S2018-1600 | 1 / 4 |
République Française, Au nom du peuple français,
La Cour, |
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Vu la requête enregistrée le 17 novembre 2016 au greffe de la chambre régionale des comptes d’Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine, par laquelle Mme X, comptable de la commune de Vireux-Wallerand, a élevé appel du jugement n° 2016-0009 du 9 septembre 2016 par lequel ladite chambre régionale l’a constituée débitrice envers cette commune de la somme de 6 211,27 € au titre de l’exercice 2012, pour avoir irrégulièrement payé des subventions d’investissement ;
Vu les pièces de la procédure suivie en première instance ;
Vu le code général des collectivités territoriales, et notamment son article D. 1617-19 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;
Vu le rapport de M. Rainier d’HAUSSONVILLE, conseiller référendaire, chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions du Procureur général n° 321 du 22 mai 2018 ;
Entendu lors de l’audience publique du 31 mai 2018, M. Rainier d’HAUSSONVILLE, en son rapport, Mme Loguivy ROCHE, avocate générale, en les conclusions du ministère public, les autres parties, informées de l’audience, n’étant ni présentes, ni représentées ;
Entendu en délibéré M. Jean-Yves BERTUCCI, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;
Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes d’Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine a constitué Mme X débitrice envers la commune de Vireux-Wallerand de la somme de 6 211,27 € augmentée des intérêts de droit pour avoir procédé, par les mandats n° 104 et n° 119 de l’exercice 2012, au paiement de subventions d’investissement relatives à un programme d’enfouissement de lignes électriques à la Fédération départementale d’énergie des Ardennes, sans disposer des pièces justificatives prévues aux rubriques 7211 et 76 de la nomenclature annexée à l’article D. 1617-19 susvisé du code général des collectivités territoriales, c’est-à-dire de délibérations du conseil municipal précisant le bénéficiaire, l’objet et le montant desdites subventions ;
Attendu qu’en ce qui concerne le mandat n° 104, la chambre régionale a en outre jugé qu’aucune autre pièce de nature à attester la validité de la créance n’avait été produite et a, en conséquence, considéré que le manquement imputable à la comptable avait entraîné pour la commune un préjudice financier correspondant au montant total dudit mandat, soit 4 615,15 € ;
Attendu qu’en ce qui concerne le mandat n° 119, la chambre a estimé qu’était produite par l’ordonnateur une délibération du conseil municipal du 19 octobre 2010 autorisant le versement d’une participation financière de la commune au programme d’enfouissement de lignes téléphoniques, à hauteur de 28 304,48 € ; qu’elle en a déduit que le manquement imputable à la comptable n’avait dès lors entraîné un préjudice financier pour la commune qu’à hauteur de la différence entre ce montant et celui du mandat n° 119 (29 900,60 €), soit 1 596,12 € ;
Attendu que l’appelante ne conteste pas l’irrégularité du paiement des deux mandats mais soutient que ces paiements n’ont nullement entraîné de préjudice financier pour la commune dans la mesure où les travaux qui en étaient la contrepartie ont été effectivement réalisés ;
Attendu qu’en deuxième lieu, la requérante fait valoir que, contrairement à ce qu’indique le dispositif du jugement entrepris, il existait un dispositif de contrôle sélectif de la dépense applicable au poste comptable et que celui-ci ne prévoyait pas le contrôle avant leur paiement des mandats incriminés ;
Attendu que la requérante invoque enfin des circonstances particulières tenant aux conditions d’exercice de ses fonctions en 2010 et 2011 dont elle estime qu’elles pourraient justifier une « bienveillance » de la Cour à son égard ;
Sur l’existence d’un préjudice financier pour la commune
Attendu que l’appelante fait valoir que la commune de Vireux-Wallerand n’a subi aucun préjudice financier au motif que les travaux d’enfouissement des lignes électriques, contrepartie des paiements litigieux, auraient été réalisés ;
Attendu toutefois que le préjudice financier subi en l’espèce par la commune ne résulte pas de ce que les travaux n’auraient pas été réalisés mais uniquement de l’absence de délibération du conseil municipal autorisant le versement des subventions litigieuses et établissant la validité de la créance ;
Attendu que, sur ce plan, la requérante ne produit aucun élément nouveau qui serait de nature à établir la volonté du conseil municipal ; que la délibération précitée du 19 octobre 2010 a déjà été prise en compte par les premiers juges pour limiter le montant du débet ; que si la requête en appel indique que les paiements correspondraient à des travaux d’enfouissement de lignes électriques prévus par un contrat du 20 février 2009, ce contrat n’a été produit ni en première instance, ni dans le cadre du présent appel, et qu’il n’est donc pas possible d’en apprécier la portée éventuelle ;
Sur le respect des règles de contrôle sélectif des dépenses
Attendu qu’aux termes du IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1960 modifié : « les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas du décès du comptable ou du respect par celui-ci, sous l’appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l’obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ;
Attendu que l’appelante fait valoir que les mandats n° 104 et n° 119 pour lesquels sa responsabilité a été mise en jeu « n’étaient pas inscrits dans le plan de contrôle hiérarchisé des dépenses » en raison de la catégorie de dépenses à laquelle ils se rattachent ; qu’elle joint à sa requête un plan de contrôle hiérarchisé de la dépense applicable à son poste comptable, « à compter du 1er janvier 2011 » ;
Attendu que le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense précité n’a pas été porté à la connaissance de la chambre régionale avant qu’elle ne rende le jugement entrepris ; que toutefois cette pièce est produite pour la première fois en appel ; que dès lors le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu’il a constaté « l’absence de contrôle sélectif de la dépense au moment des paiements » ;
Attendu qu’en vertu de l’effet dévolutif de l’appel, il appartient à la Cour de constater que le plan de contrôle sélectif de la dépense en vigueur à compter du 1er janvier 2011 prévoyait le contrôle exhaustif du paiement des subventions ; qu’il en résulte que les deux mandats litigieux auraient dû être contrôlés par la comptable ;
Sur les circonstances dans lesquelles la comptable a exercé ses fonctions
Attendu que l’appelante fait état, d’une part du manque de personnel de son poste comptable au regard des opérations comptables à mener, d’autre part, des graves difficultés de santé qu’elle a connues durant l’exercice 2011 ;
Attendu cependant que les circonstances alléguées par la requérante ne peuvent être prises en considération par le juge des comptes lorsqu’il est conduit à statuer, comme c’est le cas en l’espèce, sur des manquements qui ont entraîné un préjudice financier pour l’organisme public concerné ; qu’il appartiendra, le cas échéant, à Mme X, de faire valoir ces circonstances dans le cadre de la demande de remise gracieuse qu’elle pourrait décider d’adresser au ministre chargé du budget ;
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1er : – Le jugement n° 2016-0009 du 9 septembre 2016 de la chambre régionale des comptes d’Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine est infirmé en ce qu’il a constaté l’absence de tout contrôle sélectif de la dépense applicable au cours de l’exercice 2012.
Article 2 : – Le plan de contrôle sélectif de la dépense en vigueur n’a pas été respecté en ce qui concerne les paiements au titre desquelles Mme X a été déclarée débitrice par le jugement attaqué.
Article 3 : – Les autres moyens de la requête de Mme X sont rejetés.
Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents : M. Yves ROLLAND, président de section, président de séance,
MM. Jean-Yves BERTUCCI et Denis BERTHOMIER, conseillers maîtres et Mmes Dominique DUJOLS et Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS, conseillères maître.
En présence de M. Aurélien LEFEBVRE, greffier de séance.
Aurélien LEFEBVRE
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Yves ROLLAND
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En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.
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