Cour de discipline budgétaire et financière

 

Seconde section

 

Arrêt du 20 juillet 2017 « Institut Curie »

 

215-765

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

LA COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE,

siégeant à la Cour des comptes, en audience publique, a rendu larrêt suivant :

 

 

Vu le code des juridictions financières, notamment le titre 1er de son livre III, relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat ;

Vu la communication du 9 janvier 2015, enregistrée au parquet général le même jour, par laquelle le président de la sixième chambre de la Cour des comptes a informé le procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière de faits relatifs à la gestion de lInstitut Curie, conformément aux dispositions de larticle L. 314-1 du code des juridictions financières alors en vigueur ;

Vu le réquisitoire du 31 juillet 2015 par lequel le procureur général a saisi de cette affaire le Premier président de la Cour des comptes, président de la Cour de discipline budgétaire et financière, conformément aux dispositions de larticle L. 314-3 du code des juridictions financières alors en vigueur ;

Vu la décision du 4 septembre 2015 par laquelle le président de la Cour de discipline budgétaire et financière, a désigné M. Nicolas Péhau, conseiller référendaire à la Cour des comptes, en qualité de rapporteur de laffaire ;

Vu les lettres recommandées du 3 février 2016 du procureur général, ensemble les avis de réception de ces lettres, par lesquelles, conformément aux dispositions de larticle L. 314-4 du code des juridictions financières alors en vigueur, ont été respectivement mis en cause, au regard des faits de lespèce :

-          M. Claude X..., président du conseil dadministration de lInstitut Curie jusquen novembre 2013 ;

-          M. Daniel Y..., trésorier de lInstitut ;


Vu la lettre du 13 décembre 2016 du président de la Cour de discipline budgétaire et financière transmettant au ministère public le dossier de laffaire après le dépôt du rapport de M. Péhau, en application de larticle L. 314-4 du code des juridictions financières alors en vigueur ;

Vu la lettre du 20 décembre 2016 du procureur général informant le président de la Cour de discipline budgétaire et financière, après communication du dossier de laffaire, de sa décision de poursuivre la procédure en application de larticle L. 314-4 du code des juridictions financières alors en vigueur ;

Vu les lettres du 21 décembre 2016 par lesquelles, en application de larticle L. 314-5 du code des juridictions financières alors en vigueur, le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a transmis pour avis le dossier de laffaire au ministre de léconomie et des finances, à la ministre de léducation nationale, de lenseignement supérieur et de la recherche et à la ministre des affaires sociales et de la santé ;

Vu la décision du 31 mars 2017 du procureur général renvoyant MM. X... et Y... devant la Cour de discipline budgétaire et financière, en application de larticle L. 314-6 du code des juridictions financières alors en vigueur ainsi que les lettres du même jour envoyées par lui à MM. X... et Y... pour les informer de sa décision ;

Vu les lettres recommandées adressées par la greffière de la Cour de discipline budgétaire et financière à MM. X... et Y..., le 4 avril 2017, leur transmettant la décision de renvoi du procureur général, les avisant quils pouvaient produire un mémoire en défense dans les conditions prévues à l’article L. 314-8 du code des juridictions financières alors en vigueur, et les citant à comparaître le 16 juin 2017 devant la Cour de discipline budgétaire et financière, ensemble les avis de réception de ces lettres ;

Vu le mémoire en défense produit par M. Y..., le 2 juin 2017 ;

Vu le mémoire en défense produit par Maîtres Glaser et Yvonnet dans lintérêt de M. X..., le 6 juin 2017, ensemble les pièces à lappui ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Entendu le représentant du ministère public, résumant la décision de renvoi, en application de l’article L. 314-12 du code des juridictions financières ;

Entendu le procureurnéral en ses conclusions, en application de larticle L. 314-12 du code des juridictions financières ;

Entendu en sa plaidoirie Maître Glaser pour M. X..., MM. Y... et X... ayant été invités à psenter leurs explications et observations, la défense ayant eu la parole en dernier ;

Après en avoir délibéré ;

Sur la compétence de la Cour

  1.                Considérant quen application du c) du I de larticle L. 312-1 du code des juridictions financières, la Cour de discipline budgétaire et financière est compétente pour connaître des infractions susceptibles davoir été commises dans lexercice de leurs fonctions par « Tout représentant, administrateur ou agent des autres organismes qui sont soumis soit au contrôle de la Cour des comptes, soit au contrôle dune chambre régionale des comptes ou dune chambre territoriale des comptes » ; que lInstitut Curie est un organisme soumis au contrôle de la Cour des comptes sur le triple fondement des articles L. 111-7, L. 111-8 1er et 3ème alinéa du code des juridictions financières ; que lInstitut Curie, exerçant des missions de recherche et denseignement en application de son statut, ne peut être assimilé à une association de bienfaisance au sens du n) de larticle L. 312-1 du code des juridictions financières ;

 

  1.                Considérant, par conséquent, que M. X..., en sa qualité de président du conseil dadministration de lInstitut Curie et M. Y..., en sa qualité de trésorier de cet Institut sont justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Sur labsence davis du ministre de léconomie et des finances, de la ministre de léducation nationale, de lenseignement supérieur et de la recherche et de la ministre des affaires sociales et de la santé

  1.                Considérant que labsence de réponse du ministre de léconomie et des finances, de la ministre de léducation nationale, de lenseignement supérieur et de la recherche et de la ministre des affaires sociales et de la santé aux demandes davis formulées le 21 décembre 2016 ne fait pas obstacle à la poursuite de la procédure, en application de larticle L. 314-5 du code des juridictions financières en vigueur jusqu’au 30 avril 2017 ;

Sur la prescription

  1.                Considérant quaux termes de larticle L. 314-2 du code des juridictions financières : « La Cour ne peut être saisie après lexpiration dun délai de cinq années révolues à compter du jour où aura été commis le fait de nature à donner lieu à lapplication des sanctions prévues par le présent titre. » ;
  2.                Considérant que les faits présomptifs dirrégularités qui sont visés par la décision de renvoi ont été portés à la connaissance du parquet général par une communication du président de la sixième chambre de la Cour des comptes du 9 janvier 2015, enregistrée le même jour ; quil en résulte que les faits postérieurs au 9 janvier 2010 ne sont pas couverts par la prescription de cinq ans ;

Sur les faits

Sur lorganisation et la gouvernance de lInstitut Curie

  1.                Considérant que lInstitut Curie est une fondation reconnue dutilité publique ; que la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat ne fixe aucune règle particulière concernant les modalités dorganisation et de fonctionnement des fondations ; que ces règles doivent découler des statuts de linstitution ;
  2.                Considérant que les statuts de lInstitut Curie qui datent de 1995 sont complétés par un règlement intérieur du 18 juin 1999 en vigueur au moment des faits ; que cet Institut a pour objet social la recherche et les soins pour lutter contre le cancer ; que son activité est organisée, selon larticle 2 des statuts, en deux sections : une section de recherche, dénommée « centre de recherche », et une section médicale, dénommée « ensemble hospitalier » ; que se sont progressivement constitués, des « services institutionnels », dénommés « partie commune » par larticle 19 des statuts, pour collecter des fonds auprès du public et apporter une expertise à la fondation ;

 

 

  1.                Considérant que selon larticle 3 des statuts, « LInstitut Curie est administré par un Conseil dadministration assisté par les directeurs des deux sections énumérées à larticle 2 […] » et que selon larticle 4, « [il] élit un bureau de 6 à 8 membres dont le président, deux vice-présidents, un secrétaire et un trésorier […] » pour un mandat de six ans reconductible ;
  2.                Considérant que le conseil dadministration, tenu de se réunir « au moins deux fois par an » selon larticle 7 des statuts, « règle, par ses délibérations, les affaires de lInstitut Curie […] », selon larticle 8 : « En particulier : […] d) il établit, par un statut du personnel, les règles de recrutement, davancement et de rémunération des différentes catégories de personnels rémunérés par lInstitut ; e) il procède aux créations et aux suppressions de postes ; f) il nomme aux emplois supérieurs de lInstitut selon les modalités du règlement intérieur ; […] » ; que, toujours selon larticle 8, le bureau « instruit les affaires soumises au Conseil dadministration » et que « le président, le trésorier pourvoient, chacun en ce qui le concerne, à lexécution des décisions du Conseil dadministration » ;
  3.            Considérant que selon larticle 10 des statuts, « Le président du Conseil dadministration représente lInstitut dans les actes de la vie civile » ; quil est « ordonnateur des dépenses de lInstitut » ; quil « procède à la nomination aux emplois supérieurs de lInstitut en exécution des délibérations du Conseil dadministration » ; que « Le trésorier encaisse les recettes et acquitte les dépenses de lInstitut. Il assure, sous lautorité du président du Conseil dadministration, la gestion du fonds de réserve et du fonds de dotation […] » ;
  4.            Considérant que selon larticle 11 des statuts, « Le directeur de chaque section est nommé par le Conseil dadministration sur proposition de son président, après avis de la commission scientifique de la section concernée et du Conseil scientifique de létablissement. Le directeur de la section médicale doit être docteur en médecine. Sa nomination est soumise à lagrément du ministre chargé de la Santé » ;
  5.            Considérant que les fonctions de président du conseil dadministration de lInstitut Curie ont été assumées pendant 12 ans par M. X..., élu pour un premier mandat le 6 décembre 2001 ; que son second mandat a pris fin le 6 décembre 2013 après lélection, le 28 novembre 2013, dun nouveau président ; que M. Y... a occupé le poste de trésorier de lInstitut pendant toute la période concernée par les faits examinés par la Cour ;

Sur le recrutement dun nouveau directeur de lensemble hospitalier en 2011

  1.            Considérant que, sur proposition de M. X..., le conseil dadministration a décidé le 15 juin 2011 de mettre un terme à la mission du directeur de lensemble hospitalier alors en fonctions ; quune procédure de recrutement a été lancée sur la base dun nouveau profil de poste mettant laccent sur la fusion avec le centre René Huguenin et sur lactivité internationale de lInstitut ; quà lissue de la procédure de sélection, la candidature de M. Z..., alors directeur « recherche et développement » dun groupe pharmaceutique, a été retenue ;
  2.            Considérant que, sur proposition de M. X..., il a été demandé au conseil dadministration de nommer M. Z... directeur de lensemble hospitalier à compter du 1er septembre 2011 ; quaprès avoir auditionné lintéressé, le conseil dadministration a approuvé le 25 juillet 2011 cette nomination, à laquelle le ministre du travail, de lemploi et de la santé a donné son agrément par courrier du 29 août 2011 ;

 

 

  1.            Considérant quaux termes du contrat de travail, daté du 1er septembre 2011, conclu, entre lInstitut Curie et M. Z..., ce dernier a été embauché pour exercer, « sous lautorité du président, son supérieur hiérarchique », les fonctions de directeur de lensemble hospitalier, telles que définies en annexe 1 et avec les délégations de pouvoir définies en annexe 2 ; que par avenant, également daté du 1er septembre 2011, M. Z... a été « investi de missions institutionnelles » décrites en annexe 1 ; que le contrat de travail de M. Z... et son avenant du même jour ont été signés par lintéressé et pour lInstitut Curie, à la fois par le président, M. X..., et le trésorier, M. Y... ;
  2.            Considérant que la date dembauche au 1er septembre 2011 figurant à larticle 1 du contrat de travail de M. Z... a fait lobjet dune correction manuscrite pour être reportée au 1er octobre 2011 ; que cette correction non datée a été paraphée par MM. X... et Z..., mais pas par M. Y..., qui nen a pas été informé ; quen dépit du report de sa date dembauche, M. Z... a effectivement pris ses fonctions de directeur de lensemble hospitalier le 1er septembre 2011 alors quil était toujours salarié du groupe pharmaceutique qui lemployait, contrairement à ce quil avait déclaré au conseil dadministration le 25 juillet 2011 ;

Sur les conditions de rémunération fixées par le contrat de travail du 1er septembre 2011 et ses avenants

  1.            Considérant que le contrat de travail de M. Z... du 1er septembre 2011, tel que modifié par avenant du même jour, lui accordait une rémunération annuelle totale dun montant brut de 545 000 €, soit près de 3,5 fois le montant de la rémunération de son prédécesseur ; que cette rémunération a été répartie entre lensemble hospitalier et les services institutionnels selon le dispositif suivant :

 

-         larticle 6 du contrat de travail initial lui accordait un salaire annuel brut forfaitaire de 250 000 €, constituant « la contrepartie globale et forfaitaire de [son] activité » comme directeur de lensemble hospitalier ;

-          larticle 2 de lavenant lui attribuait « en contrepartie de la bonne exécution de ses missions institutionnelles, et compte tenu des responsabilités et de lautonomie qui sont les siennes dans lexercice propre à ces missions » une rémunération forfaitaire brute annuelle supplémentaire de 295 000 € ;

  1.            Considérant que ces modalités salariales ont été validées par le président et le trésorier de lInstitut qui ont tout deux signé le contrat de travail et lavenant du 1er septembre 2011 ; que le conseil dadministration na approuvé ni le contrat de travail, ni lavenant et na pas plus été informé du montant de la rémunération de M. Z... ;
  2.            Considérant que la totalité du salaire de M. Z..., qui lui a été versé à compter du mois doctobre 2011, a été prise en charge par les services institutionnels avec remboursement de la somme de 250 000 € par lensemble hospitalier ; que M. Z... a aussi été rémunéré pour le mois de septembre 2011 sous la forme dune prime versée en janvier 2012 représentant un mois de salaire (soit 45 420 €) ;
  3.            Considérant que larticle 7 du contrat de travail du 1er septembre 2011 a prévu le remboursement des frais professionnels, ainsi que la prise en charge des frais de déplacement hebdomadaires de M. Z... entre Paris et Toulouse jusquau 30 juin 2012 ; que lavenant du 1er septembre 2011 mentionnait que, « à titre exceptionnel et pour une durée ne pouvant excéder juin 2012 », une indemnité de logement plafonnée à 2 500 € par mois (soit 30 000 € annuellement) était versée « afin de contribuer à la location dun logement temporaire à Paris en attendant linstallation familiale du Professeur Z... » ; que le versement de cette indemnité a été prolongé jusquen décembre 2012 par avenants successifs des 21 juin et 25 octobre 2012, toujours « à titre exceptionnel » et quenfin, à compter du 1er janvier 2013, sur seule décision de M. X..., une augmentation de salaire dun même montant a été accordée à M. Z... ;

Sur la restructuration de la rémunération et le licenciement du directeur de lensemble hospitalier

  1.            Considérant quau printemps 2013, à loccasion de lexamen des comptes, certains administrateurs, membres du comité financier et du bureau, ont appris, au cours dune séance du comité financier, le montant de la rémunération de M. Z... ; que le comité financier sest interrogé sur les modalités de rémunération des différents personnels de lInstitut Curie et que le trésorier a proposé la création dun comité des rémunérations qui a été mis en place en juin 2013 ; que, dès sa création, ce comité a formulé des propositions pour redéfinir la rémunération de M. Z... afin de la rapprocher au mieux des normes salariales habituelles de lInstitut et de tenir compte du préjudice découlant de cette redéfinition ;
  2.            Considérant que la négociation engagée entre les avocats de M. Z... et de lInstitut Curie a abouti à un accord en deux étapes :

-          un nouvel avenant au contrat de travail, signé le 30 septembre 2013, a mis un terme, à compter du 1er octobre 2013, à lensemble des missions institutionnelles confiées à M. Z... et à sa rémunération supplémentaire accordée au titre desdites missions ; tous les avantages et primes prévus aux avenants à son contrat de travail ont également été supprimés ; la nouvelle rémunération brute forfaitaire et globale a été ramenée à 250 000 € bruts par an, à laquelle sajoutait le versement dune prime exceptionnelle institutionnelle de 25 000 € bruts ;

-          un protocole daccord transactionnel a été signé entre les deux parties, moins dun mois après, le 23 octobre 2013, prévoyant le versement à M. Z... dune « indemnité globale forfaitaire transactionnelle et définitive à titre de dommages et intérêts tous préjudices confondus dun montant de 588 000 € bruts » ; en contrepartie, M. Z... reconnaissait la validité de lavenant du 30 septembre 2013 et renonçait à tout recours ;

  1.            Considérant que, sur proposition de son nouveau président élu le 28 novembre 2013, le conseil dadministration a approuvé, le 16 janvier 2014, le licenciement de M. Z... pour faute grave et la procédure en annulation de la transaction du 23 octobre 2013 ; quà la suite de la contestation de ces décisions par lintéressé, un double accord a été passé le 15 mai 2014 entre les deux parties sur les bases suivantes :

-          M. Z... a renoncé à poursuivre lexécution du protocole transactionnel du 23 octobre 2013 et à demander le paiement du solde de 332 000 , tandis que lInstitut Curie a abandonné son action en annulation du protocole et na pas demandé la restitution du premier versement de 256 000 € ;


-          M. Z... a renoncé à contester les conditions de la rupture de son contrat de travail et à tout recours juridictionnel ; en contrepartie, lInstitut lui a versé une indemnité dun montant de 360 000 € bruts en réparation des préjudices professionnels et de carrière subis ;

  1.            Considérant que cette double transaction pour laquelle le conseil dadministration avait donné tout pouvoir au nouveau président a permis à lInstitut Curie de mettre fin au contentieux lopposant à M. Z... ; quainsi, de lentrée en vigueur du contrat de travail en octobre 2011 jusquau 31 décembre 2013, le coût total de la rémunération de M. Z... a représenté près de 2,3 M€ dont 1,4 M€, soit près 62 %, provenaient des services institutionnels, majoritairement financés par les fonds issus des appels à la générosité publique ; quà ce coût de rémunération, sajoutait celui de la transaction résultant de son licenciement ;

Sur la qualification juridique des faits et limputation des responsabilités

  1.            Considérant quaux termes des dispositions de larticle L. 313-4 du code des juridictions financières : « Toute personne visée à larticle L. 312-1 qui, en dehors des cas prévus aux articles précédents, aura enfreint les règles relatives à lexécution des recettes et des dépenses de lÉtat ou des collectivités, établissements et organismes mentionnés à ce même article ou à la gestion des biens leur appartenant ou qui, chargée de la tutelle desdites collectivités, desdits établissements ou organismes, aura donné son approbation aux décisions incriminées sera passible de lamende prévue à larticle L. 313-1. » ;
  2.            Considérant quaux termes des dispositions de larticle L. 313-6 du même code : « Toute personne visée à larticle L. 312-1 qui, dans lexercice de ses fonctions ou attributions, aura, en méconnaissance de ses obligations, procuré à autrui un avantage injustifié, pécuniaire ou en nature, entraînant un préjudice pour le Trésor, la collectivité ou lorganisme intéressé, ou aura tenté de procurer un tel avantage sera passible dune amende dont le minimum ne pourra être inférieur à 300 euros et dont le maximum pourra atteindre le double du montant du traitement ou salaire brut annuel qui lui était alloué à la date de linfraction. » ;

Sur les conditions de rémunération fixées par le contrat de travail du 1er septembre 2011 et son avenant du même jour

  1.            Considérant que M. X..., président du conseil dadministration de lInstitut Curie et M. Y..., trésorier de lInstitut, ont co-signé le contrat de travail du directeur de lensemble hospitalier et son avenant, datés du 1er septembre 2011 ; que le président du conseil dadministration navait pas lobligation, selon larticle 8 des statuts de lInstitut Curie, de faire approuver ces contrats par le conseil dadministration ;
  2.            Considérant que si larticle 8 des statuts permet au président, entre les réunions du conseil dadministration, de prendre « toute décision quimpose la gestion de lInstitut, si possible après avis du Bureau [] », il doit « présenter au conseil suivant, le compte-rendu de ses interventions et de ses décisions. » ;
  3.            Considérant que, sagissant des conditions de recrutement du directeur de lensemble hospitalier, cette obligation quavait le président de rendre compte au conseil dadministration était encore plus marquée, en raison du caractère inédit de cette opération ;

 

  1.            Considérant que ce manquement à lobligation de compte rendu au conseil dadministration est contraire à larticle 8 des statuts qui, contrairement à ce qui est soutenu par la défense, est suffisamment clair sur ce point ; quil constitue une omission irrégulière qui caractérise une infraction aux règles relatives à lexécution des dépenses et des recettes de la fondation prévue par larticle L. 313-4 du code des juridictions financières ;
  2.            Considérant, en outre, que le niveau de la rémunération accordée à M. Z... et des indemnités venant en sus de celle-ci a été jugé très excessif par le comité financier de lInstitut, puis par le comité des rémunérations mis en place en juin 2013, lequel a proposé une rémunération plus de deux fois moindre ; quune rémunération lui a été consentie au titre du mois de septembre 2011 alors que son contrat ne prenait effet quau 1er octobre 2011, même sil nest pas contesté quil ait travaillé en septembre 2011 pour lInstitut ;
  3.            Considérant que le non-remplacement du secrétaire général ne saurait justifier le montant de cette rémunération, dès lors quil nest pas établi que M. Z... en ait assumé les fonctions ; que laugmentation de salaire intervenue en janvier 2013 ne découlait pas des obligations contractuelles, mais a pris le relais de lindemnité temporaire de logement auparavant accordée à titre exceptionnel ;
  4.            Considérant que le montant des indemnités consenties par le protocole transactionnel qui été conclu en 2014 doit être regardé comme la conséquence des conditions manifestement excessives des rémunérations accordées à M. Z... ; que ces dernières constituent un avantage injustifié au sens de larticle L. 313-6 du code des juridictions financières, ayant entraîné un préjudice pour lInstitut Curie ;

Sur la détermination des responsabilités

  1.            Considérant que M. X... a assuré la présidence du conseil dadministration jusquà lélection de son successeur le 28 novembre 2013 ; quil est le signataire du contrat de travail de M. Z... et des différents avenants qui lont modifié ; quil a décidé du versement en 2012 dune prime correspondant au salaire du mois de septembre 2011 ainsi que de laugmentation de salaire de janvier 2013 ; qu’il n’a pas rendu compte de ces opérations pour le moins inhabituelles au conseil d’administration ; quen conséquence les infractions correspondantes réprimées par les articles L. 313-4 et L. 313-6 du code des juridictions financières sont constituées et lui sont imputables ;
  2.            Considérant que M. Y... était, au moment des faits, trésorier de lInstitut, président du comité financier, administrateur et membre de la commission restreinte chargée du recrutement du nouveau directeur ; quil a, certes, signé, avec le président du conseil dadministration, le contrat de travail de M. Z... ainsi que ses avenants mais quil na pas ordonnancé les dépenses qui en découlaient et quil nétait pas soumis à lobligation de rendre compte au conseil dadministration ; que par conséquent aucune infraction ne peut être relevée contre lui ;

Sur les circonstances

  1.            Considérant que M. X... sest opposé à plusieurs reprises à la création dun comité des rémunérations et quil na pas fait la démonstration defforts particuliers en faveur de la transparence dune institution financée en partie par des fonds provenant des appels à la générosité publique ; que ces faits sont de nature à constituer des circonstances aggravantes de responsabilité ;
  2.            Considérant cependant que M. X... a dû faire face à une situation de crise de la gouvernance de lInstitut Curie ; que le recrutement du directeur de lensemble hospitalier sest avéré très difficile ; que M. X... a exercé la présidence du conseil dadministration sous la forme du bénévolat ; que ces faits sont de nature à constituer des circonstances atténuantes de responsabilité ;

Sur lamende

  1.            Considérant quil sera fait une juste appréciation des irrégularités commises et des circonstances de lespèce en infligeant à M. X... une amende de 1 500 euros ;

Sur la publication de larrêt

  1.            Considérant quil y a lieu, compte tenu des circonstances de lespèce, de publier le présent arrêt au Journal officiel de la République française en application de larticle L. 313-15 du code des juridictions financières ;

 

ARRÊTE :

 

Article 1er : M. Claude X... est condamné à une amende de 1 500 € (mille cinq cents euros).

Article 2 : M. Daniel Y... est relaxé des fins de la poursuite.

Article 3 : Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française.

 

 

Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, seconde section, le 16 juin deux mille dix-sept par M. Toutée, président de la section des finances du Conseil dÉtat, président ; MM. Boulouis et Dacosta, conseillers dÉtat ; Mme Vergnet et Mme Coudurier, conseillères maîtres à la Cour des comptes.

 

Notifié le 20 juillet 2017.

 

En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit art à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République ps les tribunaux de grande instance dy tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de pter main-forte lorsquils en seront légalement requis.

 

 

En foi de quoi, le psent arrêt a é sig par le président de la Cour et la greffière.

 

 

Le président,       La greffière,

 

 

 

 

 

 

Henri TOUTÉE      Isabelle REYT