216,76 € ;
Attendu que l’appelant fait valoir notamment que, dans son jugement, la chambre a considéré que la délibération du 19 novembre 2008 relative aux indemnités d’astreinte était insuffisamment précise ; que, dès lors, la volonté du conseil municipal de verser des primes d’astreinte aux quatre agents ne pouvait être présumée ; que, par conséquent, la chambre aurait dû logiquement en déduire que ces paiements étaient indus et avaient causé ipso facto un préjudice financier à la commune de Grimaud ;
Attendu que la comptable soutient, dans ses observations du 1er mars 2017, que l’imprécision de la délibération en cause relève d’une irrégularité formelle et ne saurait être constitutive d’un préjudice ; que si cette délibération est jugée imprécise, elle constitue une manifestation non équivoque de la volonté de la commune de recourir aux indemnités d’astreinte et que les documents liquidatifs récapitulant les astreintes ne permettaient d’avoir aucun doute sérieux sur la réalité du service fait ;
Attendu que s’agissant des astreintes et permanences, le comptable public doit exiger, au moment du paiement, les pièces prévues à l’annexe I de l’article D.1617-19 du code général des collectivités territoriales, rubrique 210225, à savoir :
« 1. [une] délibération déterminant les cas dans lesquels il est possible de recourir à des astreintes ou à des permanences, la liste des emplois concernés, les modalités de leur organisation et, le cas échéant, le montant des crédits budgétaires alloués à cet effet ;
2. le cas échéant, [un] état des crédits alloués aux astreintes ou permanences consommés ;
3. [un] état liquidatif, précisant l'emploi de l'agent, la période d’astreinte ou de permanence, le taux applicable et, le cas échéant, le nombre d’heures d’intervention réalisées pendant la période d'astreinte » ;
Attendu qu’en l’espèce il ressort des pièces du dossier que ni les cas dans lesquels il est possible de recourir à des astreintes, ni les modalités d’organisation des astreintes, ni la liste des emplois hormis une mention du service de la police municipale ne sont déterminés dans la délibération du 19 novembre 2008, comme l’exige la nomenclature établie dans le code général des collectivités territoriales ; que, par conséquent, la chambre n’a pas méconnu les faits en considérant qu’elle était imprécise et incomplète ;
Attendu que, contrairement à ce que la comptable prétend, ces imprécisions ne permettent pas d’affirmer que les conditions dans lesquelles les quatre agents ont effectué leurs astreintes correspondent à une quelconque volonté de la commune de Grimaud ; qu’en effet, faute d’une délibération complète et précise, la volonté de l’assemblée délibérante, seule compétente pour décider d’attribuer les indemnités, ne saurait être présumée ;
Attendu que, s’il est nécessaire que le service fait soit attesté pour qu’un manquement ne soit pas considéré comme ayant causé un préjudice financier, il ne suffit pas d’une telle attestation pour écarter l’existence d’un préjudice financier causé par un manquement ; que, dès lors, les arguments de la comptable sur la réalité du service fait sont inopérants ;
Attendu qu’il est de jurisprudence constante que le paiement d’indemnités sans que l’autorité habilitée à les définir se soit expressément prononcée, est indu et cause ipso facto un préjudice ; que la chambre a donc commis une erreur de droit sur ce point ; que par conséquent, le moyen invoqué par l’appelant doit être accueilli ;
Attendu que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, il y a lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a admis, au titre de la charge n° 1, que les manquements de la comptable à ses obligations n’ont pas entraîné de préjudice financier pour la commune de Grimaud, et a mis à la charge de Mme X la somme non rémissible de 200 € ;
Attendu qu’en raison de l’effet dévolutif de l’appel, il revient à la Cour de se prononcer sur les suites à donner à la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X ; que, compte tenu du caractère indu des paiements en cause, il convient de constituer la comptable débitrice envers la commune de Grimaud de la somme de 4 216,76 € au titre de l’exercice 2013, assortie d’intérêts au taux légal à compter du 5 février 2016, date de la notification du réquisitoire du procureur financier ;
Attendu qu’en application du deuxième alinéa de l’article 60-IX de la loi du 23 février 1963, les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du paragraphe VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse totale des sommes mises à leur charge s’ils ont respecté les règles de contrôle sélectif des dépenses ; que cette condition est déterminée « sous l’appréciation du juge des comptes » ;
Attendu que la comptable a produit un plan de contrôle prévoyant le contrôle a posteriori des dépenses de personnel ; que, dans sa réponse du 25 février 2016 aux premiers juges, elle précisait que les dépenses visées ont été ainsi contrôlées sans relever les défauts de justification ou les erreurs de liquidation mentionnés par le réquisitoire ; qu’il en résulte que le plan de contrôle n’a pas été respecté ;
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1er – Le jugement n° 2016-0027 du 6 juin 2016 de la chambre régionale de Provence-Alpes-Côte d’Azur est infirmé dans ses dispositions relatives à la charge n° 1 en ce qu’il affirme l’absence de préjudice financier pour la commune de Grimaud causé par le manquement dont Mme X a été jugée responsable.
Article 2 – Mme X est constituée débitrice envers la commune de Grimaud de la somme de 4 216,76 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 5 février 2016.
Article 3 – Les paiements entraient dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif qui n’ont pas été appliquées au cas d’espèce.
Article 4 – La décharge de Mme X pour l’exercice 2013 ne pourra être prononcée qu’après l’apurement des débets prononcés à son encontre.
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Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents : M. Yves ROLLAND, président de section, président de séance ; MM. Jean‑Yves BERTUCCI, Olivier ORTIZ, conseillers maîtres et Mme Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS, conseillère maître.
En présence de M. Aurélien LEFEBVRE, greffier de séance.
Aurélien LEFEBVRE |
Yves ROLLAND |
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.
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