Cour de discipline budgétaire et financière
Seconde section
Arrêt du 20 juillet 2017 « Institut Curie »
N° 215-765
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE,
siégeant à la Cour des comptes, en audience publique, a rendu l’arrêt suivant :
Vu le code des juridictions financières, notamment le titre 1er de son livre III, relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat ;
Vu la communication du 9 janvier 2015, enregistrée au parquet général le même jour, par laquelle le président de la sixième chambre de la Cour des comptes a informé le procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière de faits relatifs à la gestion de l’Institut Curie, conformément aux dispositions de l’article L. 314-1 du code des juridictions financières alors en vigueur ;
Vu le réquisitoire du 31 juillet 2015 par lequel le procureur général a saisi de cette affaire le Premier président de la Cour des comptes, président de la Cour de discipline budgétaire et financière, conformément aux dispositions de l’article L. 314-3 du code des juridictions financières alors en vigueur ;
Vu la décision du 4 septembre 2015 par laquelle le président de la Cour de discipline budgétaire et financière, a désigné M. Nicolas Péhau, conseiller référendaire à la Cour des comptes, en qualité de rapporteur de l’affaire ;
Vu les lettres recommandées du 3 février 2016 du procureur général, ensemble les avis de réception de ces lettres, par lesquelles, conformément aux dispositions de l’article L. 314-4 du code des juridictions financières alors en vigueur, ont été respectivement mis en cause, au regard des faits de l’espèce :
- M. Claude X..., président du conseil d’administration de l’Institut Curie jusqu’en novembre 2013 ;
- M. Daniel Y..., trésorier de l’Institut ;
Vu la lettre du 13 décembre 2016 du président de la Cour de discipline budgétaire et financière transmettant au ministère public le dossier de l’affaire après le dépôt du rapport de M. Péhau, en application de l’article L. 314-4 du code des juridictions financières alors en vigueur ;
Vu la lettre du 20 décembre 2016 du procureur général informant le président de la Cour de discipline budgétaire et financière, après communication du dossier de l’affaire, de sa décision de poursuivre la procédure en application de l’article L. 314-4 du code des juridictions financières alors en vigueur ;
Vu les lettres du 21 décembre 2016 par lesquelles, en application de l’article L. 314-5 du code des juridictions financières alors en vigueur, le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a transmis pour avis le dossier de l’affaire au ministre de l’économie et des finances, à la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche et à la ministre des affaires sociales et de la santé ;
Vu la décision du 31 mars 2017 du procureur général renvoyant MM. X... et Y... devant la Cour de discipline budgétaire et financière, en application de l’article L. 314-6 du code des juridictions financières alors en vigueur ainsi que les lettres du même jour envoyées par lui à MM. X... et Y... pour les informer de sa décision ;
Vu les lettres recommandées adressées par la greffière de la Cour de discipline budgétaire et financière à MM. X... et Y..., le 4 avril 2017, leur transmettant la décision de renvoi du procureur général, les avisant qu’ils pouvaient produire un mémoire en défense dans les conditions prévues à l’article L. 314-8 du code des juridictions financières alors en vigueur, et les citant à comparaître le 16 juin 2017 devant la Cour de discipline budgétaire et financière, ensemble les avis de réception de ces lettres ;
Vu le mémoire en défense produit par M. Y..., le 2 juin 2017 ;
Vu le mémoire en défense produit par Maîtres Glaser et Yvonnet dans l’intérêt de M. X..., le 6 juin 2017, ensemble les pièces à l’appui ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Entendu le représentant du ministère public, résumant la décision de renvoi, en application de l’article L. 314-12 du code des juridictions financières ;
Entendu le procureur général en ses conclusions, en application de l’article L. 314-12 du code des juridictions financières ;
Entendu en sa plaidoirie Maître Glaser pour M. X..., MM. Y... et X... ayant été invités à présenter leurs explications et observations, la défense ayant eu la parole en dernier ;
Après en avoir délibéré ;
Sur la compétence de la Cour
- Considérant qu’en application du c) du I de l’article L. 312-1 du code des juridictions financières, la Cour de discipline budgétaire et financière est compétente pour connaître des infractions susceptibles d’avoir été commises dans l’exercice de leurs fonctions par « Tout représentant, administrateur ou agent des autres organismes qui sont soumis soit au contrôle de la Cour des comptes, soit au contrôle d’une chambre régionale des comptes ou d’une chambre territoriale des comptes » ; que l’Institut Curie est un organisme soumis au contrôle de la Cour des comptes sur le triple fondement des articles L. 111-7, L. 111-8 1er et 3ème alinéa du code des juridictions financières ; que l’Institut Curie, exerçant des missions de recherche et d’enseignement en application de son statut, ne peut être assimilé à une association de bienfaisance au sens du n) de l’article L. 312-1 du code des juridictions financières ;
- Considérant, par conséquent, que M. X..., en sa qualité de président du conseil d’administration de l’Institut Curie et M. Y..., en sa qualité de trésorier de cet Institut sont justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Sur l’absence d’avis du ministre de l’économie et des finances, de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche et de la ministre des affaires sociales et de la santé
- Considérant que l’absence de réponse du ministre de l’économie et des finances, de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche et de la ministre des affaires sociales et de la santé aux demandes d’avis formulées le 21 décembre 2016 ne fait pas obstacle à la poursuite de la procédure, en application de l’article L. 314-5 du code des juridictions financières en vigueur jusqu’au 30 avril 2017 ;
Sur la prescription
- Considérant qu’aux termes de l’article L. 314-2 du code des juridictions financières : « La Cour ne peut être saisie après l’expiration d’un délai de cinq années révolues à compter du jour où aura été commis le fait de nature à donner lieu à l’application des sanctions prévues par le présent titre. » ;
- Considérant que les faits présomptifs d’irrégularités qui sont visés par la décision de renvoi ont été portés à la connaissance du parquet général par une communication du président de la sixième chambre de la Cour des comptes du 9 janvier 2015, enregistrée le même jour ; qu’il en résulte que les faits postérieurs au 9 janvier 2010 ne sont pas couverts par la prescription de cinq ans ;
Sur les faits
Sur l’organisation et la gouvernance de l’Institut Curie
- Considérant que l’Institut Curie est une fondation reconnue d’utilité publique ; que la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat ne fixe aucune règle particulière concernant les modalités d’organisation et de fonctionnement des fondations ; que ces règles doivent découler des statuts de l’institution ;
- Considérant que les statuts de l’Institut Curie qui datent de 1995 sont complétés par un règlement intérieur du 18 juin 1999 en vigueur au moment des faits ; que cet Institut a pour objet social la recherche et les soins pour lutter contre le cancer ; que son activité est organisée, selon l’article 2 des statuts, en deux sections : une section de recherche, dénommée « centre de recherche », et une section médicale, dénommée « ensemble hospitalier » ; que se sont progressivement constitués, des « services institutionnels », dénommés « partie commune » par l’article 19 des statuts, pour collecter des fonds auprès du public et apporter une expertise à la fondation ;
- Considérant que selon l’article 3 des statuts, « L’Institut Curie est administré par un Conseil d’administration assisté par les directeurs des deux sections énumérées à l’article 2 […] » et que selon l’article 4, « [il] élit un bureau de 6 à 8 membres dont le président, deux vice-présidents, un secrétaire et un trésorier […] » pour un mandat de six ans reconductible ;
- Considérant que le conseil d’administration, tenu de se réunir « au moins deux fois par an » selon l’article 7 des statuts, « règle, par ses délibérations, les affaires de l’Institut Curie […] », selon l’article 8 : « En particulier : […] d) il établit, par un statut du personnel, les règles de recrutement, d’avancement et de rémunération des différentes catégories de personnels rémunérés par l’Institut ; e) il procède aux créations et aux suppressions de postes ; f) il nomme aux emplois supérieurs de l’Institut selon les modalités du règlement intérieur ; […] » ; que, toujours selon l’article 8, le bureau « instruit les affaires soumises au Conseil d’administration » et que « le président, le trésorier pourvoient, chacun en ce qui le concerne, à l’exécution des décisions du Conseil d’administration » ;
- Considérant que selon l’article 10 des statuts, « Le président du Conseil d’administration représente l’Institut dans les actes de la vie civile » ; qu’il est « ordonnateur des dépenses de l’Institut » ; qu’il « procède à la nomination aux emplois supérieurs de l’Institut en exécution des délibérations du Conseil d’administration » ; que « Le trésorier encaisse les recettes et acquitte les dépenses de l’Institut. Il assure, sous l’autorité du président du Conseil d’administration, la gestion du fonds de réserve et du fonds de dotation […] » ;
- Considérant que selon l’article 11 des statuts, « Le directeur de chaque section est nommé par le Conseil d’administration sur proposition de son président, après avis de la commission scientifique de la section concernée et du Conseil scientifique de l’établissement. Le directeur de la section médicale doit être docteur en médecine. Sa nomination est soumise à l’agrément du ministre chargé de la Santé » ;
- Considérant que les fonctions de président du conseil d’administration de l’Institut Curie ont été assumées pendant 12 ans par M. X..., élu pour un premier mandat le 6 décembre 2001 ; que son second mandat a pris fin le 6 décembre 2013 après l’élection, le 28 novembre 2013, d’un nouveau président ; que M. Y... a occupé le poste de trésorier de l’Institut pendant toute la période concernée par les faits examinés par la Cour ;
Sur le recrutement d’un nouveau directeur de l’ensemble hospitalier en 2011
- Considérant que, sur proposition de M. X..., le conseil d’administration a décidé le 15 juin 2011 de mettre un terme à la mission du directeur de l’ensemble hospitalier alors en fonctions ; qu’une procédure de recrutement a été lancée sur la base d’un nouveau profil de poste mettant l’accent sur la fusion avec le centre René Huguenin et sur l’activité internationale de l’Institut ; qu’à l’issue de la procédure de sélection, la candidature de M. Z..., alors directeur « recherche et développement » d’un groupe pharmaceutique, a été retenue ;
- Considérant que, sur proposition de M. X..., il a été demandé au conseil d’administration de nommer M. Z... directeur de l’ensemble hospitalier à compter du 1er septembre 2011 ; qu’après avoir auditionné l’intéressé, le conseil d’administration a approuvé le 25 juillet 2011 cette nomination, à laquelle le ministre du travail, de l’emploi et de la santé a donné son agrément par courrier du 29 août 2011 ;
- Considérant qu’aux termes du contrat de travail, daté du 1er septembre 2011, conclu, entre l’Institut Curie et M. Z..., ce dernier a été embauché pour exercer, « sous l’autorité du président, son supérieur hiérarchique », les fonctions de directeur de l’ensemble hospitalier, telles que définies en annexe 1 et avec les délégations de pouvoir définies en annexe 2 ; que par avenant, également daté du 1er septembre 2011, M. Z... a été « investi de missions institutionnelles » décrites en annexe 1 ; que le contrat de travail de M. Z... et son avenant du même jour ont été signés par l’intéressé et pour l’Institut Curie, à la fois par le président, M. X..., et le trésorier, M. Y... ;
- Considérant que la date d’embauche au 1er septembre 2011 figurant à l’article 1 du contrat de travail de M. Z... a fait l’objet d’une correction manuscrite pour être reportée au 1er octobre 2011 ; que cette correction non datée a été paraphée par MM. X... et Z..., mais pas par M. Y..., qui n’en a pas été informé ; qu’en dépit du report de sa date d’embauche, M. Z... a effectivement pris ses fonctions de directeur de l’ensemble hospitalier le 1er septembre 2011 alors qu’il était toujours salarié du groupe pharmaceutique qui l’employait, contrairement à ce qu’il avait déclaré au conseil d’administration le 25 juillet 2011 ;
Sur les conditions de rémunération fixées par le contrat de travail du 1er septembre 2011 et ses avenants
- Considérant que le contrat de travail de M. Z... du 1er septembre 2011, tel que modifié par avenant du même jour, lui accordait une rémunération annuelle totale d’un montant brut de 545 000 €, soit près de 3,5 fois le montant de la rémunération de son prédécesseur ; que cette rémunération a été répartie entre l’ensemble hospitalier et les services institutionnels selon le dispositif suivant :
- l’article 6 du contrat de travail initial lui accordait un salaire annuel brut forfaitaire de 250 000 €, constituant « la contrepartie globale et forfaitaire de [son] activité » comme directeur de l’ensemble hospitalier ;
- l’article 2 de l’avenant lui attribuait « en contrepartie de la bonne exécution de ses missions institutionnelles, et compte tenu des responsabilités et de l’autonomie qui sont les siennes dans l’exercice propre à ces missions » une rémunération forfaitaire brute annuelle supplémentaire de 295 000 € ;
- Considérant que ces modalités salariales ont été validées par le président et le trésorier de l’Institut qui ont tout deux signé le contrat de travail et l’avenant du 1er septembre 2011 ; que le conseil d’administration n’a approuvé ni le contrat de travail, ni l’avenant et n’a pas plus été informé du montant de la rémunération de M. Z... ;
- Considérant que la totalité du salaire de M. Z..., qui lui a été versé à compter du mois d’octobre 2011, a été prise en charge par les services institutionnels avec remboursement de la somme de 250 000 € par l’ensemble hospitalier ; que M. Z... a aussi été rémunéré pour le mois de septembre 2011 sous la forme d’une prime versée en janvier 2012 représentant un mois de salaire (soit 45 420 €) ;
- Considérant que l’article 7 du contrat de travail du 1er septembre 2011 a prévu le remboursement des frais professionnels, ainsi que la prise en charge des frais de déplacement hebdomadaires de M. Z... entre Paris et Toulouse jusqu’au 30 juin 2012 ; que l’avenant du 1er septembre 2011 mentionnait que, « à titre exceptionnel et pour une durée ne pouvant excéder juin 2012 », une indemnité de logement plafonnée à 2 500 € par mois (soit 30 000 € annuellement) était versée « afin de contribuer à la location d’un logement temporaire à Paris en attendant l’installation familiale du Professeur Z... » ; que le versement de cette indemnité a été prolongé jusqu’en décembre 2012 par avenants successifs des 21 juin et 25 octobre 2012, toujours « à titre exceptionnel » et qu’enfin, à compter du 1er janvier 2013, sur seule décision de M. X..., une augmentation de salaire d’un même montant a été accordée à M. Z... ;
Sur la restructuration de la rémunération et le licenciement du directeur de l’ensemble hospitalier
- Considérant qu’au printemps 2013, à l’occasion de l’examen des comptes, certains administrateurs, membres du comité financier et du bureau, ont appris, au cours d’une séance du comité financier, le montant de la rémunération de M. Z... ; que le comité financier s’est interrogé sur les modalités de rémunération des différents personnels de l’Institut Curie et que le trésorier a proposé la création d’un comité des rémunérations qui a été mis en place en juin 2013 ; que, dès sa création, ce comité a formulé des propositions pour redéfinir la rémunération de M. Z... afin de la rapprocher au mieux des normes salariales habituelles de l’Institut et de tenir compte du préjudice découlant de cette redéfinition ;
- Considérant que la négociation engagée entre les avocats de M. Z... et de l’Institut Curie a abouti à un accord en deux étapes :
- un nouvel avenant au contrat de travail, signé le 30 septembre 2013, a mis un terme, à compter du 1er octobre 2013, à l’ensemble des missions institutionnelles confiées à M. Z... et à sa rémunération supplémentaire accordée au titre desdites missions ; tous les avantages et primes prévus aux avenants à son contrat de travail ont également été supprimés ; la nouvelle rémunération brute forfaitaire et globale a été ramenée à 250 000 € bruts par an, à laquelle s’ajoutait le versement d’une prime exceptionnelle institutionnelle de 25 000 € bruts ;
- un protocole d’accord transactionnel a été signé entre les deux parties, moins d’un mois après, le 23 octobre 2013, prévoyant le versement à M. Z... d’une « indemnité globale forfaitaire transactionnelle et définitive à titre de dommages et intérêts tous préjudices confondus d’un montant de 588 000 € bruts » ; en contrepartie, M. Z... reconnaissait la validité de l’avenant du 30 septembre 2013 et renonçait à tout recours ;
- Considérant que, sur proposition de son nouveau président élu le 28 novembre 2013, le conseil d’administration a approuvé, le 16 janvier 2014, le licenciement de M. Z... pour faute grave et la procédure en annulation de la transaction du 23 octobre 2013 ; qu’à la suite de la contestation de ces décisions par l’intéressé, un double accord a été passé le 15 mai 2014 entre les deux parties sur les bases suivantes :
- M. Z... a renoncé à poursuivre l’exécution du protocole transactionnel du 23 octobre 2013 et à demander le paiement du solde de 332 000 €, tandis que l’Institut Curie a abandonné son action en annulation du protocole et n’a pas demandé la restitution du premier versement de 256 000 € ;
- M. Z... a renoncé à contester les conditions de la rupture de son contrat de travail et à tout recours juridictionnel ; en contrepartie, l’Institut lui a versé une indemnité d’un montant de 360 000 € bruts en réparation des préjudices professionnels et de carrière subis ;
- Considérant que cette double transaction pour laquelle le conseil d’administration avait donné tout pouvoir au nouveau président a permis à l’Institut Curie de mettre fin au contentieux l’opposant à M. Z... ; qu’ainsi, de l’entrée en vigueur du contrat de travail en octobre 2011 jusqu’au 31 décembre 2013, le coût total de la rémunération de M. Z... a représenté près de 2,3 M€ dont 1,4 M€, soit près 62 %, provenaient des services institutionnels, majoritairement financés par les fonds issus des appels à la générosité publique ; qu’à ce coût de rémunération, s’ajoutait celui de la transaction résultant de son licenciement ;
Sur la qualification juridique des faits et l’imputation des responsabilités
- Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 313-4 du code des juridictions financières : « Toute personne visée à l’article L. 312-1 qui, en dehors des cas prévus aux articles précédents, aura enfreint les règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses de l’État ou des collectivités, établissements et organismes mentionnés à ce même article ou à la gestion des biens leur appartenant ou qui, chargée de la tutelle desdites collectivités, desdits établissements ou organismes, aura donné son approbation aux décisions incriminées sera passible de l’amende prévue à l’article L. 313-1. » ;
- Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 313-6 du même code : « Toute personne visée à l’article L. 312-1 qui, dans l’exercice de ses fonctions ou attributions, aura, en méconnaissance de ses obligations, procuré à autrui un avantage injustifié, pécuniaire ou en nature, entraînant un préjudice pour le Trésor, la collectivité ou l’organisme intéressé, ou aura tenté de procurer un tel avantage sera passible d’une amende dont le minimum ne pourra être inférieur à 300 euros et dont le maximum pourra atteindre le double du montant du traitement ou salaire brut annuel qui lui était alloué à la date de l’infraction. » ;
Sur les conditions de rémunération fixées par le contrat de travail du 1er septembre 2011 et son avenant du même jour
- Considérant que M. X..., président du conseil d’administration de l’Institut Curie et M. Y..., trésorier de l’Institut, ont co-signé le contrat de travail du directeur de l’ensemble hospitalier et son avenant, datés du 1er septembre 2011 ; que le président du conseil d’administration n’avait pas l’obligation, selon l’article 8 des statuts de l’Institut Curie, de faire approuver ces contrats par le conseil d’administration ;
- Considérant que si l’article 8 des statuts permet au président, entre les réunions du conseil d’administration, de prendre « toute décision qu’impose la gestion de l’Institut, si possible après avis du Bureau […] », il doit « présenter au conseil suivant, le compte-rendu de ses interventions et de ses décisions. » ;
- Considérant que, s’agissant des conditions de recrutement du directeur de l’ensemble hospitalier, cette obligation qu’avait le président de rendre compte au conseil d’administration était encore plus marquée, en raison du caractère inédit de cette opération ;
- Considérant que ce manquement à l’obligation de compte rendu au conseil d’administration est contraire à l’article 8 des statuts qui, contrairement à ce qui est soutenu par la défense, est suffisamment clair sur ce point ; qu’il constitue une omission irrégulière qui caractérise une infraction aux règles relatives à l’exécution des dépenses et des recettes de la fondation prévue par l’article L. 313-4 du code des juridictions financières ;
- Considérant, en outre, que le niveau de la rémunération accordée à M. Z... et des indemnités venant en sus de celle-ci a été jugé très excessif par le comité financier de l’Institut, puis par le comité des rémunérations mis en place en juin 2013, lequel a proposé une rémunération plus de deux fois moindre ; qu’une rémunération lui a été consentie au titre du mois de septembre 2011 alors que son contrat ne prenait effet qu’au 1er octobre 2011, même s’il n’est pas contesté qu’il ait travaillé en septembre 2011 pour l’Institut ;
- Considérant que le non-remplacement du secrétaire général ne saurait justifier le montant de cette rémunération, dès lors qu’il n’est pas établi que M. Z... en ait assumé les fonctions ; que l’augmentation de salaire intervenue en janvier 2013 ne découlait pas des obligations contractuelles, mais a pris le relais de l’indemnité temporaire de logement auparavant accordée à titre exceptionnel ;
- Considérant que le montant des indemnités consenties par le protocole transactionnel qui été conclu en 2014 doit être regardé comme la conséquence des conditions manifestement excessives des rémunérations accordées à M. Z... ; que ces dernières constituent un avantage injustifié au sens de l’article L. 313-6 du code des juridictions financières, ayant entraîné un préjudice pour l’Institut Curie ;
Sur la détermination des responsabilités
- Considérant que M. X... a assuré la présidence du conseil d’administration jusqu’à l’élection de son successeur le 28 novembre 2013 ; qu’il est le signataire du contrat de travail de M. Z... et des différents avenants qui l’ont modifié ; qu’il a décidé du versement en 2012 d’une prime correspondant au salaire du mois de septembre 2011 ainsi que de l’augmentation de salaire de janvier 2013 ; qu’il n’a pas rendu compte de ces opérations pour le moins inhabituelles au conseil d’administration ; qu’en conséquence les infractions correspondantes réprimées par les articles L. 313-4 et L. 313-6 du code des juridictions financières sont constituées et lui sont imputables ;
- Considérant que M. Y... était, au moment des faits, trésorier de l’Institut, président du comité financier, administrateur et membre de la commission restreinte chargée du recrutement du nouveau directeur ; qu’il a, certes, signé, avec le président du conseil d’administration, le contrat de travail de M. Z... ainsi que ses avenants mais qu’il n’a pas ordonnancé les dépenses qui en découlaient et qu’il n’était pas soumis à l’obligation de rendre compte au conseil d’administration ; que par conséquent aucune infraction ne peut être relevée contre lui ;
Sur les circonstances
- Considérant que M. X... s’est opposé à plusieurs reprises à la création d’un comité des rémunérations et qu’il n’a pas fait la démonstration d’efforts particuliers en faveur de la transparence d’une institution financée en partie par des fonds provenant des appels à la générosité publique ; que ces faits sont de nature à constituer des circonstances aggravantes de responsabilité ;
- Considérant cependant que M. X... a dû faire face à une situation de crise de la gouvernance de l’Institut Curie ; que le recrutement du directeur de l’ensemble hospitalier s’est avéré très difficile ; que M. X... a exercé la présidence du conseil d’administration sous la forme du bénévolat ; que ces faits sont de nature à constituer des circonstances atténuantes de responsabilité ;
Sur l’amende
- Considérant qu’il sera fait une juste appréciation des irrégularités commises et des circonstances de l’espèce en infligeant à M. X... une amende de 1 500 euros ;
Sur la publication de l’arrêt
- Considérant qu’il y a lieu, compte tenu des circonstances de l’espèce, de publier le présent arrêt au Journal officiel de la République française en application de l’article L. 313-15 du code des juridictions financières ;
ARRÊTE :
Article 1er : M. Claude X... est condamné à une amende de 1 500 € (mille cinq cents euros).
Article 2 : M. Daniel Y... est relaxé des fins de la poursuite.
Article 3 : Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française.
Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, seconde section, le 16 juin deux mille dix-sept par M. Toutée, président de la section des finances du Conseil d’État, président ; MM. Boulouis et Dacosta, conseillers d’État ; Mme Vergnet et Mme Coudurier, conseillères maîtres à la Cour des comptes.
Notifié le 20 juillet 2017.
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président de la Cour et la greffière.
Le président, La greffière,
Henri TOUTÉE Isabelle REYT