Cour de discipline budgétaire et financière

 

Formation plénière

 

Arrêt du 26 juin 2017 « École nationale supérieure Louis Lumière »

 

214-758

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE,

siégeant à la Cour des comptes, en audience publique, a rendu larrêt suivant :

Vu le code des juridictions financières, notamment le titre 1er de son livre III, relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu le code des marchés publics alors en vigueur ;

Vu le décret n° 91602 du 27 juin 1991 relatif à lÉcole nationale supérieure Louis Lumière ;

Vu larrêté du 10 avril 1995 fixant les modalités du contrôle financier de lÉcole nationale supérieure Louis Lumière ;

Vu la communication du 27 novembre 2014, enregistrée le même jour, par laquelle le président de la troisième chambre de la Cour des comptes a informé le procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, de la décision, prise par ladite chambre, de déférer à la Cour de discipline budgétaire et financière des faits laissant présumer lexistence dirrégularités susceptibles de constituer des infractions passibles des sanctions prévues aux articles L. 313-4 et L. 313-6 du code des juridictions financières, concernant la gestion de lÉcole nationale supérieure Louis Lumière (ENSLL), ensemble les pièces à lappui de cette communication ;

Vu le réquisitoire du 12 février 2015 par lequel le procureur général a saisi de cette affaire le président de la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision du 19 février 2015, par laquelle le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a désigné comme rapporteur M. Alain Levionnois, alors conseiller référendaire à la Cour des comptes ;

 

 

 

Vu la lettre du 5 octobre 2015 du procureur général, ensemble lavis de réception de cette lettre, par laquelle, conformément aux dispositions de larticle L. 314-4 du code des juridictions financières alors en vigueur, a été mise en cause au regard des faits de lespèce : Mme Francine X..., directrice de lÉcole nationale supérieure Louis Lumière depuis le 1er mai 2007 ;

Vu la lettre du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 6 juillet 2016 transmettant au procureur général le dossier de laffaire, après dépôt du rapport de M. Levionnois, en application de larticle L. 314-4 du code des juridictions financières alors en vigueur ;

Vu la lettre du procureur général du 20 octobre 2016 informant le président de la Cour de discipline budgétaire et financière, après communication du dossier de laffaire, de sa décision de poursuivre la procédure en application de larticle L. 314-4 du code des juridictions financières alors en vigueur ;

Vu les lettres du 25 octobre 2016 par lesquelles, en application de larticle L. 314-5 du code des juridictions financières alors en vigueur, le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a transmis pour avis le dossier de laffaire au ministre de léconomie et des finances ainsi quà la ministre de léducation nationale, de lenseignement supérieur et de la recherche ;

Vu la décision du procureur général du 20 janvier 2017 renvoyant Mme X... devant la Cour, en application de larticle L. 314-6 du code des juridictions financières alors en vigueur ainsi que la lettre du même jour envoyée par lui à lintéressée pour linformer de sa décision ;

Vu la lettre recommandée adressée le 25 janvier 2017 par la greffière de la Cour de discipline budgétaire et financière à Mme X... lui transmettant la décision de renvoi du procureur général ; lavisant quelle pouvait prendre connaissance du dossier de laffaire et produire un mémoire en défense dans les conditions prévues à larticle L. 314-8 du code des juridictions financières alors en vigueur ; et la citant à comparaître le 7 avril 2017 devant la Cour, ensemble lavis de réception de cette lettre ;

Vu les lettres recommandées adressées le 6 mars 2017 et le 4 avril 2017 par la greffière de la Cour de discipline budgétaire et financière à Mme X..., la citant à comparaître le 28 avril 2017 puis, après rectification, le 12 mai 2017 devant la Cour, ensemble les avis de réception de ces lettres ;

Vu le mémoire en défense produit par Maîtres Latournerie et Brillat pour Mme X..., le 12 avril 2017, ensemble les pièces à lappui ;

Vu les autres pièces du dossier, notamment le rapport dinstruction de M. Levionnois ;

Entendu le représentant du ministère public, résumant la décision de renvoi, en application de l’article L. 314-12 du code des juridictions financières ;

Entendu le procureurnéral en ses conclusions, en application de larticle L. 314-12 du code des juridictions financières ;

Entendu en leurs plaidoiries, Maîtres Latournerie et Brillat pour Mme X..., Mme X... ayant été invitée à psenter ses explications et observations, la défense ayant eu la parole en dernier ;

Après en avoir délibéré ;

 

 

Sur la compétence de la Cour

  1.                Considérant quaux termes de larticle L. 3121 du code des juridictions financières, sont notamment justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière les fonctionnaires et agents de lÉtat et de ses établissements publics, ainsi que tout représentant, administrateur ou agent des autres organismes qui sont soumis au contrôle de la Cour des comptes ;
  2.                Considérant que Mme X..., directrice dun établissement public de lÉtat régi par les dispositions du décret n° 91602 du 27 juin 1991 susvisé, est justiciable de la Cour en cette qualité ;

Sur labsence davis du ministre de léconomie et des finances et de la ministre de léducation nationale, de lenseignement supérieur et de la recherche

  1.                Considérant que labsence de réponse du ministre de léconomie et des finances et de la ministre de léducation nationale, de lenseignement supérieur et de la recherche aux demandes davis formulées le 25 octobre 2016 ne fait pas obstacle à la poursuite de la procédure, en application de larticle L. 314-5 du code des juridictions financières en vigueur jusqu’au 30 avril 2017 ;

Sur la prescription

  1.                Considérant quaux termes de larticle L. 314-2 du code des juridictions financières : « La Cour ne peut être saisie après lexpiration dun délai de cinq années révolues à compter du jour où aura été commis le fait de nature à donner lieu à lapplication des sanctions prévues par le présent titre. » ;
  2.                Considérant que les faits présomptifs dirrégularités qui sont visés par la décision de renvoi ont été portés à la connaissance du ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière par la communication susvisée du 27 novembre 2014 du président de la troisième chambre de la Cour des comptes ; quil en résulte que les faits postérieurs au 27 novembre 2009 ne sont pas couverts par la prescription de cinq ans ;
  1.                 Sur le respect des règles relatives au contrôle financier de lÉcole nationale supérieure Louis Lumière

Sur les faits

  1.                Considérant quaux termes de larticle 6 de larrêté interministériel du 10 avril 1995 fixant les modalités du contrôle financier de lÉcole nationale supérieure Louis Lumière, en vigueur au moment des faits, devaient être soumis au visa préalable du contrôleur financier les marchés, conventions, contrats, commandes, baux, dont le montant dépassait la moitié du seuil fixé à larticle 123 du code des marchés publics, soit, dans la rédaction de ce code en vigueur au moment de la publication de cet arrêté, 150 000 francs (22 868 € TTC ; 19 120  HT) ;
  2.                Considérant que la directrice de lENSLL a engagé au cours des années 2010 à 2012, sans visa du contrôleur financier de cet établissement public, les dépenses suivantes :

-          lachat en juillet 2010, pour un montant de 20 800  HT, de prestations dacousticien conseil en vue de la définition dun cahier des charges acoustique des locaux de lENSLL, alors en construction ;

-          la commande, le 20 juillet 2010, à un groupement de trois entreprises, de prestations de maîtrise dœuvre des travaux daménagement de la partie, dite de la « zone son » des locaux de lENSLL, pour un montant de 36 825 € HT ;

-          la commande, par un ordre de service daté du 18 juillet 2011, de travaux daménagement de la « zone son » des locaux de lENSLL, pour un coût total de 690 242,12HT, à trois sociétés ;

-          la fourniture et linstallation déquipements audiovisuels et mobiliers spécifiques, par un marché alloti, notifié en janvier 2012, pour un montant total de 1 383 102 € HT ;

-          la fourniture et linstallation déquipements audiovisuels et mobiliers spécifiques, commandés en mai 2012 aux sociétés Marechal Electric, pour 70 348 € HT, et E.E.S., pour 66 675,04 € HT, et en juillet 2012 à la société FL Décors, pour 41 256 € HT ;

-          lacquisition déquipements et de fournitures informatiques présentant un caractère homogène : entre le 10 mai et le 14 décembre 2011 à la société Apple Sales International, pour 23 023  HT, entre le 10 mai et le 12 juillet 2012 à la société Dell SA, pour 57 403  HT, et entre le 5 juin et le 22 octobre 2012 à la société France Systèmes, pour 12 608,35  HT ;

-          lachat le 31 janvier 2012 à la société ARRI dune caméra numérique et ses accessoires, pour un montant de 68 265,50 € HT ;

Sur la qualification juridique des faits et limputation des responsabilités

  1.                Considérant que Mme X... a signé les conventions et les accords par lesquels lENSLL sengageait vis-à-vis de fournisseurs, quelle en a visé les factures, sans que ces engagements de dépenses aient été soumis au visa préalable du contrôleur financier de lENSLL ; quelle porte ainsi la responsabilité directe des engagements de dépenses relatifs à ces opérations ;
  2.                Considérant quen procédant à lengagement de dépenses, sans avoir préalablement obtenu le visa du contrôleur financier, pour des achats dont le montant excédait le seuil prévu par larrêté interministériel du 10 avril 1995 précité, Mme X... a commis une infraction aux règles mentionnées à larticle L. 313-1 du code des juridictions financières et engagé sa responsabilité sur ce fondement ;
  1.              Sur le respect des règles relatives à la commande publique
  1.            Considérant que lÉcole nationale supérieure Louis Lumière est un établissement public de lÉtat, à ce titre soumis à la règlementation des marchés publics, tel quelle résultait au moment des faits déférés à la Cour, du décret n° 2006-975 du 1er août 2006 ;
  2.            Considérant quune note interne, établie par la directrice de lÉcole le 11 septembre 2007, a défini les modalités de la consultation des entreprises en matière de procédures adaptées, en imposant, pour les achats unitaires compris entre lancien seuil des marchés passés sous forme écrite, soit 4 000 €, et 30 000 € HT, la production de trois devis, et à défaut, en cas de production de deux devis seulement, de faire certifier la procédure par lordonnateur de létablissement public ; que cette instruction envisageait lhypothèse dune absence de mise en concurrence, qui devait alors faire lobjet dune justification explicite ; quau-delà de 30 000 € et jusquà 67 500 € HT, linstruction du 11 septembre 2007 exigeait une publicité sur le portail Internet de lÉcole, ainsi quune publication au bulletin officiel des marchés publics ou dans un journal dannonces légales ;

 

 

Sur les faits, leur qualification juridique et limputation des responsabilités

II-1. Sur les prestations de maîtrise dœuvre et les travaux daménagement de la « zone son »

  1.            Considérant que lENSLL a conclu, le 20 juillet 2010, une convention de maîtrise dœuvre avec un groupement de trois entreprises pour la réalisation de prestations de maîtrise dœuvre des travaux daménagement de la « zone son » des locaux de lENSLL au sein de la Cité du cinéma ; que le montant des prestations commandées par ce contrat était de 36 825  HT, dont 28 825 € au titre de la tranche ferme et 8 000 € pour une tranche conditionnelle ;
  2.            Considérant que cette commande, qui a bien revêtu une forme écrite, pouvait faire lobjet dun marché passé selon une procédure adaptée (MAPA), au sens de larticle 28 du code des marchés publics dans sa rédaction alors applicable, sous condition de faire lobjet dune publicité appropriée ;
  3.            Considérant quen exécution de la convention de maîtrise dœuvre, Mme X... a émis sept mandats de paiement au profit du groupement pour un montant total de 34 974,81 € TTC, soit 29 243,15 € HT, au titre de la tranche ferme, y compris les révisions de prix contractuelles ; que la tranche conditionnelle na pas été affermie ;
  4.            Considérant que lENSLL a confié les travaux daménagement de la « zone son » au maître douvrage de la construction de la Cité du cinéma, la société EuropaCorp Studios, pour un coût de 690 242,12 € HT ; que cette décision a fait lobjet dun ordre de service en date du 18 juillet 2011, signé par la société EuropaCorp Studios, « maître douvrage », la société Vinci Immobilier, « promoteur », la société La Nef Lumière, « acquéreur bailleur » et lENSLL, « preneur/locataire », représentée par sa directrice, Mme  X... ;
  5.            Considérant que cet ordre de service se présentait comme un acte dexécution du contrat de promotion immobilière conclu le 28 mai 2009 entre les sociétés EuropaCorp Studios et Vinci Immobilier pour la construction alors en cours de la Cité du cinéma ; quil avait pour objet de confier au promoteur immobilier choisi par la société EuropaCorp Studios la réalisation de travaux supplémentaires, nécessaires à linstallation de lENSLL dans les locaux et mis à la charge de celle-ci ;
  6.            Considérant que Mme X... a émis, entre décembre 2011 et avril 2013, cinq mandats de paiement au profit de la société EuropaCorp Studios, pour un montant total de 825 529,57  TTC, soit 690 242,12  HT, pour le paiement de ces travaux ;
  7.            Considérant que larticle 40 du code des marchés publics imposait notamment au pouvoir adjudicateur de publier un avis dappel public à la concurrence dans le bulletin officiel des annonces des marchés publics ou au moins dans un journal habilité à recevoir des annonces légales ; que, tant pour lachat des prestations de maîtrise dœuvre que pour la réalisation des travaux daménagement de la « zone son », aucune mesure de publicité ou de mise en concurrence na été réalisée ; que, toutefois, en application du 8° du II de larticle 35 du code des marchés publics applicable au moment des faits, les pouvoirs adjudicateurs pouvaient conclure sans publicité ni mise en concurrence des marchés négociés ne pouvant être confiés quà un opérateur économique déterminé notamment pour des raisons techniques ;

 

 

  1.            Considérant que, pour des raisons tenant tant à la nature des travaux à réaliser quà la circonstance que ces travaux devaient être effectués sur un bâtiment en cours de construction sous la maîtrise douvrage de la société EuropaCorp Studios, les prestations en cause ne pouvaient être confiées quau maître dœuvre choisi par cette société et aux entreprises retenues par elle pour la construction de ce bâtiment ;
  2.            Considérant, par suite, que, dans les circonstances de lespèce, aucun manquement aux règles mentionnées à larticle L. 313-4 ne peut être reproché à Mme X... et quil ny a donc pas lieu dengager sa responsabilité sur ce fondement ;

II-2. Sur les autres marchés

Sur le marché de fournitures et dinstallation déquipements audiovisuels et mobiliers spécifiques (dialogue compétitif)

  1.            Considérant que lENSLL a choisi, pour la passation dun marché alloti de fournitures et dinstallation déquipements audiovisuels et de mobiliers spécifiques, de recourir à la procédure de dialogue compétitif, régie par les articles 36 et 67 du code des marchés publics alors applicable ;
  2.            Considérant que lavis dappel à la concurrence na fait lobjet dune publication quau bulletin officiel des marchés publics (BOAMP), à lexclusion du Journal officiel de lUnion européenne (JOUE), alors que lavis de marché envoyé en publication le 20 juillet 2011 faisait mention dune estimation de la valeur de 2 347 000  HT et que les trois lots notifiés en janvier 2012 représentaient en prix de base un engagement total de 1 383 102  HT, supérieur au seuil des marchés européens, soit 130 000  HT au 1er janvier 2012 sagissant des marchés de fournitures ;
  3.            Considérant que le nombre minimum de candidatures admis à la procédure de dialogue était fixé à deux et le nombre maximal à trois par le règlement de consultation, ce qui nétait pas conforme aux dispositions de larticle 67 du code des marchés publics dans sa rédaction issue du décret n° 2010-1177 du 5 octobre 2010, selon lequel : « […] Le pouvoir adjudicateur peut décider de limiter le nombre de candidats qui seront admis à participer au dialogue. Il mentionne cette décision dans lavis dappel public à la concurrence. Il fixe dans cet avis un nombre minimum de candidats admis à présenter une offre et peut également fixer un nombre maximum. Ce nombre minimum ne peut être inférieur à trois. […] Lorsque le nombre de candidats satisfaisant aux critères de sélection des candidatures est inférieur au nombre minimum, le pouvoir adjudicateur peut continuer la procédure avec les seuls candidats sélectionnés […] » ; que le rapport danalyse des offres daté de janvier 2012 confirme que seulement deux candidatures ont été admises à la phase de dialogue ;
  4.            Considérant que le même rapport danalyse des offres fait ressortir que la phase de dialogue et celle de lanalyse des offres ont été conduites sans tenir compte de lallotissement initialement prévu, les deux candidats ayant concouru simultanément pour les trois lots considérés comme de simples divisions de leur offre globale ; que la phase du dialogue na pas fait lobjet de procès-verbaux, ce qui constitue un manquement à lobligation de transparence de la procédure ; quil na de surcroît été établi aucun rapport de présentation de la procédure de dialogue compétitif ni apporté de justification sur le choix du recours à cette procédure ;

 

 

  1.            Considérant quil na pas été établi de cahier des clauses administratives particulières, en méconnaissance des dispositions de larticle 11 du code des marchés publics alors applicable, précisant notamment les modalités de révision des prix annoncées dans le règlement de la consultation ;
  2.            Considérant quil résulte de ce qui précède que ce marché a été passé selon une procédure de publicité et de mise en concurrence qui nétait pas conforme aux dispositions du code des marchés publics applicable en juillet 2011 ;

Sur les marchés de fourniture et dinstallation déquipements audiovisuels et mobiliers spécifiques (procédure adaptée)

  1.            Considérant que, pour pallier limpossibilité dallouer lun des lots du marché passé après dialogue compétitif notifié en janvier 2012, lENSLL a passé trois autres marchés en procédure adaptée concernant respectivement :

-         la fourniture de lignes et de boîtes de branchements électriques pour les éclairages audiovisuels, marché notifié le 4 mai 2012, pour un montant de 70 348  HT ;

-         la fourniture et linstallation de deux ensembles de supports de projecteurs suspendus, marché notifié le 9 mai 2012, pour un montant de 66 675,04  HT ;

-         la fourniture et linstallation de rideaux-cyclos pour quatre studios de prise de vue, marché notifié le 3 juillet 2012, pour un montant de 41 256  HT ;

  1.            Considérant que la publicité et la mise en concurrence préalable concernant ces trois marchés sest limitée à une publication de lavis dappel à la concurrence sur le site Internet de lÉcole, alors que, pour les montants en cause, linstruction interne du 11 septembre 2007 sur les procédures dachat en deçà des seuils des marchés formalisés prévoyait également une publication au BOAMP ou dans un journal dannonces légales, ainsi que létablissement dun dossier de consultation des entreprises ;
  2.            Considérant que le délai qui a séparé la publication de lavis dappel à la concurrence et la date limite de remise des offres a été limité à deux semaines pour le marché attribué à la société Marechal Electric et pour celui attribué à la société E.E.S. et à 20 jours, mais entrecoupés de deux « ponts », pour le marché conclu avec la société FL Décors ; que pour chacun des trois marchés, lÉcole na reçu quune seule offre ;
  3.            Considérant quil résulte de ce qui précède que la procédure de publicité et de mise en concurrence mise en œuvre pour ces trois marchés na pas été conforme à la règlementation applicable à lENSLL et na pas satisfait aux obligations de transparence et dégalité daccès à la commande publique ;
  4.            Considérant, en outre, que le total des trois mandatements émis au profit de la société E.E.S., à concurrence de 87 252,04 € HT, excédait son offre retenue limitée à 66 675,04 € HT et que le total des huit mandatements émis au profit de la société FL Décors, à concurrence de 62 802 € HT excédait également loffre de cette entreprise qui était de 41 256  HT ; quen conséquence, une partie des règlements, ordonnancés au bénéfice de ces deux fournisseurs, est intervenue en dépassement des montants des marchés qui avaient été acceptés ;

 

 

Sur les marchés déquipement et de fournitures informatiques

  1.            Considérant que la directrice de lENSLL a émis, entre le 10 mai 2011 et le 12 juillet 2012, 13 mandats de paiement, pour un montant total de 57 403  HT, au bénéfice de la société Dell SA pour lacquisition dordinateurs portables ou fixes ; entre le 10 mai 2011 et le 14 décembre 2011, sept mandats de paiement, pour un montant total de 23 022,95  HT, au bénéfice de la société Apple Sales International pour lacquisition dordinateurs de cette société ; entre le 5 juin et le 22 octobre 2012, trois mandats, pour un montant total de 12 608,35  HT, au bénéfice de la société France Systèmes, pour lacquisition de serveurs ; le 31 janvier 2012, deux mandats, dun montant global de 68 265,50  HT, au bénéfice de la société ARRI, pour lacquisition dune caméra numérique et ses accessoires ;
  2.            Considérant que lacquisition de ces matériels et équipements informatiques et électroniques auprès de ces quatre sociétés est intervenue en dehors de tout contrat écrit et de toute mise en concurrence ;
  3.            Considérant, au surplus, que dans ces différents achats le choix des entreprises attributaires a été effectué en fonction des marques des produits quelles commercialisaient, en contradiction avec les dispositions du IV de larticle 6 du code des marchés publics, aux termes duquel : « Les spécifications techniques ne peuvent pas faire mention dun mode ou procédé de fabrication particulier ou dune provenance ou origine déterminée, ni faire référence à une marque, à un brevet ou à un type, dès lors quune telle mention ou référence aurait pour effet de favoriser ou déliminer certains opérateurs économiques ou certains produits […] », sauf « […] si elle est justifiée par lobjet du marché ou, à titre exceptionnel, dans le cas où une description suffisamment précise et intelligible de lobjet du marché nest pas possible sans elle et à la condition quelle soit accompagnée des termes : " ou équivalent " » ;
  4.            Considérant que pour lensemble de ces opérations, Mme X..., directrice de lENSLL, a procédé à des commandes de travaux, de prestations ou de fournitures, au profit de lENSLL, dans des conditions irrégulières au regard des dispositions du code des marchés publics ou des dispositions internes applicables dans létablissement public en matière de procédures dachat ; que Mme X... a commis une infraction aux règles mentionnées à larticle L. 3134 du code des juridictions financières et a engagé sa responsabilité sur ce fondement ;
  1.           Sur les circonstances
  1.            Considérant que Mme X... a eu à gérer le transfert dans des nouveaux locaux de lÉcole quelle dirigeait dans des conditions difficiles ; que léquipe administrative et technique qui lassistait était très restreinte ; quelle a demandé lappui de lautorité de tutelle pour disposer dun soutien logistique et financier, lequel ne lui a pas été accordé ; que ces faits sont susceptibles de constituer des circonstances atténuantes de la responsabilité de Mme X... ;
  1.           Sur lamende
  1.            Considérant quune juste appréciation des irrégularités commises et des circonstances de lespèce conduit à infliger à Mme X... une amende 400 euros ;

 

 

  1.              Sur la publication de larrêt
  1.            Considérant quil ny a pas lieu, en application de larticle L. 313-15 du code des juridictions financières et dans les circonstances de lespèce, de publier le présent arrêt ;

 

ARRÊTE :

Article 1er : Mme Francine X... est condamnée à une amende de quatre cents euros (400 €) ;

Article 2 : Le présent arrêt ne sera pas publié.

 

 

Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, formation plénière, le 12 mai deux mille dix-sept, par M. Larzul, conseiller dÉtat, président ; MM. Guyomar, Boulouis, Derepas et Dacosta, conseillers dÉtat ; MM. Maistre, Bertucci, Mme Coudurier, conseillers maîtres à la Cour des comptes.

 

 

Notifié le 26 juin deux mille dix-sept.

 

En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit art à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République ps les tribunaux de grande instance dy tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de pter main-forte lorsquils en seront légalement requis.

 

En foi de quoi, le psent arrêt a é sig par le président de la Cour et la greffière.

Le président,

La greffière,

Tanneguy Larzul

Isabelle REYT