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QUATRIÈME CHAMBRE

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Première section

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Arrêt n° S2017-4175

 

Audience publique du 14 décembre 2017

 

Prononcé du 25 janvier 2018

 

 

 

 

 

COMMUNE DE DENAIN (NORD)

 

Appel d’un jugement de la chambre régionale des comptes

de Nord, Pas-de-Calais, Picardie

 

 

Rapport n° R-2017-0835

 

 

 

 

 

République Française,

Au nom du peuple français,

 

La Cour,

 

Vu la requête enregistrée le 2 août 2016 au greffe de la chambre régionale des comptes de Nord, Pas-de-Calais, Picardie, par laquelle M. X, comptable de la commune de Denain, a élevé appel du jugement  2016-0020 du 2 juin 2016 par lequel ladite chambre régionale l’a constitué débiteur envers la commune de Denain de la somme de 4 165,10 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 16 décembre 2015, au titre de sa gestion au cours des exercices 2011 et 2012 ;

Vu les pièces de la procédure suivie en première instance et notamment le réquisitoire du procureur financier près de la chambre régionale des comptes de Nord, Pas-de-Calais, Picardie  2015-0109 du 27 novembre 2015 ;

Vu le code général des collectivités territoriales et notamment son article L.1617-5 ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique alors en vigueur ;

Vu le rapport de M. Nicolas ROCQUET, auditeur, chargé de l’instruction ;

Vu les conclusions  567 du Procureur général du 27 juillet 2017 ;

 

 

 

 

Entendu, lors de l’audience publique du 14 décembre 2017, M. Nicolas ROCQUET, en son rapport, Mme Loguivy ROCHE, avocate générale, en les conclusions du ministère public ; M. X, appelant, informé de l’audience n’étant ni présent ni représenté ;

Après avoir entendu en délibéré M. Jean-Yves BERTUCCI, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;

Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes de Nord, Pas-de-Calais, Picardie a engagé la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X pour avoir définitivement compromis l’action en recouvrement de titres de recette d’un montant global de 4 165,10 , qui a été atteinte par la prescription prévue par le 3° de l’article L. 1617-5 susvisé du code général des collectivités territoriales au cours des exercices 2011 et 2012, faute pour ce comptable d’avoir accompli en temps utile les diligences appropriées en vue dudit recouvrement ; que la chambre a jugé que ce manquement avait entraîné un préjudice financier pour la commune et qu’elle a, en conséquence, constitué M. X débiteur envers la commune de Denain de la somme de 4 165,10 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 16 décembre 2015 ;

Attendu que le comptable appelant développe plusieurs moyens destinés à contester le manquement que la chambre régionale des comptes a retenu à son encontre ; que, selon lui, l’action en recouvrement des titres en cause n’aurait pas été atteinte par la prescription prévue par les dispositions précitées ; que, conformément à l’instruction codificatrice n° 11-022-MO du 16 décembre 2011 portant recouvrement des recettes des collectivités territoriales et des établissements publics locaux qui dispose que : « Grâce à la chaîne automatisée des relances de l'application HELIOS, une mise en demeure est envoyée par courrier simple... », il aurait, en temps utile, adressé des mises en demeure interrompant la prescription ; que la preuve de ces diligences serait valablement apportée par les copies d’écran et les éditions de fichiers informatiques issues de l’application HELIOS qu’il a produites ; que, si cette preuve ne devait pas être admise, il y aurait lieu de remettre en cause toutes les données fournies par le logiciel HELIOS qui sont utilisées dans le cadre de  la gestion budgétaire et comptable des collectivités territoriales ; que le concept de diligences adéquates, complètes et rapides ne serait pas transposable à une application informatique régie par un langage binaire qui induit que les diligences sont soit exécutées soit non exécutées ; qu’enfin, le manquement n’étant pas établi, la commune n’aurait par conséquent subi aucun préjudice financier et que le jugement devrait donc être annulé en ce qu’il a constitué M. X en débet de la somme de 4 165,10 ;

Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisé : « Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes (…) La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors (…) qu’une recette n’a pas été recouvrée (…) » ; qu’il revient au comptable de dégager sa responsabilité en apportant la preuve que ses diligences ont été adéquates, complètes et rapides, la justification de telles diligences conduisant à présumer que le caractère irrécouvrable de la créance provient d’une cause étrangère à l’action du comptable ; que, lorsque tel n’est pas le cas, son action doit être regardée comme insuffisante et sa responsabilité engagée, s’il est établi que les possibilités de recouvrement ont été, de ce fait, compromises ;

Attendu qu’en l’espèce, le comptable n’a produit aucune justification probante d’actes susceptibles d’interrompre la prescription, ni de leur réception par les débiteurs ;

 

 

 

 

Attendu que l’instruction codificatrice précitée ne saurait avoir pour effet de restreindre l’obligation pour le comptable d’apporter la preuve des diligences effectuées en vue du recouvrement des créances qu’il a prises en charge ; qu’au demeurant, ladite instruction, si elle indique la possibilité d’envoyer une mise en demeure par courrier simple, précise également : « Par exception (action manuelle hors HELIOS), elle [la mise en demeure de payer] sera envoyée avec accusé de réception et signée, notamment en cas de risque de prescription » ;

Attendu que de simples copies d’écran ou bordereaux de situation qui retracent l’historique des diligences accomplies dans l’application HELIOS ne sont pas de nature à justifier si des actes susceptibles d’interrompre la prescription ont été pris puisqu’ils ne garantissent en rien leur notification effective au redevable ;

Attendu que s’il appartient au comptable d’apporter la preuve que la prescription a été valablement interrompue pour dégager sa responsabilité personnelle et pécuniaire, ceci ne remet nullement en cause l’utilisation des informations issues de l’application HELIOS dans d’autres aspects de la gestion budgétaire et comptable de la collectivité ; qu’en revanche, les spécificités techniques de l’application ne sauraient dispenser le comptable d’accomplir des diligences adéquates, complètes et rapides en vue du recouvrement des recettes ;

Attendu que l’action en recouvrement des créances précitées s’est trouvée prescrite au cours de la gestion de M. X, à défaut pour ce dernier de pouvoir justifier des actes interruptifs qu’il allègue avoir notifié aux débiteurs ; qu’il en résulte une perte de recettes pour la commune de Denain ; que le manquement du comptable a donc causé un préjudice financier à la commune, nonobstant le fait que, comme le fait observer l’ordonnateur, ces sommes non recouvrées sont d’un faible montant au regard de celles qui ont par ailleurs été recouvrées par le comptable ; que c’est ainsi à bon droit que la chambre régionale Nord, Pas-de-Calais, Picardie a constitué M. X débiteur envers la commune de Denain de la somme de 4 165,10 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 16 décembre 2015 ;

 

Par ces motifs,

DECIDE :

Article unique - La requête de M. X est rejetée.

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Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents : M. Yves ROLLAND, président de section, président de séance ; MM. JeanYves BERTUCCI, Oliver ORTIZ, conseillers maîtres et Mme Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS, conseillère maître.

En présence de M. Aurélien LEFEBVRE, greffier de séance.

 

 

 

 

 

Aurélien LEFEBVRE

 

 

 

 

 

Yves ROLLAND

 

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.

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