Cour de discipline budgétaire et financière

 

Première section

 

Arrêt du 13 octobre 2017 « Opéra national de Bordeaux »

 

216-784

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

LA COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE,

siégeant à la Cour des comptes, en audience publique, a rendu larrêt suivant :

 

 

Vu le code des juridictions financières, notamment le titre 1er de son livre III, relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des communes ;

Vu le code de l’éducation ;

Vu le code des marchés publics en vigueur au moment des faits ;

Vu la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 modifiée portant réforme des retraites, notamment ses articles 38 et 118 ;

Vu la communication du 25 septembre 2015, enregistrée le 30 septembre 2015 au parquet général, par laquelle le procureur financier près la chambre régionale des comptes d’Aquitaine, Poitou-Charentes a informé le ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière de la décision prise par cette chambre de déférer à la Cour des faits relatifs au fonctionnement des régies et aux modalités de la prolongation d’activité de l’ancien directeur technique et de production de la régie personnalisée de l’Opéra national de Bordeaux (ONB), conformément aux dispositions de larticle L. 314-1 du code des juridictions financières ;

Vu le réquisitoire du 14 juin 2016 par lequel le procureur général a saisi de cette affaire le Premier président de la Cour des comptes, président de la Cour de discipline budgétaire et financière, conformément aux dispositions de larticle L. 314-3 du code des juridictions financières alors en vigueur ;

Vu la décision du 28 juin 2016 par laquelle le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a désigné M. Guy Duguépéroux, président de section de chambre régionale des comptes, en qualité de rapporteur de laffaire ;

 

Vu les lettres recommandées du 9 septembre 2016 du procureur général, ensemble les avis de réception de ces lettres, par lesquelles, conformément aux dispositions de larticle L. 314-4 du code des juridictions financières alors en vigueur, ont été respectivement mis en cause, au regard des faits de lespèce :

-          M. Dominique X..., président du conseil d’administration de la régie personnalisée de l’ONB ;

-          M. Thierry Y..., directeur général de la régie personnalisée de l’ONB ;

-          M. Gérard Z..., directeur administratif et financier de la régie personnalisée de l’ONB ;

-          M. Jean-Pierre A..., comptable public de la régie personnalisée de l’ONB ;

Vu la lettre du 17 mars 2017 du président de la Cour transmettant au ministère public le dossier de l’affaire après le dépôt du rapport de M. Duguépéroux, en application de l’article L. 314-4 du code des juridictions financières alors en vigueur ;

Vu la décision du 21 juin 2017 du procureur général renvoyant MM. X..., Y..., Z... et A... devant la Cour de discipline budgétaire et financière, en application de larticle L. 314-6 du code des juridictions financières ;

Vu les lettres recommandées adressées par la greffière de la Cour de discipline budgétaire et financière à MM. X..., Y..., Z... et A..., le 22 juin 2017, leur transmettant la décision de renvoi du procureur général, les avisant quils pouvaient produire un mémoire en défense dans les conditions prévues à l’article L. 314-8 du code des juridictions financières et les citant à comparaître le 22 septembre 2017 devant la Cour de discipline budgétaire et financière, ensemble les avis de réception de ces lettres ;

Vu le mémoire en défense produit par Maître Heymans dans l’intérêt de M. Z..., le 13 juin 2017, ensemble la pièce à l’appui ;

Vu le mémoire en défense produit par Maître Noyer dans l’intérêt de M. X..., le 6 septembre 2017, ensemble les pièces à l’appui ;

Vu le mémoire en défense produit par Maîtres Glaser et Yvonnet dans lintérêt de M. Y..., le 7 septembre 2017, ensemble la pièce à l’appui ;

Vu le mémoire en défense produit par Maître Rebière-Lathoud dans l’intérêt de M. A..., le 8 septembre 2017 ;

Vu les pièces complémentaires versées au dossier par le procureur général le 21 septembre 2017 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Entendu M. Christophe Luprich, substitut général, résumant la décision de renvoi, en application de l’article L. 314-12 du code des juridictions financières ;

Entendu le procureurnéral en ses conclusions, en application de larticle L. 314-12 du code des juridictions financières ;

Entendu en leurs plaidoiries Maître Noyer pour M. X..., Maître Glaser pour M. Y..., Maître Heymans pour M. Z... et Maître Rebière-Lathoud pour M. A... et, en leurs explications et observations, MM. X..., Y..., Z... et A..., la défense ayant eu la parole en dernier ;

Après en avoir délibéré ;

Sur la compétence de la Cour

  1.                Considérant quen application du b) du I de larticle L. 312-1 du code des juridictions financières, la Cour est compétente pour connaître des infractions susceptibles davoir été commises dans lexercice de leurs fonctions par « Tout fonctionnaire ou agent civil ou militaire de l’Etat, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics ainsi que des groupements des collectivités territoriales » ; que la régie personnalisée de l’ONB doit être regardée comme un établissement public local au sens de ces dispositions ; qu’à ce titre, le directeur général et le directeur administratif et financier de cet établissement sont justiciables de la Cour ; quil en est de même pour le comptable public de l’ONB, en sa qualité de fonctionnaire de l’État ;
  2.                Considérant qu’en application des dispositions du II de l’article L. 312-1 du code des juridictions financières : « ne sont pas justiciables de la Cour à raison des actes accomplis dans lexercice de leurs fonctions : […] e) les maires et, quand ils agissent dans le cadre des dispositions des articles L. 2122-17 à L. 2122-20 et L. 2122-25 du code général des collectivités territoriales, les adjoints et les autres membres du conseil municipal » ; qu’aux termes de l’article L. 2122-25 du code général des collectivités territoriales : « Le maire procède à la désignation des membres du conseil municipal pour siéger au sein dorganismes extérieurs dans les cas et conditions prévus par les dispositions du présent code et des textes régissant ces organismes […] » ; qu’il y a lieu d’appliquer également les dispositions précitées de l’article L. 312-1 du code des juridictions financières aux conseillers municipaux désignés par le conseil municipal, en application de l’article L. 2121-33 du code général des collectivités territoriales, pour siéger au sein d’organismes extérieurs dans les cas et conditions prévus par les dispositions de ce code et des textes régissant ces organismes ; que M. X..., adjoint au maire de Bordeaux, a été désigné par le conseil municipal de Bordeaux, par des délibérations du 17 décembre 2001 et du 21 mars 2008, pour le représenter au sein du conseil d’administration de la régie personnalisée de l’ONB, qui comprend, aux termes de l’article 4.1) de ses statuts, neuf membres dont « six représentants de la ville de Bordeaux, membres du conseil municipal », puis a été élu président de ce conseil d’administration ; que cette présidence doit, en vertu des dispositions de l’article R. 2221-55 du code général des collectivités territoriales, reprises à l’article 4.3) des statuts de l’ONB, être exercée par un membre du conseil municipal ; que, dans ces conditions, M. X... doit être regardé comme ayant exercé les fonctions de président du conseil d’administration de la régie personnalisée en qualité de membre du conseil municipal désigné pour siéger dans un organisme extérieur ; qu’il peut ainsi se prévaloir des dispositions du e) du II de l’article L. 312-1 du code des juridictions financières et n’est, par conséquent, pas justiciable de la Cour ;

Sur la prescription

  1.                Considérant qu’aux termes de l’article L. 314-2 du code des juridictions financières dans sa rédaction en vigueur à la date des faits : « La Cour ne peut être saisie après lexpiration dun délai de cinq années révolues à compter du jour où aura été commis le fait de nature à donner lieu à lapplication des sanctions prévues par le présent titre. » ; quil en résulte que ne peuvent être valablement poursuivies et sanctionnées que les infractions commises moins de cinq ans avant le 30 septembre 2015, date à laquelle a été déférée au parquet général la communication du procureur financier près la chambre régionale des comptes d’Aquitaine, Poitou-Charentes susvisée, soit les faits commis depuis le 1er octobre 2010 ;
  2.                Considérant que les irrégularités pour lesquelles est saisie la Cour portent sur des faits qui sont tous postérieurs à cette date ;

Les faits, leur qualification et l’imputation des responsabilités

Sur les défaillances dans le contrôle des régies

  1.                Considérant que la régie personnalisée de lONB dispose de quatre régies : la régie davances et de recettes de la billetterie, la régie de recettes des titres-restaurant, la régie davances et depuis 2011, la régie davances et de recettes de la boutique ;
  2.                Considérant qu’en 2012, des anomalies ont été découvertes, mettant en évidence des détournements commis depuis 2002 par la régisseuse pour plus de 2 M€, concernant essentiellement la régie d’avances ; que le tribunal correctionnel de Bordeaux, dans son jugement du 7 janvier 2016 a, notamment, condamné la régisseuse et son époux à respectivement cinq ans d’emprisonnement dont deux avec sursis et trois ans d’emprisonnement dont un avec sursis et a mis à leur charge, sur l’action civile, la somme de 2 277 200,40 € à payer à la régie personnalisée de l’ONB en réparation de son préjudice matériel ; que ce jugement est passé en force de chose jugée ;
  3.                Considérant que l’article R. 1617-17 du code général des collectivités territoriales dispose que : « Les régisseurs de recettes, davances ainsi que de recettes et davances ainsi que les régisseurs intérimaires et les mandataires sont soumis aux contrôles du comptable public assignataire et de lordonnateur ou de leurs délégués auprès desquels ils sont placés./ Ils sont également soumis aux vérifications des autorités habilitées à contrôler sur place le comptable public assignataire et lordonnateur ou de leurs délégués. » ;
  4.                Considérant que l’instruction a montré que si certaines vérifications ligne à ligne de l’objet des dépenses étaient faites régulièrement par les services de l’ordonnateur lors de la reconstitution de l’avance, aucun autre contrôle sur pièces ni aucune mesure de contrôle sur place des régies de l’ONB n’a été engagée par ceux-ci depuis la création des régies en 2002 ; que cette inaction a permis le dépassement des plafonds légaux d’encaisse et un rythme de reconstitution irrégulier des mandats ; qu’elle a pu faciliter le paiement de dépenses étrangères à l’objet prévu de la régie ;
  5.                Considérant que le directeur général de la régie argue de ce que n’ayant pas la qualité d’ordonnateur et n’ayant pas reçu délégation de ce dernier, il n’avait pas compétence pour assurer  le  contrôle  des régies  sur le fondement des  dispositions  précitées de  l’article  R. 1617-17 du code général des collectivités territoriales ;
  6.            Considérant toutefois qu’en sa qualité de directeur général de l’ensemble des services de l’ONB, dont font partie les régies, ces dernières étaient placées sous son autorité ; qu’il lui revenait notamment de veiller à ce que l’ensemble des services placés sous sa direction respectent les lois et règlements en vigueur ; qu’il lui incombait aussi d’organiser ses services et d’engager des actions à cette fin ainsi que de se tenir informé de leur mise en œuvre ; qu’il avait enfin une mission d’information et de conseil de l’ordonnateur ;
  7.            Considérant que le directeur administratif et financier de la régie était placé sous l’autorité du directeur général et « […] chargé de la préparation et de lexécution du budget voté par le conseil dadministration de la régie personnalisée, et du bon ordonnancement des dépenses et des recettes de lOpéra national de Bordeaux dans le respect des procédures de la comptabilité publique […] », selon les termes de son contrat de travail ; qu’il revenait donc à M. Z..., dans son champ de compétences, de veiller à la correcte application des lois et règlements en vigueur ; que la méconnaissance des règles applicables aux régies, qu’il invoque dans sa défense, n’est pas de nature à l’exonérer de cette obligation ;
  8.            Considérant qu’au moment de la prise de fonction du comptable public, M. A..., en janvier 2010, le fichier de suivi des régies par le comptable centralisateur tenu par la direction régionale des finances publiques d’Aquitaine et de Gironde mentionnait, selon le mémoire en défense produit par M. A..., que la régie d’avances et la régie d’avances et de recettes de la billetterie de l’ONB avaient été contrôlées le 1er juillet 2009 et la régie des titres restaurants le 14 février 2007 ;
  9.            Considérant que M. A... a établi et transmis à la direction régionale des finances publiques, dans les semaines qui ont suivi sa prise de fonction, un plan de contrôle des nombreuses régies relevant du poste comptable dont il avait la responsabilité ; que ce plan prévoyait le contrôle de la régie d’avances de l’ONB en 2012 ; que la mention des contrôles réalisés en 2009, qui s’est ensuite révélée erronée, a été de nature à induire en erreur M. A... lors de l’établissement du plan de contrôle quadriennal des régies ;
  10.             Considérant quaux termes de larticle L. 313-4 du code des juridictions financières : « Toute personne visée à larticle L. 312-1 qui, en dehors des cas prévus aux articles précédents, aura enfreint les règles relatives à lexécution des recettes et des dépenses de lÉtat ou des collectivités, établissements et organismes mentionnés à ce même article ou à la gestion des biens leur appartenant ou qui, chargée de la tutelle desdites collectivités, desdits établissements ou organismes, aura donné son approbation aux décisions incriminées sera passible de lamende prévue à larticle L. 313-1. » ;
  11.            Considérant que le défaut de contrôle et de surveillance des régies par le directeur général et par le directeur administratif et financier sont des manquements constitutifs de l’infraction prévue à l’article L. 313-4 du code des juridictions financières ; que leur responsabilité est donc engagée sur ce fondement ;
  12.            Considérant en revanche que pendant la période s’étendant entre sa prise de fonctions et la découverte des faits délictueux en 2012, M. A... a pris des initiatives afin de résorber le retard accumulé dans le contrôle des régies relevant de son poste comptable, en particulier celles de l’ONB ; qu’il n’y a ainsi pas lieu de mettre en jeu sa responsabilité sur le fondement de l’article L. 313-4 du code des juridictions financières ;

Sur les modalités de maintien en activité au-delà de la limite dâge de M. B...

  1.            Considérant que M. B..., né le 21 février 1947, a été recruté en 1996 en qualité de directeur technique par contrat à durée déterminée, reconduit à plusieurs reprises et transformé, en 2005, en contrat à durée indéterminée ; que l’intéressé a démissionné en 2008, puis a été à nouveau embauché, par contrat à durée déterminée, reconduit à plusieurs reprises, et trouvant son terme au 31 août 2012 ;
  2.            Considérant qu’à la date du 21 février 2012, date anniversaire des 65 ans de M. B..., lâge maximal de départ à la retraite des agents communaux nés en 1947 et sans enfant à charge était de 65 ans, ainsi que cela résultait des dispositions combinées de larticle L. 422-7 du code des communes et de l’article 38 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, dans leur version applicable au moment des faits ;
  3.            Considérant qu’alors que la survenance de la limite d’âge des agents publics entraîne de plein droit la rupture des liens avec le service, M. B... a continué de travailler, en qualité de directeur technique et de production de la régie personnalisée de l’ONB, du 21 février au 31 août 2012 et a perçu une rémunération à ce titre ;

 

  1.            Considérant que les responsables de la régie personnalisée de l’ONB font valoir qu’à cette époque, était en discussion le projet de texte qui allait devenir la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique ; que cette discussion laissait entrevoir la possibilité de faire bénéficier les agents contractuels d’une prolongation d’activité au-delà de la limite d’âge ;
  2.            Considérant que la loi a effectivement prévu cette possibilité, mais à la condition que l’agent en exprime le souhait préalablement à son 65ème anniversaire ; que ses dispositions ne sont par ailleurs pas rétroactives ; qu’il en résulte que l’intéressé a occupé ses fonctions du 21 février 2012 au 31 août 2012 en méconnaissance des dispositions légales ;
  3.            Considérant que MM. Y... et Z... invoquent le fait qu’il était nécessaire à la régie de l’ONB de conserver son directeur technique, notamment chargé des productions, jusqu’au terme de la saison artistique, c’est-à-dire jusqu’à l’été 2012 ; qu’ils font un rapprochement avec les dispositions en vigueur pour les enseignants universitaires qui peuvent, aux termes de l’article L. 952-10 du code de l’éducation, « rester en fonction jusquau 31 août, lorsquils atteignent la limite dâge en milieu dannée universitaire, si les besoins du service denseignement le justifient. » ;
  4.            Considérant toutefois que M. B... n’était pas enseignant universitaire et qu’il n’assurait aucun service d’enseignement ; que l’article L. 952-10 du code de l’éducation n’était ainsi pas applicable à sa situation ; qu’aucun autre texte ni aucun principe ne permettait de fonder légalement la prolongation de son activité ;
  5.            Considérant que MM. Y... et Z..., en leurs qualités respectives de directeur général et de directeur administratif et financier de la régie personnalisée de l’ONB, exerçaient la direction des services de l’ONB placés sous leur autorité ; que s’ils n’ont pas personnellement signé les actes d’engagement et les mandats de dépenses correspondant aux rémunérations indues versées à M. B..., les services qu’ils dirigeaient les ont préparés, afin de les soumettre à l’ordonnateur ; qu’ils ont été informés de l’existence et du contenu de ces documents, qu’ils ont ensuite transmis à l’ordonnateur ;
  6.            Considérant que les faits relevés sont des manquements qui ont conduit la régie personnalisée de l’ONB à effectuer une dépense sur le fondement d’un contrat de travail ne produisant plus d’effets juridiques depuis le 21 février 2012 ; que ces manquements sont constitutifs de l’infraction prévue à l’article L. 313-4 du code des juridictions financières ; qu’ainsi, la responsabilité de MM. Y... et Z... est engagée sur ce fondement ;
  7.            Considérant que M. A... a transmis une note écrite le 5 juillet 2012 pour alerter le président du conseil d’administration de la régie de l’ONB sur le caractère illégal de l’emploi de M. B... au-delà du 20 février 2012, après avoir préalablement consulté la direction régionale des finances publiques et le pôle national expert en matière de traitements et de salaires ; que son action a conduit à la cessation de cette irrégularité ; qu’il n’y a donc pas lieu de mettre en jeu sa responsabilité au titre de l’article L. 313-4 du code des juridictions financières ;


 

  1.            Considérant quaux termes des dispositions de larticle L. 313-6 du même code : « Toute personne visée à larticle L. 312-1 qui, dans lexercice de ses fonctions ou attributions, aura, en méconnaissance de ses obligations, procuré à autrui un avantage injustifié, pécuniaire ou en nature, entraînant un préjudice pour le Trésor, la collectivité ou lorganisme intéressé, ou aura tenté de procurer un tel avantage sera passible dune amende dont le minimum ne pourra être inférieur à 300 et dont le maximum pourra atteindre le double du montant du traitement ou salaire brut annuel qui lui était alloué à la date de linfraction. » ;
  2.            Considérant que les rémunérations versées à M. B... entre le 21 février et le 31 août 2012 ont donné lieu à un service fait ; qu’il n’est pas établi que ces rémunérations aient été manifestement excessives au regard de la fonction exercée ni qu’elles aient causé un préjudice à la régie personnalisée de l’ONB ; que, par conséquent, les éléments constitutifs de l’infraction prévues à l’article L. 313-6 du code des juridictions financières ne sont pas réunis ;

Sur la conclusion de marchés publics avec la société G.A. Conseil

  1.            Considérant que la décision de renvoi du procureur général en date du 21 juin 2017 mettait en cause la responsabilité de M. A... dans le paiement de dépenses à la société G.A. Conseil ; qu’au cours de l’audience, le procureur général a, en ce qui concerne M. A..., abandonné ces poursuites, dont la Cour de discipline budgétaire et financière n’est, de ce fait, plus saisie ;
  2.            Considérant que les dirigeants de la régie personnalisée de l’ONB ont souhaité poursuivre leur collaboration avec M. B... au-delà du 31 août 2012 ; que, conscients que la reconduction de son contrat de travail n’était plus possible, ils ont décidé de confier à la société G.A. Conseil, créée pour l’occasion par M. B..., la réalisation de prestations de services ;
  3.            Considérant que trois contrats ont été successivement signés : un premier marché de « mission de conseil technique auprès de la direction générale de la régie personnalisée Opéra national de Bordeaux », signé le 22 octobre 2012, d’un montant de 103 000  HT, couvrant la période courant jusqu’au 31 août 2013 ; un avenant à ce marché, approuvé par le conseil d’administration le 2 juillet 2013, d’un montant de 5 000  HT ; un second marché de « conseil technique auprès de la direction générale de lOpéra national de Bordeaux », d’un montant de 103 000  HT, couvrant la période courant du 1er septembre 2013 au 31 août 2014 ;
  4.            Considérant quaucune mesure de publicité ni de mise en concurrence n’a été prise par la régie personnalisée de l’ONB préalablement à la conclusion de ces contrats alors que, conformément au III de l’article 28 du code des marchés publics applicable au moment des faits, le seuil en-deçà duquel cette absence de procédure était autorisée était de 15 000 euros HT ;
  5.            Considérant que les dirigeants de l’ONB invoquent l’application du II de l’article 28 et du II de l’article 35 du code des marchés publics alors en vigueur, aux termes desquels le pouvoir adjudicateur peut décider que le marché sera passé sans publicité ni mise en concurrence préalables soit lorsque ces formalités sont impossibles ou manifestement inutiles en raison notamment de l’objet du marché, de son montant ou du faible degré de concurrence dans le secteur considéré, soit lorsque le marché ne peut être confié qu’à un opérateur économique déterminé pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits d’exclusivité ;
  6.            Considérant toutefois qu’il n’a été démontré ni que l’entreprise de M. B... était la seule susceptible de délivrer des prestations de « conseil technique auprès de la direction générale de lOpéra national de Bordeaux », ni qu’il n’existait pas de concurrence suffisante dans le secteur considéré ou que des considérations techniques ou artistiques imposaient de recourir aux services de la société G.A. Conseil ; que la conclusion de ces marchés aurait donc dû être précédée d’une publicité et d’un appel à la concurrence ;
  7.            Considérant que MM. Y... et Z..., en leurs qualités respectives de directeur général et de directeur administratif et financier de la régie personnalisée de l’ONB, exerçaient la direction des services de l’ONB placés sous leur autorité ; que s’ils n’ont pas personnellement signé les actes d’engagement et les mandats de dépenses correspondant aux paiement faits en faveur de la société G.A. Conseil, les services qu’ils dirigeaient les ont préparés, afin de les soumettre à l’ordonnateur ; qu’ils ont été informés de l’existence et du contenu de ces documents, qu’ils ont ensuite transmis à l’ordonnateur ; que M. Z..., qui a fait valoir ses droits à la retraite le 31 mars 2013, n’est toutefois pas concerné par les irrégularités relatives à l’avenant au premier marché et au second marché ;
  8.            Considérant que les faits relevés sont des manquements qui ont conduit la régie personnalisée de l’ONB à engager des dépenses en violation des règles relatives à la commande publique ; qu’ils sont constitutifs de l’infraction prévue à l’article L. 313-4 du code des juridictions financières ; qu’ainsi, la responsabilité de MM. Y... et Z... est engagée sur ce fondement ;
  9.            Considérant qu’il n’a pas été établi que les dépenses payées à la société G.A. Conseil ont causé un préjudice financier à la régie personnalisée de l’ONB ; que par conséquent, les éléments constitutifs de l’infraction prévue à l’article L. 313-6 du code des juridictions financières ne sont pas réunis ;

Sur les circonstances

  1.            Considérant que MM. Y... et Z... font valoir, sagissant des régies, quils se sont reposés, ainsi que leurs services, sur la fiabilité présumée dun logiciel comptable de la ville de Bordeaux qui leur était présenté comme apportant toutes les garanties et sécurités nécessaires, ce qui a pu les amener à négliger de procéder à des contrôles plus approfondis ; que, par ailleurs, les intéressés ont conduit et mené à bon terme à la même période d’importants chantiers stratégiques pour la régie personnalisée de l’ONB, en particulier celui de l’auditorium, et ont contribué à la résorption du déficit et au redressement de la situation financière de l’ONB ; que ces faits sont de nature à constituer des circonstances atténuantes de responsabilité ;

Sur lamende

  1.            Considérant quil sera fait une juste appréciation des manquements commis et des circonstances de l’espèce en infligeant à M. Y... une amende de 800 euros et à M. Z... une amende de 600 euros ;

Sur la publication de larrêt

  1.            Considérant quil y a lieu, compte tenu des circonstances de lespèce, de publier le présent arrêt au Journal officiel de la République française en application de larticle L. 313-15 du code des juridictions financières ;


 

ARRÊTE :

 

Article 1er : La Cour n’est pas compétente pour juger M. Dominique X....

Article 2 : M. Thierry Y... est condamné à une amende de 800 € (huit cents euros).

Article 3 : M. Gérard Z... est condamné à une amende de 600 € (six cents euros).

Article 4 : M. Jean-Pierre A... est relaxé des fins de la poursuite.

Article 5 : Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française.

 

 

Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, première section, le 22 septembre deux mille dix-sept par M. Migaud, Premier président de la Cour des comptes, président ; MM. Bouchez et Derepas, conseillers dÉtat ; M. Bertucci, conseiller maître à la Cour des comptes.

 

Notifié le 13 octobre 2017.

 

En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit art à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République ps les tribunaux de grande instance dy tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de pter main-forte lorsquils en seront légalement requis.

 

 

En foi de quoi, le psent arrêt a é sig par le président de la Cour et la greffière.

 

 

 

 

Le président,       La greffière,

 

 

 

 

 

 

Didier MIGAUD      Isabelle REYT